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Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, le Gouvernement souhaite une modification de l'ordre du jour, afin que soit examinée en premier lieu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti.
Mme la présidente. Acte est donné de cette communication.
En conséquence, en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement, l'ordre du jour du Sénat est modifié en conséquence.
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Convention avec Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises
Adoption définitive d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti (nos 15, 56).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, situé au débouché du Bab el-Mandeb, détroit qui sépare la mer Rouge et l'océan Indien, Djibouti occupe une position stratégique, non seulement dans la Corne de l'Afrique, mais aussi à l'égard du Moyen-Orient.
Initialement constituée autour du port d'Obock, la Côte française des Somalis a pris une importance stratégique avec la création du port de Djibouti et du chemin de fer reliant la nouvelle capitale à Harrar, seul débouché d'un empire éthiopien enclavé. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, ce rôle stratégique a pris une importance accrue, en raison de la lutte internationale contre le terrorisme.
Indépendante en 1977, la République de Djibouti accueille, en vertu du protocole intergouvernemental du 27 juin 1977, la plus importante base militaire française à l'étranger, avec près de 2 700 hommes. Cette implantation française a un impact considérable sur la vie économique de ce pays d'un demi-million d'habitants.
Les dispositions financières du protocole de 1977, contrepartie de la mise à disposition d'installations militaires au bénéfice des troupes françaises, se devaient d'être modernisées, afin de rendre leur montant, qui variait en fonction des dépenses de nos militaires, plus prévisible pour le budget djiboutien. En conséquence, la France et Djibouti ont signé, le 3 août 2003, une convention relative à la situation financière et fiscale des forces françaises stationnées à Djibouti.
La présente convention a pour objet de définir, de façon globale et forfaitisée, le montant que les forces françaises doivent verser à l'Etat djiboutien, afin d'éviter le renouvellement des malentendus et des contentieux fiscaux qui ont pu se produire dans le passé, et simplifier les relations de nos forces avec les autorités fiscales djiboutiennes. En évitant les risques d'interprétation divergente, et donc de contentieux, cette convention simplifie la vie quotidienne à Djibouti des militaires français.
Ainsi, les sommes précédemment versées à différents titres, tels les impôts sur le revenu du personnel, les taxes intérieures de consommation, l'aide au ministère djiboutien de la défense et les actions civilo-militaires réalisées par nos forces au profit de la population, sont désormais globalisées en une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros. Les exonérations fiscales précédemment accordées sont maintenues.
En contrepartie, le Gouvernement djiboutien s'engage à maintenir la qualité des prestations correspondant à certaines de ces taxes. Une évaluation conjointe de la mise en oeuvre de cette convention aura lieu chaque année et permettra, notamment, au Gouvernement français d'obtenir un bilan de l'utilisation de l'aide apportée.
Cette convention, dont la durée est fixée à neuf ans, renforce nos liens avec Djibouti et répond à une demande des autorités djiboutiennes de garantir un montant de ressources budgétaires en contrepartie de la présence française sur son territoire. En cela, cette convention inscrit clairement notre présence militaire à Djibouti dans la durée.
II convient également de se féliciter que, un an après l'ouverture par les Etats-Unis d'une base logistique antiterroriste de 1600 hommes, en contrepartie d'une contribution annuelle de 25 millions de dollars, la France et Djibouti aient renforcé leurs liens par la convention du 3 août 2003. Ce texte s'inscrit dans la continuité des relations de coopération entre les deux pays : la France est le premier bailleur de fonds de Djibouti, avec près de 25 millions d'euros par an.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention du 3 août 2003, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le protocole du 29 juin 1977 garantissant le soutien militaire de la France en cas d'agression étrangère contre Djibouti a joué un rôle majeur dans la préservation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de ce petit pays situé dans une région particulièrement troublée.
Lors d'une mission effectuée l'an dernier dans la Corne de l'Afrique, une délégation de la commission des affaires étrangères avait pu mesurer l'intérêt de cette présence militaire française pour la stabilité de la région et son rôle important dans notre dispositif de déploiement outre-mer. Djibouti voit aussi sa position stratégique se renforcer du fait des conflits au Moyen-Orient et de la lutte contre le terrorisme, ce qui a conduit les Etats-Unis à y stationner un contingent de plus d'un millier d'hommes.
Notre délégation avait également recueilli des informations sur la dernière phase de négociation de la présente convention, peu de temps avant sa signature le 3 août 2003.
