PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. la séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'écologie et le développement durable.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons le budget de l'environnement et du développement durable, nous devons avoir à l'esprit le fait que la politique nationale s'inscrit dans le cadre d'une politique européenne, elle-même contenue dans une politique internationale animée par l'Organisation des Nations unies, laquelle est malheureusement limitée par la conception économique libérale qui prévaut aujourd'hui dans le monde et qui est plus soucieuse des dividendes des actionnaires que de l'avenir de la planète.

Par ailleurs, la canicule de l'été et les inondations de ces derniers jours, pour ne citer que ces deux événements, sont là pour nous rappeler que le réchauffement climatique dû à l'effet de serre provoque des désordres météorologiques dramatiques et s'installe de manière durable, il faut le craindre. Ce réchauffement nous contraint à prendre ce problème à bras-le-corps, pas seulement au niveau de l'annonce et de la réparation, mais également au niveau de la prévention, faute de quoi nous devrons affronter de plus en plus souvent la colère des personnes victimes de ces phénomènes, qui ne peuvent pas les accepter comme une fatalité.

La politique internationale de la France mérite d'être soulignée, et notamment la proposition de création de l'Organisation mondiale de l'environnement, ainsi que la proposition de renforcement du programme des Nations unies pour l'environnement. De même, la ratification des protocoles internationaux, qui permet de rattraper notre retard, va dans le bon sens.

J'en viens maintenant au projet de budget pour 2004, qui progresse en apparence de 11,4 % par rapport au budget de 2003. Toutefois si l'on raisonne à périmètre constant, la progression est quasi nulle, malgré des besoins croissants. D'aucuns parlent de progression douce ou de traitement privilégié. Je leur laisse cette manière de voir : en effet, les mesures proposées dans le projet de loi de finances traduisent l'incidence de mesures d'économies importantes : non-remplacement de trente-cinq départs à la retraite, réduction des subventions à plusieurs établissements et diminution des dépenses ordinaires, notamment.

Pensez-vous, madame la ministre, que la réduction des effectifs est terminée ?

En ce qui concerne la protection de la nature, de sites et des paysages, les crédits sont en baisse et le fonds de gestion des milieux naturels est supprimé. Les moyens consacrés aux organismes gestionnaires du réseau d'espaces naturels diminuent eux aussi. Cette diminution s'ajoutant à la fin du dispositif emplois-jeunes, qui prive ces organismes d'un quart de leurs moyens humains, on peut s'interroger sur la pérennité de leurs missions.

Une telle évolution est inquiétante. Elle traduit, à mon sens, la volonté, maintes fois affirmée, du Gouvernement de réduire les dépenses et peut-être aussi celle qui tend à impliquer plus fortement les collectivités locales dans le financement des espaces naturels à travers les lois de décentralisation.

Un nouveau transfert de charges est-il à venir, madame la ministre ? Pour leur part, les réserves naturelles ont fait leurs calculs et le compte n'y est pas.

La protection de l'eau et des milieux aquatiques voit ses crédits augmenter de manière significative. En réalité, nous savons tous que cette augmentation est due à la budgétisation du fonds national de solidarité pour l'eau.

Pour l'essentiel, ce fonds est alimenté par le prélèvement opéré sur le budget des agences de l'eau et cette ponction a suscité à juste titre de vives et nombreuses réactions. Lorsqu'on connaît le coût des investissements nécessaires dans le domaine de l'eau, qui pèse pour une part importante sur les collectivités locales, on ne peut que juger inadmissible le fait que l'Etat « fasse les poches » des contribuables usagers de l'eau.

Concernant la prévention des inondations, la mise en place des systèmes de prévision des inondations est à souligner. Cependant, l'annonce des catastrophes ne les évite pas. Les inondations récurrentes dans certains départements fragilisent durablement les familles et les collectivités locales lorsqu'il faut réparer les dégâts à intervalles rapprochés.

C'est pourquoi nous estimons que l'Etat doit faire jouer la solidarité nationale bien au-delà de ce qui est prévu, en participant à la mise en place de solutions durables. Je souhaiterais que vous nous indiquiez comment vous concevez, madame la ministre, le rôle de l'Etat dans ce domaine ?

Enfin, relevons que, en matière de pollutions maritimes, le fonds d'intervention est doté de nouveaux crédits pour traiter les pollutions limitées. Cependant, l'accident du Prestige nous rappelle que, en fin de compte, les pollueurs ne sont pas les payeurs. La France devra agir pour faire en sorte que le FIPOL indemnise encore davantage les victimes de telles pollutions.

A propos de la prévention des pollutions et des risques, soulignons de manière positive la création de cinquante emplois, qui, s'ajoutant aux cinquante postes transférés, renforcent les moyens de contrôle pour l'inspection des installations classées, ainsi que l'accroissement des moyens de l'Institut national de l'environnement et des risques, l'INERIS.

Mais nous devons déplorer la baisse importante des moyens de l'ADEME, baisse qui constitue une remise en cause du soutien aux investissements des collectivités locales, alors même que beaucoup reste à faire pour mettre en place les équipements indispensables au traitement des déchets. La contribution des agences de l'eau concourt au budget de l'ADEME pour cette année.

