sommaire
présidence de M. Roland du Luart
2. Avenir de l'école. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
M. Yannick Bodin.
Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie David.
Amendements nos 466, 473 rectifié, 467 de Mme Annie David, 272 de M. Yannick Bodin, 7 de la commission et sous-amendement no 641 de M. Michel Charasse ; amendements nos 477, 469 à 472, 547 rectifié, 474, 476, 475 rectifié de Mme Annie David, 139 de M. Michel Charasse, 174 rectifié bis de M. Yves Détraigne, 273, 181 de Mme Dominique Voynet, 132 rectifié bis de Mme Françoise Férat, 8 de la commission, 622 rectifié ter et 621 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly ; amendement no 9 de la commission et sous-amendement no 656 rectifié de M. Michel Charasse ; amendements nos 135 rectifié bis de Mme Françoise Férat et 468 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yannick Bodin, Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Michel Charasse, Ivan Renar, Mme Gisèle Gautier, M. Jean-Marc Todeschini, Mme Muguette Dini, M. Jean-François Voguet, Mmes Catherine Morin-Desailly, Marie-Christine Blandin, MM. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Josselin de Rohan. - Irrecevabilité de l'amendement no 468 ; retrait de l'amendement no 139 rejet des amendements nos 466 et 473 rectifié ; adoption de l'amendement no 272, les autres amendements et sous-amendements devenant sans objet.
Mme Annie David, M. Josselin de Rohan.
Suspension et reprise de la séance
MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre, Mmes Hélène Luc, Dominique Voynet, MM. Yannick Bodin, Ivan Renar, André Lardeux, Jean-Marc Todeschini, Roger Karoutchi, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jean-Luc Mélenchon, Jacques Legendre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Dominique Mortemousque.
Rejet, par scrutin public, de l'article modifié.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels après l'article 6
Amendement no 658 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yannick Bodin, Jean-Marc Todeschini.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Souhaits de bienvenue à un parlementaire russe
4. Questions d'actualité au Gouvernement
chaîne d'information internationale (c2i)
MM. Jacques Pelletier, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.
MM. Gérard Cornu, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
respect des droits de l'homme en tchétchénie
MM. Jean-Pierre Godefroy, Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
politique économique de la France
MM. Yves Détraigne, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
attractivité de la région nord-pas-de-calais et constitution d'un pôle de compétitivité
MM. Ivan Renar, Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
jeux olympiques de 2012 : bilan de la visite à paris du comité international olympique
MM. Jean-François Humbert, Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
élections aux chambres des métiers
Mme Bariza Khiari, M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur.
conséquences sur l'économie française de la hausse du prix du pétrole
MM. Alain Dufaut, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
délocalisation des eaux de source « perrier »
MM. Simon Sutour, Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
dette publique et déficit budgétaire en france
MM. Philippe Dominati, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
5. Avenir de l'école. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
Articles additionnels après l'article 6 (suite)
Amendement no 658 (suite) de la commission et sous-amendements nos 660 à 666 de Mme Annie David et 659 de M. Yannick Bodin. - Mme Annie David, MM. Yannick Bodin, Jean-François Voguet, Bernard Vera, Michel Billout, Mme Eliane Assassi, MM. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; Robert Hue, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Todeschini, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Hugues Portelli, Michel Charasse, Jacques Legendre, David Assouline. - Adoption, par scrutin public après une demande de vote unique excluant les sous-amendements, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 274 rectifié de M. Jean-Luc Mélenchon. - MM. Jean-Luc Mélenchon, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, M. Roger Karoutchi. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 479 de Mme Annie David. - Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.
Amendements identiques nos 10 de la commission, 275 de M. Yannick Bodin et 481 de Mme Annie David ; amendements nos 482 rectifié et 483 de Mme Annie David. - MM. le rapporteur, Jean-Marc Todeschini, Mme Annie David, M. le ministre. - Retrait des amendements nos 482 rectifié et 483 ; adoption des amendements nos 10, 275 et 481 supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 6 bis
Amendement no 197 de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 276 de Mme Dominique Voynet, 484 et 485 de Mme Annie David. - Mmes Dominique Voynet, Annie David, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Irrecevabilité des trois amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement no 277 de M. Yannick Bodin. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement no 504 rectifié de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Robert Hue. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 505 de Mme Annie David. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l'article 9 A
Amendement no 278 de M. Jean-Luc Mélenchon. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 508 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 509 de Mme Annie David. - MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre, Mme Eliane Assassi. - Rejet.
Amendement no 510 de Mme Annie David. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 87 de la commission et 511 de Mme Annie David. - M. le rapporteur, Mme Annie David, le ministre. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 9 A
Amendement no 657 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels avant l'article 9
Amendement no 513 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 512 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet. .
6. Modification de l'ordre du jour
MM. le président, Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.
7. Avenir de l'école. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
Articles additionnels avant l'article 9 (suite)
Amendement no 514 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 515 de Mme Annie David. - Mme Annie David, M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.
Amendement no 517 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 516 rectifié de Mme Annie David. - Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 279 de M. Yannick Bodin et 519 de Mme Annie David ; amendements nos 520, 521 de Mme Annie David, 391 rectifié de M. Bernard Seillier, 88 à 90 de la commission et 424 de M. Yves Pozzo di Borgo. - MM. Yannick Bodin, Jean-François Voguet, Bernard Vera, le rapporteur, Yves Pozzo di Borgo, le ministre. - Rejet des amendements nos 279 et 519 à 521 ; adoption des amendements nos 88 à 90 et 424.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 9
Amendements nos 280 de M. Yannick Bodin et 522 de Mme Annie David. - M. Yannick Bodin, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 281 de M. Yannick Bodin et 523 de Mme Annie David ; amendement no 184 de Mme Dominique Voynet. - M. Yannick Bodin, Mmes Annie David, Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels avant l'article 11
Amendements identiques nos 282 de M. Yannick Bodin et 530 rectifié de Mme Annie David. - MM. Jean-Marc Todeschini, Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 283 de M. Yannick Bodin et 527 rectifié de Mme Annie David. - MM. David Assouline, Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 284 de M. Yannick Bodin et 528 rectifié bis de Mme Annie David. - M. Yannick Bodin, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Hélène Luc, M. Jacques Legendre. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 524 de Mme Annie David. - MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 525, 526, 533, 532, 529, 534, 531 rectifié de Mme Annie David, 91, 92 de la commission, 285, 185 de Mme Dominique Voynet et 202 de M. Hugues Portelli. - Mme Annie David, MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, Bernard Vera, Mme Dominique Voynet, MM. Hugues Portelli, Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le ministre. - Irrecevabilité de l'amendement no 185 ; retrait de l'amendement no 202 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 525 ; rejet des amendements nos 526, 285, 529, 534 et 531 rectifié ; adoption des amendements nos 91 et 92, les amendements nos 533 et 532 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11
Amendement no 203 de M. Hugues Portelli. - MM. Hugues Portelli, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 286 de M. Yannick Bodin. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 287 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 535, 541, 540, 537, 538, 536 de Mme Annie David, 288, 290 de M. Yannick Bodin, 289 de Mme Dominique Voynet, 93 et 94 de la commission. - Mme Annie David, MM. Yannick Bodin, Bernard Vera, Mme Dominique Voynet, MM. le rapporteur, Jean-François Voguet, Mme Hélène Luc, M. le ministre. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 535 ; rejet des amendements nos 288, 541, 289, 540, 536 et 290 ; adoption des amendements nos 93 et 94, les amendements nos 537 et 538 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12
Amendement no 223 de Mme Colette Melot. - Mme Colette Melot, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 12 bis
Amendement no 372 de M. Jacques Legendre. - MM. Jacques Legendre, le rapporteur, le ministre, le rapporteur pour avis, Jean-Marc Todeschini, Christian Cointat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 95 de la commission, 291 de M. Michel Charasse, 542 de Mme Annie David, 382 de M. Jacques Legendre et 186 de Mme Dominique Voynet. - MM. le rapporteur, Yannick Bodin, Mme Annie David, M. Jacques Legendre, Mme Dominique Voynet, MM. le ministre, le rapporteur pour avis, Hugues Portelli, Mme Hélène Luc. - Adoption de l'amendement no 95 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Articles additionnels avant l'article 13
Amendement no 96 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 198 rectifié de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Dépôt d'une proposition de loi
9. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Dépôt d'un rapport d'information
11. Dépôt d'un avis
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Avenir de l'école
Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école. (n°s 221, 234, 239.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, la parité va enfin être réalisée dans notre hémicycle ! Je constate que mes collègues hommes arrivent les uns après les autres ; ils ont sans doute emmené les enfants à l'école ! (Sourires.)
M. le président. Vous avez de l'humour, mon cher collègue.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6.
Article 6
Après l'article L. 122-1, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit garantir au moins l'acquisition par chaque élève d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour poursuivre et réussir sa scolarité, conduire sa vie personnelle et professionnelle et sa vie de citoyen. Ce socle comprendra :
« - la maîtrise de la langue française ;
« - la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
« - une culture humaniste et scientifique permettant l'exercice libre de la citoyenneté ;
« - la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ;
« - la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication.
« Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut conseil de l'éducation.
« Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l'examen de l'article 6 du projet de loi, article fondamental, je veux vous livrer une réflexion qui m'a été inspirée par la lecture du livre de Claude Thélot et de Philippe Joutard intitulé Réussir l'école.
Ces deux auteurs écrivent que, en matière de socle de connaissances, tout est dans l'exécution, ce que traduit François de Closets en ces termes : « le bonheur d'apprendre. »
En cela, ils rejoignent les propos d'Edgar Morin, qui, à la suite d'une mission sur l'école, rappelait que l'enseignement requiert un art qui n'est indiqué dans aucun manuel, mais que Platon ...
M. Michel Charasse. A quel groupe Platon appartient-il ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. ... avait désigné comme étant une condition indispensable à tout enseignement, l'éros qui est à la fois désir, plaisir et amour de transmettre.
C'est dire, monsieur le ministre, la nécessité de réinstituer le savoir dans l'ordre du désirable et de lui restituer sa place dans l'univers du symbolique.
C'est sans doute pour avoir omis cette dimension, que vous voulez réintroduire dans le projet qui nous est soumis, que nous avons au sein de notre école des enfants qui parcourent leur scolarité avec une insécurité, notamment une insécurité linguistique, sans précédent : enfants mal entendus parce que les questions qu'ils ont posées tout au long de leur apprentissage sont restées sans réponse, mais aussi enfants du malentendu parce qu'ils ont été confortés dans l'idée que la compréhension va de soi, qu'elle va sans dire et sans lire, pour peu qu'on les cantonne dans cet espace restreint.
Dans ce contexte, les enfants vont en classe exclusivement parce que c'est obligatoire, et la conséquence en est un désinvestissement personnel à l'égard des apprentissages élémentaires qui en feront des pauvres du langage, conduisant non seulement à des troubles du langage, mais aussi à des difficultés de concentration, à des conduites de fuite. Faute de mots, ils se serviront de leurs poings.
C'est dire aujourd'hui que la question de l'école et du socle de connaissances, comme celle de l'illettrisme, n'est pas d'ordre exclusivement technique, car elle serait alors réductrice et partielle. Elle appelle une réponse politique globale au sens où ce terme situe tout événement dans une relation inséparable de son environnement physiologique, médical, culturel, social, économique et politique.
Aussi, monsieur le ministre, les méthodes pédagogiques nous permettent de comprendre que, par la méthode enseignée, les pédagogies actuelles peuvent créer une confusion entre les différents niveaux de codage et de décodage ; plus encore, la question du socle de connaissances, de la lecture et de l'écriture traduit aussi quelque part le paradigme d'un nouveau tempo de la pensée puisque, aujourd'hui, le temps de la maturation de la pensée, nécessaire à toute compréhension, le temps de la genèse et de la filiation, laissent la place au temps du discontinu et de l'éphémère.
De plus, si la fonction d'autorité inhérente à tout apprentissage devient incertaine pour l'élève, celui-ci risque d'aborder l'école avec une certaine désaffection pour celle-ci : elle n'est alors qu'obligatoire. L'élève perdra alors la saveur d'apprendre, celle qui permet d'accéder à la signification des mots et des concepts, celle qui facilite la compréhension du monde, en dissipant peur et insécurité et en permettant de construire sa pensée. Cette saveur d'apprendre se construit bien évidemment non seulement à l'école élémentaire, mais également à l'école maternelle.
Telles sont les quelques observations que je tenais à formuler, mes chers collègues, alors que nous abordons l'examen de l'article 6, un article, je le répète, fondamental dans le projet de loi qui nous est soumis.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'affaire du socle commun est un débat déjà ancien qui nous amène à nous interroger sur le bilan que nous pouvons tirer de la « massification scolaire ».
Le socle commun vise à redéfinir le parcours scolaire des jeunes en faisant en sorte que ceux qui sont les plus en difficulté échappent finalement à un certain nombre de domaines de la connaissance, par exemple, en éducation physique, en sciences, en histoire-géographie, voire, dans certains domaines de la langue française et des mathématiques, tout ce qui relève, finalement, de l'abstraction et des savoirs les plus universels. Ils en seraient dispensés pour revenir à des connaissances instrumentales qu'ils ne maîtriseraient pas.
Le Gouvernement reprend une exigence de clarification de la « culture commune », que beaucoup partagent, mais en en donnant la définition la plus minimaliste qui soit et, du même coup, en préparant pour demain un tri des élèves en fonction de leurs origines sociales.
Toutefois, on ne peut pas faire une analyse du système éducatif si l'on n'examine pas sérieusement l'état actuel de l'institution avec le fait que les inégalités scolaires se sont maintenues, transformées et, parfois même, renforcées.
II faut se dégager des visions convenues qui se sont installées dans le débat scolaire entre « républicains » et « pédagogues », alors que l'on voit revenir en force l'idéologie du don, l'idée des talents, des goûts. Ainsi, lorsqu'un élève a envie de faire de la musique, d'apprendre le latin, d'étudier les arts, lorsqu'il se dirige vers l'enseignement professionnel, ou lorsque les filles vont vers des métiers sociaux et les garçons vers des métiers techniques, ce ne serait que l'expression des dispositions naturelles, venues d'on ne sait où.
Cette idéologie légitime les inégalités qui sont socialement construites. L'opposition entre savoirs concrets et abstraits, « l'intelligence de la main », notion chère à M. Raffarin, constituent le niveau idéologique le plus contestable. La segmentation de la population scolaire qui s'organisera à partir du socle commun et l'affaiblissement des dispositifs pédagogiques minimisent la possibilité de dédoubler les classes, de venir en aide aux élèves en difficulté.
Le grand mérite de l'étude qu'a publiée l'économiste Thomas Piketty sur les zones d'éducation prioritaires, est de montrer qu'une diminution forte des effectifs a un impact, car cela permet de réorganiser le dispositif pédagogique. Mais si diminuer le nombre d'élèves par classe revient à les faire passer de vingt-neuf à vingt-huit, cela n'aura aucun effet.
Or, les préconisations officielles de travailler plus par groupe, de s'attarder sur le travail d'un élève sans l'isoler pour revenir sur certains points, toutes modalités d'organisation pédagogique diversifiée qui sont aujourd'hui indispensables pour réussir l'école unique, sont impossibles à appliquer actuellement.
Malheureusement, ce qui se dessine, pour répondre à la difficulté, c'est de séparer les élèves et de créer des dispositifs sur le modèle de l'insertion qui vont préparer en douceur leur relégation.
Or, le socle commun telle que vous le définissez, monsieur le ministre, et les moyens affectés à l'éducation nationale participent d'une politique qui repose sur l'idée selon laquelle il faut renoncer à l'idéal d'une école pour tous et préparer les élèves les moins disposés à l'école à répondre à la demande des entreprises et au travail déqualifié.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C'est l'inverse !
Mme Annie David. Pour notre part, nous voudrions qu'une alternative sérieuse nous soit offerte.
Monsieur le ministre, votre politique ne peut que radicaliser les difficultés actuelles et faire de l'école une machine à produire des inégalités sociales. La vérité très forte qui ressort des prises de position des associations, des enseignants et des lycéens, c'est de dire qu'il y a une démission politique, un renoncement à penser collectivement les savoirs.
M. le président. Je suis saisi de vingt-cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 466, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons de supprimer cet article, et donc par là même le socle commun de connaissances.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Incroyable !
Mme Annie David. En effet, la notion de socle commun ne peut être définie a minima et dans une vision purement utilitariste.
A notre avis, ce que nous devons donner à nos élèves, c'est cette culture scolaire commune dont nous avons parlé hier soir, c'est-à-dire non seulement l'acquisition de connaissances, mais également des outils pour comprendre, trier, synthétiser, cerner des problèmes et les résoudre.
La simple restitution des connaissances n'est plus suffisante. C'est pourquoi il faut développer chez les jeunes de nombreuses capacités et initiatives. Les savoirs scolaires ne forment pas un tout homogène, chaque discipline a des objectifs particuliers : ceux de la technologie ou de l'éducation physique ne sont pas les mêmes que ceux des mathématiques ou du latin, mais ils concourent tous à faire grandir l'élève, à enrichir sa personnalité et sa vision du monde, à développer sa capacité de jugement et à porter sur le monde un regard critique à partir de connaissances socialement reconnues.
Cette culture équilibrée permet de rentrer en contact avec les oeuvres humaines dans chaque discipline, surtout celles qui donnent les clés pour accéder à toutes les autres. Elle permet d'accéder à des valeurs universelles, car tout ne se vaut pas. Elle conduit également à comprendre le monde pour débattre, agir, s'exprimer, à partir de solides connaissances dans les principaux domaines scientifiques, littéraires, techniques, artistiques, physiques et sportifs et dans celui des sciences humaines. Elle permet enfin de travailler le rapport des élèves à leur corps et de former des citoyens responsables et éclairés.
Ce que nous proposons aux élèves, mes chers collègues, c'est de construire une culture commune jusqu'à la fin du cycle tout en permettant l'accès à des spécialisations.
Nous voulons concevoir des programmes moins chargés en connaissances à mémoriser et plus exigeants sur le plan des notions, des pratiques et des raisonnements, coordonner les programmes et lutter contre la hiérarchie des savoirs en revalorisant des enseignements dédaignés.
Pour éviter la sélection précoce, il faut disposer de vrais moyens permettant de différencier les pédagogies, de prévoir des groupes réduits, le dédoublement de classe et d'avoir de réelles marges de manoeuvre sur le plan pédagogique, tout en respectant des horaires, des programmes nationaux et des temps communs d'apprentissage dans des classes moins chargées avec des professeurs qui travaillent mieux ensemble.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons nous contenter du socle commun que vous proposez, monsieur le ministre, et nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 473 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« Art. L. 122-1-1 - L'obligation scolaire a pour objet de garantir à tous les jeunes l'accès à une culture commune riche, équilibrée, diversifiée. Celle-ci doit permettre de comprendre le monde, d'accéder à des valeurs universelles, à l'esprit critique, à de solides connaissances et compétences dans les domaines des sciences, des langues, des mathématiques, de la technique, des arts, des activités corporelles et sportives, des humanités..., de développer sa personnalité, d'accéder à un niveau élevé de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et d'exercer sa citoyenneté.
« La réussite de tous les jeunes passe indissociablement par l'accès à la maîtrise d'objectifs généraux, comme les capacités à travailler en groupe, à être autonome, à prendre des responsabilités, à s'exprimer et à argumenter, à poursuivre un projet, à travailler et à s'entraîner pour progresser par l'accès aux connaissances et compétences portées par l'ensemble des disciplines scolaires constitutives des programmes actuels.
« A cet effet, un travail permanent sera réalisé, en liaison avec les programmes qui doivent exprimer ces exigences, être régulièrement revus et harmonisés, pour définir, au plan disciplinaire comme interdisciplinaire, ce que les jeunes doivent véritablement savoir et savoir faire à chaque niveau de la scolarité pour accéder aux différentes cultures proposées, et permettre à chacun des dépassements ambitieux. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous l'avez compris, nous sommes tout à fait hostiles à la notion de « socle commun ». C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, parmi d'autres, cet amendement.
Sur le plan des analyses des capacités cognitives des élèves, monsieur le ministre, votre conception ne correspond pas aux études des spécialistes, qui, tant bien que mal, tentent encore de faire des sciences de l'éducation ou de la recherche pédagogique.
La culture, quel que soit le niveau où on la situe, ne saurait se réduire ni à un empilement de connaissances ni au simple apprentissage de quelques savoir-faire. Elle résulte, au contraire, de la confrontation de la personne en train de se construire - qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte - avec une multitude de savoirs et de comportements diversifiés. A ce stade, il n'y a pas de place pour distinguer entre ce qui serait fondamental et ce qui serait secondaire. Une telle différenciation vient ultérieurement.
Le socle que vous nous proposez, monsieur le ministre, présente la caractéristique essentielle d'être très en retrait par rapport aux programmes actuels de l'école primaire, si ce n'est l'introduction de la « maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ». A l'heure actuelle, les enfants maîtrisent très bien ces techniques, dès lors qu'ils ont la possibilité d'avoir un ordinateur ! S'il ne s'agit que d'une question de technique, il n'y a pas de souci à se faire.
J'indique par ailleurs que la plupart des professeurs des écoles, quand ils ont eu la possibilité d'être assistés par des aides-éducateurs, notamment des emplois-jeunes, ont initié les élèves à l'informatique. Cet apprentissage se fait très rapidement, quelles que soient les connaissances et le degré de maîtrise de la lecture et de l'écriture des élèves d'ailleurs.
Contrairement à vous, monsieur le ministre, nous défendons, dès l'école maternelle et jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, de manière progressive et graduée mais ininterrompue, le développement d'une culture adaptée aux exigences de la « société de la connaissance », dont vous vous faites le chantre.
Cette culture doit valoriser et permettre à tous de « mettre à distance » les techniques, les histoires, les cultures autres et la sienne propre, les langues nationales aussi bien que régionales, les valeurs qui sont le fruit de tous ces savoirs et en particulier celles dont sont porteurs les jeunes, quelles que soient leurs origines sociales, culturelles ou ethniques. Enracinée dans le passé, mais ouverte sur l'avenir, articulée aux pratiques sociales, au travail et à la citoyenneté, elle intègre sans hiérarchies et sans discriminations toutes les formes de l'expérience et de la connaissance, y compris physiques et artistiques, technologiques, professionnelles, philosophiques, qui sont tout aussi « fondamentales pour l'épanouissement de l'individu » que les cultures linguistiques, par exemple.
Vous me rétorquerez, monsieur le ministre, que 10 % des élèves ne savent ni lire ni écrire à la fin de leur parcours scolaire. Il s'agit là des objectifs de l'éducation nationale ! Les objectifs que vous fixez aujourd'hui ne sauraient être ceux de l'école de Jules Ferry qui a institué l'école obligatoire. Quand 80 % des Français n'allaient pas à l'école, il était tout à fait normal que les objectifs fussent d'apprendre à lire et à écrire ; ce fut d'ailleurs une sacrée aventure ! Comment affirmer aujourd'hui que les objectifs se réduisent à un socle commun ? Pensez-vous vraiment que les enseignants n'ont pas pour objectif d'apprendre à lire, écrire et compter à l'école primaire ? (M. Josselin de Rohan s'exclame.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. C'est consternant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La seule question qui vaille est de savoir pourquoi 10 % des enfants n'assimilent pas l'apprentissage de l'écriture, de la lecture et du calcul. Les causes sont sociales, psychologiques, éducatives, pédagogiques. Mettons en chantier ce travail et faisons en sorte que ces élèves sachent lire, écrire et compter !
M. Ivan Renar. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« Art. L. 122-1-1- - La scolarité obligatoire doit garantir l'acquisition par chaque élève d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture et fixe six objectifs :
« - la connaissance approfondie des principes et des règles de la République ;
« - des objectifs linguistiques : la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère ;
« - des objectifs culturels, en abordant l'ensemble des savoirs scientifiques et artistiques, littéraires et philosophiques ;
« - des objectifs de pratiques physiques et sportives en axant sur la maîtrise du corps et l'apprentissage de la vie en collectivité
« - des objectifs technologiques permettant de faire découvrir aux élèves la culture scientifique et technique ;
« - des objectifs d'apprentissage pour construire la citoyenneté des élèves.
« Les objectifs principaux de cet ensemble de connaissances doivent permettre aux enfants et adolescents de penser, de raisonner, de s'exprimer, de développer une réflexion et un jugement autonome, d'être formé à la vie en société et au respect d'autrui, d'être des citoyens, de maîtriser leur corps. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement tend à récrire l'article 6, qui définit le « socle commun ». A l'heure actuelle, nous sommes tous favorables à l'idée de mettre en place un socle commun. Pour autant, il est nécessaire de poursuivre le dialogue de façon qu'aucune ambiguïté ne subsiste.
Pour notre part, nous jugeons ce « socle commun » réducteur dans la mesure où la pratique sportive, l'acquisition de savoirs artistiques et la culture technologique en sont les trois grands oubliés.
Je veux bien admettre avec vous, monsieur le ministre, qu'il n'est sans doute pas nécessaire d'être un bon sprinteur ou de savoir sauter à la corde pour être apte à entrer en sixième ou en seconde. Ce n'est pas déterminant, en effet. Pour autant, dans la pratique quotidienne des enseignements, il ne saurait être question pour nous de laisser penser aux enfants et aux familles qu'existeraient, d'un côté, des matières obligatoires, nobles et, de l'autre, des matières secondaires ou superflues, sous prétexte qu'elles ne seraient pas de même importance dans l'évaluation de l'élève.
Pour éviter cette situation et pour rendre toute leur place à ces enseignements, nous souhaitons que ces trois éléments figurent dans le socle commun. Je reste néanmoins sensible à la distinction que vous avez établie hier, monsieur le ministre, entre les acquis indispensables pour passer dans la classe supérieure et ceux qui le sont sans doute moins.
M. le président. L'amendement n° 467, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« La scolarité obligatoire doit au minimum garantir l'acquisition par chaque élève d'un ensemble de connaissances et de compétences indispensables appelé culture scolaire commune. Celle-ci est définie dans ses contenus et sa conception même par le Conseil supérieur de l'éducation nationale sur proposition du Conseil national des programmes. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes toujours dans la même logique. Je regrette que le débat n'ait pas lieu sur ce sujet. Il aurait pourtant été intéressant, puisque nous ne sommes pas d'accord sur ce qu'il faut entendre par objectifs de socle commun pour l'éducation nationale aujourd'hui. C'est dommage.
Peut-être pourrions-nous savoir si sera engagée une réflexion nouvelle sur les contenus d'enseignement, qui permettrait de savoir ce qui n'entre pas dans le système scolaire. De nombreux enseignants - peut-être pas tous - y sont prêts. Ce sujet est très important !
Le socle commun serait-il maintenant l'objectif principal des enseignants du premier cycle ? Cette question est vraiment essentielle et mériterait autre chose que, d'un côté, votre silence et, de l'autre, notre énervement.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
La scolarité obligatoire doit au moins garantir l'acquisition par chaque élève d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Cet amendement tend à modifier la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, du point de vue rédactionnel, le présent est préférable au futur. Il vaut donc mieux dire que le socle « comprend » plutôt qu'il « comprendra ».
Par ailleurs, dans la mesure où le socle commun est un tremplin permettant d'aller plus loin, il faut préciser qu'il est une condition première non seulement pour réussir sa scolarité, mais aussi pour poursuivre sa formation au-delà de la scolarité obligatoire.
Enfin, la référence à la notion de « vie en société », qui est plus large que celle de « vie du citoyen », intègre la dimension du « vivre ensemble ».
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 641, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 7 pour rédiger le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
doit au moins garantir l'acquisition par chaque élève d'un
par les mots :
offre à chaque élève la possibilité d'acquérir un
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel qui vise, sans changer le fond et quoi que je puisse en penser d'ailleurs, à rédiger autrement l'amendement n° 7.
Chers collègues, je ne sais pas ce que veut dire « garantir l'acquisition ». J'emploie le verbe garantir quand je signe un contrat avec une compagnie d'assurances : si j'ai un accident, elle me garantit un remboursement et je l'obtiens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là aussi ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Comment garantir qu'un élève qui ne veut pas travailler travaillera quand même et sera obligé de le faire ? Comment garantir qu'il réussira ? Tout cela, ce sont des paroles en l'air !
Mme Hélène Luc. Si l'on ne prend pas les mesures qu'il faut !
M. Michel Charasse. On ne peut pas garantir ! Le français a un sens ! Or il est préférable de remplacer les mots « doit au moins garantir l'acquisition par chaque élève », par les mots « offre à chaque élève la possibilité d'acquérir ». Ce n'est pas la même chose ! Le service est offert, il est organisé, si l'élève veut vraiment travailler, il le peut et l'éducation nationale doit l'aider à cette fin.
Tel est l'objet, tout modeste, de ce sous-amendement. En le présentant, je ne suis animé d'aucune arrière-pensée désagréable à l'égard de la commission et du rapporteur, parce que ce texte est vraiment très difficile à écrire.
Je profiterai de cette intervention pour dire que je ne sais toujours pas ce qu'est le « socle commun ». Le dictionnaire Petit Robert définit le mot « socle » de la façon suivante : « Base sur laquelle repose un édifice » - Où est l'édifice ? Un édifice, c'est un bâtiment ! - « une colonne » - Où est la colonne ? On pourrait dire l'échine souple. Là, c'est la colonne- « ou qui sert de support à une statue, une pendule, une lampe, un vase. Un Bouddha [...]. Plateforme, soubassement. Socle continental, sur lequel reposent les mers peu profondes. »
A force d'introduire dans la loi du langage de cour de récréation d'un quartier un peu difficile, on finit par écrire n'importe quoi !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Mais non, c'est très clair !
M. Josselin de Rohan. Le Dictionnaire de l'Académie française est meilleur !
M. le président. L'amendement n° 477, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
d'un socle commun
par les mots :
d'une culture scolaire commune de haut niveau
II. A la fin du même alinéa, remplacer les mots :
ce socle
par les mots :
cette culture scolaire commune
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. La culture peut se définir comme l'acquisition de connaissances, mais aussi comme l'ensemble des outils permettant de comprendre, trier, synthétiser, cerner les problèmes et de les résoudre. En d'autres termes, elle est tout ce qui permet l'épanouissement des capacités humaines.
La simple restitution des connaissances n'est plus suffisante, mais elle peut répondre aux ambitions de former un individu adaptable, peu réactif et finalement asservi. Notre objectif est, au contraire, de développer chez les jeunes capacités et initiatives.
En effet, les savoirs scolaires ne forment pas un tout homogène. Chaque discipline a des objectifs particuliers : ceux de la technologie ou de l'éducation physique ne sont pas ceux des mathématiques ou du latin. Pourtant, tous concourent à faire grandir l'élève, à enrichir sa personnalité et sa vision du monde, à développer sa capacité de jugement, à lui permettre de porter sur le monde un regard critique à partir de connaissances socialement reconnues. Une culture équilibrée permet de rentrer en contact avec les oeuvres humaines dans toutes les disciplines, surtout celles qui donnent des clés pour accéder à toutes les autres.
C'est pourquoi, à une époque où le brassage humain et culturel est de rigueur, nous préférons l'expression de « culture scolaire commune de haut niveau » à celle de « socle commun », qui fait oublier la raison d'être de l'éducation nationale : l'instruction et l'éducation.
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la maîtrise des principes de la morale civique ;
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'amendement n° 139 vise à compléter l'énumération de ce que l'on appelle le « socle commun » - d'une façon que je comprends, mais qui est impropre - en ajoutant à l'ensemble des connaissances de base qui est nécessaire à l'éducation des enfants et des élèves « la maîtrise des principes de la morale civique ».
Je voudrais dire à cet égard que, même si les temps changent, même si les choses évoluent, les principes de l'école publique, tels qu'ils ont été fondés par Jules Ferry, demeurent dans un certain nombre de domaines, dont celui-là.
Je voudrais rappeler, pour ceux de nos collègues qui l'auraient oublié, ce que Jules Ferry écrivait aux instituteurs de France le 17 novembre 1883 à ce propos : « En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous décharger de l'enseignement moral ; c'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul. [...]Vous n'avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens. » Il s'agit de transmettre aux élèves « avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j'entends simplement cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et mères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre en peine d'en discuter les bases philosophiques. Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille : parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parlât au vôtre ; avec force et autorité toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune ; avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge. »
Et Jules Ferry poursuivait en disant que les instituteurs devaient enseigner « la sagesse du genre humain », c'est-à-dire « une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité ». Et il terminait par ces mots : « vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant. »
Moi, monsieur le président, ayant été, comme beaucoup d'entre nous ici, élève de l'école publique, je me souviens que, le matin, nous commencions la journée par la leçon de morale.
M. Adrien Gouteyron. Eh oui !
M. Michel Charasse. C'est parce que, après la loi Jules Ferry, les enfants de la IIIe République ont été éduqués de cette manière que la nation, la République française ont pu se constituer. Quand je dis la « nation », c'est parce que c'est la nation éduquée par l'école de la République qui est allée en 1914 - 1918 dans les tranchées, qui a gagné la guerre, qui a préservé la France, parce que celles et ceux qui étaient, à ce moment-là, au combat et qui défendaient leur pays avaient reçu de l'enseignement public un certain nombre de notions, un certain nombre de valeurs parmi lesquelles il y avait, bien sûr, les fondements de la République, mais aussi la morale, la simple et bonne morale dont parlait Jules Ferry.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il serait dangereux, monsieur le ministre, de ne pas maintenir, non pas cette tradition, mais cette règle de bon sens, que je propose par cet amendement, c'est-à-dire la maîtrise des principes de la morale civique dans la base commune, dans l'ensemble commun ou dans le socle commun, comme vous voudrez, de notre enseignement.
M. le président. L'amendement n° 174 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mmes G. Gautier, Férat et Payet, MM. Deneux, J.L. Dupont, Nogrix et Badré, Mme Dini, MM. C. Gaudin, Pozzo di Borgo et Merceron, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« - la maîtrise de l'écriture, de la lecture et de l'expression orale en langue française ;
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Cet amendement s'inscrit dans le prolongement des propos tenus hier au soir par notre collègue Yves Détraigne. Il a pour objet d'insister sur l'importance qui s'attache à former les élèves, non seulement à la lecture de la langue française, mais aussi à son orthographe et à sa syntaxe.
M. le président. L'amendement n° 469, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par les mots :
écrite et parlée
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L'apprentissage de la langue française exige, pour une bonne et audacieuse maîtrise de la communication humaine, l'acquisition parallèle de l'écrit et du parlé. Cette constatation est liée aux problèmes soulevés par l'illettrisme et par l'utilisation des technologies nouvelles à venir. Encore une fois, si cette précision « écrite et parlée » paraît nécessaire, c'est que le choix de l'expression « socle commun » de préférence à « culture commune » signifie que l'on a évacué l'aspect culturel des textes pour ne s'occuper que des questions de grammaire et de syntaxe, par exemple. Or il ne faut pas se contenter des contenus ; ce qui permet de comprendre un texte et, plus largement, de maîtriser une langue, c'est de pouvoir mettre en relation ces mots avec des univers hors textes, comme la culture.
Pour réussir dans ce projet, il faut aussi avoir les moyens de ses ambitions et, pour que chacun puisse maîtriser la langue française, il faut que tous les élèves aient les mêmes moyens d'accès aux laboratoires de langues, à toutes les technologies nécessaires. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, par les mots :
et les bases du raisonnement mathématique
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Nous souhaitons ajouter les mots : « et les bases du raisonnement mathématique », car, pour nous, l'enfant ne doit pas maîtriser seulement les éléments de mathématiques, mais également la méthode de raisonnement.
M. Michel Charasse. Dans les temps modernes, il vaut mieux être calculateur !
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Dini, M. J.L. Dupont, Mme Payet, MM. Détraigne et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« - une culture humaniste, scientifique et historique permettant l'exercice libre de la citoyenneté ; »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Donner à chaque élève un niveau de connaissance et de compétence indispensable à la réussite de sa vie personnelle, professionnelle et citoyenne, telle est l'ambition de la maîtrise du socle commun.
L'avenir d'un individu, tout autant que sa participation à la vie démocratique, dépendant aussi d'une meilleure appréhension des phénomènes historiques, il nous semble indispensable d'affirmer explicitement la place de l'histoire et de la géographie au sein de ce socle commun. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
« - une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement prévoit de substituer à la formule « exercice libre de la citoyenneté », qui nous semble vague et ambiguë, celle de « libre exercice de la citoyenneté », qui renvoie davantage aux notions de libre arbitre, de jugement et de responsabilité.
M. le président. L'amendement n° 471, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la pratique de l'éducation physique et sportive.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Pour la première fois depuis que l'école de la République existe, l'éducation physique et sportive n'est donc plus jugée indispensable à l'éducation des jeunes. C'est du moins ce qui ressort de la lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre, puisque les activités physiques et sportives se trouvent exclues du socle commun des connaissances et des compétences proposé dans cet article. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Jean-François Voguet. Si cet amendement n'était pas retenu, cet article entraînerait une nouvelle hiérarchie des savoirs enfermant les activités physiques, corporelles et sportives dans le seul registre des divertissements et le réduisant à une sorte de sous-culture. Ce serait oublier que ces activités occupent désormais une place déterminante dans la société, comme dans la vie de beaucoup d'entre nous.
Ce serait ignorer que ces activités sont au coeur du développement personnel de la vie des jeunes et qu'elles constituent des leviers considérables d'éducation.
Parce qu'elles sont créatrices de liens sociaux au sein de l'école, ces activités participent à l'harmonie de la vie dans la collectivité.
L'ancrage de l'éducation physique et sportive dans l'école en fait l'un des vecteurs importants du respect d'autrui, de l'acceptation des différences et, plus largement, d'une certaine conception de la citoyenneté.
Malgré tout, vous jugez que cela ne serait pas indispensable à l'éducation de tous les jeunes. C'est d'autant plus incompréhensible que 2004 a été l'année internationale du sport et que 2005 a été déclarée par l'Assemblée générale de l'ONU « année internationale du sport et de l'éducation physique ». Quelle contradiction quand on voit le peu de considération qui est accordée aux activités physiques et sportives au moment où notre pays se mobilise autour de la candidature de Paris pour les jeux Olympiques de 2012 !
Pour toutes ces raisons, nous voterons, bien sûr, cet amendement, non sans avoir insisté auprès de chacun d'entre vous, chers collègues, pour que cette réforme prenne en compte les activités physiques et sportives comme élément constitutif du socle commun obligatoire.
M. le président. L'amendement n° 622 rectifié ter, présenté par Mmes Morin-Desailly et Dini, M. Nogrix, Mme Férat, MM. Jégou, Pozzo di Borgo et J.L. Dupont, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la maîtrise du corps ;
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. La maîtrise du corps, plus largement que l'éducation physique et sportive, est une dimension fondamentale pour le développement de l'individu : le corps est l'outil premier de notre relation à autrui et au monde. Il s'agit ici de défendre non pas exclusivement une discipline en tant que telle, encore qu'elle soit importante, mais, plus généralement, l'idée qu'au terme de sa scolarité l'élève aura dû acquérir une bonne connaissance de lui-même et de l'autre. Cela passe, bien sûr, par l'apprentissage de notions fondamentales relatives à la santé et à la sexualité - d'où l'importance de la présence d'une infirmière par établissement -, mais aussi par l'apprentissage à l'hygiène de vie et également par la pratique d'activités physiques et - pourquoi pas ? - d'activités artistiques. Je pense, par exemple, au chant choral, qui permet d'apprendre à poser sa voix, à maîtriser sa respiration, à se situer dans un groupe.
M. René-Pierre Signé. Absolument !
Mme Catherine Morin-Desailly. C'est aussi l'occasion d'adopter la posture adéquate.
Il est vrai que l'éducation physique et sportive, qui participe pleinement à cet apprentissage de la maîtrise corporelle et au développement de capacités motrices, concourant à la santé et au développement personnel, doit rester une discipline enseignée à tous les niveaux de la scolarité. Elle doit même être plus largement encouragée à l'école primaire.
Il faut en souligner tous les bénéfices, car, au-delà de l'activité physique en tant que telle, l'enseignement du sport contribue à l'épanouissement de chaque enfant ; il enseigne à l'élève le goût de l'effort, le goût de l'engagement, le dépassement de soi, l'esprit de groupe. C'est également un moyen, dans certains cas, de reconquérir l'estime de soi, et ce quel que soit le niveau des performances de l'élève.
Monsieur le ministre, cette notion ne peut, selon vous, figurer dans le socle, car vous imaginez mal, dites-vous, que l'on puisse imposer une obligation de performance qui, si elle devait ne pas être satisfaite, pénaliserait définitivement l'élève. J'entends bien votre argument et vous avez raison. Cependant, la manière d'évaluer les élèves aujourd'hui, et je prendrai l'exemple de la note de contrôle continu pour l'éducation physique et sportive au baccalauréat, ne se fonde pas sur ce seul critère, mais sur bien d'autres.
M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Voilà pourquoi il n'est pas bon que cela figure dans le socle !
Mme Catherine Morin-Desailly. Elle permet en tout cas à chacun de s'investir dans cette discipline à son rythme, en fonction de ses capacités propres, l'important étant de participer.
Aussi j'estime que cette notion de maîtrise du corps doit être inscrite dans le socle commun, car nous recherchons tous l'épanouissement des élèves. N'opposons donc pas le corps, dimension fortement négligée dans le système éducatif français, à l'esprit, car l'un ne peut se concevoir sans l'autre. Pour reprendre un vieil adage, un esprit sain ne se conçoit que dans un corps sain !
M. le président. Mens sana in corpore sano !
L'amendement n° 472, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, après les mots :
la pratique
insérer les mots :
écrite et parlée
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme vous le savez, nous ne sommes pas d'accord avec la définition du socle qui est proposée par ce texte, mais nous aimerions à tout le moins tenter de l'améliorer, si cela est possible.
Pour nous, l'apprentissage d'une langue vivante étrangère, tout comme celui de la langue française, exige l'acquisition parallèle de l'écrit et du parlé. Cette précision, que nous souhaitons apporter par cet amendement, est, une fois de plus, nécessaire, puisque l'apprentissage des langues, tel qu'il est défini dans cet article, paraît pour le moins incomplet.
Il convient, en outre, de réaffirmer, ici, que c'est d'une haute ambition qu'il s'agit, et que garantir à chacun la maîtrise d'une langue vivante étrangère écrite et parlée suppose des conditions de travail de qualité pour tous les élèves sans exception : laboratoires de langues, nouvelles technologies, notamment.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend à donner un peu plus de contenu, si cela est possible, à ce socle.
M. le président. L'amendement n° 547 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'acquisition d'une connaissance de l'expression artistique et culturelle, notamment francophone, favorisant la défense de la diversité culturelle.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement, toujours sur le contenu du fort discuté socle commun de compétences et de connaissances, porte sur la question de la connaissance de la réalité francophone et de la diversité culturelle.
L'un des enjeux du service public de l'enseignement réside, en effet, dans la perception que l'on peut laisser de la réalité du monde pour les élèves et les étudiants.
En effet, c'est peu de dire que la vision du monde qui s'impose de plus en plus et au plus grand nombre est une vision par trop unipolaire, attestée d'ailleurs, qu'on le veuille ou non, par la primauté de l'enseignement de l'anglais sur toutes les autres langues étrangères, avec tout ce que cela implique pour la connaissance des cultures et des civilisations relevant d'autres langues. C'est tout le problème de la globalisation. Permettez-moi une réflexion à ce propos.
Plus encore que le hamburger, c'est le ketchup qui est, pour moi, le symbole de cette globalisation ; il est synonyme d'uniformisation du goût. Je me souviens qu'il y a quelques années un mouvement s'était constitué contre la « néfaste food ». Lutter contre le hamburger peut paraître idiot ; mais ce n'est pas une question de survie de telle ou telle cuisine ou de telle ou telle gastronomie. Non ! Il s'agit d'une question de philosophie. Le hamburger comme le ketchup participent en effet d'une même volonté d'uniformiser le monde.
Pour demain, le programme est le suivant : un seul aliment, le ketchup, une seule chaîne de télévision, CNN, un seul modèle, les Etats-Unis. Oui, cela pourrait paraître un gag, mais cela nous renvoie à une stratégie, à une doctrine, comme on dit là-bas, la théologie de la sûreté, dans le monde, dans les têtes et dans les assiettes !
Pour revenir à cet amendement, la francophonie souffre, alors même que notre langue est théoriquement parlée dans un grand nombre de pays sur la planète, de cette imprégnation profonde de l'anglais et de la culture anglo-saxonne dont les manifestations sont diverses, allant des modes vestimentaires aux pratiques culturelles ou « gastronomiques » les plus actuelles.
Connaître, par conséquent, la diversité culturelle et le caractère tout à fait spécifique de la francophonie nous paraît devoir constituer un élément fondamental de la culture scolaire commune des élèves.
La francophonie vivante, c'est la connaissance des grands auteurs de l'Afrique noire, du Maghreb, du Proche-Orient, c'est la connaissance des métissages culturels qui en découlent, c'est la perception de l'originalité de la place de la langue française dans le concert international, mais c'est aussi rendre justice à l'histoire, qui nous a liés à nombre de ces pays dans le passé et dont nous sommes, en quelque sorte, tout autant redevables qu'héritiers.
La diversité culturelle, c'est la sensibilité à la création artistique dans sa pluralité, y compris, bien sûr, celle qui provient de la langue de Shakespeare et qui demeure trop souvent tronquée ou ignorée dans sa richesse réelle.
M. le président. L'amendement n° 621 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mmes Dini et Férat, MM. Jégou, Pozzo di Borgo et J.L. Dupont, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'éducation artistique et culturelle ;
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. L'éducation artistique et culturelle est un facteur essentiel à l'épanouissement des élèves et à leur réussite scolaire. Malheureusement, elle ne trouve pas toute sa place dans le cursus actuel et reste encore trop marginale. Elle est le fait d'interventions ponctuelles et localisées, voire expérimentales, selon l'investissement personnel et la bonne volonté de l'enseignant.
Pourtant, des expérimentations sont mises en place. Elles connaissent des résultats positifs et indéniables qui sont appréciés tant par les élèves que par leurs parents et les enseignants.
C'est pourquoi de nombreuses collectivités se sont engagées dans des conventions d'éducation artistique et culturelle avec l'éducation nationale, notamment à la suite de la mise en place du plan pour les arts et la culture.
Aujourd'hui, l'éducation artistique et culturelle se résume encore trop souvent, à l'école primaire, à l'investissement ponctuel d'un professeur particulièrement motivé ; au collège, c'est souvent un seul et même professeur qui enseigne, à raison d'une seule heure par semaine, le dessin ou la musique à environ 450 élèves, répartis, bien sûr, en plusieurs classes. Enfin, au lycée, en dehors des filières spécialisées, elle est réduite au rang d'option facultative.
Elle reste donc considérée, au cours de la scolarité obligatoire, comme un enseignement mineur. Il apparaît alors logique qu'elle figure dans l'ensemble des connaissances et des compétences indispensables enseignées pendant cette période.
Je précise ici qu'il s'agit, non pas d'inscrire une discipline supplémentaire dans le socle commun, mais d'intégrer le principe d'une sensibilisation permanente aux arts irriguant l'ensemble des disciplines.
Si, bien sûr, ce socle commun doit reposer - c'est important - sur un noyau dur de connaissances, il doit aussi s'appuyer sur des savoir-faire, des savoir-être et des compétences contribuant à l'épanouissement de l'individu.
Cette sensibilisation peut prendre différentes formes : la transmission des connaissances peut, par exemple, être associée avec un enseignement de l'histoire de l'art dès l'école élémentaire et à l'encouragement à la pratique artistique au-delà de l'enseignement traditionnel du dessin ou de la musique. Dans ce cas, il peut, le plus souvent possible, être fait appel, dans les classes, à des professionnels du monde de la culture.
Je pourrais citer encore bien des exemples.
Cela va dans le sens des préconisations du ministre de la culture, qui, dans la mise en oeuvre de sa politique en faveur de l'emploi artistique, souhaite favoriser le principe d'intervention des artistes en milieu scolaire, ce qui a, d'ailleurs, l'immense avantage d'oeuvrer à la constitution des publics de demain.
Je défends cet amendement parce que je suis convaincue que l'éducation artistique et culturelle constitue, dans un monde de plus en plus formaté et standardisé, le meilleur remède à la « téléculture », ennemie n° 1 de l'école.
Par ailleurs, sensibiliser les élèves à la culture constitue un moyen de faire en sorte qu'ils se l'approprient, qu'elle ne reste pas, pour eux, un objet extérieur, un pur ornement de l'esprit.
La sensibilisation aux arts permet aux élèves de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, de mieux connaître le sens des objets qui les entourent, de développer leur sensibilité, de se forger un point de vue personnel et critique.
Elle rend également possible un rapport plus riche avec le monde et une approche plus tolérante d'autrui.
A l'heure où la démocratisation culturelle fait figure de priorité - je pense, en particulier, à nos récents débats sur le spectacle vivant, mais aussi, et surtout, à la circulaire intitulée Pour une relance de la politique conjointe en matière d'éducation artistique et culturelle, que vous avez, monsieur le ministre, présentée conjointement avec le ministre de la culture - il faut profiter des possibilités qu'offre l'école pour éveiller les élèves à l'art, à la culture et à la création.
Cet amendement, qui vise à inscrire l'éducation artistique et culturelle dans le socle commun, permettrait, s'il était adopté, de rendre effective cette volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'éducation artistique et culturelle.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L'éducation artistique et culturelle est un facteur d'épanouissement personnel important et participe directement à la formation de l'esprit critique de nos jeunes concitoyens, non pas au sens « café du commerce », mais au bon sens du terme. Elle doit donc, à ce titre, être intégrée dans le socle des enseignements fondamentaux autour desquels doit s'organiser l'apprentissage scolaire.
En effet, les expériences pédagogiques engagées par plusieurs pays convergent toutes pour souligner l'apport incontestable des enseignements artistiques non seulement sur la construction de l'identité des individus, mais aussi sur les résultats scolaires de nos enfants, notamment les plus défavorisés.
Grâce à cette éducation du sensible et au développement des capacités d'imagination, l'enseignement artistique offre des garanties crédibles pour l'ouverture d'esprit des enfants et des adolescents.
A l'heure où la démocratisation culturelle fait figure de priorité, il serait également regrettable de se priver des possibilités qu'offre l'école pour éveiller les élèves à l'art, à la culture, à la création et pour permettre le développement de leur goût de la découverte.
Enfin, le combat collectif pour la diversité culturelle, qui réunit, au-delà des préférences partisanes de chacun, la quasi-totalité du corps social et politique de notre pays, ne peut prendre tout son sens que si les programmes et les enseignements scolaires comportent une éducation à l'art, à sa diversité comme à sa nécessité, sans perdre de vue l'essentiel, à savoir l'enjeu de civilisation que représentent, à notre époque, ces questions.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par les mots :
ainsi que de la résolution pacifique et non violente des conflits pouvant survenir dans un groupe humain
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par cet amendement, nous proposons d'ajouter, aux missions de l'éducation nationale, la résolution pacifique et non violente des conflits pouvant survenir dans tout groupe humain.
L'avenir de l'école passe par la qualification et l'actualisation des contenus de l'éducation. Or, enseignants et parents s'émeuvent et s'indignent de la montée de la violence, qui n'épargne pas l'école.
Comment pourrait-il, d'ailleurs, en être autrement, quand la société transpire de conflits et que les vidéos ou certaines émissions tardives de télévision, assidûment suivies par les élèves, étalent avec complaisance tout ce qui ressort de la loi du plus fort, agressions verbales et physiques, ainsi que meurtres en série ?
Seule l'école peut donner à voir et à vivre d'autres manières de résoudre divergences et conflits.
L'objectivation de l'objet du conflit, la séparation de l'affect et des faits, la distinction du procès d'intention et du réel, l'éducation à l'écoute de l'autre, le renoncement à l'intégralité de ce que l'on voulait imposer ou faire admettre, la négociation, la construction d'un accord et, donc, de l'apaisement, tout cela ne peut pas s'improviser, tout cela doit s'apprendre.
C'est pour ces raisons que nous voulons que dans la loi définissant les missions de l'école figure clairement la résolution pacifique et non violente des conflits pouvant survenir dans un groupe humain.
M. le président. L'amendement n° 474, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer l'alinéa suivant :
« Ces enseignements se feront en classes dédoublées.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous souhaitons étoffer un peu ce socle commun, que nous trouvons vraiment minime, en demandant à ce que les enseignements se fassent en classe dédoublée.
Compte tenu de l'importance que votre texte, monsieur le ministre, donne à ce socle commun de connaissances et de compétences, il nous semble opportun de réaffirmer ici que la prévention de l'échec scolaire - tel est votre but - exige de bonnes conditions d'enseignement et d'apprentissage.
L'une de ces conditions majeures est un nombre réduit d'élèves par classe et une équipe enseignante suffisante dans un cadre horaire pédagogiquement planifié.
Il paraît donc nécessaire d'insister sur le fait que ces enseignements de base doivent être compris et assimilés par l'ensemble des élèves. Tel est bien, d'ailleurs, l'esprit de votre texte.
Pour ce faire, une attention accrue de leur part est demandée, attention qu'il est difficile de conserver dans des classes entières. Il convient donc de mettre en place un système de classes dédoublées pour permettre à chaque élève de suivre ces enseignements dans des conditions optimales.
M. le président. L'amendement n° 476, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, supprimer les mots :
pris après avis du Haut conseil de l'éducation
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Il nous apparaît inopportun de faire du Haut conseil de l'éducation le lieu où sera décidé le contenu précis des enseignements faisant partie du socle commun.
Les craintes que nous pouvons avoir concernent essentiellement sa composition et, surtout, la désignation de ses membres. Des désignations faites exclusivement par le pouvoir politique ne garantissent pas l'indépendance de cette instance.
Nous tenons à rappeler ici l'importance du Conseil supérieur de l'éducation, qui regroupe en son sein des représentants de tous les acteurs du service public de l'éducation. C'est cette composition pluraliste qui garantit, de notre point de vue, la qualité du travail et l'indépendance de cet organisme. Nul n'a, d'ailleurs, formulé envers lui le moindre reproche quant à l'exercice de ses prérogatives.
Par cet amendement, nous réaffirmons donc notre attachement au Conseil supérieur de l'éducation, qui, de par sa composition, est le seul à pouvoir donner un avis sur les questions relatives à la pédagogie, aux programmes, aux modes d'évaluation et à toutes les questions concernant les objectifs et le fonctionnement du service public de l'éducation.
M. le président. L'amendement n° 475 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
après avis du Haut conseil de l'éducation
par les mots :
sur avis du Conseil national des programmes
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il convient ici de réaffirmer l'importance d'une instance comme le Conseil national des programmes.
Depuis sa création, en 1990, il donne des avis et adresse des propositions au ministre de l'éducation nationale sur la conception générale des enseignements, les grands objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et des champs disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au développement des connaissances.
Il est donc seul habilité à donner son avis sur le contenu précis de ce que vous appelez, monsieur le ministre, le « socle commun de connaissances et de compétences ».
La qualité du travail effectué par les vingt-deux membres de ce conseil depuis sa création, l'expérience de l'école qu'ils possèdent, ainsi que leur indépendance sont, pour nous, des gages suffisants pour réaffirmer notre confiance en cette instance.
De plus, monsieur le ministre, le Haut conseil de l'éducation, dont vous préconisez la création, ne saurait, par son recrutement exclusivement « politique », garantir une totale indépendance de la part de ses membres.
Le Conseil national des programmes doit donc conserver l'ensemble de ses prérogatives.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.
« Le socle commun est complété par d'autres enseignements, au cours de la scolarité obligatoire.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Par cet amendement, la commission souhaite, tout d'abord, insister sur l'importance de l'évaluation des connaissances et compétences indispensables du socle commun acquises par les élèves, évaluation qui doit intervenir à chaque étape de leur parcours, et pas seulement en fin de scolarité obligatoire, c'est-à-dire au passage du brevet.
Cette évaluation doit être suivie d'effets. C'est pourquoi il convient de préciser qu'elle sera prise en compte dans la poursuite de la scolarité.
Il s'agira, notamment, dans ce bilan de connaissances et de compétences acquises, tant d'identifier les principales difficultés rencontrées par chaque élève que de mesurer ses progrès et de valoriser ses points forts, pour qu'il garde confiance en lui.