Historiquement, les conditions de notre présence militaire à Djibouti ont toujours obéi à des règles particulières, notamment en raison du régime fiscal dérogatoire appliqué à nos personnels, imposés localement et non en France. Par ailleurs, et indépendamment des crédits de coopération militaire relevant du ministère des affaires étrangères, le budget de la défense fournit une aide au ministère djiboutien de la défense et finance des actions civilo-militaires réalisées au profit de la population civile.
Avec le temps, les formes prises par ces différents transferts ont évolué et les autorités djiboutiennes ont souhaité les remettre à plat. La diminution des effectifs, aujourd'hui ramenés à 2 800 hommes, et la crainte d'une perte de recettes fiscales en résultant étaient en partie à l'origine de cette demande.
La convention du 3 août 2003, conclue pour une durée initiale de neuf ans, consacre une augmentation substantielle de la contribution à la charge du ministère français de la défense, puisqu'elle s'élèvera à 30 millions d'euros par an, soit environ 11 millions d'euros supplémentaires par rapport à celle qui a été versée jusqu'en 2002. Je précise qu'une mesure nouvelle majorant les crédits de la défense à due proportion a déjà été inscrite dans la loi de finances pour 2004.
En contrepartie, la convention présente, pour les forces françaises de Djibouti, l'intérêt essentiel d'englober dans cette contribution forfaitaire une somme libératoire des taxes et prélèvements actuellement acquittés par les forces françaises, le gouvernement djiboutien renonçant à mettre en place toute imposition supplémentaire.
Cette disposition est particulièrement importante. Elle nous garantit face à l'instauration de taxes ou redevances nouvelles et elle supprime de facto celles qui existent actuellement, ainsi que toutes les formalités administratives, souvent très lourdes, qu'elles impliquent. Le gouvernement djiboutien s'engage également à limiter à quarante-huit heures les délais de mise à disposition des produits et matériels importés après leur arrivée en douane, ce qui répond, là aussi, à une attente forte de nos militaires.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a ainsi estimé que les négociations entre nos deux pays avaient abouti à un résultat relativement équilibré. L'augmentation des contributions à charge du ministère de la défense s'accompagne d'une redéfinition, sur des bases claires et simples, de nos accords avec Djibouti, à un moment où l'intérêt stratégique pour la région se renforce.
Pour toutes ces raisons, mais également parce qu'elle permettra d'aplanir certaines difficultés ayant affecté nos relations bilatérales, la convention du 3 août 2003 mérite d'être approuvée. C'est pourquoi la commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti, signée à Djibouti le 3 août 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
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Convention internationale pour la protection des végétaux
Adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (nos 241 (2003-2004), 44).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation a pour objet d'autoriser l'acceptation par la France des amendements du 17 novembre 1997 à la Convention internationale pour la protection des végétaux, approuvés à Rome par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Cette convention internationale, adoptée en novembre 1951 et amendée une première fois en 1979, a pour objet, d'une part, de prévenir la dissémination et l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et, d'autre part, de promouvoir l'adoption de mesures appropriées de lutte contre de tels organismes. Le texte s'applique à la protection des végétaux cultivés, à celle de la flore sauvage et aux dégâts, directs ou indirects, causés par les organismes nuisibles.
Dans les années quatre-vingt-dix, l'importance de la Convention en tant qu'accord international est apparue de plus en plus marquée, et une activité de formulation des normes internationales a été mise en place en son sein.
L'accord sanitaire et phytosanitaire de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, conclu en 1994, a désigné la Convention comme instrument et forum pour l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires en oeuvre dans le cadre du commerce international. Ainsi, les mesures nationales déjà fondées sur des normes internationales sont réputées justifiées. En revanche, en l'absence de ces dernières, elles doivent être fondées sur la base d'analyses des risques phytosanitaires.
L'évolution du rôle de la Convention, notamment ses relations complémentaires avec l'accord de 1994, devait donc être inscrite dans le texte même de la Convention.
Les amendements apportés à ce texte ont pour objet de permettre une adaptation aux évolutions récentes survenues dans le domaine de la santé des végétaux.
Ils instituent le secrétariat de la Convention et établissent comme organe directeur la commission des mesures phytosanitaires pour l'élaboration des normes en la matière. Un mécanisme de règlement des différends a été établi et les dispositions relatives à l'assistance technique ont été renforcées.
Par ailleurs, dans le nouveau texte, l'accent est mis sur la nécessité de coopération et d'échange d'informations entre les pays, et des dispositions ont été intégrées afin de permettre la mise en oeuvre de la certification électronique des envois de végétaux et produits végétaux.