Comment pensez-vous, madame la ministre, assurer les crédits à l'avenir ? Mais vous nous avez dit ce matin que l'on verrait l'année prochaine...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est vrai !

Mme Evelyne Didier. On peut tout de même poser la question, sachant que, cette année, les autorisations de programme pour l'ADEME sont en forte diminution. Dans la prochaine loi sur les déchets, avez-vous l'intention de revoir la fiscalité locale à ce sujet ?

Voilà les questions que je souhaitais vous poser, madame la ministre, étant entendu qu'il en est beaucoup d'autres que le temps qui m'était imparti ne me permet pas de poser aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Parmi les sujets abordés par Mme Didier, il en est un certain nombre que j'ai déjà largement évoqués ce matin dans mon propos liminaire ; je n'y reviendrai donc pas, sauf à présenter une nouvelle fois mon budget.

Je suis profondément attachée au chantier de la gouvernance mondiale de l'environnement. Avant d'avoir une Organisation mondiale de l'environnement, une OME, à laquelle beaucoup d'entre nous aspirent, nous avons décidé de nous faire en quelque sorte les missionnaires ou les apôtres de la transformation du programme des Nations unies en Organisation des nations unies pour l'environnement, ou ONUE. Je profite de chacun de mes contacts internationaux pour présenter à mes interlocuteurs une note en ce sens, qui peut servir de base de la discussion.

Sur l'initiative de la France, un groupe de travail des amis de l'ONUE va se réunir dans les prochains jours à New York pour examiner les modalités de la mise en place de cette organisation universelle, avec des contributions obligatoires et, bien entendu un conseil d'administration et un directeur général élu.

A mon sens, le siège de cette organisation devra rester en Afrique, en l'occurrence à Nairobi.

Madame Didier, vous avez parlé de restriction du nombre d'emplois. Or le solde net des emplois du ministère est positif et de quatre-vingt-huit. C'est le troisième ministère pour l'augmentation du nombre d'emplois !

Pour ce qui concerne les associations de protection de l'environnement, j'ai déjà longuement répondu ce matin.

Je vous signale que la procédure CIVIS, contrairement à ce qui était prévu à l'origine, est maintenant ouverte aux associations de l'environnement.

Cela étant, nous avions appelé ces associations à la vigilance puisque, en tout état de cause, même dans le format précédent, les contrats des personnes employées au titre des emplois-jeunes arrivaient à leur terme et celles-ci risquaient de voir d'autres personnes embauchées pour les remplacer. Le problème restait donc entier, et nous nous efforçons de le résoudre.

S'agissant des inondations, vous me demandez ce que compte faire le Gouvernement. La question qui doit être posée est plutôt : qu'a fait le Gouvernement ?

D'abord, nous avons entrepris d'améliorer la prévision des inondations par une réforme massive des systèmes d'annonce de crue et par un renforcement des moyens tant financiers qu'humains. Je rappelle la création du service central hydrométéorologique, installé à Toulouse.

De l'avis général, la prévision des inondations lors de la crise catastrophique que nous venons de vivre a été bonne et a permis, j'en suis persuadée, de sauver des vies humaines, même si six morts, c'est évidemment encore trop.

Ensuite, nous pensons qu'il faut maîtriser l'urbanisme, car des erreurs ont été commises dans ce domaine. Mon ambition est de faire en sorte que 10 000 plans de prévention de risque inondation soient prescrits. Et je force le pas, ce qui implique naturellement des contraintes sur l'urbanisme. Dans certaines zones, il s'agit d'interdire toute construction, malgré la pression sociale. Ailleurs, les prescriptions sont telles que les constructions rendues sont sensiblement plus coûteuses. Je crois cependant que le courage politique consiste aussi à faire preuve de cette fermeté-là.

Les PPR concernent l'urbanisme à venir. Mais nous voulons aussi nous intéresser à l'urbanisme existant. La loi du 30 juillet 2003 prévoit que les fonds assurantiels peuvent être mobilisés non seulement pour indemniser les personnes victimes d'inondation, mais aussi pour leur permettre de protéger leur maison d'éventuelles inondations, y compris, si c'est nécessaire, en délocalisant leur maison dans une zone non inondable.

Enfin, l'appel à projets adressé aux collectivités territoriales privilégie les techniques écologiques douces de ralentissement du flux dynamique en amont. Ces projets permettront de mobiliser 400 millions d'euros, pour bâtir une politique de prévention des inondations compatible avec l'environnement.

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour illustrer la hausse en trompe-l'oeil du budget de l'écologie et du développement durable proposé par le Gouvernement pour l'exercice 2004, j'évoquerai plus particulièrement le cas de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, même s'il en a déjà été question à plusieurs reprises ce matin.

Cet établissement public va voir son budget de fonctionnement stagner. Quant à ses autorisations de programme, c'est-à-dire ses actions, elles accusent, vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, une baisse inquiétante, de 23,4 %. Le soutien au traitement et à la réduction du volume des déchets ménagers et assimulés est directement concerné par cettre mesure.

Comment peut-on concevoir des coupes aussi sévères dans les moyens de l'ADEME, alors que les trois quarts des départements français crouleront sous les déchets dici à 2010, ainsi que l'indiquent les conclusions du commissariat général rendues publiques en septembre dernier ?