Cette évaluation pourra, par exemple, aboutir à la mise en place d'un parcours personnalisé de réussite éducative, dont elle constituera la base de l'élaboration et du suivi.
Par ailleurs, cet amendement tend à ce que soit réintégrée, dans un souci de meilleure rédaction, la disposition introduite par l'Assemblée nationale à l'article 6 bis visant à rappeler que d'autres enseignements seront également proposés aux élèves au cours de la scolarité obligatoire, notamment pour leur permettre de trouver la voie de la réussite.
En conséquence, si le présent amendement est adopté, la commission proposera la suppression de l'article 6 bis, puisqu'il n'aura ainsi plus d'objet.
M. le président. L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Amoudry, Mme Dini, M. J.L. Dupont, Mmes Morin-Desailly et Payet et M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présente, avant la rentrée scolaire 2005-2006, une évaluation qualitative et quantitative des actions mises en oeuvre pour respecter les objectifs éducatifs arrêtés par la Conférence de Lisbonne en 2000. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Comme cela est précisé dans le rapport annexé au présent projet de loi, la France se doit de « favoriser la poursuite d'études supérieures dans un pays européen » et de « faciliter la recherche d'emploi sur les marchés français et européen du travail».
Pour permettre à la France de rattraper son retard dans le domaine de l'apprentissage linguistique, ce texte définit des grands principes, crée de nouveaux dispositifs et vise à développer des actions existantes.
Il nous semble donc indispensable que cette politique volontariste s'appuie sur une évaluation de notre situation actuelle au regard des objectifs communautaires.
M. le président. L'amendement n° 468, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Compléter in fine cet article par un paragraphe II ainsi rédigé :
II. - L'article L. 131-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, demeurant sur le sol français dès l'âge de trois ans révolus, jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
« Les maires ont l'obligation de recenser tous les enfants atteignant l'âge de deux ans dans l'année scolaire à venir habitant sur leur territoire et de les inscrire à l'école lorsque les familles le demandent. Ces informations sont publiques. Elles doivent être communiquées à l'inspecteur d'académie qui les prend en compte dans l'organisation de la carte scolaire. »
II. - En conséquence, faire précéder le texte de cet article par la mention I.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement, nous revenons sur l'obligation de scolarisation de l'âge de trois ans à l'âge de dix-huit ans.
Je vous rappellerai tout d'abord quelques chiffres que je vous ai déjà donnés hier : 98 % des enfants sont scolarisés en maternelle dès l'âge de trois ans ; 28 % des enfants de deux à trois ans le sont scolarisés ; 85 % d'une classe d'âge est scolarisée d'une manière ou d'une autre jusqu'à l'âge de dix-huit ans au moins ; l'âge moyen de sortie d'études et de dix-neuf ans.
De plus, il est primordial pour nous que l'appropriation d'une culture scolaire commune de haut niveau pour tous les jeunes soit un objectif fondamental de l'école obligatoire. Cet objectif devrait inspirer tous les programmes, toutes les disciplines, pour tous les élèves, de l'école maternelle au lycée, quel que soit le diplôme préparé et quelle que soit la filière choisie.
Afin de réduire les inégalités, il faut donc une scolarité obligatoire, capable, d'une part, d'offrir une formation initiale à tous les élèves et de répondre aux besoins sociaux, technologiques et scientifiques de la société du XXIe siècle, et, d'autre part, de faciliter ensuite, dans les meilleures conditions, la reprise éventuelle d'études en formation continue et une validation des acquis de l'expérience.
Dès lors, l'instruction obligatoire doit commencer dès l'âge de trois ans. Toutefois, les familles qui le souhaitent doivent pouvoir inscrire leur enfant à l'école dès l'âge de deux ans.
Il convient également d'assumer les hautes ambitions que nous avons pour l'école en rendant la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de dix-huit ans, afin de permettre ainsi à chaque jeune d'accéder à une culture scolaire commune de haut niveau.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 466, qui tend à supprimer le socle commun de connaissances et de compétences, ce qui est bien sûr contraire à la position qu'elle a adoptée.
L'amendement n° 473 rectifié vise à supprimer la définition du socle commun. Or, il s'agit d'une disposition centrale du projet de loi. Le socle commun permet de mieux hiérarchiser les priorités de l'école. Au contraire, cet amendement, qui est plutôt confus, introduit une définition complexe et peu lisible des objectifs de la formation scolaire. La commission y est donc défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 272. La nouvelle rédaction qu'il prévoit pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation dilue les priorités actuellement fixées dans le socle commun et en réduit donc la portée.
Par ailleurs, l'amendement n° 9 de la commission tend à rappeler que d'autres enseignements sont proposés aux élèves au cours de la scolarité obligatoire.
Quant à la connaissance des principes de la République, l'article 2 du projet de loi y fait déjà référence.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 467, qui tend à rebaptiser le socle commun en une « culture scolaire commune » et à revenir sur la prorogation du Conseil national des programmes, que nous avons évoquée il y a quelques instants.
S'agissant du sous-amendement n° 641, j'ai écouté avec attention l'exposé de Michel Charasse. Toutefois, je préfère la rédaction de l'amendement n° 7 de la commission à celle qu'il propose. En effet, celle-ci atténue, à mon sens, l'engagement pris dans l'article 6, alors que c'est lui qui lui donne toute sa portée.
M. Michel Charasse. Vous ne garantissez rien du tout !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 477. Les termes de « socle commun » sont plus parlants que ceux de « culture scolaire commune de haut niveau ». Ces derniers évoquent plus un objectif à atteindre qu'ils ne définissent les savoirs indispensables dont la maîtrise doit être garantie à chacun.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 139. Dans l'article 2 du projet de loi, la nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Nous avons aussi ajouté que ces valeurs sont obligatoirement enseignées.
Par ailleurs, le socle commun comprend déjà les éléments d'une culture générale indispensables pour permettre l'exercice de la citoyenneté.
L'article L. 312-15 du code de l'éducation garantit enfin à tous les niveaux de la scolarité un enseignement d'éducation civique. Il s'agit moins pour l'école de faire maîtriser les principes civiques que de les faire vivre et partager au quotidien, par tous les élèves, dans leur comportement.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 174 rectifié bis. Il ne semble pas utile de décliner dans le projet de loi les différents aspects que recouvre la maîtrise de la langue. De même, la commission est défavorable à l'amendement n° 469, dont l'objet est identique.
La commission est défavorable à l'amendement n° 273. La précision qu'il vise à introduire ne semble pas utile. En effet, la maîtrise des principaux éléments de mathématiques recouvre la notion de maîtrise des bases du raisonnement mathématique.
S'agissant de l'amendement n° 132 rectifié bis, la notion de culture humaniste permettant l'exercice libre de la citoyenneté recouvre les connaissances en histoire qui sont le fondement de notre culture commune et les clés indispensables à la compréhension du monde contemporain. Dans la mesure où le socle commun n'est pas un assemblage de disciplines, la précision que tend à apporter cet amendement ne semble pas nécessaire. Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement no 471, pour des raisons précédemment exposées.
S'agissant de l'amendement n° 622 rectifié ter, la maîtrise du corps est liée à la pratique de l'éducation physique et sportive. A ce titre, la commission a approuvé la disposition introduite par l'Assemblée nationale : les résultats d'EPS seront pris en compte dans le brevet. Il n'est pas question d'opposer le corps à l'esprit. Ces deux notions sont en effet tout à fait indissociables.
Toutefois, l'élément que tend à introduire cet amendement trouve mal sa place dans le socle commun des savoirs indispensables. Je demande donc à son auteur de bien vouloir le retirer.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 472. La précision qu'il donne est inutile, car elle est déjà sous-entendue par la référence à la pratique d'une langue vivante étrangère.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 547 rectifié, pour les raisons indiquées sur des amendements de même nature.
S'agissant de l'amendement n° 621 rectifié ter, la commission est sensible à l'importance de l'éducation artistique et culturelle. A ce titre, elle a donc proposé un certain nombre d'amendements visant à modifier le rapport annexé.
Toutefois, il convient de ne pas diluer le contenu du socle commun en y introduisant un élément supplémentaire.
Par ailleurs, l'article L. 121-6 du code de l'éducation reconnaît déjà la contribution des enseignements artistiques à la formation et à l'épanouissement de l'élève. Je demande donc aux auteurs de l'amendement n° 621 rectifié ter de bien vouloir le retirer.
Il en est de même s'agissant de l'amendement n° 470, dont l'objet est identique.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 181. Il est certes important de développer la notion de savoir-être, utile au vivre ensemble et à la vie en société, comme cela est d'ailleurs souligné dans l'amendement n° 7 de la commission.
De même, la note de vie scolaire instituée pour l'obtention du brevet prendra en compte le comportement des élèves dans l'établissement.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 474, qui tend à prévoir que l'ensemble des enseignements qui se rattachent au socle commun seront dispensés dans des classes dédoublées, ce qui n'est guère réaliste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela n'est pas réaliste, surtout quand il n'y a pas de moyens !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Seuls les cours de langue sont concernés, ce qui constitue une avancée extrêmement importante.
En ce qui concerne l'amendement n° 476, le Haut conseil de l'école créé par le projet de loi est une instance dont la composition garantit l'indépendance. La commission Thélot avait également proposé la création d'une telle instance. Nous ne souhaitons pas, bien sûr, la supprimer. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 475 rectifié. L'article 10 du projet de loi tend à abroger les dispositions instituant le Conseil national des programmes, qui sera remplacé par le Haut conseil de l'éducation.
S'agissant de l'amendement n° 135 rectifié bis, la plupart des objectifs chiffrés - évaluation du niveau de qualification et du taux des diplômés de l'enseignement supérieur, augmentation du nombre d'étudiants inscrits dans les filières scientifiques - qui sont fixés dans le projet de loi répondent aux engagements européens de la France dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.
Il en est de même du plan de renforcement de l'enseignement des langues vivantes étrangères défini dans le rapport annexé. Le délai que prévoit cet amendement - avant la rentrée 2005-2006 - semble trop court pour que de premières conclusions puissent être tirées.
En outre, le rapport que tend à prévoir cet amendement s'insère mal dans l'article du projet de loi relatif au socle commun ; il a davantage sa place dans le rapport annexé, à la suite de l'énumération des objectifs quantifiés fixés au système éducatif.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir retirer le retirer.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 468, dont l'objet est identique à celui des amendements nos 480 rectifié, 421 rectifié ter et 268 tendant à introduire des articles additionnels avant l'article 4 ou avant l'article 6 bis ou après l'article 6 bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. S'agissant de l'amendement n° 468, la commission des finances invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° 468 n'est pas recevable.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat que nous venons d'avoir peut se résumer à la question suivante : « que ne faut-il pas mettre dans le socle ? ». A écouter certains d'entre vous, rien !
Dans ces conditions, il n'y a pas de socle ! Dès lors, il n'y a ni réforme, ni soutien ; rien n'est changé dans notre organisation scolaire. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Le socle commun n'exclut aucune des ambitions de l'école. Il n'est pas réservé, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, à certains élèves. Il n'est pas question, en effet, de faire un tri entre les élèves dont l'apprentissage se limitera au socle commun et les autres. Tous les élèves reçoivent les mêmes cours, suivent les mêmes programmes.
Cette vision réductrice du socle commun ne s'appuie sur aucune réalité ! En fait, le socle commun constitue le coeur, le noyau dur des savoirs fondamentaux qu'il est indispensable de maîtriser pour pouvoir progresser dans les autres matières et dans sa scolarité.
Pour vous en convaincre, permettez-moi de vous citer les éléments d'une possible définition du socle commun, que donne le Conseil national des programmes :
« Le socle commun n'est pas une limite à l'enseignement, mais un instrument permettant de vérifier que les élèves peuvent continuer (...). »
Le socle commun présenterait « l'avantage de hiérarchiser les exigences des enseignants, de freiner la course à en faire toujours plus pour ne pas être accusé de faire baisser le niveau (...) ».
Il donne d'autres exemples, et, en vous les livrant, j'anticipe sur les travaux du Haut conseil de l'éducation et sur les décisions que prendra plus tard le ministre de l'éducation nationale sur le contenu du socle commun : « A la fin du CE1, par exemple, un élève devrait savoir lire seul et comprendre une consigne d'une à deux lignes. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
M. François Fillon, ministre. « S'il ne le peut pas, ce n'est pas la peine de le faire continuer. En fin de 6e, on pourra exiger qu'il lise un texte de deux pages et sache dire de quoi il parle. En écriture, un élève de CM2 devrait pouvoir écrire une phrase simple avec sujet, verbe et complément, en respectant les règles de ponctuation et en montrant une préoccupation de la correction orthographique. En 6e, il y ajoute un peu de lien. En expression orale, il devra pouvoir formuler plusieurs phrases simples avec des compléments circonstanciels.
« Comment y arriver ? En faisant, en primaire, deux heures quotidiennes - pas obligatoirement de suite - de lecture, écriture, orthographe. »
Selon une autre formule : « Le socle est une affaire d'ambition, celle de vouloir que les plus faibles aillent plus haut qu'aujourd'hui. Il ne vise pas à descendre tout le monde au niveau du socle mais à y faire monter ceux qui n'y sont pas. »
Mme Hélène Luc. Nous ne sommes pas d'accord !
M. Michel Charasse. Le socle est par terre : ils montent du sous-sol !
M. François Fillon, ministre. Tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez parlé de « débat ». Mais le débat consiste à s'écouter les uns les autres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous vous écoutons, monsieur le ministre !
M. François Fillon, ministre. Je vous ai écouté très longuement. Si vous le voulez bien, écoutez-moi maintenant définir ma vision du socle commun !
Si nous incluons dans ce socle toutes les matières qui concourent aujourd'hui à l'éducation des enfants, notre travail sera réduit à néant. Ainsi, faire figurer l'éducation physique et sportive dans le socle tel que je le conçois est évidemment un non-sens. En effet, cela signifierait que l'on refuserait le passage en sixième à un enfant dont les capacités en matière d'éducation physique et sportive, évaluées au cours de la scolarité primaire, seraient jugées insuffisantes. Cela signifierait également que l'on mettrait en place des heures de soutien pour un enfant dont la maîtrise du chant choral ne correspondrait pas au niveau requis. Qui, d'ailleurs, définirait ce dernier ?
On comprend bien que si cette notion de socle est conçue comme un objectif fondamental au coeur des programmes de l'école, elle ne peut pas comporter l'ensemble des disciplines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien le problème !
M. François Fillon, ministre. D'ailleurs, si tous ceux qui réfléchissent à cette question depuis longtemps ont voulu mettre en exergue cette idée de socle, c'est bien parce qu'il fallait définir des priorités au centre des programmes.
Telle est la conception du socle qui vous est proposée.
Tous les discours relatifs au SMIC culturel sont sans fondement, puisque tous les enfants continuent de suivre les mêmes programmes.
Ainsi, par exemple, la réforme que je vous propose ne supprime pas une seule heure de sport. L'éducation physique et sportive est visée par plus de trente articles du code de l'éducation et ces articles ne sont pas abrogés. Elle fait également l'objet d'évaluations régulières, tant au brevet qu'au baccalauréat. Elle est obligatoire à l'école. Ajouter cette discipline dans le socle commun aurait pour seule conséquence de ruiner la notion même de socle et de rendre inefficace le dispositif de soutien que nous prévoyons, sans rien changer à la pratique sportive dans les établissements scolaires.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 466, qui vise à supprimer l'article 6 du projet de loi. Il en est de même pour les amendements nos 473 rectifié, 272 et 467.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 7.
En revanche, il est défavorable au sous-amendement n° 641 parce que la conception du socle que je vous propose induit bien une obligation de résultat pour l'institution scolaire. Cette dernière doit, en effet, se donner les moyens de faire en sorte que tous les enfants maîtrisent les éléments du socle à la fin de la scolarité obligatoire. Or, la définition que suggère M. Charasse affaiblit cette obligation de résultat.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une obligation pour l'éducation nationale !
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 477.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 139, la morale civique est un enseignement obligatoire. Elle est contenue dans les programmes, mais elle n'a pas sa place dans le socle commun. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Il en est de même pour l'amendement n° 174 rectifié bis parce que la maîtrise de la langue française recouvre évidemment celle de l'écriture, de la lecture et de l'expression orale.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 469.
Mme Annie David. Pouvons-nous savoir pourquoi ?
M. François Fillon, ministre. Tout simplement parce que la précision que vous voulez introduire n'est pas nécessaire.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
M. François Fillon, ministre. Ajouter à l'expression « la maîtrise de la langue française » les adjectifs « écrite et parlée » revient à alourdir inutilement le texte.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 273, la maîtrise des bases de mathématiques comporte évidemment celle du raisonnement mathématique. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 132 rectifié bis. Les éléments de la géographie et de l'histoire sont évidemment inclus dans notre définition d'une culture humaniste et scientifique. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
En revanche, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 8.
Il est défavorable à l'amendement n° 471, qui vise l'éducation physique et sportive, pour les raisons que je viens d'expliquer. Il en est de même pour l'amendement n° 622 rectifié ter.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 472 et 547 rectifié.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 621 rectifié ter, il est inutile d'énumérer l'ensemble des disciplines dans la définition du socle commun, sinon il n'y aura pas de socle. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les amendements nos 470, 181 et 474.
J'en viens à l'amendement n° 476, qui tend à supprimer le Haut conseil de l'éducation. L'idée, qui a émergé des travaux de la commission Thélot, de confier à une autorité extérieure un regard en matière d'évaluation, de programmes, étant entendu que cette autorité n'est qu'un conseil, est importante. Je précise que c'est bien le ministre de l'éducation nationale qui garde la maîtrise des programmes, notamment. Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis défavorable.
Il en est de même pour l'amendement n° 475 rectifié.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 135 rectifié bis, comment introduire dans la loi les objectifs de la conférence de Lisbonne, qui vise un temps donné, alors que la loi s'inscrit sur une durée plus longue ? Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 656, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots :
d'une évaluation
insérer les mots :
par une autorité publique extérieure à l'éducation nationale
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, si vous le permettez, j'apporterai également des précisions sur le sous-amendement n° 641 ainsi que sur l'amendement n° 139, ce qui m'évitera de revenir sur ces points au cours des explications de vote. Au fond, le problème est le même.
J'en viens au sous-amendement n° 656. Par l'amendement n° 9, M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, nous propose le texte suivant : « L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation... » Je me pose la question de savoir par qui est réalisée cette évaluation. En effet, nous avons l'habitude de systèmes qui fonctionnent mal ou pas du tout à l'éducation nationale. Tout le monde sait ce qu'il en est de l'évaluation des universités : quand c'est très bien, on dit « c'est très bien », mais quand c'est très mauvais, on ne le reconnaît jamais. Tout juste dit-on : « il faudrait regarder si l'on pourrait... ».
Et si les inspections effectuées à l'école primaire, elles restent encore inopinées, au collège, les enseignants sont prévenus à l'avance. Grande conquête syndicale ! On imagine la suite...
Par le sous-amendement n° 656, je propose de préciser que l'évaluation est faite par une autorité publique extérieure à l'école. Lorsque j'ai rédigé ce texte, à la sauvette, j'ai écrit « à l'éducation nationale » alors que je voulais en réalité écrire « à l'école ». Aussi, je souhaite rectifier en ce sens ce sous-amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 656 rectifié, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots :
d'une évaluation
insérer les mots :
par une autorité publique extérieure à l'école
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Autrement dit, je propose que ce ne soient pas les personnels de l'école eux-mêmes qui fassent entre eux l'évaluation. La reproduction au sein d'un même groupe s'appelle « l'isolat biologique » et peut engendrer des choses curieuses !
J'en viens aux autres points que je souhaite aborder pour ne pas avoir à y revenir, je le répète.
Monsieur le rapporteur, lorsque vous écrivez dans l'amendement n° 7, point sur lequel M. le ministre est d'accord, que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir l'acquisition par chaque élève », cela signifie que si l'élève n'acquiert pas les connaissances comprises dans le socle commun, ses parents peuvent intenter une action devant le tribunal administratif et seront indemnisés parce que l'Etat n'a pas tenu ses engagements. Si la formule que vous avez retenue n'a pas cette signification, on ne peut alors pas dire que l'on garantit. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une autre formule dans le sous-amendement n° 641.
Je pense que M. le ministre et M. le rapporteur sont attachés au verbe « garantir ». Dans ce cas, j'accepte que l'on écrive « doit au moins garantir à l'élève qu'il pourra acquérir un socle commun ». Ce n'est pas la même chose. Si, un jour, un tribunal administratif veut embêter l'Etat et le condamne, on ne s'en sortira pas.
Monsieur le président, je ne tiens pas particulièrement à ma rédaction parce que cette loi est épouvantable à écrire, mais si l'on retenait la formule « doit au moins garantir à l'élève qu'il pourra acquérir un socle commun », on n'engagerait pas l'Etat sur des voies dangereuses.
Je cherche à être efficace, quoi que je pense sur le fond de ce projet de loi, et à faire en sorte que ne parte pas de notre assemblée, comme de l'Assemblée nationale, un texte qui ne veut pas dire grand- chose, en tout cas certains de ses points ! (Rires)
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 641 rectifié, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 7 pour rédiger le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
doit au moins garantir l'acquisition par chaque élève d'un
par les mots :
doit au moins garantir à l'élève qu'il pourra acquérir un
Veuillez poursuivre mon cher collègue.
M. Michel Charasse. J'en arrive à la morale civique. Au fond, l'amendement n° 139 que j'ai présenté peut relever de l'instruction ministérielle, comme beaucoup d'autres sujets dans ce texte.
La question est simple : monsieur le ministre, peut-on rétablir, au moins à l'école primaire, la règle selon laquelle l'enseignement commence chaque matin par une leçon de morale de dix minutes, comme on le faisait autrefois et comme la majorité de mes collègues présents dans cet hémicycle l'ont expérimenté lorsqu'ils étaient eux-mêmes à l'école ? Dispenser dix minutes de morale en début de classe calme et permet de réfléchir à un certain nombre de choses.
Monsieur le président, pour ne pas faire perdre de temps à la Haute Assemblée, et parce que je suis conciliant et bienveillant, j'accepte de retirer l'amendement n° 139, tout en espérant que l'on remettra en vigueur la morale au sens de Jules Ferry.
Je me permets d'insister encore, afin d'épargner des ennuis à l'Etat et au service public, pour que l'acquisition par chaque élève d'un socle commun de connaissances ne soit pas garantie selon la formule retenue dans l'amendement n° 7 de la commission, et ce n'est pas une critique à l'égard de M. Carle. Il convient d'écrire que l'on garantit à chaque élève qu'il « pourra acquérir », ce qui est différent.
M. le président. L'amendement n° 139 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 656 rectifié et 641 rectifié ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 656 rectifié, comme M. Charasse, je suis très attaché à la notion d'indépendance et de neutralité. Simplement, je ne vois pas comment mettre en place cette autorité publique extérieure.
L'idée est séduisante, mais difficile à traduire dans les faits.
M. Michel Charasse. Cela peut vouloir dire : un enseignant venant d'une autre école.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Puisque vous parlez des enseignants, mon cher collègue, il faut leur faire confiance, car la réussite des élèves est d'abord la leur.
Par ailleurs, le Haut conseil de l'éducation doit procéder à une évaluation globale. On ne va pas lui demander d'évaluer chaque élève dans chaque établissement. Par conséquent, monsieur Charasse, je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 656 rectifié.
Quant au sous-amendement n° 641 rectifié, je souhaite que l'on conserve la rédaction initiale, quitte à causer quelques désagréments à l'Etat. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De mieux en mieux !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. On ne peut pas concevoir un système dans lequel ce ne sont pas les enseignants qui évaluent leurs élèves. Cela n'existe nulle part dans le monde Il faut leur faire confiance et, naturellement, leur donner des critères objectifs pour que cette évaluation soit la plus homogène possible. Ce sera, notamment, le travail du Haut conseil de l'évaluation.
M. Charasse, qui et très attaché à la protection des deniers publics, comprendra certainement très bien que la mise en place d'un système aussi complexe que celui qu'il imagine, faisant appel à des professeurs extérieurs pour évaluer les élèves dans leurs classes, aurait de lourdes conséquences financières.
Quant au second sujet, je souhaite que l'on en reste à la rédaction du Gouvernement, car il s'agit, pour moi, d'imposer à l'éducation nationale une obligation de moyens.
Un enfant qui, à la fin de la scolarité obligatoire, ne maîtrise pas les éléments du socle ne doit pas être « lâché » par l'éducation nationale : cette dernière doit continuer à l'accompagner, y compris au-delà de la scolarité obligatoire, en mettant en place les heures de soutien nécessaires pour qu'il maîtrise ces éléments. A défaut, nous n'atteindrons jamais l'objectif de 100 % de qualifications que nous nous sommes fixé.
M. Michel Charasse. Si ça ne marche pas, l'Etat sera condamné par le tribunal administratif !
M. le président. Monsieur Charasse, vos sous-amendements sont-ils maintenus ?
M. Michel Charasse. S'agissant du sous-amendement n° 656 rectifié, je comprends bien ce que veut dire M. le ministre et, bien qu'il ne me paraisse toujours pas très normal que les gens s'évaluent entre eux, je ne vais pas insister : je le retire.
En revanche, je maintiens le sous-amendement n° 641 rectifié, car « garantir » signifie quelque chose. Ou alors, nous ne faisons plus la loi, mais seulement des discours dans cet hémicycle !
M. le président. Le sous-amendement n° 656 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 466.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 473 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je profite de l'occasion que me donne cet amendement que j'ai moi-même défendu pour dire combien nous avons apprécié que M. le ministre intervienne pour mieux encore préciser sa conception du socle commun, car la conviction et même la passion - pour ne pas dire l'acharnement - avec lesquelles il nous a parlé du coeur de la mission, de l'objectif fondamental de l'éducation nationale nous confortent dans notre opposition totale à l'inclusion de cette notion de socle commun dans la loi.
Tout le monde peut s'entendre, du moins si les moyens suivent, ce dont nous doutons profondément, sur la nécessité d'évaluer, au fil de la scolarité, le niveau des élèves en lecture, en écriture et en calcul pour déterminer leurs besoins en heures de soutien.
Cela est, évidemment, parfaitement acceptable, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit, et l'éducation nationale ne peut pas avoir pour seule obligation de réussir à donner à tous les élèves ce socle minimal, qui est en totale opposition avec l'idée que nous nous faisons, nous, de la culture commune.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Je ferai d'abord, monsieur le président, une observation sur l'organisation de nos débats et, en particulier, sur le recours à la procédure de la discussion commune des amendements, procédure qui mérite à mon sens que l'on y réfléchisse. Au terme de cette discussion sur l'article 6, que j'ai pourtant suivie avec beaucoup d'attention et d'intérêt, je ne sais en effet plus sur quoi nous votons tant il y a eu d'amendements, ces amendements proposant tout et son contraire !
Après cette incidente, j'en viens au fond du débat, qui a été très instructif.
Mme Hélène Luc. En effet !
M. Josselin de Rohan. Il est clair, madame Borvo Cohen-Seat, que nous ne entendons pas du tout sur le socle commun, et je dois dire que je ne vous comprends pas. En effet, nous voulons tout simplement permettre au maximum d'enfants de ce pays d'accéder à la culture ou, pour emprunter votre vocabulaire, à la « culture commune ».
Quoi de plus normal quand, chaque année, 80 000 « gosses » entrent dans l'enseignement secondaire, nous dit M. le ministre, sans comprendre un mot des textes qu'on leur lit et que 150 000 enfants quittent le cursus scolaire sans avoir obtenu de diplômes ?
M. Pierre Fauchon. Voilà le problème !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandons-nous pourquoi !
M. Josselin de Rohan. Quoi de plus normal quand on sait que l'échec très important qui est constaté en première année d'université tient tout simplement au fait que trop d'élèves sont entrés dans le cursus universitaire sans avoir été formés pour le suivre ?
Voilà la réalité !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Elle est accablante, et tout le monde devrait d'ailleurs assumer sa part de responsabilité, y compris M. Jack Lang, qui a tout inventé - et trouve toujours tout très bien - mais qui ne serait responsable de rien !
Madame Borvo Cohen-Seat, comment voulez-vous qu'un élève accède à la culture s'il ne maîtrise pas au minimum la langue de son pays ?
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Comment des Français pourraient-ils aujourd'hui occuper des places dans les instances internationales ou tout simplement faire des études commerciales, des études de médecine, des études scientifiques sans maîtriser une langue étrangère et singulièrement l'anglais ?
Que vous le vouliez ou non, c'est aujourd'hui la langue la plus pratiquée dans le monde entier. Or vous estimez qu'il faut apprendre le sanscrit pour être un honnête homme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle caricature !
M. Josselin de Rohan. Plutôt que de prôner l'enseignement de je ne sais quelles disciplines, même et y compris le breton, commençons par remédier aux déficits criants de notre enseignement, et c'est à cela que doit servir le socle.
Le socle est le pilier sur lequel repose l'édifice. Il n'est pas l'édifice à lui tout seul - il y a des étages -, mais son fondement : le socle, c'est le minimum qu'il faut l'acquérir.
J'ai entendu des choses étonnantes qui m'ont fait songer à la scène très plaisante du Bourgeois gentilhomme où tous les professeurs se pressent devant M. Jourdain, défendant l'un la philosophie, l'autre la grammaire, le troisième le ballet comme étant la discipline la plus importante.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cessez de nous faire passer pour des idiots ! C'est du populisme !
M. Josselin de Rohan. Soyons donc raisonnables et ne mélangeons pas tout : reconnaissons que quelques disciplines constituent le minimum qu'il faut acquérir, et que l'éducation physique n'en fait pas partie.
Bien entendu, l'éducation physique doit être obligatoire de l'école primaire à l'enseignement supérieur, mais elle n'a pas sa place dans un socle de connaissances : c'est une pratique.
De grâce, mesdames, messieurs de l'opposition, ne tentez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.- Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 467, l'amendement n° 7 et le sous-amendement n° 641 rectifié, les amendements nos 477, 174 rectifié bis, 469, 273, 132 rectifié bis, 8, 471, 622 rectifié ter, 472, 547 rectifié, 621 rectifié ter, 470, 181, 474, 476, 475 rectifié, 9 et 135 rectifié bis n'ont plus d'objet.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 6.
Mme Annie David. Mes chers collègues, vous l'aviez compris, nous étions fortement opposés à l'article 6 tel qu'il nous était présenté.
Nous regrettons, monsieur le ministre, que vous ne nous ayez pas entendus, car les formations physiques, corporelles, technologiques et artistiques ne pouvaient, à notre sens, être écartées dans la formation des individus du xxie siècle.
C'est pourquoi nous avons contesté le socle que vous nous proposiez.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, au nom de mon groupe, je demande une brève suspension de séance, avant le vote de l'article 6.
M. le président. Elle est de droit et le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Je vous rappelle que nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l'article 6, modifié.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, je demande un scrutin public sur l'article.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je veux indiquer que le Gouvernement souhaite que l'article 6 ne soit pas adopté. En effet, la définition du socle telle qu'elle vient d'être amendée par le Sénat est un non-sens ! Elle prive cette réforme de toute efficacité et ruine toutes les possibilités de soutien que nous avons mises en place !
M. René-Pierre Signé. C'est cela la démocratie ? L'amendement a été adopté !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais vous lire une très courte lettre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
MM. Roger Karoutchi et Josselin de Rohan. Oh non !
Mme Hélène Luc. C'est une explication de vote. Vous étiez très peu nombreux à l'ouverture de la séance. Moi, je suis là depuis le début...
Mme Marie-Thérèse Hermange et plusieurs sénateurs de l'UMP. Nous aussi !
Mme Hélène Luc. ...et j'estime que les membres de notre groupe ont le droit de s'exprimer !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cela nous fait perdre du temps !
Mme Hélène Luc. Je veux vous lire cette lettre, car il est bon que les parlementaires soient informés de ce qui se passe dans les lycées. ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela n'a rien à voir avec le débat !
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas une explication de vote !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Luc. Vous seule avez la parole.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie, monsieur le président.
Cette lettre est ainsi rédigée : « Les enseignants d'éducation physique et sportive du lycée Darius Milhaud du Kremlin-Bicêtre prennent acte de l'évolution positive, dans le projet de loi sur l'école, que constitue le retour au caractère obligatoire de l'EPS au brevet des collèges. Mais ils continuent à contester le socle commun tel que voté à l'Assemblée nationale. Ils plaident pour une vraie culture commune et au minimum pour l'intégration, dans le socle, de l'éducation physique et sportive, mais aussi des enseignements artistiques et de la technologie. Ils attendent des sénateurs le dépôt et la prise en compte d'amendements en ce sens. »
M. Adrien Gouteyron. Dialogue de sourds !
Mme Hélène Luc. Interrogé par de nombreux enseignants sur l'absence de l'EPS dans le socle commun, le site du ministère de l'éducation nationale répond en quelque sorte aux professeurs d'éducation physique qu'ils n'ont rien compris, qu'en aucun cas le socle commun ne saurait être assimilé à un catalogue de disciplines, comme si, vous me permettrez de l'ajouter, toutes les disciplines n'étaient pas censées contribuer à la maîtrise du socle...
On pourrait accepter cette vision des choses si le socle commun définissait de grands objectifs éducatifs généraux interrogeant et mettant en perspective l'ensemble des disciplines actuellement constitutives de la culture scolaire obligatoire.
Mais votre projet de loi, monsieur le ministre, montre que les connaissances et les compétences précisées s'organisent en fait à partir de quelques grandes disciplines scolaires existantes, ce qui établit, que vous le vouliez ou non, une hiérarchie. Quel sens auraient, en effet, les programmes de français de la scolarité obligatoire s'ils n'avaient pour objectif la maîtrise de la langue française ? Quelle serait la signification des programmes de mathématiques de l'école primaire et du collège s'ils ne visaient pas l'accès aux principaux éléments des mathématiques ? Que dire encore des programmes des humanités et des sciences s'ils ne prétendaient pas faire accéder à une culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté ?
Le socle commun, inscrit dans le projet de loi, se fonde donc bien sur des disciplines d'enseignement. Pour autant, la question de sa fonction réelle reste à nos yeux sans réponse, à moins de considérer qu'il ne sert aujourd'hui qu'à exclure certaines disciplines, en particulier l'éducation physique, les enseignements artistiques et la technologie, comme vient de l'expliquer le sociologue François Dubet.
Telles sont, monsieur le président, les remarques que je tenais à formuler. Personnellement, je voterai l'article 6 tel que le Sénat l'a amendé.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Le débat sur le concept même du socle commun a été assez vif, ce qui est compréhensible sachant que plusieurs discussions sont imbriquées.
La première est relative à la définition, au concept même de « socle ».
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai entendu François Fillon nous expliquer qu'il n'était évidemment pas question d'y intégrer toutes les disciplines, sauf à en changer la nature et l'objet. Pour autant, à la lecture de l'article 6, il est aisé de comprendre qu'il s'agit de lister, non seulement des connaissances, mais également les compétences, les savoir-faire, les « savoir-être » qui sont nécessaires à la réussite de la « vie personnelle et professionnelle » de chaque élève.
A partir de là, il serait intéressant de discuter non seulement de ce qui figure dans le socle, mais aussi de ce qui n'y est pas. Il aurait été plus facile de renoncer à tout y mettre si le Gouvernement et le rapporteur avaient manifesté un petit peu de sensibilité et d'ouverture d'esprit lorsque nous avons évoqué les missions et les objectifs de l'école.
Ne vous étonnez donc pas que nous revenions à la charge à propos des contenus, dès lors que nous ne sommes pas parvenus à nous faire entendre quand nous voulions mettre l'accent sur la capacité de l'école à transmettre des valeurs de coopération, de partage, de responsabilité, par exemple lors de l'examen de l'amendement n °232 rectifié bis de Mme Gautier ou de l'amendement n °271 que j'ai défendu moi-même, hier.
A cette occasion, j'ai évoqué la question de la résolution pacifique et non violente des conflits susceptibles de survenir dans un groupe humain : vous avez, certes, le droit d'estimer que cela ne fait pas partie du socle, mais on ne peut pas considérer que l'école n'a pas vocation à transmettre des méthodes, des messages permettant d'identifier les causes de tensions dans les groupes humains, pour réduire les oppositions, éviter qu'elles ne dégénèrent et désamorcer les crises, bref pour répondre aux situations de violences scolaires, unanimement dénoncées.
Toutes ces compétences ne s'improvisent pas, mais s'acquièrent, s'apprennent et c'est le rôle de l'école que de les enseigner. J'avais cru comprendre que tel était le sens de la participation de la France à la décennie de l'éducation à la paix et à la non-violence, décidée par l'ONU !
S'agissant à proprement parler du contenu du socle, si j'admets que la loi ne peut pas tout définir de façon pointilleuse, la formulation de l'article 6 n'en est pas moins suffisamment ambitieuse et imprécise pour permettre la discussion.
Par exemple, la formule « la maîtrise de la langue française » est totalement floue : s'agit-il de maîtriser le millier de mots fondamentaux, ou, ce qui est d'ailleurs très compliqué, le sens d'une fable de La Fontaine ? S'agit-il de savoir lire un quotidien ou de rédiger un courriel sur Internet ?
Il en va de même en mathématiques : on parle de « maîtrise des principaux éléments de mathématiques ». Qui sait exactement ce qu'ils sont ? Fait-on allusion à la maîtrise des quatre opérations - la politique sociale de votre gouvernement exigerait d'ailleurs de maîtriser en priorité la soustraction -...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Opération : division !
Mme Dominique Voynet. ...ou à la maîtrise de fonctions logarithmiques plus complètes, mettant en rapport l'accroissement de la richesse avec la place des salaires dans la valeur ajoutée ?
Bref, s'agissant du socle, on doit parler non pas uniquement des savoirs que fixent ordinairement des référentiels de formation, mais également des éléments de raisonnement transversaux qui permettent, par la suite, de s'orienter dans la discipline. Je veux parler du lien entre la cause et la conséquence, du raisonnement par induction et par déduction, du passage du particulier au général, de l'idée même qu'une règle puisse avoir des exceptions, toutes choses qui me semblent faire partie du socle.
Puisque vous affectionnez le mot « maîtrise », j'en viens à l'amendement n° 139 de M. Charasse, qui est devenu sans objet. A son propos, le rapporteur a expliqué qu'il n'était pas question d'accepter un amendement prévoyant la « maîtrise des principes de la morale civique » au motif, selon lui, qu'il s'agirait moins de maîtriser ces valeurs que de les faire vivre dans le quotidien de l'école. Or, nous vous avons proposé à plusieurs reprises des amendements qui, précisément, ne se limitaient pas à inculquer des savoirs de façon unilatérale, mais visaient à faire partager des valeurs, des compétences et des connaissances au sein de cette communauté éducative qu'est l'école.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, c'est la première fois, depuis le début de nos débats, que vous êtes mis en échec !
M. Josselin de Rohan. Attendez, ce n'est pas fini !
M. Yannick Bodin. Le Sénat a voté !
M. Josselin de Rohan et plusieurs sénateurs de l'UMP. Non !
M. Yannick Bodin. Il y a eu vote !
M. Josselin de Rohan. Non, pas sur l'article : ne faites pas le malin !
M. Yannick Bodin. Mes chers collègues, le résultat du vote a été proclamé il y a quelques minutes !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Le vote portait sur un amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et l'amendement a été adopté !
M. Josselin de Rohan. Soyez un peu plus modeste, monsieur Bodin !
M. Yannick Bodin. Par ce vote, le Sénat a exprimé son désaccord sur la définition du socle commun que nous propose le Gouvernement. Je dois dire que nous n'en sommes pas étonnés. En effet, depuis le début de ce débat, nous avions tous perçu, y compris M. le ministre qui est, si j'ose dire, « monté au créneau » à plusieurs reprises, que, sur cette question, quelque chose « ne passait pas ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, ça « clochait » !
M. Yannick Bodin. En réalité, le problème ne tient pas tant à la définition de ce que l'on considère fondamental dans l'apprentissage de la langue, des mathématiques ou d'une langue étrangère, par exemple, qu'à l'idée globale que l'on se fait de la formation, de l'éducation pour l'ensemble des jeunes pendant le cursus obligatoire.
Tout le monde a pu mesurer en écoutant, comme nous l'avons fait en commission et ailleurs, ce que pouvaient dire, sur les trois apprentissages réintroduits dans le socle par notre récent vote, aussi bien les syndicats d'enseignants que des associations, des représentants de parents d'élèves, les élèves eux-mêmes, l'opinion publique ou plus simplement les gens de bon sens : l'importance, dont est conscient quiconque a vécu dans un établissement scolaire, que revêt l'éducation physique et sportive. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Evidemment ! Vous ne savez pas ce que cela représente !
M. Josselin de Rohan. Ça suffit !
M. Yannick Bodin. Le type de relations qui existe entre le professeur d'EPS et ses élèves est irremplaçable. En effet, où apprend-on les règles, le respect mutuel, le fair play, le respect de l'arbitre, le droit et l'interdit ? Souvent auprès du professeur d'éducation civique qui, avec ses élèves, réussit là où les autres professeurs échouent parfois.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Yannick Bodin. C'est en ce sens que l'éducation physique et sportive participe du tronc commun.
S'agissant de l'enseignement artistique, je rappellerai qu'il figure aux programmes depuis la création du certificat d'études en France, qui remonte quand même à plusieurs décennies...Souvenez-vous : pour le passer, il fallait soit réciter une fable de La Fontaine, soit dessiner, soit chanter. L'enseignement artistique était véritablement intégré dans la scolarité obligatoire.
Enfin, de nos jours, peut-on vraiment se prévaloir d'une formation complète sans connaître les éléments de base de ce que j'appelle « la culture technologique » ? On ne peut pas, aujourd'hui, réserver cette dernière, à partir de la classe de quatrième, à un certain nombre d'élèves qui auront échoué ailleurs...Non, il faut décréter que la technologie est l'affaire de tous et, par conséquent, de tous les élèves.
Je suis persuadé, monsieur le ministre, qu'une grande majorité de Français réagissent exactement comme nous, qu'ils partagent notre conception de l'éducation physique et sportive, de l'enseignement artistique et de la culture technologique.
Ils considèrent que ces enseignements sont indispensables, dans le cadre de la scolarité obligatoire, pour devenir ensuite un citoyen, avoir une activité professionnelle et être capable de s'adapter aux circonstances et aux métiers au cours de sa vie. Tel est le sens du vote qui vient d'intervenir
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si une majorité s'est dégagée : il s'agit certainement là, aux yeux de tous, de l'un des points forts de ce projet de loi d'orientation, et nous nous félicitons que vous ayez été obligé d'entendre le Sénat sur ce sujet, monsieur le ministre.
L'adoption de cet amendement nous permettra de voter l'article 6, et cela fera date, j'en suis sûr, dans l'histoire du débat sur cette loi d'orientation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Josselin de Rohan. Soyez un peu modestes !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous que tout est dans tout et le reste dans Télémaque. (Sourires.)
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Ivan Renar. Mais permettez-nous de goûter la fragilité du moment...
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Ô temps, suspends ton vol !
M. Ivan Renar. ... mais aussi son côté magique. Le Sénat, au moment où je parle - et je sais bien que ce ne sera pas éternel - ...
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Mais si !
M. Ivan Renar. ... est en symbiose avec la communauté éducative française.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est comme cela !
M. Ivan Renar. Depuis le début de ce débat, nous avons des difficultés à comprendre l'obstination du Gouvernement sur le concept réducteur de socle et ce, au moment même où nous nous sentons en harmonie avec le peuple de notre pays.
Il en est de l'éducation nationale comme de l'amour. D'ailleurs, comme disait Jean Cocteau, en amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les preuves !
Or l'horizon s'est brusquement élargi et le soleil s'est mis à briller pour tous ! (Sourires - M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.)
Mme Hélène Luc. Eh oui, monsieur Karoutchi !
M. Ivan Renar. Monsieur Karoutchi, vous avez fait une bonne intervention lors de la discussion générale mardi, mais, je vous en prie, ne vous moquez pas ! C'est un débat fondamental.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Ivan Renar. Il ne faut pas le refuser, car nous avons tous, dans cet hémicycle, proposé non pas la révolution permanente, mais des mesures de bon sens pour élargir le socle commun et le transformer en véritables fondations pour l'éducation nationale de notre pays.
Or votre dogmatisme vous a fait trébucher. J'ai bien compris que ce n'était pas la chute finale ! (Sourires.) Mais, en attendant, nous voterons l'article 6, heureusement modifié par l'amendement n° 272, parce que là se trouve l'éducation nationale de l'avenir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Mon intervention sera très brève, mais je veux dire qu'il n'est absolument pas possible de voter l'article 6 tel qu'il a été amendé, et ce, pour plusieurs raisons.
M. Raymond Courrière. L'amendement a été voté !
M. André Lardeux. Premièrement, nous confondons deux choses, mes chers collègues, à savoir les objectifs proposés par le Gouvernement et la définition des programmes.
Si nous voulons que l'Assemblée nationale et le Sénat se mettent à définir les programmes de l'éducation nationale, où allons-nous ?
M. Adrien Gouteyron. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle caricature !
M. Adrien Gouteyron. Mais non !
M. André Lardeux. Il y a une confusion des genres qui est absolument inadmissible ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. André Lardeux. Deuxièmement, comparant le texte de l'amendement qui a été adopté et celui du projet de loi, je tiens à dénoncer le mauvais coup que ceux qui ont voté cet amendement portent à l'avenir des jeunes de ce pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas possible d'entendre cela ! Le Parlement est fait pour discuter ! C'est la démocratie !
M. Ivan Renar. Comediante ! Tragediante !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La démocratie, c'est fait pour confronter les idées !
M. André Lardeux. Pour avoir été enseignant en lycée pendant trente ans, je crois le savoir aussi bien que beaucoup d'autres dans cette assemblée !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. André Lardeux. Entre la rédaction du texte de l'amendement tel qu'il a été voté et celle du texte proposé par le Gouvernement, je note tout de même une sensible différence.
Mme Annie David. Sensible, oui !
M. Josselin de Rohan. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. André Lardeux. C'est le moins que l'on puisse dire, en effet, puisqu'il n'est plus question, dans l'amendement, de la réussite des élèves.
M. Adrien Gouteyron. C'est vrai !
M. André Lardeux. Cet objectif vous est peut-être étranger... (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous enferrez pas, monsieur Lardeux !
M. André Lardeux. ...mais l'opinion publique y est très attachée !
Il n'y est plus question non plus de l'épanouissement des élèves sur un plan personnel et, plus tard, professionnel. A cet égard, le texte proposé par le Gouvernement est bien meilleur et préserve beaucoup plus les intérêts et l'avenir des jeunes et de leur famille que celui qui vient d'être adopté.
Pour ma part, je voterai donc contre l'article 6, modifié par l'amendement n° 272. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Rude travail, monsieur le ministre, que de défendre un texte auquel vous ne croyez pas !
M. René-Pierre Signé. Percutant !
M. Jean-Marc Todeschini. Hier, lorsque j'ai présenté la motion tendant à opposer la question préalable, je vous ai dit que le projet de loi était inutile et dangereux.
J'ai dénoncé la façon de procéder pour l'examiner. J'ai indiqué que si l'école avait effectivement besoin d'une loi pour élever le niveau général et ouvrir à tous les enfants les portes du savoir, nous vous demandions de retirer le projet de loi parce qu'il était empreint de supercherie, d'incohérences, de dangers, et étudié dans la précipitation.
La rue vous l'avait dit, le Sénat vient de vous le confirmer.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que votre définition du socle commun était l'élément central de votre texte. Le Sénat vient de refuser cette définition en adoptant notre amendement n° 272. Par ce vote, tous les autres amendements du groupe CRC et de l'UDF qui allaient dans le même sens que le nôtre sont devenus, hélas ! sans objet.
Vous avez eu recours à la procédure de l'urgence ; il est temps de vous ressaisir. Oserez-vous réintroduire, « au canon », votre définition du socle commun lors de la commission mixte paritaire ?
Monsieur le ministre, jetez l'éponge et suspendez l'examen de ce texte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, je le dis sincèrement, il y a vraiment confusion des genres, à la fois sur les objectifs et sur les valeurs.
Mme Hélène Luc. Pour vous !
M. Roger Karoutchi. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos tenus par notre collègue Yannick Bodin tout à l'heure et je dois dire que suis presque d'accord avec lui, sauf qu'il se trompe de texte : il parle d'un tronc commun, au lieu du socle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Mais oui, madame Borvo !.
Certes, il y a eu dans le passé, et il en existe encore, des troncs communs, par secteur, par section, littéraire ou scientifique, par exemple, mais le socle n'a rien à voir avec eux.
M. Roger Karoutchi. Mais non ! Le tronc commun est l'ensemble des éléments et des disciplines qui filialisent. Le socle,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a trop bien compris ce qu'était le socle, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. ... c'est strictement ce qui doit être le fondement de l'éducation...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement !
M. Roger Karoutchi. Madame Borvo, j'ai été, et je le suis toujours, inspecteur général de l'éducation nationale en histoire-géographie : croyez-vous sincèrement que j'accepterais la définition d'un socle commun selon laquelle l'histoire-géographie ne serait plus un fondement ? Bien sûr que non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Société d'histoire et de géographie nous demande de ne pas voter le projet de loi !
M. Roger Karoutchi. Madame, écoutez-nous, je vous prie, comme nous vous avons écoutée !
Je vous dis simplement que la définition du socle, c'est un fondement pour tous les élèves.
J'ai été enseignant en collège, en lycée, dans l'enseignement supérieur, avant de passer à l'inspection générale,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. Roger Karoutchi. ... et je peux vous dire combien d'élèves, dans les établissements difficiles, auraient besoin de ce socle pour apprendre à lire, à compter, pour pouvoir acquérir les bases afin d'être bons dans les autres disciplines !
M. Josselin de Rohan. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de la mauvaise foi, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Vous confondez l'apprentissage général et le socle.
Nous avons besoin que tous nos élèves aient un socle si nous voulons ensuite aller vers l'excellence.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas la peine de vous répondre !
Mme Hélène Luc. Vous vous enfoncez, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Si vous dites non à un socle pour aller vers un dispositif mou, qui ne définit plus rien, en réalité, vous ne changerez rien.
M. Christian Cambon. C'est ce qu'ils veulent !
M. Roger Karoutchi. Vous aurez toujours 150 000 élèves qui sortiront du système sans le moindre diplôme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Démontrez-le en prévoyant des moyens de soutien ! Les législateurs que nous sommes savent très bien lire, monsieur Karoutchi !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie instamment de ne pas interrompre les intervenants pour que le débat soit audible.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux souligner ce qu'a dit M. Bodin : ce qui s'est passé n'est pas anodin.
On pourrait considérer que c'est un accident technique de séance. Mais il convient de rappeler comment le débat a été tronqué sur des questions fondamentales. En effet, outre la représentation démocratique, l'ensemble des pédagogues ont aussi des choses à dire sur la définition et la pertinence d'un socle. Un million de personnes ont participé à la consultation nationale et de nombreux arguments ont été échangés.
Si l'on veut faire une loi d'orientation pour les quinze ans à venir, ces questions sont au coeur du débat. Or, celle du socle est la plus controversée de toutes dans ce projet de loi d'orientation. D'ailleurs, M. le ministre lui-même déclare que, sans socle, tout le dispositif tombe et que cette loi n'a plus d'objet.
M. David Assouline. Prenons donc le temps de débattre.
Monsieur Karoutchi, le seul argument que vous nous opposez, c'est que l'échec viendrait du fait que l'on n'a pas assez insisté sur la nécessité d'un socle minimum de connaissances à acquérir.
C'est faux ! Je ne vis pas dans la même éducation nationale que vous. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Ah bon !
M. Josselin de Rohan. Vous avez été un agitateur !
M. David Assouline. En effet, depuis mon enfance, on m'a dit que l'histoire, la géographie, les arts, n'étaient pas importants pour avoir, un jour, un métier...
M. Josselin de Rohan. Où avez-vous entendu cela ?
M. David Assouline. ...et qu'il fallait surtout être bon en mathématiques, en français... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Et ceux qui ne savent pas lire ?
M. David Assouline. S'il vous plaît, mes chers collègues, cessez de m'interrompre ! Laissez-moi m'exprimer !
Depuis longtemps, la culture dominante de l'éducation nationale a broyé nombre de compétences potentielles de jeunes, qui ont été laminés. On leur a conseillé de choisir telle langue pour être dans une bonne classe ; on leur a dit qu'être doué en musique ou pour les arts ne donnait pas un métier dans la vie. Tout cela a contribué à les écarter du système.
Aujourd'hui, ce n'est pas parce que vous allez inscrire le socle dans une loi que vous allez rectifier ce qui existe et qui produit de l'inégalité et de l'exclusion.
Ouvrez les esprits, permettez-nous de débattre un peu plus, levez l'urgence, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, chacun émettra un vote sur cet article 6, en son âme et conscience. A titre personnel, je le voterai, puisqu'il a été amendé et qu'il intègre désormais les propositions que j'ai faites dans les amendements nos 622 rectifié ter et 621 rectifié ter.
Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur le fait que le socle doit intégrer un noyau dur de connaissances. Mais, comme j'ai eu l'occasion de le souligner dans la discussion générale, rien n'empêche qu'il intègre également certains principes, certaines notions, qui ne correspondent absolument pas à des disciplines supplémentaires à enseigner, mais qui traduisent plutôt un état d'esprit permettant de dispenser des « savoir être » nécessaires à l'épanouissement de nos élèves. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
Je ne vois donc pas pourquoi on pourrait s'opposer à ce que l'éducation artistique et culturelle, la maîtrise du corps soient intégrées dans le socle. Ce sont des objectifs que nous pouvons tout à fait fixer, tout en valorisant, bien sûr, la maîtrise de l'écriture, de la lecture, et du calcul.
Pour moi, il n'y a pas d'opposition. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. Il y a encore quelques bons esprits !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il me paraît important qu'on n'aille pas, sur la base de ce qui se dit à cet instant, créer de confusion sur le sens de nos interventions.
En effet, il n'y a pas, dans notre conception de l'école, d'opposition à l'idée de la définition d'un socle commun. Ce n'est pas le sujet. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais non ! Au contraire, il est extrêmement important que ce socle commun soit défini. J'ai eu l'occasion de remarquer que tout le monde en parlait comme s'il était évident, mais que personne n'était capable de me dire en quoi il consistait !
Par conséquent, il faut, ô combien ! le définir et nous sommes dans notre rôle quand nous disons ce que nous souhaitons y voir figurer. Il n'y a donc aucune mise en cause du concept de socle commun, ni dans notre amendement ni dans notre attitude. Vous auriez dû écouter M. Bodin avec plus de soin !
Mais si les questions du développement humain de l'élève, sous l'angle des apprentissages fondamentaux et élémentaires, dans les matières culturelle et physique, vous paraissent superfétatoires, c'est que nous ne nous comprenons pas, car je suis sûr que vous ne le pensez pas.
En effet, cette mentalité, je l'ai connue en d'autres lieux que cet hémicycle, où des rustres prétendaient que l'on n'avait pas besoin d'acquérir des savoirs culturels, et même d'ordre juridique, civique et social - je pense à l'EJCS -, inutiles pour la qualification professionnelle et venant encombrer les enseignements professionnels.
Bien au contraire, nous avons fait la démonstration que l'apprentissage culturel au niveau le plus élevé contribuait directement, d'abord, à, l'élévation du niveau de conscience et de formation des travailleurs et, ensuite, à l'accroissement de leurs capacités d'autonomie.
Il s'agit donc non pas d'un domaine accessoire, à côté des apprentissages fondamentaux, mais bien de l'oeuvre éducative elle-même. D'ailleurs, notre collègue inspecteur général qui s'est exprimé tout à l'heure le sait aussi bien que moi.
Par conséquent, où est l'anomalie quand on veut faire entrer ce domaine dans le socle commun ? Il appartiendra aux pédagogues de « se débrouiller » pour intégrer dans l'enseignement cet ensemble de savoirs et de « savoir-être », expression avec laquelle je suis en parfait accord, ma chère collègue !
Mais ce n'est pas notre travail, car nous ne siégeons pas dans cette enceinte en qualité de conseil pédagogique, d'enseignant ou d'inspecteur de l'éducation nationale ! A eux de savoir comment faire. Mais nous, qui représentons la nation, avons le devoir de dire : nous voulons que cela y figure et nous vous donnons l'ordre de faire en sorte qu'il en soit ainsi !