La version révisée de la Convention aura pour effet de renforcer l'harmonisation des mesures phytosanitaires, les moyens des infrastructures et les capacités des organisations nationales de protection des végétaux, notamment dans les pays en développement.
Les pays de la Communauté européenne figurant parmi les plus gros importateurs de végétaux et produits végétaux, il importe donc que la sécurité phytosanitaire des marchandises entrant dans l'Union européenne soit assurée. En effet, la sécurité phytosanitaire des envois importés est un gage de maintien de cette sécurité sur le territoire national et sur le territoire communautaire. La France, pour sa part, importe ainsi chaque année environ 33 500 lots de végétaux et produits végétaux.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la Convention internationale pour la protection des végétaux telle qu'elle résulte des amendements adoptés le 17 novembre 1997 et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, en remplacement de M. Jean Puech, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la protection des végétaux contre la dissémination internationale d'organismes qui leur sont nuisibles n'est pas une préoccupation récente. En effet, comme le précise M. Jean Puech, au nom duquel je prends ce soir la parole, la première déclaration relative à ce problème date de 1889.
Toutefois, compte tenu à la fois des nouveaux moyens de communication, de transport des marchandises et de déplacement des personnes et de l'extraordinaire essor des échanges commerciaux internationaux, les risques de contamination des végétaux se sont considérablement accrus aujourd'hui.
C'est pourquoi, dès 1951, a été adoptée la Convention internationale pour la protection des végétaux, dont les objectifs initiaux étaient d'assurer une action commune et efficace pour prévenir la dissémination et l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et produits végétaux.
Chaque Etat partie à la Convention établit une liste des organismes dits « de quarantaine » afin de protéger les végétaux sur leur territoire. Il s'agit des organismes susceptibles de provoquer des dommages majeurs aux productions agricoles, de mettre en péril l'appareil de production et, bien sûr, la compétitivité des exploitations.
En la matière, les exemples peuvent être tirés de l'histoire ou de l'actualité récente.
Parmi les exemples historiques, tout le monde connaît le phylloxéra, ou encore le mildiou de la pomme de terre. Plus récemment, nous pouvons citer le capricorne asiatique, ravageur majeur des arbres forestiers, la chrysomèle des racines du maïs, qui peut provoquer une perte de rendement de 80 %, ou le Tomato Yellow Leaf Curl Virus, ou TYLCV, qui est un virus de la tomate.
A ce jour, 350 organismes nuisibles de ce type sont répertoriés.
Les organisations nationales de protection des végétaux ont la responsabilité d'inspecter les végétaux faisant l'objet d'échanges internationaux. Leurs tâches principales sont donc la délivrance de certificats relatifs à la réglementation phytosanitaire de la partie contractante importatrice, l'inspection, la désinfestation ou la désinfection de ces végétaux.
A titre d'exemple, en France, il existe vingt-deux services régionaux de la protection des végétaux. Conjointement avec la direction générale des douanes, la direction générale de l'alimentation a établi une liste officielle des bureaux de douanes disposant de la « compétence phytosanitaire ».
Les produits visés par la Convention ne peuvent entrer sur le territoire qu'après une inspection systématique et rigoureuse de leur état sanitaire par les inspecteurs des services régionaux.
En 1994, l'accord sanitaire et phytosanitaire de l'OMC a désigné la Convention comme cadre pour l'harmonisation des mesures. Cela a conduit à l'approbation, notamment par la France, d'une série d'amendements dont les plus importants traitent des points suivants.
Il s'agit, tout d'abord, de l'accroissement de l'importance des organisations nationales de protection, qui sont responsables de la qualité des inspections et de la délivrance des certificats phytosanitaires. Ces tâches sont confiées à des fonctionnaires techniquement qualifiés et dûment autorisés par l'Organisation nationale de la protection des végétaux.
Il s'agit, ensuite, de l'établissement d'un organe directeur, à savoir la commission des mesures phytosanitaires, en raison de l'intérêt, pour tous les membres de l'OMC, de participer activement au travail d'élaboration des normes internationales.
Il s'agit, enfin, de l'institution d'un mécanisme de règlement des différends. C'est un point essentiel que vous avez souligné, madame la ministre.
Pour accéder à l'OMC, les Etats doivent supprimer leurs barrières tarifaires. Certains d'entre eux pourraient être tentés de les remplacer par des barrières phytosanitaires. Néanmoins, l'accord sanitaire et phytosanitaire de l'OMC, qui reconnaît la Convention comme convention normative, est un « garde-fou » efficace contre de telles réglementations non justifiées.