Sous prétexte de décentralisation, on assiste, une fois de plus, à un transfert sec de charges de l'Etat vers les collectivités locales, sans aucune impulsion ni dynamique.

Cela démontre réellement une absence de volonté face au problème du traitement des déchets.

S'ajoutent à cela les réductions arbitraires de crédits décidées par le Gouvernement au mépris de ses engagements, concernant, par exemple, la dotation du Fonds national de développement des adductions d'eau, qui permet de soutenir les collectivités locales dans leurs projets d'investissement en matière d'assainissement et d'eau potable. Laissez-moi vous rappeler à ce propos la situation de mon département, le Finistère : en 2003, la dotation de l'Etat a été en baisse de 72 %, et ce sont plus de 100 dossiers qui sont aujourd'hui gelés, faute de crédits.

C'est donc à la seule appréciation des collectivités locales, en fonction de leur volonté politique, certes, mais surtout de leurs capacités budgétaires, qu'est laissée la gestion des déchets, tout comme celle de l'eau.

Cela laisse craindre la plus grande inégalité entre les départements et une gestion aléatoire, voire anarchique, d'un territoire à l'autre puisque les collectivités locales ne pourront plus compter sur l'aide de l'Etat, notamment par l'intermédiaire de l'ADEME.

D'ailleurs, pour permettre à cette agence de remplir ses missions, le Gouvernement a fait le choix, non d'augmenter ses moyens, comme il aurait dû le faire, mais de réduire son champ d'action et de mettre à contribution certaines agences de l'eau, cela a déjà été souligné. Quatre d'entre elles - Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse - se voient ainsi ponctionnées de 210 millions d'euros par le Gouvernement pour couvrir, si j'ai bien compris, des dépenses non seulement en faveur de l'eau, mais aussi en matière de déchets. Vous nous avez dit ce matin - je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre - que les fonds de l'eau iraient à l'eau. Pour une fois, je partage l'avis de M. Philippe Adnot : nous avons en effet compris vos propos de la même manière.

On ne peut que regretter le total décalage entre la réalité du budget que vous nous présentez et la grande ambition que vous annoncez pour 2004, à savoir « l'animation d'une stratégie nationale de développement durable ».

Je crains fort que, en fait, les mesures que vous nous proposez pour le prochain exercice ne grèvent durablement les projets de traitement et de réduction des déchets tant attendus.

Certes, je reconnais qu'une réflexion sur l'évolution du rôle de l'ADEME est nécessaire, mais une transition s'impose. Il faut aussi savoir consacrer des moyens à cette phase délicate de transition.

Dans un tel contexte, je vous poserai trois questions, madame la ministre.

Quel soutien pouvez-vous vous engager à apporter aux collectivités locales en matière de gestion des déchets et de gestion de l'eau ?

Pouvez-vous aujourd'hui nous garantir que la dynamique engagée par l'ADEME concernant les énergies renouvelables, par exemple, ne sera pas cassée par les choix budgétaires que vous proposez ?

Enfin, pouvez-vous nous assurer que l'ADEME pourra s'attacher sérieusement à mettre en oeuvre votre statégie nationale du développement durable alors que ses effectifs se trouvent réduits ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà longuement expliquée ce main - c'est un peu la rançon de l'exercice auquel nous nous livrons - sur l'ADME, madame la sénatrice, mais c'est bien volontiers que je vous apporterai certaines précisions.

L'action de l'ADEME en 2004 tiendra compte des nouvelles orientations que je lui ai fixées. J'ai défini une nouvelle politique en matière de déchets ; je l'ai détaillée ce matin dans mon propos introductif, évoquant la réduction à la source des déchets, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins.

L'ADEME disposera de 70 millions d'autorisations de programme pour accompagner en 2004 les études ou les équipements neufs correspondant à ces orientations, en se concentrant notamment sur les opérations exemplaires.

L'ADEME est entrée dans une deuxième phase de son action. Elle a accompagné, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992 jusqu'à l'échéance de juin 2002, une politique d'incitation des collectivités territoriales, auxquelles incombe la mission d'assurer financièrement le traitement des déchets, car les attributions des uns et des autres sont parfaitement claires.

Au cours de cette phase, l'Etat et l'ADEME ont fourni un effort tout à fait considérable.

Permettez-moi de vous signaler que, si j'ai mobilisé la trésorerie des agences de l'eau, qui était abondante, c'est pour permettre d'honorer les chèques en bois de mes prédécesseurs, qui ont ignoré que, par un phénomène incoercible, les autorisations de programme se transforment en crédits de paiement !

Vous me demandez, monsieur le rapporteur, madame la sénatrice, si l'argent de l'eau retourne à l'eau. Mais bien sûr ! La gestion des déchets est en parfaite interface avec la politique de l'eau. Je ne ferai pas l'injure à un environnementaliste comme vous, monsieur Adnot, de l'ignorer !

Vous m'interrogez, madame la sénatrice, sur la maîtrise de l'énergie. En 2004, les autorisations de programme inscrites à ce titre s'élèveront, comme en 2003, à 61 millions d'euros.