Ce faisant, nous jouons purement et simplement notre rôle de législateur. A cet égard, monsieur le ministre, je suis étonné de la véhémence avec laquelle vous rejetez l'amendement tant il est vrai que, si vous y étiez favorable, l'article 6 pourrait être adopté à l'unanimité de cette assemblée, ce qui ne serait pas un mince événement.
Mme Hélène Luc. Ce serait bien, en effet !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais vous n'en voulez pas !
Dès lors, que faut-il en déduire? Etes-vous plus attaché à votre définition du socle commun ou à l'idée qu'il en existe simplement un ? Telle est la question !
Dans un cas, nous ferions avancer, en commun, l'idée que nous nous faisons de l'école ; dans l'autre, nous subissons simplement une lubie idéologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. André Lardeux. C'est un sophisme !
MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et Gérard Longuet, rapporteur pour avis. C'est un expert en la matière !
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur ce texte me paraissait devoir être l'occasion de manifester le bon sens qui est, paraît-il, l'apanage du Sénat.
Mme Hélène Luc. C'est ce que nous venons de faire ! Et l'article 6 pourrait être adopté à l'unanimité !
M. Jacques Legendre. Or, qu'en est-il vraiment ? En fait de bon sens, nous n'avons cessé d'alourdir les programmes, que les élèves ont du mal à suivre, alors qu'il est nécessaire, dans le respect de toutes les matières, d'adopter un socle de connaissances, une sorte de culture minimale partagée ; il n'est pas question ici de SMIC, comme on a pu le dire !
Si nous nous laissons aller à notre tentation de rajouter une précision, le nom d'une matière, par exemple, ceux qui ont la charge d'enseigner cette dernière seront, certes, rassurés et nous aurons sans doute fait des heureux parmi les enseignants. Mais nous n'aurons pas véritablement servi les élèves à qui il nous faut assurer les connaissances qui leur permettront d'être à la fois des citoyens aptes à faire face à un monde difficile et des professionnels capables d'entrer dans la vie active. Telle est, me semble-t-il, l'exigence qui doit présider au débat qui est le nôtre aujourd'hui.
Pour ma part, moi qui suis un historien comme M. l'inspecteur général de l'éducation Roger Karoutchi, j'aurais également aimé que les mots « histoire » et « géographie » figurent en toutes lettres dans le texte, même s'il n'y a pas de risques pour l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans la définition qui a été retenue.
En effet, comment croire un seul instant qu'un historien gaulliste - quand on sait l'importance que le général de Gaulle attachait à l'histoire de la nation -...
Mme Hélène Luc. Le général de Gaulle, s'il était là, ne serait pas d'accord avec vous !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ne le faites pas parler !
M. Jacques Legendre. ...pourrait voter ce texte, s'il pensait que nos élèves ne posséderont pas les connaissances nécessaires pour devenir des citoyens et des Français du XXIe siècle ?
Ce sont là des préoccupations que nous partageons tous, mais, au nom du bon sens, concentrons-nous sur l'essentiel : acceptons une notion qui, loin d'attenter à quoi que ce soit, répond à un souci d'efficacité au service de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, le Sénat a fait preuve d'un certain bon sens par rapport à ce que pensent la majorité des enseignants, les jeunes et l'ensemble de la population sur ce que vous êtes en train de mettre en place.
Par conséquent, le législateur fait son travail et il se trouve qu'une majorité de sénateurs a exprimé une autre conception que la vôtre du socle commun, dont il convient de prendre acte. Il s'agit là, à mon avis, d'un point de vue tout à fait salutaire qui devrait vous inciter, monsieur le ministre, et plus généralement le Gouvernement, à remettre sur le métier votre socle commun au lieu de vouloir à toute force nous faire adopter ce texte dans l'urgence.
Mme Hélène Luc. Cela s'impose, en effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs, messieurs, au fur et à mesure que vous essayez de justifier ce socle commun, que nous préférons appeler une culture commune, vous vous enferrez !
Pourquoi ? Il n'est pas question de dire que nous ne voulons pas d'évaluation et de soutien, mais, enfin, croyez-vous que c'est en définissant le socle commun comme vous le faites que vous arriverez à résoudre ce problème ?
M. Josselin de Rohan. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, non !
En revanche, monsieur le ministre, vous avez dit à plusieurs reprises que ce socle commun était l'élément fondamental de votre projet de loi, ce qui, en l'occurrence, est extrêmement inquiétant.
En effet, s'il faut en passer par là pour mettre en place des mesures de soutien aux élèves qui rencontrent des difficultés pour apprendre à lire, il est clair que la tendance, qui va d'ailleurs de pair avec la diminution des horaires concernant un certain nombre de matières ou d'options - l'histoire, la géographie, la philosophie, etc. - se confirme d'une obligation pour l'éducation nationale de se concentrer, avec, bien entendu, moins de moyens, sur un socle commun qui ne correspond absolument pas à ce que devrait être son objectif aujourd'hui en matière de culture commune.
En conséquence, nous voterons, bien entendu, l'article 6 ainsi amendé, et, je vous en conjure, monsieur le ministre, cela mériterait, je crois, que le Gouvernement réfléchisse à ce qu'il veut faire en matière de socle commun. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que « la messe est dite » et que l'essentiel a été évoqué.
Pour ma part, contrairement à mon collègue Ivan Renar, ce n'est pas un moment que je savoure avec beaucoup de plaisir, car il faut tout de même se placer dans la situation que connaît notre pays aujourd'hui : il est plus facile de compter les ministres de l'éducation nationale, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'on a « mis au tapis » que ceux qui ont pu mettre en oeuvre une véritable réforme !
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Le ministre actuel serait-il menacé ?
M. Dominique Mortemousque. Il est, certes, tout à fait utile d'étudier ce que l'on peut faire par rapport à l'avenir et, hier, certains ont émis le souhait, que je partage, que ceux qui sont dans la rue entendent ce qui s'est passé dans cet hémicycle, notamment quand M. le ministre a détaillé, sur le fond, ce qu'il souhaitait réaliser.
Mme Hélène Luc. Ah oui, ils seraient contents !
M. Dominique Mortemousque. Quand je vous entends, chers collègues, évoquer la nécessité d'avoir suivi un parcours de formation extrêmement important pour pouvoir réussir dans la vie, je me dis qu'il existe autant de possibilités de s'affirmer qu'il y a d'individus.
En tant que parlementaire, je reçois fréquemment, dans mon département, beaucoup de jeunes qui n'ont plus d'identité. C'est ainsi qu'à vingt-cinq ou trente ans, ils sortent de formations qu'ils n'ont pas forcément choisies et qu'ils ne savent plus se situer. Or cela me fait mal, car je sais que des gens peuvent s'affirmer dans des voies différentes et donc parfaitement réussir dans la vie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'emplois !
M. Dominique Mortemousque. Par conséquent, soyons tout simplement et les uns et les autres un peu modestes ! Certains ont présidé la Haute Assemblée, qui n'étaient pas bardés de diplômes mais qui avaient beaucoup de bon sens et qui ont donné beaucoup d'espoir en la vie. J'espère que nous continuerons dans cette voie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir ; certains ont des diplômes, mais pas de travail !
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires culturelles.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 144 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'une quinzaine de minutes afin de réunir la commission.
M. le président. Monsieur le président, le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures trente-cinq.)
M. le président. Je viens d'être saisi de l'amendement n° 658, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, qui est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-1, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :
"Art. L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :
" - la maîtrise de la langue française ;
" - la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
" - une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;
" - la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ;
" - la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication.
" L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.
" Le socle commun est complété par d'autres enseignements, au cours de la scolarité obligatoire.
" Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut conseil de l'éducation.
" Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire. "
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement reprend un certain nombre de points dont nous avons discuté ce matin. Il vise notamment à se prémunir contre des risques juridiques, mais aussi à confirmer que le socle commun n'est pas limitatif.
Il prévoit que des enseignements complémentaires sont dispensés ; c'était l'objet d'un amendement de notre commission à l'article 6.
Il vise également à ce que le socle commun fasse l'objet d'une évaluation prise en compte pour la poursuite de la scolarité des élèves, ce à quoi tendait un autre de nos amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, l'amendement déposé par la commission vient de nous être distribué.
Je demande une suspension de séance pour que nous puissions l'examiner, décider de notre position et, éventuellement, proposer des sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement mérite réflexion. Ainsi, nous nous interrogeons sur l'opportunité de déposer un ou plusieurs sous-amendements.
Nous demandons, nous aussi, une suspension de séance, afin que nos travaux se déroulent dans la sérénité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Monsieur le président, la commission demande que la suspension de séance n'excède pas cinq minutes. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Cet amendement, je l'ai dit, reprend deux amendements présentés ce matin. La discussion a été fort longue, ce qui est normal dans un débat démocratique, et, de ce fait, cinq minutes me semblent largement suffisantes.
Mme Hélène Luc. Il faut absolument suspendre la séance !
M. le président. Mes chers collègues, vous le savez, nous sommes liés par des contraintes horaires.
Si vous respectez un délai de cinq minutes, il n'y aura pas d'inconvénient. Dans le cas contraire, nous ne reprendrons ce débat qu'après la séance des questions d'actualité.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Le Sénat a rejeté la définition du socle que proposait M. le ministre.
Vous comprendrez, monsieur le président, qu'il nous faille du temps pour élaborer et proposer des sous-amendements. Une demi-heure de suspension de séance au minimum est nécessaire.
L'urgence a déjà été déclarée sur ce texte : permettez-nous de travailler, et respectez la représentation nationale !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Elle est respectée !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
souhaits de bienvenue à un parlementaire russe
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer, dans notre tribune présidentielle, M. Mesentsev, vice-président du Conseil de la Fédération de Russie, président du groupe d'amitié Russie - France du Conseil de la Fédération.
Nous sommes très sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il porte à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je lui renouvelle mes souhaits de bienvenue et, avec vous tous, je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, dispose de deux minutes trente.
chaîne d'information internationale (C2I)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je souhaiterais savoir où en est exactement le projet de la chaîne française d'information internationale.
Le Président de la République a souhaité que cette « CNN à la française » soit l'affirmation d'une vision française du monde. Ce projet revêt des enjeux culturels, économiques et stratégiques multiples pour la France, pour l'Europe et pour la francophonie.
Cette chaîne sera autonome et, bien entendu, indépendante. Dans le collectif budgétaire pour 2004, il est prévu pour son lancement un budget de 30 millions d'euros, en attendant que les rentrées publicitaires viennent compléter ce budget. Cette chaîne devra employer plus de 250 salariés et bénéficier du réseau des correspondants à l'étranger de l'Agence France-Presse et de Radio France internationale.
Pour commencer à s'installer, à embaucher son personnel et à se mettre au travail, il ne manque à la future chaîne d'information internationale française que le feu vert de la Commission européenne, laquelle s'attache à vérifier si la structure économique de la chaîne est compatible avec les règles communautaires sur les aides des Etats.
Si l'avis de Bruxelles est favorable - ce que nous souhaitons, bien évidemment -, il faudra, de l'avis des opérateurs, de dix à douze mois pour que la chaîne puisse émettre. Cette dernière devrait donc devenir une réalité visible sur les écrans au printemps 2006. Cette chaîne sera une chaîne planétaire en langue française. Le langage par lui-même véhicule déjà, on le sait, une certaine vision du monde et du réel.
Assurer au mieux le rayonnement de la France dans le monde à l'aide d'un média audiovisuel revient à assurer la diffusion de ses programmes en français. Dans le projet présenté, il est question d'une diffusion en français, avec des modules en anglais et en arabe.
Alors que commence aujourd'hui la Semaine de la langue française et de la francophonie, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser en quoi consistent ces modules et nous dire s'il existe des garanties pour que ces derniers demeurent l'exception et non la règle.
Enfin, comment expliquez-vous qu'il soit question de ne pas diffuser les programmes de cette chaîne internationale sur les écrans français ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous comprendrez - je pense que cela nous réunira tous - que je souhaite dédier votre question et ma réponse à Florence Aubenas et à son accompagnateur (Applaudissements), tout simplement pour faire en sorte que la diffusion de nos valeurs imprègne tout le monde. Chacune et chacun, le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République sont entièrement mobilisés face à cet objectif, difficile à atteindre mais urgent, qui est de rapatrier sur le territoire national ces deux combattants de la liberté que sont Florence Aubenas et Hussein Hanoun.
La chaîne d'information internationale a deux vocations : la diffusion de la langue française et la francophonie. Je le dis avec beaucoup de force et de solennité à l'occasion de l'ouverture aujourd'hui - vous l'avez rappelé - de la Semaine de la langue française et de la francophonie, et quelques heures après avoir fait, sur ces sujets, une communication au sein du Conseil des ministres pour montrer la mobilisation des pouvoirs publics français sur la langue française et sur la diffusion de la francophonie.
L'objectif de la francophonie est rempli de manière remarquable, notamment par TV 5 et par RFI, par la diffusion, partout dans le monde, d'émissions de langue française émanant d'un certain nombre de pays de la francophonie et contribuant à diffuser notre langue et ses valeurs.
Le projet de la chaîne d'information internationale est légèrement différent. Nous avons, les uns et les autres, dit que c'était une nécessité stratégique. Cela signifie qu'il ne s'agit pas exclusivement de défendre la francophonie et la langue française ; il s'agit aussi d'exprimer, partout dans le monde, la spécificité des concepts, des valeurs de la politique française, de nos idées.
Nous assumons le souci de la traduction en langue étrangère. Des pays sont, pour nous, des lieux prioritaires de rayonnement de nos idées - je pense au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Europe. La langue anglaise et la langue arabe seront effectivement importantes pour la diffusion de nos idées.
M. le président. Terminez, je vous prie !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je conclus, monsieur le président.
Pour 2005, le Premier ministre a pris la décision d'affecter 30 millions d'euros, qui ne sont pas prélevés sur le budget de l'audiovisuel public, pour accomplir ce qui est une nécessité stratégique. Les équipes sont en train de se constituer et les émissions commenceront au printemps 2006.
Dans un premier temps, pour réserver tous les équilibres financiers auxquels vous pouvez penser, il n'est pas question de diffuser cette chaîne sur le territoire métropolitain, mais la représentation nationale sera largement associée à son contenu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
Pouvoir d'achat des Français
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Cornu. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, la croissance de l'économie française a atteint 2,5 % en 2004, grâce, notamment, aux mesures concrètes de soutien à la consommation et à l'investissement. Mais la poursuite de cette reprise en 2005 est soumise à plusieurs aléas internationaux que nous maîtrisons mal, je veux parler de l'évolution du dollar par rapport à l'euro ainsi que celle du pétrole brut, dont le prix du baril atteint un nouveau record aujourd'hui.
Face à ces incertitudes, les ménages et les entreprises doivent être encouragés, les premiers à consommer, afin de soutenir la croissance d'aujourd'hui, les secondes à investir, afin de construire la croissance de demain.
Les salariés ont fait beaucoup d'efforts au cours de ces dernières années. Ils paient aussi très cher le prix des 35 heures (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
M. Alain Gournac. Il a raison !
M. Gérard Cornu.... qui, comme vous l'avez justement rappelé, étaient censées partager le travail, mais qui ont plutôt partagé les salaires !
M. René-Pierre Signé. Il faut arrêter !
M. Jacques Mahéas. Sous-marin du MEDEF !
M. Gérard Cornu. Depuis 2002, malgré des contraintes budgétaires fortes, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a rendu aux salariés du pouvoir d'achat en baissant l'impôt sur le revenu, en revalorisant le SMIC et la prime pour l'emploi. (M. Didier Boulaud s'exclame.)
Hier, vous avez proposé de récompenser leurs efforts par un autre levier, celui de l'intéressement et de la participation aux résultats des entreprises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Mais combien de déficits !
M. Gérard Cornu. Vous avez parallèlement annoncé deux mesures fiscales exceptionnelles pour encourager ces entreprises à renforcer les fonds propres des sociétés innovantes et à financer des projets de recherche et de développement.
M. Raymond Courrière. Ce n'est pas nouveau !
M. René-Pierre Signé. Vieilles idées !
M. Didier Boulaud. C'est dans les vieux pots qu'on fait la bonne soupe !
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. La question !
M. Gérard Cornu. Elle arrive !
A un moment où notre pays doit faire face à de nouvelles contraintes tout en préparant l'avenir,...
M. le président. Votre question, monsieur Cornu !
M. Gérard Cornu.... je souhaite que vous nous donniez des précisions sur les dispositifs ciblés sur les deux principaux moteurs de la croissance que sont la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je n'ai pas souhaité attendre pour m'adresser à l'opinion après ma nomination...
M. Yannick Bodin. Provisoire !
M. René-Pierre Signé. C'est un CDD !
M. Thierry Breton, ministre. Effectivement, j'ai préféré expliquer le plus rapidement possible sur quels ressorts je comptais m'appuyer pour mener la politique que le Premier ministre m'a demandé de conduire, puisque j'ai désormais l'honneur d'appartenir au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Le premier ressort que je compte utiliser est la transparence : parler aux Français avec le même langage qu'eux ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Comme pour les stock-options !
M. Thierry Breton, ministre. Effectivement, vous l'avez dit, l'économie est faite d'agrégats dans lesquels on ne se retrouve pas toujours et qui sont, bien souvent, le fruit d'un héritage. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Didier Boulaud. Celui de Sarkozy !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est Balladur qui a augmenté la dette !
M. Thierry Breton, ministre. Je l'ai dit et je le redis, car la dette, qui, voilà vingt-cinq ans, était de 90 milliards d'euros, est aujourd'hui de 1 000 milliards d'euros. Il faudra donc bien la payer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Précisément, pour ce faire, le deuxième ressort que je compte utiliser est le principe de réalité.
Nous avons décidé, sans attendre, de prendre les mesures appropriées, d'autant que - je tiens à le dire ici, devant vous - nous avons la chance d'avoir des entreprises qui ont réalisé, en 2004, des résultats importants, fruit du travail des salariés.
M. René-Pierre Signé. Et le chômage !
M. Thierry Breton, ministre. C'est la démonstration que la France sait de nouveau être compétitive après trois années difficiles, et l'on sait pourquoi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
J'ai donc proposé au Premier ministre - mesure qu'il a acceptée - que ces entreprises puissent, si elles le souhaitent, restituer une partie de ces profits sous forme d'une prime d'intéressement. Le Premier ministre vous parlera bientôt d'une autre mesure qui est la participation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Cette prime d'intéressement, pour les entreprises qui la versent déjà, pourra représenter, en 2005, 15 % supplémentaires « payés » sur l'impôt sur les sociétés de 2004.
Pour l'innovation et la recherche, qui relève du deuxième moteur de notre politique - investir pour l'avenir - (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), nous voulons que les entreprises de ce secteur...
M. Jacques Mahéas. Les chercheurs sont dans la rue !
Mme Nicole Bricq. Il ne lit pas les journaux !
M. Thierry Breton, ministre.... puissent investir dans des laboratoires publics, dans des PME innovantes, et déduire 2,5 % de leur impôt tout de suite.
Voilà la politique de réalité que nous comptons mener ; voilà la politique sur laquelle je m'engage.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est comme pour l'éducation !
M. Thierry Breton, ministre. Enfin, je souhaite avoir un tableau de bord simple, compréhensible par tous, grâce auquel je pourrai rendre des comptes devant la représentation nationale, devant l'ensemble des Français, tous les trimestres,...
Mme Nicole Bricq. Vous n'êtes pas un conjoncturiste !
M. Thierry Breton, ministre.... de nos progrès, afin que la confiance revienne dans ce pays, et elle est à portée de main ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, notre tradition veut que nous soyons courtois à l'égard des orateurs.
Mme Nicole Bricq. Et à l'égard de la représentation nationale !
M. le président. Je vous demande donc de faire un effort ! Cette séance est diffusée à la télévision, et j'aimerais que le public puisse apprécier la Haute Assemblée pour la sérénité, le sérieux et la courtoisie de ses débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
respect des droits de l'homme en tchétchénie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, l'assassinat, le 8 mars, du président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov par les forces spéciales russes, dans des conditions obscures, s'ajoute à la liste déjà longue des faits inadmissibles qui se sont multipliés en Tchétchénie ces dernières années : tortures, enlèvements, mutilations, viols, massacres d'enfants, répression de plus en plus dure exercée contre les défenseurs des droits de l'homme, interdiction du territoire aux journalistes et aux organisations non gouvernementales.
Déjà la question tchétchène avait été complètement passée sous silence lors du dernier sommet entre la Russie et l'Union européenne, qui s'est tenu à La Haye, le 25 novembre 2004.
L'Union européenne et la France ne peuvent ignorer l'aggravation de la situation en Tchétchénie, d'autant plus que la Russie vient d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH, pour les crimes commis sous la responsabilité de l'Etat dans ce pays.
Aslan Maskhadov, qui avait une réputation de modéré, avait régulièrement désavoué les prises d'otages et les actes terroristes touchant des civils russes. Il avait décrété, au mois de février, un cessez-le-feu unilatéral et proposé au Kremlin, mais en vain, d'ouvrir des négociations. Les mères des soldats russes avaient alors saisi l'occasion en souhaitant rencontrer ses émissaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'assassinat d'un président démocratiquement élu est intolérable. Le scrutin de 1997 avait, je le rappelle, été observé par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE. Le nouveau pas qui a été franchi risque non seulement de provoquer une radicalisation de la lutte séparatiste, mais aussi d'embraser toute la région du Caucase du Nord.
Aucun dirigeant occidental n'a osé appeler le Kremlin à négocier avec le seul leader légitime d'un peuple martyr alors qu'il était encore en vie. La diplomatie européenne et française n'ayant pas encore réagi à l'annonce de la mort d'Aslan Maskhadov, la solitude et l'isolement du peuple tchétchène semblent se poursuivre dans l'indifférence la plus totale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 14 mars, lors de l'ouverture de la soixante et unième réunion de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, le Gouvernement français a rappelé, par votre voix, et à juste titre, les priorités de la France : prééminence du droit, universalité des droits de l'homme, indivisibilité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Tout cela est interdit au quotidien aux Tchétchènes. Il a également rappelé son opposition aux disparitions forcées.
J'en viens à ma question. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
A cette occasion, la France envisage-t-elle de faire voter une résolution condamnant l'attitude russe en Tchétchénie ? Entend-elle exiger la restitution du corps d'Aslan Maskhadov à sa famille ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon un adage populaire : qui ne dit mot consent.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis longtemps déjà, et plus encore aujourd'hui, rien ne pourrait excuser un silence persistant ; rien ne peut et rien ne doit, quelle qu'en soit la raison, pas même notre amitié pour le peuple russe, justifier une exception russe en matière de respect des droits de l'Homme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne sommes pas et nous ne pouvons pas rester indifférents à ce conflit qui est long, très meurtrier, en particulier pour les civils.
C'est pourquoi la France, dans ses relations bilatérales comme dans les instances multilatérales, appelle à un règlement politique face aux graves préoccupations que soulève la situation humanitaire en Tchétchénie.
M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a évoqué ce sujet avec son homologue russe, M. Lavrov, lors de sa visite à Moscou, en janvier dernier.
M. Didier Boulaud. Maskhadov n'était pas mort !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En outre, un dialogue s'est instauré sur le plan européen, le 1er mars dernier, et des consultations sur les droits de l'homme se sont engagées entre la Russie et l'Union européenne.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, j'ai représenté la France à la soixante et unième Commission des droits de l'homme de l'ONU, qui se réunissait cette semaine à Genève. M. le Premier ministre m'avait mandaté pour présenter, au nom de la France, trois résolutions de combat. : une contre l'extrême pauvreté, une contre les disparitions forcées et une contre les disparitions arbitraires.
M. Jean-Pierre Sueur. Et en Tchétchénie, alors ?
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. C'est bien la preuve de l'engagement constant de la France en faveur des droits de l'homme, y compris lorsqu'il s'agit de la Tchétchénie.
Parallèlement, avec ses partenaires européens, notre pays a présenté des résolutions concernant la situation des droits de l'homme en Corée du Nord, en Birmanie et en Biélorussie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas l'objet de la question !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Nous avons travaillé avec les gouvernements concernés sur les droits de l'homme en Afghanistan et en Colombie. (Marques d'impatience sur les travées du groupe socialiste.)
C'est dans cet esprit que nous apportons tout l'appui possible au dialogue engagé entre les autorités tchétchènes et la société civile, et placé sous les auspices du Conseil de l'Europe, afin de lutter contre l'impunité, mettre fin aux disparitions et faire aboutir les enquêtes.
M. René-Pierre Signé. C'est de l'eau tiède !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas un mot sur le président Maskhadov !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Il s'agit donc de promouvoir les droits de l'homme en Tchétchénie et de contribuer à dégager enfin une solution politique, seule issue possible à ce conflit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Voynet. Dites son nom, il s'appelle Aslan Maskhadov !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas prononcé le nom de Maskhadov ! C'est scandaleux !
politique économique de la france
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en novembre 2004, au moment où le ministre de la fonction publique rencontrait les syndicats de fonctionnaires pour négocier l'évolution des traitements de la fonction publique pour l'année 2005, le ministre de l'économie et des finances, qui présentait le projet de loi de finances pour 2005 devant le Parlement, insistait sur la nécessité de maîtriser les dépenses de l'Etat afin de tenir l'objectif de réduction des déficits publics à moins de 3 % du PIB pour la fin de l'année, tout en poursuivant la baisse de l'impôt sur le revenu.
M. Raymond Courrière. C'est mal barré !
M. Yves Détraigne. Dans ce contexte, les négociations n'avaient pu aboutir et le Gouvernement avait décidé de limiter la hausse des traitements de la fonction publique à 0,5 % au 1er février et à nouveau à 0,5 % au 1er novembre 2005.
Voilà quelques jours, vous avez indiqué que vous entendiez le message de ceux qui demandent un partage de la croissance - position avec laquelle nous ne pouvons qu'être d'accord - et précisé que le ministre de la fonction publique rencontrerait, avant la fin du mois, les syndicats de fonctionnaires pour rouvrir la question de l'évolution de leurs rémunérations dans la mesure où il existe, avez-vous dit, de « minces marges de manoeuvre ».
M. Roland Courteau. Il est temps...
M. Yves Détraigne. Vous n'ignorez pas, monsieur le Premier ministre, que le poids des traitements de la fonction publique dans le budget général de l'Etat est de l'ordre de 40 % de ses dépenses ordinaires et qu'un point d'augmentation de l'indice des traitements représente environ 1,4 milliard d'euros, dont 800 millions pour les seuls agents de l'Etat et 600 millions pour les fonctions publiques hospitalières et territoriales. Aucun de ces budgets, ni celui de l'Etat, ni celui de la santé, ni celui des collectivités locales n'a d'ailleurs prévu de quoi financer une augmentation supplémentaire des rémunérations.
Aussi, monsieur le Premier ministre, je souhaite que vous nous indiquiez, au moment même où le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie revoit à la baisse les prévisions de croissance sur lesquelles a été bâti le budget de l'Etat pour 2005, et où l'on sait d'ores et déjà que l'objectif de réduction des déficits publics sera difficile à atteindre, où sont les marges de manoeuvre et comment le Gouvernement compte s'y prendre pour accorder une augmentation supplémentaire des traitements des fonctionnaires sans remettre en cause les équilibres et les objectifs fixés par la loi de finances pour 2005.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. René-Pierre Signé. C'est un baptême de l'air !
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez souligné à juste titre que la préoccupation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est de plus en plus focalisée sur le pouvoir d'achat de tous les Français.
M. Jacques Mahéas. Il baisse !
M. Thierry Breton, ministre. Beaucoup de choses ont déjà été faites, je le rappelle. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a baissé la pression fiscale de 14,5 milliards d'euros,...
M. Jean-Marc Todeschini. Pour les riches !
M. Thierry Breton, ministre.... et 6,4 milliards d'euros ont été restitués à l'ensemble des foyers fiscaux, ce qui a nourri la croissance.
Mais vous avez raison, l'héritage est lourd à porter (Mme Nicole Bricq proteste) et il faut agir. C'est la raison pour laquelle le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé de consentir une augmentation de deux fois 0,5 % aux fonctionnaires, une en février et l'autre en novembre.
M. Jean-François Voguet. « Consentir » !
M. Thierry Breton, ministre. Le coût de cette mesure pour la dépense publique s'élèvera à 560 millions d'euros. Il s'agit d'une charge nouvelle, mais nous l'assimilerons.
Par ailleurs, M. le Premier ministre a demandé au ministre de la fonction publique d'ouvrir des négociations globales avec l'ensemble des agents de la fonction publique. On y parlera bien entendu de réforme et de productivité. Et il n'y a pas de raison, si chacun fait des efforts, pour que ces derniers ne soient pas partagés et qu'ils ne profitent pas aux agents, en premier lieu, mais aussi à l'ensemble des usagers.
M. René-Pierre Signé. Il y en aura pour tout le monde !
M. Thierry Breton, ministre. Tel est l'objet des discussions qui vont s'ouvrir. Nous avons bon espoir qu'elles aboutissent. C'est ainsi que nous pourrons redistribuer les fruits de la productivité à tous les Français, et, dans ce cas précis, aux fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Il s'est déjà coulé dans le moule !
attractivité de la région nord-pas-de-calais et constitution d'un pôle de compétitivité
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, chaque jour, l'actualité économique et sociale nous rappelle une dure réalité.
Ainsi, avant-hier, les 800 salariés de la société Arkema, qui appartient au groupe Total, manifestaient pour protester contre la suppression de 600 emplois, suppression d'autant plus scandaleuse que le groupe Total affiche des résultats records.
Mais c'est sur le Valenciennois que je veux vous interroger, monsieur le ministre.
Le Valenciennois s'efforce de sortir de la terrible crise industrielle et sociale qui l'a frappé de plein fouet voilà près d'un quart de siècle et dont les ravages humains se font encore sentir malgré une dynamique de reconversion audacieuse. C'est pourquoi je souhaite me faire l'écho des légitimes inquiétudes des salariés des entreprises Bombardier à Crespin et Alsthom à Raismes-Petite-Forêt quant à l'avenir de l'industrie ferroviaire. L'expérience nous démontre en effet qu'il vaut mieux prévenir que guérir.
Le Nord-Pas-de-Calais, s'appuyant sur un remarquable potentiel de recherche, représente à lui seul 30 % de la production ferroviaire française avec plus de 10 000 emplois, situés pour l'essentiel dans le Valenciennois. La récente implantation de l'Agence ferroviaire européenne témoigne de la qualité de ce fleuron industriel.
Malgré ses atouts structurels et humains, ce secteur d'activité est menacé par des projets de délocalisations. Bombardier a annoncé la suppression de 9 000 postes dans le monde entier, en particulier sur sept sites en Europe.
Pourtant, ces entreprises bénéficient de financements publics, et leurs débouchés sont principalement dus aux commandes des collectivités territoriales et de l'Etat qui ne peuvent rester passifs face aux menaces que font peser les délocalisations et le dumping social sur la pérennité de notre industrie ferroviaire.
Les importants besoins émanant de la SNCF, de la RATP, des schémas régionaux de transports, tout comme l'indispensable essor du ferroutage, démontrent que le ferroviaire a toute sa raison d'être et qu'il mérite d'être renforcé dans notre pays.
Le label de pôle de compétitivité dans le domaine ferroviaire devrait conforter cette place de leader mondial. Les syndicats souhaitent d'ailleurs être associés à ce projet de pôle pour lui assurer toutes les chances de succès.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que l'Etat conforte ce secteur stratégique de l'économie française ? Que préconisez-vous pour contrarier toutes les velléités de délocaliser cette activité essentielle pour notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, n'est-il pas plus agréable d'écouter les orateurs dans le silence et avec sérénité ? Alors, continuons ! Ce sera apprécié de ceux qui nous regardent.
M. René-Pierre Signé. C'est que la question était bonne !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Il s'agit effectivement d'une très bonne question et, monsieur Renar, je partage votre analyse sur l'intérêt du Valenciennois en matière ferroviaire.
Comme vous le savez sans doute, l'entreprise Bombardier a reçu, au mois de janvier, une commande de cent autorails de la SNCF, pour un montant de 350 millions d'euros. Il s'agit d'autorails de grande capacité, qui peuvent transporter de 160 à 180 personnes. Le carnet de commandes de Bombardier pour le site de Crespin est rempli jusqu'en 2009. Je peux donc vous rassurer, monsieur le sénateur, il n'y a pas de risque pour l'emploi.
M. Ivan Renar. Il y a des intérimaires !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En deuxième lieu, monsieur Renar, le projet de pôle de compétitivité ferroviaire déposé par le Valenciennois, « pôle I-TRANS », est d'un grand intérêt. Comme vous l'avez souligné, dans le Nord-Pas-de-Calais, le domaine ferroviaire représente 10 000 emplois répartis dans une centaine d'entreprises dont certaines de grande capacité. Cette région est donc dotée d'un grand savoir-faire.
Ce projet présente une grande ambition sur le plan de la recherche. De plus, il a une dimension européenne, ce que je tiens à le souligner. Enfin, le Nord-Pas-de-Calais représente 30 % - vous l'avez d'ailleurs évoqué - de l'activité nationale dans le domaine ferroviaire. Il est de plus doté d'un centre d'essais ferroviaires avec un circuit de vitesse qui, aujourd'hui, peut porter les essais à une vitesse de 160 kilomètres/heure, et il est envisagé d'atteindre 220 kilomètres/heure, ce qui en ferait un circuit unique au monde pour les essais.
M. Raymond Courrière. Qui va payer ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce projet est donc très intéressant. Le Gouvernement le considère avec beaucoup d'attention.
M. Josselin de Rohan. Il n'y a pas que celui-là !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Toutefois, étant donné que 105 projets de pôle de compétitivité ont été déposés, vous comprendrez que je ne puisse pas encore vous donner les résultats du dépouillement. Je peux cependant vous rassurer, en soulignant de nouveau que ce projet est très intéressant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
jeux olympiques de 2012: bilan de la visite à paris du comité international olympique
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Jean-François Humbert. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, au-delà de Paris, c'est la France entière qui se mobilise depuis plusieurs semaines dans l'espoir d'accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques en 2012.
Un sondage récent nous indique que ce sont plus de 85 % de nos concitoyens qui soutiennent notre candidature. Cela confirme les propos de M. le Président de la République devant la délégation du comité d'évaluation du Comité international olympique, le CIO, qui signifiait « l'engagement de la France et des Français ».
Cet enthousiasme a marqué les membres de la délégation du CIO puisque, à l'issue des quatre journées de travail et de visite, sa présidente a souligné qu'ils l'avaient ressenti dans le métro, dans le stade et au sein du comité de candidature.
La qualité du dossier parisien est évidente, mais la marche est encore longue jusqu'au 6 juillet, date de désignation de la ville organisatrice.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, d'une part, quels enseignements vous tirez, quelles perspectives vous dégagez de cette semaine d'évaluation et, d'autre part, quelles initiatives vous lancerez avec le comité de candidature pour maintenir le souffle olympique animant notre pays et permettre la montée en puissance de notre candidature jusqu'au franchissement - que j'espère victorieux - de la ligne d'arrivée, en juillet prochain ? (Très bien et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, effectivement, la candidature française vient de vivre une étape importante qui était nécessaire, mais, vous l'avez compris, non suffisante pour convaincre les membres du Comité international olympique de notre détermination à organiser les jeux Olympiques et Paralympiques.
Nous avions trois objectifs lors de cette visite. Le premier était de démontrer que notre concept était bon : un village au centre de Paris, des événements sportifs pour près de 80 % d'entre eux à moins de dix minutes de ce village, un concept des jeux créé, conçu par les athlètes pour les athlètes.
M. René-Pierre Signé. C'est depuis qu'il y a un bon maire de Paris !
M. Jean-François Lamour, ministre. Le deuxième objectif était de montrer l'existence d'un consensus politique autour de la candidature.
Le maire de Paris et le président de la région ont été pratiquement tout le temps présents face à la commission, mais le Premier ministre ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'intérieur, le ministre des affaires étrangères et le ministre des transports ont « planché » devant la commission pour exprimer l'engagement sans retenue du Gouvernement en faveur de cette candidature. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il s'agit d'une grande première ; ce n'était par exemple pas arrivé lors de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2008.
M. René-Pierre Signé. Et le maire de Paris ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Le troisième objectif était la mobilisation. Vous l'avez rappelé, 85 % des Français sont partisans de cette candidature et l'accompagnent. C'est beaucoup, mais ce n'est pas suffisant. Il faut poursuivre notre effort.
Monsieur le président, je sais par exemple qu'à Vittel l'ensemble des équipements sportifs est aux couleurs de Paris 2012 et que, sur l'ensemble du territoire français, chaque ville, chaque commune s'est approprié ce projet olympique, l'a décliné et fait en sorte de mobiliser ses clubs pour accompagner cette candidature.
Il nous reste maintenant quatre mois pour préparer ce que j'appelle le « grand oral » devant les membres du CIO à Singapour, le 6 juillet prochain, pour affiner notre dossier et, surtout, quatre mois pour continuer à mobiliser la population française. Je ne vous le cache pas, mesdames et messieurs les sénateurs, je compte sur vous pour que, au-delà de Paris et de l'Ile-de-France,...
M. René-Pierre Signé. Et Delanoë ? Et le maire de Paris ?
M. Jean-Marc Todeschini. Il ne faut pas faire de la « récup » !
M. Jean-François Lamour, ministre. ... le territoire national accompagne ce qui serait une formidable opportunité pour notre pays.
Pour conclure, monsieur le président, je citerai un chiffre. Si notre candidature était retenue, quatre millions supplémentaires de Français pratiqueraient une discipline sportive à l'issue des jeux. Vous en conviendrez, en termes de sociabilité, de santé, voilà un objectif que nous devons atteindre ensemble ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Il n'a même pas nommé le maire de Paris !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre parce qu'elle dépasse le strict périmètre de la vie des entreprises.
Monsieur le Premier ministre, le 3 février dernier, à l'occasion de la première conférence nationale pour l'égalité des chances, vous avez affirmé que l'Etat devait être un acteur majeur de la promotion de l'égalité des chances et de la lutte contre les discriminations. Je partage, ô combien, avec vous cet objectif,...
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Bariza Khiari.... mais je constate que vous prenez la direction opposée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En effet, à la suite d'un décret que vous avez signé le 24 août dernier, les artisans étrangers non communautaires n'ont pas pu voter aux dernières élections des chambres des métiers ; ce droit vient de leur être retiré sans aucune explication.
En trente ans, les étrangers ont acquis une série de droits au sein de leur entreprise : être élu délégué du personnel, être élu délégué syndical, participer aux élections prud'homales, et j'en passe. La dernière avancée, qui date du gouvernement Jospin, était précisément celle qui leur permettait d'élire leurs représentants dans les chambres des métiers.
Pour donner corps à vos propos et créer - je vous cite, monsieur le Premier ministre - « un environnement propice à la prévention des discriminations par la mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux et de l'Etat, il eût fallu poursuivre dans cette voie et permettre également aux étrangers de voter dans les chambres de commerce. L'harmonisation aurait dû se faire par le haut ».
Le décret du 24 août dernier est en parfaite contradiction avec votre discours. Ce droit de vote aux élections consulaires, parcelle de citoyenneté, était non seulement un signe de reconnaissance et de confiance, mais aussi un facteur puissant d'intégration. L'artisanat est la première entreprise de France ; au sein de cette première entreprise de France, ils sont des dizaines de milliers d'artisans étrangers non communautaires, contribuables, employeurs et créateurs de richesses.
C'est pourquoi nous vous demandons, au nom de l'exigence républicaine d'égalité, l'abrogation pure et simple de ce texte. Au moment où une majorité de pays européens a accordé aux étrangers le droit de vote aux élections locales, le raisonnement qui vous a conduit à signer ce décret nous échappe complètement.
En effet, depuis Maastricht, la différence de traitement entre les ressortissants européens qui ont le droit de vote aux élections locales et les étrangers qui vivent en France depuis des années et qui ne disposent pas de ce même droit crée un malaise dont profitent, en premier lieu, les adversaires de la démocratie et de la laïcité.
Ce décret accentue le sentiment d'injustice et d'exclusion.
Ma question est double, monsieur le Premier ministre. Au moment où vous mettez en place la Haute autorité de lutte contre les discriminations, comment six ministres de votre gouvernement ont-ils pu signer en toute connaissance de cause ce décret dont la forte portée symbolique n'a pas pu vous échapper ? En second lieu, pourquoi le Gouvernement refuserait-il d'annuler un texte qui nuit gravement à la cohésion nationale ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. La question est embarrassante !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la sénatrice, votre question est intéressante, mais c'est tout de même un sacré mélange de concepts ! La question fondamentale que vous posez est celle de savoir comment les élections territoriales sont organisées dans notre pays.
MM. Yannick Bodin et David Assouline. On parlait d'artisans !
M. François Loos, ministre délégué. Le principe est le suivant. En France, peuvent participer aux élections territoriales les ressortissants des Etats européens. Ce principe s'applique à toutes les élections territoriales,...
M. David Assouline. Ce n'était pas la question !
M. François Loos, ministre délégué.... ainsi qu'aux élections des chambres de commerce et d'industrie. Je vous signale que les artisans sont pour 60 % d'entre eux également des commerçants, c'est-à-dire que, trois mois auparavant, ils ont voté lors des élections dans les chambres de commerce et d'industrie dans les mêmes circonstances et dans les mêmes conditions.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas pour cela que c'est mieux !
M. Raymond Courrière. Il faudra leur dire pourquoi !
M. Jean-Pierre Bel. C'est un recul terrible !
Mme Catherine Tasca. Effectivement !
M. François Loos, ministre délégué. Ce décret a été signé après avis du Conseil d'Etat.
Par conséquent nous éprouvons le sentiment d'avoir parfaitement respecté l'Etat de droit, les principes, les règles européennes.
Au fond, la question qui se pose est de savoir si tout cela est effectivement utile pour le monde de l'artisanat et pour les chambres des métiers. Vous pouvez faire confiance à Christian Jacob (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)...
Mme Nicole Bricq. Non !
M. François Loos, ministre délégué.... qui s'occupe des 400 000 entreprises artisanales de notre pays et des 2 millions d'emplois que cela représente dans le cadre d'un plan de dynamisation de l'artisanat. C'est là-dessus que nos concitoyens attendent d'abord notre action ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. N'importe quoi ! Zéro !
conséquences sur l'économie française de la hausse du prix du pétrole
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.).
M. Didier Boulaud. Passe-moi le poivre !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous voulez le faire travailler car il ne va pas rester longtemps !
M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, le baril de pétrole brut a dépassé les 56 dollars hier à New York, pour atteindre 57,01 dollars aujourd'hui, inscrivant ainsi un nouveau record historique.
Cette évolution est d'autant plus inquiétante qu'elle traduit une double incapacité : celle des analystes à l'anticiper, et celle de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, à l'enrayer. Par voie de conséquence, elle fait peser sur notre pays de lourdes incertitudes sur la croissance et sur l'emploi en France, surtout dans les secteurs les plus défavorisés.
M. Roland Courteau. La TIPP flottante !
M. Alain Dufaut. Nous avons déjà connu une flambée des cours du pétrole au cours du mois d'octobre dernier.
Le Gouvernement avait alors fait le choix du pragmatisme et de l'efficacité en aidant en priorité les secteurs qui rencontraient le plus de difficultés financières du fait de la hausse du pétrole.
Un certain nombre de mesures d'urgence ont ainsi été prises en faveur des marin-pêcheurs, des agriculteurs et des transporteurs routiers. Dans le cadre du collectif budgétaire, nous avons également voté une aide exceptionnelle afin de compenser l'effet de la hausse du carburant, en particulier du fioul domestique, pour les bénéficiaires du minimum vieillesse.
M. Jacques Mahéas. TIPP flottante !
M. Alain Dufaut. Le nouveau record atteint aujourd'hui souligne cependant la nécessité d'aller au-delà de ces mesures conjoncturelles d'autant que les prix du pétrole pourraient rester durablement élevés...
M. Roland Courteau. Oui !
M. Alain Dufaut.... du fait de la persistance de tensions internationales, en particulier la crise irakienne bien sûr, de l'augmentation exponentielle des besoins de la Chine, mais aussi et surtout d'une capacité de production insuffisante liée, vous le savez tous, à la faiblesse des investissements pétroliers depuis une dizaine d'années.
Mme Nicole Bricq. Il faut le dire à Total !
M. Alain Dufaut. Dans ces conditions, c'est d'une réponse structurelle dont nous avons surtout besoin aujourd'hui.
Dans cet esprit, le projet de loi d'orientation sur l'énergie que le Sénat examinera prochainement en seconde lecture fixera les grands axes de notre politique énergétique pour les trente prochaines années. D'autres initiatives, je le sais, sont envisagées à l'échelon européen.
Dans ce cadre général, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de permettre à notre pays de répondre aux défis énergétiques auxquels il est confronté sur le court, le moyen et surtout sur le long terme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La TIPP flottante !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, nous avons subi les effets non seulement du prix du baril, que vous venez de rappeler, mais aussi d'une situation climatique tout à fait exceptionnelle.
Par ailleurs, les prix à la consommation se sont bien tenus au début de cette année : ils ont reculé de 0,5 % au mois de janvier pour progresser dans les mêmes proportions au mois de février, en raison, essentiellement, de la hausse de 2,4 % des dépenses d'énergie dans le panier des ménages. Pour le reste, ce dernier résiste bien, et on ne voit pas, Dieu soit loué, d'effets sur les consommateurs.
M. Jean-Pierre Plancade. Il ne doit pas aller souvent faire ses courses au marché !
M. Thierry Breton, ministre. Tout cela est le fruit des actions engagées et des mesures prises par le Gouvernement l'année dernière. Celles-ci seront évidemment poursuivies si jamais une telle situation perdure.
En ce qui concerne le moyen terme et le long terme, je rappelle que la France a fait des efforts considérables depuis les années soixante-dix en matière énergétique. Même si ceci représente un niveau encore trop élevé, la France importe désormais à peu près la moitié de son énergie : 141 millions de tonnes équivalent pétrole sur 266.
Notre indépendance énergétique actuelle a été obtenue grâce à une politique du nucléaire vigoureuse de la part du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, notamment avec la mise en oeuvre de l'EPR. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.) Cette politique sera poursuivie et même renforcée.
L'année dernière, le prix du baril a augmenté de 33 %, tandis que le dollar s'est déprécié de 8,8 % par rapport à l'euro. Ainsi, la facture énergétique s'élève à 28 milliards d'euros.
M. Raymond Courrière. Et l'énergie éolienne ?
M. Jean-Pierre Plancade. Interrogez les entreprises !
M. Didier Boulaud. Le Gouvernement, c'est une éolienne : il brasse du vent !
M. Thierry Breton, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour une fois, je me féliciterai du faible niveau du dollar : lorsque le baril augmente de dix dollars, il n'augmente que de cinq euros pour les Européens et pour les Français. Malgré tout, la hausse du pétrole est donc relativement contenue.
M. Raymond Courrière. Et la TIPP flottante ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les éoliennes ?
M. Thierry Breton, ministre. En réponse à la situation économique, le Gouvernement mène une politique de « mix énergétique » vigoureuse, qui porte notamment sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
A cet égard, le Gouvernement a pris le pari que, à l'horizon 2010, 21 % de notre électricité serait produite à base d'énergies renouvelables. L'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mène à ce sujet une véritable campagne d'information auprès des particuliers pour parvenir à une meilleure utilisation de l'énergie.
Enfin, le Gouvernement, notamment M. de Robien, a fait beaucoup d'efforts dans le domaine des transports, qui consomment 50 millions de tonnes équivalent pétrole. Pour la première fois, la facture des carburants a baissé l'année dernière.
Le Gouvernement mène des actions diversifiées pour répondre aux problèmes posés. Il marque ainsi sa volonté d'accroître notre indépendance énergétique, en particulier grâce aux énergies renouvelables et, bien entendu, grâce au nucléaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
délocalisation des eaux de source « perrier »
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Un sénateur d'avenir !
M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.
Des décisions lourdes de conséquences pour l'emploi et la pérennité du site de production, situé à Vergèze, de l'eau minérale naturelle Perrier, déclarée d'intérêt public, sont en cours d'élaboration. L'administrateur délégué du groupe Nestlé a d'ailleurs indiqué que l'option de vendre Perrier était toujours d'actualité. Richard Girardot, président-directeur général de Nestlé Waters France a, quant à lui, indiqué : « L'année 2005 sera l'année d'une réorganisation globale, avec pour objectif de gagner 25 % à 30 % de productivité et de réaliser au moins 5 % de rentabilité sur la marque Perrier ».
Cette stratégie repose sur une politique de mise en oeuvre de préretraites et de licenciements. Toutefois, j'appelle l'attention du Sénat sur une autre option envisagée, à savoir la délocalisation du site de production, y compris hors du territoire national.
M. René-Pierre Signé. C'est honteux !
M. Simon Sutour. Aussi, il est stupéfiant d'entendre le responsable des opérations de Nestlé en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, affirmer : « légalement, nous pouvons produire ailleurs »,...
M. Roland Courteau. C'est scandaleux !
M. Simon Sutour.... et ce sans exprimer le moindre souci quant au véritable site de production et à ses employés.
Le comité d'établissement de Vergèze s'est donné pour objectif de lier définitivement la marque Perrier à son bassin d'alimentation, afin de protéger le site de production et les emplois.
Cette démarche est soutenue par les élus des communes du département du Gard : les entreprises qui exploitent des produits liés à un territoire doivent respecter l'environnement patrimonial et social.
Des engagements sur la restructuration de l'usine ont été pris en préfecture du Gard, en présence du ministre de l'industrie. C'est sur cette base que le syndicat CGT a accepté de lever son droit d'opposition. Depuis, les tensions se multiplient entre direction et personnel, et l'épée de Damoclès de la délocalisation est régulièrement brandie par le groupe Nestlé.
Coïncidence, lundi dernier, le tribunal de grande instance de Nîmes a suspendu la filialisation du site de Vergèze, en condamnant le groupe Nestlé Waters France pour défaut de consultation du personnel.
On se trouve aujourd'hui en présence de deux logiques contradictoires : d'un côté, je partage avec les autres élus gardois et les syndicalistes la conviction que la source Perrier doit profiter au bassin d'emplois ; de l'autre, certaines personnes ne considèrent cette source que comme un point sur une carte, qui ne sert qu'à rapporter de l'argent.
Face à cette situation, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir indiquer la position du Gouvernement sur le projet de délocalisation du site de production de la source Perrier. En outre, dans quelles mesures comptez-vous soutenir la demande de classement de la source en appellation d'origine contrôlée ou en appellation géographique contrôlée, afin que le produit « Perrier » soit rattaché à son bassin d'alimentation, ce qui permettrait, par voie de conséquence, d'interdire sa délocalisation ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Voilà une question précise !
M. Ivan Renar. M. le ministre se voit poser de bonnes questions, aujourd'hui !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Sutour, le conflit à propos de Perrier entre Nestlé et les travailleurs du secteur préoccupe beaucoup le Gouvernement qui suit cette affaire avec beaucoup d'attention.
La question du devenir de l'appellation « Perrier » concerne deux aspects bien différents, qui méritent une courte explication juridique.
En effet, « Perrier », c'est à la fois une marque, qui appartient au groupe Nestlé, et la dénomination d'une eau minérale, qui ne peut pas être une appellation d'origine contrôlée mais qui ressort juridiquement au régime réglementaire des eaux minérales.
Au titre de la marque, il n'y a pas d'actions juridiques possibles puisque, aux termes de l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, l'action éventuelle en contrefaçon appartient exclusivement au propriétaire de la marque, qui est le seul à pouvoir défendre son bien.
En revanche, la directive de 1980, transposée dans le droit national, dispose que chaque source d'eau minérale doit faire l'objet d'une mention d'origine. Or la source « Perrier » correspond bien à un lieu géographique.
Par conséquent, si Nestlé souhaite utiliser l'appellation « Perrier » pour une eau provenant d'une autre source, il pourra utiliser cette appellation en tant que marque, mais pas en tant que marque d'origine.
Or, dans un souci de protection du consommateur, la directive prévoit l'obligation de mentionner, sur l'étiquette, le nom de la source de l'eau en caractères infiniment plus gros que ceux qui sont utilisés pour la marque éventuellement apposée.
Tel est l'état du droit. Si Nestlé envisage d'agir ainsi, à mon avis, le consommateur ne s'y trompera pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Cela ne convainc personne !
M. Robert Hue. C'est une astuce d'avocat !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques semaines, le ministre du budget annonçait, avec une gourmandise mal dissimulée, que les Français n'avaient jamais payé autant d'impôts qu'en 2004.
Ce fut en effet l'année des records : record des recettes fiscales, mais surtout record du taux de prélèvements obligatoires parmi les vingt pays les plus industrialisés, ce qui fait de notre économie l'une des plus socialistes de la planète ! (M. Roland Ries s'esclaffe.)
Voilà quelques jours, l'INSEE a publié le montant du déficit budgétaire. S'il est, certes, en légère régression, il atteint tout de même le montant colossal de 50 milliards d'euros.
Au demeurant, une telle situation n'est pas nouvelle : en effet, aucun gouvernement n'a présenté un budget en équilibre depuis 1980, c'est-à-dire depuis vingt-cinq ans, soit une génération ! En l'occurrence, c'est une génération de déficit : en vingt-cinq ans, la dette est passée de 90 milliards d'euros à 1 065 milliards d'euros aujourd'hui, malgré la vente de 70 % de nos entreprises publiques.
MM. Didier Boulaud et René-Pierre Signé. Merci Balladur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
MM. Alain Gournac et Josselin de Rohan. Vous avez été au pouvoir pendant quatorze ans !
M. Raymond Courrière. Et Chirac ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, un tel niveau correspond quasiment à quatre années de fonctionnement du budget de l'Etat. La seule charge des intérêts de la dette représente pratiquement deux mois de recettes.
La nature de l'homme est ainsi faite qu'il a le souci de laisser un patrimoine aux générations suivantes.
M. René-Pierre Signé. Il sera amoindri !
M. Philippe Dominati. Or, lorsque les infortunes de la vie sont trop fortes, les enfants peuvent refuser l'héritage.
Dans notre pays, chaque Français, y compris chaque nouveau-né, doit aujourd'hui assumer personnellement cette dette, à hauteur d'environ 17 000 euros.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela ne veut rien dire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chaque nouveau-né sera bien content de bénéficier de notre sécurité sociale !
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, au cours de votre activité professionnelle, vous avez redressé des entreprises qui étaient en cessation de paiement.
M. Didier Boulaud. Thomson !
M. Philippe Dominati. Or, vous le savez, l'INSEE évoque dans son dernier rapport la « soutenabilité » de la dette publique, en expliquant notamment que la France bénéficie de taux d'intérêt historiquement bas.
Monsieur le ministre, ma question s'adresse, d'une part, à l'expert en désendettement que vous êtes, et, d'autre part, à l'homme qui a accepté la mission difficile que lui a confiée le Premier ministre.
Monsieur le ministre, la dette de la France est-elle encore soutenable ? Dans quel délai pouvons-nous espérer l'équilibre ? Enfin, pouvons-nous un jour rêver, comme dans d'autres pays, de disposer d'un budget en équilibre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, pour cette quatrième question de l'après-midi me concernant,...
Un sénateur de l'UMP. Un bizutage !
M. Thierry Breton, ministre.... vous avez fait référence à mon parcours professionnel. Effectivement, je suis fier d'avoir accepté de faire partie du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (Très bien ! sur les travées de l'UMP),...
M. René-Pierre Signé. On verra la suite !
M. Raymond Courrière. Tour de passe-passe !
M. Thierry Breton, ministre.... même si je connais parfaitement la situation de la France que vous venez de décrire.
Je ferai une remarque complémentaire, sans vouloir porter de jugement ni être dogmatique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Est-ce possible ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Breton, ministre. En effet, voilà vingt-cinq ans, lorsque j'ai commencé ma vie professionnelle, j'ai assisté à un événement tout à fait extraordinaire : alors que l'ensemble des pays s'ouvrait sur le monde, entre 1981 et 1983, le gouvernement français a nationalisé toute l'activité économique française ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées, couvrant progressivement la voix de l'orateur.)
M. René-Pierre Signé. On a sauvé des entreprises !
M. Thierry Breton, ministre. Comme beaucoup de jeunes Français, j'ai dépensé une énergie considérable pour remettre les entreprises à la place qu'elles auraient toujours dû occuper. (M. Didier Boulaud s'exclame.)