C'est pourquoi l'article 7 de la Convention précise que seules peuvent être instituées les interdictions ou restrictions d'importations techniquement justifiées et répondant à de réelles nécessités d'ordre phytosanitaire.
Tout manquement à ces principes fonde les Etats parties à porter plainte devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, comme le prévoit l'accord sanitaire et phytosanitaire de cette organisation, conclu en 1994.
En conclusion, mes chers collègues, l'adoption de ces amendements à la Convention présente, pour la France et l'Union européenne, des avantages en ce qui concerne tant les importations que les exportations.
Tous les Etats membres de l'Union européenne sont en phase d'approbation de cette Convention.
Vous l'avez dit, madame la ministre, d'un point de vue économique, il convient de rappeler que les pays de la Communauté européenne, notamment la France, figurent parmi les plus gros importateurs de végétaux et produits végétaux.
L'approbation par la France de la Convention révisée ne pourra que contribuer à favoriser son activité en la matière.
En conséquence, au nom de la commission des affaires étrangères, je vous propose d'approuver la Convention internationale pour la protection des végétaux. (M. Philippe Richert applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt neuvième session de la conférence de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture le 17 novembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture
Adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble deux annexes) (nos 250 (2003-2004), 19).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité du 6 juin 2002 a pour objet la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, ainsi que, en harmonie avec la Convention sur la diversité biologique, le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation pour une agriculture durable et pour la sécurité alimentaire.
L'évolution depuis des millénaires des espèces vivantes, du fait de leur adaptation aux divers milieux dans lesquels elles se sont disséminées et de leur utilisation par l'homme pour satisfaire ses besoins dans les domaines de l'agriculture, de la médecine et de l'industrie, a donné naissance à une grande diversité biologique et génétique.
Les « ressources génétiques » ainsi constituées jouent un rôle essentiel pour le maintien des équilibres biologiques naturels et pour la satisfaction des besoins actuels et futurs de la société.
Rompant avec une longue tradition, qui qualifiait ces ressources génétiques de « patrimoine commun de l'humanité » et les laissait circuler librement, la Convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992 lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro les a placées sous la souveraineté des Etats et a conditionné leur échange international à un partage, entre fournisseur et utilisateur, des avantages résultant de leur exploitation. Or les activités de conservation et de sélection végétales pour l'alimentation et l'agriculture s'accommodent mal de modes d'échange bilatéraux.
Le coeur du traité que nous examinons aujourd'hui est constitué par un système multilatéral d'accès facilité aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation, système qui définit des règles d'échange des ressources génétiques relevant du domaine public ou d'opérateurs privés. L'échange s'effectuera selon un accord type de transfert de matériel. Le partage des avantages est également mutualisé dans le cadre de ce système multilatéral.
Le traité réaffirme le principe de libre accès à la variabilité génétique, qui fonde la tradition de la sélection en Europe et le système de protection des obtentions végétales de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales. Il prévoit que ce système contribue à la conservation de la diversité génétique.
Par ailleurs, le traité reconnaît l'importance du rôle des agriculteurs dans ce domaine, et met l'accent sur la protection de leurs connaissances traditionnelles, sur leur participation aux décisions relatives aux ressources génétiques et sur les avantages découlant de leur utilisation.
La France a joué un rôle très actif dans la négociation de ce traité, qui s'avère, en effet, particulièrement important pour un pays dont le secteur des semences, utilisateur de ces ressources génétiques, est en pleine croissance et mobilise un grand nombre d'acteurs sur l'ensemble du territoire national. En matière de production de semences, la France occupe en effet le premier rang européen et le deuxième rang mondial, derrière les Etats-Unis, et elle est le troisième exportateur mondial.
L'importance du traité va au-delà des bénéfices escomptés en termes d'emploi ou d'exportation, puisqu'il contribue à l'indépendance des politiques agricoles et alimentaires françaises, à la préservation du patrimoine génétique et au renforcement des capacités de la recherche nationale dans le domaine des sciences de la vie.
Enfin, dans un contexte international tendu autour des problématiques de l'environnement et du commerce, il convient de souligner que le traité du 6 juin 2002 propose une articulation équilibrée des objectifs de conservation de la diversité biologique, de protection de l'innovation et de coopération Nord-Sud.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture a été adopté le 3 novembre 2001, dans le cadre de la Conférence de l'Organisation internationale des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, et signé le 6 juin 2002 par la Communauté européenne et les Etats membres de l'Union européenne.