C'est un domaine dans lequel l'ADEME doit poursuivre son engagement, notamment dans la mise en oeuvre de programmes d'information et de sensibilisation pour une utilisation rationnelle de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Un certain nombre de ces actions feront partie du plan « climat » qui vise à lutter contre le réchauffement climatique et l'effet de serre.

Les autres politiques de l'ADEME sont inchangées, à l'exception de l'action contre le bruit qui fera l'objet d'une restructuration de compétence telle qu'elle vous a été décrite ce matin, et du recyclage des huiles qui sera très logiquement transféré aux opérateurs concernés.

Ces évolutions traduisent mon engagement au profit des politiques que j'ai jugé bon de maintenir dans le cadre de l'ADEME après avoir passé en revue ses missions.

Effectivement, en termes de budget, les ressources de l'ADEME en autorisations de programme sont en diminution de 15 %. Cependant, cette dernière reflète des évolutions très différentes.

Ainsi, la diminution de 50 % des dotations concernant les déchets traduit une nouvelle orientation dans la mesure où j'estime qu'une première phase a été dépassée. En revanche, et cela doit vous rassurer, madame la sénatrice, les dotations sur l'énergie dans le cadre de la lutte contre le changement climatique augmentent de 25 % car, outre les 61 millions d'euros d'autorisations de programme inscrits à mon budget en loi de finances initiale, l'ADEME pourra disposer de 40 millions d'euros supplémentaires issus de réaffectations et qui seront consacrés au plan « climat ».

Tels sont les éléments que je souhaitais vous apporter, madame la sénatrice, sur le budget de l'ADEME.

M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.

M. Paul Dubrule. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler chiffres et arithmétique dans un budget dont le périmètre est changeant, la surface à géométrie variable et la définition pas toujours très claire.

Rappelons tout de même qu'il s'agit d'assurer un développement économique, social et environnemental d'une manière durable. Les puristes s'interrogent d'ailleurs sur la raison de mentionner « écologie » et « développement durable » puisque l'un est compris dans l'autre.

Quant au budget lui-même, il est préférable d'avoir un budget modeste, mais réel et sincère, ce qui est le cas, plutôt que de poursuivre la politique d'affichage de crédits artificiellement gonflés, comme c'était la règle dans le passé.

Dans ce budget comme dans tous les autres, on se prépare à appliquer la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui modifiera en profondeur la présentation budgétaire de vos crédits.

Plus de transparence, de lisibilité, la volonté d'apurer certains dysfonctionnements méritent bien quelques inconvénients de transition.

Comment « trier » ce qui concerne uniquement le développement durable ? Il faudrait lire également entre les lignes d'autres ministères. Le développement durable est transversal. C'est un état d'esprit, une attitude. Il doit être placé au coeur de toute politique. C'est un changement de mentalité, afin de privilégier le qualitatif au lieu du quantitatif, ce qui n'est pas inné dans notre culture post-industrielle.

Il y a pour nous un devoir d'information et d'éducation auquel, pour ma part, je suis très attaché. Eduquer les jeunes générations, former à cet esprit les futurs cadres, les chefs d'entreprise et les dirigeants politiques, est indispensable à l'évolution réaliste des mentalités. C'est ce que font, par exemple, l'Institut européen d'administration des affaires, l'INSEAD, avec sa chaire du développement durable, l'Ecole des mines, avec son mastère en environnement, et l'Institut européen du développement durable, l'IEDD, à Fontainebleau.

Ne faisons surtout pas d'angélisme, car c'est probablement le pire ennemi du développement durable !

C'est pour cette raison qu'il ne faut jamais perdre de vue son cap : prendre en compte l'énorme accroissement de la population mondiale, sa formation, ses besoins économiques, tout en préservant la planète par une écologie durable. Il y a seulement dix ans, à Rio, qu'une vraie prise de conscience internationale a eu lieu. Nous avons la chance d'avoir un chef d'Etat qui a immédiatement compris l'importance du sujet, comme en témoigne ce propos qu'il a tenu à Fontainebleau en 1998 : « Le xxie siècle sera celui du développement durable. » L'histoire le retiendra. N'oublions pas son conseil formulé à Nantes en 2003 : « Les pays qui se seront engagés tôt dans une politique de développement durable détiendront à coup sûr des clés essentielles pour l'avenir. »

Il reste encore beaucoup de travail pédagogique pour passer d'un concept global flou à une « attitude écologique » ou une « durable attitude ». Pourquoi ne pas envisager un lieu de rencontres qui serait une véritable cité du développement durable dans un partenariat associant le public et le privé ?

Je souhaite, pour ma part, appeler votre attention sur deux points plus précis, concernant l'aspect écologique du développement durable.

En premier lieu, je voudrais évoquer Natura 2000. Ne perdons jamais de vue que le mieux est l'ennemi du bien. Qualifier de « perturbation » toute activité humaine dans ces secteurs est un pléonasme. Prenons garde à une forme d'excès qui ferait de certaines parties de notre pays des friches vidées de leurs habitants, sanctuarisation qui conduirait à la désertification rurale. Oui à la protection des paysages et de l'environnement ! Non à un intégrisme qui passerait par la spoliation des populations locales et qui a conduit dans certains esprits à transformer ce qui était un label en punition ! Là encore, pédagogie, concertation, respect des traditions et histoires locales seront plus efficaces pour les résultats à atteindre que les oukases. Les directives européennes ne doivent pas faire oublier que le Président de la République a placé l'homme au centre des préoccupations de l'écologie et du développement durable. Or, de tout temps, l'homme a cultivé et chassé...