Je suis heureux d'avoir pu consacrer vingt-cinq années de ma vie au service de la France.
Cependant, vous venez de le rappeler, une telle politique a un coût : ce sont 1 000 milliards d'euros qu'il faut maintenant assumer.
M. Jean-Marc Todeschini. Vendez les stock-options !
M. Thierry Breton, ministre. Cela dit, des solutions existent et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a mis en oeuvre un certain nombre d'innovations. A cet égard, trois composantes du déficit peuvent être distinguées : les dépenses de l'Etat, les dépenses de santé et les dépenses des collectivités locales.
Tout d'abord, les dépenses de l'Etat ont diminué de 13 milliards d'euros. De ce point de vue, le « zéro volume » a bien fonctionné.
Ensuite, en matière de dépenses de santé, nous avons effectivement encore des progrès à faire ! (Brouhaha.)
M. René-Pierre Signé. Beaucoup !
M. Didier Boulaud. Le mieux, c'est encore de ne pas soigner les Français !
M. René-Pierre Signé. Laissez-les mourir !
M. Didier Boulaud. Laissez-les tousser !
M. René-Pierre Signé. Heureusement qu'il y a eu la canicule !
M. Hugues Portelli. Silence au fond !
M. Thierry Breton, ministre. Nous avons du reste un rendez-vous au mois de juin, pour vérifier le bon déroulement du plan mis en oeuvre. Grâce à la semestrialisation, nous allons pouvoir réagir en temps réel.
Enfin, pour la première fois, en 2004, les collectivités locales, hors transferts de charges, ont dépensé un peu trop. C'est un élément que vous devez également prendre en compte, mesdames, messieurs les sénateurs. Au nom de la France, je suis en effet comptable de l'ensemble de ces trois composantes.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Thierry Breton, ministre. Cela étant dit, un certain nombre de plans sont désormais en voie de réalisation.
Je me suis fixé la mission de poursuivre le « zéro volume » et l'orthodoxie budgétaire qui ont été appliqués les deux années précédentes. Par ailleurs, la semaine dernière, j'ai notifié à Bruxelles l'engagement de la France d'un déficit public à 2,9 % du PIB.
M. René-Pierre Signé. Il faudrait une canicule tous les étés !
M. Thierry Breton, ministre. Nous respecterons cet engagement : certes, vous avez raison, les marges de manoeuvre sont restreintes, mais la volonté est là.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment allez-vous payer l'augmentation des fonctionnaires ?
M. Thierry Breton, ministre. Au demeurant, il y a beaucoup d'économies à faire. Croyez-moi, en matière d'économies, je m'y connais, et j'en vois déjà beaucoup à réaliser ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Avenir de l'école
Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école.
Rappel au règlement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Finalement, ainsi que nous l'avions demandé, l'examen de l'amendement n° 658 a été renvoyé en commission. Il s'agit en effet d'un point très important du texte, comme M. le ministre l'a dit lui-même.
Je vous fais observer, monsieur le président, car vous êtes le garant du respect du règlement du Sénat, que, grâce à un petit subterfuge, la commission nous soumet à nouveau, avec l'amendement n° 658 visant à insérer un article additionnel, le contenu d'un article repoussé précédemment.
Vous comprendrez donc que, face à cette situation, nous redéposions, sous forme de sous-amendements, les amendements que nous avions déposés à l'article 6.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, j'étais sur le point de faire la même remarque. J'observais en effet que les sous-amendements déposés sur l'amendement n° 658 étaient la simple reprise d'amendements qui ont d'ores et déjà été défendus.
Quoi qu'il en soit, j'appliquerai strictement le règlement, et vous pourrez les présenter à nouveau.
Nous reprenons donc l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 6.
Articles additionnels après l'article 6 (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en revenons à l'amendement n° 658, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, et visant à insérer un article additionnel après l'article 6.
J'en rappelle les termes :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-1, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :
"Art. L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :
"- la maîtrise de la langue française ;
"- la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
"-une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;
"-la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ;
"-la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication.
" L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.
" Le socle commun est complété par d'autres enseignements, au cours de la scolarité obligatoire.
" Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut conseil de l'éducation.
" Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire. "
Cet amendement a déjà été défendu.
Je suis saisi de huit sous-amendements.
Le sous-amendement n° 660, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :
La scolarité obligatoire doit au minimum garantir l'acquisition par chaque élève d'un ensemble de connaissances et de compétences indispensables appelé culture scolaire commune. Celle-ci est définie dans ses contenus et sa conception même par le Conseil supérieur de l'éducation nationale sur proposition du Conseil national des programmes.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec la nouvelle rédaction de l'amendement n° 658 proposée par la commission, nous reprenons la discussion sur le contenu du socle commun voulu par M. le ministre.
En effet, cet amendement vise à réintroduire dans le projet de loi ce que nous avons supprimé tout à l'heure, grâce à l'adoption d'un amendement par la majorité des sénateurs présents.
Ce sous-amendement vise donc à réintroduire dans le projet de loi la conception de la culture scolaire que nous souhaitons pour l'ensemble de nos jeunes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la « culture scolaire commune » est, pour nous, l'acquisition non seulement de connaissances, mais aussi d'outils pour comprendre, trier, synthétiser, cerner et résoudre des problèmes.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui nous tient à coeur, c'est que l'éducation nationale puisse permettre à chacun de nos jeunes, quelle que soit sa situation, de bénéficier de la transmission de savoirs et de connaissances, d'apprendre et aussi de devenir un citoyen en participant à la vie démocratique de notre pays.
A cet égard, nous pensons que la notion de socle commun introduite dans l'amendement n° 658 de la commission n'est pas suffisante pour permettre à l'ensemble de nos jeunes d'acquérir les connaissances indispensables pour le XXIe siècle. Certes, ce socle commun comprend les technologies nouvelles, mais tout ne peut pas s'y résumer. Le XXIe siècle nécessite quand même des connaissances un peu plus larges !
M. le président. Le sous-amendement n° 661, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar et Voguet, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
d'un socle commun
par les mots :
d'une culture scolaire commune de haut niveau
II. - Au début de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :
Ce socle
par les mots :
Cette culture scolaire commune
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Sans reprendre toute notre argumentation, je dirai simplement que nous ne voulons vraiment pas du socle commun, et que ce sous-amendement tend donc à remplacer, dans l'article L.122-1-1 du code de l'éducation, les mots : « socle commun » par les mots : « culture scolaire commune de haut niveau ».
M. le président. Le sous-amendement n° 659, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer les deuxième à dernier alinéas du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par sept alinéas ainsi rédigés :
« - la connaissance approfondie des principes et des règles de la République ;
« - des objectifs linguistiques : la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère ;
« - des objectifs culturels, en abordant l'ensemble des savoirs scientifiques et artistiques, littéraire et philosophiques ;
« - des objectifs de pratiques physiques et sportives en axant sur la maîtrise du corps et l'apprentissage de la vie en collectivité ;
« - des objectifs technologiques permettant de faire découvrir aux élèves la culture scientifique et technique ;
« - des objectifs d'apprentissage pour construire la citoyenneté des élèves.
« Les objectifs principaux de cet ensemble de connaissances doivent permettre aux enfants et adolescents de penser, de raisonner, de s'exprimer, de développer une réflexion et un jugement autonome, d'être formé à la vie en société et au respect d'autrui, d'être des citoyens, de maîtriser leur corps. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Je tiens à souligner le ridicule - j'ose le mot - de la situation dans laquelle nous légiférons.
M. Charles Revet. C'est vous qui l'avez créée !
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, votre majorité vous soutient tellement dans votre projet d'envergure pour l'école que, ce matin, lors du vote de l'article central de ce texte, celui qui concerne le socle commun, symbole de votre politique pour l'école, vos troupes ont manqué à l'appel ; nous avons donc pu faire adopter à la majorité notre contre-proposition.
Marri, vous nous annoncez une suspension de séance. Au bout d'une vingtaine de minutes, la fumée blanche apparaît, mais point de deuxième délibération sur cet amendement ! Le président de la commission des affaires culturelles demande seulement un scrutin public qui, en toute logique, aboutit au rejet de l'article en question.
Pendant la demi-heure qui suit, monsieur le ministre, vous avez sans doute réalisé, en y réfléchissant, qu'il serait politiquement du plus mauvais effet d'arriver mardi en commission mixte paritaire avec un texte amputé de son article phare. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Effectivement, cela fait plutôt désordre !
Le président de la commission des affaires culturelles nous annonce alors une réunion subite de la commission. L'ordre du jour n'est pas indiqué, mais nous pouvons aisément le deviner ! Et là, tel un tour de passe-passe, on nous propose de rétablir le dispositif de l'article 6, supprimé par vos soins, sous la forme d'un article additionnel. La ficelle est un peu grosse !
Qu'à cela ne tienne, nous sommes, nous aussi, persévérants,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Yannick Bodin.... et nous redéposons le dispositif adopté par le Sénat ce matin en sous-amendant le texte de la commission.
Je rappellerai brièvement les raisons - ce sont toujours les mêmes - qui nous ont conduits à demander une modification de votre texte, que nous jugeons incomplet. Ce sous-amendement vise à réécrire l'article qui définit le socle commun.
Après les tergiversations de ce matin, j'ai la certitude que nous sommes tous d'accord sur le principe du socle commun, mais pas sur son contenu.
Le texte résultant de l'amendement n° 658, que vous cautionnez - j'ai bien noté la touche personnelle de la commission, qui a transformé un futur en un présent -, est certes sensiblement amélioré par rapport au projet de loi initial dans lequel le mot « commun » n'était pas employé.
Mais nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à souhaiter aller plus loin. Notre définition s'inscrit dans un objectif de formation globale du citoyen, et non dans un strict contexte de formation et de projet professionnel.
En outre, notre sous-amendement fixe six objectifs - et non pas cinq, comme le projet de loi - qui divergent quelque peu de ceux de votre amendement. Figurent au titre de nos objectifs trois grands oubliés du socle de l'amendement n° 658 : l'acquisition de savoirs artistiques, les objectifs de pratique sportive et une culture technologique.
Il nous a semblé également nécessaire que le socle commun fixe un objectif de connaissance des principes et des règles de la République.
Telles sont les principales différences dans la définition du socle que nous proposons.
Pour conclure, j'attire l'attention sur le fait que ce socle commun ne saurait constituer une fin en soi. Il s'agit d'un minimum. Je crains fort que, dans l'esprit de certains - non pas nécessairement de vous, monsieur le ministre, mais de certains sénateurs de la majorité, par exemple - il n'y ait, après ce socle commun, un enseignement à deux vitesses : ceux qui seraient jugés aptes recevraient un enseignement complémentaire, et ceux qui seraient considérés inaptes n'auraient droit à rien !
M. Yannick Bodin. Et ce ne sont pas les termes de l'article 6 bis, issu d'un amendement de l'Assemblée nationale, qui nous rassurent, monsieur le ministre.
M. le président. Le sous-amendement n° 662, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'éducation artistique et culturelle. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. L'éducation artistique et culturelle, qui intègre les enseignements artistiques obligatoires - à l'école et au collège - et optionnels - au lycée -, ainsi que des activités complémentaires articulées avec ces enseignements, est une composante à part entière de la formation des enfants et des jeunes.
Présente de la maternelle au lycée, elle permet à la fois un épanouissement individuel de qualités spécifiques, un développement de compétences transversales, un apprentissage des pratiques de groupe et un accès à une culture commune, lien social fort.
Elle contribue également à permettre aux élèves de participer à des projets de création collective - concerts, représentations théâtrales, expositions - ouvrant l'école sur l'extérieur et exigeants en termes de qualité et de rigueur.
L'éducation artistique et culturelle s'inscrit, en milieu scolaire, dans un contexte marqué par de nouvelles exigences, nous semble-t-il.
Il y a d'abord la diversité des champs reconnus dans le monde des arts et de la culture : arts visuels - arts appliqués, arts plastiques, cinéma et audiovisuel - ; arts du son - musique vocale et instrumentale, travail du son - ; arts du spectacle vivant - théâtre, danse - ; histoire des arts, comprenant le patrimoine architectural et des musées.
Il faut ensuite prendre en compte la diversité des démarches pédagogiques qui conjuguent des enseignements artistiques, des dispositifs d'action culturelle et des approches croisées.
On peut également noter la diversité des jeunes publics, qui suppose des actions renforcées, pendant le temps consacré aux activités scolaires et le temps réservé aux activités périscolaires, dans les zones socialement défavorisées ou géographiquement isolées. Un effort particulier doit d'ailleurs être entrepris pour associer les élèves handicapés aux activités artistiques et culturelles.
Enfin, il convient de souligner la diversité des partenariats dans lesquels les structures artistiques et culturelles ainsi que les collectivités territoriales ont une implication de plus en plus forte.
Les écoles, les collèges et les lycées doivent pouvoir prendre en compte ces différentes dimensions au sein de leur projet d'école ou d'établissement.
La diversification des actions - atelier de pratique, lieu d'expression artistique - et le développement des initiatives menées en partenariat doivent être encouragés.
A la lumière de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter notre sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 663, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la pratique de l'éducation physique et sportive.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Ce sous-amendement vise à insérer un alinéa portant sur la pratique de l'éducation physique et sportive.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement argumenter sur votre conception du socle commun. Vous justifiez l'exclusion de l'éducation physique et sportive de ce socle en affirmant qu'aucun Français de bon sens n'accepterait que son enfant redouble une classe à cause de ses mauvais résultats en éducation physique et sportive.
Au fond, avec cette déclaration, vous dites clairement que le socle commun constitue, à vos yeux, l'ensemble des enseignements susceptibles de permettre, à eux seuls, l'évaluation des résultats scolaires des élèves, et d'autoriser ou non la poursuite de leurs études.
Du même coup, vous réduisez les autres enseignements à des matières secondaires d'appoint pour l'appréciation des progrès des élèves comme pour l'évaluation des compétences acquises.
Cette démarche n'est évidemment pas acceptable, d'autant que l'éducation physique et sportive, inscrite dans la culture commune actuelle, est présente à tous les examens et joue, dans l'évaluation, plutôt en faveur des élèves.
Vous poursuivez, monsieur le ministre, en indiquant que personne ne comprendrait que l'on dispense des heures de soutien à des élèves en difficulté en éducation physique et sportive. On peut se demander pourquoi. Il n'y a en effet aucune raison d'empêcher des élèves qui l'exigeraient de bénéficier, comme c'est parfois le cas aujourd'hui, d'un soutien en éducation physique. Est-il acceptable en 2005, par exemple, que nombre d'élèves sortent du système scolaire obligatoire sans savoir nager ? Cela est d'autant plus intolérable que ceux-ci sont issus, la plupart du temps, de milieux défavorisés.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous plaidons pour un socle commun élargi, une véritable culture commune donnant toute sa place à la culture corporelle, sportive et artistique, et donc à l'éducation physique et sportive.
Nous espérons donc, dans ce débat important pour le pays et son avenir, que la rigueur de la réflexion et la cohérence intellectuelle prendront le pas sur toute autre considération.
M. le président. Le sous-amendement n° 664, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'acquisition d'une connaissance de l'expression artistique et culturelle, notamment francophone, favorisant la défense de la diversité culturelle.
La parole est à M. Michel Billout
M. Michel Billout. Ce sous-amendement est, en quelque sorte, un appel à la diversité culturelle. Il est en effet grand temps de donner à la francophonie tout son écho auprès des élèves et étudiants de notre pays.
Les élèves de nos établissements scolaires peuvent en effet être considérés, de par la diversité de leurs origines, comme le produit d'une certaine histoire de notre pays, cette diversité représentant un véritable potentiel pour le devenir de la France.
La richesse culturelle, c'est l'appréhension, l'appropriation de la réalité de la diversité culturelle, celle des jeunes comme celle du monde. Le mouvement de la francophonie participe d'ailleurs de cette richesse culturelle.
Il est donc crucial que cette donnée et ce fondamental soient intégrés dans la culture scolaire commune que nous souhaitons développer, dans les prochaines années, au coeur du projet de notre système éducatif.
M. le président. Le sous-amendement n° 665, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le septième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces enseignements se feront en classes dédoublées.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Si nous sommes tous d'accord ici pour que les jeunes de notre pays bénéficient d'une formation initiale de haut niveau leur permettant d'aborder leur vie professionnelle dans les meilleures conditions possibles, nous devons mettre en regard les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.
Il est évident que l'apprentissage des langues étrangères et la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication appellent des pratiques pédagogiques spécifiques facilitant la meilleure appropriation possible des champs de connaissances concernés.
Le recours aux classes dédoublées, utilisant notamment des laboratoires de langues ou encore des salles informatiques suffisamment équipées et accessibles, s'impose tout à fait naturellement dans ces domaines.
En toute logique, si l'on souhaite se donner les moyens de cette appropriation, il convient de compléter l'amendement n° 658 de la commission par ce sous-amendement. Tout autre choix priverait probablement, sur le long terme, un nombre important de jeunes élèves scolarisés de toute possibilité réelle de réussite scolaire, et donc d'accomplissement de leurs projets personnels.
M. le président. Le sous-amendement n° 666, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
après avis du Haut conseil de l'éducation
par les mots :
sur avis du Conseil national des programmes
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ce sous-amendement a trait à la création d'un Haut conseil de l'éducation venant se substituer aux structures existantes.
Nous allons donc nous retrouver avec un collège de personnalités, sans doute très respectables et, pour un certain nombre d'entre elles, pourvues de toutes compétences en matière éducative - on imagine aisément que, parmi les personnalités nommées, on pourrait trouver d'anciens recteurs, voire d'anciens ministres -, collège qui ne servira finalement qu'à valider de manière scientifique les orientations profondes de la politique éducative de notre pays.
A la vérité, les autorités politiques participant à la désignation des membres du Haut conseil attendent de ce dernier, nous semble-t-il, qu'il défende et illustre la maîtrise de la dépense publique en matière d'éducation. La tâche qui attend le Haut conseil n'est donc pas minime. En effet, ce dernier va être rapidement saisi d'une mission consistant à définir le fameux socle commun de connaissances et de compétences indispensables dont nous débattons.
Monsieur le ministre, vous savez ce que nous pensons de ce socle ; nous lui préférons une culture commune de haut niveau, vraiment susceptible de permettre à chacun de nos jeunes d'accéder à une véritable citoyenneté.
La réalité, c'est que le travail scientifique ne vise en fait qu'à permettre de traiter de manière subalterne et auxiliaire certains savoirs qui sont pourtant essentiels pour atteindre les objectifs que nous associons à la mise en oeuvre du droit à l'éducation.
Sur le fond, la vérité, c'est qu'en hiérarchisant les compétences et les connaissances considérées comme essentielles pour constituer ce socle commun, on crée les conditions de traiter, de manière aussi hiérarchisée, la nécessité de créer ou de maintenir certaines options ou certains enseignements.
Monsieur le ministre, la pétition des enseignants de sciences économiques et sociales n'est pas une simple vue de l'esprit qui aurait, de manière spontanée et concurrente, touché plusieurs milliers d'enseignants pénétrés par je ne sais quelle théorie économique alternative au libéralisme. Ces enseignants constatent plutôt que leur enseignement est directement menacé par la réforme que vous présentez. Alors, évidemment, se pose la question de savoir quelles implications budgétaires peut avoir cette orientation.
En prenant en charge le fonctionnement d'une haute autorité dont les membres ont d'ailleurs un mandat au moins aussi long, sinon plus long, que celui des personnes les désignant, on cherche à justifier le déclin de la dépense publique en faveur de l'éducation par des motifs scientifiques et pédagogiques. Nous ne voulons donc pas de ce collège de proconsuls, et nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Les sous-amendements présentés par nos collègues des groupes socialiste et CRC reprennent les amendements que nous avons examinés ce matin et pour lesquels la commission a émis un avis défavorable.
Même si la pédagogie est l'art de la répétition, je ne reprendrai pas les arguments déjà développés ; la commission est donc défavorable à tous ces sous-amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Tous ces sous-amendements ont un même objectif : détruire la notion du socle commun de connaissances.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous avez le mérite de la franchise, madame !
M. François Fillon, ministre. Ces sous-amendements témoignent, pour le moins, d'une conception du socle commun ne correspondant pas à la nôtre puisque la culture scolaire commune que le groupe CRC du Sénat voudrait faire accepter, c'est en réalité l'ambition que doit avoir l'école. Au demeurant, la définition que vous en donnez est étriquée, même complétée par vos sous-amendements.
En effet, l'ambition de l'école est bien plus grande que les objectifs qui sont visés dans les sous-amendements que vous défendez. Cela prouve bien que vous faites un contresens en la matière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est toute l'ambiguïté du socle !
M. François Fillon, ministre. Le socle ne répond pas à toute l'ambition de l'école ; c'est un outil, qui est au coeur des programmes et qui tend à permettre à tous les élèves d'accéder à la réussite. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'ensemble de ces sous-amendements.
Par ailleurs, monsieur le président, en application de l'article 44, dernier alinéa de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 658 de la commission des affaires culturelles, à l'exclusion de tout sous-amendement.
M. le président. En application de l'article 44, dernier alinéa de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande donc au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 658 de la commission des affaires culturelles, à l'exclusion de tout sous-amendement.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Je demande un scrutin public sur l'amendement n° 658 visant à insérer un article additionnel après l'article 6.
M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.
M. Robert Hue. Vous vous en doutez, mes chers collègues, nous voterons contre cet amendement.
Monsieur le ministre, l'amendement n° 658 tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 vise à « garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité [...] ». C'est effectivement séduisant, mais comment vous croire ?
Au-delà du débat de procédure, je prendrai quelques exemples concrets dans mon département du Val-d'Oise qui prouvent que, entre votre texte et la réalité, c'est-à-dire les moyens humains, financiers et matériels concrets nécessaires pour répondre aux besoins, il y a une marge infinie.
Examinons, monsieur le ministre, le socle commun que vous proposez dans un département d'Ile-de-France où est mise en oeuvre en ce moment même la politique que vous défendez.
Alors que chacun sait ici que, pour les enfants, l'entrée en maternelle avant l'âge de trois ans est essentielle et souvent même décisive pour la suite de la scolarité, notamment dans les familles en difficulté, le département du Val-d'Oise est à la traîne. A 15 %, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est l'un des plus bas de France. Au bas mot, il est de 20 % inférieur à la moyenne nationale. Mais, naturellement, tout est question de priorité.
D'ailleurs, ne nous y trompons pas, ce faible taux de scolarisation des tout-petits doit certainement être mis en relation, avec, à la fin du système scolaire, le très faible pourcentage de jeunes terminant leur cursus sans formation.
Le département du Val-d'Oise dont je veux parler ici se situe, là encore, bien au-dessous de la moyenne nationale. Alors que 1 050 élèves supplémentaires sont prévus pour la rentrée scolaire de 2005, vous avez annoncé, monsieur le ministre, dans le projet de loi de finances pour cette même année, la création de onze postes supplémentaires, soit un poste de professeur des écoles pour 100 élèves.
S'agissant des lycées, nous pouvons constater, dans le budget de 2005, la suppression de 1 600 heures de cours en seconde ainsi que la fermeture de vingt-cinq classes de STT, les sciences et technologies tertiaires, et de six sections de BTS, le brevet de technicien supérieur.
Concernant les collèges, ce sont 110 postes qui disparaissent, soit l'équivalent de trois collèges.
Terminons la « scanérisation » du département du Val-d'Oise par les zones d'éducation prioritaires.
Ce dispositif concerne environ, à des degrés variables, selon les départements, un élève sur cinq. On relève cependant de nombreuses inégalités avec des établissements et des zones rencontrant plus de difficultés que d'autres.
Concrètement, dans le Val-d'Oise, le taux de féminisation des enseignants en ZEP est le plus élevé, avec une moyenne d'âge très basse. Ce ne sont pas des faits que je dénigre, au contraire ! Cependant, nous avons les problèmes que vous connaissez par ailleurs, monsieur le ministre.
En clair, nous demandons que vous allouiez des moyens supplémentaires et que vous fassiez un effort dans les quartiers qui connaissent de plus en plus de difficultés.
Depuis 1982, date de la création des ZEP, ces zones ont évolué, et la fracture sociale s'y est aggravée. Il faut donc faire en sorte que des moyens supplémentaires soient inscrits individuellement dans la loi, et qu'ils ne soient pas pris, comme vous le laissez entendre, sur d'autres catégories d'aide.
Monsieur le ministre, au moment où nous abordons un point fondamental, je tenais à vous faire part d'une situation concrète pour souligner le fait que nous sommes extrêmement inquiets.
Comment peut-on élaborer une loi relative à l'avenir de l'école en se tenant à mille lieues de la réalité du terrain ? Les intentions, les effets d'annonce qui se multiplient dans les annexes sont désespérants, car celles-ci ne sont pas la loi. Tout cela nous conduit donc à éprouver la plus grande inquiétude.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Nous continuons de regretter que le socle commun ne prenne pas en compte, d'une manière ou d'une autre, la maîtrise du corps, l'éducation culturelle et artistique.
Mme Catherine Tasca. Bravo !
Mme Muguette Dini. Bien entendu, nous approuvons le socle commun, qui est un minimum, et nous n'allons pas mettre en difficulté le projet de loi, que nous approuvons.
Toutefois, comme nous n'avons pas tout à fait obtenu satisfaction en la matière, nous nous abstiendrons sur l'amendement n° 658.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Je vous suggère, monsieur le ministre, de cesser le ridicule. Vous allez laisser votre nom à cette loi. Alors qu'elle va rester en vigueur un certain temps, la manière dont vous allez la faire voter par le Sénat ne lui donne pas un aspect positif.
En effet, vous invoquez la Constitution et le règlement du Sénat pour faire adopter l'amendement n° 658 ; vous menez tout simplement la majorité à la baguette !
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Jean-Marc Todeschini. Mais si !
Monsieur le ministre, ce matin, vous n'avez pas été confronté à un accident de procédure ! C'est votre majorité qui vous a soutenu mollement ! Sinon, les sénateurs de l'UMP auraient été présents dans cette enceinte.
Sur le terrain, ils diront tout simplement, pour se dédouaner, qu'il s'agissait d'un accident de procédure, que le ministre voulait à tout prix cette loi, mais qu'il n'y croyait pas lui-même, et qu'ils ont donc été obligés de la voter. En effet, eux aussi sont dans la rue avec les parents et leurs électeurs pour réclamer des ouvertures de classe et le maintien des classes que le Gouvernement ferme, ainsi que pour condamner sa politique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Double langage !
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, soyez beaucoup plus ouvert ! Avec cet amendement de la commission qui a été adopté ce matin, vous aviez l'occasion de donner du souffle à l'article 6.
Mme Hélène Luc. Absolument ! Et du souffle au projet !
M. Jean-Marc Todeschini. Eh bien non, vous maintenez tous les clignotants au vert, comme si rien ne s'était passé, alors qu'ils sont tous au rouge !
Pourtant, les parents d'élèves, les lycéens, les élus, les enseignants, beaucoup d'autres encore protestent ! Et même votre majorité, la majorité sénatoriale, n'était plus la vôtre ce matin ! Le Sénat a rejeté le socle commun que vous proposez, monsieur le ministre, et vous n'acceptez pas de prendre en compte ce refus. Vous auriez dû faire un effort ; vous aviez d'ailleurs le temps du déjeuner pour en discuter avec votre majorité, pour essayer de faire de nouvelles propositions. (Mme Catherine Tasca acquiesce.) Or, les sénateurs appartenant à l'UC-UDF s'abstiennent. Je les comprends, car ils font partie de la majorité, mais ils vous ont dit « non » ce matin !
Monsieur le ministre, vous n'avez pas écouté les protestations des Français qui se sont élevées dans la rue.
M. Josselin de Rohan. Non, on n'écoute pas la rue !
M. Jean-Marc Todeschini. Mais vous serez obligé d'écouter celles qui s'exprimeront sur le terrain et dans les urnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Le règlement est respecté, mais la démocratie souffre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
MM. Josselin de Rohan et Robert Del Picchia. Dans le Nord-Pas-de-Calais !
Mme Marie-Christine Blandin. Le contenu contestable de l'article 6 fondé sur une conception étriquée du socle commun a fait débat depuis des mois.
Ce matin, la rédaction plus ambitieuse de notre amendement avait recueilli une majorité, reflétant à la fois le consensus et la diversité de l'opinion publique. Hélas ! c'était sans compter sur l'autisme du Gouvernement et la docilité de l'UMP !
L'article 6 du projet de loi sorti par la porte de l'hémicycle est revenu par la fenêtre de la commission des affaires culturelles ! Comment croyez-vous, monsieur le ministre, que l'opinion publique puisse comprendre que le socle commun refusé ce matin soit imposé cet après-midi ? Qui plus est, au moyen d'un scrutin public qui, comme chacun ne le sait pas, fait voter les absents !
Par ailleurs, vous avez choisi de demander au Sénat de se prononcer par un vote unique sur l'amendement n° 658, évitant de ce fait la mise aux voix des sous-amendements en discussion, notamment du sous-amendement n° 659 du groupe socialiste dont la rédaction est pourtant particulièrement ramassée.
Monsieur le ministre, selon vous, le socle commun est « un outil qui est au coeur des programmes ». Mais, en d'autres lieux, vous dites votre attachement à l'éducation artistique, au contact avec les acteurs culturels.
La commission des affaires culturelles ne cesse de clamer son intérêt pour les temps d'éveil sensible, l'accès à l'expression par la musique, le dessin ou le théâtre, l'éducation à l'image. Or le rapporteur affirme aujourd'hui en son nom que cela « diluerait » - je reprends le verbe qu'il a employé - l'apprentissage de la lecture et du calcul.
Vous n'allez donc pas diluer ; vous êtes complètement rigidifiés ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas du tout !
Mme Marie-Christine Blandin. Cela frôle l'archaïsme ! Les Français jugeront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Etant moi aussi élu du Val-d'Oise et maire d'une commune, je dois dire que la majorité des maires de mon département ne se reconnaissent pas dans les propos tenus par mon collègue Robert Hue. Je ne relèverai que quelques éléments. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. Allez le leur expliquer !
M. Yannick Bodin. Vous ne les avez pas consultés !
M. Hugues Portelli. Venez voir dans mon département comment sont élus les maires aux élections municipales ! (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Vous verrez ! Moi, je vous dis simplement ceci :...
M. David Assouline. Raffarin n'était pas passé par là ! On verra aux prochaines élections !
M. Hugues Portelli. Allez-vous vous taire ? Vous êtes de vrais bouffons ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Qu'est-ce que c'est que ces façons ?
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce qui vous prend ? C'est honteux !
M. Jean-Marc Todeschini. Il va devoir s'excuser !
M. Hugues Portelli. Je dis simplement ceci : si, dans une majorité de communes de mon département, les enfants de moins de trois ans ne sont pas scolarisés, c'est parce que nous le refusons ! Nous refusons de caporaliser les enfants dès leur enfance ; nous voulons que les familles les éduquent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les bouffons vont sortir !
M. Hugues Portelli. Bon voyage... et buvez à notre santé ! (Les membres du groupe CRC et du groupe socialiste, à l'exception de M. Michel Charasse, quittent l'hémicycle.)
Nous assistons, depuis le début de la discussion de ce texte, à un détournement : nous sommes en train de transformer un projet de loi d'orientation en circulaire administrative. Ce n'est pas possible ! Nous devons nous montrer fermes : nous n'avons aucun état d'âme à nous reconnaître dans le texte qui nous est proposé. Nous sommes là pour l'amender, non pour le subvertir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je regrette d'être resté seul : j'étais en train d'écrire et je n'ai pas vu la manoeuvre s'exécuter. On ne peut pas tout faire à la fois ! (Sourires.) Je sortirai après cette intervention, pour ne pas donner l'impression de me désolidariser. (Nouveaux sourires.)
Quoi que l'on dise - et un certain nombre de remarques ont été faites, y compris par mes amis -, ce texte mérite sans doute d'être un peu revu en commission mixte paritaire.
Sur la forme d'abord - mais je ne m'y attarderai pas, car j'ai déjà beaucoup insisté ce matin -, il me semble préférable d'écrire que les connaissances et les compétences sont « fixées » plutôt que « précisées » par décret. Un décret fixe quelque chose. Il s'agit là d'un point de détail absolument secondaire.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Les mots ont leur sens !
M. Michel Charasse. Sur le fond ensuite, je suis, monsieur le ministre, très déçu de voir la République disparaître du socle des connaissances. Dans l'énumération proposée et dont mes amis ont dit ce qu'il fallait penser, il manque l'instruction civique et l'instruction de la République. C'est un point que l'on ne peut supprimer comme cela ! (Les membres du groupe CRC et du groupe socialiste regagnent peu à peu leurs travées.)
M. Josselin de Rohan. Les revoilà !
M. Michel Charasse. Si l'école ne s'en charge pas, qui apprendra la République à la jeunesse de France ? Qui lui apprendra la démocratie, ses règles, ses limites ? La liberté ? La laïcité ? La tolérance ? La République est le socle du socle : l'école de la République, c'est le socle du socle.
Puisque ce texte sera examiné en commission mixte paritaire, je souhaite que le socle des connaissances soit complété en ce sens. Tant que nous n'inscrirons pas dans la loi que la République doit être enseignée à l'école, les cinq ou dix minutes nécessaires au cours d'instruction civique manqueront toujours !
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaite que vous réfléchissiez jusqu'à la commission mixte paritaire afin que nous parvenions à rappeler que l'école publique est d'abord l'école de la République et que l'école et les enseignants ont aussi pour mission d'enseigner la République aux élèves. Dans le cas contraire, on sera obligé un jour de modifier en catastrophe le code de l'éducation, comme il a fallu le faire le 15 mars 2004, voilà tout juste un an, pour l'affaire de la laïcité. Ce n'est pas très glorieux. Je ne conteste pas ce qui a été fait, mais on aurait sans doute pu réagir et le faire plus tôt.
N'oublions pas que, aujourd'hui, devant la montée des violences, des tensions, des communautarismes, l'école de la République et l'enseignement de la République à l'école sont plus que jamais nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Eliane Assassi. Je dirai, à l'intention de M. le sénateur du Val-d'Oise, que je ne supporte pas le genre de remarques qu'il a faites. Il n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai, puisque, lors du débat sur les 35 heures, il avait eu un comportement pour le moins indélicat en séance. Je ne suis pas là pour recevoir des insultes ou me faire interpeller de cette façon ! Je lui demanderai donc un peu de retenue dans ses propos et dans ses actes.
Monsieur le ministre, vous parlez du socle commun comme d'un outil. Permettez-moi d'évoquer, comme Robert Hue l'a fait pour le département du Val-d'Oise, la situation de l'enseignement du premier degré en Seine-Saint-Denis : elle mérite autre chose que votre concept, qu'il s'agisse de ses contenus ou de sa définition !
Selon les chiffres dont je dispose, trente postes seront créés en Seine-Saint-Denis à la rentrée prochaine, alors que le département comptera 2 569 élèves supplémentaires. Cette réalité illustre votre refus d'octroyer les moyens nécessaires afin de mettre en place une véritable politique de lutte contre l'échec scolaire précoce. Les reculs enregistrés ces dernières années s'accentueront donc encore.
A titre d'exemple, le recul massif de la scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans, y compris en ZEP, nous ramène à la situation d'avant 1998. Or 1998 fut une grande année de mobilisation pour l'école en Seine-Saint-Denis. Le slogan, repris par l'ensemble de la communauté scolaire, était : « On veut des moyens, nous ne sommes pas des moins que rien ! »
Cette situation pourrait s'aggraver et faire apparaître de réelles difficultés dans certains secteurs pour les enfants de plus de trois ans. L'insuffisance des moyens de l'éducation nationale ne favorise bien évidemment pas une politique volontariste de construction scolaire.
La lutte contre l'échec scolaire, qui est un enjeu majeur, suppose des transformations profondes. Parmi les différentes réponses qui peuvent être apportées, il me semble important de prévoir un nombre plus important de maîtres que de classes, et le développement du travail en équipe, ce qui suppose plus de temps et de concertation.
Dans le département de la Seine-Saint-Denis, le maintien des quarante postes acquis en 2000 reste très insuffisant. En effet, alors que l'école est confrontée à de nouveaux enjeux - la grande difficulté scolaire, l'intégration des enfants handicapés, le développement des troubles du comportement ou de la personnalité -, les moyens accordés restent faibles, voire sont en régression. Le redéploiement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, et la suppression de six postes de maître auxiliaire ne sont pas acceptables.
Quant aux structures de soins extérieures à l'école - centres médico-psychologique-pédagogiques, centres médico-psychologique-pédagogiques-pédo-psychiatrique, services d'aide, de soutien, de soins et d'éducation à domicile... -, peu de moyens leur ont été accordés et elles sont en nombre insuffisant.
Alors que la hausse démographique se poursuit dans l'enseignement du premier degré, aucune réponse d'urgence n'est apportée à des situations scolaires pourtant extrêmement difficiles tant pour les élèves que pour les personnels.
Votre réforme, monsieur le ministre, n'est pas une réforme comme les autres : elle est loin d'être anodine. Elle s'attaque en priorité aux familles populaires et aux élèves en difficulté qu'il faut sortir le plus rapidement de l'école, d'abord pour des raisons d'économie budgétaire, ensuite parce que vous considérez que tous ne peuvent réussir. Nous ne pouvons accepter cela.
En réalité, les grands axes de votre texte, avant même son adoption, se retrouvent d'ores et déjà dans la préparation de la rentrée prochaine, qui s'annonce catastrophique en termes de moyens. Le département de la Seine-Saint-Denis en est l'exemple type : les difficultés y sont plus marquées qu'ailleurs.
Telles sont les observations que je tenais à faire, monsieur le ministre, afin de vous alerter sur la situation de l'enseignement du premier degré dans le département de la Seine-Saint-Denis, situation qui appelle vraiment un plan d'urgence !
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, mes chers collègues, vous me pardonnerez de revenir sur l'incident tout à fait regrettable qui a poussé les membres de mon groupe à quitter l'hémicycle.
Depuis le début de ce débat, nos propos sont tous empreints de conviction. Ils sont parfois rudes, mais ils restent toujours très courtois, même quand il s'agit de condamner tel ou tel aspect du projet de loi d'orientation.
En revanche, nous ne pouvons accepter d'être insultés par l'un de nos collègues.
Monsieur le président, j'aurais apprécié que vous fassiez remarquer à l'orateur qu'il est bon d'éviter certaines insultes. J'espère qu'il saura présenter des excuses.
M. Josselin de Rohan. Quand on arrive dans cette maison, on est modeste !
M. David Assouline. Pourquoi ? Auriez-vous plus de droits que nous ?
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je retire le mot que j'ai prononcé. Si certains ont été vexés, je les prie de m'en excuser. Le terme que j'ai utilisé est employé sans hésitation par les habitants de ma commune, que Robert Hue connaît bien ! Mais je n'admets pas que l'on détourne le travail parlementaire par des procédés dilatoires.
M. Robert Hue. Il persiste ! « Dilatoires » !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Non !
M. Josselin de Rohan. « Dilatoires », c'est parfaitement français ! Il n'y a rien d'offensant !
M. Hugues Portelli. Je me suis sans doute exprimé de façon excessive. Pour autant, sur le fond, je persiste dans mon opinion !
M. le président. L'incident est clos !
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.
Mme Annie David. L'incident est clos, soit, monsieur le président ! Pour autant, il y a des mots à ne pas employer entre parlementaires ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En ce qui concerne l'amendement de la commission, nous ne le voterons pas. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec ce socle qui, d'après nous, souffre de très nombreuses lacunes.
De plus, ce socle sera, selon vous, monsieur le ministre, un outil au coeur des programmes. Or des outils existent déjà - ma collègue Eliane Assassi vient d'en évoquer quelques-uns -, mais ils manquent tous de moyens.
Je prendrai l'exemple des sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, qui ne sont pas épargnées par le manque de moyens accordés à l'éducation nationale. En effet, le nouveau mode de calcul des dotations horaires globales dans ces sections se traduit par une baisse et conduit la majorité de ces sections à faire mieux avec moins.
Ce sont bien sûr les élèves qui pâtiront d'une telle situation puisqu'ils ne recevront pas l'enseignement minimal. Or dédoubler les services permet d'organiser les conditions de réussite des élèves. Il est donc nécessaire d'abonder les dotations en SEGPA, et non de les diminuer comme vous vous apprêtez à le faire, monsieur le ministre. Ne pas dédoubler les groupes d'élèves en sciences physiques ou en technologie revient en fait à rendre les effectifs d'élèves en SEGPA plus importants que dans les autres établissements !
Par ailleurs, l'enseignement d'une langue vivante aux élèves présentant des difficultés graves et persistantes impose lui aussi un aménagement des conditions de travail. Si l'élève en SEGPA reste un collégien comme les autres, il doit cependant être mieux encadré, ce qui suppose que les moyens nécessaires soient mis à la disposition de ces sections. Or la tendance est plutôt à la diminution, nous l'avons bien vu.
Devant cette situation fort préoccupante, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les SEGPA verront leurs dotations augmenter dans les années à venir ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Je voterai l'amendement de la commission. Si j'avais eu le moindre doute - ce n'est guère le cas ! -, les arguments qui viennent d'être exposés contre cet amendement m'auraient convaincu de soutenir ce dernier.
Il faut éviter d'opposer à cet amendement des situations et des états de fait passés. Il y a, madame la sénatrice de la Seine-Saint-Denis, une grande imprudence à rappeler un mouvement qui s'est développé dans votre département en 1998 et à l'occasion duquel les manifestants affirmaient ne pas être des « moins que rien ».
Il me semble en effet qu'en 1998 vous faisiez partie de la majorité au pouvoir et que le Premier ministre s'appelait alors Lionel Jospin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. Mais précisément, il a été entendu, ce mouvement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons été entendus !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, je suis tout étonné encore de la façon dont, jusqu'au bout, vous aurez réagi face à nos propositions.
Voilà que l'on nous annonçait un texte majeur pour l'avenir de l'école, une loi d'orientation déterminante pour les quinze ou vingt années suivantes, une loi fondamentale pour notre société. Et, sur un sujet aussi complexe, on allait prendre son temps, il n'y avait aucune urgence ; une consultation nationale organisée par le ministre recueillait même un million de réponses. Bref, nous allions débattre...
Mais non, monsieur le ministre, en guise de débat, jusqu'au bout, vous aurez eu recours à tous les instruments juridiques possibles :...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non !
M. David Assouline.... hier urgence, maintenant vote bloqué, et même réécriture d'un amendement quand surgit un élément nouveau dans le débat parlementaire, qui nous honore tous, d'ailleurs,...
M. Josselin de Rohan. Il faudra vous y faire, c'est comme cela que cela se passe au Parlement !
M. David Assouline.... élément qui permettait peut-être, monsieur le ministre, de redonner un peu de dynamisme à un projet de loi, reconnaissons-le, assez « plombé », et de montrer que ce parlement sert encore à quelque chose.
Personne n'a remis en cause, après la clarification intervenue ce matin, l'idée d'un socle commun de connaissances. Il ne s'agissait pas d'empiler des disciplines. Nous vous avons proposé, dans des amendements pesés, l'intégration dans le socle commun des avancées pédagogiques les plus récentes que nous connaissons tous. Car l'éducation physique comme l'éducation artistique font partie de ce socle commun sur lequel se construit un citoyen. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Ensuite, libre à vous de débattre encore pour déterminer quelles sont les autres disciplines que vous mettez dans ce socle commun. Nous parlions, nous, de ce qu'il fallait au minimum donner à chaque individu pour en faire un citoyen. Or vous vous arc-boutez et vous allez continuer dans le même sens. Et forcément ! Si les débats continuaient, nul doute que vous auriez de nouveau recours au vote bloqué. Comme si la procédure d'urgence ne suffisait pas ! Et avec quels arguments ? Quelle est l'urgence ? Uniquement la terreur absolue qui vous tient encore, même quand vous vous vantez de constater qu'au fil des semaines la mobilisation dans la rue diminue. Votre seul argument, votre seul but, c'est d'empêcher qu'un mouvement de la communauté scolaire puisse prendre corps pour contester encore votre loi.
M. Josselin de Rohan. Voilà un bel agitateur !
M. David Assouline. Nous voulons le débat ; vous avez l'oeil rivé sur vos peurs anciennes et vous empêchez ce débat. Finalement, vous appauvrissez ce que vous avez vous-même initié avec votre grande loi sur l'école. Eh bien, non, monsieur le ministre, ce ne sera pas une grande loi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
M. David Assouline. Si ce texte est adopté, ce ne sera qu'un tout petit machin que l'on oubliera vite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hélas !
M. le président. Je mets aux voix, par un seul vote, l'amendement n° 658, à l'exclusion de tout sous-amendement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires culturelles.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 295 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 274, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-1-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... ? Dans l'année scolaire où l'élève atteint l'âge de 15 ans, un entretien d'étape lui permet de faire le point sur sa situation scolaire et personnelle, d'examiner les conditions de poursuite de sa scolarité et de réfléchir à son projet professionnel. »
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement dont le dispositif a, en fait, déjà été expérimenté. Je le dis pour M. le ministre, dans l'hypothèse où il l'ignorerait, ce qui m'étonnerait.
Trois arguments militent en faveur de ce que nous proposons.
Premièrement, on fait souvent le constat que les parcours scolaires sont assez illisibles. Les jeunes ne savent pas de quel côté se diriger à mesure qu'ils avancent dans ce parcours, et c'est plus particulièrement vrai selon le milieu social.
J'emprunterai volontiers à ma propre expérience. Premier bachelier de la famille, lorsque j'ai eu le bac en poche, j'ai posé la question de savoir ce que j'allais faire dorénavant. A quoi on m'a répondu : « C'est toi qui sais, c'est toi le bachelier » !
J'ai constaté que la même méconnaissance affectait de très nombreux jeunes et que ce manque de visibilité sur l'avenir produisait comme un choc en retour, se traduisant soit par du désespoir, soit par une espèce de rage incontrôlée. D'ailleurs, si vous voulez bien considérer les statistiques, vous vous apercevrez, c'est mon deuxième argument, que l'on peut facilement croiser les deux critères qui permettent de rendre compte de 90 % des violences scolaires : d'une part, le critère du retard d'âge, d'autre part, le critère du sexe.
On voit donc comment, en donnant de la visibilité, on donne en même temps de l'air à tout le système.
Mais il est un troisième argument en faveur de la proposition que je formule avec le groupe socialiste.
Le terme de l'obligation scolaire est fixé à seize ans, et nous considérons que c'est une obligation républicaine que de scolariser gratuitement nos enfants jusqu'à cet âge. Cependant, nous savons que nous avons des enfants de plus de quinze ans en classe de quatrième - ils sont même 20 000 par an - et nous savons aussi qu'il est opportun de donner la possibilité à ces élèves de savoir quoi faire de leur avenir, un an avant qu'ils atteignent le terme de la scolarité obligatoire et donc avant d'avoir pu bénéficier le cas échéant des paliers d'orientation en troisième et en seconde.
C'est pourquoi je propose avec le groupe socialiste que soit organisé un entretien d'orientation avec chaque jeune, quelle que soit la section, quelle que soit la voie d'enseignement dans laquelle il se trouve à l'âge de quinze ans.
Au cours de l'année scolaire 2000-2001, cinq académies de notre pays ont testé ce dispositif ; puis, au cours de l'année scolaire suivante, 2001-2002, la moitié des académies l'ont à leur tour testé. Partout où cette mesure était appliquée, aussi bien les enseignants que les responsables des établissements scolaires ont constaté un mieux-être des jeunes et un mieux vivre dans les établissements.
Enfin, pour les jeunes, ce fut souvent l'occasion d'une véritable rencontre avec eux-mêmes, d'une véritable révélation, un moment d'éclaircissement de leurs ambitions dans la vie, avec des mots qui, moi, m'ont beaucoup ému. Je me souviens d'une inspection que j'ai faite sur le terrain, dans l'académie de Marseille, et de ces jeunes - je pense en particulier à ceux d'un collège du quartier Nord - reconnaissant qu'ils avaient osé dire pour la première fois que leur ambition était dans l'avenir d'être juges et que, pour la première fois, ils avaient l'impression que, loin de se moquer d'eux, on leur disait au contraire comment faire pour bien faire.
Monsieur le ministre, le dispositif peut être appliqué dans la mesure où il est prouvé qu'il est efficace. Après, évidemment, c'est peut-être une affaire de moyens, mais je fais observer que la commission - et je considère que c'est un point positif dont je peux me réclamer - a renvoyé la décision à la sagesse du Sénat lorsque nous avons débattu de cet amendement. C'est une indication pour vous, monsieur le ministre, qu'il existe un certain consensus entre nous sur le sujet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L'orientation des élèves doit être préparée tout au long de leur scolarité au collège, en relation avec les parents, le professeur principal et les autres personnels compétents. Le rapport annexé prévoit d'ailleurs des rencontres individuelles avec les familles pour aider les élèves à élaborer leur projet d'orientation.
Cet amendement va dans ce sens, et la commission n'est pas opposée au principe d'un bilan personnel dans la quinzième année de l'élève. Cependant, par souci de réalisme et pour que ce dispositif puisse être mis en oeuvre, car cela demande tout de même une certaine organisation, je suggère à notre collègue de bien vouloir rectifier légèrement sa formulation, encore une fois par souci de réalisme. Il s'agirait ainsi de substituer aux mots : « un entretien d'étape lui permet de faire le point » les mots : « un entretien d'étape peut lui être proposé afin de faire le point ». Je m'appuie en quelque sorte sur la jurisprudence de notre collègue Michel Charasse utilisée à l'occasion d'amendements précédents.
Si l'amendement est rectifié dans le sens que je propose, la commission s'en remettra alors à la sagesse du Sénat, et une sagesse positive !
M. le président. Monsieur Mélenchon, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 274 dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas dire que je sois enchanté de la formulation, que j'aurais souhaitée pour ma part plus péremptoire. Mais enfin, par les temps qui courent, nous, nous prenons ce qu'on nous donne ! C'est déjà ça !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-1-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... ? Dans l'année scolaire où l'élève atteint l'âge de 15 ans, un entretien d'étape peut lui être proposé afin de faire le point sur sa situation scolaire et personnelle, d'examiner les conditions de poursuite de sa scolarité et de réfléchir à son projet professionnel. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Il s'agit d'une initiative positive en ce qu'elle vient renforcer le dispositif d'information sur l'orientation qui existe déjà au sein des établissements de l'éducation nationale. Je me permets simplement de faire remarquer à M. Mélenchon que le tout ne me paraît pas très normatif, et je ne suis pas complètement sûr qu'une disposition comme celle-là ait bien sa place dans la loi. Cependant, compte tenu du caractère encore une fois positif de l'initiative, je m'en remets également à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J'ai une véritable inquiétude par rapport à cette rectification. Autant nous étions d'accord avec l'amendement initial, autant faire de l'entretien d'étape une simple possibilité suscite des questions. Qui demande cet entretien ? Est-ce l'élève ? Est-ce l'établissement qui propose l'entretien d'étape à l'élève ?
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Les deux, ma chère collègue !
Mme Annie David. Sur quels critères ? S'agira-t-il d'un entretien d'étape destiné uniquement aux élèves en difficulté, qui, pour le coup, se verront orientés vers une filière où ils n'ont pas forcément envie d'aller ?
Le fait que tous les élèves ne soient pas mis sur le même pied d'égalité me contrarie un peu, car, selon moi, cela conduit à faire une discrimination vis-à-vis de nos jeunes de quinze ans : soit ce bilan d'étape est proposé à chaque jeune, ce qui, en soi, est une bonne idée, soit, s'il « peut lui être proposé », il faudrait alors préciser si c'est l'élève ou l'établissement qui décide de procéder à ce bilan.
En tout cas, il me semble difficile de voter en faveur de cet amendement tel qu'il a été rectifié. Je préférerais que nous en revenions à la version initiale, que je suis donc prête à reprendre.
M. le président. C'est impossible, ma chère collègue : nous sommes saisis d'un seul amendement, l'amendement n° 274 rectifié, son auteur ayant accepté de rectifier la version initiale.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Madame David, M. Mélenchon a bien fait d'accepter la rectification de son amendement.
Nul n'ignore que nous risquons, effectivement, d'avoir de la « perte en ligne » d'élèves qui, ne se sentant pas forcément concernés, ne voudront pas faire ce bilan.
D'un autre côté, proposer ce bilan de manière systématique à tous les élèves induira un poids administratif tel que ceux qui sont particulièrement concernés risquent de se fondre dans une espèce de banalisation du nombre.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Ceux qui en ont vraiment besoin !
M. Roger Karoutchi. L'amendement modifié par la commission est meilleur que l'amendement d'origine, parce qu'il signifie que ceux qui, à quinze ans,...
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Et qui ne sont pas en troisième !
M. Roger Karoutchi.... se demandent sérieusement ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils vont devenir, peuvent avoir un entretien d'étape afin de déterminer s'ils vont au terme du cursus scolaire ou s'ils se réorientent.
Il est préférable que ce soient les élèves qui, d'eux-mêmes, se posent des questions.
Mme Annie David. Il faut préciser que l'entretien d'étape a lieu à la demande des élèves et des familles. Tel n'est pas le cas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Les arguments de Mme David sont très sérieux. En effet, les entretiens d'étape qui, à titre expérimental, ont été proposés l'ont été à tous les jeunes des établissements considérés, sans présélection, l'un des objectifs étant, justement, de ne stigmatiser aucun jeune.
D'ailleurs, ces entretiens réservèrent bien souvent des surprises, tel ou tel bon élève que ses professeurs comptaient guider vers la voie unique d'excellence bien connue de chacun d'entre nous exprimant soudain, en cette occasion, des désirs, des souhaits, des ambitions qui n'étaient pas du tout ceux que lui avaient prêtés ses enseignants, voire ses parents.
Ces entretiens étaient fondés sur la non-discrimination.
Je suis sûr que notre collègue qui vient de s'exprimer à l'instant est conscient de ce risque. Pour ma part, je ne l'ignore pas, et je le dis clairement : j'aurais préféré que ma formulation soit conservée.
La commission pourrait-elle accepter une petite amélioration aux termes de laquelle ce sont les élèves ayant atteint l'âge de quinze ans et souhaitant avoir cet entretien qui le passeront effectivement ? J'estime, en tout cas, qu'elle est prévenue du risque de stigmatisation, et qu'elle en est consciente, du moins je l'espère.
M. le ministre pourra toujours donner comme consignes, en la matière, puisqu'il est écrit « peut » dans le texte, que, dans telle académie, cet entretien sera proposé à tous les élèves de quinze ans ou à tous ceux qui sont en classe de quatrième. Il y a là, certes, une latitude. Mais, je le répète, cette rédaction n'est pas celle que j'aurais souhaitée. Cependant, un pas est fait en notre direction, et je l'accepte donc.
Néanmoins, monsieur le rapporteur, si vous pouviez faire un geste d'ouverture supplémentaire, ce serait parfait ; mais à la perfection nul n'est tenu... et surtout pas un membre de la majorité actuelle !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je veux bien faire un geste supplémentaire, le problème n'est pas là. Je suis convaincu - je l'ai dit - du bien-fondé de cette mesure. Simplement, je veux qu'elle puisse être mise en place et qu'elle soit réaliste.
La mesure telle que je l'ai formulée me semble d'application plus facile.
Je veux bien préciser que l'entretien sera proposé à l'élève qui le souhaite, mais j'ai peur que la mesure ne soit alors encore moins efficace, car ce sont ceux qui auront le plus besoin de cet entretien qui ne viendront pas le passer.
Je vais donc en rester à cette rédaction. (Signes d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274 rectifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 479, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-7 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... ? L'éducation physique et sportive et le sport scolaire et universitaire contribuent à la rénovation du système éducatif, à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles.
« L'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire pour tous à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et son épanouissement personnel. Elle concourt à l'éducation, à la santé et à la sécurité. Elle favorise l'accès à la culture des activités physiques, sportives et artistiques, à la citoyenneté par les pratiques qu'elle développe et la socialisation qu'elle permet. Son enseignement facilite la scolarisation des élèves handicapés grâce à des pratiques et épreuves adaptées. La participation aux associations sportives d'établissement contribue à l'apprentissage de la vie associative.
« Elle est prise en compte, pour tous les élèves, dans les examens du second degré. »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Le socle commun de connaissances appauvri risque de devenir un savoir maximum pour un grand nombre d'élèves, en ce qu'il aboutirait à ce que soient abandonnés des axes fondamentaux d'apprentissage, comme l'EPS, l'éducation physique et sportive.