Concrètement, qu'appelle-t-on « ressources phytogénétiques » ? Au risque, mes chers collègues, d'être un peu simplificateur, on peut dire que les ressources phytogénétiques sont, tout simplement, les semences ou les boutures, c'est-à-dire le matériel de reproduction utilisé pour ses propriétés héréditaires.
Les questions internationales qui se posent en matière de ressources génétiques concernent, principalement, leur conservation et les conditions de leur échange international. L'objet principal du traité sur les ressources phytogénétiques est donc d'assurer la conservation et l'utilisation durable des variétés élaborées au cours des siècles, selon des modes traditionnels de sélection.
En 1983, la conférence de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, a adopté un engagement international sur les ressources phytogénétiques censé favoriser la prospection, la préservation, l'évaluation et la mise à la disposition de ces ressources auprès des sélectionneurs et des chercheurs. Cet engagement reposait, vous l'avez rappelé, madame la ministre, sur le principe universellement accepté conférant aux ressources génétiques le caractère de patrimoine commun de l'humanité.
Or, en mai 1992, la Convention sur la diversité biologique a, au contraire, posé le principe de la souveraineté des Etats sur leurs propres ressources et a privilégié l'objectif d'un partage juste et équitable des avantages provenant de l'exploitation des ressources phytogénétiques.
L'adoption de cette dernière convention a donc rendu nécessaire la révision de l'engagement international de 1983. Un régime spécifique, excluant les ressources phytogénétiques de la Convention sur la diversité biologique, est donc justifié : les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture sont en effet la base essentielle pour nourrir la population mondiale, en même temps que la matière première utilisée pour améliorer la qualité et la productivité des cultures. Ainsi, alors que nous réfléchissions sur ces problèmes lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères, nous avons réalisé que nous mangerions tous, aujourd'hui, du chou sauvage si les ressources phytogénétiques ne s'étaient pas succédé au fil des siècles !
Les principales caractéristiques du traité sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture concernent tout d'abord, vous avez eu raison de le souligner, madame la ministre, les droits des agriculteurs.
A cet égard, le traité précise que rien ne doit limiter les droits que ces derniers peuvent avoir de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication. Ainsi, les droits des agriculteurs font contrepoids aux droits à la protection de la propriété intellectuelle actuellement revendiqués par les industriels - je pense au problème des brevets - pour les créations variétales et les autres avancées du génie phytogénétique.
Par ailleurs, le traité institue un système multilatéral qui facilite l'accès aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. A ce jour, la liste établie dans le traité comporte 35 plantes vivrières et 29 plantes fourragères retenues en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, puisqu'elles assurent 80 % des apports caloriques au niveau mondial. Notons que cette liste exclut notamment la vigne, la tomate et le soja.
L'accès facilité aux ressources incluses dans le système multilatéral est accordé lorsqu'il vise uniquement la conservation et l'utilisation à des fins de recherche, de sélection et de formation pour la sécurité alimentaire. Précisons que l'accès à ces ressources est exclu pour les utilisations chimiques et pharmaceutiques ou pour des utilisations industrielles non alimentaires et non fourragères.
Les modalités d'accès seront définies de façon détaillée sous la forme d'un ATM, un accord type de transfert de matériel.
Pour la France, les conséquences de ce traité sont bénéfiques. En effet, la tradition agricole de notre pays lui permet de posséder un potentiel important d'amélioration génétique pour l'agriculture et l'alimentation. Ce potentiel s'appuie notamment sur une très bonne organisation tant de la recherche que de la gestion de la diversité et de la sélection génétiques, organisation à laquelle participent de nombreux acteurs publics ou privés.
L'action de ces divers opérateurs français sera confortée par ce traité car, dans notre pays, la filière des semences, en pleine croissance, joue un rôle de premier plan.
Ainsi, l'ensemble de la production française représente 1,3 million de tonnes et un chiffre d'affaires de 1,72 milliard d'euros. Avec des exportations s'élevant, au total, à 503 millions d'euros, la France se place au troisième rang mondial.
En termes d'emplois, la filière des semences regroupe en France 90 établissements obtenteurs, soit plusieurs milliers de chercheurs et techniciens dans les organismes de recherche publique, 250 établissements multiplicateurs et 24 000 points de vente.
C'est pourquoi, mes chers collègues, j'estime qu'il est souhaitable que ce traité soit ratifié et je vous propose, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter ce projet de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, signé à Rome le 6 juin 2002 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)