En second lieu, je voudrais insister sur ce qui est considéré comme le fléau numéro un par les Français : le bruit. Selon l'INSEE, il s'agit, pour 54 % d'entre eux, d'une préoccupation placée devant l'insécurité.

Le droit au silence et au calme est déjà un souhait profond, et ce sera demain une revendication très forte tant l'homme moderne est agressé en permanence par les nuisances sonores. Aussi, vous devez veiller, madame la ministre, à l'amélioration de la qualité de la vie des riverains des routes et des voies ferrées, ainsi que des industries existantes.

Il faut cependant traiter à part les nuisances des aéroports. La concertation avec les riverains, le travail avec les associations sont indispensables. Les changements de couloirs aériens ne sont pas une simple décision technique ; il peuvent faire basculer certaines zones de la notion de paradis à celle d'enfer.

Il convient, plus que jamais, de maintenir les mesures conservatoires prises sur Orly. Quant à Roissy, compte tenu de sa capacité d'extension, les riverains sont inquiets. Non seulement la situation ne doit plus se dégrader, mais elle devrait s'améliorer.

J'insiste tout particulièrement pour que les crédits de cette ligne budgétaire soient protégés, voire augmentés. Il y va de l'équilibre quotidien d'un grand nombre de nos concitoyens. Techniquement, l'on peut beaucoup, mais à quel prix et qui va payer ?

Enfin - c'est un peu hors sujet, mais c'est l'esprit de votre démarche que je veux saluer -, vous avez renoncé à créer des directions départementales de l'environnement. Merci de ne pas encombrer la décentralisation nécessaire, et qui est en cours, d'une déconcentration superficielle de votre ministère.

Je voterai donc, madame la ministre, votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous suis reconnaissante, monsieur le sénateur, d'avoir bien compris la démarche qui m'a conduite à refuser la création d'une direction départementale de l'environnement.

Le développement durable ne doit pas être enfermé dans une sorte de ghetto au 20, avenue de Ségur. Il s'agit là d'une sorte de révolution culturelle de ce ministère qui a quitté une vocation purement proclamatoire, pour s'attacher à développer des collaborations avec l'ensemble de ses partenaires gouvernementaux.

Elles se sont concrétisées par deux comités interministériels sur le développement durable, par la nomination dans chaque ministère d'un haut fonctionnaire au développement durable, petite escouade ministérielle qui est animée par le haut fonctionnaire du développement durable placé auprès de moi.

J'ai développé des collaborations très intéressantes avec Gilles de Robien. Le plan « climat » résultera d'un travail conjoint et intense entre nos deux ministères.

C'est une révolution culturelle de voir les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, « conommées » par le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales et la ministre de l'écologie. Cela aurait été impensable voilà quelques mois.

M. Adrien Gouteyron. C'est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il en est de même de la collaboration très fructueuse que nous avons avec le ministère des affaires étrangères, car les politiques liées à l'écologie ont un impact planétaire. Ainsi, nous mènerons une vraie politique du développement durable. Elle ne se juge pas à une ligne budgétaire dans le ministère.

En ce qui concerne Natura 2000, à mon arrivée au ministère, j'ai trouvé le dossier bloqué. La France était sous la menace de très graves sanctions financières, qui n'est d'ailleurs pas complètement levée. La concertation avec les élus locaux était en panne. J'ai voulu la relancer avec les acteurs de terrain, car je partage largement votre avis, monsieur le sénateur, on ne fait pas d'écologie contre les citoyens qui habitent dans les zones à protéger. J'ai signé deux circulaires à l'attention des préfets et de mes services, afin de redéfinir une méthode d'action sur le terrain.

Le rapport remis par le sénateur Jean-François Le Grand, dont je tiens à saluer le travail, dans le cadre de la mission d'information qui lui a été confiée par la commission des affaires économiques du Sénat, a été très utile pour relancer cette dynamique. Les grandes orientations proposées par M. Le Grand reçoivent un accueil très favorable de ma part et mes services travaillent à leur mise en oeuvre concrète par des dispositions législatives.

Près de cent trente sites ou propositions de sites ont été notifiés à la Commission européenne en dix-huit mois, afin d'éviter de nouvelles condamnations au titre de la directive « habitats » ou de la directive « oiseaux », qui engendreraient de lourdes astreintes.

Environ sept cents documents d'objectifs sont en cours d'élaboration ou déjà achevés, ce qui ouvre la voie à la passation de contrats. Ainsi, pour les acteurs de terrain, Natura 2000 représente non seulement des contraintes, mais aussi une chance de développement.

En matière budgétaire, précisément, aux 17,84 millions d'euros prévus pour 2004 sur Natura 2000 s'ajoute ma proposition d'exonération fiscale de la taxe foncière non bâtie sur les propriétés situées en zone Natura 2000 et qui font l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site.