Voici ce que disait le candidat à l'élection présidentielle Jacques Chirac : « Le sport apparaît de plus en plus comme une véritable école de la vie... C'est la raison pour laquelle il doit devenir une matière à part entière de l'éducation des enfants, au même titre que les connaissances de base. » Cette citation, que chacun, ici, aura certainement reconnue, est extraite de son livre intitulé La France pour tous.
Le futur Président de la République pointait lui-même le coeur de ce qui fonde aujourd'hui nos propres craintes : l'exclusion de l'EPS des connaissances de base.
Nous considérons que l'émergence de ce nouveau modèle scolaire a un sens politique. Nous avons l'intime conviction que le destin des différentes disciplines, de leurs enseignants, sera différent suivant qu'ils appartiennent ou non au « socle ». Qu'on le veuille ou non, il produit aujourd'hui de la hiérarchie ; il produira, demain, de l'exclusion. Personne ne peut aujourd'hui prédire de façon exhaustive l'effet différé qu'il joue autour de la définition du contenu de la scolarité obligatoire.
Les enseignants d'EPS sont particulièrement mobilisés, vous le savez, pour la défense de leur discipline d'enseignement : l'appel pour l'EPS lancé par leur organisation syndicale recueille de très nombreux soutiens, aussi bien auprès de l'opinion publique - à ce jour, plus de 150 000 signatures ont été réunies - qu'auprès de personnalités.
Les signataires ne comprennent pas, en particulier, cette remise en cause du caractère fondamental de l'EPS à l'école au moment où le Gouvernement est engagé dans une campagne pour les jeux Olympiques à Paris en 2012.
Les membres du SNEP-FSU, le syndicat national de l'éducation physique de l'enseignement public et de la fédération syndicale unitaire, regrettent vraiment, monsieur le ministre, qu'il n'y ait pas eu avec lui de véritable concertation ; pourtant, c'est une organisation qui, elle-même, a recueilli 80 % des voix lors des dernières élections professionnelles.
Vous connaissez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rôle positif et important des professeurs d'éducation physique : ayant un autre rapport avec l'élève, ils contribuent aussi, par la pratique du sport, à l'apprentissage de la mixité, dont nous parlions hier.
Je veux achever cette intervention par un retour sur ce qui fonde la raison d'être de l'éducation physique et sportive en citant un extrait de l'ouvrage Variations du philosophe Michel Serres : « Ecrites en éloge des professeurs d'éducation physique et des entraîneurs, des guides de haute montagne, des athlètes, danseuses, mimes, clowns, artisans et artistes... ces Variations décrivent les métamorphoses admirables que leur corps peut accomplir. Les animaux manquent d'une telle variété de gestes, postures et mouvements ; souple jusqu'à la fluidité, le corps humain imite à loisir choses et vivants ; de plus, il crée des signes. Déjà là dans ces positions et métamorphoses, l'esprit, alors, naît de ces variations. Le corps se révèle plus difficile à robotiser que l'intelligence, vite artificielle. Les cinq sens ne sont pas la seule source de la connaissance : elle émerge, en grande part, des imitations que rend possibles l'extraordinaire plasticité du corps tout entier. En lui, avec lui et par lui commence le savoir. Du sport à la connaissance, il passe donc de la forme au signe,...»
Cette citation me paraît éloquente et constitue, à mon sens, une réponse de haut niveau à M. de Rohan en démontrant l'importance de l'éducation physique.
Voyez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est là que nos appréciations, concernant le rôle que joue l'éducation physique, divergent complètement.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. L'EPS, comme langage du corps et non simple outil, doit trouver toute sa place dans le contenu obligatoire de la scolarité de l'école primaire au lycée. Elle est - on ne le dira jamais assez - une discipline à part entière. En tant que telle, elle suppose d'être maintenue comme élément obligatoire de l'évaluation à tous les examens.
Mme Hélène Luc. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement reprenant mot à mot les dispositions figurant à l'article L.121-5 du code de l'éducation et s'inspirant largement de celles des articles L.112-1 et L.312-4 du même code, il est donc satisfait : soit Mme Luc le retire, soit j'émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Il est défavorable. Des épreuves de sport sont obligatoires à tous les examens. Dans le présent texte, il n'est à aucun endroit fait allusion à la suppression d'une seule heure de sport. La gauche a gouverné la France pendant des années, madame Luc, sans rien faire de plus en faveur de l'enseignement du sport que ce que nous faisons aujourd'hui.
Aujourd'hui, au lycée, en additionnant les heures de sport obligatoires et les heures de sport offertes par l'UNSS, l'Union nationale du sport scolaire, les élèves peuvent bénéficier d'un nombre d'heures de sport beaucoup plus élevé que celui des heures de français ou de mathématiques.
Le présent débat est donc absurde ; il est piloté par les enseignants de l'éducation physique, qui tentent de faire croire que ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ferait peser des menaces sur le sport. C'est faux, comme chacun pourra en juger lors de sa mise en oeuvre.
Mme Hélène Luc. Il y a une hiérarchie qui se crée !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 479.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 122 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 6 bis
La scolarité obligatoire doit d'autre part permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.
Pour cela, des enseignements complémentaires viennent compléter le socle commun.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° 275 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 481 est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui concerne le socle commun.
Au demeurant, en faisant référence à la valorisation de tous les talents, l'amendement qui a été adopté à l'article 4 satisfait le premier alinéa de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour présenter l'amendement n° 275.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous connaissez notre opposition à cet article, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale par M. Pierre-André Périssol.
Il y est notamment précisé que des « enseignements complémentaires viennent compléter le socle commun ».
Cet article ouvre, selon nous, une porte dangereuse à une différence de traitement entre les élèves considérés comme étant à même de suivre un enseignement complémentaire aux enseignements du socle commun et les autres.
Rien n'est précisé dans cet article sur les modalités de mise en oeuvre de ces enseignements complémentaires et sur les conditions d'accès à ceux-ci.
De fait, un enseignement à deux vitesses peut être - je pense même qu'il le sera - instauré.
Cet article nouveau n'est d'ailleurs qu'une reprise de ce qui était très explicitement prévu dans le rapport annexé au projet de loi.
Il est ainsi écrit, dans ce rapport, que les élèves ayant « montré aisance et rapidité » dans l'acquisition du socle commun se verront proposer plus. Il y est également précisé que les langues anciennes seront réservées à cet enseignement complémentaire, ce qui est contradictoire avec l'objectif affiché à la fin du rapport - objectif d'ailleurs fort contestable, nous nous en expliquerons plus tard --, d'augmenter de 10 % « la proportion des élèves de lycée étudiant une langue ancienne ».
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 481.
Mme Annie David. Cet article, qui, comme vient de le rappeler Jean-Marc Todeschini, a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à rassurer les enseignants, les élèves et les parents qui craignent que l'enseignement obligatoire ne se résume au socle commun.
Malgré tout, nous en demandons la suppression, et ce pour plusieurs raisons.
Il nous est demandé de voter un dispositif établissant une distinction entre deux types d'enseignements alors que nous ne savons pas précisément, malgré le débat qui a eu lieu aujourd'hui, quelles disciplines relèveront respectivement du socle commun et des enseignements complémentaires, les éléments du socle commun devant être définis par décret.
Les enseignements complémentaires, qui ont été intégrés dans l'article 6, sont, quant à eux, définis en creux, M. Périssol ayant expliqué dans l'objet de son amendement à l'Assemblée nationale qu'ils constituent « soit un approfondissement des enseignements fondamentaux compris dans le socle commun, soit une diversification sur d'autres champs ». En fait, tous les enseignements qui ne seront pas compris dans le socle commun seront complémentaires.
Prenons l'exemple des principaux éléments de mathématiques : où s'arrête le principal, où commence l'accessoire ? De même, quand considère-t-on que la langue française est maîtrisée ? Comment savoir si les sciences de la vie et de la terre ou la chimie font partie de la culture humaniste et scientifique ?
Il nous est donc demandé de légiférer sur des objets inconnus, certains devant constituer les éléments d'une culture commune minimale, d'autres étant laissés au choix de l'élève en fonction de critères non définis, les enseignements complémentaires devant permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.
La voie de réussite de chacun étant, par définition, personnelle, les enseignements complémentaires devraient donc varier d'un élève à l'autre, étant entendu qu'il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de construire un système éducatif sur mesure pour chaque élève. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable.
La distinction entre enseignements fondamentaux et enseignements complémentaires reste des plus floues. C'est la première des raisons pour lesquelles nous n'approuvons pas ce dispositif. Vous nous demandez en effet d'acquiescer à la mise en place d'un système éducatif construit sur deux éléments dont on ne connaît ni la teneur, ni la consistance, ni la taille, ni la solidité.
La deuxième raison de notre opposition est que le dispositif des enseignements complémentaires va dans le sens de l'accroissement du nombre d'enseignements dispensés à la carte dans le cadre de l'éducation nationale.
Au-delà du minimum vital prévu par le socle commun, les enseignements complémentaires devraient permettre à chacun de trouver sa voie de réussite. Or il est très difficile, comme je viens de le souligner, de faire varier le périmètre des enseignements d'un élève à l'autre. C'est pourtant bien de l'individualisation des parcours d'apprentissage qu'il est ici question. Il faudra donc bien que des critères de variation soient trouvés.
Nous craignons fort que ces critères ne conduisent à ajuster les enseignements aux perspectives d'emploi des élèves. Ceux-ci n'étant pas toujours en mesure de définir eux-mêmes leur voie de réussite, l'institution s'en chargera à leur place et substituera probablement les besoins de la société aux envies des élèves, lesquelles sont trop difficiles à cerner ou à prendre au sérieux.
En outre, pour prendre toute la mesure de ce nouveau découpage des disciplines, il faut tenir compte des effets de la décentralisation ainsi que de l'autonomie accrue des établissements scolaires. Ces derniers seront responsables des enseignements proposés aux élèves au-delà de ceux qui sont inclus dans le socle commun et ils les choisiront, d'une part, en fonction de leurs moyens et, d'autre part, en fonction du milieu socio-économique dans lequel ces établissements s'insèrent localement.
C'est ainsi que l'on risque d'aboutir à une différenciation croissante en fonction des régions, des bassins d'emploi et des établissements scolaires, laquelle sera préjudiciable à l'unité du service public de l'enseignement scolaire.
Les articles 6 et 6 bis posent une équation à deux inconnues. Où se situera la frontière entre socle commun et enseignements complémentaires ? Quels enseignements complémentaires seront effectivement proposés et à quels élèves ?
Parce qu'il nous semble inacceptable de mettre les élèves dans une telle situation d'incertitude, nous refusons cette bipartition entre enseignements fondamentaux et complémentaires.
Nous vous proposons donc de supprimer l'article 6 bis.
M. le président. L'amendement n° 482 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La scolarité obligatoire doit d'autre part permettre à chacun de trouver sa voie de réussite. L'ensemble des enseignements fondamentaux et des enseignements complémentaires y participent.
L'amendement n° 483, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les moyens nécessaires sont prévus pour la réalisation et la mise en pratique de ces enseignements complémentaires.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je retire ces deux amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 482 rectifié et 483 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 10, 275 et 481 ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements.
Je considère que, compte tenu des modifications qui ont été apportées à l'article 4 et à l'article 6, l'article 6 bis n'a plus de raison d'être.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 275 et 481.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.
Article additionnel après l'article 6 bis
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 122-2 du code de l'éducation est complété par un second alinéa ainsi rédigé
« Les personnes responsables d'un mineur non émancipé ne peuvent s'opposer à la poursuite de sa scolarité au delà de l'âge de seize ans. »
II. Après l'article L. 131-12 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... Lorsque les personnes responsables d'un mineur non émancipé s'opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l'âge de seize ans, une mesure d'assistance éducative peut être ordonnée dans les conditions prévues aux articles 375 et suivants du code civil afin de garantir le droit de l'enfant à l'éducation. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Les personnes responsables d'un mineur non émancipé ne doivent pas pouvoir s'opposer à la poursuite de sa scolarité au-delà de l'âge de seize ans, étant entendu que des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées dans les conditions prévues aux articles 375 et suivants du code civil.
Il n'est nul besoin d'épiloguer longtemps sur ce sujet. Chacun comprend à quel type de difficultés cet amendement tend à répondre : je pense notamment à celles que rencontrent dans notre système éducatif certaines jeunes filles qui souhaitent poursuivre leur scolarité au-delà de l'âge de seize ans et qui, parfois, se voient opposer des réticences, voire des oppositions familiales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis favorable, monsieur le président.
Cette disposition comble en effet un vide juridique et protège le droit à l'éducation des mineurs non émancipés. Elle prévoit les modalités et les sanctions adaptées pour assurer son effectivité, conformément aux mesures d'assistance éducative prévues par le code civil.
Le dialogue préalable avec la famille devra, bien sûr, être privilégié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.
Article 7
L'article L. 131-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un service public de l'enseignement à distance est organisé notamment pour assurer l'instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 276, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le nouvel alinéa de l'article L. 131-2 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées :
La gratuité doit en être assurée pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire. Le fonctionnement du service s'effectue sous le contrôle des inspecteurs d'académie.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles les enfants soumis à la scolarité obligatoire peuvent avoir recours, quand ils ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement ordinaire, aux services de l'enseignement à distance.
Certains élèves de mon département m'ont en effet informée du coût élevé de l'inscription au Centre national d'enseignement à distance, le CNED. Selon les services rectoraux, il s'agit de limiter les inscriptions fantaisistes ou l'assiduité toute relative de certains élèves.
Ces arguments sont, certes, tout à fait recevables. Cet amendement vise cependant à ce que l'enseignement à distance n'échappe pas au principe de gratuité. Les dilettantes peuvent être dissuadés autrement que par un coût trop élevé de l'inscription !
M. le président. L'amendement n° 484, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 131-2 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées :
Une gratuité réelle de l'instruction doit être assurée pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés, pour une raison reconnue légitime par les inspecteurs d'académie, dans une école ou un établissement scolaire. Cette gratuité doit prendre en compte l'inscription et l'équipement si cela est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement tend à rendre gratuit l'enseignement à distance. En effet, il n'est pas juste que les élèves empêchés de se rendre dans des établissements scolaires soient pénalisés et doivent payer les coûts des enseignements dispensés par le CNED.
L'enseignement à distance à un rôle important à jouer en matière de lutte contre la désocialisation de certains jeunes, notamment dans le contexte du grand malaise social que nous vivons actuellement.
Il est bon de rappeler également que, à la suite de l'adoption de la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, des jeunes filles ont décidé de ne plus suivre de cours.
Il est important que ces jeunes filles puissent accéder au service public gratuit de l'éducation et demeurer, malgré tout, au sein de l'école laïque. Elles ne doivent pas être abandonnées au communautarisme dans lequel elles sont enfermées. Il faut donc les inciter, par la gratuité notamment, à poursuivre leurs études dans le cadre de l'éducation nationale. N'ajoutons pas de l'exclusion à l'exclusion !
Par ailleurs, notre amendement vise à préciser qu'une gratuité réelle implique de disposer de l'équipement nécessaire à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
De fait, ces nouvelles technologies offrent théoriquement à chacun de formidables possibilités de communication, sous réserve toutefois qu'il soit en mesure de s'équiper, c'est-à-dire de disposer d'un ordinateur et d'une connexion à Internet. L'utopie technique ne doit pas remplacer l'utopie sociale ! Les nouvelles technologies n'abolissent pas les inégalités, elles sont parfois, au contraire, une nouvelle forme d'expression des inégalités sociales.
Toute une frange de la population n'a pas accès au contenu d'Internet, faute de posséder un ordinateur et une connexion. La fracture numérique ne divise pas seulement pays riches et pays pauvres, elle traverse notre pays et nous savons que nombre d'élèves, notamment les plus modestes d'entre eux, ne pourront pas, de fait, avoir accès aux offres du CNED, faute d'équipement.
Le CNED a développé - c'est tout à son honneur - la téléinformation sur son « campus électronique ». Il est possible d'y tester ses connaissances dans plusieurs matières - l'anglais, les mathématiques, la comptabilité, l'astrophysique -, ou encore d'évaluer son niveau pour l'entrée en première année d'IUFM. L'ensemble des téléinformations sont, en fait, disponibles du cycle élémentaire à l'enseignement supérieur.
La fracture numérique va jouer ici aussi si l'on ne permet pas aux élèves de s'équiper d'un ordinateur et de disposer d'une connexion à Internet. Le CNED prend en charge un service public. Il est donc inconcevable que son campus électronique soit réservé à ceux qui sont équipés en informatique, c'est-à-dire les plus aisés. C'est pourquoi le CNED doit véritablement être gratuit, afin d'être accessible à tous.
Cette gratuité doit prendre en compte les évolutions technologiques et les effets sociaux qu'elles induisent. Nous proposons donc de l'étendre à l'équipement nécessaire à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
M. le président. L'amendement n° 485, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 131-2 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet enseignement est gratuit. Cette gratuité inclut l'équipement nécessaire à l'usage des nouvelles technologies de l'informatique et de la communication ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez que, en réalité, même si elle est proclamée, la gratuité de l'école publique n'existe pas.
De l'obligation d'acheter nombre d'ouvrages pour que les élèves puissent, par exemple, travailler en littérature sur des oeuvres complètes jusqu'aux droits d'inscription à l'université en passant par la nécessité de plus en plus évidente de posséder chez soi un matériel informatique ou encore d'acheter des tenues de sport ou des vêtements de travail pour les élèves des sections industrielles des lycées professionnels, la liste des frais à la charge des familles qu'impose la scolarité d'un jeune est longue.
Selon vos propres statistiques, monsieur le ministre, ces frais s'élèvent à 8 % de la dépense intérieure d'éducation.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons ultérieurement la création d'un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école, qui aurait pour vocation de lutter pour que les inégalités en termes de moyens matériels et financiers cessent de constituer des entraves aux chances de réussite scolaire de certains élèves.
L'article 7 du présent projet de loi vise le problème particulier de l'enseignement à distance.
De fait, et c'est normal, cet enseignement ne se réduit pas à l'envoi par La Poste de cours aux élèves concernés, envoi auquel ils doivent répondre par écrit sous forme de devoirs et exercices également envoyés par La Poste. Mon ami Jean-François Voguet en a parlé voilà un instant, l'enseignement à distance se traduit de plus en plus par des communications entre enseignants et élèves par le truchement d'Internet, ce qui suppose que l'élève maîtrise bien l'informatique, et surtout qu'il dispose d'un matériel informatique et d'un accès à Internet.
L'amendement n° 485 vise simplement à résoudre ce problème, dans un souci de lutte contre toutes les inégalités, y compris financières.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Je suis persuadé que M. le ministre fera le point sur la question de l'enseignement à distance ; toutefois, sans préjuger de l'intérêt des amendements nos 276, 484 et 485, je vous indique, monsieur le président, que la commission des finances invoque l'article 40 à leur encontre.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 276, 484 et 485 ne sont pas recevables.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport du Gouvernement sur les modalités de mise en oeuvre d'un service public de l'enseignement à distance gratuit pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire est transmis au Parlement avant le 31 décembre 2005.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'article 40 vient d'être invoqué à l'encontre d'un amendement prévoyant la gratuité effective de l'enseignement à distance pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire.
Par l'amendement n° 277, il s'agit de confier au Gouvernement le soin de rédiger un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un service public de l'enseignement à distance gratuit pour lesdits enfants.
En vertu du principe d'égalité républicaine, ces enfants devraient pouvoir accéder à l'enseignement, quelles que soient les conditions de ressources de leurs parents. Cette faculté doit concerner notamment les enfants souffrant d'un handicap leur interdisant de suivre une scolarité normale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car l'Etat assure déjà la compensation de la majorité des frais d'inscription.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas que le Parlement lui fasse injonction de produire un rapport sur ce sujet. Une telle procédure est d'ailleurs contraire à la Constitution.
Cela étant, je tiens à faire part à la Haute Assemblée de mon souci de tendre vers la gratuité de l'enseignement à distance pour les élèves qui sont à l'âge de la scolarité obligatoire et qui n'ont pas d'autres possibilités.
Aujourd'hui, et depuis un certain nombre d'années, la gratuité n'est pas totale, même si la contribution demandée aux parents d'élèves est modeste : elle s'élève à 94 euros par an dans l'enseignement primaire et à 114 euros par an dans l'enseignement secondaire. Je me suis fixé pour objectif de tendre vers une amélioration de cette situation.
Mme Voynet a également posé la question du contrôle de l'inscription des élèves au CNED.
Dans le cadre de la scolarisation obligatoire, cette inscription s'effectue sous le contrôle des inspecteurs d'académie. Il appartient à ces derniers de communiquer au CNED le motif légitime justifiant l'inscription. Le CNED doit rendre compte aux inspecteurs de l'assiduité des enfants relevant de leur contrôle. Il doit également informer les maires concernés de l'inscription des enfants relevant de l'obligation scolaire.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l'article 8 et du rapport annexé a été réservé jusqu'à la fin du texte.
Articles additionnels après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 504 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'école doit garantir les conditions de l'égalité des droits et des chances aux élèves handicapés, quelle que soit la nature de leur handicap, et permettre leur scolarisation en priorité dans l'école ou l'établissement scolaire le plus proche de leur domicile, en bénéficiant au besoin des aménagements et accompagnements nécessaires.
Le choix de scolarité pour chaque enfant ou adolescent peut être adapté ou révisé dans le cadre d'un projet personnalisé, élaboré en étroite association avec ses parents ou, le cas échéant, son représentant légal. Ce projet doit garantir la cohérence des actions pédagogiques et prendre en compte les prises en charge médicales, paramédicales, psychologiques ou sociales dont peut bénéficier l'élève par ailleurs.
De la maternelle au lycée, le parcours scolaire peut alterner ou combiner différentes modalités : une intégration individuelle, éventuellement accompagnée par un auxiliaire de vie scolaire ; un soutien par un dispositif collectif; une scolarisation dans un établissement sanitaire ou médico-éducatif lorsqu'une prise en charge globale s'impose; un enseignement à distance lorsque l'élève est momentanément empêché de fréquenter l'école en raison de son état de santé.
L'effort d'ouverture de structures de scolarisation adaptées sera poursuivi et orienté vers le second degré, où 1 000 nouvelles unités pédagogiques d'intégration seront créées d'ici 2010, notamment dans les collèges et lycées professionnels. Les personnels d'enseignement et d'éducation seront invités à suivre les formations spécialisées dans l'accueil des élèves handicapés qui ont été rénovées en 2004. Les assistants d'éducation veilleront à l'accueil des élèves ayant un handicap; leur nombre au sein des établissements scolaires sera fonction des besoins des élèves ayant un handicap. Les associations de parents d'enfants handicapés peuvent être sollicitées pour accompagner des modules entrant dans le cadre de ces formations. Tout élève en situation de handicap à l'issue de la scolarité obligatoire doit pouvoir poursuivre ses études.
Dans la limite des crédits ouverts chaque année par la loi de finances, la mise en oeuvre de la mesure concernant le nombre d'unités pédagogiques d'intégration est ainsi programmée :
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
Nombre d'unités pédagogiques d'intégration |
+200 |
+200 |
+200 |
+200 |
+200 |
Crédits (en millions d'euros) |
12 |
12 |
12 |
12 |
12 |
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous achevons à peine les débats relatifs à l'égalité des chances et à la citoyenneté des personnes en situation de handicap.
Alors que ces débats ont suscité, non seulement dans cet hémicycle mais également au sein des familles et des associations concernées, une réflexion et des échanges qui, pour avoir été souvent vifs, n'en ont pas été moins constructifs, nous nous étonnons et regrettons que ce projet de loi ne traduise pas précisément les modalités et les moyens de la scolarisation des enfants en situation de handicap.
C'est pourquoi il nous apparaît essentiel de conférer une valeur normative aux dispositions présentées dans le rapport annexé et d'y intégrer une programmation budgétaire spécifique.
J'aimerais rappeler à cette occasion les chiffres officiels de la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Selon la Direction générale de l'action sociale, la DGAS, et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, 24 % des enfants en situation de handicap ne sont ni scolarisés ni accueillis en établissements spécialisés. A la lueur de ces chiffres, on comprend aisément l'attente et l'espoir que peut susciter un débat sur l'école pour ces milliers de familles et d'enfants.
Vous comprendrez aussi facilement, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la situation actuelle des personnes en situation de handicap, plus particulièrement celle des jeunes, ne soit pas très confortable. En effet, les décrets d'application relatifs à la mise en oeuvre de la prestation de compensation, des maisons départementales du handicap et des procédures d'évaluation des besoins ne sont toujours pas parus. Par conséquent, ces jeunes et leur famille ne savent toujours pas ce que seront les conditions de leur scolarisation à la rentrée prochaine.
Accueillir les enfants à l'école ne suffit pas, monsieur le ministre. Nous devons impérativement anticiper et créer les conditions de la réussite de chacun, qu'il soit ou non en situation de handicap.
L'exemple des services « pôles étudiants » est tout à fait éloquent à cet égard. En effet, dès le mois de février dernier, nous apprenions que l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, qui, jusqu'à présent, soutenait et finançait, à la demande de l'Etat, l'accompagnement humain et technique des étudiants en situation de handicap, devrait dorénavant « ajuster strictement les financements accordés aux ressources, rendre les interventions optimales et conformes à la mission de l'AGEFIPH », à savoir l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
De fait, I'AGEFIPH a tenu ses engagements financiers à l'égard des étudiants pour l'année universitaire 2004-2005, mais ne pourra poursuivre au-delà. C'est dire l'incertitude et l'inquiétude des étudiants et de leur famille aujourd'hui !
La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose clairement la responsabilité de l'éducation nationale pour assurer l'accueil et l'accompagnement nécessaires aux jeunes en situation de handicap.
Il est donc de notre devoir de rassurer les associations et les familles sur les moyens et les méthodes qui seront mis en oeuvre à chaque rentrée scolaire et universitaire afin qu'aucune rupture de scolarisation ne puisse plus intervenir du fait d'un manque de moyens, des moyens qui, vous le savez bien, doivent faire l'objet d'une programmation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement reprend une grande partie des dispositions déjà introduites dans le code de l'éducation par la loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour explication de vote.
M. Robert Hue. A l'occasion de l'examen de cet amendement, je souhaite attirer l'attention de chacun sur les enfants présentant des troubles spécifiques du langage écrit, affection plus communément appelée « dyslexie ».
Ce trouble, dont ni les parents ni les enseignants ne sont responsables, entraîne de sérieuses difficultés pour les enfants. Comme vous le savez, 8 % à 10 % d'écoliers appartenant à tous les milieux sociaux sont touchés. Personne ne doit l'ignorer.
Ces élèves, normalement intelligents, ne vont pas manquer de rencontrer des difficultés pour atteindre les compétences définies et requises dans le fameux « socle commun ».
Malgré plusieurs avancées considérables, tel le plan individualisé de scolarité, certaines dispositions spéciales pour les examens et une formation spécifique pour tous les enseignants ainsi qu'un travail remarquable des associations de parents d'élèves, comme l'association des parents d'enfants dyslexiques, le retard est encore réel en France.
Ces enfants souffrent. Le manque de moyens financiers, de personnels qualifiés, de possibilités de suivi suffisamment rapprochées est un facteur d'aggravation des troubles, qui sont alors bien plus difficiles à corriger.
Les médecins et les infirmières scolaires se sont déjà mobilisés à de nombreuses reprises pour dénoncer le manque de moyens dont ils disposent pour exercer leur mission de prévention. A ce propos, les chiffres parlent d'eux-mêmes : on dénombre 6 400 infirmières pour plus de 12 000 collèges et lycées.
Par ailleurs, monsieur le ministre, dans l'un des documents qui accompagnent le projet de loi pour l'avenir de l'école, on peut lire que « les évaluations nationales, du CE2 et de 6e, doivent servir à repérer les difficultés ; [...] il appartient aux professeurs - conseil des maîtres ou de classe - d'apprécier les conditions dans lesquelles les élèves poursuivent leur scolarité ».
Le regard du professionnel qu'est l'enseignant est évidemment indispensable pour repérer les signes d'alerte, avec l'aide du Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, le RASED.
Selon la circulaire du 31 janvier 2002, un premier dépistage est réalisé par le médecin scolaire à l'occasion du bilan de santé des enfants âgés de trois et quatre ans, sur la base d'informations fournies par les enseignants, le RASED et les familles. Une attention particulière devra être portée à ce bilan, dont le taux de couverture est très inégal, c'est le moins que l'on puisse dire, selon les départements.
Les politiques d'intégration des élèves dans les cursus scolaires - et c'est vrai aussi pour de nombreuses autres pathologies - doivent donc être encouragées et accompagnées des moyens indispensables pour la réussite du projet individualisé d'intégration, à savoir une formation adaptée des enseignants, des conditions d'encadrement améliorées, du temps dégagé pour la concertation avec les familles.
Il est essentiel que nous nous dotions d'un suivi médical cohérent et complémentaire dès la petite enfance, et tout au long de la scolarité.
Nous resterons vigilants, monsieur le ministre, pour que les avancées obtenues dans ce domaine ne stagnent pas, car elles sont encore très insuffisantes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 505, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 351-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
Nulle interruption de la scolarisation de l'élève ne saurait résulter de l'absence momentanée de l'assistant d'éducation qui l'assiste ou des difficultés à en désigner un pour des raisons liées aux effectifs disponibles.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Nous voulons réaffirmer le principe selon lequel aucune interruption ne doit intervenir dans la scolarité d'un enfant, qu'il soit ou non en situation de handicap, ce qui impose l'anticipation, la programmation et la pérennisation des moyens dès lors qu'il y a scolarisation d'un enfant.
Dans le cas des enfants en situation de handicap, on imagine le choc, le traumatisme de l'enfant, de la famille, de l'équipe éducative qui, en plein cursus, voient leurs efforts réduits à néant parce que manque, dans les effectifs, un assistant d'éducation. Ce n'est pas acceptable. Pourtant, c'est une réalité quotidienne.
Un mouvement positif s'est amorcé avec la circulaire de juillet dernier prévoyant le recrutement de 1 000 auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, supplémentaires. Malheureusement, cette circulaire, qui prévoit également la formation des auxiliaires, n'est pas appliquée dans toutes les académies, et le nombre de postes réellement attribués reste incertain du fait des temps partiels et des mouvements de personnels.
Le nombre d'assistants de vie scolaire nécessaires au regard de la population des jeunes en situation de handicap se rapproche manifestement davantage de 9 000 que des 5 000 qui sont prévus. Le mouvement de recrutement engagé depuis la circulaire de juillet 2004 doit donc impérativement se poursuivre, et même se renforcer, pour répondre aux besoins de ces enfants.
La question du statut de ces personnels est également fondamentale pour la réussite de l'accompagnement. En effet, comment concevoir et mettre en oeuvre les conditions du projet éducatif si les assistants de vie scolaire ne sont recrutés que pour un an - et parfois moins -, ou ne le sont qu'à temps partiel ? Les formations et le suivi qui sont indissociables de cet accompagnement deviennent alors inopérants.
Ne sont d'ailleurs pas exclusivement concernés les auxiliaires de vie scolaire : nombre de professionnels sociaux et médico-sociaux sont nécessaires pour bâtir et mettre en oeuvre un projet éducatif à la hauteur des ambitions des élèves en situation de handicap. Or ces professionnels sont encore trop peu nombreux à participer concrètement et activement à l'intégration et au suivi des jeunes en situation de handicap.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Défavorable.
Cet amendement a trait aux moyens disponibles et n'a donc pas sa place dans le présent projet de loi.
Il n'est en tout état de cause pas question d'interrompre la scolarité d'un élève handicapé en cas d'absence momentanée de son auxiliaire de vie scolaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. L'accompagnement par un AVS ne saurait être la condition de scolarisation d'un élève handicapé,...
Mme Annie David. Il en fait partie !
M. François Fillon, ministre. ...même s'il est vrai que, dans des cas exceptionnels, il est effectivement difficile d'assurer la scolarisation à temps plein de l'élève sans l'aide que lui apporte l'AVS.
C'est la raison pour laquelle les inspecteurs d'académie ont été informés de la nécessité de prévoir des remplacements en cas d'absence prolongée d'un AVS, étant précisé qu'en cas d'absence de courte durée un protocole doit être mis en place dans l'école pour assurer la continuité de l'accueil de l'élève.
J'insiste cependant sur le fait que les cas où la présence permanente d'un AVS auprès d'un élève est nécessaire sont très rares ; l'attribution est alors prioritaire. Le plus souvent, une présence permanente n'est ni nécessaire ni même souhaitable, car elle risque de développer chez l'élève une dépendance préjudiciable.
Ainsi, dans les faits, il serait excessif, et, me semble-t-il, contraire aux objectifs recherchés en matière de scolarisation des élèves handicapés, de conditionner l'accueil de ces derniers à la présence d'un auxiliaire de vie scolaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 505.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 124 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Chapitre II
L'administration de l'éducation
Articles additionnels avant l'article 9 A
M. le président. L'amendement n° 278, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 1er du Titre I du Livre II est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... L'Etat assure la cohérence entre les systèmes de formation et d'enseignement professionnels et technologiques placés sous la tutelle de ministères concernés. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement tend à proposer une première réponse à la question de l'éclatement actuel des politiques publiques de formation et d'enseignement professionnel et technologique.
Pour installer un véritable droit à la formation tout au long de la vie, une mise en cohérence s'impose entre formation professionnelle initiale, formation continue et validation des acquis de l'expérience.
Le service public doit être l'instrument de cette cohérence quand le marché privilégie au contraire l'affrontement entre offreurs de formation, au détriment de la lisibilité, de la qualité à long terme et de l'égalité des jeunes et des travailleurs dans l'accès aux qualifications.
Il y a aujourd'hui urgence à prévenir une concurrence stérile entre, d'une part, des voies de formation comme l'enseignement professionnel et l'apprentissage et, d'autre part, entre des opérateurs exerçant des missions proches sous la tutelle de différents ministères, à l'exemple des GRETA, les groupements d'établissements pour la formation continue, qui sont sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale, et de l'AFPA, l'Association pour la formation professionnelle des adultes, qui est elle sous la tutelle du ministère du travail.
Les enseignements professionnels en tant que tels pourraient être fédérés sous une tutelle ministérielle unique alors qu'aujourd'hui ces tutelles sont multiples : éducation nationale, agriculture, équipement - je pense aux lycées maritimes -, etc.
Cet éclatement contribue à la multiplication des coûts initiaux d'investissement et n'offrent pas de véritables possibilités d'échanges pédagogiques et de transferts technologiques entre les divers secteurs d'enseignement.
Surtout, ce cloisonnement est inadapté à l'évolution de la réalité des qualifications.
On constate en effet que le tronc commun des formations occupe dans de nombreux secteurs une place de plus en plus prépondérante par rapport aux spécificités propres à chaque spécialité professionnelle. C'est en particulier le cas pour de nombreux diplômes professionnels de l'agriculture et de l'éducation nationale, mais aussi de la santé.
L'importance d'une prise en charge institutionnelle accrue des questions d'intérêt commun entre le travail et l'éducation a également été rappelée dans le rapport de la commission Thélot.
A court terme, une coordination permanente devrait au moins être organisée entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère du travail pour traiter l'ensemble des dossiers d'intérêt commun.
L'instance qui serait chargée de cette coordination devrait notamment veiller au développement harmonieux des formations initiales sous statut scolaire et en apprentissage. Elle permettrait également de coordonner les politiques de formation continue et de validation des acquis de l'expérience poursuivies par chacun de ces ministères au travers des opérateurs placés sous leur tutelle.
La création d'instances nationale et régionales de coordination entre l'Etat, les régions et les opérateurs concernés semble également indispensable sur l'ensemble du champ des enseignements professionnels et de la formation tout au long de la vie. Du fait du maintien des cloisonnements, les instances existantes ne peuvent en effet que partiellement répondre aux enjeux en cause.
Seule la mise en cohérence peut créer les conditions d'une mise en oeuvre optimale, à l'échelle d'une vie professionnelle, de l'ensemble des activités de qualification professionnelle dont chaque individu doit être le bénéficiaire. Qui, sinon le service public, peut être le garant de cette professionnalisation durable ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il est défavorable, car l'amendement présenté par la commission après l'article 21 pour inciter au développement de réseaux a précisément pour objet de favoriser la cohérence de l'offre de formation et de faciliter l'accès aux passerelles entre toutes les voies.
En outre, depuis les lois de décentralisation, les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle initiale et continue. L'objet du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF, qui a été renforcé par la loi de 2004, est précisément d'assurer la cohérence entre les différentes offres de formation professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même s'il est certainement nécessaire de la renforcer, la coordination est déjà assurée et elle relève, quoi qu'il en soit, du domaine réglementaire.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 508, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons l'abrogation de l'article 82 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales
Personne ne peut nier que les personnels non enseignants jouent un rôle primordial dans le service public de l'éducation nationale : ils participent pleinement à la cohésion de la communauté éducative, cohésion que le Gouvernement s'attache pourtant, depuis bientôt trois ans, à faire exploser.
Après les emplois-jeunes qu'il a supprimés, c'est aux personnels techniciens, ouvriers et de service que le Gouvernement s'est attaqué en organisant leur transfert aux départements et aux régions par le biais de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
L'article 82 de cette loi vise à instaurer un nouveau cadre, qui est tout simplement celui de la déstructuration de la communauté éducative, pourtant garante de l'unicité du service public de l'éducation nationale.
Le Gouvernement réfute l'importance des personnels non enseignants dans les établissements et le rôle des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de services, dans l'éducation nationale. C'est méconnaître le quotidien des TOS que de les considérer comme étant au seul service des bâtiments scolaires : ils sont avant tout au service des élèves.
Leur impact est indéniable sur la vie et la formation de l'élève, ne serait-ce qu'en termes de socialisation, de respect du lieu de vie scolaire, d'écoute et d'accompagnement vers le personnel enseignant.
Pourtant, les principaux intéressés se sont retrouvés devant le fait accompli : leur transfert a été décidé sans que ses conséquences pour la communauté éducative - je pense surtout aux élèves privés de facto d'interlocuteurs privilégiés - aient été le moins du monde envisagées, pour ne pas parler de ses conséquences financières pour les collectivités territoriales, elles aussi placées devant le fait accompli.
Comment maintenir et améliorer l'interactivité entre les différentes composantes de la communauté éducative si leur statut diffère à ce point, si leur employeur et leur responsable n'est plus le même ?
Les inégalités entre les collectivités territoriales n'ont pas à peser davantage sur les élèves. Or le transfert des personnels TOS remet en cause la cohésion et l'unicité du service public de l'éducation.
Nous ne pouvons accepter une telle situation et c'est pourquoi nous demandons, comme nous l'avons dit lors de l'examen de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, l'abrogation de son article 82.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Avis défavorable : le débat a déjà eu lieu au Sénat sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 509, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar et Voguet, est ainsi libellé :
Avant l'article 9 A , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement n° 509 est la conséquence logique de l'amendement n° 508. En effet, nous venons de vous proposer de supprimer les transferts de personnels et, notamment des TOS, aux départements et aux régions.
Le présent amendement prévoit la suppression de l'article de la loi relative aux libertés et responsabilités locales organisant ce transfert en termes de modification du statut des agents publics que sont les TOS.
Comme nous le dénoncions déjà lors de l'examen de la loi de décentralisation, les conditions du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services sont inacceptables, aussi bien pour les personnels et les collectivités territoriales que pour la bonne marche du service public de l'éducation.
Nous n'avons, par exemple, aucune certitude quant au maintien de ces TOS dans leur emploi. Nous n'en avons pas davantage quant au maintien des missions de service public qu'ils assurent. Nous n'avons, en effet, aucune garantie concernant l'externalisation, voire la privatisation à terme des missions des TOS, ce qui est particulièrement inquiétant.
Outre la question fondamentale de l'évolution de la conception nationale de la mission de service public de l'éducation, mission à laquelle contribue pleinement un corps comme celui des TOS, quel sera le devenir des fonctionnaires détachés de l'Etat ou nouvellement territoriaux ?
Le risque est fort d'aboutir à une mobilité ingérable pour les personnels nouvellement transférés au sein de la fonction publique territoriale et d'une collectivité à une autre.
Concrètement, qui organisera le travail des TOS, qui en sera vraiment responsable ? Le chef d'établissement, le président du conseil général, ou le président du conseil régional ?
En résumé, trop d'incertitudes pèsent sur le transfert des personnels TOS et sur leur futur statut. Aussi, nous maintenons notre opposition à ce transfert qui signe la déstructuration à court terme du service public de l'éducation et nous demandons la suppression de l'article 109 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement n° 509 étant un amendement de conséquence, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Eliane Assassi. La prochaine rentrée en Seine-Saint-Denis va être marquée par une réduction des effectifs des personnels non enseignants. Je pense en particulier aux infirmiers, qui ont eu l'occasion de manifester massivement leur mécontentement.
Pour que le système éducatif offre une réponse de qualité dans le domaine de la santé à l'école - cela va de l'accueil, de l'écoute et des soins jusqu'aux conseils à l'éducation, à la santé, à la prévention et au suivi des jeunes -, il faut, en effet, un tout autre investissement.
En l'espèce, ce n'est pas l'annonce de 1 500 postes qui peut nous rassurer, puisque ce chiffre n'a aucune traduction en termes budgétaires.
Permettez-moi de rappeler, par ailleurs, que le taux horaire brut servi aujourd'hui par le ministère de l'éducation nationale aux infirmières vacataires est de 6,84 euros, contre 7,61 euros pour le SMIC. Cette question salariale doit, elle aussi, être au coeur de la réflexion sur l'avenir d'un service public de qualité.
A coup sûr, la rentrée prochaine sera marquée du sceau de l'austérité et de la rigueur. Toutes les professions sont touchées : les administratifs verront leur nombre diminuer encore une fois, et je ne parle pas des incertitudes liées à la décentralisation des personnels TOS.
Nous n'acceptons pas de telles orientations qui, déjà dans l'air du temps, seront confirmées, voire aggravées, par ce projet de loi et qui, je le rappelle, favorisent le tri social des élèves et une nouvelle avancée de l'école à deux vitesses.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons, monsieur le ministre, à votre projet de loi qui entérine et accentue une situation de fait déjà fort préoccupante.
M. le président. L'amendement n° 510, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 110 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement se situe dans la suite logique des deux précédents, puisqu'il vise à supprimer le dispositif du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services engagé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
En effet, avec cette loi de décentralisation, et plus précisément avec les dispositions relatives aux personnels non enseignants de l'éducation nationale, le Gouvernement s'est attaqué à la cohérence du service public de l'éducation et à la cohésion de son personnel dont l'ensemble des missions forme pourtant un tout indivisible.
Les personnels TOS, que la loi propose de décentraliser selon des modalités extrêmement imprécises et insatisfaisantes à nos yeux, font partie de la communauté éducative à part entière. Leur rôle aux côtés des élèves est primordial : ils assument d'innombrables missions, d'ordre tant sanitaire qu'éducatif dans tous les établissements publics de France.
Leur transfert n'en a pas moins été organisé, manifestement pour une simple raison budgétaire : il fallait réduire les effectifs de la fonction publique d'Etat, mais les conditions statutaires prévues par la loi sont loin d'être parfaites : aucun cadre d'emploi spécifique n'a été créé pour ces personnels. Quel sort leur sera définitivement réservé en termes de statut ? Nous ne le savons toujours pas !
Par ailleurs, que vont devenir ceux qui n'opteront pas pour la décentralisation ? Là encore, force est de constater qu'aucune garantie n'existe pour les protéger dans leur statut.
Les collectivités territoriales qui auront la charge nouvelle de ces personnels et de leur gestion s'inquiétaient également, et à juste titre, des conséquences financières de la mesure. Elles ont encore aujourd'hui des raisons d'être soucieuses compte tenu du poids qu'auront ces transferts de compétences sur leur fiscalité.
Il n'est pas concevable de laisser de telles réformes démanteler le service public de l'éducation nationale, et c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet, comme pour les deux amendements précédents, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 510.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9 A
La première phrase de l'article L. 212-7 est complétée par les mots : « en tenant compte de critères d'équilibre démographique, économique et social ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° 511 est présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 87.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 9 A, car la commission n'a pas souhaité encadrer, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, les pouvoirs du maire en matière de détermination du ressort des écoles publiques de sa commune. Il est le mieux placé pour déterminer lui-même l'organisation à mettre en place !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 11.
Mme Annie David. L'amendement n° 511 a le même objet et, une fois n'est pas coutume, nous demandons la suppression de cet article pour des raisons à peu près identiques à celles de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 et 511.
M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste vote contre.
M. le président. L'amendement n° 657, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé.
Après l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la seconde phrase de l'article L. 216?4 du code de l'éducation, les mots : « désigne la collectivité » sont remplacés par les mots : « désigne, en tenant compte du nombre d'élèves à la charge de chacune de ces collectivités, celle ».
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'article L. 216-4 du code de l'éducation prévoit que, dans les cités scolaires comprenant un collège et un lycée, le département et la région doivent décider par convention celle des deux collectivités qui prend en charge la gestion de l'ensemble. En l'absence de convention, le choix revient au préfet.
Dans sa rédaction actuelle, cet article ne prévoit aucun critère pour guider le choix du préfet. Il n'est pas souhaitable qu'une telle décision n'obéisse à aucun critère légal. On peut, en effet, soupçonner la décision du préfet d'être arbitraire.
L'amendement du Gouvernement a donc pour objet d'introduire un critère objectif qui n'est pas contestable dans son principe : le nombre d'élèves à la charge de chaque collectivité. Il est en effet logique que la gestion de l'ensemble soit confiée, sauf avis contraire des collectivités concernées, à la collectivité ayant en charge plus grand nombre d'élèves, que ces derniers fréquentent le lycée, le collège ou les classes élémentaires et préélémentaires dès lors qu'elles sont à la charge d'une des deux collectivités.
Sur ce sujet important, il s'agit de clarifier les règles applicables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j'émets un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 A.
Articles additionnels avant l'article 9
M. le président. L'amendement n° 513, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Toute décision d'ordre réglementaire exige, pour devenir effective, d'obtenir l'accord majoritaire des deux instances concernées :
« - Conseil municipal et Conseil d'école pour qui concerne les compétences dévolues à la mairie dans le fonctionnement des écoles,
« - Conseil d'administration des collèges et Conseil général pour ce qui concerne les compétences dévolues au département dans le fonctionnement des collèges,
« - Conseil d'administration des lycées et Conseil régional pour ce qui concerne les compétences dévolues aux régions dans le fonctionnement des lycées.
« Les fonctionnaires d'autorité et directeurs de service sont chargés, en tant que de besoin, d'aider à la réalisation des synthèses nécessaires entre les deux assemblées afin que celles-ci puissent devenir effectives et exécutoires ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous vous proposons un nouveau mode de fonctionnement dans l'élaboration des décisions d'ordre réglementaire qui organisent le fonctionnement de notre système éducatif, de l'établissement scolaire jusqu'au plus haut niveau de nos institutions.
Cet amendement pose un principe nouveau, celui de la double légitimité, qui obligera, pour qu'une décision puisse être légalement adoptée, qu'elle recueille l'avis majoritaire des deux assemblées compétentes sur le sujet concerné : l'assemblée élue au suffrage universel des citoyens, et l'organisme consultatif qui comprend dans ses rangs des représentants des différents partenaires du système.
Nous reviendrons, dans l'amendement suivant, sur la nouveauté, et surtout sur l'intérêt que représente ce mode de fonctionnement, mais je voudrais, en attendant, aborder une des conséquences qu'il entraîne, à savoir une nouvelle conception du rôle des fonctionnaires d'autorité chargés de la mise en oeuvre des décisions, lois et règlements.
Ce principe de la double source de légitimité a évidemment pour conséquence de changer fondamentalement le rôle des chefs de service et d'établissement, qui était jusqu'ici de faire appliquer des règles édictées d'en haut et auxquelles il fallait se plier, avec toutes les dérives autoritaristes inhérentes à un tel fonctionnement.
Avec notre proposition, l'obligation première d'un chef d'établissement scolaire ou d'un chef des services départementaux de l'éducation nationale, c'est-à-dire d'un inspecteur d'académie, d'un recteur - ou même d'un ministre, monsieur le ministre ! -, sera de rechercher le consensus entre l'administration de l'éducation nationale, chargée de faire appliquer la loi, et les partenaires de l'école réunis dans un conseil d'administration, par exemple, ou dans un conseil départemental de l'éducation nationale, ou encore entre le Parlement et le Conseil supérieur de l'éducation.
Ce travail interviendra à partir de positions qui, au départ, pourront être divergentes mais qui, pour être opérationnelles, devront recueillir un accord suffisamment large, sauf à être rapidement contestées et à donner lieu à de multiples conflits, comme c'est le cas aujourd'hui.
Pour être efficace, cette recherche d'accord entre les deux instances concernées doit bien entendu s'exercer avant toute prise de décision définitive - ou provisoirement définitive, comme ce sera certainement le cas avec votre texte, monsieur le ministre. C'est tout bonnement un principe élémentaire de la démocratie et de la bonne gouvernance que j'énonce ici !
Il ne serait pas indifférent, tant symboliquement que sur le plan réglementaire, que ce principe soit mis en oeuvre dans le service public de l'éducation nationale, et ce par des fonctionnaires qui, statutairement, sont dépositaires de l'autorité de l'Etat.
Utopie, me direz-vous ! Mais, monsieur le ministre, les utopies d'hier sont bien souvent le ferment indispensable des transformations sociales vers plus de justice.
M. Robert Hue. Très bien !
Mme Annie David. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
En effet, en visant « toute décision d'ordre réglementaire », cet amendement fixe un cadre extrêmement rigide et contraignant pour l'entrée en vigueur de ses dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 512, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 211-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La définition et l'organisation des missions et objectifs du service public d'éducation nationale répond à une double légitimité : celle des assemblées élues au suffrage universel d'une part, celle des instances consultatives dans lesquelles sont représentés les partenaires du système éducatif, d'autre part ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Toutes les initiatives de réforme de l'institution scolaire lancées ces dernières années ont tendu, sous prétexte de rationalité, d'efficacité et, surtout, d'économie budgétaire, à introduire dans les modes de fonctionnement de l'école, à tous les niveaux, des logiques de management importées de l'entreprise privée et qui reposent avant tout sur la recherche du rendement maximum et de l'optimisation des ressources au bénéfice, si je puis dire, du profit maximum.
C'est d'ailleurs ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre, avec ce projet de loi qui répond ouvertement à une commande de Bruxelles, conforme à la « feuille de route » tracée lors du Conseil interministériel de Lisbonne, en mars 2000. Je vous l'ai d'ailleurs dit, monsieur le ministre, lors de mon intervention au cours de la discussion générale, en évoquant - vous vous en souvenez sans doute - le « copier-coller ».
La déconcentration des services et, surtout, la décentralisation imposée, contre la volonté majoritaire des personnels concernés, par un coup de force - l'application de l'article 49-3 de la Constitution en plein mois d'août - en est une illustration insupportable.
Aujourd'hui encore, par le recours à la procédure de la déclaration d'urgence, vous imposez votre projet de loi alors qu'il est unanimement rejeté par toutes les organisations concernées au sein du Conseil supérieur de l'éducation et, de façon massive, par les lycéens, les parents, les personnels.
Il y a là, monsieur le ministre, une conception bien curieuse de la concertation et de la démocratie !
C'est précisément pour empêcher de telles dérives que nous préconisons, avec cet amendement, l'instauration d'une double source de légitimité dans la prise de décision concernant les orientations importantes de la politique d'éducation à tous les niveaux, en précisant que, pour être opérationnelles, ces décisions devront avoir reçu au préalable l'accord de chacune de ces deux sources de légitimité.
Quelles seront ces sources de légitimité ? Il s'agit, en premier lieu, des assemblées élues, chacune dans son domaine de compétence : conseil municipal, conseil général, conseil régional, Parlement. Il s'agit, en second lieu, des organismes consultatifs, dans lesquels sont représentés les partenaires du système éducatif, désignés par leurs pairs : conseils d'école, conseils d'administration des collèges et lycées, conseils départementaux de l'éducation nationale, conseils académiques de l'éducation nationale, Conseil supérieur de l'éducation.
Cette procédure de validation aurait plusieurs mérites, parmi lesquels je voudrais en souligner deux, pour conclure mon intervention : tout d'abord, elle redonnerait de l'intérêt et du sens à la participation aux instances de concertation, lesquelles n'ont le plus souvent qu'une activité tout à fait formelle car elles sont privées de toute véritable influence décisionnaire ; ensuite, elle favoriserait la participation démocratique des partenaires et usagers de l'école au fonctionnement de cette institution. Chacun ne cesse de souhaiter cette participation dans les mots, mais le mode de fonctionnement actuel la rend inopérante, voire totalement inutile dans certains cas.
J'ajoute que, par là même, le système éducatif retrouverait sans doute plus d'efficacité, car on met mieux en oeuvre ce que l'on a décidé soi-même.
Il s'agit, ni plus ni moins, d'instaurer une certaine démocratie participative dans la gestion de l'école par les intéressés eux-mêmes.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, la définition et l'organisation des missions et objectifs du service public de l'éducation relèvent de l'Etat, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales. Les dispositions introduites par cet amendement sont contraires à cette répartition au coeur de la compétence partagée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Quant au « copier-coller », je crois que j'ai beaucoup à apprendre de Mme David ! (Sourires.)
M. Robert Hue. Plus que vous ne le pensez !
6
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. Mes chers collègues, mardi matin, nous avons procédé, dans le cadre de l'ordre du jour complémentaire, à la discussion générale des conclusions de la commission des affaires économiques sur les trois propositions de résolution européennes portant sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur.
Il nous reste notamment à examiner les vingt amendements déposés sur cette résolution.
A la demande de M. le président de la commission des affaires économiques et en accord avec le Gouvernement, nous pourrions reprendre la discussion de cette proposition de résolution, dans le cadre de l'ordre du jour complémentaire, mercredi prochain, 23 mars, à l'issue de l'ordre du jour prioritaire comportant la discussion du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
La parole est à M. Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, je vous confirme la demande du président de la commission des affaires économiques d'inscrire cette proposition de résolution à l'ordre du jour complémentaire de la séance de mercredi prochain.
7
Avenir de l'école
Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
Articles additionnels avant l'article 9 (suite)
M. le président. L'amendement n° 514, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 421-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-5. - Dans chaque école ou groupement d'écoles, collège et lycée, il est créé un Conseil scientifique et pédagogique.
« Le Conseil réunit le chef d'établissement pour les collèges et les lycées, l'IEN de la circonscription pour les écoles ou, un de ses adjoints ; des représentants des enseignants professeurs principaux et coordonnateurs de disciplines, les Conseillers d'éducation, les bibliothécaires documentalistes, les Conseillers d'orientation psychologiques et, le cas échéant, du chef des travaux. Il comporte également des représentants des parents d'élèves et des élèves. Tous sont désignés par leurs pairs.
« Le Conseil élit chaque année son président parmi les enseignants qui y participent. Le mandat annuel est renouvelable trois années maximum.
« La composition du Conseil et les décharges de service éventuellement attachés à certaines charges spécifiques dues à son fonctionnement sont fixés par décret. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de créer un conseil scientifique et pédagogique, en lieu et place du conseil pédagogique qui figure à l'article 21 du projet de loi et que vous nous proposerez dans un instant, monsieur le ministre.
Nous proposons de régler cette question dans cette partie du texte, en cohérence avec nos propositions tendant à la création d'observatoires des scolarités et d'un fonds national de lutte contre les inégalités.
Il s'agit de construire un outil qui serait en liaison avec la les organismes de recherche dans tous les domaines qui concernent le développement de l'enfant, grâce à l'apport des deux autres instances que je viens de citer, et qui permettrait réellement aux personnels d'un établissement scolaire de s'attaquer résolument à toutes les situations d'échec scolaire constatées dans l'établissement sans avoir à solliciter l'approbation du chef d'établissement, lequel ne serait qu'un membre parmi d'autres du conseil. Ce dernier serait un organe réellement indépendant puisqu'il serait présidé par un enseignant et que tous ses membres seraient désignés par leurs pairs.
Ce point est important, car tout enseignant sait ce que signifient, y compris et surtout en matière d'orientation pédagogique, le poids de la hiérarchie et les pressions, voire les dérives autoritaristes que ces questions suscitent parfois.
Le conseil scientifique et pédagogique que nous proposons fonctionnerait comme une véritable cellule de mise en commun des expériences, de réflexion collective et d'initiatives.