En outre, les actions relatives au bon état écologique de l'eau et des milieux humides pourront bénéficier d'une partie du fonds de concours exceptionnel des agences de l'eau. Je resterai bien entendu très vigilante, afin de permettre à l'ensemble des réseaux de gestionnaires d'espaces naturels d'oeuvrer efficacement pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel.

J'évoquerai maintenant le plan bruit que j'ai largement développé ce matin.

En premier lieu, à partir du 1er janvier prochain, les gestionnaires des dix principaux aéroports nationaux vont bénéficier d'une taxe sur les aéronefs dont le montant, consacré dans son intégralité à l'insonorisation des riverains situés dans les plans de gêne sonore, passe de 17 millions d'euros en 2003 à 55 millions d'euros en 2004. Cette amélioration quantitative est particulièrement significative, puisqu'elle représente un triplement des crédits. Elle s'accompagnera d'une simplification des circuits administratifs pour permettre de régler des dossiers particulièrement urgents et d'accélérer le rythme des travaux.

Nous devrions parvenir à un total de 8 800 logements par an, ce qui représente un triplement du nombre de logements insonorisés.

Dans le domaine des transports terrestre, j'ai élaboré en collaboration avec Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo un plan d'insonorisation de 50 000 logements en cinq ans, orienté vers les quartiers les plus exposés au bruit se situant dans les zones urbaines sensibles. En effet, dans ces quartiers urbains défavorisés, la gêne sonore vient aggraver d'autres handicaps sociaux.

Le deuxième axe de ce plan concerne aussi la lutte contre le bruit au quotidien. Un décret permettant la saisie et la destruction des pots d'échappement des deux-roues non conformes à la réglementation du bruit sera pris dans quelques semaines.

M. Adrien Gouteyron. C'est très bien ! Les maires attendent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est en effet très attendu.

Enfin, le ministre de la justice donnera des instructions pour que les plaintes soient mieux traitées, d'abord par une médiation, puis, le cas échéant, par les sanctions pénales appropriées.

Le troisième axe de ce plan est orienté vers la préparation de l'avenir, en particulier avec une dotation aux crédits de recherche.

Vous avez bien fait de le souligner, monsieur le sénateur, la lutte contre le bruit constitue bien de l'écologie au quotidien.

M. Paul Dubrule. Merci, madame la ministre, de votre réponse, qui était parfaite !

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, vous l'avez fort bien exprimé tout au long de ce débat, votre budget est un budget « vrai ».

M. Didier Boulaud. Ah bon !

M. Adrien Gouteyron. Vous n'avez dissimulé ni ses forces ni, parfois, ses insuffisances, et nous vous en savons gré.

La hausse des crédits, pour légère qu'elle soit, témoigne dans le contexte difficile que connaît notre pays d'une véritable volonté, d'une très forte détermination, que je salue, et exprime la cohérence de votre politique autour d'un certain nombre d'axes : la lutte contre les risques naturels et technologiques, la protection des espaces naturels, l'amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens, que M. Paul Dubrule vient d'évoquer à propos du plan bruit. Tous ces points sont essentiels.

Je souhaite intervenir sur la protection contre les risques, en particulier d'inondation. Vous avez fait voter une loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Votre effort pour développer chez nos compatriotes la conscience à la fois des risques et de la nécessité de la prévention me paraît en effet primordial.

Les événements dramatiques qui ont touché un certain nombre de départements, dont le mien, celui de la Haute-Loire, nous rappellent la nécessité d'une politique forte de prévention des risques naturels, et plus particulièrement des risques d'inondation.

Madame la ministre, après les inondations qu'a connues le département du Gard, vous avez lancé un appel à projet pour soutenir des plans de prévention des inondations. Sur la centaine de dossiers que vous avez reçus, vous en avez sélectionné une trentaine, dont celui qui concerne le département qui m'est cher. L'ensemble de ces plans, représenterait quelque 444 millions d'euros et l'engagement de l'Etat s'élèverait à presque 131 millions d'euros. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres, madame la ministre ?

Par ailleurs, comment les actions vont-elles s'engager selon vous et quel en sera l'échéancier ? Il y a urgence, madame la ministre. Les événements le montrent et il nous faut agir et avancer.

Ma question a pour objet de vous inviter à nous en dire un peu plus sur ces actions primordiales. Vous avez utilisé tout à l'heure une formule que j'ai aimée : « A ma place, il faut penser global, mais il faut aussi agir local ou, au moins, aider à agir local » ; je souhaite vous donner l'occasion d'illustrer cette belle devise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'avais pris soin de noter cette belle formule ! (Sourires.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, la sécurité de nos concitoyens est au coeur de mon action ministérielle. Elle est évidemment assurée au premier chef par les services de police et de justice, mais la soif de sécurité de nos concitoyens justifie que d'autres ministères s'attachent à répondre à ce besoin.

La prévention des risques naturels, industriels et technologiques est donc l'une de mes toutes premières priorités. Les augmentations de crédits prévues dans le projet de budget du ministère de l'écologie et du développement durable en sont la preuve.

La prévention des inondations - j'ai déjà eu l'occasion d'en parler - passe par plusieurs axes, le premier d'entre eux étant l'établissement de plans de prévention des risques.

Certes, cela impose des contraintes, mais il faut prendre en considération les dérives de l'urbanisme. En accompagnant le Président de la République dans les Bouches-du-Rhône, voilà deux jours, j'ai constaté que les préfets étaient encore saisis de demandes de constructions de maisons privées, voire, ce qui est pire, de constructions publiques, en pleine zone inondable. C'est absolument anormal !

J'ai donc l'ambition que soient prescrits 10 000 plans de prévention des risques, notamment des risques d'inondations, mais aussi des risques d'incendies de forêts.

On a vu cet été les conséquences dramatiques qu'a entraînées l'absence de plan de prévention des risques d'incendies de forêts, PPRIF, dans le Var : aucun n'existait et maintenant treize sont prescrits.

Nos concitoyens doivent aussi avoir conscience des risques. Les populations sont mobiles. Auparavant, on habitait là où ses parents étaient nés. On connaissait le rythme biologique du territoire sur lequel on vivait. Maintenant, du fait de la réurbanisation, les habitants ignorent souvent qu'ils sont en zone inondable. Tous les actes de location ou de vente devront porter la mention que le bien est situé ou non en zone inondable.

De surcroît, des repères de crues seront apposés sur les bâtiments publics ; c'est parlant. Des réunions d'information seront organisées par les maires des communes situées en zone inondable pour sensibiliser les populations aux comportements qu'ils devront observer en cas d'inondation.

De plus, nous nous attelons à l'urbanisme existant en permettant des délocalisations, des adaptations de logements. Nous avons également mis sur pied l'appel à projets des collectivités territoriales, qui mobilisera effectivement 130 millions d'euros de la part de l'Etat sur quatre ans, ce qui correspond à peu près au calendrier des travaux qui nous sont proposés par les maîtres d'ouvrage.

Trois axes peuvent être définis pour cet appel à projets.

D'abord, il convient d'entretenir les ouvrages existants. On m'a présentée comme une militante anti-ouvrages. Lorsque des ouvrages existent, il faut les conforter. Les digues de Camargue viennent de nous le rappeler.

Une vraie politique de prévention et d'information des populations doit aussi être menée, comme je l'ai dit.

Par ailleurs, des techniques écologiquement douces qui ralentissent le flux dynamique en amont doivent être mises en oeuvre, créant des zones d'expansion des crues avec des servitudes de surinondation. Il est juste que les agriculteurs qui accepteront de surinonder leurs terres reçoivent une rémunération. Le texte le permet.

Je salue d'ailleurs la profession agricole qui a travaillé dans un grand esprit de solidarité. Ces agriculteurs, qui sont en amont et ne sont donc pas menacés par les crues, ont accepté des contraintes pour protéger la zone aval urbanisée desdites crues. Ils utiliseront des techniques qui empêchent l'érosion des terres labourées en parallèle du lit de la rivière, replanteront des bosquets, referont du bocage et aménageront des chemins creux.

Tel est le sens de l'appel à projets, et je suis très heureuse, monsieur le sénateur, que votre département ait répondu par un projet de très grande qualité.

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.

ÉTAT B

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titres V et VI

M. le président. « Titre III : 32 451 259 euros. »

Je mets aux voix les crédits du titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 11 530 798 euros. »

La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.

M. Jean-Philippe Lachenaud. Madame la ministre, à l'occasion de l'examen des crédits de l'ADEME, a été évoquée la politique de lutte contre les nuisances sonores, principalement dans l'environnement des aéroports.

Je tiens à vous dire, comme je l'ai exprimé tout récemment à vos collègues MM. de Robien et Bussereau, combien notre inquiétude est grande et combien la situation est dramatique aujourd'hui, car les conditions d'un développement durable, de Roissy notamment, ne sont absolument pas réunies.

C'est pourquoi, tout en comprenant que vous modifiiez les dispositifs juridique et financier d'action pour l'indemnisation des nuisances sonores, je suis conduit à vous faire part de quelques réflexions.

Tout d'abord, les crédits vont augmenter de manière très sensible, puisque le produit de la TGAP, la taxe sur les activités polluantes, va passer d'environ 17 millions à 55 millions d'euros. Cela permettra de développer et d'intensifier l'action d'insonorisation des maisons et des ouvrages publics situés dans les zones exposées au bruit des aéroports, non pas uniquement à Roissy, bien évidemment, mais dans l'ensemble de notre pays. C'est une bonne chose.

Cependant, nous craignons qu'en cours d'année le montant de ces crédits ne s'avère insuffisant.

Actuellement, deux tiers des dossiers de demande d'indemnisation concernent des nuisances qui se produisent dans la zone de l'aéroport de Roissy. Que se passera-t-il, madame la ministre, si, en raison de la qualité des dossiers et de la rapidité de leur instruction, le montant des indemnisations accordées excède, en 2004, le montant de TGAP prévu ? Le Gouvernement prendra-t-il les dispositions nécessaires afin de prévoir des crédits aussi « évaluatifs » que possible et répondre ainsi aux demandes des personnes concernées ? Au demeurant, l'indemnisation n'est évidemment pas une solution parfaite. Vivre en permanence avec les fenêtres fermées et ne pas pouvoir profiter de son jardin n'est, en effet, vraiment pas agréable.