Regroupant les représentants de tous les personnels qui composent l'équipe éducative, notamment les enseignants, des parents, des élèves et des élus, ce conseil ne se confondrait pas avec le conseil d'école ou le conseil d'administration de l'établissement. Travaillant en relation avec l'observatoire des scolarités, il aurait notamment la responsabilité d'élaborer, de conduire et d'évaluer les résultats de la partie pédagogique du projet d'établissement, dans le respect de la liberté pédagogique de chacun des membres de l'équipe éducative.
En fait, il s'agit de libérer l'initiative pédagogique de chaque acteur de l'acte éducatif en lui permettant d'insérer sa propre réflexion dans une démarche collectivement réfléchie, de rompre l'isolement traditionnel de l'enseignant dans sa classe; de dédramatiser les difficultés éventuellement rencontrées et de créer, grâce aux apports de spécialistes extérieurs et de la formation continue, les conditions les meilleures pour lutter contre l'échec scolaire.
Telle serait, mes chers collègues, en quelques mots résumée, la mission de ce conseil scientifique et pédagogique que nous vous proposons de créer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ces dispositions visant à créer un conseil scientifique et pédagogique sont redondantes par rapport au conseil pédagogique institué par l'article 21.
En outre, les écoles ne sont pas des établissements publics locaux d'enseignement, des EPLE. En effet, elles n'ont pas le même statut juridique et elles n'ont pas de chef d'établissement ni de professeurs principaux. Elles ne sauraient donc être concernées par les dispositions introduites par cet amendement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le conseil pédagogique a vocation à être un vrai outil de concertation de l'équipe pédagogique. Or cet amendement vise à mettre en place une « usine à gaz » beaucoup trop complexe, qui ressemble d'ailleurs bien plus à un conseil d'administration.
J'ajoute - en souriant - que l'élève de l'école communale d'un petit village de la Sarthe que je fus aurait rêvé d'être membre du conseil scientifique de l'établissement que cet amendement décrit !
Mme Annie David. Vous êtes donc favorable à notre amendement !
M. le président. L'amendement n° 515, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le titre IV du livre II de la première partie est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ... : Fonds national de lutte contre les inégalités à l'école
« Art. L. ... . - Un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école est créé. Ce fonds permet de développer les actions nécessaires au recul des inégalités d'origine sociale et scolaire dans l'appropriation des savoirs.
« Il est structuré en quatre volets :
« - un volet social impliquant des mesures de gratuité tout au long de la scolarité, en fonction de critères sociaux pour permettre à chaque jeune d'avoir accès tous les outils nécessaires à sa scolarisation ;
« - un volet éducatif consacré essentiellement à développer les recherches sur les modes de construction des inégalités scolaires et au renforcement du professionnalisme des enseignants ;
« - un volet démocratique par le renforcement du rôle des différents acteurs du monde éducatif dans les différents observatoires mis en place ;
« - un volet « politique territoriale » destiné à permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent sans en avoir la possibilité financière, de procéder à la réhabilitation ou à la construction de locaux scolaires publics et à leur dotation de premier équipement.
« La gestion de ce fonds est assurée par un organisme démocratiquement constitué associant les représentants de tous les partenaires du système éducatif public. Un décret en définit l'organisation. »
II. - Pour compenser la perte recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous vous proposons, là encore, un outil nouveau - le « Fonds national de lutte contre les inégalités à l'école » - pour notre système éducatif.
Les inégalités dans l'offre de formation sont massives et spectaculaires, sur les plans tant qualitatif que quantitatif. Elles concernent notamment la diversité des formations offertes par le service public, les moyens consacrés aux équipements scolaires, les taux réels d'encadrement par élève, ou encore la gratuité - toute relative, comme je l'ai dit tout à l'heure - de certains enseignements nécessitant des équipements spécifiques.
Les données statistiques comparatives faisant état de ces différences de situations et de leurs effets sur la qualité et l'efficacité du parcours scolaire des élèves sont extrêmement peu développées et, en tout état de cause, rarement mises à la disposition de l'ensemble des partenaires qui s'interrogent sur les causes réelles de l'échec scolaire de certains élèves.
En résultent des diagnostics parfois insuffisants, voire des analyses faussées, pouvant aboutir à des propositions inopérantes, source de découragement et d'échec.
Il est donc nécessaire de se doter d'un outil qui, en complément du travail de proximité opéré grâce à l'apport des observatoires des scolarités, serait susceptible de concentrer les moyens de mise en oeuvre des actions utiles au recul des inégalités sociale, éducative, territoriale et liées à l'intervention des divers partenaires, à commencer par les premiers intéressés - les parents et les élèves - dans l'organisation et le fonctionnement même du système éducatif à tous les niveaux.
D'où notre proposition de créer ce Fonds national, qui devrait être structuré en quatre volets.
Un volet social comporterait la mise en place de deux types de mesures : d'une part, celles qui sont destinées à assurer la gratuité totale des études à tous les jeunes et qui seraient appliquées de manière différenciée en fonction de critères sociaux ; d'autre part, des mesures pour aider chaque jeune à se construire et à s'approprier des savoirs et des compétences nouvelles. Je pense à l'accès à la culture vivante, aux outils de communication et d'échanges, aux bibliothèques, aux centres de ressources, ainsi qu'à l'aide aux devoirs et à diverses activités sportives, artistiques, culturelles : autant de facteurs d'épanouissement individuel, de socialisation et de réussite scolaire. Ce volet est d'autant plus nécessaire que nous n'avons pas pu le faire intégrer dans le « socle », monsieur le ministre.
Un volet éducatif viserait le développement de recherches tous azimuts sur les véritables causes de l'échec scolaire, en relation avec tous les centres de recherche ayant compétence sur cette question et avec des personnalités diverses et qualifiées. Ce volet impliquerait l'établissement de programmes de développement de la profession d'enseignant, en relation avec les Instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, par l'accompagnement d'expérimentations et d'évaluations, par exemple sur les expériences pédagogiques menées.
Un volet « politique territoriale » serait consacré à l'étude des effets produits par les inégalités territoriales dans l'offre de formation et les politiques mises en oeuvre, ainsi qu'au développement de l'intervention de certains acteurs. Il s'agirait de définir de nouvelles orientations éducatives et actions à mettre en oeuvre, mais aussi de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent, ou qui en ressentent la nécessité sans en avoir les moyens, de procéder aux réhabilitations ou aux constructions de locaux scolaires publics et à leur dotation en premier équipement.
Un quatrième volet, que l'on pourrait qualifier de volet démocratique, est destiné à renforcer le rôle des partenaires dans le système éducatif avec, notamment, la possibilité d'offrir des formations à ses acteurs.
La gestion de ce fonds, dont les ressources proviendront pour l'essentiel d'une augmentation significative du budget de l'Etat en matière d'éducation, auquel pourraient s'adjoindre d'autres sources de financement émanant entre autres des entreprises, serait assurée par un organisme démocratiquement élu et assurant la participation de toutes les parties concernées.
Compte tenu de l'intérêt que représente ce nouvel outil pour la lutte contre les inégalités et étant donné votre volonté de lutter contre les inégalités scolaires, je ne doute pas, mes chers collègues, que vous voudrez bien adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances.
M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, la commission des finances se voit dans l'obligation d'invoquer l'article 40 à l'encontre de cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 515 n'est pas recevable.
L'amendement n° 517, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre IV du livre II de la première partie est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ... Les observatoires de la scolarité
« Art. L. ... . - Sont créés, aux niveaux départemental, académique et national, des observatoires de la scolarité. Outil de suivi régulier des évolutions scolaires, ils doivent permettre aux acteurs de l'école, de prendre les initiatives appropriées pour lutter contre les différents aspects de l'échec scolaire. Placé sous l'autorité d'un président élu, les observatoires de la scolarité ont pour obligation de publier annuellement un rapport analysant les initiatives développées en ce sens et leurs effets enregistrés ou attendus dans la lutte pour la réussite scolaire de tous les jeunes à leur niveau. Les observatoires doivent rassembler des représentants des personnels de l'éducation nationale, des administrateurs, des usagers, des élus, ainsi que des associations intéressées à la lutte contre les inégalités scolaires. Sa composition est précisée par décret. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme nous ne cessons de le constater, les difficultés dans l'appropriation des savoirs scolaires par les élèves frappent de manière très inégale les populations de jeunes, et ce dès les premiers pas dans le système éducatif, c'est-à-dire dès l'école maternelle.
Trop souvent, faute d'outils pertinents pour tout à la fois analyser ces phénomènes, leur nature exacte, leur origine, en évaluer les effets immédiats et à plus long terme, et mettre au point les solutions pertinentes permettant de redresser les situations, les personnels, notamment les enseignants, ont des difficultés pour y répondre, et ce malgré un investissement personnel qu'il convient ici de saluer ; bien souvent, ils ne reçoivent que très peu d'aide de la part de leur institution.
Ce qui est en cause, c'est notamment la difficulté de travailler en équipe. Certes, cela s'apprend, mais il faut des moyens qui permettent et favorisent un tel travail. Or nous connaissons l'insuffisance de la formation initiale et continue, dont nous reparlerons à propos des IUFM.
Mais ce dont il est surtout question ici, c'est l'absence de volonté politique des gouvernements successifs qui, depuis plusieurs décennies, se sont plus préoccupés de gérer les « flux » d'élèves - mot qui est pour moi très difficile à entendre, même si c'est l'expression consacrée par nos administrations - et de procéder en cours de route aux tris et éliminations sélectifs avec le moins de « casse » possible, que de s'attaquer frontalement aux causes et aux modalités de cet échec scolaire.
C'est pourquoi nous proposons la création d'« observatoires des scolarités » qui verraient le jour aux niveaux local, départemental, régional et national.
Institution de type nouveau, indépendante de l'administration et des pouvoirs hiérarchiques dans son fonctionnement, constituée avec la participation de l'ensemble des partenaires de l'école, fonctionnant en termes de partenariat d'initiative populaire et comme outil de suivi régulier des évolutions scolaires, ces observatoires permettraient aux acteurs de l'école de se doter d'analyses communes sur les racines de l'échec scolaire.
Ils fonctionneraient, notamment, comme initiateurs des mises en synergie nécessaires entre les différents acteurs de la recherche en sciences de l'éducation et en didactique des disciplines et les acteurs de terrain chargés d'accompagner les élèves dans leurs apprentissages et leur éducation.
Ils permettraient de mobiliser les intelligences, souvent éparpillées aujourd'hui, et de mener des réflexions sur des problèmes précis.
Fonctionnant, de plus, comme centres de ressources à la disposition des équipes pédagogiques des établissements, ils permettraient, nous n'en doutons pas, d'enclencher de véritables dynamiques pédagogiques novatrices, en relation avec les conseils scientifiques et pédagogiques des établissements.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il s'agit d'un ensemble d'outils que nous vous proposons ici d'adopter, au service, bien évidemment, de la réussite de tous les élèves et de la lutte contre les inégalités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement car, très franchement, je ne vois pas ce qu'apporteront de tels observatoires par rapport à toutes les instances ou organismes existants.
En effet, à côté des conseils académiques de l'éducation nationale et du conseil territorial de l'éducation nationale, qui existent déjà, le Haut conseil dont la création est prévue dans ce projet de loi sera chargé de l'évaluation des résultats du système éducatif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 516 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Centre national de documentation pédagogique est investi des missions de production et d'édition de la documentation pédagogique de l'éducation nationale, sous tous supports techniques existants, à l'exclusion des manuels scolaires.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. En 2002, les personnels du CNDP, le Centre national de documentation pédagogique, apprenaient que le ministre de l'éducation - ce n'était pas vous à l'époque, monsieur le ministre - avait décidé le principe de la délocalisation du siège social de leur établissement à Chasseneuil-du-Poitou, dans une région chère à M. Raffarin, sans qu'aucune évaluation ait encore été faite à ce jour.
Les personnels de ce centre connaissent ainsi une crise sans précédent, faute d'une véritable concertation. En effet, tout dialogue sur le fond de ce dossier est refusé par le directeur du CNDP, qui a réalisé son plan tout seul contre l'avis du médiateur que j'avais moi-même, avec les personnels, sollicité. Le projet de ces derniers n'a donc pas été discuté.
Depuis le début, les personnels démontrent que cette décision de délocalisation a été prise par opportunité, pour drainer des emplois dans la Vienne et pour favoriser le Futuroscope.
Nous n'avons jamais contesté les besoins du Futuroscope, mais nous affirmons que cette délocalisation a été décidée pour modifier les missions du CNDP, ce qui aboutirait à démanteler celui-ci si une discussion de fond n'avait pas lieu.
C'est pourquoi tant d'élus, de tous bords politiques - communistes, socialistes, élus de droite -, se sont mobilisés autour du projet. Après le Sénat et l'Assemblée nationale, l'Hôtel de ville de Paris a été le théâtre d'une conférence de presse, et ce sera bientôt le cas dans le département des Hauts-de-Seine.
Quarante questions ont été posées par différents élus. Les personnels eux-mêmes sont conscients - c'est ce qui ressort de leur projet - qu'il faut adapter le CNDP aux problèmes qui se posent concrètement dans l'éducation nationale du fait du développement de l'audiovisuel et de l'informatique.
Le refus d'une discussion sur le fond montre chaque jour davantage que c'est l'existence même du CNDP qui est en jeu.
Le siège du Centre a maintenant été transféré à Chasseneuil-du-Poitou. Ce n'est pas logique, mais c'est ainsi.
A travers notre lutte commune, nous avons empêché, en septembre 2004, que 163 personnes soient délocalisées, avec tout ce que cela comportait pour le travail de leur conjoint, leur logement et les études des enfants.
Les personnels de la rue d'Ulm ont été transférés à Montrouge et l'on nous dit qu'ils y resteront pour le service de production vidéo. Mais si le service numérique, autrement dit le coeur même du service, s'en allait à Chasseneuil-du-Poitou, ce que persiste à vouloir, semble-t-il, le ministère - M. le ministre va sans doute nous dire ce qu'il en est exactement dans un instant -, cela entraînerait à terme le démantèlement du service et, il faut le dire, la suppression à terme des personnels, qui dénoncent à juste titre ce gaspillage.
C'est pourquoi, depuis deux ans, monsieur le ministre, ils demandent l'organisation d'une table ronde au ministère, avec les élus concernés.
Après un bras de fer d'une journée entière, lundi dernier, avec leur directeur général, ils ont obtenu le report du conseil d'administration. En outre, vos collaborateurs, monsieur le ministre, m'ont confirmé que ces personnels seraient reçus à votre ministère.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, de faire en sorte que cette table ronde se tienne avec quelques-uns des élus concernés. Cette décision, vous seul pouvez la prendre ; elle seule est susceptible de créer un climat serein pour une discussion approfondie et de permettre au médiateur de jouer son rôle, alors qu'en fait il se voit seulement contraint maintenant de gérer un plan social.
Ces deux conditions étant réunies, à savoir la reprise en main du dossier par le ministère avec des propositions stimulantes et le rétablissement du rôle du médiateur, les personnels souhaitent que le projet d'établissement des personnels du CNDP soit véritablement étudié et qu'un audit social, intellectuel et financier des opérations de délocalisation déjà menées depuis 2003 soit réalisé et suivi d'une table ronde ministérielle, incluant enfin les élus des collectivités concernées.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc, je vous prie.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, il est encore temps de prendre des mesures pour stopper la dégradation de ce service, qui a commencé, à moins que l'on ne cherche à laisser pourrir la situation, ce que je me refuse à croire.
Je vous demande donc aujourd'hui, monsieur le ministre, sans entrer dans les détails, d'adopter cette méthode de discussion qui, vous le comprenez, est de la plus grande importance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car les missions du Centre national de documentation pédagogique ne sont en rien remises en cause par ce texte.
La disposition que vous proposez, madame Luc, n'a pas sa place dans ce projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, dont l'objet est de fixer les grandes orientations de notre école pour les quinze années à venir.
Mme Hélène Luc. Vous n'allez tout de même pas demander la suppression du CNDP !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement car, ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, les textes actuels satisfont d'ores et déjà l'objectif des auteurs de cet amendement.
Le décret relatif au CNDP fixe à ce dernier, en son article 2, une mission d'édition, de production et de développement des ressources éducatives dans tous les domaines de l'éducation.
Par ailleurs, il contribue au développement et à la promotion des technologies de l'information et de la communication en matière éducative, ainsi que de l'éducation artistique et culturelle.
Par conséquent, l'amendement proposé ne relève pas d'une disposition législative. Mais chacun a bien compris que Mme Luc avait assez peu d'intérêt pour ledit amendement et qu'elle souhaitait surtout évoquer la crise et les difficultés que rencontre le CNDP.
Ce que je puis lui dire - mais elle le sait déjà, car nous avons souvent eu l'occasion d'en parler - c'est que tout doit être fait pour rétablir le dialogue dans cet établissement, tâche à laquelle je m'emploie avec mes collaborateurs et, naturellement, toutes les initiatives allant dans ce sens sont intéressantes.
Les personnels et la direction du CNDP doivent pouvoir communiquer dans des conditions normales ; il faut donc que chacun y mette du sien et je ne pense pas que ce soit en séquestrant le directeur que l'on pourra rétablir un dialogue fructueux.
Personnellement, je m'emploierai, madame Luc, avec mes collaborateurs, à faire en sorte que cette table ronde puisse avoir lieu.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Bien sûr, monsieur le ministre, vous avez parfaitement saisi que je souhaitais entamer une discussion avec vous au sujet du CNDP.
Vous me dites que vous êtes d'accord pour organiser une table ronde, mais j'aimerais que vous y incluiez les élus, faute de quoi les personnels n'accepteront pas d'y participer.
Il faut que la mairie de Paris et les conseils généraux soient représentés - tant il est vrai qu'il s'agit d'une question qui intéresse la région parisienne - voire, pourquoi pas, une personnalité de Chasseneuil-du-Poitou. Personnellement, j'y suis tout à fait favorable, car il faut faire en sorte que ce qui convient au Futuroscope soit valable pour tout le monde.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 516 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
Au début du titre III du livre II, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Le Haut conseil de l'éducation
« Art. L. 230-1. - Le Haut conseil de l'éducation est composé de neuf membres désignés pour six ans. Trois de ses membres sont désignés par le Président de la République, deux par le Président de l'Assemblée nationale, deux par le Président du Sénat et deux par le Président du Conseil économique et social en dehors des membres de ces assemblées. Le président du haut conseil est désigné par le Président de la République parmi ses membres.
« Art. L. 230-2. - Le Haut conseil de l'éducation émet un avis à la demande du ministre chargé de l'éducation nationale sur les questions relatives à la pédagogie, aux programmes, aux modes d'évaluation des connaissances des élèves, à l'organisation et aux résultats du système éducatif et à la formation des enseignants. Il rend ses avis publics.
« Art. L. 230-3. - Le haut conseil dresse périodiquement un bilan public des résultats obtenus par le système éducatif. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 279 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 519 est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Bodin, pour présenter l'amendement n° 279.
M. Yannick Bodin. Mes chers collègues, nous vous demandons un gros sacrifice : il s'agit par cet amendement de supprimer le Haut conseil de l'éducation.
En effet, de par son mode de désignation, ce Haut conseil s'apparentera, nous dit-on, à une autorité administrative indépendante. Or il sera composé de neuf membres désignés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social. Ce sera donc une assemblée éminemment politique, et très peu indépendante dans les faits.
Ce Haut conseil, à la composition très politique, se substituera à deux conseils à la composition beaucoup plus démocratique et ouverte, mais que vous jugez bon de supprimer dans le seul souci de neutraliser deux outils incontestés du service public de l'éducation, dont les choix ou les rapports ne vont sans doute pas toujours dans le sens que vous souhaiteriez.
Je rappelle que le conseil national des programmes, qui a été présidé par M. Luc Ferry et qui est actuellement présidé par M. Jean-Didier Vincent, est composé de vingt et une personnalités qualifiées, essentiellement des enseignants de tous les degrés, mais aussi des chercheurs, et trois inspecteurs généraux de l'éducation nationale.
Le Haut conseil de l'évaluation de l'école, présidé par M. Christian Forestier, est quant à lui composé de trente-cinq membres, principalement des représentants des acteurs, des partenaires et des usagers de l'école, des syndicats de personnels tant enseignants que non-enseignants, des associations de parents d'élèves, des lycéens, mais aussi de membres de la « société civile », d'élus, de personnalités qualifiées, par exemple de chercheurs en sciences de l'éducation.
Le Haut conseil de l'éducation sera compétent pour se prononcer à votre demande, monsieur le ministre, dans un grand nombre de domaines : pédagogie, programmes, évaluation des connaissances des élèves, organisation et résultats du système éducatif, formation des enseignants, etc. En outre, il dressera le bilan périodique des résultats du système éducatif.
En réalité, de par la dilution de ses missions, ce nouveau conseil pourra difficilement être autre chose qu'un organisme empâté et poussé à l'inactivité.
Il est par ailleurs inconcevable de créer une instance qui soit à la fois juge, puisqu'elle évaluera le système et les programmes, et partie, puisqu'elle mettra lesdits programmes en place. Partisans de la séparation des pouvoirs, nous ne pouvons que contester cette double compétence.
On assiste donc, disons-le franchement, à une reprise en main politique des outils d'évaluation du système éducatif et de mise en oeuvre des politiques éducatives.
Entre politisation des instances et représentation de la communauté éducative, vous avez choisi. Ce choix résume votre réforme de l'éducation, qui trouve dans cet article une parfaite illustration.
Nous nous opposons, pour notre part, à ce choix, et nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 519.
M. Jean-François Voguet. Cet article vise à créer un Haut conseil de l'éducation en lieu et place du conseil national des programmes. Cette création ne nous semble pas nécessaire, et nous paraît même injuste.
En fusionnant les missions anciennement dévolues au conseil national des programmes et au Haut conseil de l'évaluation de l'école, vous rendez finalement cette instance juge et partie, ce qui ne constitue aucunement un progrès démocratique.
Le Haut conseil de l'éducation sera en effet chargé de missions étendues : définition du socle commun, avis sur le contenu des programmes et sur la formation initiale des personnels, évaluation des résultats par rapport aux objectifs, etc.
En outre, aucune représentation des structures du système éducatif et des personnels n'est prévue et, du fait de sa composition très politique, nous n'aurons aucune garantie que les avis de cette instance seront rendus indépendamment du pouvoir politique.
La représentation parlementaire n'est-elle pas un moyen d'imposer une responsabilité de gestion aux enseignants par le biais de la LOLF, levier d'une réduction permanente de la dépense publique ?
En remplaçant le savoir pédagogique par la responsabilité budgétaire, vous portez atteinte à la liberté pédagogique et vous affaiblissez donc le service public de l'éducation nationale.
M. le président. L'amendement n° 520, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-1 du code de l'éducation.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives au mode de désignation du Haut conseil de l'éducation, qui sera chargé de donner son avis sur les performances du système éducatif et les grandes orientations de la politique éducative.
Le conseil national des programmes, qui existe depuis 1989, est chargé de donner des avis et d'adresser des propositions au ministre de l'éducation sur la conception générale des enseignements, les grands objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et des champs disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au développement des connaissances.
Ses membres sont des personnalités qualifiées nommées par le ministre de l'éducation, ce qui a permis à cette structure de fonctionner de façon satisfaisante. Nous ne souhaitons pas que ce conseil soit remplacé par un aréopage de personnalités politiques, certes éminentes mais pas nécessairement qualifiées en matière d'éducation.
Nous nous opposons particulièrement à la composition que vous proposez pour le Haut conseil de l'éducation, car celui-ci remplacerait en outre le Haut conseil de l'évaluation de l'école, créé en octobre 2000 et dont la composition était une véritable avancée en termes de démocratie participative.
En effet, sur les trente-cinq membres du Haut conseil de l'évaluation de l'école, il y avait un député et un sénateur, des élus locaux - un maire, un conseiller général et un conseiller régional -, des représentants des salariés et des employeurs, des représentants des parents d'élèves, des représentants des personnels enseignants, un représentant des chefs d'établissement, un représentant des lycéens, un représentant d'une association d'éducation complémentaire de l'enseignement public, ainsi que douze personnalités qualifiées, françaises ou étrangères.
A l'inverse, le Haut conseil de l'éducation verrait ses membres désignés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social, sans aucune condition de compétences ou de qualification particulières. Nous craignons donc une politisation de la seule instance d'évaluation de l'enseignement.
Il faudrait selon nous, au contraire, reconnaître que les acteurs de l'éducation nationale ont quelque chose à dire sur son évaluation et sur son évolution.
De fait, le mode de composition du Haut conseil de l'évaluation de l'école tenait compte du besoin de renouvellement des modes de régulation traditionnels, notamment en ce qui concerne l'enseignement.
Il est indispensable d'entendre et d'écouter directement les élèves et les enseignants par le biais des représentants qu'ils choisissent eux-mêmes.
La composition que vous nous proposez s'apparente, à nos yeux, à une reprise en main des représentants autorisés à s'exprimer sur l'école.
Les manifestations de lycéens et d'enseignants ont pourtant démontré, si besoin était, que professeurs et élèves ont quelque chose à dire.
Il nous semble, par conséquent, qu'il serait plus sage de conserver l'organisation existante, qui permettait à tous de dialoguer pour la construction d'un avenir commun.
M. le président. L'amendement n° 521, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à supprimer les missions prévues pour le Haut conseil de l'éducation.
Il nous semble nécessaire d'évaluer périodiquement le système éducatif et de conforter l'acquisition des savoirs fondamentaux par des programmes adéquats et cohérents.
Se substituant au Haut conseil de l'évaluation de l'école et au conseil national des programmes, le Haut conseil de l'éducation marque, à nos yeux, un rétrécissement des ambitions en la matière.
En effet, l'article 2 du décret du 27 octobre 2000 relatif à la création du Haut conseil de l'évaluation de l'école, qui définissait la mission de ce conseil, prévoyait qu'il donnerait des avis et produirait des expertises extrêmement détaillées.
Ce fonctionnement garantissait que cette structure apporterait véritablement du grain à moudre à la réflexion sur l'école. Le conseil avait, en quelque sorte, une mission de proposition.
Il devait établir un rapport annuel et se réunir au moins deux fois par an. Il pouvait également se réunir sur sa propre initiative.
Par contraste, le fonctionnement du Haut conseil de l'éducation tel qu'il est prévu est des plus vagues : il émettrait un avis à la demande du ministre. Toutefois, si celui-ci ne lui demande rien, le Haut conseil peut parfaitement tomber en sommeil pour un temps indéfini.
C'est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions proposées pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation, qui ne permettent pas au Haut conseil de l'éducation d'apporter une quelconque valeur ajoutée au système éducatif.
Tel que vous l'avez imaginé, monsieur le ministre, nous craignons que le Haut conseil de l'éducation ne soit qu'une coquille vide.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation, après les mots :
émet un avis
insérer les mots :
et peut formuler des propositions
L'amendement n° 89, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation :
Ses avis et propositions sont rendus publics.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Outre des avis, le Haut conseil de l'éducation doit pouvoir formuler des propositions sur les questions dont le saisit le ministre chargé de l'éducation nationale.
Ce sont d'ailleurs les fonctions actuelles du conseil national des programmes et du Haut conseil de l'évaluation de l'école, auxquels il a vocation à se substituer.
Quant à l'amendement n° 89, c'est un amendement rédactionnel de coordination avec l'amendement n° 88.
M. le président. L'amendement n° 428, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le Haut conseil de l'éducation établit chaque année la liste des collèges et des lycées dans lesquels les expérimentations justifient l'affectation d'enseignants volontaires sur des postes à exigence particulière selon des procédures associant les autorités académiques, les corps d'inspection et les chefs d'établissement.
« Le Haut Conseil de l'éducation établit chaque année la liste des lycées et collèges situés en zone d'éducation prioritaire qui, sur demande de leur conseil d'administration, se voient appliquer la procédure prévue à l'alinéa précédent.
L'amendement n° 172, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-2 du code de l'éducation, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ...- Le Haut conseil de l'éducation établit chaque année la liste des collèges et des lycées dans lesquels les expérimentations justifient l'affectation d'enseignants volontaires sur des postes à exigence particulière selon des procédures associant les autorités académiques, les corps d'inspection et les chefs d'établissement.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 90, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-3 du code de l'éducation :
« Art. L. 230-3. - Le Haut conseil de l'éducation remet chaque année au Président de la République un bilan, qui est rendu public, des résultats obtenus par le système éducatif. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Monsieur le président, si les amendements nos 428 et 172 n'ont pu être soutenus, c'est parce que leur auteur préside la présente séance...
Je vous indique toutefois que leur objet sera satisfait par l'amendement n° 173, auquel la commission a donné un avis favorable et qui sera ultérieurement appelé en discussion.
S'agissant de l'amendement n° 90, la rédaction proposée a un double objet.
Il s'agit, d'une part, d'officialiser la remise du bilan réalisé par le Haut conseil de l'éducation sur les résultats obtenus par le système éducatif : il sera remis au Président de la République. Il s'agit, d'autre part, de préciser la périodicité de ce bilan : il sera établi chaque année.
M. le président. L'amendement n° 424, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-3 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
Ce bilan est présenté au Parlement.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Nous demandons que le bilan périodique du Haut conseil de l'éducation soit présenté au Parlement.
Cet amendement traduit une volonté de parallélisme des formes entre une telle présentation et la présentation annuelle du rapport de la Cour des comptes devant le Parlement.
Certes, l'existence de la Cour des comptes est inscrite dans la Constitution, alors que cette nouvelle institution ne sera prévue que par la loi. On pourrait donc se demander pourquoi alourdir la procédure. La commission des affaires culturelles du Sénat, qui suit les questions relatives à l'éducation, dispose en effet de tous les textes qu'elle désire sur ce sujet, et le bilan périodique lui sera automatiquement présenté.
Toutefois, le budget du ministère de l'éducation est le premier budget de la nation. L'éducation des enfants est la principale préoccupation des familles, qui vivent au rythme du cursus scolaire de plus de douze millions d'élèves. C'est le monde de l'éducation qui rythme la vie du pays. Rien de ce qui concerne ce domaine ne laisse le pays indifférent. La communauté éducative, qui accompagne l'éducation des enfants, est formée de près de 9 000 enseignants des premier et second degrés, et de 240 000 agents administratifs, y compris les personnels TOS.
Ces personnels font en sorte que l'éducation nationale soit une belle machine, qui fonctionne grâce à l'intelligence et à la compétence de ses agents et de ses enseignants, du simple TOS au plus haut cadre de la centrale.
On ne le sait pas assez, l'éducation nationale fonctionne de manière décentralisée, avec ses préfets de région - les recteurs -, ses préfets de départements - les inspecteurs d'académie - et ses chefs d'entreprises - les directeurs d'école, les principaux de collège et les proviseurs de lycée.
Pour qui connaît le fonctionnement de cette maison, le terme de « mammouth » qui lui a été attribué par un ancien ministre est une insulte à la compétence, au dévouement et à l'engagement de son personnel. Grâce à celui-ci, la France reste une grande puissance éducative, malgré les lacunes qui existent dans notre système. Mais son personnel a un besoin de reconnaissance.
La meilleure expression de cette reconnaissance serait que le bilan du Haut conseil de l'éducation soit présenté à la représentation nationale, laquelle pourrait ainsi suivre annuellement l'activité des services.
Monsieur le ministre, l'éducation des enfants de France est-elle moins importante que les comptes de la nation ?
Mes chers collègues parlementaires, exercer dans la communauté éducative est un métier difficile. N'oubliez pas qu'elle a façonné la France d'hier, la France d'aujourd'hui. C'est elle qui vous a façonnés, et c'est elle qui façonnera l'avenir. Montrons-lui que nous l'aimons, que nous la soutenons, et que la représentation nationale l'accompagnera dans son action quotidienne.
M. le président. L'amendement n° 407 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Goujon, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 230-3 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
Pour plus de transparence, le Haut conseil de l'éducation rendra publics les résultats obtenus par chaque établissement. Ces résultats tiendront compte du niveau des élèves arrivant dans l'établissement et de l'évolution dans le temps des résultats de l'établissement. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements affectant l'article 9 ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 279 et 519, car ils visent à supprimer l'article 9, ce qui est contraire à la position adoptée par la commission.
Elle est également défavorable aux amendements nos 520 et 521.
La commission prévoyant, dans l'amendement n° 90, que le bilan établi par le Haut conseil de l'éducation sera remis chaque année au Président de la République, donc au plus niveau de l'Etat - cela montre l'intérêt que nous portons à nos enfants ! -, il me semble, monsieur Pozzo di Borgo, que vous avez satisfaction et je vous demande, par conséquent, de retirer votre amendement n° 424.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La plupart de ces amendements visent à supprimer l'une des innovations de ce projet de loi, à savoir la création du Haut conseil de l'éducation destiné à évaluer le fonctionnement de l'institution, à donner un avis sur les programmes, sur le cahier des charges de la formation des enseignants et sur le contenu du socle.
Autant je comprends la cohérence des positions du groupe communiste républicain et citoyen, qui était assez hostile au rapport Thélot, autant je suis de plus en plus surpris par celles du parti socialiste, qui me reproche de ne pas avoir suffisamment suivi ce rapport mais qui a essayé d'« aligner » deux des propositions les plus fortes contenues dans ce rapport : le socle tout à l'heure, et maintenant, le Haut conseil de l'éducation !
Tel que nous l'avons conçu, ce dernier a, je le reconnais, moins de pouvoirs que l'autorité indépendante qui avait été envisagée dans le rapport Thélot, puisque ce conseil remet seulement des avis, les décisions restant entre les mains du Gouvernement.
La création de ce Haut conseil permettra cependant d'avoir un regard extérieur, qui est parfaitement indispensable, et je ne crois pas que la question de son indépendance puisse être posée comme vous l'avez fait, surtout par rapport au conseil national des programmes, dont tous les membres sont nommés par le ministre.
J'ai du mal à comprendre pourquoi une instance dont les membres sont nommés par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale, par le président du Sénat et par le président du Conseil économique et social, comme les grandes autorités indépendantes de notre pays, serait moins indépendante qu'une instance dont tous les membres sont nommés par le ministre.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 279, 519, 520 et 521.
Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 88 de la commission.
Il est favorable à l'amendement n° 89.
S'agissant des amendements nos 428 et 172, il considère que le rapporteur a répondu.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 90 de la commission.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 424 de M. Pozzo di Borgo, le bilan établi par le Haut conseil de l'éducation étant rendu public, il sera naturellement porté à la connaissance du Parlement, et le Gouvernement ne peut manifester aucune hostilité au fait que le Haut conseil présente son rapport devant le Parlement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 279 et 519.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote sur l'amendement n° 424.
M. Yves Pozzo di Borgo. Le Gouvernement a respecté la bienséance en ne s'immisçant pas dans un débat qui concerne le Parlement, et je tenais à remercier M. le ministre de son attitude.
Je voudrais m'adresser maintenant à nos collègues de la commission des affaires culturelles, qui suivent ces problèmes d'éducation.
Selon notre rapporteur, M. Carle, puisque le bilan établi par le Haut conseil est présenté au Président de la République, il est inutile que la représentation nationale le reçoive de façon solennelle.
Depuis la réforme de 1962, le mélange des genres entre l'exécutif et le législatif est si fort dans ce pays, et la puissance présidentielle, quelle qu'elle soit, est telle que l'on en vient quelquefois à oublier que nous sommes un Parlement représentatif !
Je maintiens mon amendement, car je considère que le législatif, lui aussi, a le droit de solenniser la remise de ce bilan annuel.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l'article 9
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 280, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Article ... - I. - Afin de contribuer au suivi des lois d'orientation sur l'école, la délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation de l'école a pour mission de suivre et d'informer le Parlement des conséquences de l'application de la loi. A cet effet, elle recueille des informations, met en oeuvre des programmes d'études et procède à des évaluations.
« II. - La délégation est composée :
« - des présidents des commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale chargées des affaires culturelles ainsi que des rapporteurs de ces commissions en charge de ce dossier ;
« - de seize députés et seize sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques, en tenant compte des membres de droit, chaque groupe ayant au moins un représentant. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci.
« L'office est présidé alternativement, par le président de la commission des affaires culturelles du Sénat et par le président de la commission des affaires sociales, culturelles et familiales de l'Assemblée nationale. La durée du mandat du président est d'un an.
« III. - La délégation est assistée d'un conseil d'experts composé de six personnalités choisies en raison de leurs compétences dans le domaine de l'éducation.
« Les membres du conseil d'experts sont désignés pour trois ans dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation.
« Le conseil d'experts est saisi dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation, chaque fois que celle-ci l'estime nécessaire.
« IV. - La délégation peut recueillir l'avis des membres du Haut conseil de l'évaluation de l'école et du conseil national des programmes ainsi que des organisations syndicales et professionnelles, des fédérations de parents d'élèves et des associations intervenant dans le domaine de la l'éducation.
« V. - La délégation est saisie par :
« 1° Le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe, soit à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs ;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
« VI. - La délégation établit son règlement intérieur ; celui-ci est soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées.
« VII. - Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des deux assemblées parlementaires dans les conditions fixées par le règlement de chacune des assemblées. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement tend à créer un Office parlementaire d'évaluation de l'école - c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous venons de voter en faveur de l'amendement précédent -, qui comprendrait des représentants des deux chambres et aurait principalement une mission d'évaluation et de recherche.
Aux mains de la représentation nationale, cet outil permettrait aux parlementaires de disposer du recul nécessaire pour mener à bien des missions très larges en matière d'éducation. En l'occurrence, ils pourraient savoir si les orientations qu'ils ont votées pour l'école sont respectées, et ils examineraient les projets de loi de finances et autres textes dont ils sont saisis avec davantage d'informations et de préparation.
C'est peut-être le hasard, mais cet amendement suit logiquement le précédent !
M. le président. L'amendement n° 522, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 nonies ainsi rédigé :
« Art. 6 nonies. - I. - Afin de contribuer au suivi des lois d'orientation sur l'école, la délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation de l'école a pour mission de suivre et d'informer le Parlement des conséquences de l'application de la loi. A cet effet, elle recueille des informations, met en oeuvre des programmes d'études et procède à des évaluations.
« II. - La délégation est composée :
« - des présidents des commissions du Sénat et de l'Assemblée Nationale chargées des affaires sociales ainsi que des rapporteurs de ces commissions en charge de ce dossier ;
« - de seize sénateurs et seize députés désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques, en tenant compte des membres de droit, chaque groupe ayant au moins un représentant. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel au Sénat. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci.
« L'office est présidé alternativement pour un an par le président de la Commission chargée des Affaires sociales du Sénat et par le président de la Commission chargée des Affaires sociales de l'Assemblée Nationale.
« III. - La délégation est assistée d'un conseil d'experts composés de six personnalités choisies en raison de leurs compétences dans le domaine de l'éducation.
« Les membres du conseil d'experts sont désignés pour trois ans dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation.
« Le conseil d'experts est saisi dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation, chaque fois que celle-ci l'estime nécessaire.
« IV. - La délégation peut recueillir l'avis des membres du Haut conseil de l'évaluation de l'école et du Conseil national des programmes ainsi que des organisations syndicales et professionnelles, des fédérations de parents d'élèves et des associations intervenant dans le domaine de l'éducation.
« V. - La délégation est saisie par :
« 1°. Le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe, soit à la demande de quarante sénateurs ou de soixante députés ;
« 2°. Une commission spéciale ou permanente.
« VI. - La délégation établit son règlement intérieur ; celui-ci est soumis à l'approbation des bureaux des deux assemblées.
« VII. - Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des deux assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l'article 7. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Notre motivation étant la même, je n'irai pas plus loin dans mes explications.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Elle est défavorable à ces deux amendements, car il entre dans les missions de nos commissions de suivre l'application et les conséquences des lois que nous adoptons, et c'est le cas de la présente loi s'agissant de la commission des affaires culturelles.
Il ne semble pas nécessaire de créer un office parlementaire à cet effet, sauf à créer des offices pour suivre toutes les lois que nous votons !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux...
M. Jean-Marc Todeschini. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, pourriez-vous nous expliquer la façon dont le Sénat va poursuivre ses travaux ?
A la vitesse où nous progressons, nous n'aurons pas terminé l'examen de ce texte samedi matin ! Or nous savons que l'hémicycle sera indisponible samedi, et nous aimerions savoir comment vous envisagez la suite de nos travaux, afin que nous puissions nous organiser.
M. le président. Monsieur Todeschini, avant d'interroger la commission et le Gouvernement, je vous précise que, si nous devons siéger samedi, l'hémicycle sera disponible !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite que nous poursuivions le débat jusqu'à son terme et, s'il faut siéger samedi, nous siégerons !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Encore une fois, le Gouvernement a le même avis que la commission ! Il souhaite que l'examen de ce texte soit mené jusqu'à son terme, sans interruption.
M. le président. Monsieur Todeschini, je vous rappelle par ailleurs qu'il a été prévu par la conférence des présidents que nous poursuivions nos travaux demain, vendredi, le matin, l'après-midi et le soir.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 10.
Article 10
L'article L. 311-5 est abrogé à compter de l'installation du Haut conseil de l'éducation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 281 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 523 est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Bodin, pour présenter l'amendement n° 281.
M. Yannick Bodin. Nous nous sommes déjà amplement exprimés sur le remplacement des deux instances actuelles, dont le Conseil national des programmes, par le Haut conseil de l'éducation. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons qui nous conduisent à préférer le maintien de cette instance de vingt-deux membres, tous issus du monde éducatif, à l'instauration d'un Haut conseil de l'éducation composé de neuf membres dont l'origine socioprofessionnelle n'est pas précisée dans le présent projet de loi d'orientation et qui devront leur nomination uniquement à l'allégeance portée aux autorités politiques qui les auront désignées.
En outre, le Conseil national des programmes est doté d'une mission précise et concise dont il s'acquitte fort bien. En vertu du décret de février 1990, il donne des avis et adresse des propositions au ministre de l'éducation nationale sur la conception générale des enseignements, les grands objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et des champs disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au développement des connaissances.
Pourquoi alors donner ces missions à un seul conseil, au demeurant plus restreint, et lui confier en plus les missions de l'actuel Haut conseil à l'évaluation de l'école ? Quelle efficacité peut-on attendre d'un organisme confronté à une telle surcharge de travail ? Autant en rester aux formations et à la répartition des compétences actuelles.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons le maintien en l'état du Conseil national des programmes, qui n'a pas démérité, loin de là !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 523.
Mme Annie David. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui nous conduisent à souhaiter le maintien du Conseil national des programmes, donc à demander la suppression de l'article 10 ; nous nous déjà largement exprimés sur ce point.
J'avancerai toutefois une nouvelle raison qui vous convaincra peut-être : les membres de ce conseil seront désignés pour six ans, c'est-à-dire pour une durée plus longue que le mandat de ceux qui les auront nommés,...
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Pour une durée identique !
Mme Annie David. ...à savoir le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social.
Enfin, permettez-moi de vous signaler la présence dans les tribunes de M. Karl Stoeckel, secrétaire général de l'Union nationale lycéenne, l'UNL, qui, intéressé par nos débats, nous a rejoints pour assister à la suite de nos travaux.
M. le président. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le Conseil national des enseignements, anciennement Conseil national des programmes, est restructuré en vue d'une mission de réexamen du découpage de l'enseignement des matières au collège et au lycée. Il organise l'audition des scientifiques, chercheurs, philosophes, spécialistes des domaines de la connaissance et des sciences de l'éducation, des enseignants, et de toutes les parties qu'il jugera utile, afin de voir s'il est opportun, en fonction de leur évolution sur le long terme de procéder à un regroupement de la didactique des différentes matières en nouvelles grandes catégories de disciplines et si oui de quelle façon.
Les résultats de ses travaux seront portés au débat public et à l'appréciation du Parlement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise non pas à supprimer l'ancien Conseil national des programmes, mais à en préciser les missions en termes de découpages de l'enseignement en disciplines, dont certaines ont été définies voilà au moins cent cinquante ans.
Notre amendement ne fait que reprendre, très modestement, quelques-uns des thèmes qui ont été développés dans le cadre de bien des projets pédagogiques innovants.
Je pense, par exemple, à l'initiative bordelaise « Clisthène », initiée par plusieurs mouvements d'éducation populaire dont, me semble-t-il, la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles, la FCPE. Cette initiative, dont vous avez certainement eu connaissance, a profité des conseils avisés de MM. Georges Charpak, François Dubet, Philippe Meirieu, Hubert Montagner et de quelques autres, qui ne sont à ma connaissance ni des farfelus ni des marginaux.
Je pense aussi à la fameuse contribution d'Edgar Morin pour l'UNESCO : Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur.
La plupart des chercheurs et des scientifiques observent que, pour la première fois, les savoirs se renouvellent plus vite que les générations. Ils soulignent par ailleurs que l'une des plaies de notre enseignement tient à l'existence d'un véritable apartheid entre les savoirs utilitaires réservés aux uns et la culture abstraite réservée aux autres. Ils énoncent ainsi les conditions qui pourraient nous permettre, en tenant compte de l'évolution des connaissances et des conditions de leur progrès, de réorganiser leur diffusion à l'école.
Pour tout dire, ces expériences et ces recherches débouchent, s'agissant du socle des connaissances, sur des conclusions qui diffèrent des vôtres de manière assez significative. Elles sont en tout cas moins malthusiennes, puisqu'elles décrivent une organisation des temps scolaires par tiers : un tiers est consacré aux disciplines générales classiques ; un tiers est consacré à des études thématiques transdisciplinaires ; un tiers est attribué à la formation sociale, artistique, sportive et technique.
Je ne suis évidemment pas favorable à ce qu'une loi fixe directement et sans expérimentation préalable organisée sur une certaine échelle le redécoupage ainsi proposé, autour de grandes catégories d'objectifs linguistiques, culturels, technologiques et de socialisation.
Je souhaite, par cet amendement, et c'est un minimum dans une loi d'orientation, qu'il puisse être décidé de développer une réflexion approfondie sur ces questions.
Comme vous avez choisi de supprimer le Conseil national des programmes d'un trait de plume, sans aucun débat préalable, il m'a semblé souhaitable de confier à un Conseil national des enseignements cette mission qui est susceptible de lui rendre des couleurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements qui sont contraires à la position qu'elle a adoptée.
Les amendements identiques nos 281 et 523 visent à supprimer l'article 10, donc à ne pas créer le Haut conseil de l'éducation et à conserver le Conseil national des programmes.
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 184, le Haut conseil de l'éducation pourra émettre des avis et des propositions, en particulier sur les programmes. Je ne vois donc pas l'utilité de créer une nouvelle instance dont les missions seraient partiellement redondantes avec celles du Haut conseil de l'éducation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques nos 281 et 523. Ils s'inscrivent en effet dans la lignée des amendements qui visent soit à supprimer le Haut conseil de l'éducation, soit, de manière assez mesquine d'ailleurs, à réduire la durée de son existence.
S'agissant de l'amendement n° 184 de Mme Voynet, à l'évidence, il convient de réviser périodiquement les programmes scolaires, y compris quant aux limites des disciplines. Mais je ne vois aucune raison de créer une instance dédiée à cet effet ; cette responsabilité reviendra au Haut conseil de l'éducation. Ce dernier pourra s'entourer de toutes les personnalités qualifiées dont il aura besoin pour s'acquitter de cette mission, et sans doute y trouverons-nous nombre de celles que vous avez citées. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable non plus à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 281 et 523.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
chapitre III
L'organisation des enseignements scolaires
Articles additionnels avant l'article 11
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 282 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 530 rectifié est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ...- L'articulation entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire est mise en oeuvre par l'équipe éducative en lien avec les parents et les responsables des activités périscolaires afin de donner à chacun les meilleures chances. Elle doit faciliter l'apprentissage de l'écriture et de la lecture et des premiers éléments de mathématiques. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement tend à préciser l'articulation entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire. Cette meilleure articulation se justifie par le fait que l'entrée en cours préparatoire est souvent vécue par les enfants comme une rupture.
Notre proposition s'inscrit dans le droit fil de la loi d'orientation de 1989 qui a organisé la scolarité du premier degré en trois cycles. Nous souhaitons seulement renforcer les liens qui existent au sein du cycle des apprentissages fondamentaux et, pour ce faire, nous prévoyons d'associer l'ensemble de la communauté éducative à la mission de continuité pédagogique au sein d'un même cycle.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 530 rectifié.
M. Jean-François Voguet. L'école maternelle, même en dehors du cadre de l'obligation scolaire, est devenue l'école de tous. Elle scolarise 95 % des enfants de trois ans et la quasi-totalité des enfants de cinq ans.
Une pédagogie se déployant sur quatre années doit évidemment faire évoluer ses objectifs au rythme de la progression de l'enfant qui accède peu à peu à l'autonomie. L'installation progressive d'un cadre de travail suppose un temps de présence suivi. Les parents doivent être impliqués et conscients de la nécessité que leur enfant fréquente de manière régulière cette première école.
Même lorsqu'elle s'ouvre aux enfants de moins de trois ans, la maternelle ne se confond pas avec les autres structures d'accueil : elle est une école. De ce simple énoncé découlent diverses considérations pédagogiques.
La construction progressive de savoirs de toute nature, conçue à partir de la médiation du maître, des connaissances de l'élève acquises dans l'environnement familial et des interactions entre les enfants, rend possibles et efficaces les progrès de chacun.
L'école est un monde nouveau pour chaque enfant. Il doit apprendre à communiquer avec des partenaires qu'il ne connaît pas, au mode d'expression pas toujours habituel, dans des activités à découvrir. Ce n'est pas simple ! Cela exige une certaine adaptation, un laps de temps différent pour chacun. Par exemple, le langage n'est pas inné et l'enfant ne peut se l'approprier que par médiation. Chaque enfant qui entre à l'école maternelle possède déjà un bagage langagier. Or, nous le savons, ce bagage est conditionné par son environnement socioculturel et il dépend pour une large part de sa capacité à apprendre à lire.
Les « leçons de choses » de la communication orale sont l'une des missions premières de l'école maternelle. Le langage, instrument de communication et de connaissances, conditionne pour une part non négligeable la réussite scolaire ultérieure puisqu'il permet le passage vers la maîtrise de l'écrit.
L'école maternelle acquiert de plein droit sa place de première école. Elle ne peut être une simple propédeutique à des enseignements qui débuteraient à la grande école.
L'organisation de la scolarité en cycles, qui place la grande section à la charnière des deux premiers cycles, la scolarisation de la quasi-totalité des enfants de trois ans et d'une partie importante des enfants âgés de deux à trois ans sont autant d'éléments qui imposent à l'école maternelle de nouveaux défis et de nouvelles exigences.
Leur mise en forme dans le cadre de la loi serait une fois de plus l'occasion de montrer le dynamisme et la force de notre école maternelle, dont les objectifs prioritaires doivent viser la prise en compte des caractéristiques sociales et culturelles de chaque élève et la réussite scolaire de tous.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. En effet, l'article 14 prévoit déjà que la formation qui est dispensée dans les écoles maternelles prépare les enfants aux apprentissages fondamentaux prodigués à l'école élémentaire sans pour autant en être l'anticipation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La question de la continuité entre l'école maternelle et l'école primaire, puis entre l'école primaire et le collège a fait l'objet de nombreux débats ; elle a été au coeur des réflexions, notamment de celles de la commission Thélot.
Or force est de constater qu'aucune proposition réellement opérationnelle n'a été formulée, ni par les uns ni par les autres. Dans la loi d'orientation de 1989, une approche de cette question avait été tentée avec la création des cycles - ils sont d'ailleurs maintenus dans le dispositif que nous proposons -, dont on ne peut pas dire qu'ils sont une réussite exceptionnelle. Ils ont certes permis aux enseignants de travailler de façon plus cohérente et davantage en équipe. Mais je ne suis pas sûr que, tant du point de vue des élèves que de celui des parents, la différence ait été réellement sensible. Sur ce sujet, nous avons donc encore beaucoup d'efforts à accomplir.
Le projet de loi dont nous débattons va dans ce sens. L'article 14 prévoit ainsi que les programmes de l'école maternelle comportent « une première approche des outils de base de la connaissance et prépare les enfants aux apprentissages dispensés à l'école élémentaire. » Je ne crois pas qu'il soit possible d'aller plus loin aujourd'hui.
Je n'ai pas vu - en tout cas ce n'est pas le cas de ces deux amendements - de proposition véritablement opérationnelle pour réduire la coupure entre l'école maternelle et l'école primaire, puis entre l'école primaire et le collège, objet des amendements suivants.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je partage vos observations sur les cycles et sur le long travail que nécessite leur mise en place depuis qu'ils existent. Toutefois, je considère qu'il est nécessaire d'essayer d'aménager l'articulation entre les différentes classes, la plus difficile étant celle qui sépare deux établissements ; or l'école maternelle et l'école élémentaire sont souvent installées dans des bâtiments séparés. Cette articulation mise en oeuvre par l'équipe éducative permettrait notamment d'organiser, à certains moments, des ateliers de lecture en commun regroupant la grande section de maternelle et le cours préparatoire.
C'est la raison pour laquelle cet amendement a été proposé. Il va vraiment dans le sens de ce que vous exposiez vous-même, monsieur le ministre, quant à la difficulté de faire en sorte que l'organisation en cycles soit réellement bénéfique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 282 et 530 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 283 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 527 rectifié est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L 311-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'articulation entre le cours moyen deuxième année et la classe de sixième est mise en oeuvre par l'équipe éducative en lien avec les parents et les responsables des activités périscolaires afin de lutter contre l'échec scolaire. Elle s'appuie sur un enseignement spécialisé validant la maîtrise de la lecture et de l'écriture, l'apprentissage des langues vivantes et de la pratique des technologies de l'information et de la communication, la connaissance des fondements de notre culture commune. »
La parole est à M. David Assouline, pour défendre l'amendement n° 283.
M. David Assouline. Le présent amendement a le même objet que l'amendement n° 282 que nous venons de défendre. Il prévoit, en effet, une meilleure articulation entre le cours moyen deuxième année et la classe de sixième.
S'il était encore possible de douter qu'entre l'école maternelle et l'école primaire il y a une continuité pédagogique et une articulation à mettre en place, tout le monde sait pertinemment que la grande difficulté dans notre système éducatif se situe lors du passage de l'école primaire au collège : les enfants passent d'un enseignement dispensé par un instituteur à une situation beaucoup plus déroutante pour eux, à l'âge qu'ils ont.
Il s'agit encore de renforcer l'organisation de la scolarité en cycles ; il est question, ici, du cycle des approfondissements qui va du CE2 à la classe de sixième. Les apprentissages devant être maîtrisés à ce niveau de scolarité sont définis et l'appui de l'ensemble de la communauté éducative est prévu pour cette mission.
Cet amendement s'inscrit donc toujours dans la ligne de la loi d'orientation de 1989. Il permet de prendre davantage en compte ce problème que tous les pédagogues rencontrent et que les enfants vivent en classe de sixième, en tout cas au cours du premier trimestre, de façon douloureuse.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 527 rectifié.
M. Bernard Vera. Pour construire des apprentissages solides et prévenir l'échec, il importe d'organiser la continuité scolaire, donc des apprentissages, selon des étapes bien identifiées, incluant des évaluations régulières et des remèdes engagés sans attendre.
Il convient en priorité d'améliorer l'efficacité pédagogique en lecture et en écriture, sachant que les échecs précoces dans ce domaine ont un caractère pénalisant et durable. A cette fin, des objectifs opérationnels explicitant les compétences de fin de cycle sont précisés pour caractériser le « savoir lire » et le « savoir écrire ». Ces références constituent ainsi des repères plus concrets pour les équipes pédagogiques et pour l'élaboration des évaluations nationales.
L'élaboration de progressions pédagogiques à l'école maternelle, tout particulièrement pour le langage, et l'insertion dans ces parcours des évaluations diagnostiques sont très importantes.
Plus tard et dans la continuité des actions pour prévenir l'illettrisme, il est tout à fait déterminant de ne pas laisser les écarts normaux entre les acquisitions du début du CP se transformer en handicap irréversible. Des réponses adaptées sans attendre la fin du cycle II, et sans préjuger les décisions relatives au parcours scolaire en fin de cycle, des dispositifs temporaires comme, le regroupement d'adaptation ou groupe de besoin sont pris en charge par des maîtres supplémentaires et autres personnels impliqués, formés en conséquence.