S'agissant, plus particulièrement, de l'instruction des dossiers d'indemnisation, il est prévu qu'elle sera assurée par Aéroports de Paris, ADP, et par les opérateurs des aéroports sur l'ensemble du territoire français. Certes, cette disposition a sa logique propre. Mais vous comprendrez, madame la ministre, et je vous le dis avec solennité, qu'elle soit très mal perçue psychologiquement par les habitants des secteurs exposés aux nuisances aéroportuaires.

Je vous invite à relire le compte rendu de la réunion qui s'est tenue dans le Val-d'Oise au sujet du PGS, le plan de gêne sonore. Les élus, les associations et les habitants ont tous parlé du décalage fantastique qu'ils ressentaient entre la notion de nuisances exprimée en termes scientifiques et peu lisibles - que signifient d'ailleurs les initiales de l'indice LDEN ? - et les nuisances réellement vécues. Il y a un décalage entre les nuisances émises par les avions et les nuisances perçues par les habitants, qui est fonction de leur situation, selon qu'ils vivent dans la vallée, sur une colline, qui est également fonction du nombre des mouvements aériens et du moment où les vols ont lieu, la nuit ou le jour.

Nous souhaitons donc que soit engagée une réflexion sur les indicateurs de nuisances sonores. A cet égard, M. Raffarin nous a indiqué que le Gouvernement en était d'accord.

Par ailleurs, pour quelles raisons l'ADEME sera-t-elle déchargée de la mission d'instruction des dossiers d'indemnisation au profit d'ADP ? Dans une période antérieure, alors qu'ADP avait la responsabilité des dossiers, cela s'est mal passé. Les riverains refusent qu'ADP, en qui ils n'ont plus confiance, instruise leurs dossiers.

Puisque vous prévoyez que l'assistance technique peut être fournie par l'ADEME, acceptez l'alternative suivante : dans certains sites aéroportuaires, l'exploitant de l'aéroport pourra assurer l'instruction des dossiers ; en revanche, si les habitants ou les élus le souhaitent, en raison, par exemple, de dispositions locales ou d'un climat politique particulier, ils pourront confier à l'ADEME pour l'année 2004 le soin d'instruire les dossiers. En tout état de cause, à l'avenir, cette charge reviendra aux communautés aéroportuaires, qui devraient être créées par une proposition de loi que le Sénat examinera jeudi prochain. Ces communautés pourront, en tant que maîtres d'ouvrage, gérer les crédits d'indemnisation des nuisances sonores.

Telles sont les réflexions que je souhaitais faire à propos du budget de l'ADEME, avec beaucoup de conviction et de solennité, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie de votre intervention, monsieur le sénateur, car je sais que vous êtes au plus près des populations qui subissent de fortes nuisances sonores, lesquelles sont la première source de souffrance de nos concitoyens.

Faut-il augmenter encore la taxe sur les nuisances sonores des compagnies aériennes ? Le Gouvernement a décidé de la tripler, la portant de 17 millions d'euros à 55 millions d'euros. Nous analyserons la façon dont ces crédits seront consommés. Nous verrons bien comment les dossiers vont se présenter. Nous allons tripler le nombre de logements insonorisés, ce qui est déjà considérable. Si le rythme s'accélère, nous pourrons envisager de faire jouer davantage le principe « pollueur-payeur » puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

A qui faut-il déléguer la responsabilité de cette opération ? On ne peut que constater que le mécanisme actuel ne donne pas satisfaction. L'instruction des dossiers est trop lente. Nous avons préféré rapprocher la gestion des dossiers d'ADP. Si cela marchait mal auparavant, c'est qu'il n'y avait pas d'argent. ADP se voyait présenter de nombreux dossiers mais sans avoir de financement. Toutefois, pour rassurer les populations, qui pourraient à juste titre s'inquiéter, une commission présidée par le préfet contrôlera l'utilisation des fonds par ADP, ainsi que l'évolution des dossiers.

L'Etat ne renonce donc en rien à son pouvoir de vérification et, en quelque sorte, à son pouvoir « régalien », même si le mot est sans doute un peu fort s'agissant du traitement des dossiers des nuisances sonores.

L'amélioration est donc à la fois quantitative - et nous allons tester en temps réel si les moyens prévus sont suffisants - et qualitative, puisqu'il s'agit de rassurer les populations.

M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. additionnel après l'art. 74 ter

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 45 800 000 euros ;

« Crédits de paiement : 15 774 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 298 340 000 euros ;

« Crédits de paiement : 82 557 000 euros. »

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Je vous rappelle, madame la ministre, que, dans le « jeu » des questions-réponses, une seule approche est possible. Nous ne pouvons pas, bien sûr, nous substituer à nos camarades de l'UMP et dire - je leur en laisse d'ailleurs toute la responsabilité - que tout est parfait.

Je peux comprendre, madame la ministre, les choix que vous avez dû effectuer. La protection des vies humaines et la sécurité sont primordiales. Mais je regrette que ces choix laissent ainsi de côté l'écologie, alors que son abondement dans votre budget, je l'ai déjà dit, ne représenterait pas un gros effort pour les finances de l'Etat.

C'est pourquoi, déplorant les contradictions qui existent entre certains effets d'annonce et les réalités du terrain, nous ne voterons pas votre budget.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-58 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l'article 74 ter, rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'écologie et au développement durable.