L'enseignement rénové des sciences demande aussi un fort soutien. La maîtrise des fondamentaux en mathématiques, dont les évaluations nationales en CE2 et en sixième montrent l'insuffisance, doit également faire l'objet d'une vigilance renouvelée.
La continuité de l'apprentissage de la lecture en cycle III amène l'élève à la littérature et aux approches transversales de la langue et de ses usages.
Donc, la loi doit prendre en compte la nécessité, avant toute chose, de la continuité scolaire, afin que les moyens de l'exercer soient donnés aux professionnels. Par exemple, pour une bonne continuité scolaire, il faut développer les indispensables relations entre professeurs de l'école primaire et professeurs du collège et les autres charnières entre deux cycles.
Cette exigence vaut en particulier pour les langues vivantes, ainsi que pour les sciences et la technologie. Dans ces domaines, il convient de consolider l'enseignement dans toutes les classes de cycle III et cela doit s'entendre pour l'ensemble des cursus existants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. En effet, la définition du socle commun dont la maîtrise doit être acquise en fin de collège vise à améliorer l'articulation entre l'école et le collège. En outre, la notion d'enseignement spécialisé à laquelle il est fait référence peut créer une confusion avec l'enseignement à destination des élèves à besoins spécifiques ou handicapés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable
Là encore, dans les propositions de la commission Thélot sur ce sujet, une idée émergeait : mettre moins d'enseignants devant les élèves en classe de sixième, d'où l'idée de bivalence.
Vous savez à quel point ce sujet est peu consensuel au sein de la communauté éducative. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que, très courageusement, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale avait fait de la généralisation de la bivalence un axe fort du projet socialiste pour l'éducation ! Nous verrons à l'usage !
Plus modestement, nous proposions, dans ce texte, que les professeurs de l'enseignement professionnel qui sont bivalents puissent enseigner au collège, notamment en classe de sixième, ce qui était une façon d'expérimenter la bivalence. En tout cas, cette piste doit être sérieusement explorée au sein de la communauté éducative.
Je vous signale que, dans la rédaction de vos amendements, vous avez une vision du socle plus étroite que la nôtre, puisque vous avez oublié les mathématiques : vous citez la maîtrise de la lecture et de l'écriture, l'apprentissage des langues vivantes, la pratique des technologies de l'information et de la communication, la connaissance des fondements de notre culture commune, mais vous ne parlez pas des bases des mathématiques. (M. Jean-Marc Todeschini s'exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 283 et 527 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 284, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'articulation entre la classe de troisième et la classe de seconde est mise en oeuvre par l'équipe éducative en liaison avec les parents et les responsables des activités périscolaires afin de lutter contre l'échec scolaire. Elle s'appuie sur un enseignement spécialisé validant la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère, l'apprentissage à la citoyenneté, la pratique des technologies de l'information et de la communication, la connaissance de savoirs scientifiques, artistiques, littéraires et philosophiques, une éducation aux médias visant à décrypter l'image. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. J'oserai dire : jamais deux sans trois ! Il est en effet nécessaire qu'il y ait également une meilleure articulation entre la classe de troisième et celle de seconde, car une nouvelle rupture se produit entre le collège et le lycée.
Cela est d'ailleurs dans l'esprit des propos tenus par M. le ministre tout à l'heure, à savoir que nous ne pouvons pas être totalement satisfaits de la manière dont les choses ont évolué, même si des progrès ont été accomplis. Par cet amendement, nous vous proposons, monsieur le ministre, de vous aider à avancer.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié bis, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'articulation entre la classe de troisième et la classe de seconde est mise en oeuvre par l'équipe éducative en lien avec les parents afin de lutter contre l'échec scolaire. Elle s'appuie sur un enseignement spécialisé validant la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère, l'apprentissage à la citoyenneté, la pratique des technologies de l'information et de la communication, la connaissance de savoirs scientifiques, artistiques, littéraires et philosophiques, une éducation aux médias visant à décrypter l'image. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, tout comme vous, ce qui nous préoccupe, c'est la prévention de l'échec des élèves. Le passage du collège au lycée constitue une rupture scolaire qui peut amener certains de nos jeunes à se trouver en difficulté. Certains d'entre eux vont jusqu'à parler de rupture traumatisante. Je ne crois pas qu'il faille généraliser ce traumatisme suite à ces ruptures, mais il ne faut pas non plus le nier.
Par cet amendement, nous proposons une articulation entre la classe de troisième et la classe de seconde. Peut-être qu'à cet âge la rupture n'est pas aussi traumatisante qu'en fin d'école maternelle ou qu'en fin d'école primaire, mais il nous semble important de la prendre en compte.
Il est vrai qu'aucune proposition concrète n'est formulée dans cet amendement. Les cycles devaient apporter une réponse aux difficultés des élèves, mais tel n'est pas toujours le cas : des élèves du secondaire et un nombre plus important d'élèves dans le primaire rencontrent encore des problèmes s'agissant de la continuité pédagogique. Si rien de concret n'est énoncé dans nos amendements, c'est parce que les outils que nous vous avons proposés précédemment à l'article 9, notamment un observatoire des inégalités en lien avec les équipes pédagogiques dans les établissements, doivent être à même d'apporter une réponse adaptée à l'élève dans son établissement.
L'objet de cet amendement était de pouvoir travailler en liaison avec l'observatoire dont vous n'avez pas voulu voilà quelques instants. Toujours est-il que cette articulation nous semble nécessaire. Il faut donc absolument la prendre en compte dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. En effet, le brevet rénové vise à sanctionner la maîtrise du socle commun et, comme pour l'amendement n° 283, la notion d'enseignement spécialisé est ambiguë et inappropriée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. La scolarité obligatoire doit assurer une continuité éducative. Tout au long de la scolarité, la continuité pédagogique est indispensable pour chaque élève. La scolarité obligatoire intègre les enfants en situation de handicap, les enfants du voyage, les élèves hospitalisés, ceux qui sont inscrits à l'enseignement à distance, etc.
L'élève suit des cycles différents pendant son cursus scolaire.
Il faut souligner l'importance de l'aide individuelle à apporter à chaque élève et permettre à chaque professeur des écoles de donner aux élèves la possibilité de suivre l'enseignement qui leur est dispensé. Nous retrouvons ici la discussion que nous avons eue au sujet du socle.
Pour ne rien vous cacher, j'ai eu ce soir une discussion avec M. Legendre sur cette question, car nous ne nous comprenons pas. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) On peut parler en dehors des séances ! (Sourires.) Cela prouve que ce sujet nous préoccupe et que nous avons besoin de nous exprimer.
Il est totalement incompréhensible que l'on s'en tienne à ce socle ! Les jeunes devront exercer deux ou trois métiers durant leur vie professionnelle. Pour s'adapter, il faudra qu'ils disposent d'une culture générale élevée et d'une professionnalisation de base. Je prendrai l'exemple de l'informatique : quelles que soient les évolutions de cette discipline, les élèves qui ont bénéficié d'une formation de base en informatique s'adaptent. Tel n'est pas le cas de ceux qui ont appris uniquement le traitement de texte et à tapoter.
La cohérence du système éducatif passe nécessairement par la continuité éducative prenant en compte les stades de développement de l'élève et permettant une approche globale de l'individu.
L'accès à une compétence de niveau supérieur s'opère très souvent à partir de la réorganisation de savoirs. L'apprentissage est un processus moins de transmission que de transformation. En effet, tout savoir maîtrisé se situe à la fois dans le prolongement des acquis antérieurs qui fournissent le cadre du questionnement et en rupture avec eux.
La fin d'un cycle va progressivement conclure un parcours, permettant ainsi non seulement de faire un premier point sur le chemin parcouru, mais aussi, sur le versant du cycle suivant, de proposer de nouveaux itinéraires.
Un travail plus scrupuleux, plus exigeant et plus méthodique d'anticipation, de formulation, d'élucidation des procédures d'examen et de négociation contribuera à développer une intelligence de toutes les règles de raisonnement, de compréhension et d'action, si précieuses pour les apprentissages qui suivront.
Une telle approche repose sur une coopération entre les différents personnels et une liaison forte entre les différents établissements d'accueil. Cette continuité éducative entre les établissements est mise en application par des actions concrètes pour mettre en cohérence les structures d'enseignement et de vie. Elle nécessite une réforme des cycles d'enseignement, notamment pour faciliter le passage de l'école maternelle à l'école primaire. Mais c'est également vrai pour le passage du CM2 au collège.
En qualité de membre du conseil d'administration de collèges pendant de très nombreuses années, j'ai pu observer des expériences tentées par des chefs d'établissement de l'enseignement primaire et des principaux de collèges : ils travaillent ensemble entre le CM2 et la sixième ; ils organisent des visites des élèves du CM2 dans les collèges. Ceux-ci intègrent alors leur nouvel environnement dans de meilleures conditions.
Tout cela permet d'assurer la cohérence et la continuité de l'enseignement, devoir de l'éducation nationale
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Je me sens obligé de me justifier après les propos qui viennent d'être tenus ! (Sourires.)
Je reconnais que j'ai eu avec Mme Luc une conversation tout à fait intéressante, à la suite de laquelle j'avais constaté la convergence de nos analyses. Je croyais donc, puisque je soutiens le projet de loi dont nous débattons, que Mme Luc allait faire de même ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 528 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 524, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l'homophobie et, de manière générale, sur toutes les formes de discriminations, est dispensé dès l'école primaire par l'Education nationale.
II. - En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Nous avions déjà présenté un tel amendement à l'occasion de l'examen du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il s'agit en effet d'associer pleinement l'éducation nationale à la lutte contre les discriminations, en prévoyant qu'un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie, le sexisme, l'homophobie et, de manière générale, toutes les formes de discriminations, est dispensé dès l'école primaire. Notre liste n'est évidemment pas exhaustive.
Dans le second cycle, cet enseignement deviendrait un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique. Certains professeurs dispensent déjà un tel enseignement à leurs élèves. Toutefois, nous souhaitions que cette sensibilisation prenne la place qu'elle mérite, et ce de manière systématique dans les cours d'éducation civique.
L'éducation nationale doit ici jouer un rôle particulier, parce qu'elle constitue le meilleur facteur d'égalité des chances. Elle doit également être un acteur primordial dans la lutte contre les discriminations.
Nous sommes malheureusement obligés de redéposer cet amendement qui avait recueilli, à l'époque, un avis défavorable de la commission comme du Gouvernement. Selon le rapporteur, la mise en place d'enseignement spécifique méritait davantage de préparation.
Le Gouvernement connaît donc, depuis maintenant plusieurs mois, nos intentions en matière de sensibilisation à la lutte contre les discriminations dès l'école primaire. Nous sommes persuadés qu'il ne pourra qu'approuver notre proposition. Il est temps d'accepter que l'éducation nationale joue son rôle de partenaire en ce qui concerne la lutte contre toutes les discriminations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Les cours d'éducation civique comprennent déjà ce type d'enseignement. En outre, le rapport annexé l'évoque. Je crois donc que cet amendement est satisfait. C'est pourquoi j'en demande le retrait. Sinon, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 524.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11
Après l'article L. 311-3, il est inséré un article L. 311-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-3-1. - Les temps d'apprentissage de l'élève sont personnalisés afin de prévenir l'échec. Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève de pouvoir consacrer le temps qui lui est nécessaire pour acquérir le contenu du socle commun de fondamentaux.
« A tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à la famille de mettre en place un programme personnalisé de réussite scolaire. »
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 525, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article 11 vise à instaurer le PPRS, anciennement baptisé CIRE, que certains des manifestants présents dans nos rues il y a quelques jours. ont d'ailleurs qualifié de « triste CIRE ». Le présent amendement tend à supprimer cet article 11, donc le programme personnalisé de réussite scolaire qu'il institue.
L'Assemblée nationale nous transmet un texte où le CIRE devient un PPRS. Nous reprochions au CIRE de renvoyer sur le seul individu élève contractualisé la responsabilité de sa réussite comme de son échec, de son travail, de ses aptitudes et de ses mérites.
Tout d'abord, la signature du contrat individuel de réussite éducative se serait révélée culpabilisante et stigmatisante pour l'enfant et sa famille. En outre, le contrat ne comportait aucune limite de temps ni aucun recours en cas de litige, comme il se doit dans tout contrat digne de ce nom.
Nous actons ce changement sémantique où le mot « contrat », galvaudé et vidé de son sens, et la formule « réussite éducative » ont disparu. Toutefois, le fond reste identique. La commission des affaires culturelles propose d'ailleurs à nouveau un changement de nom : le projet personnalisé de réussite éducative. Nous retrouvons donc la formule initiale. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez un peu de mal à vous accorder sur le soutien à apporter aux élèves en difficulté.
Le fond reste le même, je l'ai dit : c'est culpabilisant et stigmatisant pour l'enfant et sa famille. Pis encore, le travail en équipe et la prise en charge collective de la difficulté scolaire sont occultés.
Ce programme pourra, en outre, intégrer des dispositifs de soutien en dehors du temps scolaire. S'agit-il des plates-formes de réussite prévues dans le plan Borloo ? Mais, surtout, la définition d'un parcours individualisé ne risque-t-elle pas d'aboutir à des dispositifs dérogatoires à tous les niveaux, avec des cursus et des horaires ou programmes aménagés, d'autant que le PPRS, parcours personnalisé et non pas individualisé, n'est pas limité dans le temps ?
Par ailleurs, il n'est nullement question dans le texte de moyens supplémentaires alloués au soutien. Or il ne serait pas acceptable que les heures d'enseignement à prévoir pour ce programme spécifique soient finalement financées en partie par les heures d'itinéraire de découverte et, selon toute probabilité, comme nous l'avons déjà regretté, par tout ou partie des moyens des ZEP, même s'il est affirmé que le principe du dispositif des ZEP n'est pas remis en cause !
Mises en place en 1981, les ZEP ont déjà permis de limiter les inégalités scolaires. Du reste, nous souhaiterions une relance de l'éducation prioritaire sur l'ensemble du territoire national. Cela aurait un véritable sens pour l'aide aux élèves en difficulté.
M. le président. L'amendement n° 526, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation :
« Art. L 311-3-1 - Les temps d'apprentissage de l'élève sont organisés aux fins de prévenir l'échec. Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève de disposer des aides nécessaires pour acquérir l'ensemble des connaissances et compétences désignées sous le terme de culture scolaire commune.
« A tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à l'élève et à sa famille, après consultation des personnels de l'éducation nationale chargés du suivi de ces élèves, RASED dans le premier degré, personnels d'éducation et conseillers d'orientation - psychologues dans le second degré, de mettre en place un dispositif d'aide à la réussite scolaire adapté à sa situation ».
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Certains enfants manifestent à l'école les signes de leurs difficultés soit dans leur manière d'être et leurs relations, soit dans leur apprentissage.
Nous parlons des vraies difficultés : celle qui, à un moment de sa scolarité, empêche l'enfant d'accéder au savoir ; celle qui inhibe toute progression ; celle qui gêne l'enfant dans sa relation avec ses pairs ou les adultes. Il ne s'agit pas de la difficulté que tout élève perçoit au contact des apprentissages, car la difficulté est inhérente à tout apprentissage.
Ce n'est pas jouer les thérapeutes que de considérer un enfant dans sa globalité et d'essayer de comprendre pourquoi l'enseignant parle de lui comme d'un élève en difficulté. Ce n'est pas jouer les thérapeutes que d'amener l'enseignant à nous dire dans quel domaine l'élève réussit, quels sont ses centres d'intérêt, quelles relations il établit avec ses pairs, l'enseignant lui-même, les autres adultes de l'école.
Ce n'est pas perdre son temps que d'écouter et de comprendre ce que l'enfant nous dit de ses réussites, de ses plaisirs à l'école ou à l'extérieur. Ce n'est pas perdre son temps que d'essayer de comprendre ce que l'enfant ne peut pas ou ne veut pas dire de ses difficultés, de ses erreurs, de son cheminement cognitif. Ce n'est pas perdre son temps que d'accueillir, d'accompagner la parole de l'élève qui a perdu confiance en lui et se dit que cela ne vaut même plus la peine de chercher puisqu'il aura toujours tout faux. Ce n'est pas perdre son temps que de tenter de comprendre comment les parents prennent conscience, vivent la difficulté de leurs enfants.
Tout enseignant n'a-t-il jamais entendu parler de la blessure profonde que peut provoquer chez des parents la difficulté de leur enfant ?
Bien sûr, les RASED, les conseillers d'orientation, les psychologues et les enseignants doivent travailler ensemble ! Les termes d'identité professionnelle semblent mieux adaptés au questionnement concernant leur intervention au sein ou en relation avec l'éducation nationale. C'est non pas en confondant les rôles mais en étant clairs sur les objectifs et les missions attribuées à chacun que nous ferons avancer la prévention de l'échec scolaire. Nous défendons tous la même cause : la réussite de tous les élèves !
Les conseillers d'éducation, les conseillers d'orientation, les psychologues sont une cheville ouvrière du devenir de nos enfants. Par cet amendement, nous voudrions qu'ils soient reconnus comme telle.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer le premier alinéa du texte proposé par l'article 11 pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation. Cet alinéa, inséré lors des débats à l'Assemblée nationale, introduit la notion de personnalisation des temps d'apprentissage des élèves.
Une telle disposition, dont la formulation recouvre une interprétation très large, n'apparaît guère réaliste et s'avère en tout cas peu compatible avec l'organisation générale du temps scolaire. Elle s'intègre mal, par ailleurs, au sein du présent article, dont elle atténue la cohérence et rend la lecture ambiguë.
Enfin, la prise en compte par les enseignants des rythmes d'apprentissage de chaque élève est déjà inscrite à l'article L. 311-3 du code de l'éducation.
Par conséquent, nous avons souhaité rendre l'article 11 plus lisible et plus cohérent.
M. le président. L'amendement n° 533, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation :
« La réussite scolaire de tous les jeunes passe indissociablement par l'accès aux connaissances et compétences construites à travers des programmes disciplinaires nationaux et par l'accès à la maîtrise d'objectifs généraux tels que la capacité à travailler en groupe, à être autonome, à prendre des responsabilités, à s'exprimer et à argumenter, à poursuivre et réaliser un projet individuel et collectif.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Comme le souligne M. le rapporteur dans son rapport, « le dispositif introduit par cet article constitue l'un des éléments essentiels du présent projet de loi, en vue de parvenir à l'objectif ambitieux de réussite de tous les élèves ».
Nous nous trouvons, semble-t-il, dans un débat du même type que celui qui s'est déroulé sur l'article 6 relatif au socle commun. Il faut en effet donner du contenu à l'idée même de « programme personnalisé de réussite scolaire », dont, je le rappelle, nous rejetons la conception individualiste.
L'article 11 du projet de loi renvoyant simplement au contenu du socle commun, dont nous avons déjà eu l'occasion de souligner les faiblesses, notre amendement vise à préciser quelques aspects de ce parcours individualisé.
Nous souhaitons, premièrement, poser le principe de l'accès aux connaissances et aux compétences. Même si cela paraît évident, il s'agit selon nous de garantir la pluridisciplinarité dans cette approche pédagogique.
Nous précisons, deuxièmement, que cette pluridisciplinarité doit être transmise par l'intermédiaire de programmes nationaux, précision qui n'est pas inutile au regard des assauts que subit le principe d'unicité du service public.
Nous rappelons, troisièmement, un certain nombre d'acquis qui doivent devenir les objectifs incontournables de tout soutien personnalisé, afin de permettre une intégration sociale du meilleur niveau possible. C'est le cas, par exemple, de la capacité à travailler en groupe, à être autonome, à prendre des responsabilités, à s'exprimer et à argumenter, à poursuivre et à réaliser un projet individuel et collectif.
En proposant ces précisions, nous mettons en exergue, malheureusement, l'atonie du présent projet de loi d'orientation, atonie qui nous semble dangereuse, car elle vise, selon nous, à rendre la formation malléable et adaptable au bon vouloir du libéralisme économique.
Pour résister à une telle dérive, il faut clarifier les contenus, les préciser et affirmer leur caractère national.
M. le président. L'amendement n° 532, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article, pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
le contenu du socle commun de fondamentaux
par les mots :
les fondamentaux et la culture scolaire commune
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme nous l'avons affirmé lors de l'examen de l'article 6 relatif au « socle commun », nous ne sommes pas d'accord avec le choix de cette expression, et nous le sommes encore moins avec le contenu de ce socle, surtout lorsqu'il n'est fait référence, comme dans le présent article, qu'aux seuls « fondamentaux ».
« Lire, écrire, compter » sont les outils de base, les fondamentaux pour acquérir des savoirs et une culture commune. Ils permettent également de développer l'autonomie individuelle, eu égard notamment à l'utilisation des outils documentaires tels que le dictionnaire, qu'il s'agisse d'ailleurs de sa version papier ou informatisée. Toutefois, l'éducation nationale ne saurait se satisfaire d'une telle ambition, qui date du début du XXe siècle, à une époque où les performances nationales exigent de larges compétences culturelles et techniques.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise donc à remplacer les mots : « le contenu du socle commun de fondamentaux » par les mots : « les fondamentaux et la culture scolaire commune ».
M. le président. L'amendement n° 285, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, sur la base des évaluations individuelles, l'équipe éducative propose à l'élève et sa famille un projet personnalisé de réussite éducative et scolaire, en prenant en compte l'enfant dans toutes les facettes de sa personnalité.
« Ce projet associe le cas échéant des partenaires extérieurs à l'éducation nationale conscients des causes diverses de l'échec scolaire qui peuvent être aussi médicales, éducatives et sociales, l'Etat définit dans le cadre d'une loi de programmation le nombre d'emplois nécessaires à l'accompagnement des élèves. Il apporte son concours à la mise en réseau des structures agissant pour l'épanouissement des jeunes, notamment au travers des politiques locales de la jeunesse et de l'éducation populaire. ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'article 11 porte sur la prévention de l'échec scolaire et sur les divers dispositifs destinés à faciliter le travail et l'engagement personnels. Le présent amendement vise à préciser le contexte et les objectifs de mise en place du plan personnalisé de réussite éducative.
La rédaction actuelle de cet article pose une difficulté concrète : il ne sera pas possible de demander aux enseignants, par l'intermédiaire du chef d'établissement, d'évaluer seuls la nature des difficultés rencontrées par un élève. Par conséquent, il sera tout aussi impossible de leur demander de mettre en place un programme personnalisé qui serait adapté à la diversité et à la complexité des problèmes de cet élève.
Nous proposons donc une étape préalable à tout engagement dans le diagnostic et dans le traitement des difficultés, afin de pouvoir mobiliser l'ensemble des éléments d'informations disponibles, provenant soit du milieu scolaire, bien sûr, soit des partenaires habituels de l'école. Cela permettra d'éviter le cas assez classique où les éléments liés au contexte familial et social sont ignorés. De plus, parce qu'un élève connaissant des difficultés à l'école peut très bien atteindre l'excellence dans d'autres domaines, il sera ainsi possible de disposer d'une vision globale non seulement des difficultés de l'élève, mais aussi de ses atouts.
Vous comprendrez donc qu'il faille d'abord mobiliser des compétences à l'échelle du territoire, mutualiser les moyens de l'école, ceux des collectivités locales, ceux des acteurs, notamment de l'éducation populaire, qui interviennent dans ce que l'on appelle, hélas ! à tort, le domaine « para-éducatif », Il va de soi, ensuite, qu'il faut planifier les postes nécessaires à cet exercice partenarial, ce qui revient à tourner le dos à toutes les politiques de suppression de postes décidées depuis trois ans.
Cette approche contredit, enfin, une vision qui consisterait à diluer à l'excès la fonction d'enseignement dans un ensemble de tâches qui nécessitent des compétences très particulières.
M. le président. L'amendement n° 529, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation :
« A tout moment de la scolarité obligatoire, dès qu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, l'équipe éducative, en liaison avec l'élève et la famille, met en place un dispositif adapté d'aide, de soutien, dans le cadre de la classe ou d'un travail en petit groupe, voire d'un travail individuel. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les conditions morales, physiques, matérielles, sociales et culturelles dans lesquelles se poursuit la scolarité de l'élève sont appréhendées pendant toute la durée de la vie scolaire.
Nous ne doutons évidemment pas de la capacité de réaction de l'environnement scolaire du jeune quand il s'agit, plus particulièrement, de dépister les risques d'un accident de parcours. Le conseil des maîtres ou le conseil de classe existent pour qu'un échange d'analyses et de points de vue soit établi en vue du meilleur accompagnement possible de chaque enfant.
Il ne saurait être question de perdre du temps avec des procédures trop longues, et la mise en place d'un dispositif d'aide et de soutien doit devenir une initiative incontournable de prévention de l'échec scolaire. Ainsi les parents seraient-ils associés au suivi scolaire de leur enfant et informés par l'équipe enseignante des besoins particuliers de celui-ci dans le domaine scolaire. La mise en place du dispositif se ferait donc naturellement de façon concertée.
M. le président. L'amendement n° 534, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
la fin d'un cycle
rédiger ainsi la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 :
le conseil scientifique et pédagogique de l'établissement, sollicité par le maître ou principal de la classe, élabore et propose la mise en oeuvre d'une stratégie éducative ou d'un dispositif pédagogique approprié, dans la perspective maintenue de la réussite scolaire de cet élève.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les problèmes posés par un éventuel échec scolaire doivent concerner également l'établissement et non pas seulement la famille qui, si elle peut éventuellement être associée à la conduite de certains aspects de la stratégie à mettre en oeuvre par l'établissement, ne saurait en être ni le premier artisan ni le premier responsable.
En réalité, une telle tâche incomberait, au sein de l'établissement, au conseil scientifique et pédagogique, dont j'avais proposé la création dans un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 9.
Il convient en effet d'aider l'élève en difficulté, que celle-ci soit d'ailleurs passagère ou durable, ainsi que sa famille et l'équipe pédagogique à trouver les solutions adaptées. Il faut permettre à l'élève de rester dans son établissement pour lui éviter d'être stigmatisé par un quelconque « contrat » ou « projet personnalisé ». A l'évidence, l'élève sera d'autant plus perturbé par son échec qu'il sera mis « sous les feux de la rampe », si j'ose dire.
Le conseil scientifique et pédagogique nous semble être un outil tout à fait pertinent au sein des établissements du premier et du second degré pour aider à mettre en place ces dispositifs d'aide à chaque élève en difficulté.
M. le président. L'amendement n° 531 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
ou le chef d'établissement
rédiger ainsi la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation :
, après avis du conseil de classe, met en place un parcours personnalisé de réussite éducative après accord de la famille.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, au moment où l'implication civique de chaque individu est sollicitée par un exercice nécessaire à la croissance de la démocratie, au moment où les parents d'élèves sont impliqués dans l'éducation nationale et y sont représentés au travers de différentes associations importantes et bien structurées, au moment où le système social que vous défendez sollicite une autonomie financière et bancaire des jeunes, au moment où les élèves sont organisés au sein de la démocratie scolaire, vous renforcez unilatéralement l'autorité des chefs d'établissement et vous oubliez l'équipe pédagogique, les enseignants et les élèves eux-mêmes.
Nous nous en étonnons et nous proposons cet amendement pour rectifier une telle erreur.
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3 -1 du code l'éducation, remplacer les mots :
propose à la famille de mettre en place
par les mots :
met en place
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 92, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
A la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
programme personnalisé de réussite scolaire
par les mots :
parcours personnalisé de réussite éducative
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission propose de substituer la notion de « parcours personnalisé de réussite éducative » à celle de « programme personnalisé de réussite scolaire », introduite par l'Assemblée nationale pour remplacer celle de « contrat individualisé de réussite éducative ».
Le terme « parcours » permet d'insister sur la notion de progression de l'élève et a une connotation plus positive que le mot « programme », qui, assimilé aux programmes scolaires, pourrait être mal vécu par les enfants en difficulté.
Par ailleurs, la réussite d'un élève ne saurait se limiter au seul critère scolaire. Toute démarche de soutien doit, pour être bénéfique, s'inscrire dans une approche globale de l'élève, en relation avec l'ensemble des partenaires, notamment les personnels médicosociaux compétents, et en liaison avec les dispositifs existants, permettant de compléter l'action de l'école par une prise en charge de l'élève pendant le temps extrascolaire.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation, par un alinéa ainsi rédigé :
« Sur la base de l'évaluation réalisée à la fin de l'année précédente, du niveau atteint par ses élèves, chaque établissement dispose d'un contingent global d'heures affectées à un accompagnement du travail personnel des élèves. Ces heures sont encadrées par des élèves ou des adultes répétiteurs. Elles visent à développer l'acquisition de méthodes nécessaires à la progression de chacun, soit globalement soit dans les matières où il rencontre des difficultés particulières. Le Conseil pédagogique organise et évalue l'efficacité de cette dotation spécifique. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à permettre la mise à disposition, pour chaque établissement, d'un contingent global d'heures affectées à un accompagnement du travail personnel des élèves. Ces heures seraient encadrées par des élèves ou des adultes répétiteurs.
Alors même que le nombre d'heures payantes de rattrapage explose, alors que la question de l'autonomie des élèves est apparue dans le débat national comme l'une des plus préoccupantes, il s'agit de structurer le temps de travail personnel des élèves, pour qu'il ne soit pas la répétition du face-à-face pédagogique observé en classe et qu'il permette la maîtrise des méthodes de travail fondamentales et du « savoir-apprendre ».
Cet amendement fait évidemment écho à celui que j'ai présenté à l'article 10, lequel portait sur la réorganisation des programmes, des disciplines et des matières.
De nombreuses circulaires font, bien sûr, référence à ce sujet, mais sous des appellations variables : « travail personnel », « études dirigées » ou « travail encadré ». Au-delà même de la question des locaux, qui ne sont que rarement adaptés, la dotation horaire consacrée dans ce domaine pour les collèges et les lycées reste d'un flou absolu.
Aider les élèves à s'organiser pour la préparation d'un devoir surveillé, à gérer leur temps, à prendre conscience de ce qui est acquis ou pas, accompagner certains lors de la phase de révision, inciter les élèves à se rendre à l'aide individualisée, travailler sur des formes d'expression, sur des raisonnements transversaux, c'est-à-dire communs à plusieurs disciplines : tels sont, par exemple, les objectifs concrets de l'aide au travail personnel des élèves.
A cet égard, je souligne qu'il ne s'agit pas uniquement de prendre en charge des élèves en échec ou en difficulté scolaires : il convient d'élargir la formule de l'offre proposée à l'ensemble des élèves.
Dans notre système, nous avons trop tendance à croire qu'il suffit de reprendre le cours de la même façon, avec les mêmes méthodes, les mêmes supports et les mêmes interlocuteurs. Au contraire, on constate souvent que l'intervention soit des élèves ayant déjà compris le raisonnement, soit d'adultes ou d'autres enseignants utilisant des procédures différentes, permet une meilleure assimilation que lors du face-à-face traditionnel. En tout cas, une telle intervention le complète utilement. C'était d'ailleurs le rôle des aides-éducateurs qui ont été supprimés par votre gouvernement, monsieur le ministre
Quelle que soit la formule, il me paraît donc utile, sous le contrôle, évidemment, d'un adulte référent, que tous les établissements puissent, en fonction de l'évaluation de l'année précédente, disposer d'un contingent d'heures affectées à cette fonction et intégrées au projet d'établissement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet rapporteur pour avis. Monsieur le président, au nom de la commission des finances, j'oppose l'article 40 de la Constitution.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 185 n'est pas recevable.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, lorsqu'on oppose l'article 40, il faut le motiver !
M. le président. Non, monsieur Bodin, ce n'est pas nécessaire !
L'amendement n° 202, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'il apparaît qu'un élève est atteint de troubles spécifiques du langage oral ou écrit, le directeur d'école ou le chef d'établissement doit assurer la continuité de son parcours scolaire en proposant à la famille de mettre en place un programme individualisé de scolarisation adapté à la nature et à la sévérité des troubles.
« Ce programme est établi en collaboration avec les personnels spécialisés intervenant dans le domaine des soins et des rééducations.
« Au terme de ce programme, le directeur d'école ou le chef d'établissement procède à des aménagements pédagogiques pour permettre à tout élève atteint desdits troubles de suivre une scolarité ordinaire, moyennant une information satisfaisante des enseignants. Cette information doit leur permettre de mieux appréhender l'impact de ces troubles sur les différentes situations d'apprentissage et d'en tenir compte lors des évaluations.
« Cependant, dans le cas où un élève est atteint de troubles spécifiques du langage oral ou écrit sévères, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose, après avis des personnels spécialisés intervenant dans le domaine des soins et des rééducations, un placement, pour une durée déterminée, dans un établissement spécialisé. »
La parole est à M. Hugues Portelli
M. Hugues Portelli. Lorsque l'article 40 est opposé, il serait intéressant de savoir pourquoi, monsieur le président, même si cela n'est pas prévu par le règlement intérieur. Une telle attitude serait plus conforme à la démocratie parlementaire.
L'amendement n° 202, qui tend à compléter le texte proposé par l'article 11 pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation, vise à adapter le dispositif de programme personnalisé de réussite scolaire aux élèves atteints de troubles spécifiques du langage oral ou écrit, de façon que le chef d'établissement puisse assurer la continuité du parcours scolaire de l'élève.
Au terme de ce programme adapté, qui doit être établi avec les personnels spécialisés, deux types de profils pourront apparaître : s'il s'agit de troubles qui ne sont pas particulièrement importants, de simples aménagements pédagogiques pourront permettre à l'élève de suivre une scolarité ordinaire ; s'il s'agit de troubles plus graves, le chef d'établissement pourra, éventuellement, proposer un placement, pour une durée déterminée, dans un établissement spécialisé.
M. le président. Monsieur Portelli, je confirme ce que j'ai dit tout à l'heure : au Sénat, l'usage veut que la commission des finances constate l'irrecevabilité prévue à l'article 40 sans être tenue de la motiver.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 525 tendant à supprimer l'article 11, ce qui est évidemment contraire à sa position.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 526. Le directeur de l'école ou le chef d'établissement propose la mise en place d'un programme personnalisé de réussite scolaire ; il est inutile d'indiquer dans la loi les personnels qu'il consulte préalablement. Il s'agit, à mon sens, d'une mesure d'ordre réglementaire.
Sur l'amendement n° 533, la commission a encore émis un avis défavorable. Les objectifs de la formation scolaire et de la scolarité obligatoire ayant déjà été définis aux articles 4 et 6 du projet de loi, ils trouvent mal leur place dans cet article instituant le programme personnalisé de réussite scolaire.
La commission est défavorable à l'amendement n° 532, qui est incompatible avec l'amendement n° 91 de la commission visant à supprimer le premier alinéa du texte proposé par l'article 11 pour l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation.
Sur l'amendement n° 285, la commission a émis un avis défavorable. Elle a d'ailleurs proposé de remplacer les mots : « programme personnalisé de réussite scolaire » par les mots : parcours personnalisé de réussite éducative », la notion de réussite éducative recouvrant celle de réussite scolaire. Par ailleurs, la dimension partenariale de la mission éducative de l'école est déjà soulignée dans de nombreux amendements de la commission.
Sur l'amendement n° 529, l'avis de la commission est également défavorable, car le remplacement du PPRS par un dispositif d'aide et de soutien n'ajoute rien en termes de personnalisation des apprentissages et de travail en groupes restreints. Cela est déjà pris en compte dans le rapport annexé puisqu'un soutien de trois heures par groupes de huit élèves est prévu.
S'agissant de l'amendement n° 534, l'avis de la commission est également défavorable puisque les dispositions proposées auraient pour effet de supprimer le programme personnalisé de réussite scolaire introduit par l'article 11 du projet de loi, qui met en place un dispositif individualisé de soutien.
La commission est défavorable à l'amendement n° 531 rectifié, qui prévoit le recours préalable, lourd et contraignant, à l'avis du conseil de classe, alors que la mise en place du parcours personnalisé de réussite éducative doit pouvoir être décidée de façon réactive, à tout moment de la scolarité, si l'on veut prévenir l'échec.
S'agissant de l'amendement n° 202 présenté par M. Portelli, le parcours personnalisé de réussite éducative ne se substitue pas au projet individualisé de scolarisation qui est mis en place au profit des élèves présentant un handicap, notamment de ceux qui sont atteints d'un trouble du langage. La récente loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en a d'ailleurs précisé les modalités.
Par ailleurs, les formations spécialisées des enseignants et des personnels de l'éducation ont été rénovées en 2004.
Enfin, monsieur Portelli, l'objet de votre amendement sera satisfait par un amendement présenté à l'article 15 ter du projet de loi, sur lequel la commission a émis un avis favorable. Pour toutes ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer +cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 525 qui vise à supprimer l'une des innovations les plus importantes de ce projet de loi, à savoir la mise en place, pour la première fois, dans la loi, d'un dispositif massif de soutien aux élèves qui rencontrent des difficultés pour l'acquisition du socle commun.
Je suis d'ailleurs stupéfait d'entendre les élus du groupe CRC proposer la suppression d'un article tendant à mettre à la disposition des établissements trois heures de soutien par semaine pour chaque élève en difficulté .
Mme Annie David. Les moyens ne sont pas prévus !
M. François Fillon, ministre. Même si les moyens n'étaient pas prévus dans le texte - ce qui n'est pas le cas, puisqu'ils figurent dans le rapport annexé -, cela ne justifierait pas que vous proposiez la suppression de ce dispositif de soutien !
Mme Annie David. Nous proposons d'autres dispositifs !
M. François Fillon, ministre. Le système suggéré marginaliserait, stigmatiserait les enfants en difficulté ! Les 150 000 enfants qui sortent du système éducatif sans rien, les élèves qui rentrent en sixième sans lire ni écrire ne sont-ils pas stigmatisés ? (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Qu'est-ce qui a été fait, jusqu'à présent, pour permettre à ces enfants de réussir ? Absolument rien ! Quand les parents le peuvent, ils payent à leurs enfants des cours particuliers pour les aider à rattraper leur retard.
Il est proposé trois heures de soutien par semaine. Les 700 millions d'euros inscrits dans le dispositif permettront aux établissements scolaires de mettre en place ce soutien personnalisé. Or, pour toute réponse, vous proposez la suppression de l'article 11 ! On se souviendra de votre position lorsque la mise en place de ce dispositif donnera des résultats (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
A l'évidence, le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 526. Celui-ci est la démonstration que vous ne voulez rien changer. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Il prévoit que, après consultation des personnels de l'éducation nationale chargés du suivi des élèves en difficulté, les RASED dans le premier degré, les personnels d'éducation dans le second degré, sera mis en place un dispositif. Mais aucune précision n'est apportée s'agissant de ce dispositif.
La vérité, c'est que vous refusez un dispositif de soutien massif : vous proposez simplement de continuer comme aujourd'hui ; vous n'apportez aucun changement véritable.
Mme Annie David. Nous proposons de renforcer les RASED !
M. François Fillon, ministre. S'agissant de l'amendement n° 91 de la commission, qui vise à rendre le texte plus lisible, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 533 et 532.
S'agissant de l'amendement n° 285, il ne revient pas à la loi, comme l'a dit M. le rapporteur, de définir les modalités de mise en oeuvre du dispositif d'aide destiné aux élèves en difficulté. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 529, 534 et 531 rectifié, ce dernier étant, de mon point de vue, déjà satisfait.
S'agissant de l'amendement n° 92 de la commission, qui vise à modifier de nouveau l'appellation de ce programme personnalisé de réussite scolaire, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Je ferai simplement remarquer que le programme personnalisé de réussite scolaire est bien lié à l'évaluation du socle et à la mise en place de moyens destinés à permettre à tout moment à un élève qui ne maîtrise pas ces éléments du socle de les acquérir.
La notion de « réussite éducative » est beaucoup plus large que celle de « réussite scolaire » et sa mise en oeuvre excède le programme que nous nous étions fixé.
S'agissant de l'amendement n° 202, comme l'a dit M. le rapporteur, il est satisfait par le dispositif mis en place par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement n° 202 est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 202 est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 525.
Mme Annie David. Parce que nous ne sommes pas d'accord avec vos propositions pour venir en aide aux élèves en difficulté, monsieur le ministre, nous sommes des ringards qui ne veulent rien changer au système de l'éducation nationale.
M. Philippe Goujon. Absolument !
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Si vous le dites !
Mme Annie David. Eh bien ! non, monsieur le ministre, nous ne sommes pas des ringards ! En effet, si vous aviez eu la décence ou la courtoisie d'écouter un peu plus attentivement nos interventions,...
Mme Annie David. ... de prendre en compte les différents outils que nous vous avons proposés jusqu'à maintenant, et que nous continuerons à vous proposer tout au long de cette discussion,...
M. Jean-Pierre Chauveau. Des usines à gaz !
Mme Annie David. ... vous vous seriez aperçu que nos propositions témoignent d'une conception nouvelle de l'aide à apporter aux élèves en difficulté et de la lutte contre les inégalités.
Vous auriez également compris que la proposition de loi que nous avons déposée défend une autre vision de la société, qui est à mille lieues, effectivement, de ce que vous voulez pour l'éducation nationale : ce texte vise à lutter véritablement contre l'ensemble des inégalités auxquelles sont confrontées nos jeunes. Car s'il est vrai qu'il existe des inégalités scolaires, il ne faut pas oublier qu'il en existe d'autres, auxquelles vous ne voulez surtout pas vous attaquer. C'est pourquoi vous ferez en sorte qu'aucune mesure ne soit prise pour aider les jeunes qui sont aujourd'hui en difficulté.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Cet amendement n° 525 soulève le même problème que le socle commun.
Monsieur le ministre, avec ce contrat individuel de réussite éducative, vous voulez nous faire croire que les élèves seront aidés individuellement. Je ne dis pas que telle n'est pas votre volonté, mais l'accent mis sur l'individualisation et la contractualisation en tant qu'instrument de réussite n'est pas la meilleure solution. En effet, la responsabilité de la réussite ou de l'échec pèse uniquement sur l'individu, son travail, ses aptitudes et ses mérites.
La signature de ce contrat individuel de réussite éducative peut se révéler, d'une certaine manière, culpabilisante et stigmatisante pour l'enfant et la famille. Par ailleurs, le travail en équipe et la prise en charge collective de la difficulté scolaire sont occultés. Or l'école, plus particulièrement la classe, est un endroit où tous les élèves travaillent ensemble. C'est un aspect qu'il ne faut pas oublier. En outre, ce contrat pourra intégrer des dispositifs de soutien en dehors de ce qui est prévu dans le plan de M. Borloo.
Surtout, la définition d'un parcours individualisé ne risque-t-elle pas d'aboutir à des dispositifs dérogatoires à tous les niveaux, avec des cursus, des horaires ou des programmes aménagés ? Peut-on imaginer que chacun aura son propre parcours ? On ne peut pas poser le problème ainsi, monsieur le ministre, vous le savez très bien !
Dans les écoles primaires, il serait préférable d'avoir des classes avec beaucoup moins d'élèves ou des classes avec plusieurs maîtres. Le fait d'avoir supprimé des aides-éducateurs dans les écoles primaires pose de nombreux problèmes. Et ne parlons pas des collèges ! J'y reviendrai en citant des exemples pris dans l'académie de Créteil, et plus largement dans le Val-de-Marne.
Par ailleurs, il n'est nullement question dans ce projet de loi de moyens supplémentaires pour le soutien scolaire.
Certes, nous ne sommes pas aujourd'hui en train de voter un budget. Mais ce débat me fait penser à celui que nous avons eu sur le handicap : toutes sortes de mesures sont prévues, mais elles ne sont pas financées. Comment votre réforme peut-elle emporter l'adhésion de nos concitoyens ? Comment peut-on croire à vos promesses ?
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que les dispositifs qui existent actuellement pour le soutien des élèves sont suffisants. Avec les RASED, entre 5 000 et 7 000 enfants sont pris en charge. Monsieur le ministre, comment voulez-vous que ces équipes éducatives comportant des psychologues puissent soutenir tous les élèves ? C'est impossible !
Je souhaite évoquer l'action des anciens groupes d'aide psychopédagogiques, les GAPP. Une équipe éducative constituée de psychologues et de pédagogues prenait en charge les élèves de la maternelle jusqu'au collège. J'en ai été le témoin dans plusieurs écoles, notamment dans l'établissement de ma commune de Choisy-le-Roi.
D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, des enseignants me disaient que les parents d'élèves préféraient voir les psychologues plutôt que l'instituteur : ils leur apportaient une aide individuelle importante, parce qu'ils suivaient les enfants de la maternelle jusqu'au collège et qu'ils établissaient un contact fréquent avec la famille.
Aujourd'hui, les RASED ne sont pas du tout à la hauteur des besoins. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 11.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 525.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 125 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 225 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 526.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 533 et 532 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 285.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-3 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les temps d'apprentissage des élèves intellectuellement précoces sont personnalisés afin de prévenir l'échec. Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève intellectuellement précoce d'acquérir le contenu d'un socle de connaissances et de compétences fondamentales défini par un programme personnalisé de réussite scolaire.
« Ce programme, mis en place par le directeur d'école ou le chef d'établissement en collaboration avec les personnels enseignants, est proposé à la famille de l'élève.
« Lorsqu'il apparaît que l'élève satisfait aux objectifs de ce programme, le directeur d'école ou le chef d'établissement, après avis des personnels enseignants, peut réduire à tout moment d'une année la durée du cycle scolaire. »
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement tend à adapter aux enfants intellectuellement précoces les temps d'apprentissage et les programmes personnalisés prévus par le projet de loi. Il serait dangereux de ne pas prendre en compte les besoins exceptionnels de ces enfants, sachant qu'une telle disposition, si elle était adoptée, ne nécessiterait aucun moyen supplémentaire.
Mêlés aux autres élèves pour certains cours et activités scolaires, les enfants intellectuellement précoces pourraient étudier à leur rythme sans être désocialisés. Il faut savoir qu'en l'absence de dispositif adapté un tiers d'entre eux est aujourd'hui en difficulté scolaire au moment de l'entrée au lycée. Il convient donc de remédier à cette situation assez pénible pour les familles et injuste pour les enfants eux-mêmes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement concerne les élèves intellectuellement précoces, qui sont souvent les oubliés du système éducatif. Il est nécessaire, voire indispensable, de prévoir des aménagements dans le parcours de ces enfants.
Monsieur Portelli, je partage tout à fait votre préoccupation, qui sera satisfaite par le vote d'un amendement de la commission à l'article 15 ter. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement souhaite également que M. Portelli retire son amendement, puisque celui de la commission satisfait l'intégralité de ses préoccupations.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 203 est retiré.
L'amendement n° 286, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-3-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art L. ... - A tout moment de la scolarité obligatoire, l'équipe éducative, par l'intermédiaire du professeur principal ou du directeur d'école, proposera un soutien individualisé à chaque élève qui rencontre des difficultés dans l'acquisition des connaissances et des compétences indispensables à la fin d'un cycle. Le professeur principal ou le directeur informera dès que nécessaire les parents du suivi du soutien individuel.
« Dans chaque établissement scolaire, des enseignants seront particulièrement chargés de dispenser ce soutien. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme l'a indiqué tout à l'heure M. le ministre, 150 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans aucune qualification. Nous estimons, pour notre part, que cette question est la première qu'un projet de loi sur l'école doit traiter. Nous vous proposons donc de mettre en place un réel soutien individualisé pour les élèves en difficulté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Les propositions contenues dans cet amendement sont redondantes eu égard à la création du « parcours personnalisé de réussite éducative ». En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, même si l'on peut voir dans cette proposition un début d'adhésion du groupe socialiste au programme personnalisé que nous avons suggéré.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est de la provocation !
M. le président. L'amendement n° 287, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L.311-3-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Au collège et au lycée, le conseil d'administration peut décider, sur proposition du conseil pédagogique, d'intégrer, au sein d'un même cycle, des élèves n'appartenant pas au même niveau de classe. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à introduire une certaine souplesse dans l'organisation de la scolarité et à dépasser le cadre de la classe traditionnelle. Les dispositions proposées tendent en effet à faciliter la progression, qui sera organisée autour de la notion de cycles, comme cela se fait déjà de façon expérimentale en Suisse, en Finlande et dans certains Länder allemands.
Notre système regroupe parfois, dans des groupes de soutien ou de niveau, des élèves qui ont le même degré de connaissance dans telle ou telle discipline. En général, ils appartiennent tous à un même niveau de classe, par exemple la quatrième.
Notre amendement vise à étendre ce système d'apprentissage et de groupes homogènes - ces groupes pourraient s'appeler non pas sixième, cinquième, quatrième et troisième, mais A, B, C et D pour un même cycle - à des regroupements d'élèves n'appartenant pas au même niveau de classe. Ainsi, des élèves de quatrième pourraient travailler avec des élèves de troisième. Ce système aboutit, de fait, à faire varier les temps d'apprentissage selon les différents élèves.
L'idée de base de cet amendement est que chaque élève ne progresse pas de la même façon dans toutes les matières : il peut être plus rapide dans l'une que dans l'autre. Le travail en cycle doit donc lui offrir un itinéraire plus à la carte, qui tienne compte des compétences réellement acquises, qui lui permette de s'attarder sur certaines matières et d'accélérer sur d'autres, ou de se dispenser d'enseignements fastidieux dans lesquels il pourrait végéter.
Pour cela, l'établissement doit être en mesure de proposer des parcours organisés non pas en années, mais en niveaux de compétences, en modules, étant entendu que l'évaluation se fait matière par matière et que l'on ne peut accéder à un niveau qu'après évaluation de la performance atteinte dans le niveau précédent.
Je l'ai évoqué en introduction, ce système fonctionne déjà dans certains pays européens. Il paraît donner satisfaction. Je ne propose pas de lui donner valeur de règle chez nous ; je suggère simplement d'ouvrir cette possibilité aux chefs d'établissement, sans que s'abattent sur eux les foudres des différents corps d'inspection. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cette organisation par groupe de compétences sera mise en place pour l'enseignement des langues étrangères. C'est l'objet de la proposition de M. le ministre. Sa généralisation est une idée très séduisante, mais je crains qu'elle ne se heurte à des difficultés de mise en place et que tout cela ne soit pas très réaliste.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. C'est une idée très séduisante. Je la propose d'ailleurs s'agissant de l'apprentissage des langues étrangères.
Nous en avons beaucoup débattu avec les membres de la communauté éducative. Le rapport Thélot a évoqué cette question. La loi d'orientation de 1989 elle-même, en instaurant les cycles, avait pour objet d'aller dans cette direction.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, si les cycles n'ont pas donné les résultats escomptés, c'est sans doute pour des raisons internes à notre organisation, à notre système, à notre culture. Peut-être est-ce dû à la dimension, à la lourdeur de l'éducation nationale.
C'est la raison pour laquelle il me semble souhaitable d'expérimenter grandeur nature l'idée d'un décloisonnement du collège et du lycée dans le domaine des langues étrangères. Peut-être faudra-t-il aller plus loin et voir si, dans certains établissements, des expérimentations pourront être conduites dans des matières qui s'y prêtent. C'est une voie d'avenir, j'en suis convaincu. Mais, eu égard aux discussions que j'ai eues avec les membres de la communauté éducative, je ne crois pas que nous puissions l'imposer de manière forte. Certes, ce n'est pas ce que vous proposez, madame Voynet, puisque vous suggérez un dispositif à la carte. Mais, vous le savez bien, ce type d'expérimentation effraie notre système éducatif.
Dans ces conditions, il me semble préférable de ne pas adopter aujourd'hui cet amendement, même si l'expérimentation que nous allons conduire dans le domaine des langues étrangères pourrait déboucher, dans un second temps, sur une généralisation à d'autres matières.
M. Jean-Marc Todeschini. Elle sera généralisée !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 287.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12
L'article L. 311-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme de chaque année scolaire, après avoir recueilli l'avis des parents, le conseil des maîtres dans le premier degré ou le conseil de classe présidé par le chef d'établissement dans le second degré se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de l'élève. Le cas échéant, il propose la mise en place d'un dispositif de soutien. »
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 535, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation :
« A tout moment de la scolarité, dès que l'équipe éducative décèle les difficultés passagères durables chez un élève, il lui est proposé un dispositif adapté approprié ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article 12 du projet de loi vise, en principe, à mettre en place un programme de soutien pour les élèves en difficulté, mais il ne fait que pérenniser un système rigide. Cette décision interviendrait en effet une fois par an lors de conseils de classe ou des conseils de maîtres ; en somme, une fois qu'il est trop tard pour intervenir.
Nous proposons que la mise en place d'un système de soutien puisse se faire à tout moment de l'année, et non pas seulement à la fin de l'année. Ce dispositif de soutien peut d'ailleurs être durable ou temporaire, selon que l'élève rencontre des difficultés durables ou passagères. En effet, il est absurde de calquer la prise en charge de la difficulté scolaire d'un élève sur l'année scolaire elle-même.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le temps scolaire est organisé en cycles au cours desquels l'élève va acquérir l'ensemble des connaissances et compétences désignées sous le terme de « culture scolaire commune ». Ainsi, à tout moment de la scolarité, dès qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin du cycle, il faut déclencher un système de soutien. Il s'agit là d'une question non pas seulement de temporalité, mais également de moyens.
Pour mettre en place un tel projet, il faut, le cas échéant, inclure des partenaires extérieurs à l'éducation nationale, conscients des causes diverses de l'échec scolaire, qui peuvent être aussi bien médicales, que sociales ou éducatives. Cela nécessite la création d'emplois et de structures spécifiques. Or, jusqu'à présent, en ne renouvelant pas les départs d'enseignants à la retraite, en supprimant les emplois-jeunes ou en diminuant le nombre de surveillants, vous avez fait tout le contraire, monsieur le ministre.
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation :
« A la fin de chaque cycle, dans le premier degré, le conseil des maîtres évalue le niveau d'acquisition des élèves et juge dans quelles conditions les élèves peuvent poursuivre leur scolarité, après avoir pris en compte l'avis des parents. En cas de désaccord avec le conseil des maîtres, les parents peuvent entamer une procédure d'appel.
« Dans le second degré, il appartient au conseil de classe, présidé par le chef d'établissement, de proposer les aides nécessaires pour que chaque élève puisse acquérir les connaissances et les compétences fixées dans le cadre du socle commun. En cas de désaccord avec le conseil de classe, les parents peuvent entamer une procédure d'appel»
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. La philosophie de cet amendement est très simple : il tend à prévoir que la décision de poursuivre ou non la scolarité ne peut intervenir qu'à la fin de chaque cycle et non pas à la fin de chaque année scolaire, comme le prévoit le projet de loi.
En outre, il vise à rétablir une procédure d'appel pour les parents.
Nous sommes totalement opposés au dispositif de l'article 12. Je crois d'ailleurs savoir que, s'agissant du redoublement, dans tous les pays européens, on s'accorde largement à dire qu'il ne règle malheureusement pas le problème des élèves.
L'article 12 vise à soumettre au bon vouloir des chefs d'établissement la décision de redoublement et il tend à supprimer toute possibilité d'appel des parents, qui était parfois utile. De plus, il tend à rompre avec la politique actuelle menée en matière d'organisation de la scolarité en cycles. Ce sont autant d'arguments qui plaident en faveur de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 541, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Au début de la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation, remplacer les mots :
Au terme de chaque année
par les mots :
A la fin de chaque cycle
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Depuis la loi d'orientation de 1989, l'école est en principe structurée en cycles. Ce mode d'organisation aurait dû être rendu obligatoire. C'est la maîtrise évaluée des connaissances et des compétences jugées indispensables qui aurait dû conditionner le passage d'un cycle à l'autre. Ces choix essentiels ne sont malheureusement plus affichés.
Au contraire, le redoublement, qui est certes présenté comme un recours ultime dans le rapport annexé, devient possible chaque année, et ce dès le cours préparatoire. Aujourd'hui encore, 5 % des élèves redoublent le cours préparatoire. Les professeurs des réseaux d'aides, observateurs privilégiés des élèves en difficulté scolaire, ont pointé le caractère injuste de cette mesure, qui varie d'un établissement à l'autre, et une étude récente de l'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation a de nouveau démontré combien le redoublement était le plus souvent inefficace.
Injuste et inefficace, le redoublement est aussi coûteux : en France, il engloutirait plus de 2,3 milliards d'euros par an pour la seule scolarité obligatoire, une somme qui pourrait être utilisée autrement, en particulier pour développer les dispositifs de soutien, tels les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Il convient donc de faire respecter les dispositions de la loi d'orientation de 1989 et de s'assurer que le redoublement ne pourra s'effectuer qu'à l'issue de chaque cycle et à titre tout à fait exceptionnel. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-7, remplacer les mots :
année scolaire
par le mot :
cycle
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Mon argumentation rejoint celle que j'ai développée tout à l'heure lorsque j'ai défendu l'amendement n°287 visant à insérer un article additionnel après l'article 11. En effet, j'ai indiqué combien il me semblait opportun d'adopter une pratique consistant à mieux individualiser les parcours d'apprentissage et à instaurer des groupes de niveau pour des élèves appartenant à des classes différentes.
Cet amendement tend non pas à renoncer à une évaluation année après année, mais à faire en sorte qu'en découle non pas le passage d'une classe à l'autre, mais une affectation, une modalité de progression différenciée selon les matières en fonction du niveau atteint. Autrement dit, seule l'évaluation terminale en fin de cycle peut conduire à la décision de faire refaire à l'élève une année à l'identique ; c'est ce que l'on appelle classiquement, dans l'éducation nationale, un redoublement.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas souhaité cautionner notre proposition consistant à faire poursuivre à un élève la scolarité décidée en fin de cycle avec, pour les parents, une possibilité d'appel. A minima, il nous semble indispensable de prévoir que d'éventuels redoublements ne puissent avoir lieu qu'en fin de cycle, et non à la fin de chaque année scolaire.
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation, remplacer les mots :
après avoir recueilli l'avis des parents
par les mots :
à l'issue d'un dialogue et après avoir recueilli l'avis des parents ou du responsable légal de l'élève
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L'amendement n° 93 tend à souligner l'importance d'associer davantage les familles aux décisions qui concernent la scolarité de leur enfant, qu'il s'agisse d'une décision de redoublement ou, à l'inverse, d'une décision d'accélération de parcours.
Alors que le texte initial se limite à recueillir l'avis des parents, la commission propose d'y ajouter l'exigence d'un dialogue préalable entre l'école et la famille. Cette démarche s'inscrit dans l'esprit du présent projet de loi, à savoir rapprocher parents et enseignants pour créer un climat de confiance réciproque.
Cette démarche d'explication et d'échange me semble essentielle pour que la décision de redoublement, par exemple, soit comprise et acceptée par les parents, donc par l'élève. C'est bien souvent ce qui conditionne la réussite de celui-ci.
M. le président. L'amendement n° 540, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé pour cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation, supprimer les mots :
présidé par le chef d'établissement
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Votre projet de loi, que nous n'approuvons pas, vous le savez, monsieur le ministre, s'accompagne d'une fragilisation accrue des statuts des personnels, déjà bien engagée avec la décentralisation des TOS, qui suit son cours.
Vous prévoyez d'allonger le temps de service, donc le temps de travail des enseignants et de progresser vers l'annualisation de ce temps de service.
Au nom du retour de l'autorité, les pouvoirs des chefs d'établissement se trouvent renforcés avec, en quelque sorte, une mise sous tutelle hiérarchique des pratiques professionnelles.
Dans le premier degré, nombre d'inspecteurs d'académie renforcent l'importance des notes d'inspection dans le déroulement de carrière des enseignants quand les autres personnels sont soumis à de nouveaux modes d'évaluation au nom d'une culture de résultat, héritée des entreprises privées, les plus en pointe dans la souffrance au travail ; je pourrais vous en parler longuement, mes chers collègues.
Le Gouvernement entend également remplacer les écoles publiques par des établissements publics d'enseignement primaire. Là, les décisions seront prises par des élus locaux associés aux acteurs économiques locaux et les enseignants seront dirigés par un directeur aux pouvoirs renforcés.
Quant à l'école maternelle, spécificité française en Europe, que beaucoup nous envient, les notes ministérielles contradictoires suscitent des craintes quant à son avenir pour les enfants âgés de moins de cinq ans.
Une telle casse s'appuie bien évidemment sur la programmation d'une asphyxie budgétaire : suppression de 20 000 postes d'enseignants sur quatre ans ; 15 000 postes mis au concours dans le secondaire pour 18 000 départs à la retraite. Lorsque les choses seront trop difficiles à mettre en place, les recteurs pourront continuer de recruter des salariés précaires, sans droit et sans défense face aux managers que sont appelés à devenir les chefs d'établissement, bien que cela ne réjouisse pas certains d'entre eux.
Si ce projet de loi est néfaste pour les élèves, il l'est aussi pour les salariés de l'éducation nationale du point de vue tant de leur statut que de l'organisation de leur travail. Nous demandons donc que soit supprimée, dans l'article L.311-7 du code de l'éducation, la tutelle du chef d'établissement s'agissant des décisions des enseignants.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation :
S'il l'estime nécessaire, il propose la mise en place d'un dispositif de soutien, notamment dans le cadre d'un parcours personnalisé de réussite éducative.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 537, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation :
Si ces conditions s'avèrent insuffisantes, il propose la mise en place d'un dispositif d'aide et de soutien.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. La déscolarisation reste difficile à définir et à quantifier. Elle ne se mesure pas à travers les seuls chiffres de l'absentéisme. C'est plutôt la prise de distance progressive vis-à-vis de l'école - certains parlent de « décrochage » - qu'il convient d'identifier pour percevoir le long processus qui aboutit à la déscolarisation.
La diversité des histoires individuelles laisse percevoir des caractéristiques communes. Il apparaît que nombre d'élèves de milieu populaire rencontrent des difficultés dans leur confrontation à l'école. Certains connaissent très tôt un décrochage et ils vont avoir de plus en plus de mal à s'inscrire dans la scolarité en tant qu'élèves. Au fil du temps, cette disqualification intériorisée pourra même conduire à des attitudes de retrait ou à des comportements a-scolaires.
Bref, l'échec et la déscolarisation sont un long processus ; c'est une trajectoire, construite de différents échecs. Pour éviter que cette trajectoire ne mène à une scolarisation ratée, il faut intervenir de façon quasi immédiate dès qu'un élève rencontre une difficulté scolaire grave.
C'est pourquoi nous proposons une nouvelle rédaction du second alinéa de l'article L.311-7 du code de l'éducation. En effet, par cet amendement, nous soulignons l'importance cruciale de mettre en place rapidement et de manière réactive, après l'avis émis par le conseil de classe, un dispositif d'aide et de soutien à chaque jeune en difficulté, afin de ne pas le laisser prendre un retard considérable.
M. le président. L'amendement n° 538, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation, après le mot :
dispositif
insérer les mots :
d'aide et
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Avec cet amendement, nous revenons sur la question du redoublement, qui n'est pas une solution. La solution au problème du décrochage scolaire doit être recherchée dans l'aide et le soutien aux élèves en difficulté. Or, pour l'instant, le budget alloué au soutien scolaire est totalement hypothétique. En effet, où trouver les 700 millions d'euros prévus pour financer les heures de soutien scolaire en petit groupe ? Sans doute dans la restructuration de l'ensemble des dispositifs existants, comme les zones d'éducation prioritaires, même si nous vous avons entendu sur le sujet, ou les RASED.
De plus, la formule de soutien scolaire qui nous est proposée dans ce texte ne fait qu'introduire une individualisation et une responsabilisation des élèves trop fortes de notre point de vue.
D'autres alternatives sont envisageables, mais restent peu explorées. Elles le sont hors de nos frontières, dans des Etats qui pratiquent la promotion automatique assortie d'un suivi particulier des élèves en difficulté. Je pense à la Finlande, à la Suède, au Japon. Ces pays obtiennent d'ailleurs de meilleurs résultats que la France aux évaluations du programme international de suivi des acquis, le PISA, menées en lecture et en mathématiques auprès des jeunes de quinze ans par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE.
La vision du soutien scolaire que nous défendons n'a donc rien à voir avec celle qui est définie dans ce texte. Le soutien scolaire est censé rééquilibrer une situation scolaire rendue bancale en raison d'un contexte social ou familial difficile. Il paraît donc essentiel de faire figurer la notion « d'aide » à coté de celle de « soutien ». Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet article pour compléter de l'article L. 311-7 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
Les parents ne peuvent s'opposer à cette décision ni à cette proposition.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 536, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-7 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
Le redoublement ne peut être qu'une mesure exceptionnelle, accompagnée de dispositifs particuliers.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. L'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation a terminé, voilà quelques semaines, une vaste étude sur l'utilité du redoublement. Cette enquête confirme tous les travaux scientifiques antérieurs et aboutit à un résultat identique : le redoublement est le plus souvent inefficace et n'apporte en général rien de plus à l'élève qui le subit ; la plupart du temps, celui-ci reste confronté aux mêmes problèmes.
En effet, le redoublement n'est qu'une mauvaise solution apportée à un réel problème : le décrochage scolaire. Dans les dix dernières années, avec les difficultés de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes non qualifiés ou encore les conditions dans lesquelles s'est effectuée la massification liée à l'allongement de la scolarité obligatoire, les « déscolarisés » sont devenus une nouvelle catégorie sociale aux confins de l'intervention de multiples institutions : école, justice, police, collectivités. Ces « décrocheurs » sont nombreux, les inspections académiques le savent. Certains ont proposé de supprimer les allocations familiales, mais une telle mesure ne règlerait évidemment pas le problème.
Or, nous ne cesserons de le dire, le « décrochage » peut être diminué, voire éradiqué, si l'on met en place un système d'aide et de soutien cohérent, réactif et efficace. Et ce système doit être instauré dès l'école maternelle. C'est en effet en dernière année d'école maternelle que sont repérés les enfants qui rencontreront des difficultés. Si le soutien est proposé à ce stade, on peut « sauver » un enfant et lui permettre de réussir en cours préparatoire, ce qui conditionnera toute sa scolarité.
J'ai eu l'occasion de visiter, avec l'inspecteur d'académie du Val-de-Marne, une école relais. J'en ai déjà parlé, mais je veux y revenir, parce que l'exemple est significatif. Pourquoi les élèves qui ont redoublé et décroché, sans devenir pour autant des élèves excellents, retrouvent-ils le goût de l'étude et ont-ils envie de faire quelque chose une fois qu'ils intègrent une classe relais dans laquelle ils sont cinq ou six ? (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.) Cela signifie donc bien qu'il faut résoudre le problème plus tôt, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Claude Carle, président de la commission. C'est ce que l'on vous propose !
Mme Hélène Luc. Je me refuse à croire qu'il y a des enfants qui n'ont pas envie d'apprendre ! Mais il est certaines conditions qui font qu'ils ont plus ou moins envie d'étudier ; je pense aux familles qui sont confrontées à des difficultés. Je veux encore une fois évoquer la situation des femmes seules qui élèvent leurs enfants : comment peuvent-elles faire avec tous les problèmes qu'elles rencontrent ? Il faut aussi tenir compte du choc qu'a créé chez les enfants le départ du père.
Dans ma permanence, je reçois de nombreuses familles qui me demandent de les aider. Comment le faire, sinon en proposant une aide et un suivi particuliers de l'enfant ? Or le professeur des écoles ne peut pas assurer ce suivi particulier. Il faudrait des enseignants qui ne s'occupent pratiquement que de ces élèves. C'est avant l'âge de treize ou quatorze ans que les élèves doivent être orientés dans des classes relais : dès qu'ils décrochent, il faut les rassembler par petits groupes de trois ou quatre. Je suis persuadée que l'on arriverait ainsi à récupérer de nombreux élèves.
Au lieu de cela, le projet de loi d'orientation que nous examinons aujourd'hui renforce le redoublement en confortant l'autorité du conseil de classe, et ce malgré les critiques unanimes de tous les scientifiques, experts et spécialistes qui se sont penchés sur le sujet.
Par cet amendement, nous demandons donc que le redoublement ne puisse être choisi que de façon exceptionnelle et qu'il soit accompagné de dispositifs particuliers.
M. le président. L'amendement n° 290, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-7 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« La scolarité obligatoire est organisée pour favoriser la continuité éducative. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Par cet amendement, nous souhaitons préciser que la scolarité obligatoire s'effectue dans le cadre de la continuité éducative. Cette formulation permet de prendre en compte aussi bien les rythmes individuels des enfants que l'organisation en cycles de la scolarité prévue par la loi d'orientation de 1989.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, président de la commission. Sur l'amendement n° 535, la commission émet un avis défavorable. La disposition prévue est en effet redondante avec l'article 11 du projet de loi d'orientation. Par ailleurs, je m'interroge sur les méthodes à mettre en oeuvre pour déceler « les difficultés passagères durables chez un élève ». Il me semble que le libellé de votre amendement est contradictoire.
Sur l'amendement n° 288, la commission émet également un avis défavorable. Il est préférable que la maîtrise du socle commun soit appréciée à l'issue de chaque année scolaire plutôt qu'à la fin d'un cycle. Par ailleurs, une procédure d'appel est déjà prévue par les textes réglementaires existants.
La commission est encore défavorable à l'amendement n° 541. Il ne faut pas attendre la fin d'un cycle scolaire pour adapter, le cas échéant, le parcours scolaire et proposer, si nécessaire, un dispositif de soutien. Si le redoublement constitue l'ultime recours, il ne doit pas être écarté d'emblée.
La commission est défavorable à l'amendement n° 289 pour les mêmes raisons.
Sur l'amendement n° 540, la commission émet un avis défavorable. Le fait que le chef d'établissement préside le conseil de classe n'est pas de nature à nuire au traitement bienveillant et adapté de l'élève, comme le prétendent les auteurs de l'amendement.
L'amendement n° 537 paraît satisfait par la rédaction actuelle de l'article. C'est pourquoi la commission en demande le retrait. Dans le cas contraire, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 538 tend à établir une distinction qui relève de la sémantique. La commission en voit mal l'intérêt ici. Elle émet donc un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 536. Il a déjà été précisé que le redoublement constituerait un ultime recours et que la priorité devait être donnée à la mise en place de dispositifs de soutien. Il est donc inutile d'alourdir la rédaction et il faut faire confiance aux enseignants pour adopter les mesures les mieux adaptées à l'élève.
La notion de « continuité éducative » que tend à instaurer l'amendement n° 290 est déjà prévue par le code de l'éducation, notamment à l'article L. 311-1. Cet amendement est donc déjà satisfait. Par conséquent, la commission en demande le retrait. A défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cette série d'amendements permet de préciser quelques points sur la position du Gouvernement et sur la portée du texte que nous examinons en ce qui concerne le redoublement.
Le projet de loi d'orientation qui vous est proposé n'apporte qu'une seule modification par rapport à la législation actuelle : il supprime la possibilité pour les parents de s'opposer au redoublement en cours de cycle. Il ne contient donc aucun dispositif destiné à renforcer le recours au redoublement.
Je considère qu'il n'est pas normal que les parents puissent, seuls, s'opposer au redoublement ; on se demande d'ailleurs pourquoi ils pourraient seulement le faire en cours de cycle ! Ce sont les enseignants, réunis en conseil de classe, qui sont le mieux à même de formuler un jugement sur la capacité de l'élève à passer dans la classe supérieure.
Les possibilités d'appel restent les mêmes qu'aujourd'hui : les parents peuvent toujours faire appel devant une commission départementale, s'ils contestent la valeur de la décision qui a été prise.
La question de savoir si le redoublement est utile fait partie de ces débats que nous aimons particulièrement dans notre pays, débats sans fin où chacun invoque les jugements de tel ou tel scientifique.
Il faut avoir une vision plus nuancée du problème ! Le rapport qui a été cité précise ceci : « Il serait certainement contreproductif et peu crédible d'interdire le redoublement et de pratiquer la promotion automatique, comme le font certains pays, mais le redoublement, tout particulièrement à l'issue des premières années d'école primaire, ne doit être utilisé qu'en dernier recours. » C'est exactement ce que prévoit le rapport annexé !
D'ailleurs, les parents n'ont pas tout à fait le même jugement que vous sur cette question. L'enquête qui a été menée auprès des parents d'élèves dans le cadre du travail de la commission Thélot donnait les résultats suivants. A la question « Comment jugez-vous le redoublement que votre enfant a connu ? », 49 % des parents ont répondu que c'était une très bonne chose ; 36 %, une bonne chose ; 8 %, une mauvaise chose ; 7 %, une très mauvaise chose. En outre, si 23 % ont eu le sentiment que leur enfant, en redoublant, avait refait la même chose que l'année précédente, 77 % ont estimé qu'il avait travaillé différemment.
Certes, il ne s'agit que de l'opinion de parents et ce sondage n'a rien de scientifique. Pourtant, ces réponses devraient conduire chacun à être plus prudent dans les jugements péremptoires qu'il émet sur l'inutilité du redoublement. Nous avons tous autour de nous des exemples de redoublements qui ont servi et de redoublements qui n'ont pas servi. Quand un élève redouble sa terminale, qu'il repasse le baccalauréat pour la seconde fois et qu'il l'obtient, on ne peut pas soutenir que ce redoublement a été inutile !
En réalité, nous proposons de réduire le nombre de redoublements grâce à la détection la plus précoce possible des difficultés à l'école primaire, en particulier grâce au socle et aux évaluations que nous mettons en place, ainsi qu'aux mesures de soutien qui permettront d'aider les élèves en difficulté.
Mme Hélène Luc. A condition d'y mettre les moyens !
M. François Fillon, ministre. Il nous faut pouvoir réduire de façon très importante les redoublements en utilisant les moyens financiers qui sont aujourd'hui affectés au redoublement pour amplifier encore l'effort en matière de soutien.
Il serait tout à fait dommageable pour notre système éducatif de prendre cette position dogmatique qui consisterait à ne pas faire redoubler des élèves. Nous voyons bien que certains perdent leur temps, parce qu'ils ne comprennent pas les cours qui sont dispensés. Ce sont d'ailleurs souvent ceux-là qui perturbent la classe.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 535, 288, 541 et 289.
Il est favorable à l'amendement n° 93.
Il est défavorable à l'amendement n° 540.
Au passage, madame Luc, il n'y a évidemment aucune disposition dans ce texte qui vise à augmenter le temps de travail des enseignants ou à l'annualiser. Quant à la précarité dans l'éducation nationale, elle a atteint, cette année, le niveau historiquement le plus bas.
Sur l'amendement n° 94, le Gouvernement émet un avis favorable.
S'agissant en revanche des amendements nos 537, 538, 536 et 290, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 535.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, il nous faut au moins essayer de nous comprendre sur ce que nous entendons par « soutien ».
Aujourd'hui, nous ne votons pas le budget et vous ne pouvez pas nous dire quels crédits seront consacrés à la mise en oeuvre des dispositions que vous nous proposez. Mais au moins, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si vous êtes décidé à changer de philosophie et à donner les moyens qu'il faut aux RASED ? Etes-vous prêt à permettre aux équipes pédagogiques de suivre les enfants de l'école primaire jusqu'au collège ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Madame Luc, vous savez très bien que les crédits nécessaires aux mesures de soutien - il s'agit de 700 millions d'euros - sont inscrits dans ce texte, que vous finirez par voter, j'en suis persuadé (Rires.).
Rien de tout cela n'a été fait dans le passé ! Vous m'expliquez que ce n'est pas suffisant, que nous ne sommes pas en train de voter la loi de finances. Mais, depuis 1981, vous n'avez jamais été en mesure de voter une loi de programmation pour l'école !
Mme Hélène Luc. Mais si !
M. François Fillon, ministre. Il n'y a jamais eu de loi de programmation pour l'école sur cinq ans, madame Luc ! Vous n'avez pas introduit la moindre programmation dans la loi de 1989, seul texte qui ait été voté par la gauche en matière d'éducation.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous non plus !
M. François Fillon, ministre. Mais si ! Et je vous renvoie au rapport annexé qui, grâce à l'Assemblée nationale, prévoit précisément ce qui permettra à la représentation nationale de voter, chaque année, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, les moyens correspondants.
Donc, madame Luc, vous le verrez, dans le budget pour 2006, puis dans le budget pour 2007, figureront bien les crédits destinés à la création de postes en matière de soutien, pas pour les RASED, mais pour mettre en place les trois heures de soutien. Je pense en effet qu'il y a beaucoup à dire sur le fonctionnement des RASED et sur le nombre d'heures qui sont effectivement réalisées à ce titre. C'est la raison pour laquelle je préfère un dispositif de soutien individuel dans les établissements qui mobilisera tous les moyens disponibles, y compris ceux des RASED.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je vous fais une proposition : reprenons cette question du soutien scolaire dans le cadre d'une question orale avec débat. Car c'est précisément le soutien scolaire qui permettra aux élèves de ne plus rester sur le bord du chemin. Nous savons très bien qu'un élève qui ne réussit pas au collège ne réussira pas dans la vie. Cela ne veut pas dire que, sans diplôme, on ne peut pas travailler, mais c'est beaucoup plus difficile.
Donc, monsieur le ministre, dites-nous que vous êtes prêt à avoir avec nous cette discussion approfondie sur le soutien scolaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Il ne sera plus là : il sera à Bercy !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, malheureusement pour vous, nous ne voterons pas votre texte. Cela étant, sur certains de vos arguments, je vous rejoins un peu, notamment quand vous dites qu'un élève en échec scolaire, un élève qui n'arrive pas à bien cerner le sens de sa présence à l'école, perturbe la classe. Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ne pas accepter notre proposition et faire en sorte qu'il soit possible d'intervenir dès que des difficultés passagères ou durables sont décelées ? Il est vrai que nous avons omis le mot « ou » entre les mots « passagères » et « durables », mais nous sommes prêts à rectifier notre amendement, s'il n'y a que cela pour qu'il vous agrée.
Pourquoi ne pas accepter, monsieur le ministre, que, lorsqu'un enfant pose problème dans la classe parce qu'il est en difficulté, on puisse lui proposer un dispositif qui lui permette de retrouver du sens et, finalement, de ne plus perturber la classe ?
Notre souci est de venir en aide aux élèves en difficulté. A partir du moment où la difficulté est avérée, il ne faut pas attendre la fin de l'année scolaire pour mettre en place ce dispositif. Sur ce point, nous pourrions nous rejoindre et vous pourriez vous prononcer favorablement sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 535.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 288.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 537 et 538 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 536.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mme Melot, MM. Cambon et Guené, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 312-15 du code de l'éducation, après les mots : « une formation », sont insérés les mots : « aux valeurs de la République, »
La parole est à Mme Colette Melot.
Mme Colette Melot. Il paraît nécessaire de compléter l'article L. 312-15 du code de l'éducation en introduisant dans l'enseignement de l'éducation civique une formation spécifique aux valeurs de la République, valeurs qui doivent être partagées par tous les citoyens et transmises à l'école, à tous les stades de la scolarité.
Outre les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, l'école doit enseigner le respect des biens et des personnes, le respect de la liberté d'autrui, les vertus de dévouement, de courage, de persévérance, d'ardeur au travail, de fidélité à la parole donnée, d'honnêteté et de tolérance.
Cette formation aux valeurs de la République permettra non seulement de transmettre ces valeurs, mais aussi de conforter les comportements civiques qui fondent l'appartenance à la communauté nationale.
De plus, cette formation est indispensable si l'on souhaite rétablir la cohésion nationale tant attendue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement tend à prendre en compte la disposition introduite par l'article 2 du projet de loi dans le contenu de l'enseignement de l'éducation civique dispensé à tous les stades de la scolarité. Cette initiative nous semble bienvenue, raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Il serait difficile, compte tenu du sujet, de ne pas s'en remettre à la sagesse du Sénat.
Je tiens tout de même à faire remarquer aux auteurs de l'amendement que l'article 2 dispose déjà que les valeurs de la République doivent être enseignées ; il y a donc là une répétition. En outre, la place choisie pour insérer les dispositions proposées n'est pas des plus judicieuses : ces mesures sont placées entre deux articles qui concernent des sujets très différents.
Donc, sur la forme, je ne suis pas extrêmement favorable à cet amendement, mais, sur le fond, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Article additionnel avant l'article 12 bis
M. le président. L'amendement n° 372, présenté par M. Legendre, est ainsi libellé :
Avant l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le chapitre II du titre Ier du Livre III de la deuxième partie, est inséré après la section 3 bis une section additionnelle ainsi rédigée :
« Section... : L'enseignement des langues vivantes étrangères
« Art. L.... ? Il est institué, dans chaque académie, une commission sur l'enseignement des langues, placée auprès du recteur.
« Celle-ci comprend des représentants de l'administration, des personnels et des usagers de l'éducation nationale, des représentants des collectivités territoriales concernées et des milieux économiques et professionnels.
« Cette commission est chargée de veiller à la diversité de l'offre de langues, à la cohérence et à la continuité des parcours de langues proposés, de diffuser une information aux établissements, aux élus, aux parents et aux élèves sur l'offre linguistique, d'actualiser cette offre en fonction des besoins identifiés, de vérifier l'adéquation de l'offre de langues avec les spécificités locales, et de veiller à la cohérence et à la continuité des parcours des langues proposées.
« Chaque année, la commission établit un bilan de l'enseignement et peut faire des propositions d'aménagement de la carte académique des langues. ».
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. L'un des points forts du projet de loi qui nous est soumis est l'enseignement des langues étrangères.
M. Jean-Marc Todeschini. Oui !
M. Jacques Legendre. Nous nous trouvons devant deux problèmes qui, d'ailleurs, ont déjà été analysés dans deux rapports du Sénat, dont j'ai eu l'occasion de m'occuper de près, en 1994, puis en 2003, rapports qui furent adoptés à l'unanimité par la commission des affaires culturelles du Sénat.
Nous avions constaté alors non seulement un problème quant à l'enseignement des langues étrangères lui-même, mais encore un problème quant à l'absence de diversification réelle de l'offre de langues.
Pour parvenir à une réelle diversification des langues, deux mesures paraissent importantes.
Il s'agit, d'une part, d'assurer aux familles une véritable information sur ce que sont les langues, éventuellement sur leur degré de difficulté, sur les cultures qui s'y rattachent, et d'organiser cette information en particulier dans le primaire, puisque désormais nous assurerons, à juste titre, un apprentissage des langues dès le CE1.
Il s'agit, d'autre part, de retrouver ce qui a existé jadis, c'est-à-dire une certaine politique des langues au niveau de l'académie. Les raisons d'apprendre des langues étrangères ne sont en effet pas les mêmes dans toutes les académies de France ; il faut tenir compte de la géographie, des langues parlées et éventuellement enseignées dans les pays voisins ; il faut tenir compte également de la nature des liens, qui peuvent être économiques ou humains ; je pense ici aux jumelages ou aux actions de coopération décentralisée.
Il me semble nécessaire, pour favoriser cette diversification et cette réflexion sur une politique régionale des langues, que, dans chaque académie, une commission analyse ces problèmes de langues et veille à la cohérence des filières, de l'école primaire jusqu'au collège et au lycée, dans le domaine de l'apprentissage des langues.
Il est souhaitable que cette commission soit composée non seulement d'enseignants et de représentants de l'administration de l'éducation nationale, mais aussi de parents d'élèves et de représentants des milieux économiques ainsi que des collectivités territoriales, de manière que la réflexion soit permanente et que des infléchissements puissent être apportés à la carte académique des langues si nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Le Conseil académique de l'éducation nationale exerce déjà ces missions. Toutefois, la composition de cette commission serait plus large, puisqu'elle comprendrait également des représentants des milieux économiques, et ses missions pourraient être plus spécifiques.
Cela va dans le sens du renforcement de l'enseignement des langues étrangères, auquel nous sommes très attachés, et auquel tend ce projet de loi.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est, bien sûr, favorable à ce qu'il y ait une coordination, dans les académies, de la politique en matière de langues.
Cependant, je tiens à formuler trois remarques, monsieur Legendre. En premier lieu, ce que vous proposez n'est pas du tout du ressort de la loi : cette commission relève de l'organisation administrative, voire de l'académie. En deuxième lieu, nous sommes engagés dans une stratégie ministérielle de réformes et, à la demande en particulier du Parlement, dans un énorme effort de réduction du nombre des commissions qui ont été créées au fil des années. En troisième lieu, la coordination est une question de volonté politique : ou bien est mise en place, en concertation avec les recteurs, la politique de coordination adéquate, ou bien d'interminables débats se dérouleront au sein de commissions qui seront incapables de résoudre les problèmes.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas très favorable à la mise en place de cette commission.
M. Jean-Marc Todeschini. M. le rapporteur pour avis ne va pas manquer d'invoquer l'article 40 : il y a des frais de déplacement !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Monsieur Todeschini, si je m'exprime en cet instant, c'est non pas au nom de la commission des finances, mais en tant que sénateur ayant, comme vous, l'expérience du bilinguisme.
La démarche de M. Legendre est excellente, mais la solution qu'il propose n'est peut-être pas la meilleure.
Certes, l'idée de territorialiser la formation aux langues étrangères dans notre pays paraît de bon sens, compte tenu des héritages et des caractéristiques géographiques de chacun de nos grands espaces régionaux. Toutefois, plutôt que de vouloir mettre en place une commission dont la constitution serait sans doute difficile, dont la représentativité ne serait pas nécessairement acceptée par tous et dont les engagements ou les suggestions ne seraient accompagnés d'aucun moyen financier, pourquoi ne pas imaginer - le rapport annexé fait en effet référence au rôle des collectivités locales - un partenariat entre l'Etat et celle des collectivités locales qui me paraît la plus qualifiée pour conduire une politique globale de langues territorialisée, à savoir le conseil régional, doté, par ailleurs, en amont, d'un comité économique et social de région ?
Le conseil régional pourrait présenter des schémas de politique préférentielle, comme tel est le cas, d'ailleurs, en matière de formation professionnelle et adresser des propositions à l'Etat, lesquelles, d'ailleurs - comme Peguy, je ne crois que les témoins prêts à se faire tuer pour leur témoignage - n'engageraient les conseils régionaux que dans la mesure où ils aideraient financièrement l'Etat à mener des politiques plus diversifiées.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Legendre, bien que partageant totalement votre point de vue, je voterai contre cet amendement, estimant qu'il faut confier cette responsabilité aux collectivités locales plutôt qu'à un comité qui serait difficile à constituer et qui n'aurait pas les moyens financiers de ses ambitions, alors que les conseils régionaux les ont.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Je n'approuve pas cette proposition ; je préfère les arguments de M. le ministre. Il n'y a pas que le conseil régional ! Pourquoi le département ne pourrait-il pas jouer ce rôle ?
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Il faut aller vers le haut ! En ce domaine, les compétences du département s'arrêtent au collège.
M. Jean-Marc Todeschini. Nous connaissons tous les deux la façon dont la région Lorraine, par exemple, assure une coordination entre le département de la Moselle et celui de la Meurthe-et-Moselle. Celui de la Moselle a des spécificités et mène une politique assez percutante en ce qui concerne la langue de son voisin, l'Allemagne.
Vous proposez une coordination au niveau de la région, alors que cette dernière n'a pas grand-chose à voir en la matière, même si elle a apporté des aides lorsque vous en étiez le président.
Je suis surpris que vous n'invoquiez pas l'article 40, car je ne puis croire que cette commission fonctionnerait sans frais de déplacement. Il y a vraiment deux poids deux mesures dans cet hémicycle !
Je voterai contre cet amendement, parce qu'il s'agit là d'une vraie usine à gaz.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Dans ce nécessaire travail de territorialisation de l'enseignement des langues, des expériences ont, dans le passé, été tentées par des recteurs qui, voulant faire quelque chose, s'étaient entourés, d'une manière plus ou moins formelle, de commissions ayant des contacts avec les conseils régionaux ou les conseils généraux. Puis, un autre recteur ayant été nommé, tout cela disparaissait et l'effort de coordination était ainsi perdu.
La volonté politique n'est pas toujours au rendez-vous. Sans une structure adéquate, dont le rôle serait non pas de prendre des décisions, mais de proposer au recteur, qui ferait finalement ce qu'il veut, certaines évolutions de la carte académique des langues, il est à redouter qu'il ne se passe rien.
Je n'ai pas précisé quel était le niveau de collectivité territoriale concerné. Dans certains cas, les régions ont leur mot à dire et elles doivent être représentées. Les départements peuvent aussi agir en ce domaine, puisqu'ils ont la responsabilité des collèges. Certaines villes peuvent également être utiles en la matière.
Cette commission serait chargée de faire des propositions. Sans ce « moteur », il n'y aura pas de territorialisation des politiques des langues, et, sur le plan de la diversification, pas grand-chose ne se passera : nous constaterons, comme c'est déjà le cas, que, de plus en plus, les élèves apprendront massivement l'anglais, ce qui est sans doute nécessaire, et l'espagnol, alors que bien d'autres langues importantes pour les relations extérieures de la France et sa vie économique seront négligées.
Voilà ce que je redoute, et c'est pourquoi j'insiste pour la création de cette commission.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je comprends très bien ce que nous a dit tout à l'heure M. le ministre : créer une commission de plus n'est peut-être pas la meilleure solution. Mais nous avons une place à tenir dans une Europe en mouvement. Il ne faudrait pas que la France soit défavorisée du fait d'un enseignement des langues mal adapté. Malheureusement, qu'on le veuille ou non - je suis désolé de le dire - nous sommes en retard par rapport à nos voisins. Je vois comment cela se passe pour nos enfants. Les miens ont eu la chance de pouvoir étudier dans des écoles européennes : mon fils parle cinq langues, ma fille, quatre, mais s'ils étaient restés en France, tel ne serait certainement pas le cas.
Voilà pourquoi, même si je ne suis pas favorable à la multiplication des commissions et comités, je voterai pour l'amendement de M. Legendre, parce que, pour une fois, la création d'une commission est nécessaire.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 12 bis.
Article 12 bis
Le premier alinéa de l'article L. 312-10 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention spécifique entre l'Etat et la région ou le département où ces langues sont en usage.
« Le recteur de l'académie concernée transmet au Haut conseil de l'éducation un rapport annuel sur la mise en oeuvre de la convention et les résultats obtenus. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 95, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L'article 12 bis introduit par l'Assemblée nationale prévoit les mesures suivantes : « Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité ». Les dispositions actuelles du code de l'éducation n'étant en rien remises en cause par le présent projet de loi, cet article paraît inutile.
Des conventions ont déjà été passées entre la plupart des départements et les régions concernées, par exemple en Alsace, en Bretagne, dans le Pays Basque ou en Corse. Aussi, la rédaction proposée par cet article n'apporte rien par rapport à ce qui existe. Au contraire, elle pourrait conduire, contrairement à l'intention des auteurs de cet article, à restreindre le champ d'application des dispositions actuelles.
Enfin, mes chers collègues, nous devons faire preuve d'un peu de cohérence : nous estimons que les élèves ont un emploi du temps surchargé, qu'ils maîtrisent insuffisamment le français, qu'ils n'étudient pas assez les langues étrangères ; Jacques Legendre vient d'ailleurs, à juste titre, de le rappeler. Il nous faut donc fixer des priorités. Je vous propose d'en revenir à la rédaction initiale de ce texte, c'est-à-dire à la proposition du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 291, présenté par MM. Charasse, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour l'article L. 312-10 du code de l'éducation :
Dans le respect des principes et des valeurs de la République, un enseignement de langues et cultures régionales ...
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement est plus que jamais d'actualité. L'article 2 de la Constitution dispose : « La langue de la République est le français. » A ce titre, il convient d'être vigilant quant au respect des principes et des valeurs de la République dès lors qu'est abordé le sujet des langues et cultures régionales.
Si nul ne peut contester la richesse et la part d'identité française que représentent les langues et cultures de France, auxquelles nous sommes tous attachés, il convient néanmoins de s'assurer que leur enseignement sera dispensé dans le respect des valeurs et des principes de la République.
Cet enseignement ne saurait se faire au détriment de celui de la langue et de la culture française, même s'il peut être encouragé.
M. le président. L'amendement n° 542, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation, supprimer les mots :
selon des modalités définies par voie de convention spécifique entre l'Etat et la région ou le département où ces langues sont en usage
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Manifestement, l'article 12 bis du projet de loi est assez peu équilibré, puisque la commission des affaires culturelles veut le supprimer et que des amendements émanant de divers groupes tendent à en préciser le sens
La place des langues et cultures régionales est d'ailleurs consacrée par le code de l'éducation, puisque l'article L. 121-1 dispose, entre autres : « Cette formation peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales. »
Se pose, en revanche, une véritable question quant à la place réelle de ces langues et cultures régionales, d'autant que certaines d'entre elles se trouvent également parlées dans d'autres pays limitrophes ; je pense au catalan, au basque, au flamand. La situation de certaines collectivités d'outre-mer est également significative. Ainsi, en Nouvelle-Calédonie, une trentaine de langues de caractère régional ou local sont pratiquées.
Cependant, la vraie question est de savoir s'il convient de limiter la découverte de ces univers linguistiques aux seules régions où ces langues sont parlées par un nombre plus ou moins important de résidents. Cantonner, par exemple, l'apprentissage du breton aux seuls départements bretonnants de la région administrative considérée serait, finalement, un non-sens au regard de l'existence de ce qu'il est convenu d'appeler « l'émigration bretonne », notamment en Ile-de-France.
Nous estimons que l'apprentissage des langues régionales doit être pleinement assumé par l'Etat, et que des possibilités de découverte de ces champs culturels doivent être ouvertes par le recrutement d'enseignants titulaires permettant de traduire cette volonté du législateur. Tel est le sens de cet amendement, qui fait de la découverte et de la connaissance des langues régionales une composante de la démarche éducative prise en charge par l'Etat.
M. le président. L'amendement n° 382, présenté par M. Legendre, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation, après le mot :
convention
supprimer le mot :
spécifique
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Cet amendement tend à supprimer le mot « spécifique », qui n'a pas de valeur normative.
M. le président. L'amendement n° 186, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'enseignement du créole est assuré dans les départements d'outre-mer dans des formes qui témoignent de la considération de la République vis-à-vis de la langue maternelle des élèves qui y sont nés et qui y habitent.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement tend à préciser les conditions dans lesquelles l'enseignement du créole est assuré dans les départements d'outre-mer.
Le créole est une langue mixte. Il est né d'un métissage entre les différentes langues qui étaient présentes sur ces territoires, à la fois la langue des colons et celles des esclaves africains. C'est le fruit d'une création commune, qui permet aujourd'hui à la France d'afficher des écrivains de qualité mondiale comme Edouard Glissant ou Raphaël Confiant.
Prenant acte de cette donnée, un ministre de l'éducation nationale courageux a inauguré, en 2000 et 2001, un dispositif universitaire d'enseignement du créole et ouvert deux concours de recrutement d'enseignants en créole.
Les statistiques manquent, mais on estime qu'en Martinique, par exemple, 10 % des écoles primaires et sans doute moins de 20 % des collèges disposent, aujourd'hui, d'enseignants en créole. C'est insuffisant et très préjudiciable à la réussite scolaire des élèves dont le créole est la langue maternelle.
L'amendement n° 186 vise non pas à fixer de nouveaux objectifs, qui relèvent sans doute de la circulaire, mais à souligner dans la loi l'importance que nous attachons à la diffusion de cette langue magnifique auprès de nos compatriotes d'outre-mer.
Par ailleurs, je crois indispensable de revenir sur l'amendement qu'a présenté M. Carle tout à l'heure. Il a en effet utilisé une argumentation que je trouve assez ambiguë et non dénuée d'arrière-pensées.
M Carle nous dit qu'il est inutile de rajouter cet article 12 bis, au motif que le code de l'éducation organise l'enseignement des langues régionales et que des conventions sont déjà passées entre l'Etat et la plupart des régions et départements dans lesquels ces langues sont utilisées de façon vernaculaire.
La suite de la démonstration de M. le rapporteur m'a étonnée, car elle était d'une autre tonalité. En évoquant les emplois du temps surchargés, la maîtrise insuffisante du français ou des langues étrangères d'une partie des élèves, il revient finalement à une argumentation plus classique : il y aurait, d'un côté, les langues étrangères, dont la découverte et l'usage sont encouragés, et, de l'autre, les langues régionales, qui continuent à sentir le soufre, à apparaître comme des langues « en plus », et qui pourraient, d'une certaine façon, menacer l'unité de la République.
On ne doit pas, me semble-t-il, faire de différences fondamentales entre les langues étrangères et les langues régionales. Il est connu que le Français parle peu et mal les langues étrangères, qu'il est peu rompu à cette gymnastique mentale. Je crois que découvrir une langue donne envie d'en découvrir d'autres ; cela suscite la curiosité : on est plus ouvert aux autres.
L'amendement n° 186 vise simplement à traduire ce fait. On peut à la fois reconnaître la langue vernaculaire, encourager son enseignement, favoriser l'usage des langues étrangères, insister sur l'apport du français, considérer que certaines matières pourraient être enseignées de façon indifférenciée, notamment dans le cadre du développement de la bivalence des enseignants et des enseignements, dans des langues qui ne sont pas forcément la langue de la République, langue que, pour ma part, je persiste à soutenir envers et contre tout.
Nous devrions être plus audacieux ! J'ai cru comprendre, tout à l'heure, en écoutant l'intervention de M. Fillon, que, dans le domaine des langues, il était tout à fait prêt à faire preuve d'audace et à tenter des expérimentations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 291, car il est contraire à la proposition de la commission.
Elle émet également un avis défavorable sur les amendements nos 542 et 382.
En ce qui concerne l'amendement n° 186, le créole peut déjà être enseigné dans les académies d'outre-mer au titre de l'enseignement des langues et des cultures régionales. Son enseignement ne doit pas pour autant se substituer à l'apprentissage prioritaire de la langue française ; vous l'avez d'ailleurs rappelé, ma chère collègue. La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° 95, je rappelle que l'enseignement des langues régionales est un fait acquis. L'Assemblée nationale a simplement voulu lui donner un cadre conventionnel liant l'Etat et la région ou le département.
Je ne suis pas convaincu que la suppression pure et simple de l'article 12 bis soit une bonne chose. Comme M. Longuet, je pense que la région ou le département ont vocation à établir un partenariat avec l'Etat dans ce domaine, comme cela se fait d'ailleurs déjà de manière empirique, avec des moyens associés.
Je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 291, je considère qu'il est déjà satisfait, car il est fait référence à plusieurs reprises, dans le projet de loi, au respect des principes et des valeurs de la République.
Ma position sur l'amendement n° 542 sera la même que sur l'amendement n° 95.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 382.
S'agissant de l'amendement n° 186, l'enseignement du créole est déjà assuré, vous l'avez dit vous-même, madame Voynet, dans les collectivités d'outre-mer, au même titre que les autres langues régionales enseignées en métropole. En outre - et cela sera publié dans quelques jours au Journal officiel - le créole pourra être choisi en option facultative au baccalauréat professionnel. Je ne crois pas que cet amendement puisse en quoi ce soit modifier l'état actuel des choses dans ce domaine. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.
M. Jacques Legendre. J'avoue que l'amendement de suppression de l'article 12 bis qui nous est proposé par la commission m'embarrasse un peu : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, est le seul à faire référence aux langues régionales de France. Sa suppression pourrait donc être mal interprétée et comprise comme un geste désinvolte ou négatif à l'égard des langues régionales de France.
Or, quand on aime le français, ce qui est mon cas, on a du respect pour toutes les langues, y compris, bien sûr, les langues régionales de France. D'ailleurs, le dernier rapport publié au Sénat s'appelait Pour que vivent les langues. On doit reconnaître aux Français qui tiennent à leur langue régionale le droit de la voir enseignée dans l'école de la République.
Ayant été le rapporteur de la loi Toubon au Sénat, je n'ai jamais opposé les langues régionales de France et la langue française. Le français est la seule langue de la République. Les langues régionales de France ne lui font pas concurrence, mais elles ont le droit de trouver leur place.
Je ne voudrais surtout pas que l'on adresse un signe négatif en supprimant l'article 12 bis, même s'il est vrai que celui-ci est, par certains côtés, maladroit et contestable : les modalités de l'enseignement des langues régionales seraient définies par voie de convention, ce qui signifie qu'il ne pourrait y avoir d'enseignement sur certains territoires que si des conventions sont passées avec les collectivités. Certains de ceux qui sont attachés aux langues régionales de France s'en inquiètent, me semble-t-il.
L'article 12 bis est mal construit, mais il ne faut pas donner à penser que le Sénat a l'intention d'éliminer l'enseignement des langues régionales de France. C'est tout le contraire, me semble-t-il ! Si nous suivons la commission des affaires culturelles, il nous faudra avoir un débat en commission mixte paritaire, afin de parvenir à une formule satisfaisante permettant l'enseignement des langues régionales de France à l'école, tout en rappelant, bien évidemment, que le français est la langue de la République.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Je soutiens, naturellement, l'amendement de suppression de la commission, tout en souhaitant, comme vient de le dire à juste titre notre collègue Jacques Legendre, que la commission mixte paritaire nous permette d'approfondir la question de l'enseignement des langues et des cultures régionales, celle-ci étant en effet mal abordée dans l'article 12 bis tel qu'il résulte de la rédaction de l'Assemblée nationale. Cet article traite de la même façon des situations assez différentes.
Les cultures et langues régionales appartiennent à notre patrimoine et il convient de les faire vivre. Il est précisé qu' « un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité ». C'est équivoque ! Cela signifie-t-il qu'un véritable bilinguisme sera mis en place ou simplement qu'il sera possible, à différentes étapes de la scolarité, de s'ouvrir sur les cultures et sur les langues régionales ? Il ne faut pas confondre cette situation avec le véritable bilinguisme.
Nous avons en France des régions de tradition bilingue, qui s'efforcent d'évoluer vers un bilinguisme européen. Tel est le cas, par exemple, de l'est de la France, où l'on est passé du francique ou de l'alémanique à l'allemand d'aujourd'hui.
Et comme l'a fait observer notre collègue Christian Cointat, on peut aller vers un bilinguisme de nouvelle génération, qui ne serait pas un bilinguisme de tradition. Il ne s'agit pas de considérer que, puisque Charles le Chauve et Louis le Germanique, en échangeant le serment de Strasbourg en 842, ont décidé de partager leurs territoires selon une ligne de frontière linguistique qui n'a pas évolué pendant plus de douze siècles - elle a été bousculée depuis par la télévision, mais c'est un autre sujet -, il faut en rester là.
On peut imaginer qu'une région comme le Languedoc-Roussillon décide d'offrir des formations bilingues, pas nécessairement en catalan, mais en espagnol, qui est une langue européenne. La Savoie pourrait opter pour un bilinguisme italien, bien que, à ma connaissance, les Savoyards aient toujours parlé une langue romane proche du français et pas du tout l'italien.
Par conséquent, un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales me paraît être un élément d'une politique culturelle.
Vous avez raison, madame Voynet, de dire que le créole est un élément du patrimoine et qu'il ne faut pas l'abandonner. Mais le bilinguisme français-anglais me paraît une absolue nécessité pour le développement des Antilles. Saint-Martin est d'ailleurs bilingue ! Pourquoi ne pas tenir compte de cette réalité ?
En supprimant l'article 12 bis, nous rouvrons le débat et nous demandons à l'assemblée nationale de hiérarchiser ses préférences.
Il faut distinguer l'enseignement des cultures et des langues traditionnelles, l'aspect patrimonial, du développement de la langue du voisin dans un espace intégré. Il faut par ailleurs maintenir, pour ceux qui le souhaitent - c'est le cas de l'Alsace et de la Lorraine mosellane - un bilinguisme dans une langue européenne, mais certainement pas un bilinguisme de repli dans une langue qui, si elle se justifie d'un point de vue culturel et historique, est aujourd'hui très faiblement utilisée.
La seule façon de poser le problème est donc de supprimer l'article 12 bis, comme nous y invite M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je souhaite revenir sur un certain nombre de points qui ont été abordés à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 95 et de l'amendement n° 291.
Voilà trois ans, lorsque je préparais, avec le ministère de l'intérieur, la réforme du statut de la Corse, qui a débouché sur la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, des débats très importants ont eu lieu, ...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Hugues Portelli. ... y compris au Conseil constitutionnel, pour savoir s'il fallait ou non rendre obligatoire l'enseignement du corse.
On a finalement trouvé une formule assez « jésuite » : l'enseignement de la langue corse ne serait pas obligatoire mais serait possible partout et les parents auraient le droit de le refuser.
Cependant, ayant examiné plus avant ce qu'il en était, avec les fonctionnaires de la direction générale des collectivités locales, nous nous sommes aperçus que le problème était, en pratique, déjà réglé depuis un certain temps par une simple circulaire rectorale !
Par conséquent, avant de se demander si le législateur doit ou non autoriser l'enseignement d'une langue régionale, mieux vaut regarder ce qui se passe concrètement dans les académies. On pourra ainsi constater les libertés que certains recteurs prennent avec la hiérarchie des normes.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre sur un autre point.
Personnellement, je suis très favorable à l'enseignement des langues régionales, mais je dois dire que je suis un peu choqué - et, en cela, je ne suis pas loin d'approuver l'amendement relatif au respect des valeurs de la République -que l'enseignement du flamand dans le nord de la France soit financé par la communauté linguistique flamande de Belgique, que celui du catalan dans les Pyrénées-Orientales soit financé par la Généralité de Catalogne et que celui du basque dans les Pyrénées-Atlantiques soit financé par la Communauté autonome du Pays basque.
Il y a là quelque chose qui ne me paraît pas normal : le financement de l'enseignement de ces langues - un enseignement qui, je le répète, me paraît tout à fait légitime - doit être assuré par la République ou par les collectivités territoriales de la République. Ce n'est pas à des collectivités territoriales plus ou moins autonomes d'Etats voisins, amis mais néanmoins étrangers, de l'assumer.
J'ajouterai une dernière observation.
Dans mon université, je suis responsable de la coordination des programmes ERASMUS. Nous envoyons des étudiants à l'étranger, notamment pour qu'ils apprennent les langues des pays considérés. Parmi ces pays figure l'Espagne. Eh bien, nous avons été obligés de refuser d'envoyer nos étudiants dans l'une des universités de Barcelone parce que les cours y étaient dispensés en catalan.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Ce qui n'a aucun intérêt !
M. Hugues Portelli. Le séjour à Barcelone était évidemment censé permettre aux étudiants concernés d'apprendre l'espagnol, non le catalan ! Bien sûr, ils ont le droit d'apprendre le catalan si cela les amuse, mais sûrement pas dans le cadre de leur cycle universitaire.
Les principes républicains sont évidemment très importants, mais il faut faire preuve d'un grand discernement quant à leur mise en oeuvre.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Bien que la disposition qui figure dans le projet de loi soit tout à fait claire, monsieur le ministre, plusieurs mesures que vous avez prises fragilisent l'enseignement des langues régionales.
Il y a eu la baisse brutale du nombre de postes au CAPES en 2004, baisse confirmée en 2005 pour l'occitan, par exemple : le nombre de postes affectés à cet enseignement est passé de 14 en 2003 à 4 cette année ; une telle diminution bloque toute perspective de développement dans le secondaire, dévalorise tout le cursus, du primaire jusqu'à l'université, et décourage les étudiants qui auraient souhaité préparer ce concours.
Il y a ensuite la dévalorisation des langues régionales aux examens. Au baccalauréat, si les langues anciennes et la langue allemande, en tant qu'options facultatives, sont à juste titre revalorisées et rendues plus attractives grâce à un coefficient 3, on a omis d'appliquer le même traitement aux langues régionales, ce qui risque d'entraîner leur abandon par un certain nombre d'élèves. Elles ont, de même, été oubliées dans la liste des épreuves facultatives du nouveau brevet des collèges.
A l'école primaire, la langue vivante enseignée dans le cadre du « socle commun » ne peut être qu'étrangère alors que, jusqu'à maintenant, la langue régionale avait aussi sa place dans les petites classes. Parmi les enseignements qui viennent en supplément du « socle commun » que les auteurs du projet souhaitent valoriser manquent, une fois de plus, les langues régionales.
Force est d'évoquer aussi les moyens attribués aux langues régionales et les recrutements que leur enseignement suppose. Dans le contexte général de baisse qui affecte toutes les matières, ces langues sont particulièrement touchées.
Bref, au lieu du développement de l'offre d'enseignement des langues et cultures régionales et de la préservation de cet élément essentiel du patrimoine national, que prévoient les textes officiels, nous assistons depuis plus d'un an à la réduction de l'attractivité et de l'utilité de cet enseignement et, par voie de conséquence, à la diminution de la demande.
Il nous semble donc urgent de revenir à un traitement et à une valorisation identiques des options facultatives de langues régionales et de langues anciennes au brevet et au baccalauréat. Il convient, dès lors, d'augmenter le nombre de postes aux divers CAPES de langues régionales, comme pour toutes les autres disciplines, et de dégager des moyens pour mettre en oeuvre une vraie politique concernant ces enseignements.
M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est supprimé et les amendements nos 291, 542, 382 et 186 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 12 bis
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Après l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre 1er du Livre III du code de l'éducation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section ... :
« L'enseignement de l'orientation
« Art. L. ... - Outre le droit à l'information et l'orientation définis aux articles L. 313-1 à L. 313-6 du présent code, l'enseignement de l'orientation comporte, de manière progressive et à tous les stades de la scolarité à partir du collège, une formation à la connaissance des professions et des enseignements qui y préparent.
« Cette formation prend en compte les perspectives prévisionnelles de la société et de l'économie. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels avant l'article 13
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Avant l'article 13, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
Dans le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de l'éducation, les mots : « et sur les professions » sont remplacés par les mots : « , sur les professions ainsi que sur les débouchés professionnels et les perspectives de carrière ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de l'éducation intègre dans le droit à l'éducation le droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements et sur l'obtention d'une qualification.
Le présent amendement tend à élargir ce droit à l'éducation au droit à l'information sur les débouchés professionnels et les perspectives de carrière.
La commission des affaires culturelles attache beaucoup d'importance à ce que les élèves bénéficient d'une information plus complète et objective en la matière, notamment sur les débouchés professionnels et sur les perspectives de carrière. Cela permettrait à des jeunes de découvrir que certaines filières sont susceptibles de leur offrir des perspectives de carrière, alors qu'ils en ont aujourd'hui une image dévalorisée, et donc d'opter pour ces filières.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Cassant la monotonie, nous suivrons la commission sur cet amendement. (Sourires.)
En qualité de rapporteur pour avis de l'enseignement technique et professionnel, je propose régulièrement de permettre à l'ensemble des jeunes d'obtenir une information beaucoup plus large non seulement sur les professions mais également sur les débouchés et sur la réalité des métiers vers lesquels ils s'orientent en tant qu'étudiants. Dès lors, je ne peux qu'approuver cet amendement.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 13.
L'amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et de Broissia, est ainsi libellé :
Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le premier alinéa de l'article L. 312-8 du code de l'éducation, les mots : « Haut Comité des enseignements artistiques » sont remplacés par les mots : « Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle ».
II - En conséquence, dans le premier et le deuxième alinéas, les mots : « enseignements artistiques » sont remplacés par les mots : « éducation artistique et culturelle », et dans l'avant-dernier et le dernier alinéas, les mots : « haut comité » sont remplacés par les mots : « haut conseil ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il s'agit de modifier l'appellation du Haut Comité des enseignements artistiques pour le dénommer « Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle » et par là même, en pratique, de faire en sorte que s'établissent plus facilement des partenariats entre le milieu de l'éducation et le monde culturel, qui ne se confond pas exactement avec le monde artistique.
Cela permettra aussi de relancer ce comité, qui, créé en 1988, ne se signale pas aujourd'hui, il faut bien le dire, par une intense activité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis favorable, car cette proposition s'inscrit dans le plan récemment présenté par les ministres de la culture et de l'éducation en vue, notamment, de développer la sensibilisation des élèves aux pratiques artistiques et culturelles. A cet effet, il faut encourager la présence d'artistes dans les écoles, non pas, bien entendu, pour qu'ils se substituent aux enseignants, mais pour qu'ils complètent et illustrent leur enseignement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 13.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mme Marie-France Beaufils, MM. Thierry Foucaud, Bernard Vera, Mme Eliane Assassi, MM. François Autain, Pierre Biarnès, Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, M. Guy Fischer, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar et Jean-François Voguet une proposition de loi relative aux finances locales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 258, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2843 et distribué.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de Mme Catherine Tasca un rapport d'information, fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le Livre blanc sur les services d'intérêt général.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 257 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN avis
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Jégou un avis, présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n° 208, 2004-2005).
L'avis sera imprimé sous le n° 256 et distribué.
12
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 18 mars 2005, à dix heures, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 221, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école.
Rapport (n° 234, 2004-2005.) fait par M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 239, 2004-2005.) de M. Gérard Longuet au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n° 172, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : Mardi 22 mars 2005, à dix-sept heures.
Projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n° 208, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 mars 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 18 mars 2005, à zéro heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD