SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2).
Écologie et développement durable (p. 3)
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.
MM. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre.
M. Nicolas Alfonsi, Mme la ministre.
Mmes Odette Herviaux, la ministre.
M. Marcel Deneux, Mme la ministre.
M. Serge Lepeltier, Mme la ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 4)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
Mmes Evelyne Didier, la ministre.
Mmes Yolande Boyer, la ministre.
M. Paul Dubrule, Mme la ministre.
M. Adrien Gouteyron, Mme la ministre.
Crédits du titre III. - Adoption (p. 5)
Crédits du titre IV (p. 6)
M. Jean-Philippe Lachenaud, Mme la ministre.
Adoption des crédits.
Crédits du titre V. - Adoption (p. 7)
Crédits du titre VI (p. 8)
Mme Odette Herviaux.
Adoption des crédits.
Article additionnel après l'article 74 ter (p. 9)
Amendement n° II-58 rectifié bis de M. Adrien Gouteyron. - MM. Adrien Gouteyron, le rapporteur spécial, Mmes la ministre, Odette Herviaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Défense (p. 10)
MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances pour les dépenses ordinaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
MM. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Jean Faure, rapporteur pour avis pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Philippe François, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Gendarmerie ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Forces terrestres ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Air ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Marine ; Mme la ministre.
M. le président de la commission, Mme la ministre.
M. Didier Boulaud, Mme la ministre.
M. Paul Dubrule, Mme la ministre.
Mmes Hélène Luc, la ministre.
M. François Fortassin, Mme la ministre.
M. Adrien Gouteyron, Mme la ministre.
M. Jean-Yves Autexier, Mme la ministre.
M. Michel Thiollière, Mme la ministre.
M. Robert Del Picchia, Mme la ministre.
M. Bernard Plasait, Mme la ministre.
Article 46 (p. 11)
Adoption des crédits du titre III.
Adoption de l'article.
Article 47 (p. 12)
Crédits du titre V. - Mmes Hélène Luc, la ministre. - Adoption.
Crédits du titre VI. - Mme Hélène Luc. - Adoption.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance (p. 13)
3. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 14).
4. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 15).
Services du Premier ministre (suite)
V. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 16)
MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Daniel Soulage, Daniel Goulet, Mme Evelyne Didier, M. François Fortassin, Mme Yolande Boyer, M. Michel Thiollière.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Crédits des titres III, IV et VI. - Adoption (p. 17)
Fonction publique et réforme de l'Etat (p. 18)
MM. Roger Besse, en remplacement de M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances ; Roger Besse, en remplacement de M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jacques Mahéas, Mme Evelyne Didier, M. Yann Gaillard.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Crédits du titre III (p. 19)
M. Jacques Mahéas.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV et V. - Adoption (p. 20)
5. Transmission de projets de loi (p. 21).
6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 22).
7. Ordre du jour (p. 23).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures quinze.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Ecologie et développement durable
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, aux deux rapporteurs pour avis, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits du budget de l'écologie et du développement durable s'établiront, en 2004, à 856 millions d'euros, contre 768 millions d'euros en 2003, soit une progression apparente de 11,4 %.
Il faut toutefois relever que le ministère de l'écologie et du développement durable reprend à son compte les crédits du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, qui sera budgétisé à compter du 1er janvier 2004, soit une augmentation de son périmètre de 83 millions d'euros.
L'intégralité du prélèvement sur les agences de l'eau revient donc en 2004 au ministère de l'écologie et du développement durable, alors que, en 2003, sur les 81 millions d'euros qui avaient été prélevés sur les agences de l'eau, seuls 60 millions d'euros avaient été affectés au FNSE, les 21 millions d'euros restants ayant été inscrits au budget général.
A périmètre constant, les crédits du ministère de l'écologie enregistreront donc en 2004 une croissance de 0,2 %, et de 2,7 % si l'on inclut le fonds national de solidarité pour l'eau.
Permettez-moi maintenant quelques observations.
Premièrement, l'exécution budgétaire 2002 traduit certaines améliorations.
Les crédits disponibles pour la gestion 2002 se sont, en définitive, élevés à 1,15 milliard d'euros, soit 149 % du montant des ouvertures inscrites dans la loi de finances. Le taux de consommation global s'est établi à 66,7 % des crédits disponibles. Si l'on tient compte, cependant, de l'obligation de reporter 303 millions d'euros de crédits de paiement, le taux de consommation réel s'établit à 90 %, ce qui nous paraît être une bonne chose.
Deuxièmement, le fascicule budgétaire reste objectivement peu lisible. En effet, la nomenclature retenue ne permet pas, ou mal, d'identifier la plupart des mesures financées dans ce projet de budget.
L'intitulé de la plupart des chapitres et articles budgétaires reste extrêmement général, voire ambigu, et il est rare que l'intégralité d'un chapitre soit consacrée au financement d'une seule action.
Quant aux informations écrites relatives aux politiques conduites, on peut difficilement les rapprocher des informations chiffrées fournies par la nomenclature budgétaire.
Enfin, les indicateurs de résultats sont souvent peu significatifs et ne permettent pas d'apprécier véritablement les résultats des politiques publiques environnementales ni, a fortiori, leurs performances. Des exemples figurent dans le rapport écrit.
Si l'on observe, cette année, un effort pour compléter certains tableaux, qui étaient auparavant partiellement ou totalement vides, il faudra attendre la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, pour que la situation évolue réellement.
Dans cette perspective, le projet de ventilation des crédits par action et sous-action transmis par le ministère de l'écologie et du développement durable accroît la lisibilité du budget, ce que l'on ne peut que saluer. Je souhaiterais toutefois pouvoir disposer d'un certain nombre de chiffres, qu'à ce jour je n'ai pas pu obtenir.
Troisièmement, concernant précisément l'application de la LOLF, le ministère de l'écologie et du développement durable s'est mobilisé tardivement pour mettre en oeuvre cette réforme, ainsi que l'ont constaté les inspections générales des finances et de l'environnement.
Il est envisagé d'englober la section budgétaire du ministère de l'écologie et du développement durable dans une mission unique et spécifique au ministère, intitulée « Les politiques de l'environnement », comprenant un programme unique.
Une réflexion interministérielle est en cours afin de savoir s'il convient ou non de traiter le budget civil de recherche et développement, le BCRD, dans le cadre d'une mission interministérielle. Un programme traiterait, en outre, spécifiquement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, et serait intégré à la mission interministérielle Recherche.
Le programme Ecologie et développement durable sera composé de quatre actions. Il s'agira de trois actions de politique : Sécurités et pollutions, avec 190 millions d'euros ; Eau et patrimoine naturel, avec 150 millions d'euros, et Développement durable, avec 50 millions d'euros. Une action support regroupera tous les crédits de personnel du ministère ainsi que la totalité des crédits qui ne peuvent pas être directement affectés à la mise en oeuvre d'une politique. Cette action devrait représenter environ 180 millions d'euros.
Vous avez noté que cela représente donc 570 millions d'euros sur un budget de 856 millions d'euros, et vous vous demandez où est la différence : elle est dans l'interministériel du BCRD et de l'IRSN.
Pour que nous puissions nous y retrouver plus facilement, il nous faudrait quand même disposer d'un peu plus de précisions, madame la ministre.
Par ailleurs, le ministère de l'écologie expérimentera la mise en oeuvre de la LOLF dans toutes ses composantes, dans le cadre d'un budget opérationnel local, en 2004. La direction régionale de l'environnement de Midi-Pyrénées a été retenue pour mener cette expérience, que nous suivrons avec beaucoup d'attention.
Quatrièmement, les orientations budgétaires du ministère sont satisfaisantes.
Je relève, d'abord, la budgétisation du FNSE, qui est une opération souhaitable. J'avais en effet noté que le FNSE avait été institué avant que ses missions n'aient été définies, que le fonctionnement du fonds, effectif à compter de 2001, était peu optimal et que la gestion financière du FNSE était mauvaise, ce que soulignait le très faible taux de consommation des crédits.
Je souligne, ensuite, les efforts accomplis par le ministère pour maîtriser la dépense en 2004.
A périmètre constant, les dépenses ordinaires diminuent, tandis que les crédits d'investissement augmentent et que les autorisations de programme baissent.
Un effort particulier a été réalisé pour identifier les priorités. C'est ainsi que les crédits consacrés à la protection de la nature diminuent de manière importante. En revanche, la politique de l'eau et la politique de prévention des pollutions et des risques font l'objet d'un effort particulier, notamment avec la création du service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations, le SCHAPI.
La politique de l'eau sera un thème central en 2004, puisque le Gouvernement a annoncé sa volonté d'en modifier l'encadrement législatif. Nous attendrons donc avec intérêt les propositions en la matière !
Enfin, si un effort a été effectivement réalisé concernant les départs à la retraite, puisque trente-cinq personnes partant à la retraite ne seront pas remplacées, il reste que le nombre global des effectifs augmente de 88 emplois, dont 35 créations nettes. Si le ministère de l'écologie contribue à l'effort de maîtrise de la dépense, il n'est pas le mieux placé en la matière, compte tenu de la mise à disposition d'un certain nombre de personnels à travers d'autres ministères.
Ce sera ma cinquième observation. Des moyens détournés seront utilisés en 2004 pour financer l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
L'ADEME, qui recevra une subvention de 100 millions d'euros de la part du ministère de l'écologie et du développement durable en 2004, voit son budget de fonctionnement légèrement augmenter, à 29,4 millions d'euros. En revanche, les crédits de paiement de 71 millions d'euros restent stables, tandis que les autorisations de programme de 167 millions d'euros diminuent de 23,4 %.
La stabilité des crédits de paiement est inquiétante dans la mesure où ces crédits avaient été calculés l'an passé en fonction de reports qui ne seront plus disponibles en 2004.
L'année 2004 aurait donc dû être une année de vérité, marquée par une croissance importante de la dotation de l'ADEME pour lui permettre d'assurer ses missions. (Mme la ministre s'étonne.) Je vous rassure, madame la ministre, vous n'êtes pas responsable de cette situation : c'est votre prédécesseur qui avait permis que les crédits en faveur de l'ADEME chutent de 500 millions de francs. Il faut maintenant remonter la pente, si je puis dire. La tâche n'est pas facile, mais elle est indispensable ; à défaut, l'ADEME ne pourra plus remplir sa mission.
Cette année, vous permettez à l'ADEME de mieux maîtriser ses finances en la déchargeant de deux missions : le financement de la filière de collecte et d'élimination des huiles usagées et l'aide à l'isolation phonique des riverains des aéroports.
En ce qui concerne les huiles, la filière actuelle de collecte et d'élimination des huiles usagées est organisée sur la base d'un réseau des ramasseurs agréé et le financement du dispositif est assuré par l'ADEME, qui dispose à cet effet d'une dotation budgétaire spécifique de 19 millions d'euros en 2003. Elle n'aurait donc plus à l'avenir à remplir une mission dont le coût était supérieur à la ressource afférente. On peut donc penser que des sociétés identiques à Adelphe et Eco-emballages seront chargées d'assurer le ramassage des huiles usagées. Ces sociétés, qui seraient directement opérateurs, percevraient une contribution auprès des producteurs d'huile. La TGAP-huiles devrait donc être amenée à disparaître. Or cette question, madame la ministre, n'est pas abordée dans le projet de loi de finances pour 2004. J'aimerais donc savoir ce que vous envisagez. Si rien n'est prévu dans ce projet de loi, comment le tout s'organisera-t-il ?
De la même manière, à partir du 1er janvier 2004, l'activité de lutte contre les nuisances sonores au profit des riverains des aéroports sera transférée aux établissements de gestion de ces infrastructures. Les gestionnaires des dix principaux aéroports vont ainsi bénéficier du produit de la TGAP sur le bruit, conformément au principe de réparation des nuisances qu'elles suscitent. Le produit de cette taxe augmentera de 17 millions d'euros en 2003, et s'élèvera à 55 millions d'euros en 2004. Ce produit sera désormais directement et intégralement affecté à l'isolation phonique des logements situés dans les plans de gêne sonore et sera modulé en fonction de l'aéroport, du type d'avion et de l'heure de décollage : il n'est pas fait état de l'âge du capitaine, mais on n'en est pas loin ! (Sourires.)
L'ADEME pourra, à leur demande, assister les gestionnaires d'aéroports en 2004.
L'article 16 du projet de loi de finances rectificative pour 2003 traite de cette question et crée une taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires, à partir du 1er janvier 2005.
Ce transfert sera bénéfique pour l'ADEME, dont les dépenses étaient supérieures aux recettes tirées de cette action. Toutefois, cela ne sera sans doute pas suffisant pour résoudre ses problèmes.
La solution que vous avez trouvée pour satisfaire ce besoin de financement, madame la ministre, consiste à prélever 210 millions d'euros supplémentaires auprès de quatre agences de l'eau, par le biais d'un fonds de concours constitué uniquement de crédits de paiement et à vocation temporaire. A cet égard, on peut se demander si celles qui avaient consommé l'ensemble de leurs crédits, et sur lesquelles aucun prélèvement n'a donc pu être opéré, ont bien géré, mais c'est une autre question... (Mme la ministre lève les bras au ciel.)
Je voudrais ici saluer votre talent, madame la ministre, puisque c'est volontairement que ces agences vous ont donné cet argent, ce qui vous évite, comme l'année dernière, de passer devant le Parlement pour les demander : c'est plus commode ! (Sourires.) Mais nous y reviendrons.
Sur ces 210 millions d'euros, 135 millions d'euros reviendraient à l'ADEME, pour faire face à ses dépenses en matière de déchets ; 60 millions d'euros iraient à la lutte contre les inondations, tandis que 15 millions d'euros serviraient à financer les zones naturelles humides.
Ce prélèvement de 210 millions d'euros sur les agences de l'eau peut se justifier dans la mesure où certaines agences disposent d'une abondante trésorerie, soit 871 millions d'euros cumulés à la fin août 2003.
Cela étant, le mécanisme proposé est critiquable à un double titre.
D'une part, il est contestable dans la mesure où ce fonds de concours n'est pas utilisé uniquement pour couvrir des besoins de paiement de politiques liées à l'eau ou aux milieux aquatiques. Les sommes dédiées à ces politiques ne constituent que 35,7 % du montant prélevé sur les agences de l'eau, les 64,3 % restants allant à l'ADEME - on ne peut tout de même pas dire que le tri sélectif relève de la politique de l'eau -, alors que le ministère évoque une « contribution exceptionnelle des agences de l'eau aux dépenses d'investissement du ministère de l'écologie et du développement durable dans le domaine de la politique de l'eau et des milieux humides ».
D'autre part, ce mécanisme apparaît comme une réponse conjoncturelle au problème du financement de l'ADEME, qui doit être traité plus globalement et qu'il faudra bien aborder un jour ou l'autre.
Pour terminer, madame la ministre, je vous poserai quelques questions.
Quelles sont vos intentions concernant le financement de l'ADEME ? Car vous ne pourrez pas recourir tous les ans à un prélèvement sur les agences de l'eau : il vous faudra bien revenir à une dotation, qu'il sera nécessaire ensuite de réévaluer.
Comment allez-vous organiser l'activité « huiles », qui était jusqu'à présent assurée par l'ADEME ? L'Agence reçoit encore des fonds à ce titre, mais aucune disposition n'est prévue à l'heure actuelle. Quelles modalités concrètes envisagez-vous ? Quand le dispositif sera-t-il opérationnel ?
Par ailleurs, l'inspection générale des finances a critiqué le financement des associations intervenant dans le champ de l'environnement. Comment le ministère entend-il refondre la politique d'attribution de ces subventions ?
Enfin, j'évoquerai le Conseil supérieur de la pêche, qui connaît un réel problème d'équilibre budgétaire. Cette année, madame la ministre, la dotation que vous lui allouez est maîtrisée. Cependant, des pistes de réforme vous avaient été suggérées, puisqu'il apparaît clairement que les délégations régionales n'exercent pas correctement leurs responsabilités à l'égard des délégations départementales et ne seront jamais en mesure de le faire. Je vous avais donc proposé que les délégations régionales deviennent des centres d'expertise, que les délégations départementales soient placées sous l'autorité du préfet, via la DDA, et que l'on procède à une réduction des effectifs à l'échelon national. Cela me semblait être le seul moyen de maîtriser la situation. Je ne suis d'ailleurs pas loin de penser que vous serez obligée de faire la même chose pour la chasse. Pourriez-vous nous faire connaître votre opinion sur cette question ?
Avant de conclure, je voudrais évoquer un amendement qui a été déposé en dernière minute, l'amendement n° II-58. A titre personnel, son objet ne me choque pas, dans la mesure où, s'il existe un fonds destiné à gérer des problèmes de catastrophes naturelles, il faut bien qu'à un moment ou à un autre il soit utilisé. Or, actuellement, cela se justifie !
Je connais le stock de ce fonds, mais je souhaiterais, avant que nous n'abordions la discussion de l'amendement, que vous nous indiquiez le montant réel des paiements effectués pour chaque exercice ces dernières années.
Je vous remercie d'avance, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureuse d'être aujourd'hui devant vous pour présenter le projet de budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable.
Je salue le travail tout à fait remarquable des rapporteurs et la pertinence de leurs observations.
L'année dernière, je vous avais présenté un budget pour 2003 stable par rapport à 2002, mais profondément remanié en fonction des priorités que j'ai, dès mon arrivée, assignées aux politiques de ce ministère. Cette année, non seulement le budget que je propose à votre approbation traduit encore plus profondément et plus nettement ces priorités, mais, en outre, il est en croissance. Enfin, il est crédible.
Abordons la question de la croissance d'abord. Les moyens de paiement - les dépenses ordinaires et les crédits de paiement - du budget du ministère de l'écologie et du développement durable, qui représentent 856 millions d'euros pour 2004, augmentent à première vue de 11,45 % par rapport à ceux que vous avez votés pour 2003. Cette hausse est liée en fait à l'intégration dans mon budget du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, comme cela n'a pas échappé à la sagacité du rapporteur pour avis, M. Adnot. Hors changement de périmètre - c'est-à-dire si je compare à ces 856 millions d'euros les moyens de paiement dont j'ai disposé en 2003 au titre du budget et du FNSE, soit 829 millions d'euros -, cette hausse reste de 2,7 % hors transfert, ce qui, les membres de la commission des finances ici présents en conviendront, n'est pas négligeable. Dans le contexte budgétaire actuel, elle signifie l'engagement du Gouvernement pour l'écologie et le développement durable.
Cependant, comme tous mes collègues ministres, j'ai conduit une réflexion sur le contour de mon budget, réalisé des arbitrages internes et revu des missions. Cette hausse de 2,7 % s'accompagne donc de redéploiements et de rééquilibrages politiques qui correspondent aux priorités de mon action. Moi aussi, j'ai privilégié la qualité des dépenses du ministère et leur efficacité.
Les emplois du ministère progressent également dans le sens de la sécurité des personnes et des biens.
Le budget que je défends aujourd'hui est crédible. Mes prédécesseurs présentaient des budgets construits, dans une large mesure, autour de chèques en blanc et de promesses, c'est-à-dire avec des moyens de paiement bien inférieurs aux moyens d'engagement - dépenses ordinaires et autorisations de paiement. Ce fut le cas en 2002, où le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement a atteint 284 millions d'euros, mettant réellement en danger la crédibilité de mes politiques comme des finances du ministère.
En 2003, j'ai commencé à réduire cet écart en le ramenant à 222 millions d'euros. Pour 2004, j'ai à la fois augmenté fortement mes crédits de paiement, qui, avec une progression de 44 millions d'euros, sont en hausse de 30 %, et diminué mes autorisations de programme en tenant compte de mes priorités. Cette baisse des autorisations de programme est de 58 millions d'euros hors transfert et de 28 millions d'euros - soit une diminution de 8 % - compte tenu des transferts de politique. Une telle démarche est bien nécessaire pour assurer la crédibilité budgétaire du ministère, question qu'a abordée M. Adnot dans son rapport et sur laquelle je reviendrai.
Ainsi, par ce double rééquilibrage, j'ai réussi à ramener le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement de 222 millions d'euros à 150 millions d'euros pour 2004. Compte tenu de la montée en puissance de certaines politiques et de l'activation des trésoreries des agences de l'eau, mon budget est sincère et réaliste, c'est-à-dire que le ministère de l'écologie et du développement durable disposera l'année prochaine des moyens de paiement nécessaires en comparaison de ses moyens d'engagement, qui, pour 2004, dépassent très légèrement le milliard d'euros, s'élevant à 1,006 milliard d'euros très exactement.
J'en viens donc aux engagements. Le projet de budget pour 2004 a été construit de manière que soient remplis tous les engagements que j'ai pris pour le compte du ministère dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable dont Tokia Saifi et moi-même avons la tâche d'assurer l'animation et le suivi depuis son adoption, en juin dernier, par le comité interministériel du développement durable. Pour asseoir notre crédibilité face à nos collègues ministres, nous nous devons, en effet, d'être exemplaires.
Les moyens humains du ministère ont été renforcés de quatre-vingt-huit emplois. Ainsi, je peux, comme je l'avais annoncé après la catastrophe d'AZF à Toulouse, renforcer de cent emplois l'inspection des installations classées, qui contrôle notamment la sécurité des industries « Seveso ». Le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations, le SCHAPI, qui est spécialisé dans l'interprétation de données de Météo France sur les orages cévenols et dont on a pu observer ces derniers jours, ces dernières heures même, la réelle efficacité, a pu être amené à son niveau opérationnel grâce à vingt emplois supplémentaires.
C'est bien la sécurité de nos concitoyens qui est en jeu. Déjà, le SCHAPI, dans son format actuel, c'est-à-dire avec dix emplois, a pu apporter un appui réel au centre opérationnel de gestion interministérielle des crises et aux équipes sur le terrain.
Bien entendu, le ministère, en dehors des deux priorités que je viens de vous annoncer, participe à l'effort commun de redéploiement interne et de non-remplacement d'une partie des départs à la retraite. La croissance des emplois du ministère - nous savons tous qu'il s'agit d'un sujet sensible - est donc maîtrisée et s'appuie sur une dynamique de réforme interne.
Je veux maintenant répondre de façon exhaustive à vos interrogations, monsieur le rapporteur spécial.
Le ramassage et le recyclage des huiles usagées sont actuellement gérés au travers d'un système entièrement administré par l'ADEME. Cette configuration est très différente de celle d'autres filières de traitement de déchets mises en place récemment, dans lesquelles la responsabilité de l'organisation et de la gestion du système est entièrement dévolue aux producteurs de déchets. Il en est ainsi, par exemple, des filières des pneumatiques usagés ou des véhicules hors d'usage, qui ont été organisées par deux décrets récents.
Le Gouvernement a pris l'option d'adopter pour les huiles un schéma de responsabilités plus classique et de confier à l'avenir la gestion des huiles aux producteurs, considérant qu'il n'entrait pas dans le coeur des missions de l'ADEME de jouer ce rôle. Ce choix s'inscrit dans le recentrage général que j'ai voulu pour l'ADEME, afin qu'elle puisse se consacrer à ses missions de plus forte valeur ajoutée.
Un décret encadrant le nouveau système est nécessaire pour concrétiser ce transfert. Sa rédaction est en cours, avec pour objectif une parution au cours du premier semestre de 2004. Ce délai est court et ambitieux si on prend en considération le temps qui a été nécessaire pour élaborer d'autres textes de ce type : il s'agit en effet de régir la totalité d'une filière industrielle dans laquelle interviennent de nombreux acteurs et où se posent des problèmes tant de concurrence que d'environnement très complexes. Une fois ce texte publié, il conviendra de procéder à la suppression de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, sur les huiles, qui alimentait le budget de l'Etat en rétribution de la mission effectuée par l'ADEME.
Dans le temps intermédiaire, l'ADEME continuera d'assurer sur ses crédits « déchets » la gestion du système d'élimination, ce qui représente un montant de 19 millions d'euros par an. Ce financement sera rendu possible par la phase de montée en puissance du nouveau régime d'aides sur les déchets. En effet, celui-ci n'atteindra pas immédiatement son volume d'engagement nominal et dégagera donc dans l'intervalle les marges de manoeuvre nécessaires.
Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le rapporteur spécial, de la qualité et de la pertinence de votre rapport sur le Conseil supérieur de la pêche. Je rejoins largement vos analyses sur la nécessité de réformer cet établissement public.
Le Conseil supérieur de la pêche, le CSP, a un rôle essentiel à jouer au service des politiques de l'Etat en matière de qualité des milieux aquatiques. L'évolution récente a ainsi conduit les missions de cet établissement à connaître de profondes mutations, dont il faut aujourd'hui tirer les conclusions.
C'est ce que j'entends faire dans le cadre de la réforme de la politique de l'eau que je présenterai au Parlement à partir de l'été 2004 et dont j'indiquerai les grandes orientations lors du colloque qui se tiendra au CNIT le 16 décembre prochain. Bien entendu, le CSP aura sa place dans le dispositif que nous devons mettre en oeuvre pour réaliser les objectifs ambitieux de la directive-cadre sur l'eau.
En attendant, il convenait, comme vous l'avez préconisé, monsieur le sénateur, de donner un coup d'arrêt à la dérive financière que cet établissement a connue au cours des années précédentes. J'ai donc nommé une nouvelle directrice générale, Mme Blanc, à qui j'ai confié la tâche de procéder au redressement budgétaire, matérialisée dans sa lettre de mission. Les résultats obtenus jusqu'à présent sont conformes à mes attentes et aux objectifs précis que je lui ai fixés, puisque le budget pour 2004 vient d'être approuvé par le conseil d'administration du CSP avec une subvention de l'Etat ramenée de 20 millions d'euros pour 2003 à 14 millions d'euros, sans augmentation du produit global de la taxe piscicole.
Bien entendu, la concertation que je suis en train de mener avec les différents acteurs de la politique de l'eau, dont le CSP, sera l'occasion de poursuivre cette réforme en profondeur et de tenir compte des préconisations que vous avez vous-mêmes élaborées.
Vous m'avez également interrogée sur les associations. Vous avez rappelé qu'un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement avait pointé un certain nombre de dysfonctionnements.
J'ai donc défini une nouvelle politique de soutien au monde associatif de l'environnement. Elle ne concerne que les crédits visant à soutenir les associations de protection de la nature et de l'environnement pour leurs activités générales, et non pas les crédits dédiés aux politiques particulières, comme celle des réserves naturelles, qui sont menées en collaboration avec des associations.
J'ai ainsi défini mes orientations et mes priorités dans l'attribution des décisions individuelles de subvention, et j'en ai fait part aux principales associations. Il s'agit d'aider en priorité des projets ou des actions relatifs, d'abord, à l'information des citoyens et à la participation au débat public, notamment en ce qui concerne les risques ; ensuite, au développement de l'expertise et de la connaissance ; enfin, à l'éducation à l'environnement pour un développement durable.
Ces orientations devront être prises en compte par tous les ordonnateurs lors de l'établissement de leur programmation.
J'ai lancé une concertation avec les associations portant à la fois sur les principaux thèmes de mon action et sur le financement et le mode de représentation des associations. Mon but est en effet de favoriser leur indépendance, notamment financière, ainsi que leur représentativité et leur participation au débat public.
Ces orientations ont été suivies d'une instruction de la direction générale du ministère, qui crée un guichet unique pour les conventions pluriannuelles d'objectifs et rappelle les principes de gestion administrative des crédits publics. Ce rappel n'était sans doute pas superflu.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez ensuite longuement interrogée sur l'ADEME.
L'action de l'ADEME en 2004 tiendra compte des nouvelles orientations que je lui ai fixées.
J'ai tout d'abord défini une nouvelle politique de déchet, fondée, comme je l'ai annoncé en conseil des ministres, sur la réduction à la source des déchets, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage, ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins.
L'ADEME disposera de 70 millions d'euros d'autorisations de programme pour accompagner en 2004 les études ou les équipements neufs, investissements correspondant à ces orientations, en se concentrant notamment sur les opérations exemplaires.
La maîtrise de l'énergie, dotée comme en 2003 de 61 millions d'euros d'autorisations de programme sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable, est un domaine où l'ADEME doit poursuivre son engagement, notamment dans ses programmes d'information et de sensibilisation, d'utilisation rationnelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables.
Une partie de ces actions figureront dans le plan « climat », que je présenterai dans quelques jours.
Les autres politiques de l'ADEME sont inchangées, à l'exception du bruit, dont la compétence est transférée, comme cela a été annoncé, aux gestionnaires d'aéroport, et du recyclage des huiles, dont la compétence sera transférée aux opérateurs concernés.
Ces évolutions traduisent mon engagement au profit des politiques qu'après une revue des missions j'ai jugé bon de maintenir à l'ADEME.
En termes de budget de l'établissement, les ressources en autorisations de programme seront en diminution de 15 % à périmètre constant entre 2003 et 2004. Cette diminution recouvre deux évolutions très différentes.
La première est une diminution de 50 % des dotations sur les déchets, conséquence à la fois de l'effort exceptionnel qu'ont fourni l'ADEME et l'Etat dans ce domaine ces deux dernières années, et de la nouvelle politique que j'ai définie, au lendemain de la date échéance du 30 juin 2002.
La seconde est une augmentation de 25 % des dotations sur l'énergie dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Car, en plus des 61 millions d'euros d'autorisations de programme inscrits à mon budget en loi de finances initiale, l'ADEME pourra disposer de 40 millions d'euros supplémentaires issus de réaffectations et qui seront consacrés au plan « climat ».
Dans le domaine des crédits de paiement, l'ADEME honorera en 2004 tous ses engagements, notamment grâce aux fonds de concours des agences de l'eau.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez également interrogé sur le budget de 2005. A chaque jour suffit sa peine ! Je suis venue vous parler des crédits inscrits au projet de budget de l'environnement pour 2004. Nous aurons l'occasion, à partir des nouvelles définitions des missions de l'ADEME, de nous interroger, au cours du premier semestre, sur la façon dont nous architecturerons le budget de 2005.
Je reviens au fonds de concours des agences de l'eau.
J'ai été amenée à proposer aux conseils d'administration de quatre des six agences de l'eau, comme l'a permis le législateur dans la loi sur l'eau de 1964, un fonds de concours exceptionnel, grevé d'une servitude d'affectation selon les termes de l'article 14 de cette loi, à hauteur de 210 millions d'euros.
J'ai voulu respecter le principe selon lequel l'argent de l'eau retourne à l'eau, principe qu'il n'est en effet pas question de remettre en cause, et activer une trésorerie libre d'engagements pour financer des investissements qui amélioreront l'état écologique de l'eau et participeront au soutien, voire à la relance de l'activité.
Les crédits du fonds de concours seront en effet consacrés uniquement au financement d'investissements relatifs à des politiques directement liées à l'eau ou à son bon état écologique. Un compte rendu précis de l'utilisation de ces crédits sera fait tant au niveau du comité de suivi du FNSE, le fonds national de solidarité pour l'eau, que des conseils d'administration des agences concernées. Je m'y suis engagée devant les présidents de comités de bassin et je tiendrai cette promesse, monsieur le rapporteur spécial. Cette transparence permet de garantir aux agences la bonne destination de ces crédits.
Le montant du fonds de concours a été déterminé agence par agence après une discussion approfondie avec leurs instances dirigeantes en fonction de leur situation financière, qui représentait à la fin de 2002 un fonds de roulement positif d'un milliard d'euros, et de leur programme d'investissement sur la totalité du VIIIe programme. Ainsi, ce fonds de concours ne remet pas en cause le programme d'investissement des agences, ni n'augmente le prix de l'eau pour le consommateur final.
Sur ces bases, les conseils d'administration des agences Seine-Normandie, Rhin-Meuse, Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse ont voté ce fonds de concours à la fin du mois d'octobre, et, pour certaines, à la quasi-unanimité.
Ce fonds de concours est bien entendu une opération exceptionnelle qui ne sera pas reconduite dans le futur. Les efforts de maîtrise budgétaire que j'ai engagés depuis deux ans porteront en effet leurs fruits en 2005.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont mes réponses à cette première salve de questions et, bien entendu, je me tiens à votre disposition pour les compléter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'écologie et du développement durable s'élève à 768,16 millions d'euros pour 2004 et il s'inscrit dans une perspective globalement satisfaisante, en dépit de quelques réserves sur certains moyens financiers de court terme.
Tout en répondant à la contrainte forte de maîtrise des dépenses budgétaires, il dégage les moyens nécessaires au renforcement de la sécurité et de la prévention des risques technologiques et naturels.
L'actualité dramatique de ces jours derniers, avec le bilan très lourd en vies humaines des inondations survenues dans le sud de la France, vous donne malheureusement raison, madame la ministre. Nous devons, et nous devrons pendant de longues années, développer des outils de prévision fiables et mettre en place une politique de prévention volontariste. Pour cela, il faut, sans relâche, responsabiliser les collectivités territoriales, sensibiliser nos concitoyens à la notion de risque et, surtout, financer des actions de prévention nécessaires.
Je me félicite, à ce titre, de la mobilisation du fonds Barnier, rendue possible par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels, qui va aider les collectivités locales et les particuliers à financer ces mesures indispensables.
Au-delà des créations nettes d'emplois qui sont justifiées pour renforcer la sécurité dans les installations classées, une vraie réflexion est menée sur l'organisation des services déconcentrés du ministère, en développant des relations plus étroites avec les services de même niveau des ministères en charge de l'agriculture ou de l'équipement.
Un souci d'efficacité transparaît également dans ce budget, avec l'intégration, dans le budget général, du fonds national de solidarité pour l'eau, solution que nous avions déjà largement défendue l'an dernier, afin de donner plus de lisibilité, madame la ministre, à votre politique dans le domaine de l'eau et de permettre une meilleure consommation des crédits disponibles.
J'en viens à ma propre « salve de questions ».
Premièrement, s'agissant de l'organisation du travail, je voudrais vous demander, madame la ministre, des précisions sur la réorganisation des services déconcentrés de votre ministère.
Vous avez déclaré « ne pas revendiquer la création de directions départementales de l'environnement et vouloir continuer à vous appuyer sur les services départementaux d'autres ministères ». Le décret du 14 novembre 2003 en est l'illustration puisqu'il prévoit que le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt est nommé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement.
Je me réjouis de cette orientation, car, au-delà de ses conséquences positives s'agissant de la nécessaire maîtrise des finances publiques, elle redonne tout son sens au rôle de votre ministère : concevoir une politique et des programmes soucieux de la préservation de l'environnement et de sa mise en valeur, et se donner les moyens de les faire appliquer par l'ensemble des acteurs, au premier chef par les autres ministères.
Quelles seront, madame la ministre, les prochaines étapes de cette réorganisation et du rapprochement envisagé entre les directions régionales de l'environnement, les DIREN, et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE ? Quels sont les objectifs recherchés, quels moyens financiers faut-il mobiliser et sur quelle période ?
Deuxièmement, en ce qui concerne les politiques sectorielles conduites par votre ministère, je veux rappeler que, sur les différents segments que sont l'eau, les déchets ou encore le patrimoine naturel, vos partenaires incontournables sont les collectivités territoriales, regroupées à des échelons géographiques pertinents.
Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris, s'agissant des plans de prévention des inondations au niveau local, sur lesquels l'Etat engagera 130 millions d'euros sur quatre ans, permettant de concrétiser près de 440 millions d'euros de travaux des collectivités locales. De plus, la loi du 30 juillet 2003 renforce les capacités de ces dernières pour intervenir en amont des zones inondées et renforce la coopération entre les différents niveaux de collectivités, à l'échelle pertinente d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique.
Sur d'autres sujets, comme l'alimentation en eau potable, l'assainissement ou encore les déchets, je suis plus inquiet. Le respect de nos obligations communautaires en matière de normes et le renforcement de celles-ci renchérissent inévitablement le coût des investissements à réaliser. Or ces derniers sont de la responsabilité des collectivités territoriales.
Dans ce contexte, le moyen à court terme trouvé pour permettre à l'ADEME de « passer » l'année 2004 n'est guère satisfaisant. Certes, les réserves des agences de bassin permettent sans doute à quatre d'entre elles d'accepter cette contribution volontaire, sans remettre en cause la réalisation de leur viiie programme, construit, il faut le rappeler, en déséquilibre pour absorber cet excédent de trésorerie et diminuer le montant des redevances. Mais les collectivités territoriales s'inquiètent d'une éventuelle diminution des soutiens des agences, notamment pour celles qui sont situées en milieu rural. A cela s'ajoute la diminution des moyens du FNDAE, qui conduit les départements à soutenir les projets d'investissements des collectivités locales.
Mais que se passera-t-il en 2005 pour le volet déchets et énergies renouvelables des interventions de l'ADEME ? Les collectivités territoriales doivent encore s'équiper pour le premier volet et nous savons tous que, dans plusieurs départements, il faudra faire face à une pénurie d'exutoires.
Nous avons besoin d'une vraie politique pour l'ADEME, d'un horizon qui dépasse la stricte année budgétaire afin d'offrir une lisibilité indispensable aux collectivités territoriales. Quelles sont vos propositions, madame la ministre, pour assurer un financement pérenne de l'ADEME et quels sont vos axes de réflexion sur les interventions de l'agence en matière de déchets ?
A la jonction des secteurs de l'eau et des déchets, je voudrais vous interroger sur vos intentions s'agissant des boues des stations d'épuration. C'est une question lancinante, non seulement pour l'ensemble des agriculteurs, mais également pour l'ensemble des partenaires de la filière agricole, de la filière agroalimentaire.
Le volume des boues ne cesse de croître, et les collectivités doivent trouver les moyens d'assurer leur élimination dans des conditions économiques socialement et écologiquement acceptables.
Ces boues ont une image très négative aux yeux du grand public comme à ceux des agriculteurs, leur statut les assimilant à des déchets.
Or, parmi les filières d'élimination, l'épandage sur des terres agricoles doit être préconisé, compte tenu notamment de ses avantages en termes de coût : l'épandage d'une tonne de boue urbaine tracée revient à 38 euros environ, son stockage en centre d'enfouissement technique à 91 euros et son incinération à plus de 182 euros.
Pour encourager la filière de l'épandage, il faut respecter quelques principes forts. Les boues doivent pouvoir être classées comme amendement organique et non plus comme déchet, et leur traçabilité doit être parfaite, afin de pouvoir justifier leur innocuité à chaque étape de leur traitement et de leur utilisation. Enfin, pour parer à d'éventuels accidents de pollution, il faut mettre en place un fonds national de garantie, alimenté par une taxe sur la tonne de boue produite.
C'est à ces conditions que cette filière d'utilisation, qui n'est pas exclusive du recours, dans certains cas, à l'incinération ou au stockage, pourra être développée, car elle sera acceptée par les agriculteurs, par l'industrie agroalimentaire et, surtout, par nos concitoyens.
Vous avez, madame la ministre, organisé fin novembre une conférence des citoyens sur ce sujet. Quels enseignements en tirez-vous et quelles orientations entendez-vous privilégier ?
Enfin, madame la ministre, je souhaite évoquer la réforme constitutionnelle engagée pour introduire la Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution. Entre juin 2002 et juin 2003, ce texte a été longuement débattu et soumis à une très large concertation avant sa rédaction finale, où chaque mot a été évalué et pesé, qu'il s'agisse des sept considérants ou des dix articles qui composent la Charte.
Je crois que le Gouvernement est parvenu à une rédaction équilibrée, notamment pour l'article 3, qui oblige toute personne à prévenir ou à limiter les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement, ou encore pour l'article 4, qui précise que toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement.
En ce qui concerne l'article 5, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, il définit le principe de précaution en matière environnementale, en ne faisant peser cette obligation que sur les seules autorités publiques et en limitant son application aux cas de réelle incertitude scientifique sur des dommages pouvant affecter de manière grave et irréversible l'environnement.
Il s'agit bien de distinguer « précaution » et « prévention », sinon l'on risquerait de paralyser non seulement l'activité économique, mais aussi toute recherche et programme innovants, au nom d'un hypothétique risque zéro, par principe inatteignable. Nous serons très attentifs à ce que cet équilibre soit bien respecté. Je ne rappellerai pas ici la définition du principe de précaution donné par un ministre du gouvernement précédent, dont je tairai le nom. Personnellement, j'aime à penser qu'il s'agit simplement d'une obligation de ne pas faire n'importe quoi tout en étant très attentif aux implications, pour le monde économique, des décisions prises. Pouvez-vous nous indiquer votre position sur ce principe de précaution et nous préciser le calendrier d'adoption de réforme constitutionnelle ?
En conclusion, je ne vous surprendrai pas, madame la ministre, en indiquant que la commission des affaires économiques et du Plan est favorable à l'adoption des crédits affectés à l'écologie et au développement durable pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable est crédible, construit sur des bases apurées. Il bénéficie d'un traitement privilégié puisque, malgré un contexte budgétaire délicat, il progresse, à structure constante, de 2,7 % par rapport aux moyens financiers consolidés du ministère en 2003.
Votre projet de budget est crédible, madame la ministre, car il marque un retour à la vérité des comptes.
Les mesures que vous avez prises ont déjà permis d'améliorer sensiblement, semble-t-il, le taux de consommation des crédits de votre ministère, qui, faut-il le rappeler, était tombé en dessous de 50 % en 2000.
En outre, vous vous êtes attachée à réduire progressivement le différentiel entre moyens d'engagements et moyens de paiement : celui-ci avait atteint 284 millions d'euros en 2002 ; vous nous avez indiqué que vous le ramèneriez à 222 millions d'euros en 2003 et à 150 millions d'euros en 2004.
Nous approuvons votre décision de procéder à la clôture du Fonds national de solidarité pour l'eau et à la budgétisation de ses crédits. C'est une mesure de bonne gestion, qui répond à nos souhaits et permettra au ministère de disposer de ressources plus homogènes pour mettre en oeuvre sa politique de l'eau.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse des crédits de votre ministère, que MM. Adnot et Bizet ont présentés avec leur talent habituel, et focaliserai mon analyse sur quelques points particuliers.
J'évoquerai, tout d'abord, le soutien aux politiques environnementales, dont les crédits devraient atteindre 136 millions d'euros en 2004, soit une progression d'environ 3 %.
Cette hausse modérée vous permet, grâce à un effort sensible de maîtrise des dépenses de fonctionnement, d'accroître de quatre-vingt-huit emplois les effectifs de votre ministère, dans les domaines qui correspondent à vos priorités.
La commission est sensible à votre volonté d'améliorer la gestion interne, et soutient sans réserve vos efforts pour accentuer la dimension interministérielle de votre action en faveur du développement durable. L'adoption de la charte de l'environnement, élaborée par la commission Coppens, devrait d'ailleurs y contribuer.
Nous avons suivi avec attention l'élaboration de ce texte, qui a fait l'objet d'un projet de loi constitutionnelle adopté en juin dernier par le conseil des ministres, comme vient de le rappeler M. Bizet. Son insertion dans le bloc de constitutionnalité la placera au sommet de notre ordre juridique interne.
En conséquence, toutes les lois françaises devront être mises en conformité avec les principes qu'elle énonce, notamment ceux de précaution et de réparation.
Je souhaiterais donc que vous m'indiquiez, madame la ministre, si les différentes administrations susceptibles d'être concernées - je pense non seulement à la vôtre, mais aussi aux départements ministériels chargés du logement, de l'équipement, des transports et des grandes infrastructures - ont commencé de s'organiser pour procéder au « peignage » de tous les textes susceptibles d'être concernés.
A cet égard, a-t-on déjà une première idée des adaptations qui seront nécessaires, et de l'ampleur du chantier législatif qu'elles représenteront ? Seront-elles ou non regroupées dans un projet de loi unique ? J'aurais souhaité, à l'instar de M. Bizet, que vous puissiez également nous donner des précisions sur les modalités et le calendrier d'adoption du projet de loi constitutionnelle, mais je n'ignore pas que ces décisions seront prises, en leur temps, par les plus hautes autorités de l'Etat.
J'en viens maintenant à la protection de l'eau et des milieux aquatiques. Ces actions seront dotées, en 2004, de moyens financiers plus importants et plus homogènes, grâce, en particulier, à la budgétisation du Fonds national de solidarité pour l'eau : 22 millions d'euros supplémentaires sont affectés à des priorités bien définies, au premier rang desquelles figure la prévention des risques d'inondations.
La réforme du dispositif de prévention des crues, dorénavant épaulé par le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations, permettra de renforcer la sécurité de nos concitoyens face à une menace dont les événements de cette semaine ont, une fois de plus, confirmé la réalité et la brutalité. Peut-être pourriez-vous nous parler des premiers retours d'expérience auxquels ont donné lieu ces faits dramatiques ?...
Votre projet de budget, madame la ministre, met également l'accent sur la prévention des risques technologiques : cent emplois nouveaux viendront compléter les effectifs d'inspection des installations classées, ce dont nous nous félicitons.
S'agissant de la protection de la nature, des sites et des paysages, qui intéresse le plus directement la commission des affaires culturelles, contrairement aux autres volets de votre action, qui bénéficient tous d'une augmentation plus ou moins forte des moyens affectés, cet agrégat voit ses crédits ramenés de 121 millions d'euros à 108 millions d'euros en 2004, ce qui représente une diminution de plus de 10 %.
Je note que les subventions de fonctionnement des espaces protégés sont tout juste maintenues au niveau des crédits disponibles en 2003, sauf pour les réserves naturelles, dont les responsables nous ont fait part de leur inquiétude : leurs crédits de fonctionnement devraient diminuer de 3,6 %, alors que quatre nouvelles réserves sont en cours de création et que leurs dépenses de personnel, qui représentent les trois quarts de leurs dépenses courantes, devraient subir une hausse mécanique.
Les crédits d'investissement enregistrent une « pause » plus marquée. Certes, le Conservatoire du littoral a procédé récemment à d'importantes acquisitions, notamment avec les « salins d'Hyères », et un bref répit peut sans doute être envisagé. Vous nous avez d'ailleurs indiqué que si des occasions d'achat se présentaient, des moyens supplémentaires seraient mobilisés.
Le relèvement des capacités d'investissement du Conservatoire du littoral sera cependant nécessaire si nous voulons lui permettre d'atteindre l'objectif qui lui a été assigné en 1995 de porter son patrimoine à 200 000 hectares d'ici à 2050. Cela étant, cet objectif reste-t-il d'actualité ?
Quant aux parcs nationaux, je relève que les projets de création en cours - en mer d'Iroise, à la Réunion et en Guyane - ne devraient pas aboutir en 2004, mais l'échéance se rapproche, ce qui rendra nécessaire un effort financier. Peut-être pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Vous avez indiqué à la commission des affaires culturelles que l'année 2004 serait, pour le patrimoine naturel, une année de réflexion et de conception.
La France, qui a ratifié la convention de Rio de Janeiro sur la diversité biologique, a annoncé, lors du sommet de Johannesburg, son intention de se doter d'une « stratégie nationale pour la diversité biologique ». Ses objectifs et ses orientations sont en cours de définition et devraient faire l'objet d'une première présentation lors de la convention de Kuala Lumpur, en février 2004. Peut-être pourrez-vous nous en donner un premier aperçu ?
Vous avez également annoncé, au mois de septembre dernier, votre intention de rénover et de moderniser la politique de protection et de valorisation du patrimoine naturel. Pourrez-vous, là aussi, nous indiquer quels pourraient être les axes du plan d'action que vous envisagez d'élaborer ?
J'ai noté que le projet de budget pour 2004 prévoyait d'ores et déjà un élargissement des modalités de financement des espaces naturels, dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive Natura 2000. Les 18 millions d'euros de crédits budgétaires destinés à l'achèvement des 700 documents d'objectif et à leur mise en oeuvre seront complétés par des crédits européens du FEOGA-garantie, par des fonds structurels et par les fonds LIFE. C'est une perspective encourageante. J'ai également relevé votre proposition d'exonération fiscale de la taxe foncière non bâtie pour certaines propriétés privées en zone Natura 2000. D'autres pistes mériteraient à mon avis d'être explorées pour diversifier les sources de financement des espaces naturels : je pense, par exemple, au produit de la contribution du 1 % « paysage et développement » au titre des budgets de construction des autoroutes et des grands itinéraires internationaux. Cela suscite des questions, je ne l'ignore pas !
En conclusion, je tiens à vous dire, madame la ministre, que la commission des affaires culturelles vous apportera son plein soutien dans votre effort de rénovation de la politique de protection du patrimoine naturel, qui doit demeurer l'un des pans essentiels de votre action.
A ce titre, nous souhaitons que, dans la nomenclature budgétaire de la loi organique relative aux lois de finances, une « action » lui soit spécifiquement dédiée, et nous espérons que, après le temps de la réflexion, l'année 2005 sera l'occasion d'un nouveau départ pour le patrimoine naturel.
La détermination dont vous avez fait preuve, madame la ministre, dans la construction d'un projet de budget crédible et volontariste nous incite à le croire. Aussi la commission des affaires culturelles a-t-elle recommandé au Sénat d'adopter les crédits de l'écologie et du développement durable pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les observations très pertinentes de M. Bizet me conduisent à évoquer d'abord, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l'administration du ministère.
J'ai mené, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme, plusieurs réflexions sur l'organisation du ministère de l'écologie et du développement durable, ses missions et ses métiers, mais aussi sur les questions de simplification, de réforme de l'administration territoriale et de réforme budgétaire.
Les réalisations innovantes que je pilote - je pense en particulier à la charte de l'environnement, qui sera la référence pour les politiques publiques touchant à l'environnement et à la stratégie nationale du développement durable - auront des effets importants sur l'évolution de l'Etat, ses modes de gouvernance, ses relations avec le reste de la société civile. Elles amèneront le Gouvernement à reconsidérer nombre de politiques.
Vous m'avez demandé, monsieur Bizet, si un « peignage » avait d'ores et déjà été effectué. Bien entendu ! Ce travail est conduit au ministère de l'écologie et du développement durable : je n'en dresserai pas le bilan exhaustif ici, car ce serait trop long, mais je me tiens bien évidemment à votre entière disposition pour faire le point sur les réformes, liées en particulier à l'application de la charte de l'environnement. Dans chaque ministère un travail du même ordre est mené.
Les principes de l'information du public et de la participation, qui sont défendus dans ces réformes, sont au coeur de nos réflexions sur la gouvernance de la société.
En termes d'organisation, compte tenu de la taille et du périmètre de mon département ministériel, j'ai décidé de ne pas revendiquer la création de directions départementales de l'environnement et de continuer à m'appuyer sur les services départementaux d'autres ministères.
Par conséquent, j'ai souhaité développer avec mes collègues Gilles de Robien et Hervé Gaymard de nouvelles relations de confiance, et l'accord que nous avons passé sur une meilleure utilisation de leurs services départementaux pour l'accomplissement des missions dont j'ai la responsabilité devrait aboutir à une organisation originale, qui sera mise en place par étapes à partir du mois de janvier 2004.
Comme l'ont fort justement souligné MM. Adnot et Bizet, le nouveau décret relatif aux attributions et à l'organisation des directions départementales de l'agriculture et de la forêt dispose que les directeurs seront nommés conjointement par les ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Il s'agit, sans jeu de mots, d'une révolution culturelle ! C'est bien là une preuve concrète de la coopération et de la confiance mutuelle entre nos deux maisons.
Ce processus participe de mon attitude générale d'ouverture et de coopération avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, car l'opposition systématique, si confortable pour certains, ne permet pas de faire progresser durablement l'application des politiques dont j'ai la responsabilité.
J'ai également engagé des réformes de structure au sein même de mon ministère. Ainsi, l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, n'atteint pas la taille critique pour être un établissement public de l'Etat. Sa transformation en service à compétence nationale est en cours, dans le respect de ses missions et, bien sûr, de son indépendance.
De même, la stratégie nationale de développement durable s'appliquera sur cinq ans. La charge de l'animation et du suivi de sa mise en oeuvre me revient, ainsi qu'à Tokia Saïfi. Nous avons donc décidé de créer à cette fin, et ce à moyens constants, un service chargé du développement durable au sein de l'actuelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, la D4E, qui sera rebaptisée. Les décrets relatifs à ces évolutions ont été préparés et discutés avec les organisations syndicales du ministère. J'ai donc bon espoir qu'ils entrent en vigueur vers la fin du premier trimestre de 2004.
L'amélioration de la gestion interne demeure l'un de mes objectifs permanents : l'audit que l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'environnement ont conduit à ma demande lors de mon arrivée au ministère est la base de la réforme actuelle de la gestion financière et comptable, qui se traduit déjà, cela a été souligné, par des taux de consommation des crédits plus proches de la moyenne des autres ministères. Il sera rendu compte de ces progrès lors de l'audit du comité interministériel d'audit des programmes relatif à la LOLF. J'ai d'ailleurs demandé que mon ministère soit examiné parmi les premiers, pour que les recommandations puissent être prises totalement en compte. Le travail d'élaboration des programmes du ministère de l'écologie et du développement durable est en effet bien avancé.
Les personnels de mes services sont recrutés et gérés par d'autres ministères. Cette situation, même si elle présente certains inconvénients, me permet de disposer d'une ressource humaine mobile et de compétences variées. Il faut toutefois constater que les établissements publics qui relèvent de ma tutelle regroupent des effectifs plus que doubles de ceux de mes services, et qu'il n'existe pas, les concernant, de dispositions statutaires relatives à la mobilité. Je conduis actuellement une réflexion avec mes collègues chargés du budget et de la fonction publique sur la mobilité des personnels des établissements publics, entre ces derniers et avec les services de l'Etat.
Cela m'amène naturellement à évoquer la question des pôles régionaux.
En effet, le Premier ministre souhaite tirer les conséquences de la phase de décentralisation qu'il conduit pour l'organisation régionale des services de l'Etat, dans le dessein de rendre celle-ci plus lisible, plus simple et plus efficace. Dans ce cadre a été lancée une réflexion sur la création de pôles régionaux regroupant plusieurs services régionaux.
J'ai ainsi proposé la création d'un pôle « environnement et développement durable », constitué des directions générales de l'environnement, les DIREN, des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et des délégations régionales des établissements publics dont j'assure la tutelle. La configuration de ce pôle me semble constituer un véritable enjeu de cette réforme, par les changements culturels et organisationnels qu'elle induira, par la vision de la gestion conjointe de l'environnement et du développement qu'elle reflète, ainsi que par la valeur ajoutée au travail des services considérés qu'elle apportera.
Ce n'est là qu'une des facettes des réformes que j'applique à l'organisation du ministère. Nous pourrons en reparler si vous le souhaitez, messieurs les rapporteurs.
L'exécution des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable a souvent été source d'interrogations pour la commission des finances du Sénat, s'agissant tant du compte rendu que des montants reportés d'une année à l'autre. Je me suis donc attachée à responsabiliser les différents gestionnaires quant à l'efficacité de la dépense, à sa rigueur et à son anticipation, à l'heure où l'ensemble des ministères doivent participer à l'effort du Gouvernement en matière de maîtrise des dépenses publiques.
Ainsi, en 2002, le taux de consommation des crédits ayant été réellement disponibles pour le ministère, dans un contexte de régulation républicaine et de mise en place de l'application ACCORD, a dépassé légèrement 93 %.
Pour 2003, à ce jour, les crédits de dépenses ordinaires, disponibles compte tenu des annulations qu'a connues le ministère, ont été engagés à hauteur de 99,7 % et dépensés à concurrence de 96,4 %.
En outre, le taux de consommation des crédits de paiement relatifs aux dépenses d'investissement s'élève, hors ADEME, à 94 % pour l'administration centrale, et à plus de 75 % pour les services déconcentrés.
C'est là la preuve de l'implication de l'ensemble de mes services en vue d'une consommation précise et rigoureuse des crédits qui me sont attribués par le Parlement.
En ce qui concerne maintenant la politique des déchets, après dix années d'efforts et de premiers progrès, il nous faut bien constater que cette politique a besoin d'une nouvelle impulsion.
J'ai donc fait au conseil des ministres du 4 juin 2003 une communication sur une nouvelle politique dans ce domaine.
Ma première priorité est d'oeuvrer pour une meilleure protection de l'environnement et de la santé, notamment aux abords des installations de traitement. J'ai obtenu la fermeture des derniers incinérateurs hors normes à la fin de l'année dernière. Des efforts restent à accomplir pour réduire davantage encore les émissions de dioxine des incinérateurs - elles devraient être divisées par dix en 2006 par rapport à leur niveau de 2002 - et faire cesser l'apport de déchets sur des sites non autorisés.
La production de déchets croît en France de 1 % par an. L'inversion de cette tendance doit constituer une deuxième priorité nationale. Un plan d'action global sera prochainement présenté, axé en particulier sur la sensibilisation des consommateurs et sur la réduction du volume des déchets futurs dès la conception des produits et le choix de leurs emballages.
Plusieurs études assurent que la France s'achemine à court terme vers une situation critique en matière de capacité d'élimination des déchets. Plus de la moitié, sans doute plus près de 75 %, des départements pourraient être confrontés dans les prochaines années à la pénurie, avec pour conséquence l'augmentation des distances de transport des déchets, l'augmentation des coûts et le risque de réapparition d'exutoires illégaux.
Ce constat doit faire l'objet d'une réaction rapide, qui passera en particulier par l'attribution de compétences plus importantes aux conseils généraux, qui se verront confier l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés.
Enfin, la valorisation des déchets doit encore progresser, à travers la poursuite des efforts de tri, la mise en place de filières de récupération dédiées. Le Gouvernement vient, dans ce domaine, de signer le décret qui obligera dès 2005 à recycler 85 % des constituants des véhicules hors d'usage. Un accent particulier sera mis sur la valorisation des déchets organiques. La préoccupation de maîtrise des coûts doit cependant rester présente à l'esprit de tous les acteurs, sous peine de perdre la confiance des Français, qui ont vu le coût d'élimination des déchets doubler en dix ans. La concertation avec les élus, les entreprises et les associations sera amplifiée dès les prochaines années. Les orientations définitivement retenues seront traduites dans un projet de loi que le Parlement pourra examiner au second semestre de l'année 2004.
Vous m'avez interrogée sur les boues des stations d'épuration.
Mon ministère a organisé, le dimanche 23 novembre, une conférence de citoyens sur la question des boues des stations d'épuration. Cette expérience, originale et qui mérite d'être renouvelée, a permis d'établir une contribution supplémentaire au débat sur l'eau que j'organise depuis quelques mois.
Les conclusions générales des contributions à ce débat seront tirées le 16 décembre prochain au CNIT. C'est à cette occasion que je présenterai le résultat de la conférence citoyenne sur les boues des stations d'épuration.
Je peux toutefois, sur ce point précis, vous apporter quelques précisions. Cette conférence a permis de constater une ignorance profonde de nos concitoyens sur la réalité des processus techniques, et, donc, une forte suspicion, que le vocabulaire utilisé contribue à entretenir. Cette conférence a montré une implication très forte des personnes sélectionnées sur le sujet. Par ailleurs, les recommandations qui y ont été formulées se fondent sur la nécessité d'informer le public sur le développement des recherches, d'adapter les choix politiques aux situations locales et d'établir des contrôles fiables. Finalement, tout cela recoupe les préoccupations que vous avez exprimées.
Vous-même et M. Ambroise Dupont m'avez ensuite interrogée sur la charte, et plus précisément sur le principe de précaution. Vous avez bien voulu reconnaître que ce texte était équilibré : grâce à un travail important de concertation, à partir des travaux de la commission Coppens, chaque terme en est pesé.
Vous avez évoqué l'article 5 de la charte de l'environnement, qui énonce le principe de précaution. C'est le premier article de la charte qui pèse spécifiquement sur les autorités publiques, alors que les autres s'imposent à toute personne selon ses responsabilités. Il doit être bien distingué de l'action de prévention qui vise à réduire les atteintes à l'environnement et dont les mécanismes sont connus.
Les mesures de précaution ne peuvent pas être définitives, tant que l'incertitude scientifique n'est pas levée ou fortement circonscrite. L'action de précaution a donc besoin de la recherche et s'appuie sur elle, mais ne peut motiver un arrêt de la recherche.
Le Gouvernement a choisi, dans les deux options proposées par la commission Coppens, celle qui redéfinit clairement le principe de précaution actuellement en vigueur, de niveau législatif seulement, et le porte au niveau constitutionnel. Il est confirmé dans une version clarifiée, et donc consolidée, par un choix des mots très précis, et en ne permettant pas qu'il soit détourné de son esprit initial par la création de la notion illusoire de « risque zéro ».
En termes de calendrier, le projet de charte sera défendu en première lecture à l'Assemblée nationale au mois de février 2004.
Il n'était pas étonnant que le rapporteur de la commission des affaires culturelles concentre l'essentiel de son propos sur la question du patrimoine. J'essaierai d'y répondre, peut-être pas d'une manière exhaustive en l'instant, mais la suite du débat le permettra.
J'en viens aux réserves naturelles.
En matière de politique des réserves naturelles, mon premier souci portera en 2004 sur la préservation des moyens de fonctionnement des structures gestionnaires de ces réserves et sur le renforcement de leur efficacité.
C'est vrai, l'année 2003 n'a pas été facile, du fait des gels budgétaires. J'ai reçu, sur cette question, de nombreuses interventions de votre part. Mes discussions avec le ministre délégué au budget et le Premier ministre m'ont cependant permis de faire reconnaître les graves difficultés générées par ces restrictions budgétaires et d'obtenir un dégel, qui a principalement bénéficié au milieu associatif et aux réserves naturelles.
En 2004, le budget offrira aux réserves naturelles des moyens de fonctionnement, en dépenses ordinaires, équivalant à ceux qui figuraient dans le projet de loi de finances pour 2003, hors les crédits alloués à la fédération Réserves naturelles de France. Dans le même temps, le nombre de réserves est quasiment stable, puisqu'une seule réserve, celle de l'île de Riou au large de Marseille, a été créée en 2003 - elle ne représentera que des dépenses mineures - et que seulement trois autres sont susceptibles d'aboutir en 2004.
Je veillerai, en outre, à ce que ces dotations soient exemptées au maximum de gel. J'ai demandé avec insistance à mes services de ne pas avoir en fin d'année de report sur ces crédits, afin de ne pas créer de report de charge de 2003 vers 2004.
En matière d'investissement, et plus précisément de commandes de l'Etat à ces structures, les crédits de paiement pour 2004 sont fixés à la même hauteur que ceux qui avaient été prévus en 2003. J'ai également oeuvré en 2003 pour mettre à jour le stock des factures en instance, ce qui permettra de consacrer les moyens de 2004 à des actions nouvelles.
Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres fait partie des éléments clés de protection des espaces naturels remarquables.
En 2004, mon ministère fera un effort significatif pour que le Conservatoire puisse poursuivre ses acquisitions à un rythme voisin de sa moyenne annuelle des années précédentes.
Comme je l'ai rappelé à son président M. Didier Quentin, à l'Assemblée nationale, une grosse acquisition imprévue serait également envisagée avec la plus grande attention afin de ne pas perdre d'opportunité. Ainsi, le Conservatoire pourra bénéficier des crédits du fonds de concours exceptionnel des agences de l'eau si une opération le justifie par sa nature et son ampleur.
Dès lors, l'objectif de porter son patrimoine à 200 000 hectares d'ici à 2050 reste d'actualité.
Concernant les parcs nationaux, trois projets de parcs sont actuellement à l'étude, à la Réunion, en Guyane et en mer d'Iroise.
Dès mon arrivée au ministère de l'écologie et du développement durable, j'ai voulu réaffirmer mon attachement à ces outils majeurs.
Des étapes importantes viennent d'être franchies.
La reprise d'un travail de concertation très fructueux en Guyane, qui me permet d'espérer une prise en considération du projet par le Premier ministre vers l'été 2004.
Une consultation approfondie des collectivités territoriales de la Réunion, qui vient de démontrer une large approbation du principe de créer un parc national à partir des orientations que j'ai mentionnées. Là aussi, une prise en considération par le Premier ministre pourrait être possible à court terme.
Le cas de la mer d'Iroise est officiellement plus avancé puique la prise en considération a déjà été prononcée. Toutefois, curieusement, le travail de concertation reste à approfondir. Ce travail est en cours sous l'égide du préfet du Finistère et du préfet maritime de l'Atlantique. Lors du dernier comité de pilotage, l'horizon d'une enquête publique à l'été 2004 a été affiché.
Il va sans dire que ces projets ne sont viables que s'ils sont construits avec les habitants locaux et qu'il faut savoir, pour cela, se donner le temps de l'écoute et de la concertation, même quand beaucoup de retard a été accumulé.
Enfin, je dirai quelques mots sur la stratégie nationale de biodiversité, qui sera le grand sujet de l'année 2004. En effet, les deux chantiers écologiques prioritaires que j'ai fixés au ministère sont la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre la perte de la biodiversité.
La France possède, en métropole et outre-mer, un patrimoine naturel exceptionnel, reconnu dans le monde entier. Nous portons une responsabilité de premier plan dans la mobilisation planétaire pour la préservation de la biodiversité.
J'ai lancé l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité il y a quelques mois, en vue d'un aboutissement à l'été 2004, stratégie qui fera vivre les principes énoncés dans la charte de l'environnement.
L'objectif général est de stopper la perte de biodiversité d'ici à 2010. Cet objectif sera décliné en objectifs plus spécifiques portant sur les espèces, les habitats, la trame écologique et le fonctionnement des écosystèmes.
Une vaste concertation a été lancée par mes services, à laquelle la société civile est notablement associée à travers le comité national du développement durable. A ce stade, quelques orientations lourdes se dégagent d'ores et déjà.
Il s'agit d'accroître la sensibilité de nos concitoyens aux enjeux de la préservation de la biodiversité et de faciliter l'appropriation large de ces thématiques ; il faut faire comprendre à nos concitoyens ce qu'est la biodiversité, car, lorsqu'on les interroge sur ce point, les réponses sont parfois étonnantes !
Il s'agit également d'accroître la prise en compte de ces enjeux par les politiques publiques sectorielles, notamment les politiques agricoles, les politiques touristiques et les politiques d'équipement. Il s'agit, en outre, d'améliorer la connaissance de la biodiversité, les lacunes en la matière étant immenses.
Ce ne sont là que quelques premières pistes qui sont en cours de réflexion. Les orientations que je présenterai à Kuala Lumpur en février prochain seront complétées par des plans d'actions prioritaires opérationnels d'ici à l'été 2004. Mais, bien entendu, sur ce sujet très important, je recueillerai l'avis de la Haute Assemblée pour compléter les orientations que je définirai plus précisément devant vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la ministre, vous venez d'évoquer le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Ma question pourrait donc paraître inutile mais je préfère la répéter devant vous et en préciser l'objet.
Au cours de cette année, plusieurs émissions de télévision ont à nouveau tiré la sonnette d'alarme sur les risques de dégradation du capital écologique, culturel et touristique que constituent nos rivages naturels.
La responsabilité de l'Etat en la matière et la mission qu'il a confiée au Conservatoire sont au coeur de ce débat. Le bilan est aujourd'hui plus qu'honorable : le Conservatoire protège déjà, de manière définitive, plus de 10 % des côtes françaises, grâce à l'appui des collectivités territoriales.
La proportion du littoral acquise par le Conservatoire en Corse est deux fois supérieure à la moyenne nationale, ce qui place l'île en tête de toutes les régions françaises, et cela, je le souligne, en plein accord avec les élus corses et souvent à leur demande, contrairement à des idées trop souvent véhiculées. Il reste cependant beaucoup à faire, ce qui doit justifier tous nos efforts et notre vigilance. Je rappelle que je préside le conseil des rivages de Corse depuis vingt-cinq ans, depuis la création du Conservatoire - c'est un peu mon côté conservateur qui réapparaît à cette occasion, de temps à autre - et que nous n'avions pas attendu le Conservatoire pour acheter des sites en Corse en fonction des opportunités qui se présentaient, je pense aux îles Sanguinaires qui étaient une propriété privée.
Dans ce contexte, l'examen du projet de loi de finances pour 2004 est un motif de préoccupation. En effet, les crédits d'intervention qu'il est envisagé d'attribuer au Conservatoire s'établissent à 13,410 millions d'euros. Ils sont en diminution de 22 %. Depuis quinze ans, jamais l'établissement public n'avait été doté de moyens aussi réduits.
Des annulations intervenues en cours d'année en 2002 et en 2003 ont privé le Conservatoire de toute souplesse de trésorerie et ont conduit à différer ou à reporter des opérations réclamées avec force par les collectivités territoriales et pour lesquelles les négociations avaient été conduites à leur terme.
Le budget de 2004 sera donc presque entièrement affecté à ces opérations et l'établissement public ne disposera d'aucune marge de manoeuvre pour faire face aux besoins urgents qui pourraient apparaître en cours d'année.
Je sais que vous venez, madame la ministre, de nous donner l'assurance que vous serez en mesure, comme le Gouvernement l'avait fait voilà quelques années pour l'acquisition des salins d'Hyères, de soutenir, le cas échéant, le Conservatoire, en complétant son budget initial si une acquisition dépassant ses possibilités s'avérait indispensable. J'en prends acte.
Je suis également soucieux de constater que, en 2004, l'équipe très réduite du Conservatoire, particulièrement efficace, risque de se trouver privée du concours qu'un certain nombre de départements ministériels lui apportait sous la forme de mises à disposition de personnels.
Je rappelle que, pour 8 000 kilomètres de rivages, l'établissement public ne dispose que de 74 emplois budgétaires.
Je constate que le Conservatoire ne parvient à mener sa mission que parce que les collectivités territoriales lui apportent également un appui en personnels, au-delà des moyens humains et financiers qu'elles consacrent à la gestion des terrains acquis par l'établissement.
La Corse a été, à cet égard, tout à fait exemplaire. Les départements, qui avaient mis en place dès l'origine une association pour appuyer l'action du Conservatoire ont décidé d'accompagner l'installation effective sur l'île d'une délégation de l'établissement et de recruter directement cinq agents de l'association pour les mettre à la disposition du Conservatoire. Celui-ci envisageait de recruter le dernier agent de cette association. Ce recrutement devait être effectué dès que votre ministère aurait rendu au Conservatoire les deux emplois qu'il prêtait sans compensation depuis plusieurs années.
Cette affaire nous préoccupe puisqu'elle met en cause l'ensemble du dispositif partenarial mis en place. Elle montre aussi que l'implication forte et croissante des collectivités territoriales implique de la part de l'Etat qu'il mette en oeuvre un certain nombre d'aménagements.
Je sais que votre ministère travaille dans ce sens, dans la ligne des propositions du rapport Le Pensec.
Madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer que les engagements que vous aviez pris à cet égard voilà plus d'un an seront tenus ? Par ailleurs, pourriez-vous nous faire connaître les moyens, notamment humains, dont vous entendez doter le Conservatoire pour lui permettre de faire pleinement face à ses missions ? Pour reprendre l'expression de notre rapporteur, de quels moyens pérennes entendez-vous le doter à cette fin ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Alfonsi, j'ai déjà, à l'occasion de ma réponse aux rapporteurs, donné quelques précisions.
Concernant la baisse des crédits du Conservatoire, nous avons, et c'est tout à fait légitime dans un souci de bonne gestion, tenu compte de la trésorerie et des réserves pour qu'un certain ajustement ait lieu, qui ne met absolument pas en péril le fonctionnement de l'établissement.
S'agissant d'un achat important éventuel, vous le savez puisque vous suivez avec attention le Conservatoire, les procédures d'achat sont en général très longues. Une telle opportunité ne se présente pas en quelques semaines. Cela nous laisse le temps de nous retourner. Certaines procédures d'acquisition par le Conservatoire ont quasiment duré dix ans. Nous connaissons à peu près les opportunités qui pourraient se présenter. Si une opportunité intéressante apparaissait en Corse, ou ailleurs, l'Etat ne la laissera évidemment pas échapper. Je l'ai déjà dit à M. Didier Quentin, mais je suis très heureuse que vous me donniez la possibilité de le réaffirmer avec force.
Il est vrai que, cette année, un certain nombre de personnes mises à disposition du Conservatoire par les autres ministères l'ont quitté, pour des raisons personnelles. Je ne me résous pas à cette situation. Je suis fortement intervenue auprès de mes collègues ministres pour que ces mises à disposition continuent. J'ai moi-même renforcé, sur mes forces vives, le personnel du Conservatoire. Mais, compte tenu de son rôle de préservation du patrimoine, il est important et légitime que les autres ministères contribuent au fonctionnement de cet établissement. J'ai bon espoir que nous puissions mettre un terme à ce léger dysfonctionnement, que vous dénoncez à juste titre.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la ministre, même si je ne partage pas nécessairement les appréciations globales des rapporteurs sur votre projet de budget, je souscris à un certain nombre de leurs remarques et de leurs questions, auxquelles vous avez peut-être déjà en partie répondu. Néanmoins, je tiens à réaffirmer un certain nombre de points.
Le budget que vous nous proposez aujourd'hui est en apparente augmentation pour 2004, mais cette hausse des crédits résulte de la budgétisation du FNSE.
Ainsi, à périmètre constant, hors FNSE, on peut conclure que les crédits de paiement diminuent, puisqu'ils ne progressent plus que d'un taux bien inférieur à celui de l'inflation.
En réalité, madame la ministre, l'écologie, malgré les effets d'annonce, les discours, les débats en cours, reste à mon avis un parent pauvre. Je ne prendrai qu'un seul exemple, mais qui me semble peut-être le plus spectaculaire et, dans l'avenir, le plus dramatique : le sort fait à la protection de la nature, des sites et des paysages, dont le rapporteur pour avis, Ambroise Dupont, s'est fait l'écho tout à l'heure - exception faite peut-être de la restauration des milieux naturels aquatiques.
Alors même que vous indiquez que l'année 2004 sera consacrée à l'élaboration d'une stratégie en faveur de la biodiversité - et je vous en donne acte -, les crédits qui y sont consacrés ne sont pas en adéquation avec l'ambition que vous affichez puisque leur diminution atteint 10,85 %, hors dotation de la direction régionale de l'environnement, qui fait l'objet d'une expérimentation. Quant aux autorisations de programme, elles chutent de 11,3 % !
Rien ne semble épargné dans la protection de la nature : pas plus le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres que les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, Natura 2000 et, surtout, les réserves naturelles.
Les sommes allouées au fonctionnement de ces réserves baissent de 4 %. Or, vous le savez, ces espaces naturels protégés réglementairement par l'Etat, au regard de l'intérêt national ou international de leur patrimoine biologique et géologique, sont gérés localement par un organisme compétent, le plus souvent associatif. Leurs missions sont nombreuses et complexes : elles nécessitent une veille et une présence permanentes, qui ne peuvent plus être assurées totalement par des bénévoles. La poursuite des baisses et du gel budgétaire ainsi que l'abandon par le Gouvernement des emplois-jeunes placent ces associations dans des situations ingérables et mettent en péril l'avenir même de certaines de ces réserves.
Pourtant - vous l'avez dit, madame la ministre - un consensus existe bien sur la nécessité de limiter au maximum la perte de la diversité biologique, mais l'application concrète de cette volonté ne se fera que si l'on préserve un réseau cohérent et efficace de ces réserves, et si leur gestion reste exemplaire. Pour cela, il faudrait non seulement leur donner les moyens de fonctionner, mais doter leur budget d'autorisations de programme pour l'investissement alors que ces dernières baissent de 22 % !
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion, madame la ministre, de vous alerter sur l'avenir des missions confiées à ces associations, notamment sur celle que je connais le mieux : la société pour l'étude et la protection de la nature en Bretagne, la SEPNB. Depuis quelques semaines, un très grand nombre d'organismes, d'associations, voire de collectivités chargées de la gestion des réserves naturelles, ont tiré le signal d'alarme : elles n'ont plus ni les moyens financiers ni le potentiel humain pour mener à bien les missions que l'Etat leur a confiées.
Déjà, dès le mois d'août, après la sécheresse et la canicule, la SEPNB vous avait fait savoir qu'elle n'était pas en mesure, faute de ces moyens, de procéder à l'évaluation que votre ministère demandait sur les conséquences à court et à moyen termes de la sécheresse sur les réserves naturelles en Bretagne.
L'abandon d'une partie des missions ne va pas dans le sens de votre volonté affichée de sauvegarder la biodiversité et, s'il devait être procédé à des licenciements du fait des manques de financement, cela entraînerait une perte du savoir-faire remarquable qu'ont acquis ces salariés sur le terrain dans les procédures complexes et dans le suivi. Cela démotiverait également les acteurs bénévoles, que j'ai eu l'occasion d'apprécier sur le terrain.
Pourtant, le montant du budget de votre ministère pèse très peu dans le budget de l'Etat, et il apparaît clairement que les économies en mesure d'être faites dans le domaine de l'écologie sont par conséquent infimes. En revanche, elles auront malheureusement un coût environnemental et social très important en entraînant la déstructuration de tous les réseaux qui se consacrent, en France, à la protection de la nature et des paysages.
Madame la ministre, face aux contradictions que l'on est obligé de constater entre les discours et les actes, que comptez-vous faire pour assurer la pérennité des réserves naturelles ? Quels moyens comptez-vous mettre en place pour assurer les éventuelles créations et le fonctionnement des nouvelles réserves ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je trouve un peu dommage que vous présentiez une version aussi polémique des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.
C'est vrai, j'ai fait des choix politiques. Mais il eût peut-être été important de signaler que les crédits affectés à la prévention des risques technologiques augmentent de 27 %, que le budget de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, augmente de 29 %, que les crédits consacrés à la lutte contre les inondations augmentent de 25 %, et de 75 % en moyens de paiement.
Je reconnais que j'ai fait des choix : j'ai choisi la sécurité et la protection des vies humaines.
Madame la sénatrice, vous défendiez le budget de l'écologie du précédent gouvernement, qui était prétendument merveilleux et qui plaçait l'écologie en tête de vos priorités, et, aujourd'hui, alors qu'il augmente de 2,7 %, vous le traitez de parent pauvre ! Franchement, je ne comprends pas : on ne peut pas tenir deux discours !
Pour ce qui concerne les associations ou les structures en charge de la protection de la nature, leurs moyens sont maintenus. Je note d'ailleurs que les moyens prévus pour 2004 seront égaux aux moyens d'exécution de 2003. Il ne peut donc y avoir ni recul par rapport à la situation antérieure, ni mise en péril de ces structures.
Un important travail de réorganisation était nécessaire, comme l'ont souligné les rapporteurs. Nous le menons en concertation avec tous les acteurs et ce travail va bien entendu porter ses fruits. Je peux vous garantir qu'aucune de ces structures n'est menacée !
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. J'ai bien entendu les arguments de Mme la ministre mais je dois dire que, malgré tout, le « pilier écologie » me semble réduit à la portion congrue. Je crains malheureusement - ce n'est peut-être pas de son fait - qu'encore une fois le Gouvernement ne reporte sur les collectivités locales le soin de financer des missions d'intérêt public assurées par les réserves, et ce sans aucune compensation.
Face au risque de voir purement et simplement porter atteinte au tissu associatif français de protection de la nature et de l'environnement, il semble que, là aussi, l'Etat se prépare à laisser les élus locaux prendre les décisions impopulaires, et je le regrette.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Madame la ministre, ma première question portait sur le Conservatoire de l'espace littoral, mais vous y avez déjà répondu.
Votre budget me paraît un bon budget : la preuve en est qu'il augmente de 2,7 % ce qui marque bien une priorité gouvernementale que je salue.
S'agissant des inondations, j'aimerais savoir quand les textes d'application de la loi du 31 juillet seront tous publiés.
Pour ce qui est des biocarburants, nous connaissons une situation nouvelle compte tenu, d'une part, de la publication de deux directives européennes avec injonction d'incorporation à un niveau auquel nous ne sommes pas préparés, ainsi que de deux rapports récents sur l'efficacité écologique des biocarburants qui ne souffrent plus de discussion, d'autre part, de la ratification par la France des accords de Kyoto comprenant l'engagement de faire passer le taux d'utilisation des énergies renouvelables de 16 à 21 %. Quelles inflexions de la politique gouvernementale envisageons-nous dans les années qui viennent pour satisfaire à toutes ces exigences ?
Enfin, plus globalement, de quels moyens disposerez-vous, madame la ministre, pour limiter les conséquences des catastrophes que nous connaissons aujourd'hui et que nos enfants connaîtront sans doute demain ?
Il faut inlassablement faire preuve de conviction, voire lancer des campagnes de sensibilisation pour que l'opinion publique comprenne l'importance des enjeux pour l'avenir.
Madame la ministre, votre tâche est ingrate, difficile, mais elle est primordiale. Nous comptons sur votre volonté et sur votre pugnacité afin que se dégage progressivement une réelle volonté politique de développement durable de toutes les décisions gouvernementales. De quels moyens supplémentaires comptez-vous disposer pour y parvenir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Deneux, vous avez bien voulu me donner acte de la réponse que j'ai apportée à votre question sur le Conservatoire national de l'espace littoral.
Très justement, vous appelez mon attention sur la question du réchauffement climatique. Je connais, bien entendu, vos excellents travaux à ce sujet. D'ailleurs, la remarquable exposition de la Cité des sciences fait largement place à votre intervention.
Je présenterai, en effet, dans une dizaine de jours, le plan « climat ».
Le protocole de Kyoto est évidemment très important. D'ailleurs, tous les efforts diplomatiques que j'ai consacrés depuis que je suis en charge de ce ministère et qui se sont intensifiés depuis le mois de septembre dernier n'ont d'autre objet que de le mettre en oeuvre.
Pour autant, je ne me considère pas comme exonérée de mes responsabilités en la matière sur le plan tant français qu'européen. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté, avec M. le Premier ministre, le plan « véhicules propres », le 15 septembre dernier.
Je poursuis également - à marche accélérée, si je puis dire - la structuration du marché des permis d'émissions. Ce marché sera prêt pour le 31 décembre 2003, il sera donc soumis à la concertation, puis transmis à l'Union européenne le 31 mars 2004.
Par ailleurs, j'ai affiché, dans le cadre du plan « climat », l'objectif ambitieux d'économiser 60 millions de tonnes de carbone. Dans ce domaine, le rôle des biocarburants est tout à fait majeur puisqu'ils nous permettraient d'économiser environ 7 millions de tonnes de carbone.
Vous avez, en outre, tout à fait raison de dire que la question de l'intérêt des biocarburants dans la lutte contre le réchauffement climatique ne se pose plus. Néanmoins, et dans l'état actuel du débat, il est vrai que le coût de la tonne de carbone « économisée » est extrêmement élevé sur un plan budgétaire. Il s'agit donc d'un arbitrage que je souhaite voir rendu en faveur des biocarburants, même s'il mérite sans doute d'être affiné. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques jours, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Serge Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on le sent bien, après la canicule à caractère tout à fait exceptionnel cet été et les inondations dramatiques aujourd'hui, qui s'ajoutent à bien d'autres faits extrêmes dans le monde, l'enjeu écologique majeur de ce début du xxie siècle est le réchauffement climatique.
Après d'autres engagements, comme le plan pour les véhicules propres, le Gouvernement devrait annoncer dans quelques jours un plan « climat ». C'est pourquoi, après M. Marcel Deneux, je souhaite plus particulièrement vous interroger sur cet aspect de votre politique.
C'est le fruit d'un important travail coordonné par la mission interministérielle de l'effet de serre, la MIES, et décidé voilà plusieurs mois.
Sans attendre, il faut mettre en place de véritables mesures d'atténuation et d'adaptation et nous donner les moyens d'une forte mobilisation.
Or cette mobilisation ne se décrète pas. Ce ne peut être qu'une oeuvre de longue haleine.
Elle peut se situer, d'abord, au niveau international. Grâce à l'action du Président de la République, comme on l'a vu à Joannesburg, c'est fait.
Elle peut se situer, ensuite, au niveau national. L'élaboration de la charte de l'environnement, dont vous nous avez longuement parlé, madame la ministre, et qui aura valeur constitutionnelle, ainsi que la mise en place de la stratégie nationale du développement durable sont des signaux forts d'une vraie volonté politique.
Elle peut se situer, enfin, au plan local où le plan « climat » peut largement y contribuer. La sensibilisation à l'environnement et, surtout, la nécessité de participer à des actions fortes viendra par la proximité. C'est dans la prise en compte quotidienne qu'est la clef de la participation de la population.
C'est pourquoi, au moment où l'on s'apprête à renforcer la décentralisation, une stratégie de proximité et une territorialisation des objectifs nationaux sont importantes.
Je suis convaincu que c'est en nous donnant des objectifs par territoire que nous pourrons mieux informer la population et engager des actions concrètes.
Concernant le réchauffement climatique, les collectivités locales interviennent sur un volume important d'émissions de gaz à effet de serre à travers leurs décisions, notamment en matière de transports et d'habitat, deux secteurs qui présentent les évolutions les plus préoccupantes.
Par ailleurs, en cas d'événements météorologiques extrêmes, les élus locaux se trouvent, on le constate aujourd'hui, en première ligne pour répondre aux besoins des populations.
Plus généralement, bien des collectivités, quel que soit leur niveau, ne peuvent mettre à profit, dans de bonnes conditions, les compétences dont elles disposent, et cela, faute d'une connaissance suffisante des conséquences du dérèglement climatique et faute de moyens et d'aides à la décision.
Mais comment territorialiser et parvenir à une bonne articulation entre la politique nationale globale et les mesures spécifiques locales ?
Il est indispensable de favoriser une plus forte appropriation par les élus locaux des enjeux du changement climatique.
C'est ce à quoi nous avons tenté de répondre au sein du groupe « collectivités territoriales » de la mission interministérielle de l'effet de serre, que j'ai eu l'honneur de présider ces derniers mois.
La mise en place de plans territoriaux pour le climat nous est apparue essentielle. Il s'agirait de programmes volontaires rassemblant les actions engagées par chaque niveau de territoire pour améliorer l'efficacité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ces plans devraient permettre une meilleure cohérence et une meilleure visibilité des actions prises par les territoires. Ils auraient pour objet de connaître les émissions sur le territoire et leur évolution, de déterminer une stratégie partenariale, qui est absolument fondamentale. Il s'agirait également de définir des objectifs et des indicateurs de suivi et, naturellement, de mettre en oeuvre des actions.
Je crois, madame la ministre, qu'un certain nombre d'arbitrages favorables ont été pris en ce sens, mais j'aimerais en avoir la confirmation.
Pour une pleine efficacité du dispositif, il faudra pouvoir disposer de quantifications territoriales des émissions de gaz à effet de serre, ce qui n'est pas le moindre des défis !
Cette quantification sera-t-elle, par exemple, dévolue aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ? C'est en tous cas ce que je souhaiterais compte tenu de leur enracinement local.
Cette quantification pourrait aboutir à l'attribution d'une sorte de label pour les collectivités territoriales les plus engagées dans la protection du climat.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si une telle idée vous paraît devoir être retenue.
On a évoqué la tenue d'assises territoriales. C'est en allant au-devant des populations et des élus dans les régions, dans les départements, dans les communes, que l'on créera un déclic. Bien d'autres initiatives sont naturellement envisageables. Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part de votre sentiment en la matière.
L'important, je crois, est de fédérer les projets autour d'objectifs communs et de favoriser la mise en place de réseaux.
En ce qui concerne l'ADEME, je rejoins complètement les préoccupations des deux rapporteurs. Je crains qu'au fil des budgets son action ne risque d'être affaiblie. Vous avez largement répondu sur ce point, mais je réitère mon inquiétude pour 2005.
Voilà les questions que je souhaitais vous poser, madame la ministre, tout en insistant sur la nécessité d'une prise de conscience collective des enjeux. A cet effet, je souhaite que le « plan climat » soit placé au plus haut niveau dans la hiérarchie des actions gouvernementales, mais je sais que telle est votre ambition.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'occasion que vous m'offrez de parler plus longuement du problème du réchauffement climatique. Effectivement, la lutte contre le réchauffement climatique est en tête de l'agenda écologique planétaire.
Vous avez bien fait de souligner les différents niveaux auxquels nous devons situer notre action pour lutter contre le réchauffement climatique : l'international et l'européen, le national et le local. Il faut penser global pour agir localement !
En ce qui concerne mon action sur le plan international, je peux vous annoncer que, mardi prochain, je participerai à la conférence réunissant les parties au protocole de Kyoto à Milan. J'ai préparé cette participation par une activité internationale intense : je me suis rendue en Russie en septembre dernier, puis en Hongrie pour rencontrer mon collègue Miklos Persanyi, qui présidera la conférence de Milan.
Le week-end dernier, j'étais au Maroc, puisque le Maroc préside le G 77. J'ai profité de diverses opportunités pour mener des entretiens bilatéraux approfondis, d'abord avec mes deux collègues européens, avec lesquels nous sommes en accord total, Margaret Beckett pour le Royaume-Uni, et Jürgen Trittin pour l'Allemagne, puis avec le ministre chinois de l'environnement et la nouvelle ministre japonaise.
J'ai réaffirmé que le protocole de Kyoto était le seul cadre juridique international valable, dans lequel devait se situer la lutte contre le réchauffement climatique.
En outre, j'ai rappelé qu'il nous fallait restaurer la confiance entre les pays en voie de développement et les pays développés, pour que les premiers comprennent bien que le respect du protocole de Kyoto et la promotion d'investissements propres ne compromettent en rien leur développement mais, au contraire, agissent en faveur de ce dernier. Il revient maintenant aux pays industrialisés de ne pas se réfugier derrière une mise en oeuvre hypothétique et toujours reculée du protocole de Kyoto, et d'engager dès que possible les politiques adéquates sur le plan national.
A cet égard, bien entendu, la France n'a pas attendu. Elle est en avance sur les engagements qui lui ont été fixés dans les annexes du protocole de Kyoto : vous avez rappelé le plan « véhicules propres » ; j'ai évoqué, tout à l'heure, la structuration du marché des permis d'émissions, sans oublier le plan « climat », qui sera établi dans quelques jours, grâce au travail de la mission interministérielle sur l'effet de serre.
Toutefois, la lutte contre le réchauffement climatique ne dépend pas seulement de l'action de l'Etat et de l'action internationale, même si on a tendance à le croire ; elle concerne tous nos concitoyens.
En effet, à la lecture de la feuille de route établie par le protocole de Kyoto, on s'aperçoit que quatre secteurs sont responsables des émissions de gaz à effet de serre. Je ne les définirai pas en détail pour ne pas dépasser le temps de parole qui m'est imparti. Je dirai simplement qu'en ce qui concerne les transports et le résidentiel tertiaire, secteurs dans lesquels nous connaissons un certain retard, le rôle des collectivités territoriales est, bien entendu, majeur.
L'un des axes de la stratégie du développement durable leur est consacré, avec notamment le financement de 500 agendas locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. la séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'écologie et le développement durable.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons le budget de l'environnement et du développement durable, nous devons avoir à l'esprit le fait que la politique nationale s'inscrit dans le cadre d'une politique européenne, elle-même contenue dans une politique internationale animée par l'Organisation des Nations unies, laquelle est malheureusement limitée par la conception économique libérale qui prévaut aujourd'hui dans le monde et qui est plus soucieuse des dividendes des actionnaires que de l'avenir de la planète.
Par ailleurs, la canicule de l'été et les inondations de ces derniers jours, pour ne citer que ces deux événements, sont là pour nous rappeler que le réchauffement climatique dû à l'effet de serre provoque des désordres météorologiques dramatiques et s'installe de manière durable, il faut le craindre. Ce réchauffement nous contraint à prendre ce problème à bras-le-corps, pas seulement au niveau de l'annonce et de la réparation, mais également au niveau de la prévention, faute de quoi nous devrons affronter de plus en plus souvent la colère des personnes victimes de ces phénomènes, qui ne peuvent pas les accepter comme une fatalité.
La politique internationale de la France mérite d'être soulignée, et notamment la proposition de création de l'Organisation mondiale de l'environnement, ainsi que la proposition de renforcement du programme des Nations unies pour l'environnement. De même, la ratification des protocoles internationaux, qui permet de rattraper notre retard, va dans le bon sens.
J'en viens maintenant au projet de budget pour 2004, qui progresse en apparence de 11,4 % par rapport au budget de 2003. Toutefois si l'on raisonne à périmètre constant, la progression est quasi nulle, malgré des besoins croissants. D'aucuns parlent de progression douce ou de traitement privilégié. Je leur laisse cette manière de voir : en effet, les mesures proposées dans le projet de loi de finances traduisent l'incidence de mesures d'économies importantes : non-remplacement de trente-cinq départs à la retraite, réduction des subventions à plusieurs établissements et diminution des dépenses ordinaires, notamment.
Pensez-vous, madame la ministre, que la réduction des effectifs est terminée ?
En ce qui concerne la protection de la nature, de sites et des paysages, les crédits sont en baisse et le fonds de gestion des milieux naturels est supprimé. Les moyens consacrés aux organismes gestionnaires du réseau d'espaces naturels diminuent eux aussi. Cette diminution s'ajoutant à la fin du dispositif emplois-jeunes, qui prive ces organismes d'un quart de leurs moyens humains, on peut s'interroger sur la pérennité de leurs missions.
Une telle évolution est inquiétante. Elle traduit, à mon sens, la volonté, maintes fois affirmée, du Gouvernement de réduire les dépenses et peut-être aussi celle qui tend à impliquer plus fortement les collectivités locales dans le financement des espaces naturels à travers les lois de décentralisation.
Un nouveau transfert de charges est-il à venir, madame la ministre ? Pour leur part, les réserves naturelles ont fait leurs calculs et le compte n'y est pas.
La protection de l'eau et des milieux aquatiques voit ses crédits augmenter de manière significative. En réalité, nous savons tous que cette augmentation est due à la budgétisation du fonds national de solidarité pour l'eau.
Pour l'essentiel, ce fonds est alimenté par le prélèvement opéré sur le budget des agences de l'eau et cette ponction a suscité à juste titre de vives et nombreuses réactions. Lorsqu'on connaît le coût des investissements nécessaires dans le domaine de l'eau, qui pèse pour une part importante sur les collectivités locales, on ne peut que juger inadmissible le fait que l'Etat « fasse les poches » des contribuables usagers de l'eau.
Concernant la prévention des inondations, la mise en place des systèmes de prévision des inondations est à souligner. Cependant, l'annonce des catastrophes ne les évite pas. Les inondations récurrentes dans certains départements fragilisent durablement les familles et les collectivités locales lorsqu'il faut réparer les dégâts à intervalles rapprochés.
C'est pourquoi nous estimons que l'Etat doit faire jouer la solidarité nationale bien au-delà de ce qui est prévu, en participant à la mise en place de solutions durables. Je souhaiterais que vous nous indiquiez comment vous concevez, madame la ministre, le rôle de l'Etat dans ce domaine ?
Enfin, relevons que, en matière de pollutions maritimes, le fonds d'intervention est doté de nouveaux crédits pour traiter les pollutions limitées. Cependant, l'accident du Prestige nous rappelle que, en fin de compte, les pollueurs ne sont pas les payeurs. La France devra agir pour faire en sorte que le FIPOL indemnise encore davantage les victimes de telles pollutions.
A propos de la prévention des pollutions et des risques, soulignons de manière positive la création de cinquante emplois, qui, s'ajoutant aux cinquante postes transférés, renforcent les moyens de contrôle pour l'inspection des installations classées, ainsi que l'accroissement des moyens de l'Institut national de l'environnement et des risques, l'INERIS.
Mais nous devons déplorer la baisse importante des moyens de l'ADEME, baisse qui constitue une remise en cause du soutien aux investissements des collectivités locales, alors même que beaucoup reste à faire pour mettre en place les équipements indispensables au traitement des déchets. La contribution des agences de l'eau concourt au budget de l'ADEME pour cette année.
Comment pensez-vous, madame la ministre, assurer les crédits à l'avenir ? Mais vous nous avez dit ce matin que l'on verrait l'année prochaine...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est vrai !
Mme Evelyne Didier. On peut tout de même poser la question, sachant que, cette année, les autorisations de programme pour l'ADEME sont en forte diminution. Dans la prochaine loi sur les déchets, avez-vous l'intention de revoir la fiscalité locale à ce sujet ?
Voilà les questions que je souhaitais vous poser, madame la ministre, étant entendu qu'il en est beaucoup d'autres que le temps qui m'était imparti ne me permet pas de poser aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Parmi les sujets abordés par Mme Didier, il en est un certain nombre que j'ai déjà largement évoqués ce matin dans mon propos liminaire ; je n'y reviendrai donc pas, sauf à présenter une nouvelle fois mon budget.
Je suis profondément attachée au chantier de la gouvernance mondiale de l'environnement. Avant d'avoir une Organisation mondiale de l'environnement, une OME, à laquelle beaucoup d'entre nous aspirent, nous avons décidé de nous faire en quelque sorte les missionnaires ou les apôtres de la transformation du programme des Nations unies en Organisation des nations unies pour l'environnement, ou ONUE. Je profite de chacun de mes contacts internationaux pour présenter à mes interlocuteurs une note en ce sens, qui peut servir de base de la discussion.
Sur l'initiative de la France, un groupe de travail des amis de l'ONUE va se réunir dans les prochains jours à New York pour examiner les modalités de la mise en place de cette organisation universelle, avec des contributions obligatoires et, bien entendu un conseil d'administration et un directeur général élu.
A mon sens, le siège de cette organisation devra rester en Afrique, en l'occurrence à Nairobi.
Madame Didier, vous avez parlé de restriction du nombre d'emplois. Or le solde net des emplois du ministère est positif et de quatre-vingt-huit. C'est le troisième ministère pour l'augmentation du nombre d'emplois !
Pour ce qui concerne les associations de protection de l'environnement, j'ai déjà longuement répondu ce matin.
Je vous signale que la procédure CIVIS, contrairement à ce qui était prévu à l'origine, est maintenant ouverte aux associations de l'environnement.
Cela étant, nous avions appelé ces associations à la vigilance puisque, en tout état de cause, même dans le format précédent, les contrats des personnes employées au titre des emplois-jeunes arrivaient à leur terme et celles-ci risquaient de voir d'autres personnes embauchées pour les remplacer. Le problème restait donc entier, et nous nous efforçons de le résoudre.
S'agissant des inondations, vous me demandez ce que compte faire le Gouvernement. La question qui doit être posée est plutôt : qu'a fait le Gouvernement ?
D'abord, nous avons entrepris d'améliorer la prévision des inondations par une réforme massive des systèmes d'annonce de crue et par un renforcement des moyens tant financiers qu'humains. Je rappelle la création du service central hydrométéorologique, installé à Toulouse.
De l'avis général, la prévision des inondations lors de la crise catastrophique que nous venons de vivre a été bonne et a permis, j'en suis persuadée, de sauver des vies humaines, même si six morts, c'est évidemment encore trop.
Ensuite, nous pensons qu'il faut maîtriser l'urbanisme, car des erreurs ont été commises dans ce domaine. Mon ambition est de faire en sorte que 10 000 plans de prévention de risque inondation soient prescrits. Et je force le pas, ce qui implique naturellement des contraintes sur l'urbanisme. Dans certaines zones, il s'agit d'interdire toute construction, malgré la pression sociale. Ailleurs, les prescriptions sont telles que les constructions rendues sont sensiblement plus coûteuses. Je crois cependant que le courage politique consiste aussi à faire preuve de cette fermeté-là.
Les PPR concernent l'urbanisme à venir. Mais nous voulons aussi nous intéresser à l'urbanisme existant. La loi du 30 juillet 2003 prévoit que les fonds assurantiels peuvent être mobilisés non seulement pour indemniser les personnes victimes d'inondation, mais aussi pour leur permettre de protéger leur maison d'éventuelles inondations, y compris, si c'est nécessaire, en délocalisant leur maison dans une zone non inondable.
Enfin, l'appel à projets adressé aux collectivités territoriales privilégie les techniques écologiques douces de ralentissement du flux dynamique en amont. Ces projets permettront de mobiliser 400 millions d'euros, pour bâtir une politique de prévention des inondations compatible avec l'environnement.
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour illustrer la hausse en trompe-l'oeil du budget de l'écologie et du développement durable proposé par le Gouvernement pour l'exercice 2004, j'évoquerai plus particulièrement le cas de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, même s'il en a déjà été question à plusieurs reprises ce matin.
Cet établissement public va voir son budget de fonctionnement stagner. Quant à ses autorisations de programme, c'est-à-dire ses actions, elles accusent, vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, une baisse inquiétante, de 23,4 %. Le soutien au traitement et à la réduction du volume des déchets ménagers et assimulés est directement concerné par cettre mesure.
Comment peut-on concevoir des coupes aussi sévères dans les moyens de l'ADEME, alors que les trois quarts des départements français crouleront sous les déchets dici à 2010, ainsi que l'indiquent les conclusions du commissariat général rendues publiques en septembre dernier ?
Sous prétexte de décentralisation, on assiste, une fois de plus, à un transfert sec de charges de l'Etat vers les collectivités locales, sans aucune impulsion ni dynamique.
Cela démontre réellement une absence de volonté face au problème du traitement des déchets.
S'ajoutent à cela les réductions arbitraires de crédits décidées par le Gouvernement au mépris de ses engagements, concernant, par exemple, la dotation du Fonds national de développement des adductions d'eau, qui permet de soutenir les collectivités locales dans leurs projets d'investissement en matière d'assainissement et d'eau potable. Laissez-moi vous rappeler à ce propos la situation de mon département, le Finistère : en 2003, la dotation de l'Etat a été en baisse de 72 %, et ce sont plus de 100 dossiers qui sont aujourd'hui gelés, faute de crédits.
C'est donc à la seule appréciation des collectivités locales, en fonction de leur volonté politique, certes, mais surtout de leurs capacités budgétaires, qu'est laissée la gestion des déchets, tout comme celle de l'eau.
Cela laisse craindre la plus grande inégalité entre les départements et une gestion aléatoire, voire anarchique, d'un territoire à l'autre puisque les collectivités locales ne pourront plus compter sur l'aide de l'Etat, notamment par l'intermédiaire de l'ADEME.
D'ailleurs, pour permettre à cette agence de remplir ses missions, le Gouvernement a fait le choix, non d'augmenter ses moyens, comme il aurait dû le faire, mais de réduire son champ d'action et de mettre à contribution certaines agences de l'eau, cela a déjà été souligné. Quatre d'entre elles - Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse - se voient ainsi ponctionnées de 210 millions d'euros par le Gouvernement pour couvrir, si j'ai bien compris, des dépenses non seulement en faveur de l'eau, mais aussi en matière de déchets. Vous nous avez dit ce matin - je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre - que les fonds de l'eau iraient à l'eau. Pour une fois, je partage l'avis de M. Philippe Adnot : nous avons en effet compris vos propos de la même manière.
On ne peut que regretter le total décalage entre la réalité du budget que vous nous présentez et la grande ambition que vous annoncez pour 2004, à savoir « l'animation d'une stratégie nationale de développement durable ».
Je crains fort que, en fait, les mesures que vous nous proposez pour le prochain exercice ne grèvent durablement les projets de traitement et de réduction des déchets tant attendus.
Certes, je reconnais qu'une réflexion sur l'évolution du rôle de l'ADEME est nécessaire, mais une transition s'impose. Il faut aussi savoir consacrer des moyens à cette phase délicate de transition.
Dans un tel contexte, je vous poserai trois questions, madame la ministre.
Quel soutien pouvez-vous vous engager à apporter aux collectivités locales en matière de gestion des déchets et de gestion de l'eau ?
Pouvez-vous aujourd'hui nous garantir que la dynamique engagée par l'ADEME concernant les énergies renouvelables, par exemple, ne sera pas cassée par les choix budgétaires que vous proposez ?
Enfin, pouvez-vous nous assurer que l'ADEME pourra s'attacher sérieusement à mettre en oeuvre votre statégie nationale du développement durable alors que ses effectifs se trouvent réduits ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà longuement expliquée ce main - c'est un peu la rançon de l'exercice auquel nous nous livrons - sur l'ADME, madame la sénatrice, mais c'est bien volontiers que je vous apporterai certaines précisions.
L'action de l'ADEME en 2004 tiendra compte des nouvelles orientations que je lui ai fixées. J'ai défini une nouvelle politique en matière de déchets ; je l'ai détaillée ce matin dans mon propos introductif, évoquant la réduction à la source des déchets, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins.
L'ADEME disposera de 70 millions d'autorisations de programme pour accompagner en 2004 les études ou les équipements neufs correspondant à ces orientations, en se concentrant notamment sur les opérations exemplaires.
L'ADEME est entrée dans une deuxième phase de son action. Elle a accompagné, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992 jusqu'à l'échéance de juin 2002, une politique d'incitation des collectivités territoriales, auxquelles incombe la mission d'assurer financièrement le traitement des déchets, car les attributions des uns et des autres sont parfaitement claires.
Au cours de cette phase, l'Etat et l'ADEME ont fourni un effort tout à fait considérable.
Permettez-moi de vous signaler que, si j'ai mobilisé la trésorerie des agences de l'eau, qui était abondante, c'est pour permettre d'honorer les chèques en bois de mes prédécesseurs, qui ont ignoré que, par un phénomène incoercible, les autorisations de programme se transforment en crédits de paiement !
Vous me demandez, monsieur le rapporteur, madame la sénatrice, si l'argent de l'eau retourne à l'eau. Mais bien sûr ! La gestion des déchets est en parfaite interface avec la politique de l'eau. Je ne ferai pas l'injure à un environnementaliste comme vous, monsieur Adnot, de l'ignorer !
Vous m'interrogez, madame la sénatrice, sur la maîtrise de l'énergie. En 2004, les autorisations de programme inscrites à ce titre s'élèveront, comme en 2003, à 61 millions d'euros.
C'est un domaine dans lequel l'ADEME doit poursuivre son engagement, notamment dans la mise en oeuvre de programmes d'information et de sensibilisation pour une utilisation rationnelle de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Un certain nombre de ces actions feront partie du plan « climat » qui vise à lutter contre le réchauffement climatique et l'effet de serre.
Les autres politiques de l'ADEME sont inchangées, à l'exception de l'action contre le bruit qui fera l'objet d'une restructuration de compétence telle qu'elle vous a été décrite ce matin, et du recyclage des huiles qui sera très logiquement transféré aux opérateurs concernés.
Ces évolutions traduisent mon engagement au profit des politiques que j'ai jugé bon de maintenir dans le cadre de l'ADEME après avoir passé en revue ses missions.
Effectivement, en termes de budget, les ressources de l'ADEME en autorisations de programme sont en diminution de 15 %. Cependant, cette dernière reflète des évolutions très différentes.
Ainsi, la diminution de 50 % des dotations concernant les déchets traduit une nouvelle orientation dans la mesure où j'estime qu'une première phase a été dépassée. En revanche, et cela doit vous rassurer, madame la sénatrice, les dotations sur l'énergie dans le cadre de la lutte contre le changement climatique augmentent de 25 % car, outre les 61 millions d'euros d'autorisations de programme inscrits à mon budget en loi de finances initiale, l'ADEME pourra disposer de 40 millions d'euros supplémentaires issus de réaffectations et qui seront consacrés au plan « climat ».
Tels sont les éléments que je souhaitais vous apporter, madame la sénatrice, sur le budget de l'ADEME.
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler chiffres et arithmétique dans un budget dont le périmètre est changeant, la surface à géométrie variable et la définition pas toujours très claire.
Rappelons tout de même qu'il s'agit d'assurer un développement économique, social et environnemental d'une manière durable. Les puristes s'interrogent d'ailleurs sur la raison de mentionner « écologie » et « développement durable » puisque l'un est compris dans l'autre.
Quant au budget lui-même, il est préférable d'avoir un budget modeste, mais réel et sincère, ce qui est le cas, plutôt que de poursuivre la politique d'affichage de crédits artificiellement gonflés, comme c'était la règle dans le passé.
Dans ce budget comme dans tous les autres, on se prépare à appliquer la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui modifiera en profondeur la présentation budgétaire de vos crédits.
Plus de transparence, de lisibilité, la volonté d'apurer certains dysfonctionnements méritent bien quelques inconvénients de transition.
Comment « trier » ce qui concerne uniquement le développement durable ? Il faudrait lire également entre les lignes d'autres ministères. Le développement durable est transversal. C'est un état d'esprit, une attitude. Il doit être placé au coeur de toute politique. C'est un changement de mentalité, afin de privilégier le qualitatif au lieu du quantitatif, ce qui n'est pas inné dans notre culture post-industrielle.
Il y a pour nous un devoir d'information et d'éducation auquel, pour ma part, je suis très attaché. Eduquer les jeunes générations, former à cet esprit les futurs cadres, les chefs d'entreprise et les dirigeants politiques, est indispensable à l'évolution réaliste des mentalités. C'est ce que font, par exemple, l'Institut européen d'administration des affaires, l'INSEAD, avec sa chaire du développement durable, l'Ecole des mines, avec son mastère en environnement, et l'Institut européen du développement durable, l'IEDD, à Fontainebleau.
Ne faisons surtout pas d'angélisme, car c'est probablement le pire ennemi du développement durable !
C'est pour cette raison qu'il ne faut jamais perdre de vue son cap : prendre en compte l'énorme accroissement de la population mondiale, sa formation, ses besoins économiques, tout en préservant la planète par une écologie durable. Il y a seulement dix ans, à Rio, qu'une vraie prise de conscience internationale a eu lieu. Nous avons la chance d'avoir un chef d'Etat qui a immédiatement compris l'importance du sujet, comme en témoigne ce propos qu'il a tenu à Fontainebleau en 1998 : « Le xxie siècle sera celui du développement durable. » L'histoire le retiendra. N'oublions pas son conseil formulé à Nantes en 2003 : « Les pays qui se seront engagés tôt dans une politique de développement durable détiendront à coup sûr des clés essentielles pour l'avenir. »
Il reste encore beaucoup de travail pédagogique pour passer d'un concept global flou à une « attitude écologique » ou une « durable attitude ». Pourquoi ne pas envisager un lieu de rencontres qui serait une véritable cité du développement durable dans un partenariat associant le public et le privé ?
Je souhaite, pour ma part, appeler votre attention sur deux points plus précis, concernant l'aspect écologique du développement durable.
En premier lieu, je voudrais évoquer Natura 2000. Ne perdons jamais de vue que le mieux est l'ennemi du bien. Qualifier de « perturbation » toute activité humaine dans ces secteurs est un pléonasme. Prenons garde à une forme d'excès qui ferait de certaines parties de notre pays des friches vidées de leurs habitants, sanctuarisation qui conduirait à la désertification rurale. Oui à la protection des paysages et de l'environnement ! Non à un intégrisme qui passerait par la spoliation des populations locales et qui a conduit dans certains esprits à transformer ce qui était un label en punition ! Là encore, pédagogie, concertation, respect des traditions et histoires locales seront plus efficaces pour les résultats à atteindre que les oukases. Les directives européennes ne doivent pas faire oublier que le Président de la République a placé l'homme au centre des préoccupations de l'écologie et du développement durable. Or, de tout temps, l'homme a cultivé et chassé...
En second lieu, je voudrais insister sur ce qui est considéré comme le fléau numéro un par les Français : le bruit. Selon l'INSEE, il s'agit, pour 54 % d'entre eux, d'une préoccupation placée devant l'insécurité.
Le droit au silence et au calme est déjà un souhait profond, et ce sera demain une revendication très forte tant l'homme moderne est agressé en permanence par les nuisances sonores. Aussi, vous devez veiller, madame la ministre, à l'amélioration de la qualité de la vie des riverains des routes et des voies ferrées, ainsi que des industries existantes.
Il faut cependant traiter à part les nuisances des aéroports. La concertation avec les riverains, le travail avec les associations sont indispensables. Les changements de couloirs aériens ne sont pas une simple décision technique ; il peuvent faire basculer certaines zones de la notion de paradis à celle d'enfer.
Il convient, plus que jamais, de maintenir les mesures conservatoires prises sur Orly. Quant à Roissy, compte tenu de sa capacité d'extension, les riverains sont inquiets. Non seulement la situation ne doit plus se dégrader, mais elle devrait s'améliorer.
J'insiste tout particulièrement pour que les crédits de cette ligne budgétaire soient protégés, voire augmentés. Il y va de l'équilibre quotidien d'un grand nombre de nos concitoyens. Techniquement, l'on peut beaucoup, mais à quel prix et qui va payer ?
Enfin - c'est un peu hors sujet, mais c'est l'esprit de votre démarche que je veux saluer -, vous avez renoncé à créer des directions départementales de l'environnement. Merci de ne pas encombrer la décentralisation nécessaire, et qui est en cours, d'une déconcentration superficielle de votre ministère.
Je voterai donc, madame la ministre, votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous suis reconnaissante, monsieur le sénateur, d'avoir bien compris la démarche qui m'a conduite à refuser la création d'une direction départementale de l'environnement.
Le développement durable ne doit pas être enfermé dans une sorte de ghetto au 20, avenue de Ségur. Il s'agit là d'une sorte de révolution culturelle de ce ministère qui a quitté une vocation purement proclamatoire, pour s'attacher à développer des collaborations avec l'ensemble de ses partenaires gouvernementaux.
Elles se sont concrétisées par deux comités interministériels sur le développement durable, par la nomination dans chaque ministère d'un haut fonctionnaire au développement durable, petite escouade ministérielle qui est animée par le haut fonctionnaire du développement durable placé auprès de moi.
J'ai développé des collaborations très intéressantes avec Gilles de Robien. Le plan « climat » résultera d'un travail conjoint et intense entre nos deux ministères.
C'est une révolution culturelle de voir les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, « conommées » par le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales et la ministre de l'écologie. Cela aurait été impensable voilà quelques mois.
M. Adrien Gouteyron. C'est vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il en est de même de la collaboration très fructueuse que nous avons avec le ministère des affaires étrangères, car les politiques liées à l'écologie ont un impact planétaire. Ainsi, nous mènerons une vraie politique du développement durable. Elle ne se juge pas à une ligne budgétaire dans le ministère.
En ce qui concerne Natura 2000, à mon arrivée au ministère, j'ai trouvé le dossier bloqué. La France était sous la menace de très graves sanctions financières, qui n'est d'ailleurs pas complètement levée. La concertation avec les élus locaux était en panne. J'ai voulu la relancer avec les acteurs de terrain, car je partage largement votre avis, monsieur le sénateur, on ne fait pas d'écologie contre les citoyens qui habitent dans les zones à protéger. J'ai signé deux circulaires à l'attention des préfets et de mes services, afin de redéfinir une méthode d'action sur le terrain.
Le rapport remis par le sénateur Jean-François Le Grand, dont je tiens à saluer le travail, dans le cadre de la mission d'information qui lui a été confiée par la commission des affaires économiques du Sénat, a été très utile pour relancer cette dynamique. Les grandes orientations proposées par M. Le Grand reçoivent un accueil très favorable de ma part et mes services travaillent à leur mise en oeuvre concrète par des dispositions législatives.
Près de cent trente sites ou propositions de sites ont été notifiés à la Commission européenne en dix-huit mois, afin d'éviter de nouvelles condamnations au titre de la directive « habitats » ou de la directive « oiseaux », qui engendreraient de lourdes astreintes.
Environ sept cents documents d'objectifs sont en cours d'élaboration ou déjà achevés, ce qui ouvre la voie à la passation de contrats. Ainsi, pour les acteurs de terrain, Natura 2000 représente non seulement des contraintes, mais aussi une chance de développement.
En matière budgétaire, précisément, aux 17,84 millions d'euros prévus pour 2004 sur Natura 2000 s'ajoute ma proposition d'exonération fiscale de la taxe foncière non bâtie sur les propriétés situées en zone Natura 2000 et qui font l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site.
En outre, les actions relatives au bon état écologique de l'eau et des milieux humides pourront bénéficier d'une partie du fonds de concours exceptionnel des agences de l'eau. Je resterai bien entendu très vigilante, afin de permettre à l'ensemble des réseaux de gestionnaires d'espaces naturels d'oeuvrer efficacement pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel.
J'évoquerai maintenant le plan bruit que j'ai largement développé ce matin.
En premier lieu, à partir du 1er janvier prochain, les gestionnaires des dix principaux aéroports nationaux vont bénéficier d'une taxe sur les aéronefs dont le montant, consacré dans son intégralité à l'insonorisation des riverains situés dans les plans de gêne sonore, passe de 17 millions d'euros en 2003 à 55 millions d'euros en 2004. Cette amélioration quantitative est particulièrement significative, puisqu'elle représente un triplement des crédits. Elle s'accompagnera d'une simplification des circuits administratifs pour permettre de régler des dossiers particulièrement urgents et d'accélérer le rythme des travaux.
Nous devrions parvenir à un total de 8 800 logements par an, ce qui représente un triplement du nombre de logements insonorisés.
Dans le domaine des transports terrestre, j'ai élaboré en collaboration avec Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo un plan d'insonorisation de 50 000 logements en cinq ans, orienté vers les quartiers les plus exposés au bruit se situant dans les zones urbaines sensibles. En effet, dans ces quartiers urbains défavorisés, la gêne sonore vient aggraver d'autres handicaps sociaux.
Le deuxième axe de ce plan concerne aussi la lutte contre le bruit au quotidien. Un décret permettant la saisie et la destruction des pots d'échappement des deux-roues non conformes à la réglementation du bruit sera pris dans quelques semaines.
M. Adrien Gouteyron. C'est très bien ! Les maires attendent !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est en effet très attendu.
Enfin, le ministre de la justice donnera des instructions pour que les plaintes soient mieux traitées, d'abord par une médiation, puis, le cas échéant, par les sanctions pénales appropriées.
Le troisième axe de ce plan est orienté vers la préparation de l'avenir, en particulier avec une dotation aux crédits de recherche.
Vous avez bien fait de le souligner, monsieur le sénateur, la lutte contre le bruit constitue bien de l'écologie au quotidien.
M. Paul Dubrule. Merci, madame la ministre, de votre réponse, qui était parfaite !
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, vous l'avez fort bien exprimé tout au long de ce débat, votre budget est un budget « vrai ».
M. Didier Boulaud. Ah bon !
M. Adrien Gouteyron. Vous n'avez dissimulé ni ses forces ni, parfois, ses insuffisances, et nous vous en savons gré.
La hausse des crédits, pour légère qu'elle soit, témoigne dans le contexte difficile que connaît notre pays d'une véritable volonté, d'une très forte détermination, que je salue, et exprime la cohérence de votre politique autour d'un certain nombre d'axes : la lutte contre les risques naturels et technologiques, la protection des espaces naturels, l'amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens, que M. Paul Dubrule vient d'évoquer à propos du plan bruit. Tous ces points sont essentiels.
Je souhaite intervenir sur la protection contre les risques, en particulier d'inondation. Vous avez fait voter une loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Votre effort pour développer chez nos compatriotes la conscience à la fois des risques et de la nécessité de la prévention me paraît en effet primordial.
Les événements dramatiques qui ont touché un certain nombre de départements, dont le mien, celui de la Haute-Loire, nous rappellent la nécessité d'une politique forte de prévention des risques naturels, et plus particulièrement des risques d'inondation.
Madame la ministre, après les inondations qu'a connues le département du Gard, vous avez lancé un appel à projet pour soutenir des plans de prévention des inondations. Sur la centaine de dossiers que vous avez reçus, vous en avez sélectionné une trentaine, dont celui qui concerne le département qui m'est cher. L'ensemble de ces plans, représenterait quelque 444 millions d'euros et l'engagement de l'Etat s'élèverait à presque 131 millions d'euros. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres, madame la ministre ?
Par ailleurs, comment les actions vont-elles s'engager selon vous et quel en sera l'échéancier ? Il y a urgence, madame la ministre. Les événements le montrent et il nous faut agir et avancer.
Ma question a pour objet de vous inviter à nous en dire un peu plus sur ces actions primordiales. Vous avez utilisé tout à l'heure une formule que j'ai aimée : « A ma place, il faut penser global, mais il faut aussi agir local ou, au moins, aider à agir local » ; je souhaite vous donner l'occasion d'illustrer cette belle devise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'avais pris soin de noter cette belle formule ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, la sécurité de nos concitoyens est au coeur de mon action ministérielle. Elle est évidemment assurée au premier chef par les services de police et de justice, mais la soif de sécurité de nos concitoyens justifie que d'autres ministères s'attachent à répondre à ce besoin.
La prévention des risques naturels, industriels et technologiques est donc l'une de mes toutes premières priorités. Les augmentations de crédits prévues dans le projet de budget du ministère de l'écologie et du développement durable en sont la preuve.
La prévention des inondations - j'ai déjà eu l'occasion d'en parler - passe par plusieurs axes, le premier d'entre eux étant l'établissement de plans de prévention des risques.
Certes, cela impose des contraintes, mais il faut prendre en considération les dérives de l'urbanisme. En accompagnant le Président de la République dans les Bouches-du-Rhône, voilà deux jours, j'ai constaté que les préfets étaient encore saisis de demandes de constructions de maisons privées, voire, ce qui est pire, de constructions publiques, en pleine zone inondable. C'est absolument anormal !
J'ai donc l'ambition que soient prescrits 10 000 plans de prévention des risques, notamment des risques d'inondations, mais aussi des risques d'incendies de forêts.
On a vu cet été les conséquences dramatiques qu'a entraînées l'absence de plan de prévention des risques d'incendies de forêts, PPRIF, dans le Var : aucun n'existait et maintenant treize sont prescrits.
Nos concitoyens doivent aussi avoir conscience des risques. Les populations sont mobiles. Auparavant, on habitait là où ses parents étaient nés. On connaissait le rythme biologique du territoire sur lequel on vivait. Maintenant, du fait de la réurbanisation, les habitants ignorent souvent qu'ils sont en zone inondable. Tous les actes de location ou de vente devront porter la mention que le bien est situé ou non en zone inondable.
De surcroît, des repères de crues seront apposés sur les bâtiments publics ; c'est parlant. Des réunions d'information seront organisées par les maires des communes situées en zone inondable pour sensibiliser les populations aux comportements qu'ils devront observer en cas d'inondation.
De plus, nous nous attelons à l'urbanisme existant en permettant des délocalisations, des adaptations de logements. Nous avons également mis sur pied l'appel à projets des collectivités territoriales, qui mobilisera effectivement 130 millions d'euros de la part de l'Etat sur quatre ans, ce qui correspond à peu près au calendrier des travaux qui nous sont proposés par les maîtres d'ouvrage.
Trois axes peuvent être définis pour cet appel à projets.
D'abord, il convient d'entretenir les ouvrages existants. On m'a présentée comme une militante anti-ouvrages. Lorsque des ouvrages existent, il faut les conforter. Les digues de Camargue viennent de nous le rappeler.
Une vraie politique de prévention et d'information des populations doit aussi être menée, comme je l'ai dit.
Par ailleurs, des techniques écologiquement douces qui ralentissent le flux dynamique en amont doivent être mises en oeuvre, créant des zones d'expansion des crues avec des servitudes de surinondation. Il est juste que les agriculteurs qui accepteront de surinonder leurs terres reçoivent une rémunération. Le texte le permet.
Je salue d'ailleurs la profession agricole qui a travaillé dans un grand esprit de solidarité. Ces agriculteurs, qui sont en amont et ne sont donc pas menacés par les crues, ont accepté des contraintes pour protéger la zone aval urbanisée desdites crues. Ils utiliseront des techniques qui empêchent l'érosion des terres labourées en parallèle du lit de la rivière, replanteront des bosquets, referont du bocage et aménageront des chemins creux.
Tel est le sens de l'appel à projets, et je suis très heureuse, monsieur le sénateur, que votre département ait répondu par un projet de très grande qualité.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
M. le président. « Titre III : 32 451 259 euros. »
Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 11 530 798 euros. »
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Madame la ministre, à l'occasion de l'examen des crédits de l'ADEME, a été évoquée la politique de lutte contre les nuisances sonores, principalement dans l'environnement des aéroports.
Je tiens à vous dire, comme je l'ai exprimé tout récemment à vos collègues MM. de Robien et Bussereau, combien notre inquiétude est grande et combien la situation est dramatique aujourd'hui, car les conditions d'un développement durable, de Roissy notamment, ne sont absolument pas réunies.
C'est pourquoi, tout en comprenant que vous modifiiez les dispositifs juridique et financier d'action pour l'indemnisation des nuisances sonores, je suis conduit à vous faire part de quelques réflexions.
Tout d'abord, les crédits vont augmenter de manière très sensible, puisque le produit de la TGAP, la taxe sur les activités polluantes, va passer d'environ 17 millions à 55 millions d'euros. Cela permettra de développer et d'intensifier l'action d'insonorisation des maisons et des ouvrages publics situés dans les zones exposées au bruit des aéroports, non pas uniquement à Roissy, bien évidemment, mais dans l'ensemble de notre pays. C'est une bonne chose.
Cependant, nous craignons qu'en cours d'année le montant de ces crédits ne s'avère insuffisant.
Actuellement, deux tiers des dossiers de demande d'indemnisation concernent des nuisances qui se produisent dans la zone de l'aéroport de Roissy. Que se passera-t-il, madame la ministre, si, en raison de la qualité des dossiers et de la rapidité de leur instruction, le montant des indemnisations accordées excède, en 2004, le montant de TGAP prévu ? Le Gouvernement prendra-t-il les dispositions nécessaires afin de prévoir des crédits aussi « évaluatifs » que possible et répondre ainsi aux demandes des personnes concernées ? Au demeurant, l'indemnisation n'est évidemment pas une solution parfaite. Vivre en permanence avec les fenêtres fermées et ne pas pouvoir profiter de son jardin n'est, en effet, vraiment pas agréable.
S'agissant, plus particulièrement, de l'instruction des dossiers d'indemnisation, il est prévu qu'elle sera assurée par Aéroports de Paris, ADP, et par les opérateurs des aéroports sur l'ensemble du territoire français. Certes, cette disposition a sa logique propre. Mais vous comprendrez, madame la ministre, et je vous le dis avec solennité, qu'elle soit très mal perçue psychologiquement par les habitants des secteurs exposés aux nuisances aéroportuaires.
Je vous invite à relire le compte rendu de la réunion qui s'est tenue dans le Val-d'Oise au sujet du PGS, le plan de gêne sonore. Les élus, les associations et les habitants ont tous parlé du décalage fantastique qu'ils ressentaient entre la notion de nuisances exprimée en termes scientifiques et peu lisibles - que signifient d'ailleurs les initiales de l'indice LDEN ? - et les nuisances réellement vécues. Il y a un décalage entre les nuisances émises par les avions et les nuisances perçues par les habitants, qui est fonction de leur situation, selon qu'ils vivent dans la vallée, sur une colline, qui est également fonction du nombre des mouvements aériens et du moment où les vols ont lieu, la nuit ou le jour.
Nous souhaitons donc que soit engagée une réflexion sur les indicateurs de nuisances sonores. A cet égard, M. Raffarin nous a indiqué que le Gouvernement en était d'accord.
Par ailleurs, pour quelles raisons l'ADEME sera-t-elle déchargée de la mission d'instruction des dossiers d'indemnisation au profit d'ADP ? Dans une période antérieure, alors qu'ADP avait la responsabilité des dossiers, cela s'est mal passé. Les riverains refusent qu'ADP, en qui ils n'ont plus confiance, instruise leurs dossiers.
Puisque vous prévoyez que l'assistance technique peut être fournie par l'ADEME, acceptez l'alternative suivante : dans certains sites aéroportuaires, l'exploitant de l'aéroport pourra assurer l'instruction des dossiers ; en revanche, si les habitants ou les élus le souhaitent, en raison, par exemple, de dispositions locales ou d'un climat politique particulier, ils pourront confier à l'ADEME pour l'année 2004 le soin d'instruire les dossiers. En tout état de cause, à l'avenir, cette charge reviendra aux communautés aéroportuaires, qui devraient être créées par une proposition de loi que le Sénat examinera jeudi prochain. Ces communautés pourront, en tant que maîtres d'ouvrage, gérer les crédits d'indemnisation des nuisances sonores.
Telles sont les réflexions que je souhaitais faire à propos du budget de l'ADEME, avec beaucoup de conviction et de solennité, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie de votre intervention, monsieur le sénateur, car je sais que vous êtes au plus près des populations qui subissent de fortes nuisances sonores, lesquelles sont la première source de souffrance de nos concitoyens.
Faut-il augmenter encore la taxe sur les nuisances sonores des compagnies aériennes ? Le Gouvernement a décidé de la tripler, la portant de 17 millions d'euros à 55 millions d'euros. Nous analyserons la façon dont ces crédits seront consommés. Nous verrons bien comment les dossiers vont se présenter. Nous allons tripler le nombre de logements insonorisés, ce qui est déjà considérable. Si le rythme s'accélère, nous pourrons envisager de faire jouer davantage le principe « pollueur-payeur » puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
A qui faut-il déléguer la responsabilité de cette opération ? On ne peut que constater que le mécanisme actuel ne donne pas satisfaction. L'instruction des dossiers est trop lente. Nous avons préféré rapprocher la gestion des dossiers d'ADP. Si cela marchait mal auparavant, c'est qu'il n'y avait pas d'argent. ADP se voyait présenter de nombreux dossiers mais sans avoir de financement. Toutefois, pour rassurer les populations, qui pourraient à juste titre s'inquiéter, une commission présidée par le préfet contrôlera l'utilisation des fonds par ADP, ainsi que l'évolution des dossiers.
L'Etat ne renonce donc en rien à son pouvoir de vérification et, en quelque sorte, à son pouvoir « régalien », même si le mot est sans doute un peu fort s'agissant du traitement des dossiers des nuisances sonores.
L'amélioration est donc à la fois quantitative - et nous allons tester en temps réel si les moyens prévus sont suffisants - et qualitative, puisqu'il s'agit de rassurer les populations.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 45 800 000 euros ;
« Crédits de paiement : 15 774 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 298 340 000 euros ;
« Crédits de paiement : 82 557 000 euros. »
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je vous rappelle, madame la ministre, que, dans le « jeu » des questions-réponses, une seule approche est possible. Nous ne pouvons pas, bien sûr, nous substituer à nos camarades de l'UMP et dire - je leur en laisse d'ailleurs toute la responsabilité - que tout est parfait.
Je peux comprendre, madame la ministre, les choix que vous avez dû effectuer. La protection des vies humaines et la sécurité sont primordiales. Mais je regrette que ces choix laissent ainsi de côté l'écologie, alors que son abondement dans votre budget, je l'ai déjà dit, ne représenterait pas un gros effort pour les finances de l'Etat.
C'est pourquoi, déplorant les contradictions qui existent entre certains effets d'annonce et les réalités du terrain, nous ne voterons pas votre budget.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-58 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l'article 74 ter, rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'écologie et au développement durable.
Article additionnel après l'article 74 ter
M. le président. L'amendement n° II-58 rectifié bis, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :
« I. - Après l'article 74 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la limite de 10 millions d'euros par an, et jusqu'au 31 décembre 2008, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement contribue au financement des études et travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques approuvé. Le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et 20 % pour les travaux. »
« II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division ainsi rédigée :
« Ecologie et développement durable. »
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, qui a été créé par la loi dite loi Barnier du 2 février 1995, est alimenté, depuis le 1er septembre 1999, par un prélèvement à hauteur de 2 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles figurant dans les contrats d'assurances.
Quelle est la situation de ce fonds ? Actuellement, grâce aux sommes accumulées au cours des dernières années, la dotation s'établit à près de 100 millions d'euros. Chaque année, les recettes s'élèvent à 25 millions d'euros et les dépenses à 10 millions d'euros. D'année en année, les missions de ce fonds ont été élargies. Compte tenu des circonstances - évidemment, les graves inondations qui viennent de se produire dans les départements du Sud-Est ne sont pas étrangères à cette proposition - cet amendement vise à élargir encore les possibilités d'utilisation de ce fonds, sans sortir des missions qui lui sont dévolues.
La rédaction prudente de cet amendement tient compte des disponibilités actuelles et permet de prévenir tout risque de dépenses inconsidérées. Evidemment, une nouvelle source de financement doit être trouvée, sans quoi ma proposition n'aurait aucun sens. Mais un tel fonds doit aussi servir.
Tel est le sens de mon amendement, madame la ministre. Je sais bien qu'il est quelque peu audacieux, mais son adoption n'entraînerait qu'une petite dépense supplémentaire. En la circonstance, il me paraît répondre à une nécessité et prévient tout risque de dérapage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu le temps d'examiner cet amendement, puisqu'il a été déposé tardivement.
M. Adrien Gouteyron a rappelé la situation du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dont les crédits ne sont pas destinés à être intégralement consommés tous les ans. Il est parfaitement légitime qu'un tel fonds ait été constitué au fil des ans afin de pouvoir faire face, le moment venu, à des situations graves.
Pour autant, le fait d'élargir la contribution du fonds nous offre la possibilité d'investir une certaine somme, que vous avez circonscrite à 10 millions d'euros. Les gestionnaires du fonds apprécieront en outre les demandes au cas par cas. Cette mesure ne remet donc nullement en cause le financement du fonds ; elle lui permet simplement d'être plus efficace et de prévenir des dépenses qui pourraient s'avérer bien plus importantes par la suite.
A titre personnel, cet amendement me paraît excellent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Gouteyron a fait une excellente analyse de l'évolution du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dont le montant s'élève à près de 100 millions d'euros. La consommation de ce fonds est très inférieure à son abondement annuel, il va donc continuer à prospérer « gentiment. » Or, les besoins sont considérables, comme j'ai pu encore tout récemment le constater dans le département des Bouches-du-Rhône. Le prélèvement de 10 millions d'euros que vous proposez de réaliser est raisonnable, il est même inférieur à la dérive d'augmentation dudit fonds. En outre, la contribution est limitée aux communes couvertes par un plan de prévention des risques approuvé, ce qui me paraît tout à fait important.
Une petite interrogation demeure toutefois. Cet amendement distend apparemment le lien entre les biens assurés, qui est la raison d'être du fonds, et l'utilisation de ce fonds. C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle vous l'avez limité aux communes dont le PPR est approuvé.
Je m'en remettrai donc à la sagesse de cette noble assemblée.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. J'interviendrai très brièvement pour faire la synthèse des propos excellents qui ont été tenus tant par Mme la ministre que par M. le rapporteur spécial.
D'une part, il ne s'agit pas de vider le fonds - car il doit être abondé pour pouvoir remplir sa fonction -, loin de là, puisque la somme pouvant être prélevée chaque année est limitée à 10 millions d'euros. On assure ainsi, comme l'a indiqué Mme la ministre, que le prélèvement reste inférieur aux recettes annuelles. Le fonds ne risque donc pas d'être vidé.
D'autre part, précaution essentielle, l'intervention du fonds se fera uniquement dans les communes dotées d'un PPR approuvé. Tel est donc l'esprit de cette proposition, qui me semble parfaitement adaptée aux circonstances que nous connaissons.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Dans les circonstances dramatiques actuelles, cet amendement paraît important. Il faut toutefois rappeler que la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages du 30 juillet 2003 prévoyait l'élargissement du champ d'application des fonds dits « Barnier ». Or, à ma connaissance, aucun décret d'application n'est encore paru.
En proposant d'élargir encore le champ d'intervention de la protection contre les risques naturels, il convenait de se demander, bien sûr, qui allait finalement payer. M. Gouteyron a en partie répondu à cette question. A force de puiser dans le fonds, ne serait-on pas obligé de recourir à une forte augmentation des primes d'assurance, ou simplement à la solidarité nationale pour ne pas laisser une fois encore le soin de se protéger contre les risques naturels aux contribuables locaux ?
La situation actuelle est grave, malheureusement répétitive. C'est pourquoi, après avoir entendu M. Gouteyron et Mme la ministre, nous ne nous opposerons pas à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-58 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 74 ter.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'écologie et le développement durable.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme la ministre répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux cinq rapporteurs pour avis, puis au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de paroles impartis.
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je limiterai mon propos à trois volets.
J'exposerai tout d'abord, madame la ministre, les mérites de votre budget ; je le ferai brièvement, car vous aurez l'occasion de les rappeler au cours du débat. J'évoquerai ensuite les questions que ce budget laisse ouvertes. Enfin, je soulignerai rapidement les ombres qu'il n'a pas tout à fait dissipées.
S'agissant des mérites du budget qui nous est soumis, le premier d'entre eux est évidemment l'augmentation des crédits du budget militaire de plus de 4 %, bien supérieure à celle des ministères civils. A cet égard, on ne dira jamais assez le mérite qui vous revient, madame la ministre, d'avoir, par des temps vraiment difficiles, maintenu cette dotation en faveur des armées. A l'évidence, il le fallait, car nous étions au bord d'un déclin incontournable et définitif de nos forces armées. Voilà qui est fait, il convient de s'en féliciter, d'autant plus que l'industrie de l'armement militaire est, comme vous le savez, à vocation duale et profite très directement à l'industrie civile.
Le deuxième mérite tient au fait que s'ouvre la voie d'un rééquilibrage entre le titre V, qui augmente de 9,2 % - chiffre exemplaire - et le titre III, qui n'augmente pas ou très peu. En réalité, mes chers collègues, cela est dû au fait que la professionnalisation a coûté finalement, au cours des sept à huit dernières années, plus cher que prévu et n'a pu être financée qu'en dépit et aux dépens du titre V. L'armée professionnelle a besoin d'un armement de plus en plus perfectionné et, donc, de plus en plus coûteux.
Je constate aussi que le budget de la défense repasse - de peu, certes - à 2 % du PIB. C'est beaucoup mieux qu'hier, même si c'est encore en dessous de ce que nous connaissions en 1996.
Le troisième mérite tient au fait que l'annulation des crédits dont le ministère des armées a été la victime régulière au cours des années passées et qui s'élevait à 926 millions d'euros en 2001 n'a plus été, en 2002, que de 321 millions d'euros et serait encore de 400 millions d'euros si ne figurait pas - j'en dirai quelques mots ultérieurement - dans la loi de finances rectificative une disposition corrigeant cette dérive.
Une autre amélioration notoire est que la disponibilité des matériels s'accroît, mais ce n'est pas en un jour que l'on redresse le vieillissement d'un parc comme celui que nous connaissions hier.
Ce sera donc long et l'effort devra se poursuivre. Par ailleurs, 1 milliard d'euros ont été affectés à l'entraînement des forces, ce qui est beaucoup mieux qu'hier mais loin encore de ce qui se fait aujourd'hui, par exemple, en Grande-Bretagne.
Le dernier mérite, que je développerai davantage, concerne la mise en place de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Vous avez le mérite, madame la ministre, de vous être personnellement attachée à cette évolution qui constitue à mon avis une révolution profonde pour le ministère des armées. Elle s'engagera dès l'année prochaine par petits pas pour trouver sa forme définitive en 2005 et surtout, bien sûr, en 2006.
C'est un sujet complexe. La professionnalisation a entraîné, en son temps, un changement quantitatif dans les armées. Aujourd'hui, la formation qui nous est proposée est un changement qualitatif dans l'organisation même de l'armée afin d'atteindre à plus d'économie, de transparence et d'efficacité.
Le budget se partagera en sept programmes divisés eux-mêmes en trente-cinq actions, soumis à la règle moyens-résultats qui permettra un meilleur contrôle du Gouvernement et du Parlement.
Trois principes seront mis en oeuvre, nous en reparlerons souvent dans le futur.
Le premier vise à conjuguer l'approche organique traditionnelle qui assure la capacité opérationnelle des différentes armes et une approche transversale qui uniformisera les services qui leur sont effectivement communs : informatique, immobilier, parc automobile, uniformes, alimentation et même archives, qui mobilisent aujourd'hui trop de personnel militaire pour des tâches qui ne sont pas vraiment les siennes.
Il pourrait conduire éventuellement, demain, à externaliser et, pourquoi pas, à privatiser, à l'image de ce qui se fait à l'étranger, pour rendre au militaire sa vraie fonction, à savoir la préparation et la maîtrise d'un conflit éventuel.
Le deuxième principe est de responsabiliser les chefs de programme en permettant la fongibilité entre les titres III et V, entre les frais de fonctionnement et les frais d'équipement, mais dans ce sens-là seulement, ce qui revient à protéger à l'avenir le titre V des prélèvements qui l'ont amputé dans les dernières années.
Le troisième principe tend à renforcer la position d'arbitrage et de décision du chef d'état-major général des armées. Hier responsable de la conduite des opérations en cas de conflit, il sera demain aussi, et peut-être d'abord, responsable de la préparation des forces conçue en fonction des conditions stratégiques, qui peuvent changer d'un conflit à l'autre.
Il s'agit d'une oeuvre ambitieuse et exemplaire, mes chers collègues. Il a fallu toute votre détermination, madame la ministre, pour qu'elle soit engagée dans les meilleurs délais.
Je souligne enfin très brièvement trois faits intéressants : une réduction indicative des crédits consacrés à la communication dans votre budget, madame la ministre ; une légère réduction des emplois civils ; une stabilisation du nombre de postes de militaires en fonction à l'étranger à près de cent. Tout cela témoigne d'une volonté d'économie dont nous ne pouvons que nous satisfaire.
J'en viens maintenant aux questions. La première concerne le destin de l'arme nucléaire. La France s'est dotée depuis longtemps de l'arme nucléaire « de dissuasion ». Depuis, les temps ont changé. Or je constate que l'arme nucléaire que je qualifierais de dissuasion classique constitue avec le SNLE, le sous-marin lanceur d'engins de nouvelle génération, 20 % des dépenses du titre V. L'arme nucléaire se trouve en quelque sorte sanctuarisée.
Ce constat me conduit à formuler trois observations. Il convient tout d'abord de se féliciter de la bonne tenue du programme de simulation, qui évolue de concert avec celui des Etats-Unis et qui permettra de conserver à l'avenir la maîtrise de l'arme.
Ma deuxième observation porte sur le futur missile air-sol de moyenne portée prévu pour 2007. Muni d'une tête nucléaire et disposant d'une portée de 300 à 400 kilomètres, il correspond, si l'on ose ce néologisme, à une régionalisation de l'arme nucléaire. Il ne s'agit pas encore d'une miniaturisation...
Mme Hélène Luc. On y vient !
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. ... mais il s'agit néanmoins d'une évolution profonde de notre technique en matière d'utilisation de l'atome. Là encore, je pense qu'il faut s'en féliciter.
Dans le contexe mondial actuel, le développement et la sophistication de l'arme nucléaire classique s'imposent-ils encore au niveau où nous les maintenons ? Je pose la question, mais je me garde de répondre. Je vous la livre, madame la ministre, telle qu'elle m'est venue à l'esprit en constatant cette évolution de notre armement nucléaire.
Deuxièmement, les crédits consacrés à l'espace diminuent de 7,5 %. Dans doute travaille-t-on au développement du satellite Hélios II, mais son sucesseur reste pour l'instant parfaitement virtuel. Il est vrai que l'Europe est divisée en cette matière et que les crispations nationales restent fortes. On a pu le constater avec le programme Galileo, qui a failli échouer. Rappelons simplement que les Etats-Unis consacrent aujourd'hui vingt fois plus de crédits que nous à l'espace. Encore la France est-elle à la pointe au sein de l'Europe.
Il est bon d'avoir une surveillance du champ d'opération. Ce sera le rôle des futurs drones, mais peut-on abandonner tout espoir de voir un jour un satellite européen à finalité de couverture militaire ? C'est une vraie question.
Troisièmement, le budget de la marine supportera en 2004 une large part du coût de la modernisation et du changement de statut de la direction des constructions navales, la DCN, concernant notamment, je n'entre pas dans le détail, la TVA et la dette qu'elle devra assumer. Peut-on penser, madame la ministre, que cette situation changera bientôt et que, en 2005 au moins, cette hypothèque qui pèse sur le budget de la marine sera levée ?
Quatrièmement, l'énorme marché de renouvellement des avions ravitailleurs, soit 18 milliards d'euros, contrôlé aujourd'hui à près de 100 % par les Etats-Unis, va s'ouvrir. Les appareils qui le couvrent actuellement sont à bout de souffle. Ils sont tous, ou presque, d'origine américaine. La société Boeing connaît, à l'heure où je parle, de très graves difficultés concernant cette affaire. Madame la ministre, les chances de voir aboutir un projet européen construit autour d'Airbus civils transformés en avions à finalité militaire en seront-elles multipliées ? C'est une question d'une importance extrême pour l'ensemble de l'industrie européenne d'aviation civile ou militaire.
Cinquièmement - question annexe et très modeste -, le second porte-avions que la France a décidé de construire sera-t-il une réplique du Charles-de-Gaulle ou le fruit d'une coopération nouvelle avec les Britanniques ? Cette question reste toujours posée.
Enfin, sixièmement, un problème capital va dominer les prochaines années, mes chers collègues, celui de l'interopérabilité, de l'harmonisation, de l'uniformisation de l'armement européen.
Il existe bien, vous le savez, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR. Elle gérera le projet de l'A 400 M, par exemple. Toutefois, le domaine militaire relevant de la souveraineté nationale est absent du traité de Rome de 1957. En revanche, il est inscrit dans la proposition de Constitution européenne actuellement en discussion.
En effet, la situation actuelle est accablante : les quinze pays de l'Union européenne consacrent - cela a déjà été dit, mais je le répète - 160 milliards d'euros à leur défense et les Etats-Unis 390 milliards d'euros, soit un peu plus du double. Mais la capacité opérationnelle des Européens est estimée à 10 % de celle des Etats-Unis. Cette distorsion entre les fonds consacrés à la défense et les résultats obtenus pose un authentique problème, qu'une meilleure uniformisation des armements pourrait aider à résoudre, d'où la création, décidée en avril dernier par la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, d'une Agence européenne de l'armement. Elle doit être mise en place le 1er janvier prochain, afin de parvenir à conduire, avec les Britanniques, une véritable politique industrielle commune de l'armement. Celle-ci bénéficiera de plusieurs atouts.
Cette coopération étroite a déjà fait ses preuves, au cours des dernières années, en Bosnie, en Macédoine et au Congo, lors des conflits qui ont conduit les Européens à gérer ensemble des situations de crise. Mais il ne s'agissait là que de fonctionnement. Maintenant, il est question d'armements, d'équipements.
Cette politique est en gestation entre la France et l'Allemagne, auxquelles pourraient se joindre d'autres partenaires dans l'armement naval, en particulier la construction de sous-marins.
Elle se dessine dans la fabrication des drones, appareils sans pilote de surveillance du champ de bataille, mais aussi, éventuellement, porteurs d'armes. Celle-ci permettrait d'éviter que ne se renouvelle l'affaire du JSF, l'avion de combat américain dont plusieurs pays européens ont, hélas ! accepté de financer le développement.
L'industrie d'armement est duale, c'est-à-dire qu'elle implique des liens étroits entre le militaire et le civil, qui profitent largement à ce dernier.
Enfin, et ce n'est pas le moindre, une industrie d'armement unie au niveau de l'Europe lui assurerait une plus grande autonomie face à l'OTAN et en deviendrait l'inévitable complément.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire si, sur ce point, les choses évoluent comme il convient ?
Je terminerai en évoquant quelques ombres.
La première, c'est le retard que nous conservons en matière de financement de la « recherche amont ». Si l'on s'en tient aux chiffres du rapport qui nous est soumis, celle-ci subirait une réduction d'environ 6 % cette année, alors que, dès aujourd'hui, l'effort non seulement américain, mais également britannique, est très supérieur au nôtre. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner les raisons de ce retrait, que l'on peut regretter ?
La deuxième ombre concerne la situation du GIAT. Elle est difficile, socialement complexe. En tout cas, elle se traduit par un retard, extrêmement dommageable, dans la livraison d'armements essentiels,...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. ... comme le char Leclerc. Je rappellerai tout de même, en y insistant, que le GIAT a reçu, en treize ans, 3,5 milliards d'euros de fonds publics. Ce n'est pas rien ! Cela méritait d'être dit et, je l'espère, compris.
La troisième ombre est relative à l'avenir de la délégation générale pour l'armement, la DGA. Au cours des années passées, ses effectifs ont été réduits. Désormais, avec le changement de statut de la direction des constructions navales, la DCN, elle ne produit plus, mais elle reste une instance d'expertise et de conseil incontournable, médiateur entre l'armée, le client et le fournisseur qu'est l'industrie.
Il faut maintenir, fût-ce allégé, fût-ce plus précisément voué à des tâches d'expertise, le GIAT.
Quant à l'échec du véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI, il sera mis à la disposition de l'armée de terre avec plus d'une année de retard, après les fluctuations qu'a connues son profil. Cela montre que le rôle de la DCA reste indispensable.
La quatrième et dernière ombre concerne les opérations extérieures, les fameuses OPEX. Leur coût s'élève à 629 milliards d'euros en 2003. Grâce à la rectification qu'apportera dans quelques jours le collectif budgétaire, nous pouvons espérer que la charge qui incombera au ministère de la défense ne sera plus que de 280 milliards d'euros. C'est peut-être encore trop !
Madame la ministre, vous avez bien voulu reconnaître, devant la commission des finances, qu'il était indispensable de mettre un terme à cette situation. Sera-ce en 2005 ? Nous l'espérons vraiment ! Nous serions heureux que vous nous rassuriez sur ce point.
Au nom de la commission des finances, je vous demande, mes chers collègues, d'apporter votre soutien au projet de budget de la défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires. Madame la ministre, avec ce deuxième budget de la défense que vous venez défendre devant le Sénat, la majorité apprécie hautement les efforts que vous avez déjà réalisés et la volonté dont vous faites preuve dans un domaine vital.
Vous vous battez, et vos résultats sont impressionnants : examinons-les.
Le premier mérite de votre budget est d'être strictement conforme à la loi de programmation militaire 2003-2008, une loi qui a été respectée dès la loi de finances initiale de 2003, votée avant même la loi de programmation, et ce dans un contexte économique beaucoup plus favorable que celui que nous connaissons aujourd'hui.
Que votre budget pour 2004 de consolidation - c'est ainsi que nous le voyons - respecte la loi de programmation militaire est méritoire. C'est une première, car, au cours de la décennie précédente, et quel que soit le gouvernement, aucune des lois de programmation militaire n'a été exécutée.
Votre mérite est grand d'avoir obtenu tout à la fois le respect rigoureux du programme et la « sanctuarisation » du budget, évoquée par M. Blin.
C'était indispensable : personne ici n'a oublié, du moins je l'espère, l'état dans lequel se trouvaient les armées, leurs matériels et leur moral en 2002.
La dégradation est stoppée : soyez-en remerciée.
Les volumes budgétaires sont respectés, avec un total de 32,4 milliards d'euros, dont 17,5 milliards d'euros pour le seul titre III, soit une progression de 0,45 % cette année.
Les effectifs budgétaires sont respectés, avec 437 789 personnels - 20 % des fonctionnaires de l'Etat -, 1 200 gendarmes de plus et une masse salariale de 14,06 milliards d'euros. Ils sont, eux aussi, conformes et suffisants, nous semble-t-il, pour les missions assignées. Est-ce aussi votre sentiment, madame la ministre ?
On notera cependant, au 1er juillet 2003, des sous-effectifs globaux : 11 020 militaires et 5 520 civils, sur lesquels vous nous donnerez peut-être quelques explication.
La question la plus importante est celle-ci : madame la ministre, êtes-vous satisfaite des recrutements, des conditions dans lesquelles ils sont organisés, de la qualité des engagés et du taux de renouvellement des contrats échus ?
Quel jugement portez-vous sur cette fidélisation, à laquelle vous attachiez, dès le début de votre entrée en fonctions, une grande importance, sachant qu'elle conditionne, à terme, la qualité générale des effectifs ?
C'est ici que j'évoquerai une étude, réalisée par vos services, que je félicite, sur l'absentéisme dans les armées. Les chiffres sont impressionnants : dans la marine, 3,31 %, dans l'armée de terre, 4,67 %, contre 5,8 % dans le secteur civil, 10,9 % dans la fonction publique d'Etat et 13,4 % dans la fonction publique territoriale. Ces pourcentages sont très parlants et sont à l'honneur des militaires.
S'agissant des activités, je n'entrerai pas dans le détail. Je vous poserai simplement une question, madame la ministre. Hormis l'aspect quantitatif, ces activités sont-elles, du point de vue qualitatif, suffisamment dotées en crédits de toute nature pour être attrayantes et efficaces ? Ces taux d'activité nous paraissent corrects et conformes aux normes des armées françaises fixées depuis longtemps comme des objectifs nécessaires et suffisants. En outre, ils se rapprochent maintenant d'assez près des normes de l'OTAN, voire les atteignent.
Les crédits de mesures catégorielles nouvelles pour 2004, lesquelles sont toujours très attendues, en faveur de la condition militaire, avec 53 millions d'euros, viendront améliorer la situation du personnel. Dans ce domaine, où rien n'est jamais achevé, quels sont les points qui vous semblent encore réclamer les améliorations les plus importantes, madame la ministre ?
S'agissant de l'entretien des matériels, vous aviez trouvé, à votre arrivée au ministère, une situation catastrophique ; M. Blin l'a rappelé. Les taux d'indisponibilité des matériels avaient atteint des niveaux inadmissibles, qui ôtaient toute efficacité aux armées : chars Leclerc, hélicoptères, avions, bâtiments de la marine étaient immobilisés faute d'entretien, de pièces de rechange et de crédits. Seules étaient épargnées, dans ce domaine, les unités prépositionnées en Afrique, ou celles qui étaient engagées dans les OPEX, ce qui était le minimum dû à la sécurité des militaires.
Dès 2003, vous avez commencé à reconstituer les crédits de cet entretien et vous continuez en 2004, avec 3,3 milliards d'euros.
Pour autant, le document de présentation de votre budget ne nous expose pas des taux de disponibilité très améliorés. Ainsi, en juin 2003, les taux de disponibilité sont les suivants : pour les matériels terrestres, 78 % de disponibilité contre 77 % en 2002 ; pour les matériels aériens de l'armée de terre, 59 % ; contre 59 % ; pour la marine, 63 % contre 60 % ; pour l'armée de l'air, 54 % contre 52 %.
Madame la ministre, à quelles difficultés sont dus ces résultats en demi-teinte ?
En ce qui concerne les programmes immobiliers, dans nombre de bases, de casernements, d'unités, l'insuffisance, durant la législature précédente, des crédits d'entretien des bâtiments, des logements, des casernements, des hangars de matériels a créé des difficultés sans nombre. Le titre III pour 2004 permet de notables améliorations. Prévoyez-vous de poursuivre cet effort ? Pensez-vous externaliser certaines gestions immobilières ?
S'agissant des carburants, vos services prévoient les dotations en carburants à partir de la double hypothèse habituelle, mais qui étonne cette année : un dollar à 0,81 euro, contre une prévision à 0,91 euro dans le budget général - de toute façon, ces chiffres sont très éloignés du taux actuel de parité, mais celui-ci est plutôt favorable (Sourires) - et un pétrole à 23 dollars le baril, contre 26 dollars dans le budget général. En fait, le taux réel de conversion du dollar par rapport à l'euro corrigera sans doute ce qui relève un peu d'un « pari » dans cette affaire.
S'agissant des munitions, les états-majors se déclarent satisfaits des dotations en munitions prévues, à tout le moins celui de l'armée de terre. C'est une bonne chose. La prévision permet de reconstituer les stocks, bien malmenés jusqu'ici, d'assurer les dotations nécessaires pour les activités et d'être opérationnels en cas de conflits.
Le service de santé des armées est, vous le savez, madame la ministre, celui qui a le plus souffert de la suppression du service national.
Ai-je besoin de rappeler qu'avec la conscription et ses appelés le service de santé des armées disposait de médecins, d'infirmiers, de techniciens de santé de qualité, en grand nombre et gratuitement ? En outre, il n'y avait aucun chirurgien-dentiste militaire de carrière, car tout était assuré par le service national.
Le choc a été rude, d'autant que, malgré des difficultés sans nombre et la fermeture de nombreuses unités hospitalières militaires rendues inutiles par la disparition des appelés, la France a continué - et elle a bien fait de le faire - à apporter une aide internationale importante et les missions des antennes chirurgicales des armées n'ont jamais été supprimées ou réduites. Partout dans le monde elles sont remarquablement efficaces et appréciées par les Etats et les populations.
Dans ce budget pour 2004, vous prévoyez cent soixante-quatorze postes nouveaux d'infirmiers et d'élèves médecins. Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il faut encore produire beaucoup d'efforts pour conforter la situation du service de santé des armées et lui permettre d'assumer ses missions ?
Je me permets de signaler que la féminisation croissante des postes de médecins, qui est une excellente chose, ne laisse pas de générer un certain nombre de problèmes familiaux et sociaux, dont la solution réclame un accroissement des effectifs.
De ce service, je tire des informations importantes, que l'on doit à votre vigilance sur l'usage des drogues dans les armées. C'est une nouveauté, et c'est bien ! Un seul chiffre permet de mesurer l'ampleur du phénomène : 654 personnes impliquées dans la consommation ou le trafic de drogues pour un effectif de 437 900 personnes, soit 1,5 pour mille. C'est un constat. A l'évidence, il faudra suivre l'évolution de la situation.
J'en viens aux budgets de fonctionnement des unités.
Selon les réactions que j'ai pu relever dans ce domaine auprès des unités, leurs commandants apprécient les améliorations que vous avez déjà apportées en 2003, et apporterez en 2004, sur ce point essentiel qui conditionne de très nombreux aspects de la vie quotidienne des militaires et de leurs familles.
A ce sujet, madame la ministre, l'an dernier, ici même, il me semble que vous aviez spontanément développé des idées qui intéressaient directement la vie des familles de militaires. Qu'en est-il aujourd'hui ? Une armée professionnelle, active, projetable, avec des militaires séparés de leurs familles pendant de longues et difficiles périodes, cela doit poser de nombreux problèmes sociaux, nous en sommes conscients. Quels sont vos projets dans ce domaine ?
Le problème du financement des OPEX reste irritant. Aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n'a jamais voulu inscrire cette dépense, pourtant très importante, en loi de finances initiale. Le 30 juin 2003, l'estimation de ce coût pour 2003 était de 562 millions d'euros pour le seul titre III.
De la sorte, les gouvernements ont pratiqué une véritable politique de l'autruche, avec la nécessité de trouver un financement en cours d'année, soit dans un collectif budgétaire, dont on connaît les aléas, soit en effectuant des virements de crédits au détriment du titre V. Mais l'autruche court toujours !
C'était la pratique constante et désastreuse du gouvernement précédent. Le problème reste entier ! Qu'en sera-t-il en 2004 ? Faut-il s'attendre à une deuxième bataille, après le vote de la loi de finances initiale, pour protéger les crédits de la défense, madame la ministre ?
Pour conclure, je souhaite dire trois choses.
En premier lieu, bien sûr, à l'instar du président Maurice Blin pour le titre V, j'ai proposé à la commission des finances d'émettre un avis favorable sur ce budget. La commission m'a suivi et elle vous demande, mes chers collègues, d'approuver le budget de la défense.
En deuxième lieu - et je m'exprimerai avec prudence - une bonne partie des missions des armées sont des missions d'intérêt public et de service public, dont nous ne sommes pas toujours tous conscients. C'est, à l'évidence, le cas de la gendarmerie, dont plus de 90 % des missions n'ont rien de militaire au sens propre.
Pourtant, le service public profite largement du fait que ce sont des militaires qui les exercent. Mais la population, et parfois même certains élus, semblent oublier que la dépense figure au budget des armées.
Sans toucher au statut militaire des gendarmes, sans modifier leur rattachement pour emploi au ministère de la défense, on pourrait mieux présenter les choses au niveau national, d'autant que les autres armées, et tout particulièrement l'armée de terre et la marine, multiplient, en France et outre-mer, des actions qui relèvent totalement de l'intérêt public.
Tout cela a un coût. Rappelez-le davantage, madame la ministre ! Nos amis l'oublient un peu ! Certains de nos partenaires européens, qui sont loin de consentir de tels sacrifices financiers, nous les laissent pratiquer et, simultanément, critiquent nos déficits budgétaires.
Prenez l'offensive sur ce thème, madame la ministre, et proposez que le pacte de stabilité, qui est à l'ordre du jour, prenne en compte les efforts de défense, qui profitent à tous.
En troisième lieu, voilà quelques semaines, j'ai lu avec quelque stupeur un article du quotidien Libération vilipendant le Gouvernement, qui avait, selon lui, le culot d'augmenter les dépenses militaires.
Qu'il y ait une loi de programmation votée par le Parlement en fonction des nécessités nationales et des risques de la conjoncture internationale, qu'il y ait la responsabilité d'assurer la sécurité de nos concitoyens en France et hors de France, qu'il y ait à assumer la présence et le rôle de la France dans le monde et que les armées en soient l'un des meilleurs garants, cela semblait ne pas intéresser ce journal.
C'est peut-être le prélude d'une vague d'un antimilitarisme primaire, que nous avons déjà connu, et qui se nourrit, comme à l'accoutumée, d'idées fausses et de fantasmes. Puissent les parlementaires - tous les parlementaires, et pas seulement ceux de la majorité - ne pas tomber dans ce piège et raison garder dans l'un des débats les plus importants de cette loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le général de Gaulle affirmait que la défense est la première raison d'être de l'Etat. A l'évidence, en effet, c'est à l'Etat qu'il revient d'assurer la sécurité des Français tant sur le territoire national qu'à l'extérieur. De ce point de vue, on peut dire que l'état du monde et la nécessaire inscription dans le temps de l'effort de défense nous dissuadent aujourd'hui de baisser la garde.
C'est ce qui explique l'importance du budget de la défense. C'est aussi ce qui lui donne ses caractéristiques. Le budget de la défense est, en effet, tout à la fois l'instrument d'une politique militaire de sécurité, l'instrument d'une politique économique et sociale - on l'oublie trop souvent - et, bien entendu, l'instrument d'une politique étrangère.
Le budget de la défense est d'abord l'instrument de notre politique militaire, et il s'inscrit effectivement dans le cadre de la philosophie de notre politique militaire, elle-même définie dans la loi de programmation militaire.
Pour la seconde année consécutive, le projet de budget de la défense que j'ai l'honneur de vous présenter applique strictement la loi de programmation militaire, dans laquelle, je vous le rappelle, j'avais affiché trois objectifs principaux.
Il s'agit, premièrement, d'améliorer la disponibilité des matériels.
Les crédits consacrés à l'entretien des matériels s'élèveront à 2,9 milliards d'euros, soit une progression de 11 % par rapport à l'an passé.
M. François Trucy trouve que, malgré les efforts accomplis dans la première loi de finances rectificative, quand je suis arrivée à la tête du ministère de la défense, puis dans la loi de finances pour 2003, ce taux de disponibilité n'est peut-être pas encore celui que l'on pourrait espérer.
Il y a à cela plusieurs raisons. Cela tient, d'abord, aux retards accumulés : lorsque l'on a pris beaucoup de retard, cela prend toujours du temps de rattraper le niveau. Il faut savoir que, parce qu'ils n'étaient plus sollicités, les industriels avaient fini par ne plus fabriquer certaines pièces détachées dont nous avions besoin, voire par interrompre certaines chaînes de fabrication. Il faut donc aujourd'hui relancer cette production.
Cela tient, ensuite, au vieillissement des matériels, et ce n'est pas le moindre des paramètres à prendre en compte. En effet, les besoins d'entretien croissent avec l'ancienneté des matériels. Ainsi, parce que les programmes inscrits dans la précédente loi de programmation militaire n'ont pas été respectés, certains de nos matériels, notamment les hélicoptères, exigent un entretien fréquent et lourd.
C'est donc à la fois la raison de cette augmentation importante de crédits que je vous demande d'approuver sur ce chapitre, mais également la raison pour laquelle le retour à niveau ne se fait que progressivement, encore que, dans certains domaines, notamment s'agissant de l'armement terrestre, l'augmentation des taux de disponibilité soit tout à fait significative.
Comme je vous l'avais indiqué lors de l'examen du projet de la loi de programmation militaire, j'estime qu'il faudra trois ans pour que nous revenions à un taux de disponibilité satisfaisant.
De toute façon, le redressement du taux constaté dans certains domaines, même si, aujourd'hui, il est en moyenne d'environ 15 %, conjugué avec l'accroissement des crédits d'activité, permet d'atteindre les objectifs d'entraînement de forces conformément à votre préoccupation, monsieur Trucy, et conformément aussi, d'ailleurs, aux exigences de l'OTAN.
A cet égard, je précise que, en 2002, nous étions en dessous des normes d'entraînement, faute de crédits et de matériels disponibles.
Compte tenu du vieillissement des matériels que j'évoquais, la modernisation des équipements, qui est notre deuxième objectif, doit logiquement accompagner cet effort ; elle est d'ailleurs inscrite dans la loi de programmation militaire, dont elle constitue la deuxième priorité.
Avec les matériels, ce sont nos capacités opérationnelles, au service de notre politique de défense, qui sont en jeu. Je pense, tout d'abord, à la dissuasion.
M. Blin a rappelé la livraison du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération et le dernier lot de missiles M 45. Ce point a suscité un certain nombre de polémiques. Je tiens donc à réaffirmer que, s'agissant de la dissuasion, nous restons sur le concept de non-emploi, tel qu'il a été redéfini par le Président de la République le 8 juin 2001 et qui est inscrit dans la loi de programmation militaire. Cela étant, pour que notre dissuasion reste crédible, nous sommes contraints d'en adapter les instruments au fur et à mesure.
Notre autonomie stratégique suppose également la maîtrise de l'espace, monsieur Blin, c'est-à-dire le renseignement et les communications.
L'année 2004 verra, d'une part, les lancements d'Hélios II et de Syracuse III, et, d'autre part, en ce qui concerne le programme de satellites déjà annoncé, nous consacrerons 37 millions d'euros aux études amont et 130 millions d'euros au financement du Centre national d'études spatiales, dans le cadre du budget civil de recherche et de développement technologique ; il est évident que c'est, là aussi, un domaine prioritaire.
Nous recevrons également les cinq premiers Rafale de l'armée de l'air, ce qui nous permettra de renforcer notre capacité de frappe dans la profondeur, conformément à la loi de programmation militaire. De même, la maîtrise du milieu aéroterrestre sera améliorée grâce à la livraison des sept premiers Tigre et de cinquante chars Leclerc.
Enfin, nous n'ignorons pas non plus la sécurité intérieure. Ainsi, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie prend fin. Les hélicoptères de l'armée de terre nous ont été particulièrement utiles ces derniers jours pour lutter contre les effets des inondations qui ont, malheureusement, frappé le sud de la France. Je tiens à saluer, à cette occasion, le travail remarquable accompli par l'ensemble des militaires pour soutenir les pompiers notamment, et tous les personnels qui sont mis à la disposition de nos concitoyens.
L'inscription de notre effort de défense implique de prendre en compte le long terme. Nous apportons donc une attention particulière à la préparation de l'avenir. A ce titre, 1,2 milliard d'euros sont consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2004, aux progrès de la technologie.
Certes, on peut toujours regretter de ne pas faire davantage.
Néanmoins, en matière de recherche et développement, nous sommes parmi les premiers pays européens, quasiment les seuls, d'ailleurs, car il faut bien savoir que les crédits de recherche militaire de la Grande-Bretagne et de la France représentent, à eux seuls, 80 % de l'ensemble de la recherche militaire de l'Union européenne. Certes, des progrès restent à faire, mais nous ne sommes pas parmi les plus mauvais élèves de la classe, si je puis dire. Cela devrait donc inciter chacun à avancer davantage.
Comme l'ont rappelé MM. Maurice Blin et François Trucy, la consolidation de la professionnalisation constitue le troisième objectif de la loi de programmation militaire. Elle concerne les trois composantes de l'armée professionnelle, ainsi que les civils et les réservistes. M. Trucy a relevé deux sujets particuliers : le recrutement et la condition militaire.
En ce qui concerne le recrutement, le taux de sélection est très satisfaisant pour les officiers, satisfaisant pour les sous-officiers et acceptable pour les militaires du rang. Nous en sommes à 1,5 candidat pour un poste de militaire du rang, mais à 7,5 candidats pour un poste d'officier. Il convient cependant d'être vigilant et attractif. Tel est l'objet du fonds de consolidation de la professionnalisation, qui sera abondé de 27 millions d'euros.
Il est vrai que, dans certains domaines, nous avons un peu plus de difficultés. Nous pouvons les compenser financièrement, et c'est tout l'objet de ce fonds, notamment s'agissant du service de santé des armées. Il nous faudra également tenir compte du phénomène de la féminisation lors de la réforme du statut militaire.
Pour ce qui est de la condition militaire, qui joue aussi un rôle important en tant que telle, 53 millions d'euros de mesures nouvelles sont inscrits.
Vous l'avez rappelé, monsieur Trucy, nous avions pris des engagements à l'égard des familles l'année dernière. Des mesures concrètes ont été décidées en faveur de l'environnement familial des militaires, telles que la maîtrise du rythme des mutations. Il est vrai que, dans ce domaine, les mutations sont souvent très rapides, ce qui perturbe les familles et la scolarisation des enfants, quand elles interviennent en milieu d'année, par exemple. Dans le même esprit, nous avons développé notre réseau de crèches et de garderies.
A cette occasion, je veux souligner le travail tout à fait remarquable des assistantes sociales des armées, qui sont des soutiens permanents pour les familles.
Compte tenu de l'importance du budget qui nous est confié, nous nous sentons une responsabilité toute particulière quant à l'utilisation optimale de chaque euro.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme pour 2004, faire en sorte que l'amélioration de la performance administrative aille de pair avec l'amélioration de la capacité opérationnelle. Des réformes de fond ont été engagées dès 2003. Elles devront être amplifiées au cours de l'année 2004.
Quels sont les principes de cette stratégie de réforme ?
Premièrement, il s'agit de clarifier les responsabilités, conformément, en effet, aux prévisions de la loi organique relative aux lois de finances. A ce titre, nous allons renforcer les pouvoirs de préparation et d'arbitrage du chef d'état-major des armées.
Deuxièmement, il s'agit de mutualiser les moyens, ce qui aboutit à mieux maîtriser les ressources humaines et financières destinées à assurer les besoins communs aux armées. Nous allons appliquer ce principe notamment à l'approvisionnement, aux rechanges aéronautiques, aux archives, à l'informatique et à la fonction immobilière. Il y a là toute une série d'actions importante à mener.
Troisièmement, il s'agit de recentrer l'action du ministère sur ce qui relève de son intervention directe ou exclusive.
C'est ainsi que la gestion des logements, de l'entretien des véhicules ainsi que la fourniture d'heures de vol pour la formation initiale des pilotes d'hélicoptères seront externalisées. Il me paraît, par exemple, tout à fait anormal que 1 200 gendarmes entrés dans la gendarmerie, par définition, pour assurer la sécurité de nos concitoyens puissent se consacrer à la seule gestion du patrimoine immobilier de la gendarmerie. Il est évident que leur fonction doit être plus en rapport avec leur vocation.
J'aborderai maintenant brièvement la question du financement des opérations extérieures.
Traditionnellement, les OPEX étaient malheureusement ponctionnées sur le titre V du budget des armées. Or comme je souhaitais que ce dernier, qui représente un élément essentiel de la loi de programmation militaire, soit préservé, j'ai effectivement obtenu du Gouvernement que plus des deux tiers des OPEX soient pris par le budget général, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, ce qui laisse à la charge du ministère de la défense des dépenses, somme toute, assez normales, telles que la prise en charge de l'usure supplémentaire des matériels.
A la demande de la commission des finances du Sénat, la ligne budgétaire que nous avions ouverte l'année dernière pour les OPEX devra être, pour le budget 2005, abondée d'une façon significative même si, bien entendu, une part de ces crédits sera toujours laissée pour un collectif budgétaire de fin d'année. Nous ne savons jamais, en effet, en début d'année ce que seront l'ensemble des OPEX auxquelles nous seront amenés à participer par la suite.
En dehors des OPEX, les armées ont été également amenées à participer à de nombreuses opérations de service public. Ainsi, la lutte contre les incendies cet été a représenté, pour mon ministère, 4 millions d'euros. Notre participation à la lutte contre la pollution du Prestige a représenté 6,5 millions d'euros. Nous attendons d'ailleurs d'en être en partie remboursés, a priori à hauteur de 6 millions d'euros, sur le fonds POLMAR.
Nous avons également été sollicités en raison d'autres aléas climatiques tels que la canicule, un cyclone en Nouvelle-Calédonie, et, depuis quelques jours, les inondations du Sud de la France. Je ne citerai que pour mémoire notre participation à la sécurité du G8, qui a tout de même représenté 14,6 millions d'euros, et à Vigipirate, pour 9 millions d'euros.
Voilà donc en ce qui concerne notre participation à la sécurité sur le plan budgétaire.
Si le budget de la défense est un instrument de la politique de sécurité, c'est aussi un instrument de notre politique économique : c'est le premier budget d'investissement de l'Etat, et il irrigue sur l'ensemble du territoire un tissu économique riche d'industries performantes, notamment de PME et de PMI, soit au total un important capital humain, scientifique et technologique.
Ne l'oublions pas, avec 14,9 milliards d'euros de commandes annuelles, la défense fournit un plan de charge important à un grand nombre d'entreprises de tous niveaux.
L'Etat récupère ainsi 2 milliards d'euros de TVA. De manière générale, l'économie française profite également de notre activité, puisque le produit des exportations de matériels d'armement représente environ 4 milliards d'euros par an. Ce montant sera probablement plus élevé cette année.
L'enjeu économique est donc considérable, notamment en période de récession économique, puisque non seulement nous fournissons du travail à nos entreprises, mais, en plus, nous compensons certaines baisses de commandes. Ainsi, dans l'aéronautique, très touchée par les répercussions des attentats du 11 septembre, les commandes militaires permettent d'atténuer les difficultés rencontrées par les entreprises.
La défense joue, par ailleurs, un rôle souvent ignoré mais totalement moteur dans l'innovation. Il est important de noter, avec M. Maurice Blin, que la recherche et développement issu du budget de la défense représente 25 % des crédits en recherche et développement des entreprises de ce secteur. Cette part considérable est souvent ignorée.
La défense contribue aussi à atténuer l'une des préoccupations premières de nos concitoyens en ce moment, qui est l'emploi. En effet, le secteur de la défense représente un capital précieux d'emplois et de compétences. Plus de 170 000 emplois directs relèvent des commandes que nous passons chaque année dans le secteur industriel.
La défense elle-même recrute chaque année plus de 35 000 jeunes et leur offre des perspectives de carrières dans l'armée, mais plus encore des perspectives d'insertion dans le milieu professionnel. En effet, tout un système de formation, depuis les écoles professionnelles jusqu'à nos écoles d'officiers, assure une élévation du niveau de formation des jeunes qui est utile également aux entreprises privées. Lorsque les jeunes sont en bout de contrat, et qu'ils vont dans le privé, ils peuvent se prévaloir de la formation acquise pendant le temps passé dans les armées. En outre, nous avons des services qui permettent leur réinsertion professionnelle ; leurs résultats sont tout à fait extraordinaires, puisque plus de 95 % des militaires qui quittent l'armée se réinsèrent dans le civil.
Gérer le budget de la défense est donc un acte de politique économique important.
Si nous voulons jouer un rôle de premier plan dans le domaine économique, nous devons disposer de secteurs d'activité performants. Cela suppose de promouvoir par le recours aux marchés des entreprises capables de faire face à la concurrence.
Il convient donc, à mon sens, de constituer des pôles de compétence à l'échelle du continent, comme l'illustre l'exemple d'EADS dans le domaine aéronautique. Les secteurs terrestre et naval devront suivre cette voie dans les années qui viennent, et tel est bien le sens du changement de statut de DCN et de l'évolution de GIAT Industries.
Je soulignerai que, six mois après sa transformation en société, les progrès de DCN sont notables, notamment en termes de ressources humaines. Les objectifs du plan à moyen terme seront atteints dès 2003, voire dépassés. Ces progrès s'appuient également sur des prévisions de charge favorables qui permettront à DCN de jouer un rôle de premier plan dans les évolutions que connaîtra l'industrie navale militaire européenne. On voit bien là se dessiner cette volonté de regroupement.
M. Blin m'a interrogé sur le coût de cette mutation pour la marine. La marine, monsieur Blin, supportera encore en 2004, mais également en 2005, les conséquences de la transformation de DCN, puisqu'elle sera amenée à intervenir jusqu'en 2006. Toutefois, ces dépenses relèvent de la responsabilité de la marine et ne constituent en aucun cas des charges indues. Il s'agit d'abord de dettes anciennes à l'égard de DCN : ainsi, 130 millions d'euros sont dus au titre de certaines commandes qui n'avaient pas été honorées et dont la pertinence n'était peut-être pas évidente ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces dettes seront partagées entre la marine et la DGA. Il s'agit ensuite de dettes liées à l'entretien de l'outil industriel dont la marine est affectataire ; elles concernent environ 50 millions d'euros. Il s'agit enfin de dettes au titre de l'accompagnement social du retour dans la marine de personnels venant de DCN ; elles seront en baisse en 2005 par rapport à 2004.
Avec GIAT Industries - nous avons souvent abordé ce sujet, et nous aurons l'occasion d'y revenir -, c'est l'existence même d'un pôle français d'armement terrestre qui est en jeu, vous l'avez rappelé.
GIAT Industries, du fait des plans qui se sont succédé, a coûté entre 3,5 milliards et 4 milliards d'euros aux contribuables français, et cela sans véritable résultat. Lorsque je suis arrivée à la tête du ministère, certains m'ont conseillé de faire purement et simplement disparaître ce pôle et de le vendre par appartements. Nous ne l'avons pas souhaité.
Il faut désormais construire ce pôle autour d'une entreprise viable et compétitive. Tel est bien l'enjeu du plan social qui est aujourd'hui en cause et qui doit permettre, malgré certaines conséquences sociales malheureuses, d'offrir de vraies perspectives d'emploi aux salariés que les plans précédents ont touchés, sans déboucher sur rien. C'est en ce sens que, dans le cadre de l'aménagement du territoire, nous avons d'ores et déjà aidé des entreprises à s'implanter sur la quasi-totalité des sites.
Le deuxième axe de notre politique, je l'ai déjà évoqué, consiste dans la maîtrise des enjeux technologiques stratégiques, notamment par la garantie de notre accès aux technologies clés indispensables à notre indépendance.
Le troisième axe de notre politique économique vise à mieux assurer la préparation du long terme et la fonction de stratège qui incombe à l'Etat. Cela exige que nous donnions aux entreprises l'occasion d'acquérir les compétences dont nous aurons besoin dans les programmes futurs : c'est le choix que nous faisons à travers les démonstrateurs à finalité opérationnelle ou industrielle, notamment les démonstrateurs de drones de combat, que j'ai annoncés à l'occasion du salon du Bourget.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas le faire seuls : notre cadre d'action doit être européen. L'Agence européenne de l'armement, qu'a évoquée M. Blin et qui sera inscrite dans le projet de constitution auquel l'ensemble des ministres de la défense, réunis à Rome, ont donné leur accord voilà quelques semaines, en est la concrétisation : elle est un instrument complémentaire de la création de l'Europe de la défense. Les opérations de relève de l'OTAN en Macédoine ou l'opération militaire en République démocratique du Congo ont montré que cette dernière était non plus une virtualité, mais une réalité.
Telles sont les réponses que je voulais apporter à cette première série de questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Jean Faure, rapporteur pour avis, pour le nucléaire, l'espace et les services communs. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remplace donc mon collègue Jean Faure, empêché, pour poser quelques questions concernant le domaine du nucléaire et celui de l'espace.
En application de la loi de programmation militaire, les crédits de la discussion nucléaire progresseront en 2004 pour couvrir les besoins financiers liés à nos deux composantes et au programme de simulation. Toutefois, sur l'ensemble de la période 2003-2008, la part de la dissuasion dans le budget d'équipement des armées sera légèrement inférieure à ce qu'elle était au cours de la précédente loi de programmation, ce qui relativise bien des commentaires sur le poids de la dissuasion dans notre effort de défense.
Aux yeux de la commission des affaires étrangères et de la défense, l'évolution du contexte international, marquée par la difficulté qu'ont les instruments internationaux à endiguer la prolifération nucléaire, justifie plus que jamais le choix de la France de préserver un seuil de « stricte suffisance », dans le cadre d'une doctrine qui s'est adaptée au monde actuel et aux nouvelles menaces, comme l'a exprimé le Président de la République au mois de juin 2001.
La commission approuve donc la continuité et la cohérence qui marquent le budget de la dissuasion et qui permettront de poursuivre la modernisation des forces nucléaires et de maintenir leur crédibilité face à un éventail de menaces qui s'est élargi.
Dans le domaine spatial, nos capacités de télécommunications et d'observation seront notablement renforcées en 2004 avec le lancement de deux nouveaux satellites. Le développement de démonstrateurs doit également nous permettre de ne pas rester absents des créneaux de l'écoute électronique et de l'alerte contre les tirs de missiles balistiques.
En dépit de ces éléments positifs, la commission reste préoccupée par la relative modestie de nos investissements dans les équipements spatiaux militaires.
Après les accords conclus avec l'Allemagne et l'Italie sur un échange d'informations entre leurs futurs satellites radar et Hélios II, de nouveaux progrès sont-ils envisageables avec nos autres partenaires pour renforcer les capacités spatiales militaires européennes ?
Nous souhaiterions également savoir, madame la ministre, dans quelle mesure la défense pourrait davantage tirer profit de synergies avec les programmes spatiaux civils.
S'agissant du renseignement, la commission constate qu'année après année, en dépit des efforts consentis, les services demeurent confrontés aux mêmes types de contraintes : la difficulté de recruter et de fidéliser des spécialistes en nombre voulu - notamment, et c'est une plainte récurrente, des spécialistes en langues rares - et le rythme mesuré de la modernisation des équipements. Il nous semble qu'il est aujourd'hui nécessaire d'accentuer l'attention portée au budget de ces services.
S'agissant de la direction générale de l'armement, la DGA, la commission souhaiterait tout d'abord connaître, madame la ministre, les orientations que vous entendez mettre en oeuvre pour poursuivre la réforme entreprise - vous l'avez évoquée - afin de renforcer l'efficacité de la conduite des programmes d'armement.
Par ailleurs, la commission a constaté une grande difficulté à discerner clairement les composantes de notre effort de recherche. Des chiffres très différents sont parfois cités, et il est difficile de les interpréter. La loi de programmation prévoit un redressement des crédits de recherche et technologie, indispensable à nos yeux après la forte diminution intervenue depuis 1997. Qu'en sera-t-il exactement en 2004 ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur les perspectives de l'effort de recherche pour les prochaines années ?
Enfin, la commission se réjouit de constater que le redressement engagé au profit du service de santé des armées sera confirmé en 2004. Ce service est en situation difficile, notamment du fait du sous-effectif en médecins. Nous souhaitons que son renforcement soit poursuivi, en particulier par des mesures ciblées dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation.
En conclusion, je soulignerai que les crédits relevant du nucléaire, de l'espace et des services communs bénéficieront en 2004 d'un niveau très satisfaisant, conforme pour la deuxième année consécutive aux prescriptions de la loi de programmation militaire. La commission des affaires étrangères et de la défense a donc donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe François, rapporteur pour avis.
M. Philippe François, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section gendarmerie. Madame le ministre, je voudrais vous interroger sur deux sujets : la réforme du ministère de la défense et les missions militaires de la gendarmerie dans le cadre de l'Europe de la défense.
En ce qui concerne la réforme de votre ministère, l'une de vos priorités, je souhaiterais vous interroger sur deux points touchant plus particulièrement à la gendarmerie.
Tout d'abord, dans le cadre de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, il avait été envisagé dans un premier temps que la gendarmerie fasse l'objet d'un programme spécifique susceptible d'être intégré dans une mission interministérielle « Sécurité intérieure », le ministère de l'intérieur proposant de son côté un programme « Police ». Cette solution m'avait paru simple, facilement compréhensible et, en outre, conforme à la volonté du Président de la République de placer pour emploi la gendarmerie auprès du ministre de la sécurité intérieure pour certaines de ses missions, tout en préservant son enracinement au sein du ministère de la défense.
Vous semblez avoir écarté cette solution au profit d'une répartition différente des crédits de la gendarmerie. Je souhaite donc que vous nous donniez des précisions sur la place de la gendarmerie dans cette nouvelle organisation budgétaire.
Par ailleurs, dans le cadre de la réforme du ministère de la défense, vous avez rappelé, madame le ministre, que vous souhaitiez une profonde évolution de la gestion des logements des militaires, notamment de ceux des gendarmes, car, avez-vous indiqué, mille gendarmes sont affectés à cette tâche, ce qui semble extraordinaire.
Je souhaite que vous nous informiez de l'état d'avancement de ce dossier, qui me semble d'une grande importance puisqu'il s'agirait pour l'Etat de céder une partie de son patrimoine immobilier à un ou à plusieurs investisseurs privés qui prendraient en charge l'entretien du casernement, le ministère de la défense passant de la qualité de propriétaire exploitant à celle de bailleur.
Enfin, vous avez récemment proposé la création d'un corps européen de gendarmerie. En effet, l'expérience acquise en opérations extérieures par la France et par d'autres pays, dont l'Italie avec les carabiniers - si durement touchés en Irak, et auxquels je tiens à rendre un profond hommage -, a montré toute l'utilité de disposer, après une campagne militaire, de forces de police à statut militaire pour ne pas rompre l'unité d'action et de commandement et pour faciliter la transition. Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement de cette initiative ?
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après avoir examiné les crédits, j'estime que le projet de budget qui nous est présenté pour la gendarmerie est satisfaisant. Il permettra de poursuivre l'effort de redressement entrepris au profit de la sécurité de nos concitoyens et au profit des gendarmes. Cependant, un décalage entre les investissements inscrits dans ce projet de budget et les indications prospectives de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, doit nous inciter à la vigilance afin que nous ne nous éloignions pas d'un échéancier permettant de maintenir la crédibilité des engagements financiers de la LOPSI d'ici à 2007.
Au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, je donne donc un avis favorable au projet de budget pour 2004 du ministère de la défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section forces terrestres. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget des forces terrestres pour 2004 se situe dans la continuité du redressement opéré en 2003, en parfaite conformité avec la loi de programmation militaire votée par le Parlement au mois de janvier dernier.
L'évolution des effectifs militaires répond aux objectifs de capacités assignés à l'armée de terre, en particulier grâce au renforcement du nombre de militaires du rang engagés. Elle exigera une consolidation de la politique de recrutement soutenu mise en oeuvre depuis la professionnalisation.
Les moyens de fonctionnement sont optimisés et permettent désormais d'atteindre les normes requises en matière d'entraînement, tout en améliorant la vie courante.
Les crédits d'équipement correspondent aux besoins de paiement prévisibles compte tenu des livraisons attendues. Ils intègrent une forte augmentation des dotations d'entretien des matériels, qui représenteront désormais 16 % du titre V, contre 11 % seulement en 2001. Nous savons que le rétablissement de la disponibilité des matériels est l'une de vos toutes premières priorités, madame la ministre, mais qu'il exige un effort financier important ainsi qu'une action constante en vue de rationaliser l'organisation de la maintenance.
La commission des affaires étrangères se félicite du ralliement de l'Espagne au programme d'hélicoptère de combat Tigre, qui doit nous permettre de lancer le développement d'une version polyvalente. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point, madame la ministre ?
Par ailleurs, l'année 2004 sera marquée par la finalisation d'une commande extrêmement importante à nos yeux : celle du système sol-air moyenne portée, qui dotera nos forces en opérations d'une première capacité de défense contre les missiles balistiques de théâtre. Enfin, le renforcement de nos moyens de communication et de commandement se poursuit, en cohérence d'ailleurs avec l'objectif de disposer d'ici à quatre ans d'un PC capable de commander une force terrestre multinationale de l'ordre de 50 000 hommes, pour une opération d'entrée en premier sur un théâtre.
Certes, à côté de ces points très positifs demeurent certains sujets de préoccupation en matière d'équipement. Ainsi, dans le domaine du transport aéromobile - cela a été évoqué tout à l'heure - et des blindés légers, l'effort financier pourtant soutenu qui était prévu dans la loi de programmation ne permettra pas de rattraper le retard pris ces dernières années. Nous nous félicitons toutefois que le programme VBCI - véhicules blindés de combat d'infanterie - ait été « remis sur les rails », grâce à vous, et puisse désormais entrer en phase active.
Par ailleurs, madame la ministre, nous savons que le Gouvernement a souhaité aller au-delà des commandes prévues dans la loi de programmation, et ce pour soutenir le plan de charge de GIAT-Industries. Pouvez-vous nous confirmer ces décisions, notamment en ce qui concerne les canons Caesar et la rénovation des AMX10P, mais aussi nous donner des précisions sur les calendriers prévus et sur l'incidence pour l'entreprise en termes tant d'emplois que de chiffre d'affaires ?
Je souhaite également vous interroger, madame la ministre, sur les missiles destinés aux forces terrestres, domaine dans lequel nous disposons d'une compétence reconnue qu'ont illustrée de nombreux succès à l'exportation. Pour des raisons diverses, plusieurs programmes ont été abandonnés ces dernières années : missile antichar Trigat, missile à fibre optique Polyphème, valorisation du système anti-aérien Roland. Ne pensez-vous pas que, pour préparer le renouvellement de nos équipements et maintenir nos compétences industrielles, il pourrait être utile, dans ce secteur, de développer des démonstrateurs technologiques, comme vous le faites dans le domaine aéronautique ou spatial ?
Pour conclure, nous sommes convaincus que le budget des forces terrestres pour 2004 est de nature à consolider leur professionnalisation et à préserver le calendrier de renouvellement de leurs matériels sans nouveaux retards. Il traduit fidèlement la loi de programmation pour la deuxième année consécutive, et nous vous en félicitons. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées lui a accordé un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section air. Madame le ministre, comme mes collègues l'ont précédemment confirmé, le projet de budget pour 2004 affecté à la défense est satisfaisant, avec une progression de 4,29 % qui le porte à 32,403 milliards d'euros.
L'armée de l'air dispose, pour sa part, de 6,07 milliards d'euros, dont 3,615 milliards d'euros pour le titre V, en hausse de 9 % par rapport à 2003. Cette somme représente près du quart des dépenses d'investissement du budget de la défense.
Cet effort budgétaire est d'autant plus appréciable qu'il se situe dans un contexte de stabilisation des dépenses publiques.
Ce projet de budget permettra à l'armée de l'air de maintenir son fonctionnement courant, de renforcer l'entraînement des équipages, la maintenance du matériel, et de poursuivre ses investissements dans les grands programmes en cours touchant aux flottes de combat et de transport.
Il satisfait également les prescriptions de la deuxième annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008.
Cela est d'autant plus remarquable que les lois de programmation militaire antérieures n'ont jamais été totalement respectées.
Aussi, permettez-moi de saluer la qualité du volet défense du projet de loi de finances. De nouveau, l'effort budgétaire dénote votre souci, madame le ministre, de poursuivre le redressement de notre outil de défense.
Je vous remercie donc de vos réponses, qui, j'en suis sûr, conforteront la position de la commission des affaires étrangères et de la défense, présidée avec compétence par notre collègue André Dulait.
Ma première question portera sur l'avenir des équipements nouveaux utilisés pour la reconnaissance et le combat aérien, c'est-à-dire les drones.
Depuis la première utilisation par l'armée de l'air française au Kosovo, en 1999, du drone « Hunter », cet équipement a pris une importance sans cesse croissante dans les armées de l'air des grandes puissances occidentales.
Ainsi la France s'est engagée dans un programme de drones plus performants, dits « moyenne altitude longue endurance », MALE, dont les capacités seront nettement accrues par rapport à celles de « Hunter ».
L'objectif visé est un potentiel de vol de vingt-quatre heures continues, d'une distance de mille kilomètres à partir du point de départ et d'une charge variant de 250 à 400 kilogrammes.
Sa réalisation sera coûteuse et intéresse nombre de pays européens. Pour l'instant, un seul accord de coopération a été passé avec les Pays-Bas, le 1er décembre dernier, dans le cadre du renforcement des capacités européennes de défense.
Ma question, madame le ministre, est donc la suivante : comment, et suivant quel calendrier, amorcer une coopération européenne indispensable en ce domaine ? Quels progrès ont-ils été faits pour éviter de répéter les divisions qui ont conduit à la réalisation concurrente de deux avions de combat européens, l'Eurofighter et le Rafale ?
De plus, des contacts ont-ils été déjà pris, et avec quels partenaires, pour établir l'indispensable coopération en matière d'études, de réalisation et de complémentarité en matière de drones d'observation ? Quelles sociétés françaises sont-elles associées à ce développement ? Serait-il possible d'y inclure EADS, dont les compétences appuieraient certainement utilement ce programme ?
Les mêmes questions se posent pour les drones de combat. L'armée française n'en est encore qu'au stade des études, mais évalue déjà le coût d'un futur démonstrateur, qui devrait voler à partir de 2008, à près de 300 millions d'euros. Ce niveau élevé de crédits doit conduire à impulser une coopération européenne indispensable du fait du poids financier des équipements.
Ma deuxième question portera sur le renouvellement, prévu par la loi de programmation militaire, des deux DC-8 utilisés par l'armée de l'air pour les transports à longue distance.
Pouvez-vous nous préciser quel type d'appareil est envisagé pour remplir ces missions à très long rayon d'action ? Par ailleurs, quels appareils pourraient, sur la base d'une coopération européenne, servir alternativement à transporter des troupes et à ravitailler en vol les avions de combat ?
Enfin, et ce sera ma dernière question, pouvez-vous nous préciser les projets de recherche, en dehors du domaine nucléaire, que permettent les crédits de votre ministère pour 2004 ?
Telles sont les questions, madame le ministre, que je souhaitais formuler sur ce projet de budget.
Je rappelle que notre commission a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de l'armée de l'air pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section marine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la marine pour 2004 devrait permettre de résoudre la difficile équation à laquelle cette armée est confrontée : elle doit restaurer le niveau d'activité des forces, poursuivre le renouvellement des matériels et le redressement de leur disponibilité. Le nécessaire accompagnement des mutations de son premier partenaire industriel s'ajoute à ces impératifs.
Mes interrogations porteront sur le mode de financement des programmes, sur la recomposition de l'industrie navale européenne et sur les coopérations en matière d'armement naval, ainsi que sur les missions de la marine dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie.
Pour des programmes d'équipements importants, comme les frégates multimissions, qui constituent l'axe majeur du renouvellement de la flotte de surface, le recours à des financements innovants a été évoqué. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, de façon plus large, quelles sont les pistes de réflexion que le ministère envisage en matière d'alternative à l'acquisition patrimoniale pour les équipements militaires ?
Sur son budget d'équipement, la marine finance également l'accompagnement social du changement de statut de DCN. Il est de l'intérêt de la marine que DCN affronte dans de bonnes conditions la concurrence dans son secteur. Quelle place aura DCN au sein de l'industrie européenne, alors que nous souhaitons promouvoir la préférence européenne en matière d'achat d'armement ?
Le second porte-avions figure au nombre des coopérations emblématiques envisagées. A la suite du dernier sommet franco-britannique, disposez-vous de plus amples informations quant à l'état de la réflexion britannique sur le programme CVF ? Une coopération est-elle toujours envisageable ?
Une part croissante de l'activité de la marine est désormais consacrée à la protection de nos côtes, exposées aux menaces nées de la criminalisation croissante des espaces maritimes. Quelles sont, madame la ministre, les réponses apportées par la marine au risque de piraterie et de terrorisme en mer, alors que les risques se sont accrus dans certaines régions du globe ? Peut-on envisager une réponse européenne à ces questions ?
Telles sont, madame la ministre, les interrogations que je souhaitais formuler pour éclairer nos collègues après l'avis favorable donné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à l'adoption du projet de budget de la défense pour 2004. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Messieurs les rapporteurs pour avis, je vous remercie de la précision de vos analyses et de votre soutien.
Je ne reviendrai pas, monsieur Dulait, sur le nucléaire, puisque j'ai déjà eu l'occasion, en réponse à M. Blin, d'exprimer notre position et nos intentions en la matière.
Bien entendu, notre autonomie stratégique suppose la maîtrise de l'espace, pour l'observation, c'est-à-dire pour notre autonomie de jugement, mais également pour la communication. En la matière, 2004 devrait être une année satisfaisante.
Au-delà, j'ai lancé une réflexion sur ce que devait être notre politique spatiale militaire et sur son articulation avec le secteur civil, et j'ai donc demandé à une haute personnalité de bien vouloir me présenter son analyse.
Pour ce qui est des synergies à créer, c'est l'objet des programmes duaux, par exemple Galileo, mais également celui du budget civil de la recherche duale, auquel la défense participe.
Dans le domaine du renseignement, les lacunes sont aujourd'hui identifiées, et nous avons commencé à en combler certaines. C'est ainsi que la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, se verra dotée en 2004 de 46 emplois d'analystes et de linguistes. Le seuil d'investissement souhaitable devrait être atteint en 2006.
S'agissant de notre effort de recherche, vous avez regretté un certain flou dans les chiffres. Je rappelle que 1,2 milliard d'euros sont consacrés à la recherche en 2004, un complément de 90 millions d'euros étant inscrit dans le projet de loi de finances rectificative de 2003.
Ces crédits recouvrent les études, avec 36 millions d'euros, les subventions aux organismes de recherche, avec 151 millions d'euros, la simulation nucléaire, avec 501 millions d'euros, la contribution au BCRD, avec 200 millions d'euros destinés à la recherche duale.
Le niveau de consommation des crédits de recherche a été, en 2001, de 1,04 milliard d'euros ; il devrait être de 1,3 milliard d'euros en 2004, soit une augmentation de 25 %. Il est évident qu'il y a un seuil au-delà duquel il est extrêmement difficile d'aller.
Plusieurs d'entre vous m'ont par ailleurs interrogée sur le devenir de la DGA.
Ce devenir se dessinera au cours des prochains mois, à l'issue des travaux que j'ai engagés sur la conduite des programmes d'armement et qui associent d'ailleurs très directement les personnels de la DGA à une agence extérieure et, bien entendu, aux états-majors.
Il faut développer la capacité de la DGA à agir dans l'esprit d'une culture de résultat et renforcer sa compétence techniques - ce qui signifie aussi avoir les personnels correspondant à cette qualité - et adapter son environnement administratif.
Je souhaite renforcer le rôle du Sénat, je vous l'ai dit, dans les procédures d'exécution de la loi de programmation et généraliser le contrôle de gestion.
La gendarmerie, monsieur Philippe François, a des capacités d'intervention qui lui sont tout à fait spécifiques. En effet, c'est le seul corps qui a la possibilité, parce que c'est un corps militaire, d'intervenir tant dans des crises de haute intensité que pour de simples contrôles d'identité. C'est donc toute une gamme, tout un éventail d'actions que la gendarmerie est seule à mener, et c'est la raison pour laquelle elle bénéficie de ce statut militaire.
Ce statut militaire se traduit par une participation à des actions et à des missions militaires, notamment dans le cadre des OPEX.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, plusieurs dizaines de gendarmes sont en mission et jouent un rôle extrêmement important en cette période où nous n'en sommes plus à des affrontements de type militaire, mais où - nous l'avons encore vu au cours de ces dernières quarante-huit heures - une connaissance du maintien des foules agitées, voire très violentes, est parfois nécessaire. Or ce n'est pas le métier de l'armée de terre et ce n'est pas non plus celui des policiers.
Nous avons également des gendarmes dans les Balkans, et c'est bien dans cet esprit que je souhaite développer cette force européenne de gendarmerie qui suscite l'intérêt de nombre de nos partenaires européens : l'Italie et ses carabinieri, qui ont été durement touchés récemment, l'Espagne et sa guardia civil, le Portugal et sa garde républicaine, ou encore des pays comme la Suède et l'Autriche, ou même comme la Grande-Bretagne, qui, même si elle n'a pas de gendarmerie, est intéressée par cette force et a d'ailleurs demandé à participer à nos travaux.
En ce qui concerne notre pays, l'amélioration de la coordination des activités de la gendarmerie et de la police a produit, c'est vrai, des résultats tangibles sur le terrain, y compris d'ailleurs dans les zones plutôt rurales qui relèvent de la gendarmerie et où, malgré la faible importance traditionnelle des délits et des crimes, on obtient les meilleurs résultats, parce que les gendarmes sont extrêmement motivés et ont une très bonne connaissance du terrain. C'est aussi une de leurs spécificités.
Cette double action a contribué à mieux faire apparaître l'intérêt de disposer de deux forces de sécurité de nature complètement différente, mais en même temps complémentaires.
Cela m'amène à parler de la LOLF avant d'aborder les crédits d'équipement.
La gendarmerie, parce qu'elle est militaire, est bien l'une des quatre forces armées. Il est donc naturel et cohérent qu'elle figure, au même titre que les autres armées, dans le programme consacré à leur formation et à leur préparation, et que son statut soit le même.
La cohérence est d'ailleurs d'autant plus indispensable que je cherche à mutualiser une partie des fonctions de soutien communes à l'ensemble du ministère. Or, si on séparait la gendarmerie des autres forces en l'intégrant à une mission spécifique commune avec la police, on serait obligé de distinguer pour la formation et pour la préparation des armées, d'un côté, le bloc terrestre, maritime et aérien, et, de l'autre côté, la gendarmerie.
Ce ne serait plus cohérent puisque, d'une part, nous ne pourrions plus faire de formations communes, alors que toute une partie l'est, et, d'autre part, assurer la mutualisation, alors qu'elle permet des économies de gestion.
Quant aux crédits prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, ils permettent de poursuivre le renforcement de la sécurité des personnels avec, notamment, la livraison de 42 000 gilets pare-balles et de 29 000 pistolets automatiques. De la même façon, ils permettent l'amélioration du parc de logements avec 1 270 logements mis en chantier. En outre, 1 200 postes de gendarmes vont être ouverts au titre de la LOPSI.
Ce sont autant d'apports au titre de l'année 2004, et si vous dites qu'il y a du retard par rapport aux objectifs de la LOPSI, je vous dirai que non. A la différence de la loi de programmation militaire, la LPM, je n'ai pas obtenu l'année dernière l'annualisation de la LOPSI. C'est donc sur l'ensemble des cinq années qu'il faut juger le résultat. Il n'y a pas, comme pour la LPM, une gradation qui nous permet de fixer des objectifs obligatoires par année.
Il n'y a pas de retard : la LOPSI sera aussi complètement mise en oeuvre que la LPM, mais le phasage n'est pas le même.
En ce qui concerne le point particulier du logement, l'idée est en effet d'éviter que 1 200 gendarmes ne se consacrent à des tâches administratives. Pour autant, il n'y a pas un transfert du patrimoine de la gendarmerie, il y a seulement un transfert de la gestion. C'est une démarche très pragmatique : autant confier cette responsabilité à ceux qui sont le mieux à même de l'assumer.
Un appel d'offres préparé en liaison avec le ministère des finances sera lancé au cours du premier semestre de 2004.
M. Serge Vinçon m'a interrogé, quant à lui, à propos de l'armée de terre.
En ce qui concerne le VBCI, le véhicule blindé de combat d'infanterie, beaucoup de retard a en effet été pris. Cela a été un grand point noir, mais un accord a enfin pu être trouvé et ce programme sera réalisé. Il est actuellement prévu que la tourelle accueillera un seul homme, mais, à l'avenir, une évolution sera, le cas échéant, envisageable.
Le ralliement de l'Espagne au programme d'hélicoptère de combat Tigre et son entrée dans l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ont constitué des avancées importantes pour l'Europe de la défense en 2003. L'Espagne contribue aussi à la création de l'Agence européenne de l'armement de défense. Dans l'immédiat, cela ne change rien à l'exécution en cours de la commande de la version HAP pour l'armée de terre, trente-sept appareils devant être livrés. En revanche, pour les livraisons postérieures à 2008, l'armée de terre a opté pour la version HAD espagnole.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En ce qui concerne GIAT Industries, les aménagements qui ont été proposés par le ministère de la défense sur la base du rapport d'experts qui a été élaboré cet été se traduiront par un accroissement de 170 millions d'euros du chiffre d'affaires de l'entreprise d'ici à 2006. Cela permet d'ores et déjà de préserver deux cent cinquante emplois supplémentaires par rapport aux prévisions initiales.
En ce qui concerne les missiles, plus que d'un démonstrateur, c'est à mon avis d'une réflexion sur le concept d'emploi des nouveaux missiles dont nous avons besoin aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle le lancement d'un programme d'études amont en vue de la réalisation d'un missile de combat terrestre est prévu pour 2004.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Parfait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. S'agissant de l'armée de l'air, M. Pintat m'a interrogée sur le remplacement des DC-8 et sur les offres présentées par EADS et Boeing.
Le remplacement des DC-8 est urgent, et nous engagerons à cette fin, dès le début de l'année 2004, une procédure soit d'acquisition, soit de location. Cela reste à trancher.
En revanche, le renouvellement de notre flotte de ravitailleurs ne présente pas le même caractère d'urgence. Il ne s'imposera pas avant 2008 ou 2009, et nous attendons avec intérêt de savoir quel choix sera fait par la Grande-Bretagne en réponse aux offres d'EADS, d'une part, et de Boeing, d'autre part. Il est évident que le choix d'EADS serait encourageant pour la construction européenne, puisqu'il pourrait ouvrir un certain nombre de perspectives de coopération.
En ce qui concerne précisément la coopération européenne en matière de drones tactiques, elle n'apporterait rien à l'heure actuelle, car il existe déjà des matériels performants. S'agissant des drones de longue endurance, nous avons pris un certain nombre d'initiatives, que j'ai évoquées tout à l'heure.
En ce qui concerne la marine, M. André Boyer a soulevé le problème des financements innovants. Le Gouvernement prépare une ordonnance relative au partenariat entre secteur privé et secteur public, lequel permettra à l'Etat de bénéficier de modes de financement et de gestion plus souples et plus adaptables. J'ai bien l'intention de faire profiter la défense, en particulier la marine, de ce dispositif. Un projet de cet ordre est actuellement à l'étude pour l'acquisition de frégates multimissions.
S'agissant de la place de l'ICN au sein de l'industrie européenne de défense, je suis persuadée, pour ma part, que, si nous voulons que celle-ci soit forte sur le plan mondial à l'avenir, il faudra mettre en place des structures analogues à EADS dans les secteurs naval et terrestre. Mes collègues allemand, espagnol et portugais sont d'ailleurs très intéressés par une telle perspective, dont la traduction concrète pourrait prendre des formes diverses.
En ce qui concerne le second porte-avions, la coopération avec les Britanniques fait partie des scénarios envisageables, mais je ne peux vous en dire plus aujourd'hui sur les choix qui seront faits. La DGA achève d'examiner les rapports d'expertise qui ont été demandés. Des décisions seront arrêtées dans les délais prévus, s'agissant tout d'abord du choix du mode de propulsion, qui est un préalable à une coopération plus étroite avec les Britanniques.
En matière de lutte contre les terrorismes et la piraterie, la marine a réorienté sa surveillance dans les zones à risques, dans le sud de la mer Rouge, notamment, en liaison étroite avec les autres bâtiments d'Euromarfor déployés l'an dernier dans le cadre de l'opération Induring freedom.
Enfin, le programme SAPTIONAV, en cours de mise en oeuvre, accroîtra sensiblement les moyens de surveillance le long des côtes. Nous avons par exemple renforcé notre surveillance dans le Pacifique, ainsi que dans la zone des Antilles, ce qui permet de lutter à la fois contre le terrorisme et contre certains actes de piraterie que nous devons malheureusement déplorer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues. Je ne reviendrai pas sur les données chiffrées de ce projet de budget, les rapporteurs s'étant chargés de les analyser. Je me bornerai à formuler deux brèves remarques et quelques observations.
En premier lieu, ce projet de budget enregistre une forte augmentation en volume par rapport à 2002, puisqu'il progresse de 4,6 %.
En second lieu, nous sommes au premier rang européen pour les investissements, avec quelque 14 milliards d'euros, qu'ils concernent la recherche, le développement ou le maintien en condition opérationnelle.
Ces deux remarques préliminaires étaient nécessaires, me semble-t-il, car ces éléments n'apparaissent pas toujours dans les commentaires que nous pouvons lire ou entendre.
Cela étant dit, votre projet de budget, madame le ministre, présente d'autres vertus.
Tout d'abord, pour la deuxième année consécutive, il respecte la volonté de la représentation nationale telle qu'elle s'est exprimée l'an passé au travers de la loi de programmation militaire. Cela ne s'était encore jamais vu : cette innovation honore ce gouvernement, et nous imaginons, madame le ministre, les efforts qu'il vous aura fallu déployer pour atteindre ce résultat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Par ailleurs, les dotations supplémentaires qu'il permet d'attribuer seront affectées à des priorités bien connues : l'amélioration des capacités d'entraînement de nos forces et celle de la disponibilité de leurs matériels.
De même, des efforts sont consentis pour financer les adaptations liées à la professionnalisation, telles que la création de postes d'engagé et l'amélioration de la condition militaire.
Le projet de budget permettra enfin d'assurer, en termes de commandes et de livraisons, l'exécution de l'échéancier prévu concernant les équipements nouveaux pour chacun de nos systèmes de forces.
Pour conclure sur ce premier point, j'évoquerai le débat récurrent sur la dotation, jugée toujours excessive par certains, de la défense. Je souhaite rappeler à cet égard que si, aujourd'hui, dans un contexte économique il est vrai difficile, notre pays est conduit à doter la défense de crédits substantiels, c'est qu'hier, alors que notre économie se portait mieux, la défense a été hélas ! sacrifiée.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Très bien !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Ainsi, entre 1997 et 2002, alors que notre PIB a progressé de 20 %, que le budget général a augmenté de 11,6 %, la défense, seule de tous les départements ministériels, a vu ses crédit globaux hors pensions réduits de près de 1 %, et de 10 % pour les seuls équipements. C'est cette politique, avec les graves retards qu'elle a entraînés, qu'il est aujourd'hui indispensable de compenser.
En outre, si le contexte dans lequel se détermine notre politique de sécurité évolue très vite, il ne fait que confirmer la nécessité d'un effort de défense soutenu. Le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et des capacités balistiques, la persistance des conflits nationaux ou identitaires : toutes ces menaces se conjuguent et s'interpénètrent. Loin de conduire à l'abandon de telle ou telle de nos capacités, elles justifient au contraire l'amélioration de chacun de nos systèmes de force.
Cela vaut également pour la dissuation qui, en ce qui nous concerne, reste une arme de non-emploi dans un cadre de stricte suffisance, ce qui n'exclut pas, dans le droit fil des orientations définies par le Chef de l'Etat en juin 2001 et récemment encore par le Premier ministre, de les adapter aux menaces nouvelles.
Cela vaut enfin pour notre capacité de projection, qu'il faut encore conforter. En disant cela, je pense très précisément, comme vous, madame le ministre, à nos soldats engagés sur des théâtres d'opération extérieur, dans des missions difficiles, par exemple en Côte d'Ivoire, où la situation est toujours imprévisible et tendue. Vous aurez sans doute l'occasion d'évoquer ce point au cours du débat.
Il faut aussi préparer l'avenir, notamment par un effort ambitieux de recherche et de développement portant principalement sur le spatial militaire ou sur les futurs systèmes de combat et d'observation, tels que les drones. A cet égard et compte tenu des enjeux financiers, la coopération européenne est une nécessité.
J'en viens ainsi tout naturellement à la dimension européenne de notre politique de défense, qui se trouve aujourd'hui au coeur de l'actualité : au coeur de l'actualité opérationnelle, d'abord, avec les premières opérations européennes en Macédoine et en République démocratique du Congo, et le projet de relais de l'OTAN en Bosnie ; au coeur de l'actualité diplomatique, ensuite, avec les débats en cours à la Conférence intergouvernementale sur les dispositions du projet de traité institutionnel, qui portent notamment sur la défense mutuelle et les coopérations structurées.
Je n'évoquerai que trois aspects de cette dernière question.
Anticipant sur les conclusions de la CIG, les Quinze ont décidé, le 17 novembre dernier, la création de l'Agence européenne de défense. Il s'agit là d'un progrès important : il reviendra à cette agence de définir, à l'échelle de l'Union, les besoins opérationnels en capacités, de coordonner leur développement et, finalement, de couvrir tout le cycle de l'armement, qui va de la recherche à l'acquisition d'équipements de défense, en passant par la gestion des programmes multilatéraux. Voilà un outil précieux pour créer enfin un véritable marché européen de défense, qui soit à la hauteur des 160 milliards d'euros que les vingt-cinq pays de l'Union bientôt élargie dépensent chaque année pour la défense.
Cette agence, dont les compétences peuvent ainsi se révéler très larges, pourrait permettre de conférer au collège des ministres de la défense des Vingt-Cinq un rôle prééminent, et encore inédit, dans la définition « politique » des orientations de défense de l'Union européenne.
Le deuxième projet en débat à la CIG tient précisément à la définition d'une stratégie européenne de sécurité, préparée par M. Solana. Il s'agit là aussi d'une innovation majeure : pour la première fois, les Etats membres se sont accordés sur une vision du monde, sur une analyse des menaces, ainsi que sur les orientations politiques à suivre pour faire face à ces dernières et sur les moyens, tant civils que militaires, que l'Union européenne devra détenir pour s'affirmer dans le monde.
Quelles sont, madame le ministre, les idées-forces que notre pays a souhaité voir figurer dans ce document ?
Enfin, je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire le point sur un sujet qui anime aussi l'actualité transatlantique et qui ne relève pas du projet de Constitution européenne : je veux parler de la proposition d'instituer un état-major, proprement européen, de planification et de conduite des opérations. Cette initiative, destinée à traduire dans les faits la responsabilité croissante de l'Union en matière de défense, a rallumé une nouvelle fois le soupçon qui pèse sur la France de vouloir marginaliser l'OTAN. Chacun sait pourtant qu'il n'en est rien et qu'il ne peut s'agir de rivaliser avec le SHAPE. Sans doute l'incompréhension tient-elle pour une part au moment où a été formulée la proposition et au fait qu'elle émane de pays dont on sait la position sur ce qui était alors les projets militaires américains en Irak.
Mais où en est-on aujourd'hui, madame le ministre, sur cette question, en particulier après le compromis de la semaine dernière et la réunion, au début de cette semaine, des ministres de la défense de l'OTAN ? Si d'aventure ce projet, dans sa forme initiale, ne doit pas voir le jour, quelle sera la solution de remplacement ? En d'autres termes, quels avantages opérationnels apportera une telle capacité à côté de celles qui sont déjà permises par « Berlin plus » et par le système de nation-cadre ?
La question va au-delà du « signal politique » que représenterait la mise en place d'un « quartier général » européen. Chacun sait, en effet, que, sans la Grande-Bretagne, aucune défense européenne crédible ne sera possible. Il faut d'ailleurs saluer, à cet égard, l'initiative de Londres visant à proposer la création d'une capacité conjointe de réaction rapide au profit de l'ONU, en particulier au regard de la situation actuelle en Afrique.
Enfin, plus généralement, madame le ministre, à quelques jours du sommet de Bruxelles, la défense européenne sortira-t-elle renforcée des travaux de la Conférence intergouvernementale ?
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget traduit une ambition, pour la France et pour l'Europe, mais il exprime aussi une responsabilité et une détermination nationales exemplaires face aux dangers du monde. Pour ces raisons, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées invite le Sénat à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai indiqué tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de budget de la défense était l'instrument d'une politique de sécurité, l'instrument d'une politique économique et d'emploi, l'instrument d'une politique internationale.
Oui, c'est bien l'instrument d'une politique internationale : la France ne serait pas écoutée comme elle l'est, la France ne tiendrait pas son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU si elle n'était pas en état de faire en sorte que sa parole ne se résume pas à de simples mots, mais soit susceptible d'avoir une portée concrète, éventuellement par l'emploi de la force.
La France joue un rôle central dans les relations internationales, nous l'avons vu tout particulièrement au cours de la dernière année. Me rendant dans diverses parties du monde, rencontrant les plus hautes autorités de divers Etats, de la Russie à Singapour, de la Malaisie à l'Afrique, j'ai constaté que la parole de la France était attendue parce que celle-ci reflétait la pensée profonde prévalant dans ces pays, qui ne s'estimaient cependant pas à même, faute justement de disposer d'une puissance militaire, de l'exprimer directement.
Par conséquent, si la France est fidèle à ses engagements, fidèle à son histoire, c'est parce qu'elle s'en est donné les moyens militaires.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Pas seulement !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La France, conformément à la conception qu'elle se fait de sa mission, est présente aujourd'hui dans les Balkans. Elle y est l'un des principaux facteur de paix ; elle est en outre le premier contributeur aux forces de l'OTAN au Kosovo, où elle assurera la relève du commandement au second semestre de 2004 ; elle est un acteur majeur en Afghanistan ; elle est partie prenante au premier plan dans toutes les actions de maintien de la paix ou de prévention de crise en Afrique.
A cet instant, je voudrais que nous ayons une pensée pour nos militaires qui, en Côte d'Ivoire, avec un professionnalisme, un sang-froid, un savoir-faire et une modération exemplaires, ont permis que la situation, au cours de ces derniers jours, ne dégénère pas et que ce pays ait la possiblité de maintenir son unité et de retrouver une situation stable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Mme Hélène Luc applaudit également.)
Oui, la France entend assumer son rôle sur le plan international et s'en donne les moyens. Mais elle ne souhaite pas le faire de façon isolée. Cet effort fait par notre pays, grâce à vous et à votre engagement, nous a permis, durant les derniers dix-huit mois, et tout particulièrement l'année passée, d'être le moteur de la construction européenne.
L'Europe de la défense, lancée ou relancée à Saint-Malo, a en effet connu des développements exemplaires, que vous avez soulignés, monsieur Dulait, et sur lesquels je ne reviendrai pas. Elle a pris une nouvelle dimension grâce aux opérations conduites en Macédoine et au Congo. Il s'agissait, pour la première fois, d'opérations de l'Europe de la défense : la première en relève de l'OTAN - en attendant la Bosnie l'année prochaine - et la seconde de façon autonome.
Depuis, aux yeux de tous, l'Europe de la défense existe. Mais, bien entendu, l'Europe de la défense, ce ne sont pas simplement des opérations. Au-delà de celles-ci, des programmes ont été réalisés cette année, alors qu'ils traînaient depuis longtemps. Là aussi, le rôle de la France a été exemplaire. En effet, la France ayant montré l'exemple de son engagement à travers la loi de programmation militaire, d'autres pays qui doutaient, qui attendaient, se sont à leur tour mobilisés.
L'Agence européenne de défense est une autre concrétisation de notre action. Je n'y reviens pas, vous avez décrit les objectifs et les modalités.
Pour nous, l'Europe de la défense est fondée sur quatre idées-forces.
C'est d'abord un principe de solidarité : l'Europe de la défense repose sur un principe d'assistance entre les pays signataires face aux menaces terroristes, qui sont malheureusement pour nous tous une réalité.
C'est ensuite la coopération structurée, c'est-à-dire celle qui permet, au sein de l'Europe, aux pays qui le souhaitent et qui le peuvent - et ils sont finalement nombreux -, d'avancer plus vite.
C'est, en outre, la création de l'Agence européenne de l'armement, dont l'objet est politique. Le rôle des ministres de la défense qui a été souligné prouve d'ailleurs qu'il ne s'agit pas simplement d'une construction technique.
C'est, enfin, le renforcement de la capacité de planification de l'Union européenne. Nous avons tiré les leçons de l'opération, difficile mais réussie, que nous avons menée au Congo. Nous avons examiné les difficultés que nous avions rencontrées et surmontées pour trouver comment les compenser. Ce travail a été accompli à plusieurs, avec les Allemands, avec nos amis britanniques et avec les Italiens. C'est de là qu'est né le compromis de Naples, qui est une grande avancée.
Oui, la France tient son rôle et sa place de puissance militaire. Elle entend faire en sorte que l'Europe, qui est déjà une puissance économique reconnue, soit également demain une puissance politique parce qu'elle sera une puissance militaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, déjà, l'an passé, j'avais regretté le choix de procédure de ce débat budgétaire haché et décousu, qui, de notre point de vue, n'est pas satisfaisant.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Didier Boulaud. Je réitère ma critique et sollicite le président de notre commission afin de faire le nécessaire pour que nous puissions avoir, à nouveau, un véritable débat sur les questions de défense et de sécurité à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi de finances. Il serait judicieux que le bureau du Sénat, qui, somme toute, est le seul responsable de cette situation burlesque, tout comme l'Assemblée nationale pour ce qui la concerne, revienne à l'ancienne procédure, en particulier pour les budgets régaliens comme le budget de la défense.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Tout à fait !
M. Didier Boulaud. J'exonère Mme la ministre de la défense de la responsabilité de cette situation.
Aussi, avant de passer aux questions, je voudrais dire quelques mots sur le projet de budget de la nation pour 2004, et sur le budget de la défense en particulier. Nous considérons que le projet de loi de finances que présente le Gouvernement n'est pas bon pour la France. Le Gouvernement auquel vous appartenez mène une véritable offensive sociale contre les plus démunis en supprimant notamment l'allocation spécifique de solidarité et, dans le même temps, il provoque les fonctionnaires en leur refusant une vraie discussion salariale. Il fait également porter sur les collectivités locales les dépenses sociales qu'il ne veut ni ne peut plus assumer. Enfin, il condamne le Quai d'Orsay à une pénurie de moyens très préjudiciable à notre politique extérieure.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vrai !
M. Didier Boulaud. Bref, au moment où le pays fricote avec la récession, quand le chômage grimpe, ce projet de budget pour 2004 nous met en porte-à-faux par rapport à nos partenaires de l'Union européenne.
Comment défendre alors la volonté d'une politique commune en matière de défense européenne ? Le message est brouillé : la France veut donner l'exemple avec un budget de la défense à la hausse et, dans le même temps, le Gouvernement rompt le pacte de stabilité pour camoufler son déficit budgétaire abyssal.
Donc, à notre avis, il s'agit d'un mauvais budget et de mauvaises priorités. Plus grave encore, nous doutons, eu égard à la politique économique et sociale du Gouvernement, que toutes ses promesses, et elles ne manquent pas, y compris en matière de défense, puissent être tenues.
Venons-en au budget de la défense lui-même. Je ne répéterai pas les critiques déjà exposées ici même au moment de la discussion de la loi de programmation militaire et du budget 2003. Je voudrais maintenant insister tout particulièrement sur le budget de la gendarmerie.
La situation budgétaire de la gendarmerie n'est pas aussi florissante que le voudraient les rapporteurs que nous venons d'entendre. Ainsi, s'agissant de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, sur des lignes budgétaires concernant les programmes d'équipement, dont l'immobilier, le retard est évident.
Le budget de la gendarmerie, qui est en faible progression - 1,92 % - par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, montre de nettes insuffisances. Au vu de la politique économique du Gouvernement, certains des engagements pris dans la LOPSI et dans la loi de programmation militaire semblent de plus en plus difficiles à tenir.
Notre collègue M. Philippe François, rapporteur des crédits de la gendarmerie, semble d'ores et déjà s'en inquiéter puisqu'il conclut lui-même son rapport en appelant à la vigilance pour que les engagements « pris en faveur de la gendarmerie soient respectés dans la durée » ! (M. Philippe François s'exclame.)
M. Adrien Gouteyron. Ce n'est pas négatif !
M. Didier Boulaud. J'ai lu en filigrane, mon cher collègue !
La réforme d'ensemble du dispositif territorial de la gendarmerie est en marche. Les communautés de brigade se développent et on commence à en mesurer les premières conséquences. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'irai pas par quatre chemins : madame la ministre, dans mon département, les maires ne sont pas contents, mais pas contents du tout !
Cette situation est préoccupante et doit être rapprochée d'une statistique - certains ministres sont friands de statistiques dont on sait ce qu'il faut penser -, et je n'ai nul besoin de me référer au congrès des commissaires de police qui se tient à Montluçon en ce moment. Voici donc cette statistique : par rapport à 2002, le nombre de crimes et délits aurait diminué de 4,87 % en zone de police et seulement de 1,84 % en zone de gendarmerie. Est-ce bien le moment de dégarnir le monde rural ?
Je connais par avance la réponse qui pourrait m'être faite concernant les fameuses communautés de brigade : c'est le gouvernement précédent qui les a expérimentées. Si l'expérience n'est pas probante, il faut l'abandonner ! Je suis, d'une manière générale, surpris que ce gouvernement s'entête à conserver des gouvernements qui l'ont précédé ce qui ne fonctionne pas et à démanteler ce qui fonctionnait plutôt bien.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Il n'y avait pas grand-chose !
M. Didier Boulaud. En effet, ces maires ruraux dont je parlais à l'instant n'ont pas l'impression d'être vraiment écoutés quand ils réclament, eux aussi, leur droit légitime à la sécurité citoyenne. D'ailleurs, pour être écoutés dans ce domaine, qui relève de l'opérationnel mais aussi de la stratégie, doivent-ils s'adresser au ministre de l'intérieur ou au ministre de la défense ?
Qu'il me soit permis de vous interroger sur la véritable finalité de cette réforme : s'agit-il d'une mutation destinée à forger la gendarmerie du xxie siècle ? Ou, d'une manière plus prosaïque, s'agit-il de l'étape nécessaire dans la mise en oeuvre, à moyen et long termes, d'un allégement plus important de la présence de la gendarmerie dans les territoires ruraux ? La sectorisation et la mutualisation ont-elles pour objectif, dans un premier temps, la réduction des effectifs et donc la réduction de la présence de la gendarmerie, au profit des unités périurbaines, et, dans un second temps, la constitution d'unités élémentaires avec la fermeture de nombreuses petites brigades ?
La gendarmerie a du mal à trouver sa place dans un dispositif gouvernemental qui semble évoluer dans l'opacité la plus totale. La presse s'en est fait l'écho récemment en relatant les divergences d'opinion qui existent au sein du Gouvernement sur l'avenir de la gendarmerie. Un journal du soir pouvait même titrer : « Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy se disputent de plus en plus vivement le budget de la gendarmerie. » Serait-ce la guerre entre ces deux ministres ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. Ne rêvez pas !
M. Didier Boulaud. Plus sérieusement, madame la ministre, le moment est venu de dissiper quelques malentendus qui, en se développant, ne contribuent pas à la nécessaire sérénité que le travail des gendarmes exige et mérite. D'abord, la gendarmerie sortira-t-elle du giron de la défense pour aller se fondre dans le grand ministère de la sécurité que votre boulimique collègue M. Sarkozy convoite ?
L'agitation constante du ministre de l'intérieur l'amène à vouloir s'occuper de tout. Ainsi, de la sécurité intérieure, il glisse petit à petit vers la sécurité tout court, glissement sémantique, glissement politique.
Il a déjà débaptisé l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure pour le nommer dorénavant Institut national des hautes études de sécurité. Il essaie aussi d'avoir la tutelle sur les réfugiés et de diriger l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au détriment du droit d'asile et du ministère des affaires étrangères. A ce rythme-là, après la gendarmerie, il pourrait demander demain à « avoir la main » sur toutes les forces militaires qui interviennent, peu ou prou, dans le cadre des missions de sécurité intérieure : ainsi l'armée de terre pour Vigipirate, l'armée de l'air pour les missions quotidiennes de surveillance aérienne et la marine pour la lutte contre la pollution côtière.
Ce grand ministère de la sécurité, on sait où il commence, on ne sait pas où il s'arrête ! La soumission de la gendarmerie au ministère de l'intérieur pose un certain nombre de problèmes non résolus, qui indisposent les gendarmes, notamment la disparité de traitement entre les deux corps. Doit-on remettre en cause le schéma traditionnel police-gendarmerie ? Le Gouvernement envisage-t-il de réformer le statut des gendarmes ?
Il existe actuellement un débat sur la place assignée à la gendarmerie dans la loi organique relative aux lois de finances. Quelles seront les modifications entraînées par l'application de cette nouvelle loi organique ? Enfin, quel est l'état d'avancement de la nouvelle nomenclature budgétaire, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette loi organique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Faute de temps, je ne reprends que cinq des points que vous avez évoqués.
D'abord, vous avez dit que ce projet de budget n'était pas bon pour la France. Les 170 000 personnes dont l'emploi dépend directement des crédits d'investissements de la défense apprécieront. Ils verront que, à travers la diminution de ces crédits, vous souhaitez que leur emploi soit supprimé.
M. Didier Boulaud. Je n'ai pas dit cela !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De même, les 37 000 personnes qui seront directement engagées par les armées apprécieront que vous vouliez bloquer, pour un certain nombre de jeunes souvent issus de milieux très modestes, la possibilité de trouver un emploi et une formation, et d'avoir une véritable promotion sociale.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'en profite pour vous dire que la défense est probablement la seule institution qui applique le grand principe républicain de la promotion sociale au mérite, à travers les systèmes de formation continue de la défense.
Ensuite, vous avez dit que notre budget nous mettrait en porte-à-faux par rapport à nos voisins européens, parce qu'il ne respecte pas le pacte de stabilité.
M. Didier Boulaud. C'est vrai !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je puis vous affirmer que c'est notre budget qui nous a permis à Bouaké, en Côte d'Ivoire, de sortir nos ressortissants, mais également les ressortissants étrangers de la zone des combats ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) C'est lui qui nous a permis de sortir 90 % d'étrangers - il n'y avait que 10 % de Français - du Liberia. Je l'ai dit franchement aux ministres des autres pays : n'y aurait-il pas une certaine injustice à reprocher à la France de se donner les moyens de sauver non seulement ses ressortissants mais également les ressortissants des pays qui ne font pas le même effort de défense ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Je note d'ailleurs que de plus en plus de pays européens considèrent qu'il faut sortir les crédits de défense du pacte de stabilité. Il faut donc peut-être, tout simplement, que vous mettiez à jour vos impressions, monsieur Boulaud.
En outre, s'agissant de la gendarmerie, vous parlez de retard. Or, dès notre arrivée au Gouvernement, nous avons dû honorer vos promesses, tenir vos engagements qui n'étaient pas financés, je pense notamment à l'ISSP, l'indemnité de sujétion spéciale de police. Aujourd'hui, si un effort très important reste à faire en matière de réhabilitation des logements des gendarmes, c'est peut-être aussi parce que, pendant les cinq dernières années, l'entretien n'a pas été assuré dans les gendarmeries par manque de moyens. Il en va de même en ce qui concerne les équipements. Par conséquent, s'il y a des insuffisances, elles viennent peut-être du fait que les grosses insuffisances existaient avant notre arrivée au pouvoir. (M. Didier Boulaud s'exclame.)
Enfin, concernant la LOPSI, j'ai rappelé tout à l'heure que nous avions créé 1 200 emplois supplémentaires. Les gendarmes qui, jusqu'à présent, étaient occupés à faire de l'administration à travers la gestion immobilière pourront de nouveau exercer les missions pour lesquelles ils se sont engagés dans la gendarmerie.
Monsieur Boulaud, la guerre entre les ministres ? Non ! La guerre entre les personnes, nous la laissons à vos amis ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Lorsque j'ai dit que le budget n'était pas bon pour la France, je parlais du projet de loi de finances dans son ensemble, je n'ai pas particulièrement visé le budget de la défense. Mme la ministre a donc beau jeu de ne prendre en compte qu'une partie de mon intervention. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. D'ailleurs, je peux, si vous le souhaitez, reprendre la formulation exacte. (Non ! Non ! sur les travées de l'UMP.) Mais si ! J'ai dit : « Nous considérons que le projet de loi de finances que présente le Gouvernement n'est pas bon pour la France. » Il ne s'agissait pas alors du budget de la défense. Pour nous, le budget n'est globalement pas bon, car il laisse apparaître des déséquilibres que nous déplorons.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Il faut reprendre depuis le début !
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la défense est un domaine régalien de l'Etat. A ce titre, son budget ne doit en aucun cas être sacrifié. Il ne doit jamais servir de variable d'ajustement, comme l'avait délibérément fait le gouvernement socialiste en effectuant des coupes dans les crédits alors même que la croissance de notre pays était à la hausse. Il y va de la crédibilité de la France sur la scène mondiale.
Je tiens donc à vous féliciter, madame le ministre, des efforts faits par le Gouvernement concernant ce budget, qui augmente de 4,3 %, pour atteindre 32,4 milliards d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, les dispositions de la loi de programmation militaire 2003-2008 sont respectées par la loi de finances. Mais ce qui est primordial, c'est que l'augmentation du budget de la défense est due essentiellement à la hausse de 9,2 % des crédits d'équipement, qui s'établissent à 14,9 milliards d'euros. De nombreux rapports avaient en effet souligné la dégradation préoccupante des équipements. Par ailleurs, vous avez respecté l'objectif de la baisse des dépenses publiques en ne remplaçant pas un fonctionnaire civil sur deux partant à la retraite.
Mes questions porteront sur notre politique de défense internationale. Engagée depuis 1992 dans le traité de Maastricht et relancée de manière décisive en 1998 par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, l'édification de l'Europe de la défense a connu, au cours des derniers mois, des avancées considérables auxquelles la France a largement contribué.
Se sont ainsi succédé le sommet franco-britannique du Touquet, en février 2003, et le sommet réunissant, le 29 avril 2003, la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. Des propositions ambitieuses ont été faites afin de jeter les bases d'une Union européenne de la sécurité et de la défense.
Les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe ont abouti, au mois de juillet 2003, à l'adoption d'un projet de Constitution européenne comportant des dispositions novatrices en matière de sécurité et de défense et parmi lesquelles figure la possibilité, pour les Etats qui le souhaitent, de mettre en oeuvre des coopérations structurées.
A ces avancées politiques et opérationnelles indéniables, s'est ajouté le succès récent de deux programmes d'équipement majeurs menés en coopération européenne. Il s'agit du lancement du programme d'avion et de transport ainsi que de l'adhésion de l'Espagne et de la Grèce aux programmes d'hélicoptères.
Parallèlement, la création d'une agence européenne de l'armement prévue par le projet de Constitution européenne devrait permettre de faire progresser l'Europe de l'armement.
La France doit assumer un rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense, ce qui lui impose de donner des signes tangibles de sa volonté de lui accorder de réels moyens. C'est par l'augmentation des dépenses militaires, qui doit être réalisée au niveau européen, et par une coopération accrue en matière d'équipements, que l'Europe de la défense pourra être dotée de capacités opérationnelles crédibles.
Ne pensez-vous pas, madame le ministre, que ces impératifs plaident en faveur d'un fort développement des programmes d'armement en coopération, en rendant plus efficaces les mécanismes existants et en intervenant davantage en amont, notamment en matière de recherche et technologie ?
Cette question m'amène tout naturellement à parler de la volonté des ministres européens de renforcer les capacités militaires de l'Union européenne par la création d'un état-major autonome. Cette volonté a été confirmée à la réunion qui s'est tenue à Naples le week-end dernier entre les ministres des affaires étrangères. Le commandement devrait se situer au siège de l'Alliance atlantique, en Belgique. Cette décision inquiète les Etats-Unis, mais aussi certains pays d'Europe, comme la Suède ou la Pologne.
Dans ce contexte, quel est l'avenir de l'OTAN ? Cette organisation pourra-t-elle intervenir dans les conflits hors d'Europe, et quel serait son périmètre d'intervention ? L'OTAN a d'ailleurs pris la décision de créer, d'ici à 2006, une force de réaction rapide, ce qui occasionne déjà des débats importants de part et d'autre de l'Atlantique.
Madame le ministre, quelle est la position de la France à ce sujet ? Comment se situe-t-elle par rapport à l'OTAN ? La question est fondamentale pour l'avenir de la paix, mais la solution est complexe. Pouvez-vous nous donner les lignes directrices de votre action ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, la France souhaite une politique européenne de sécurité et de défense dynamique et efficace. La France est attachée à l'OTAN.
L'Europe est une puissance économique. Si elle veut être une puissance politique pour faire prévaloir la défense de ses citoyens, ses intérêts et ses valeurs dans le monde, il lui faut les moyens d'agir. C'est la raison pour laquelle elle doit avoir une défense susceptible d'intervenir, y compris quand l'OTAN ne peut pas ou ne veut pas intervenir partout dans le monde.
Pour autant, la France demeure très attachée à l'Alliance qui est pour nous l'ultime protection, la plus importante des protections. N'oublions pas, mesdames, messieurs les sénateurs que, dans l'Alliance, la France est l'un des partenaires, sinon le partenaire le plus important. N'oublions pas non plus que tout ce qui renforce la défense européenne renforce l'OTAN.
Il n'est pas question que l'Union européenne interviennent en duplication de l'OTAN. Leurs missions doivent être complémentaires.
La preuve de notre attachement à l'OTAN est que nous avons été, à Prague, le premier pays à soutenir sa transformation.
Cette transformation est nécessaire parce que la donne n'est plus du tout la même que lors de sa création. L'Alliance répondait à la nécessité de se protéger contre le danger de l'Est qui n'existe plus.
Il y a quelques mois, nous avons accepté que l'OTAN puisse intervenir en soutien d'un pays européen, l'Allemagne, en Afghanistan. C'est, selon moi, une ouverture importante. Mais, lorsque le secrétaire général des Nations unies a demandé à la France d'intervenir en République démocratique du Congo, nous l'avons fait et nous avons montré que nous pouvions le faire seuls.
Comme je l'ai dit à M. Rumsfeld il y a quelques jours à Bruxelles, l'Europe tout simplement, l'Europe de la défense en particulier, se construit. Elle se construit dans la sérénité, la détermination et dans la fidélité à ses alliances essentielles, dont l'OTAN fait partie.
Je ne vois donc pas pourquoi certains ont la moindre nervosité en la matière. L'Europe de la défense ne se fait pas contre l'OTAN ; elle complète l'OTAN pour assurer dans le monde la sécurité et la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la défense est une mission régalienne de l'Etat garante de son indépendance et de sa souveraineté. La capacité opérationnelle de nos armées dépend des capacités humaines et technologiques, des compétences et des savoir-faire présents dans notre industrie de défense et les établissements du ministère, elle ne peut se concevoir uniquement au travers d'une augmentation budgétaire.
Il est urgent d'engager un véritable débat national sur la politique de défense dans ses dimensions stratégiques et industrielles.
En 2004, votre ministère entend supprimer 852 postes de personnels civils. Les restructurations qui touchent aujourd'hui DCN, la SNPE et GIAT Industries vont gravement affaiblir nos capacités industrielles.
Quatre mois après le changement de statut de DCN, naissent des perspectives d'alliances sans véritables projets industriels. L'externalisation des activités dans le seul but de la rentabilité immédiate et la diminution des investissements font craindre un futur sombre dans la droite ligne de ce qui s'est déjà passé pour GIAT.
Justement, l'avenir de GIAT Industries - qui a pourtant fourni 80 % des matériels de l'armée de terre - est compromis par le plan « GIAT 2066 » de son P-DG, que vous vous obstinez à soutenir, madame la ministre.
Or, ce plan rencontre une résistance ferme des salariés, des organisations syndicales, mais aussi d'élus de toutes tendances qui savent à quel point il sera désastreux pour les bassins d'emplois et pour l'industrie de défense nationale.
Je vous ai interpellée à plusieurs reprises ici même, madame la ministre, pour qu'un véritable dialogue social soit engagé. Avec les salariés, nous avons obtenu un délai supplémentaire et la nomination d'experts.
L'intersyndicale a tenu au Sénat, sous ma présidence, une réunion d'information à l'issue de laquelle, avec les élus locaux, régionaux et nationaux, nous vous avons demandé, ainsi qu'au Président de la République, de nous recevoir ensemble. Vous avez discuté avec chacun, mais vous avez refusé de recevoir cette délégation, ce que je déplore, car le dialogue social interne à l'entreprise est rompu depuis longtemps. Cette rencontre aurait permis de faire un pas pour sortir de la situation de blocage. Ainsi, M. Blin a-t-il souligné, à juste titre, le retard de la livraison des chars Leclerc.
Des propositions alternatives des organisations syndicales, validées par deux cabinets d'expertises, ont été formulées, mais elles ont été rejetées arbitrairement par la direction. Les experts relèvent le caractère incohérent et inadapté de ce plan qui fragiliserait l'entreprise et en ferait une proie facile dans les alliances envisagées par la direction.
Nous courons le risque de voir notre industrie de défense passer en partie sous contrôle étranger. Le rachat par des fonds d'investissements américains de l'allemand MTU, fournisseur du moteur du char Leclerc vendu par GIAT Industries aux Emirats arabes unis et en attente d'un appel d'offres avec l'Arabie saoudite, ne peut que nous inquiéter. De surcroît, comme l'ont reconnu des experts militaires, il est nécessaire de procéder à la modernisation de ce char, qui est en concurrence avec le char américain Abraham.
Du point de vue social, sur saisine des organisations syndicales, le tribunal de grande instance de Versailles a suspendu, en référé, l'application du plan dans l'attente du jugement sur le fond prévu le 9 décembre. C'est un avertissement sérieux pour la direction.
Les reclassements risquent de se traduire par des centaines de licenciements supplémentaires tant les conditions actuellement présentées sont en décalage avec la réalité du salariat de GIAT. Vous proposez à des milliers de salariés et à leurs familles une mobilité géographique irréalisable avec des pertes de pouvoir d'achat pouvant atteindre 30 % à 40 %. Les femmes de Tarbes se sont mobilisées aux côtés de leurs maris.
Je veux enfin protester fermement contre le déménagement subreptice par la direction de GIAT Industries de productions dans la nuit du 28 au 29 novembre vers le centre de Saint-Chamond, dans la Loire, sous couvert de l'autorité publique. Le désespoir des salariés est grand. Agir de la sorte ne fera qu'exacerber les tensions, comme le fait le Premier ministre dans d'autres domaines : retraites, sécurité sociale.
Je vous poserai trois questions, madame la ministre. Tout d'abord, quelle action mène le Gouvernement pour éviter tout démembrement de l'industrie de l'armement française ?
Ensuite, madame la ministre, pouvez-vous nous donner des informations sur les rumeurs d'alliance de DCN et de Thalès ?
Enfin, quelle est votre position sur les opérations menées dans les centres de GIAT Industries et comptez-vous répondre favorablement à la demande des organisations syndicales et des élus de convoquer une table ronde et de désigner un médiateur qui serait chargé d'animer celle-ci ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame le sénateur, selon vous, les restructurations affaibliraient notre capacité industrielle.
Madame Luc, c'est exactement le contraire ! S'il n'y a pas de restructurations, de modernisation de ces entreprises, celles-ci disparaîtront, le système de fonctionnement du chantier qui était sans doute adapté à l'industrie du début du xxe siècle, ne l'est plus aujourd'hui, dans une situation de concurrence internationale.
Vous et vos amis disent qu'il faut que la défense française fasse fonctionner ses usines. Or si les coûts de production sont sans commune mesure avec les prix du marché, on peut certes obliger la France à acheter sur place. Ce n'est pas une solution, car non seulement elle ne disposera que de très peu de matériels mais, de plus, elle s'affaiblira. Par ailleurs, vous le savez aussi bien que moi, ces entreprises ne pourront pas vivre dans ces conditions, dans la mesure où la capacité d'exportation est aussi une des conditions de leur survie.
Il faut donc choisir : soit nous supprimons complètement ces entreprises et, à ce moment-là, nous renonçons à notre indépendance, soit nous réalisons les transformations nécessaires qui permettront à ces entreprises non seulement de répondre à nos besoins, mais aussi de trouver de l'activité à l'extérieur.
Telle est la raison de la transformation tant de DCN que de GIAT Industries. Je n'ai pas besoin de rappeler que, depuis des années, on a laissé cette entreprise, probablement par démagogie, dans son état actuel, alors que l'on savait très bien que la fabrication du char Leclerc, qui représente encore aujourd'hui plus de 70 % du carnet de commandes de GIAT, allait être arrêtée.
Bien évidemment, le plan industriel reposera également sur d'autres activités, parmi lesquelles la maintenance du char Leclerc et de l'AMX, mais celles-ci ne représentent pas un carnet de commandes équivalent à celui du char Leclerc.
Comme pour n'importe quelle autre entreprise, la survie de GIAT passe par une refonte de l'entreprise et la définition de vraies perspectives à quinze ans, vingt ans, voire trente ans. GIAT ne peut pas se développer sur des illusions, à l'image du fameux contrat que vous avez encore évoqué aujourd'hui.
Aujourd'hui, l'enjeu est de sauver une industrie de l'armement terrestre. Ce que nous proposons me semble répondre à l'intérêt de la défense, à l'intérêt de notre industrie et à l'intérêt des salariés.
Certes, la justice a suspendu le plan social, mais en aucun cas le plan industriel, qui ne lui a même pas été soumis.
Mme Hélène Luc. Il faut attendre !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Non, c'est le plan social et non pas le plan industriel. Les grandes lignes qui ont été retenues relèvent simplement du bon sens : une restructuration s'avère nécessaire pour GIAT, comme elle l'a été pour DCN.
Par ailleurs, madame Luc, je vous confirme que les relations entre DCN et Thalès existent déjà, pour le plus grand bien des deux entreprises, notamment pour les exportations de DCN.
En outre, plus qu'un débat sur la réforme de GIAT, j'ai l'impression qu'il y a surtout un dialogue. C'est en tous les cas ce que j'essaie de faire, avec les organisations syndicales, avec les élus locaux et avec des industriels pour le reclassement des personnels.
Je vous le rappelle, madame, ma préoccupation est de donner un avenir à GIAT Industries, mais aussi de permettre aux communes et aux secteurs géographiques dans lesquels se trouvent les implantations de GIAT Industries, et qui seront donc touchés, de retrouver des activités.
Je souhaite surtout permettre à chacun des salariés de GIAT d'avoir une perspective, à l'intérieur de GIAT pour un certain nombre d'entre eux, mais aussi à l'extérieur de GIAT, pour ceux qui ne pourront pas y rester. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes.
M. Robert Del Picchia. Heureusement !
Mme Hélène Luc. Evidemment, votre réponse ne me satisfait pas, parce que vous persistez à vous engager dans cette réforme sans entendre ce que proposent les experts.
Je vous le répète, les salariés sont conscients de la nécessité d'une adaptation. Ils ne refusent pas le changement. Ils refusent le plan.
Ils ont fait des propositions, mais personne ne veut les entendre. Nul ne pensait que le tribunal de grande instance de Versailles suspendrait le plan social. Or il l'a fait. Jean-Yves Autexier, Danielle Bidard-Reydet et moi-même attendons le 9 décembre avec les salariés. Nous restons mobilisés pour faire prévaloir le maintien de notre industrie de défense.
Hier avaient lieu des élections professionnelles dont le taux de participation a atteint exceptionnellement 92 % à GIAT Industries. Cela signifie que les salariés restent mobilisés et qu'ils suivent la lutte de l'intersyndicale qui est bien représentative des salariés.
Monsieur le président, je voudrais enfin vous saisir officiellement d'une proposition que j'ai présentée avant-hier devant la commission des affaires étrangères et que je vous demande de transmettre à M. le président du Sénat. Je souhaite que nous cessions l'expérience de la procédure des questions-réponses pour l'examen du projet de budget de la défense afin de permettre à chaque groupe d'exposer de manière cohérente sa position sur ce budget si important.
M. le président. Madame Luc, je vous donne acte de votre requête que je transmettrai à M. le président du Sénat.
Je vous rappelle que c'est la conférence des présidents qui, dans sa majorité, a choisi cette forme de discussion pour ce budget de façon à rendre son examen plus interactif. Je ne peux que me faire l'interprète de cette décision.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été déjà dit sur GIAT Industries. Je ferai part simplement de mon étonnement.
Je suis élu local depuis un certain nombre d'années et j'ai connu différents plans de restructuration. Je ne conteste pas la nécessité de ces restructurations. Toutefois, l'histoire a montré que les différents présidents-directeurs généraux de ces établissements, que ce soit sous des gouvernements de droite ou sous des gouvernements de gauche, ont été loin de détenir la vérité. Le nombre de bourdes - et l'enceinte dans laquelle nous nous trouvons me conduit à châtier mon langage alors que je pense très fort à d'autres mots - est tout de même considérable !
Le plan Vigneron a le mérite de l'entêtement et de la détermination. Mais, s'il existait un soupçon non pas de doute - le doute n'a pas sa place en l'occurrence - mais d'incertitude, peut-être les travaux des experts, qui ont été jugés excellents, auraient-ils pu être pris en considération !
En fait, aujourd'hui, on assiste à un drame social, à une catastrophe humaine. Des problèmes difficiles, que ce soit à Tarbes ou ailleurs, se posent aux collectivités territoriales. Et surtout on voit s'exécuter devant nous une sorte de sabotage industriel et de perte d'un savoir-faire.
On met en avant le principe de défense européenne. Tout le monde adhère à cette idée. Mais, dans la mesure où un certain nombre de pays, même ceux qui s'apprêtent à entrer dans l'Europe, font ce qu'ils veulent en la matière, je ne suis pas certain que la démarche qui consiste à abandonner tout ce qui pourrait, à un moment donné, constituer une garantie d'indépendance en matière de défense, soit nécessairement la meilleure qui soit sur le plan militaire. En effet, lorsque nous aurons perdu notre savoir-faire et que nous aurons démonté les outils superbes dont nous disposons, il sera trop tard pour les reconstituer.
Je suis ici le porte-parole non seulement des salariés de GIAT Industries et d'une population qui ne comprend pas, mais surtout d'élus qui ont le sentiment que l'on veut se séparer de cet outil.
Bien évidemment, madame la ministre, nous ne pouvons être satisfaits ni de ce qui va arriver ni surtout du manque d'écoute qui s'est manifesté à notre égard. Certes, vous nous avez reçus à plusieurs reprises, et longuement, je vous en remercie. Mais, si nous avons peut-être été écoutés, nous avons la certitude de ne jamais avoir été entendus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Fortassin, quand on écoute, il faut écouter tout le monde, notamment les experts.
De nombreuses restructurations ont eu lieu, c'est vrai. Mais ce sont les experts des syndicats eux-mêmes qui le disent : pour que GIAT Industries puisse vivre, il faut supprimer 3 000 à 4 000 emplois. Cela figure expressément dans le rapport d'expertise. L'avez-vous lu ? Pour ma part, c'est ce qui m'a conduit - je l'ai dit tout à l'heure - à injecter, en plus de ce que j'apportais en tant que responsable du ministère, c'est-à-dire en tant que client, des crédits et de l'activité supplémentaires, et donc à permettre de sauvegarder 250 emplois supplémentaires. Moi, j'ai lu les rapports des experts dans leur intégralité !
Aujourd'hui, une entreprise ne peut plus vivre sur elle-même en utilisant n'importe quelle méthode. Oui ! GIAT Industries a développé des savoir-faire, je suis la première à le reconnaître, mais ces savoir-faire ne suffisent pas.
Lorsque j'ai cherché qui pouvait conforter GIAT Industries par le biais d'alliances, j'ai trouvé beaucoup de partenaires potentiels en France et en Europe. Tous m'ont dit qu'ils étaient prêts à travailler avec GIAT Industries, en raison de ses savoir-faire, mais à condition que sa situation financière soit assainie.
L'Europe est une perspective réelle pour GIAT Industries : c'est ce qui lui permettra de se consolider et de se développer de nouveau. Mais pour cela, il faudra avoir affaire à un nouveau GIAT Industries. Il ne suffira pas, comme les fois précédentes, pour des raisons démagogiques, de surestimer les plans industriels et de sous-estimer les réformes à accomplir.
Monsieur Fortassin, vous m'avez dit que la région de Tarbes, que je connais bien pour de nombreuses raisons, rencontrait des difficultés pour reclasser les personnels sans emploi.
C'est la raison pour laquelle nous avons fait en sorte qu'une entreprise susceptible de reprendre les personnels et d'implanter de nouvelles activités vienne s'installer à Tarbes.
Voilà ce que j'appelle le dialogue. Voilà ce que j'appelle prendre en considération l'avenir. Et voilà ce que j'appelle avoir le sens des responsabilités ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Je vous ferai tout d'abord très respectueusement observer, madame la ministre, que, si je suis resté courtois dans mon intervention, je ne me suis jamais départi du sens des responsabilités ! Si je reconnais aux membres du Gouvernement ce sens des responsabilités, je considère que les élus de base que nous sommes l'ont tout autant !
Par ailleurs, madame la ministre - et sur ce point vous ne m'avez pas répondu -, je répète que le plan Vigneron, dans lequel il y a peut-être de bonnes choses mais que nous avons contesté, n'a en rien été modifié quelles que soient les propositions que nous ayons faites. Il est demeuré intangible, comme si c'était la vérité révélée.
Mme Hélène Luc. Et voilà !
M. François Fortassin. Or l'histoire a montré que les présidents-directeurs généraux n'ont pas fait que de bonnes choses chez GIAT Industries. Il semble que celui qui est en poste soit paré de toutes les vertus ; je n'en suis pas parfaitement convaincu.
Je suis en revanche persuadé que, s'agissant des forges, compte tenu du savoir-faire et du maintien en conditions opérationnelles, d'autres pistes pouvaient être creusées. Ce n'est pas l'élu que je suis qui le dit, ce sont les experts !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, permettez-moi d'abord de saluer le courage dont vous faites preuve - la réponse que vous venez de faire en est une illustration - pour traiter des dossiers difficiles. Au demeurant, je comprends très bien que certains de nos collègues puissent exprimer des réserves sur votre action, ce qui est normal dans un débat parlementaire.
Je tiens aussi à saluer - et cette fois j'emploie le mot dans un sens positif - la détermination mais aussi la volonté que vous mettez à doter notre pays des forces militaires qui permettent d'assurer sa défense et de soutenir sa place dans le monde.
Trop longtemps, le budget de la défense a été le grand sacrifié de la nation. Je salue le retournement de politique qu'a entraîné votre venue aux affaires, et je crois que beaucoup de Français s'en réjouissent.
Madame la ministre, je vais vous interroger, moi aussi, sur la gendarmerie.
Le projet de budget de la gendarmerie pour 2004 s'inscrit dans le cadre d'une double programmation.
La LOPSI prévoit une remise à niveau significative des moyens de la gendarmerie, avec la création de 7 000 emplois de 2003 à 2007 et la programmation de 1,02 milliard d'euros de crédits d'équipement supplémentaires, dont 475 millions d'euros au titre de l'immobilier. Avec les moyens supplémentaires prévus par la loi de programmation militaire, au total, sur la période 2003-2008, les crédits d'équipement de la gendarmerie devraient atteindre 3,177 milliards d'euros. Il est important que l'ensemble de cette programmation soit pleinement respecté.
Si les dotations prévues au titre du fonctionnement permettent effectivement de respecter les engagements pris en autorisant les recrutements prévus et en assurant la bonne marche des services, je suis, comme beaucoup, particulièrement attaché à ce que les crédits inscrits au titre des équipements respectent la programmation avec la constance nécessaire.
Je suis conscient des nécessités d'un effort d'économies partagé. Toutefois, il convient de respecter les engagements qui ont été pris.
Les personnels de la gendarmerie ont largement repris espoir à l'annonce d'un vaste plan de renouvellement des matériels mis à leur disposition et d'amélioration de leurs conditions de travail. Vous veillez rigoureusement à ce qu'ils ne soient pas déçus.
Il conviendra donc d'être attentif, lorsque la croissance se sera confirmée et lorsque les moyens dont dispose la nation seront suffisants, à ce que l'on en revienne au niveau prévu par la LOPSI.
Les moyens financiers permettront de poursuivre le renouvellement rapide du parc automobile, des moyens de protection individuelle et de l'armement de poing. De même, l'effort entrepris en matière de reconstruction et de rénovation de logements sera poursuivi au même niveau qu'en 2003.
Je veux insister maintenant sur la question essentielle du renouvellement et de l'amélioration du parc immobilier de la gendarmerie, tant domanial que locatif. On le sait, l'état général des conditions d'hébergement des gendarmes n'est pas totalement satisfaisant ; un retard considérable a été pris dans les années passées. L'état du casernement s'est dégradé. Au total, plus de 35 % des logements sont classés officiellement « mauvais » ou « vétustes ». Il apparaît que l'immobilier a servi de variable d'ajustement jusqu'en 2002.
L'augmentation de 39,5 % des autorisations de programme et de 46,7 % des crédits de paiement consacrés à l'immobilier dans le projet de loi de finances pour 2003 a permis une vigoureuse relance des mises en chantier, tout particulièrement pour le parc domanial.
Comme vous le savez, madame la ministre, les collectivités territoriales peuvent, en application du décret du 28 janvier 1993, bénéficier de subventions d'investissement destinées à alléger la charge qu'elles supportent pour la construction des casernements mis à la disposition de la gendarmerie. Cette aide en capital est déterminée sur la base du coût plafond de l'unité-logement et calculée selon des taux de 20 % ou de 18 %.
Afin d'inciter encore davantage les collectivités locales à s'engager dans les programmes de construction ou de rénovation des gendarmeries, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait utile de revoir ces plafonds et peut-être d'augmenter les taux ? Je suis moi-même, dans ma propre commune, concerné par ce problème. Que pensez-vous pouvoir faire ?
Pour conclure, je rappellerai simplement que l'engagement de l'Etat se situe à des niveaux somme toute modestes puisque les subventions d'investissement représentent seulement 10 millions d'euros de crédits de paiement pour 2004. Pouvez-vous, madame la ministre, faire un peu plus et un peu mieux ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je répondrai à M. Gouteyron, dont je sais l'attachement qu'il porte à la gendarmerie, que nous consentons déjà un effort important, dans tous les domaines, pour la gendarmerie. Nous reconnaissons le rôle essentiel qu'elle joue dans le cadre des missions militaires qui lui sont confiées, mais aussi au service de la protection de nos concitoyens, surtout dans les zones rurales.
Ainsi, dès cette année, l'augmentation du nombre de gilets pare-balles, la distribution de nouvelles armes, l'amélioration des logements, sans oublier les nouvelles tenues seront la traduction de l'intérêt que nous lui portons.
En ce qui concerne le logement, je vous répondrai, monsieur le sénateur, qu'un effort tout particulier est fait pour l'équipement, effort dont le logement bénéficie évidemment.
Comme vous l'avez souligné, l'enveloppe prévue pour 2004 sera de 36 % supérieure à l'enveloppe prévue pour 2002. En d'autres termes, nous augmentons de plus d'un tiers l'effort fait en matière d'équipements pour la gendarmerie.
Il convient, bien entendu, d'examiner la manière dont ces moyens pourraient être utilisés au mieux en matière de gestion du parc de logements, car des améliorations doivent être apportées.
J'ai dit tout à l'heure que l'externalisation de la gestion pour ce qui relève du ministère devait permettre d'améliorer les conditons et de la gestion et de l'entretien. M'étant rendue sur place et ayant visité des logements de gendarmes, je me suis aperçu qu'un énorme travail restait à faire. Je pense que, dès 2004, nous serons à même d'améliorer la situation.
Vous avez évoqué le problème plus particulier des aides aux collectivités territoriales qui consentent, elles-mêmes, un effort important pour les gendarmes, effort que je tiens à saluer.
Le problème que vous soulevez tient, à vrai dire, à un vieux décret de 1993, aux termes duquel certaines contrainte, sont imposées, notamment celle selon laquelle le taux de subvention doit dépendre uniquement de la population. Très franchement, monsieur le sénateur, je considère que cette règle est injuste et je suis tout à fait prête à essayer de la faire changer. Je ne vous garantis pas sur ce point une réussite totale, mais, si nous nous y mettons tous, peut-être trouverons-nous des critères qui soient mieux adaptés et surtout qui incitent les collectivités territoriales à faire encore plus pour nos gendarmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je sais que vous ne pouviez pas dire plus, et votre réponse me satisfait tout à fait.
Pour ce qui est de sa dernière partie, je pense qu'à partir du moment où vous êtes décidée à faire bouger les choses et à faire modifier le décret on peut espérer que vous y parviendrez. En outre, si nous nous y mettons tous, comme vous l'avez suggéré, nous avons encore plus de chances d'atteindre notre but. En tout cas, je vous remercie, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la politique de défense dont votre budget est le reflet.
Son but est, naturellement, de parer aux menaces qui pèsent sur la nation, et la première d'entre elles est le terrorisme.
Nous aurions tort de suivre l'agenda américain en matière de lutte contre le terrorisme. Ses considérations, selon lesquelles les réponses sont militaires, sont manifestement erronées. J'observe d'ailleurs que les appréciations américaines se contredisent, évoquant un jour une bande de 1 500 voyous qui terrorisent le monde et, le lendemain, la plus grande menace depuis la disparition de la menace soviétique.
Tout cela conduit à des réponses désastreuses : l'enlisement américain en Irak le démontre. Ce qui est fâcheux, c'est que ce type de réponses a discrédité la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
Non, les réponses ne sont pas militaires : elles relèvent du renseignement, de la police, mais aussi du civisme et de la cohésion d'une nation face à une telle épreuve.
Le problème du terrorisme soulève la question du lien armée-nation. Et je regrette, une fois de plus, que la disparition du service national prive le pays de moyens qui seraient fort utiles.
Ne croyez-vous pas, madame le ministre, qu'il serait temps d'étudier la mise en place d'un service court, de deux mois ou deux mois et demi, en vue de créer une garde nationale de 60 000 hommes et femmes consacrée à la protection des points sensibles ? Avec une formation succincte, rudimentaire, elle serait extrêmement efficace en cas d'attaque terroriste massive, comme notre pays pourrait, hélas ! en connaître demain.
En tout cas, ces réponses-là sont plus pertinentes que la fuite en avant que constituent des interventions dites préventives et qui se révèlent périlleuses, montrant à l'évidence que la stratégie de l'actuelle administration américaine est contre-productive.
Cela étant, le terrorisme ne doit pas masquer les autres risques. Je pense en tout premier lieu à la prolifération des armes de destruction massive. Si le conflit en Irak a discrédité la méthode américaine, à l'inverse, la réussite de nos ministres des affaires étrangères, français, allemand et britannique, à Téhéran a prouvé que la négociation et l'action politique étaient les meilleurs outils en ce domaine.
J'ajoute que la mise en cause du traité ABM et le refus par les Etats-Unis de signer le traité interdisant les essais nucléaires placent ceux qui veulent lutter contre la prolifération dans une situation extrêmement délicate.
La tâche de la France est difficile, mais il est nécessaire qu'elle défende sa position.
La déstabilisation du monde est une autre menace.
Une polémique s'est fait jour dans la presse, sur la dissuasion. Je répète que celle-ci est plus nécessaire que jamais face à la déstabilisation du monde parce que l'arme nucléaire, c'est l'arme du refus de la guerre.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Robert Del Picchia. Exact !
M. Jean-Yves Autexier. La dissuasion permet de refuser la guerre sur le territoire national, mais elle permet également de l'écarter sur l'ensemble du territoire européen. C'est naturellement sur la dissuasion que peuvent s'adosser une politique étrangère indépendante et une voix forte au Conseil de sécurité des Nations unies. C'est une dissuasion de stricte suffisance, et non de développement vers des armes d'emploi.
Je crois que la France devrait, là encore, exprimer avec plus d'énergie sa stratégie et refuser celle de la miniaturisation que prônent des doctrines d'emploi qui se font jour depuis 2002 aux Etats-Unis. Il convient de s'opposer clairement à ces stratégies extrêmement déstabilisatrices.
Il faut aussi garantir la fiabilité de notre dissuasion. Permettez-moi, à cet égard, madame la ministre, de vous faire part de mes inquiétudes. Nous avons ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Les Russes aussi. Mais pas les Américains.
Nous nous en remettons entièrement, pour la fiabilité de notre dissuasion, à la simulation. Or la simulation repose elle-même sur des outils techniques tel que le laser mégajoule, dont nul dans cet hémicycle ne pourrait attester la fiabilité absolue.
Nous nous sommes mis dans une situation périlleuse. Nous comptons sur des outils de simulation opératoires en 2010. Quid de la situation d'ici à 2010 ? Quid de la situation après 2010 si les instruments escomptés, dont le laser mégajoule, ne remplissaient pas les objectifs qui leur sont assignés ?
Encore une fois, la dissuasion est nécessaire à notre défense nationale, mais aussi à la sécurité de l'Europe. Les rapprochements spectaculaires enregistrés avec l'Allemagne ne doivent-ils pas conduire à une réflexion commune, sinon au niveau gouvernemental, du moins au niveau de nos sociétés civiles de nos universitaires ?
Notre dissuasion nucléaire est la seule dissuasion indépendante continentale avec celle de la Russie. Il s'agit donc d'un moyen utile d'empêcher le conflit sur notre sol. Je crois, dans ces conditions, que les Allemands doivent également être intéressés à cette stratégie. Une politique de sécurité en Europe ne peut pas faire l'impasse sur ce point.
Il ne faut pas donner raison à Robert Kagan, pour qui les Etats-Unis sont sur Mars et les Européens sur Vénus. Il ne doit pas y avoir de ventre creux en Europe, et je pense que nos amis Allemands peuvent le comprendre. Par définition, une force nucléaire française de dissuasion étend sa protection à l'ensemble du territoire européen. Si je devais paraphraser Jaurès, je dirais qu'un peu d'Europe éloigne de la patrie, mais que beaucoup d'Europe y ramène !
Certains, du Financial Times aux atlantistes de Paris, avaient jugé de bon ton de railler le sommet de Tervueren, qui a vu se rassembler les Allemands, les Français, les Luxembourgeois, en matière de défense. Mais j'observe qu'aujourd'hui tout le monde s'y rallie et y voit des perspectives fécondes pour l'Europe.
Galileo est soutenu par l'Inde et par la Chine, Artemis est une réussite. C'est à Téhéran que l'on obtient des résultats contre la prolifération. Bref, la méthode européenne montre ses succès et dessine les contours d'un monde multipolaire. Encore faut-il en définir le sens.
Il ne s'agit pas ici de l'Europe de Bruxelles, car Téhéran, Galileo, Artemis - et l'on pourrait y ajouter Airbus - ont été libérés des entraves bureautiques de la Commission. C'est peut-être pour cela qu'ils ont réussi !
En tout cas, dans la nouvelle Europe qui se dessinera demain, la défense passera non par la Commission, mais par la volonté politique de quelques Etats. Encore faut-il ouvrir les pistes et tracer le chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Autexier, vous avez évoqué deux des plus grands risques qui nous menacent aujourd'hui, si on laisse de côté les crises régionales, qui sont malheureusement une donnée de base : le terrorisme et la prolifération. Au demeurant, il n'est, hélas ! pas exclu que ces deux risques se confondent un jour et que des terroristes utilisent des armes de destruction massive.
Nous avons posé et réaffirmé régulièrement le principe selon lequel le terrorisme prenait des formes multiples. La réponse, si elle peut être partiellement militaire, ne saurait être que militaire. Elle doit être aussi diplomatique et financière. Elle passe également par le renseignement et, à un autre niveau, par l'aide au développement d'un certain nombre de pays.
Vous avez souligné, à propos de la menace terroriste, l'importance du lien armée-nation, lequel a, au demeurant, une portée beaucoup plus vaste.
Il est vrai que le service national, même si une moitié - au mieux - de la population était concernée, établissait ce lien en ce qu'il permettait à nos jeunes gens de connaître la défense de l'intérieur. Cela dit, c'est aussi parce qu'il y a eu professionnalisation des armées que nos armées ont atteint le niveau qui est le leur aujourd'hui, et qui leur permet d'intervenir très largement et avec l'efficacité que j'ai déjà soulignée, sur des territoires extérieurs.
Cela dit, je partage votre souci de renforcer ce lien entre l'armée et la nation et, à cet égard, j'ai engagé trois actions.
L'une a trait au renouvellement de la JAPD, la journée d'appel pour la défense, qui est une première initiation, en même temps qu'elle permet d'ailleurs de déceler un certain nombre de manques de l'éducation et, donc, de lutter contre l'analphabétisme.
La JAPD doit aujourd'hui être densifiée dans son contenu et renouvelée dans ses méthodes. Dès le mois de février, de nouveaux modules permettront non seulement de mieux faire comprendre aux jeunes gens et aux jeunes filles les problèmes stratégiques qui se posent et les risques qui nous menacent, mais également de leur donner, notamment grâce à un premier module de secourisme, des éléments susceptibles de les responsabiliser et de leur donner la capacité de réagir dans certaines circonstances.
La deuxième action tendant au resserrement du lien entre les armées et la nation a trait à la réserve opérationnelle et au rôle des délégués municipaux à la défense.
Je souhaite que la réserve opérationnelle se généralise sur notre territoire et que les délégués à la défense se voient reconnaître un plus grand rôle dans l'animation d'une partie de cette réserve.
Vous avez suggéré qu'il soit demandé aux jeunes gens et aux jeunes filles de notre pays d'effectuer une fois dans leur vie un service d'une durée extrêmement limitée, de manière qu'ils soient initiés à un certain nombre de choses. Cela contribuerait surtout à orienter l'immense générosité qui caractérise la jeunesse vers des actions relativement complexes et, en même temps, à la sensibiliser à tout un ensemble de problèmes.
C'est un sujet sur lequel je travaille actuellement. J'espère pouvoir proposer un projet dans le courant du premier semestre de 2004.
Vous avez estimé que la France devrait exprimer plus fréquemment sa stratégie de dissuasion. Le Président de la République, en juin 2001, l'a fait très clairement. La discussion de la loi de programmation militaire nous a également permis de le faire. En vérité, je crois que nous rappelons le sens de notre stratégie en toute occasion, en insistant sur ce qui nous distingue de certaines réflexions qui sont menées aujourd'hui aux Etats-Unis.
S'agissant des essais nucléaires, nous y avons effectivement renoncé après avoir procédé à d'ultimes tests, qui nous ont valu quelques remontrances, notamment de la part de nos amis australiens. La simulation n'était en effet posssible qu'à l'issue de ces essais. Aujourd'hui, la simulation est suffisamment fiable pour nous dispenser de nouveaux essais d'ici à 2010, compte tenu de la durée de vie des armes.
Vous avez également évoqué l'attitude de l'Allemagne. Aujourd'hui, avec la construction européenne, le problème peut se poser. Cependant, je constate que l'opinion publique allemande est extrêmement réticente à l'égard du nucléaire, qu'il s'agisse de dissuasion ou même de nucléaire civil. Puisque vous avez proposé de lancer un grand débat au sein des universités et de la société civile, je ne peux que vous prodiguer mes encouragements en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Je vous remercie d'abord de votre réponse, madame la ministre.
J'émettrai simplement un souhait : que dans nos rapports avec les institutions européennes et nos voisins européens, nous soyons plusieurs à exiger que les dépenses publiques et les dépenses d'équipement militaire du titre V soient extraites de l'horrible carcan des 3 % prévus par le pacte de stabilité budgétaire, car le domaine dont nous parlons ne saurait être imputé sur le déficit.
Vous avez évoqué les ressortissants communautaires que nous avons évacués de Bouaké. Dans la perspective d'une défense européenne de l'Europe - et chacun comprend ce que recouvre ici l'adjectif « européenne » -, ceux qui y contribueraient n'ont pas à être pénalisés en ce qui concerne l'emploi, la politique sociale et l'ensemble des dépenses budgétaires.
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique générale menée par le Gouvernement est la seule possible pour redonner à notre pays tout son allant et lui permettre de reprendre son élan dans le contexte économique que nous connaissons.
Je suis membre de la majorité et je revendique cette appartenance. Je partage les convictions de cette majorité et je combats en son sein pour ce que je crois être bon pour l'avenir de notre pays.
Je suis aussi, madame le ministre, un parlementaire appelé à exercer des responsabilités sur le terrain, au coeur des réalités, et vous ne serez donc pas étonnée que je vous interroge à nouveau sur la situation de GIAT Industries.
Dans ce domaine, tout en rendant hommage à la manière dont vous conduisez la politique de défense de notre pays, je ne peux que constater un immense gâchis et un total désarroi.
Le gâchis, c'est celui de GIAT Industries : six plans sociaux depuis une quinzaine d'années et, malheureusement, un résultat négatif.
Le désarroi, c'est celui d'une population qui a beaucoup donné à l'industrie de défense tout au long de l'histoire de notre pays.
Le maire que je suis a déjà connu une semblable situation, il y a quelques années, avec la fermeture du site stéphanois de GIAT Industries. Elle fut particulièrement douloureuse, comme le sont l'annonce de la restructuration de l'entreprise et le drame humain que nous vivons aujourd'hui dans la Loire, à Saint-Etienne, à Saint-Chamond et à Roanne.
Le département de la Loire est en effet concerné à hauteur du tiers des 3 750 suppressions d'emplois programmées, sans même parler des ressources fiscales perdues localement ni des terrains qui seront libérés par GIAT et qu'il nous faudra acquérir parce qu'ils seront devenus des friches.
Ainsi, pendant que GIAT Industries court depuis quinze ans après une hypothétique restructuration, à coups de milliards - 4 milliards d'euros versés au groupe depuis 1991 -, les collectivités et les populations paient le prix fort, humainement, socialement et économiquement.
Certes, des propositions émises par les experts ayant travaillé avec les syndicats ont pu être prises en compte, et vous l'avez rappelé. Certes, des mesures ont été annoncées par le Gouvernement dans le cadre du CIADT du 26 mai dernier.
Mais je voudrais vous interroger, madame le ministre, sur la méthode de travail utilisée par l'Etat, GIAT Industries et les collectivités.
Je vais vous donner un aperçu symbolique, mais, exemplaire, des réalités que nous, les élus, rencontrons sur le terrain. C'est le genre de situation que nous pourrons aisément retrouver, demain, à Saint-Chamond, à Roanne ou sur d'autres sites, dans d'autres départements.
Saint-Etienne souhaite mettre en place deux projets majeurs sur le site de la manufacture d'armes, donc sur l'ancien site GIAT, qu'elle entend reconvertir avec l'aide de l'Etat. Nous avons ainsi mis sur pied un pôle « optique et vision » dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche et une cité internationale du design. Ces initiatives sont soutenues par l'Etat. L'une d'entre elles a même été actée par le CIADT du mois de mai dernier.
Toutefois, des locaux, actuellement occupés par EDIACAT, établissement de l'armée, sont nécessaires pour assurer une réussite optimale des opérations.
La relocalisation d'EDIACAT a donc été suggérée et nous sommes en mesure de proposer à Giat Industries de racheter les bâtiments pour 3,8 millions d'euros, bâtiments qui, soit dit au passage, sont aujourd'hui occupés par EDIACAT sans droit ni titre.
A ce sujet, j'ai cru comprendre, madame le ministre, que Giat Industries cherchait désespérément des moyens financiers nouveaux.
Une telle hypothèse permettrait d'ailleurs d'offrir à EDIACAT, mais aussi à d'autres activités économiques, des opportunités sur des terrains davantage porteurs d'emplois, ce qui faciliterait le reclassement des employés de Giat.
Je ne comprends donc pas - et je ne suis pas le seul - l'obstination du ministère, qui n'envisage pas de modifier l'implantation d'EDIACAT.
Au demeurant, je ne suis pas vraiment surpris, car, au cours des dernières années, alors que vous n'étiez pas encore ministre, madame, d'autres situations du même ordre se sont produites. Je me rappelle en particulier l'organisation de la coupe du monde de football en 1998 à Saint-Etienne : il m'a fallu me bagarrer pendant des mois pour obtenir que Giat Industries accepte nous vendre un terrain en friche. En l'occurence, là aussi, je crois que l'on a fait oeuvre utile, à la fois pour notre territoire, mais aussi pour Giat, qui a récupéré un peu d'argent au passage.
L'Etat a donc entendu prendre en compte les conséquences des mutations en cours. Toutefois, le reclassement des salariés et la compensation des pertes d'emplois par l'implantation de nouvelles entreprises sont aujourd'hui loin d'être assurés.
J'ai beaucoup travaillé avec vos collaborateurs, et je tiens à les remercier de leur disponibilité, madame le ministre. Mais, dans une crise aussi grave que celle-ci, des mesures qui sont aujourd'hui des mesures de droit commun doivent être dépassées : il faut aller bien au-delà pour répondre à l'urgence.
C'est pour toutes ces raisons que je ne soutiens pas le plan de restructuration de Giat tel qu'il nous est présenté actuellement.
Si je pense que le budget de la défense pour 2004 est un très bon budget, je considère aussi que, malheureusement, 2004 sera une très mauvaise année pour la Loire et ses industries de défense.
C'est pourquoi, avec mon collègue Bernard Fournier, sénateur de la Loire, qui partage mon analyse, nous nous abstiendrons de voter votre budget.
Cette démarche nous coûte, mais nous espérons qu'elle permettra aux pouvoirs publics de mesurer combien est grand le désarroi de nos populations et de nos collectivités et combien sont vives les attentes qu'elles expriment quant à leur avenir.
Nous espérons ainsi, une nouvelle fois, attirer l'attention du Gouvernement sur l'urgence qu'il y a à répondre concrètement aux propositions faites par les élus locaux.
Il faut, face à ce drame, bousculer des rouages lourds, et parfois grippés, pour agir directement avec les élus de la Loire, qui sont prêts à prendre leurs responsabilités, pour autant qu'ils soient associés étroitement à tous les plans décidés au niveau national.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Thiollière, je suis aussi une élue locale. Je sais, parce que cela m'est arrivé, ce que représente la fermeture d'une entreprise, et ce n'était pas une entreprise de la taille de GIAT Industries.
Je sais également ce que cela représente pour les personnels. S'il y a eu six plans sociaux et si les personnels de GIAT Industries sont aujourd'hui en plein désarroi, c'est justement parce que, durant les dix années écoulées, certaines mesures n'ont pas été prises. J'aurais préféré que ce dossier fût traité avant ma prise de fonction. En outre, si l'on avait tiré les conséquences de l'arrêt de la fabrication du char Leclerc, qui était prévisible, cinq ou dix ans plus tôt, la situation aurait pu être gérée plus en douceur et les personnels n'auraient pas payé le prix fort.
Notre rôle est effectivement de chercher les meilleures solutions possibles, en sachant qu'aucune n'est jamais parfaite. C'est la raison pour laquelle, tout au long de cette procédure, et même avant qu'elle ne commence, j'ai tenu à rencontrer personnellement, et à plusieurs reprises, les élus et les représentants des syndicats.
L'implantation de l'EDIACAT à Saint-Etienne, qui date de 1998, répondait, je le rappelle, à un souhait des élus locaux. Le ministère a tenu ses engagements. Il a investi 3,5 millions d'euros dans cette opération et 134 personnes travaillent aujourd'hui dans cet établissement. Nous ne pouvons donc faire l'impasse ni sur les investissement qui ont été réalisés ni sur les personnels qui sont en place.
Si vous pouvez me présenter des propositions qui prennent en compte ces investissements, car vous comprendrez que je ne peux pas me permettre de gaspiller 3,5 millions d'euros, sans préjudice pour l'emploi, et qui intègrent les conditions du déménagement, je les examinerai.
La balle est dans votre camp. Si des propositions sérieuses me sont présentées, soyez assuré qu'elles seront examinées, car j'écoute toujours les propositions qui me sont faites. C'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à décider un supplément de commande qui a permis de préserver 250 emplois supplémentaires par rapport au premier plan de restructuration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière. Madame la ministre, je reconnais tout à fait l'état de déliquescence dans lequel vous avez trouvé le dossier de GIAT Industries, et je salue le courage dont vous avez témoigné en vous en saisissant à bras-le-corps, après une quinzaine d'années de laxisme et d'absence de décision qui ont provoqué cette situation industrielle catastrophique.
Je vous remercie aussi de l'écoute dont vous faites preuve aujourd'hui et de votre volonté d'engager le débat avec les élus locaux que nous sommes pour rechercher des solutions. Nous sommes, comme vous l'avez bien compris, très désireux de trouver des solutions d'avenir pour les emplois et pour l'économie de nos territoires. Et s'il est possible de vous faire des suggestions, nous le ferons avec beaucoup de plaisir. Nous souhaitons cependant, et c'est la seule demande que je me permets de formuler, que les responsables de GIAT Industries et les militaires acceptent de nous rencontrer afin que nous puissions travailler avec eux, comme vous le désirez vous-même.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, en cette deuxième année d'application de la loi de programmation militaire 2003-2008, les engagements du Président de la République ont été tenus. C'est donc avec enthousiasme que je voterai avec le groupe UMP votre budget. Je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit. Cependant, permettez-moi de souligner quelques points qui me paraissent importants.
Tout d'abord, la recherche doit être renforcée de façon significative. C'était justement une priorité de la loi de programmation militaire.
Nous restons bien loin du niveau des Etats-Unis. Cependant, il faut préciser, d'une part, que les budgets ne sont pas comparables, et, d'autre part, que nos voisins européens sont loin de réaliser un effort équivalent à celui de la Grande-Bretagne et de la France. Ces deux pays consentent, en effet, 80 % de l'effort européen en matière de recherche, vous l'avez souligné.
Si nous ne pouvons prétendre être au même niveau que notre allié américain, nous nous maintenons remarquablement, tant sur le plan de la recherche que sur celui de la technologie.
En outre, je tiens à vous féliciter de votre volonté de clarification de l'emploi des crédits alloués au budget civil de recherche et de développement.
Vous allez prochainement signer avec Mme Claudie Haigneré une convention qui permettra que l'argent investi par la défense soit attribué à des recherches qui lui seront utiles. C'est un bon emploi des crédits de ce budget.
La dimension spatiale a bouleversé les techniques de communication et d'acquisition du renseignement. La France a su développer et maîtriser ces technologies et peut aujourd'hui tenir son rang sur la scène internationale, entraînant l'Europe avec elle. Communications, renseignement et espace doivent être compris comme un ensemble. La France dispose aujourd'hui de services de renseignement articulés autour d'une indispensable triade satellites-avions-drones.
En effet, la politique de recours aux démonstrateurs technologiques va se poursuivre avec le drone de combat UCAV, le démonstrateur de satellite d'écoute embarqué sur Hélios II et celui de radar de défense aérienne élargie.
En outre, 18 drones Sperwer pour l'armée de terre et 3 drones de moyenne altitude longue endurance Eagle pour l'armée de l'air vont être mis en service. Viendront ensuite les 12 nouveaux drones MALE, commandés pour 2009.
A ce sujet, madame la ministre, qu'en est-il de l'accord avec les Pays-Bas ?
Par ailleurs, après le choix du F35 par la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Danemark, ce qui représente plus de cinq milliards de dollars, pouvez-vous nous indiquer, dans un autre domaine, quelle est la position de la France - et bien sûr celle de nos partenaires européens si vous la connaissez - face au projet américain de bouclier « missile - défense » ?
Ce bouclier sera prochainement implanté en Grande-Bretagne et va encore puiser dans les budgets européens. Y aura-t-il de la place pour les investissements français, alors que nous possédons des technologies qui permettraient de tirer à nous les autres Européens ? Ou bien doit-on baisser les bras parce que les moyens financiers sont hors de notre portée ? Et quelles seront les conséquences sur une éventuelle coopération européenne pour le développement des technologies spatiales ?
Madame la ministre, lors de l'examen du budget de la défense pour 2003, je vous parlais des dispositifs qui permettraient de faciliter l'action de nos industriels pour qu'ils trouvent de réels débouchés commerciaux excédant la sphère nationale.
Dans les toutes prochaines semaines, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, doit nommer un responsable de haut niveau chargé des questions relatives à l'intelligence économique. Il a souhaité le concours de tous les services de l'Etat compétents dans le domaine de l'intelligence, du renseignement et de l'action économiques.
Pouvez-vous d'ores et déjà nous dire quel sera l'apport de la défense à cette structure, qui devrait être rattachée au Premier ministre ? Concentrera-t-elle son attention sur des problématiques intérieures ou internationales ?
Par ailleurs, les efforts engagés en matière de visibilité des services de renseignement français doivent être poursuivis, tout le monde en est d'accord. Par exemple, ne serait-il pas envisageable, madame le ministre, que la DGSE dispose d'un site Internet propre, à l'instar de ses homologues étrangers, comme la CIA ?
M. le Premier ministre a récemment déclaré : « Parce que les terroristes ne s'arrêtent pas aux frontières, la distinction classique entre sécurité intérieure et sécurité extérieure n'est plus vraiment, aujourd'hui, pertinente et elles doivent être pensées et organisées ensemble. »
Si la défense traditionnelle peut être assurée par les forces d'intervention classiques et nucléaires, le continuum sécurité intérieure-sécurité extérieure impose l'élaboration d'une stratégie de défense globale, qui envisagerait tous les aspects d'un dispositif permettant d'anticiper les menaces et, le cas échéant, d'y réagir.
Madame la ministre, quelle politique de défense préconisez-vous ? Vous avez déjà répondu en partie sur ce point à M. Autexier. Comment assurer cette sécurité sans frontière ? Faut-il, à l'instar du Homeland Security américain, créer un organe de coordination spécial de l'ensemble des moyens : forces armées, douanes ou immigration ? Ou bien, préférez-vous une défense globale à la française, qui pourrait s'inspirer de la défense opérationnelle du territoire et permettre de développer une nouvelle dynamique pour faire évoluer les liens entre les différentes administrations, ce qui, en France, n'est pas toujours facile ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai noté que vous m'aviez posé cinq questions. Je vais essayer d'y répondre.
Premièrement, en ce qui concerne le programme de drone MALE, j'ai effectivement signé, lundi dernier à Bruxelles, avec mon homologue néerlandais, l'accord qui permettra aux deux nations de mettre en commun les études de faisabilité du programme.
2503m Deuxièmement, en ce qui concerne les initiatives américaines, le programme JSF a effectivement mobilisé une grande partie des crédits de recherche européens. La question s'est posée à un moment où l'Europe de la défense n'avait pas été confortée par notre action. Aujourd'hui, je ne suis pas sûre qu'un certain nombre de pays européens qui ont souscrit à ce programme le feraient encore. Ils l'ont fait en l'absence d'alternative européenne à ce que proposaient les Américains en termes de structure, je ne parle pas de l'avion.
Actuellement, les choses évoluent, comme on le voit avec les programmes Hélios, Syracuse, Galileo, avec les démonstrateurs de drones de combat. En fait, une prise de conscience est intervenue, et l'Europe exprime de plus en plus la volonté de s'occuper elle-même de sa défense, et donc des technologies qui y sont liées, et des prospectives en la matière. Je crois que c'est valable dans tous les domaines.
Troisièmement, en ce qui concerne les problèmes de l'intelligence économique, je pense être l'une des premières à avoir soulevé le problème du risque de dépendance d'un certain nombre de nos industries et non pas seulement des industries de défense. Même si celles-ci sont au coeur de cette préoccupation, il est évident que, pour la fourniture, par exemple, d'un certain nombre de composants dont nous pouvons avoir besoin pour tel ou tel aspect de notre défense, l'indépendance d'un certain nombre d'entreprises doit également être prise en compte.
C'est donc pour nous un élément clé qui, bien entendu, explique que nous serons largement partie prenante de la structure que le Premier ministre a décidé de créer pour l'ensemble de nos entreprises françaises.
Quatrièmement, vous m'avez interrogé sur Internet. Je suis heureuse de vous annoncer, monsieur le sénateur, qu'un site Internet DGSE libre d'accès sera mis en place dès le premier trimestre 2004.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cinquièmement, enfin, le Homeland Security - que la Haute Assemblée veuille bien pardonner cette entorse à la francophonie - est un concept global que la France pratique depuis des décennies.
Cette défense globale repose sur deux piliers.
D'une part, elle passe par des capacités d'actions extérieures, parce que, comme nous le disions tout à l'heure à propos du terrorisme, certaines préoccupations intérieures ne peuvent trouver de solutions qu'à l'extérieur. L'origine des menaces se situe souvent loin de nos frontières, ce qui nous oblige à insister sur la projection.
D'autre part, sur notre territoire, cette défense globale s'appuie sur l'organisation et l'harmonisation des moyens nécessaires. Les zones de défense ont justement pour vocation de permettre aux représentants de l'Etat de disposer de tous les moyens nécessaires, aussi bien civils quemilitaires, de façon à pouvoir faire face à toutes les crises et à toutes les menaces. La pratique, sinon quotidienne, du moins régulière, nous montre que cela fonctionne assez bien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse ; je voterai avec encore plus d'enthousiasme votre budget ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Madame la ministre, intervenant en « fin de parcours », je vous prie de me pardonner pour les éventuelles redites.
Je voudrais évoquer la gendarmerie.
Acteur incontestable - et ô combien apprécié ! - de la sécurité de nos concitoyens, la gendarmerie verra son budget au titre de 2004 progresser de 1,92 % par rapport à l'an dernier, année d'exception où l'effort de rattrapage, particulièrement important, a représenté 8,4 %.
Il n'en demeure pas moins que le projet de budget de la gendarmerie que vous nous présentez, madame le ministre, prévoit la création de 1 200 emplois supplémentaires. Ces effectifs viendront accroître les capacités d'action de l'arme.
Ce projet de budget prévoit également un certain nombre de mesures de revalorisations indemnitaires, qui s'inscrivent, en particulier, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Nous avons tous en mémoire le mouvement de protestation des gendarmes, fait sans précédent, qui a marqué la fin de la dernière législature.
Aussi l'indéniable redressement du moral des militaires de la gendarmerie, en particulier, s'explique-t-il, sans aucune ambiguïté possible, par les mesures et engagements pris en faveur des personnels et de leur outil de travail.
Il faut, en effet, se rappeler qu'au-delà du refus de rester à l'écart des progrès sociaux et financiers accordés au monde civil, notamment aux personnels de la police nationale, les revendications des gendarmes portaient essentiellement sur leurs conditions de travail.
C'est la raison pour laquelle les réflexions en cours et les projets de réforme des corps et carrières dans la police ne peuvent être poursuivis sans que l'on prenne en compte dans leur globalité et leur diversité l'ensemble des acteurs de la sécurité intérieure.
Le placement pour emploi de la gendarmerie auprès du ministre de l'intérieur doit conduire à prendre en compte les conséquences sur la gendarmerie de ces évolutions.
Il est évident que faire travailler ensemble policiers et gendarmes n'est pas envisageable si chaque catégorie n'a pas l'impression d'être respectée non seulement dans sa spécificité, dans sa culture, dans ses traditions, mais aussi dans son traitement indiciaire.
Toute réforme doit s'inscrire dans une logique non pas d'égalité stricte mais de parité police-gendarmerie, car les deux corps n'ont pas le même statut. Ainsi, des améliorations qui seraient accordées aux officiers de police devraient impérativement avoir une correspondance pour les sous-officiers de gendarmerie exerçant des responsabilités ou des fonctions d'encadrement.
C'est pourquoi, madame la ministre, il apparaît souhaitable que les responsabilités exercées par les commandants de brigade, de communautés de brigades ou d'autres unités soient pleinement reconnues et valorisées par une prime spécifique.
Aujourd'hui, le ministère de la défense poursuit le processus de professionnalisation des armées en s'efforçant d'améliorer la gestion des ressources humaines. Dans cette perspective, il prévoit une révision du statut général des militaires, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des besoins, une réduction du nombre de corps et la montée en puissance des réserves.
Une commission, présidée par le vice-président du Conseil d'Etat, vous a remis, madame la ministre, à la fin du mois d'octobre, un rapport portant sur l'exercice des droits civils et politiques, les garanties et protections accordées aux militaires, les règles statutaires de gestion et la concertation dans les armées.
Sur la base de ces propositions et après avis du Conseil supérieur de la fonction militaire, le Gouvernement devrait présenter un projet de loi au Parlement à la fin de juin 2004.
Dans le cadre de cette grande réforme, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si les gendarmes bénéficieront d'un statut spécifique. Comme eux, j'attends votre réponse avec impatience.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, le statut général des militaires est le ciment de la communauté militaire à laquelle la gendarmerie appartient sans aucune équivoque. Les réformes qui interviendront prendront en compte la professionnalisation des armées en même temps que les évolutions de la société. Ce statut sera commun à tout le monde.
Il est probable qu'il sera complété ensuite par des dispositions tenant compte des missions particulières à certains corps. Le cas de la gendarmerie sera étudié dans ce cadre et non pas spécifiquement dans le statut général des militaires, sans que l'on puisse à ce stade dire s'il s'agira à proprement parler de dispositions totalement spécifiques. Il importe en effet, à travers le statut, de bien rappeler l'appartenance des gendarmes au corps militaire.
Que l'activité de ces derniers les amène à côtoyer les policiers, quoi de plus normal ? Nous souhaitons prendre en compte ce que vous appelez une recherche de parité, sans que cela se traduise par une échelle de perroquet où chacun essaierait d'en prendre un peu plus chez l'autre. Il faut que cela soit bien clair.
M. Bernard Plasait. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Enfin, en ce qui concerne la prime en faveur des commandants des communautés de brigades, dans la mesure où il s'agit d'une mission et d'une action spécifiques que cette prime reconnaît, en quelque sorte, il appartient à la direction de la gendarmerie de me faire des propositions pour une nouvelle répartition de la NBI, la nouvelle bonification indiciaire, propositions que je suis tout à fait disposée à examiner. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Madame le ministre, j'ai écouté votre réponse avec beaucoup d'intérêt. Dans mon esprit, il n'était évidemment pas question de créer une sorte de surenchère en forme d'échelle de perroquet. Il convient même de l'éviter à tout prix.
Madame le ministre, permettez-moi de vous dire simplement, en quelques mots, toute mon admiration pour la façon dont vous accomplissez votre mission. Non seulement vous êtes un remarquable défenseur des intérêts matériels de notre outil de défense et de nos militaires, mais vous contribuez aussi très largement à maintenir le moral de nos soldats à un niveau très élevé. Peut-être même avez-vous contribué à le relever.
Par vos gestes, vos paroles, vos actes, votre caractère, vous accomplissez une remarquable défense et illustration de l'armée française, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 46 et 47.
Pour 2004, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III : « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de moins 271 403 euros.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 46.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre.
(L'article 46 est adopté.)
I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
Titre V : « Equipement » : 16 410 633 000 euros.
Titre VI : « Subventions d'investissements accordées par l'Etat » : 358 251 000 euros.
Total : 16 768 884 000 euros.
II. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
Titre V : « Equipement » : 2 001 536 000 euros.
Titre VI : « Subventions d'investissements accordées par l'Etat » : 331 622 000 euros.
Total : 2 333 158 000 euros.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Les dépenses militaires représentent 850 milliards de dollars dans le monde. En 2003, la France a enregistré la plus forte progression budgétaire européenne. Même en Grande-Bretagne, il a été demandé au ministère de la défense de réviser le budget à la baisse. La France ne doit pas s'engager dans cette course aux armements, elle ne doit pas suivre les Etats-Unis.
Le budget de la défense, auquel nous accordons beaucoup d'importance, incarne la sanctuarisation réclamée par le Président de la République, le Gouvernement et le ministère de la défense et représente le premier budget en matière de dépenses d'investissement. Déjà en hausse de plus de 7 % l'an dernier, il augmente cette année de 4,6 %, ce qui représente 32,4 milliards d'euros. Cette profusion de crédits intervient alors même que d'autres domaines importants sont relégués au second plan, tels que le social, l'enseignement, la santé, le logement ou encore les infrastructures routières.
Le titre V incarne parfaitement les choix stratégiques du Gouvernement en matière de défense. Alors que le titre III portant sur les moyens et armes de service, qui inclut notamment les personnels militaires et civils, augmente de 0,5 %, le titre V portant sur les équipements connaît une croissance vertigineuse de 9,2 %. C'est certes la suite logique de la loi de programmation militaire...
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Eh oui !
Mme Hélène Luc. ... mais j'avais voté contre !
Il faudrait donc opérer un transfert de crédits du nucléaire militaire en faveur des personnels civils et militaires. Je constate et déplore cette orientation qui marginalise le volet social. Des économies sont réalisées sur les dépenses de fonctionnement et de personnels. C'est ainsi que les personnels civils se verront consacrer seulement 0,38 euro par jour et par agent, une somme très éloignée des besoins et des attentes en matière d'amélioration des conditions de travail, de déroulement de carrière, de formation, ou encore de revalorisation des primes et indemnités.
J'évoquais justement cette situation avec des gendarmes en compagnie desquels j'ai partagé le repas de la Sainte-Barbe des pompiers.
M. Adrien Gouteyron. Les gendarmes, c'est Sainte-Geneviève !
Mme Hélène Luc. Vous avez annoncé la volonté de confier à des sociétés privées la gestion des logements de gendarmes, de 25 000 véhicules civils, ainsi que la fourniture d'heures de vols pour la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, voire le soutien des opérations extérieures.
Il est en effet prévu en 2005 que ce dernier soit confié au privé. Il faut rappeler que ce soutien, qui était jusqu'à présent assumé par les forces armées, porte sur des fonctions aussi diverses que l'alimentation, le logement ou les télécommunications des forces stationnées à l'étranger. Cela concerne-t-il Djibouti, par exemple ?
Cette volonté affichée d'externaliser et de sous-traiter de nombreux domaines de la défense présente le risque majeur d'une immixtion de la sphère privée dans cet attribut régalien de l'Etat. Vos choix budgétaires et stratégiques, madame la ministre, en particulier la projection des forces et le nucléaire, ne correspondent pas aux attentes de la France en matière de défense. Restons-en à la dissuasion.
Que dire encore de la hausse de près de 70 % des autorisations de paiement de 2001 à 2003 ? C'est l'option du surarmement qui finira par primer !
Nous avons le devoir d'opérer une réorientation stratégique vers des équipements conventionnels, mais également vers une amélioration de la condition sociale des salariés du secteur de la défense. La finalité est de recentrer nos efforts sur la sécurité du territoire national et européen, en totale conformité avec les différents traités internationaux.
Cela s'accompagne inévitablement d'un changement de notre conception du monde. Sur le dossier de l'Irak, par exemple, nous avons soutenu le choix de la France de vouloir régler le conflit au sein de l'ONU.
Prenons exemple sur l'action de l'ONU en Iran. L'Irak doit servir à repenser l'approche des problèmes de sécurité et de défense. Ainsi, la promotion et l'intensification des actions humanitaires et de paix sous l'égide de l'ONU est une possibilité.
Je suis intervenue cette semaine sur le budget de la coopération et j'ai plaidé pour que ce volet soit prioritaire. La lutte contre les inégalités et la pauvreté doit apparaître comme une réponse majeure aux défis qui se posent dans le monde. La solution militaire, elle, n'est pas une réponse. Regardons l'Irak et les énormes dégâts humains et matériels causés par les bombardements. La guerre n'a pas réglé le problème du terrorisme, elle crée au contraire un climat propice à son développement.
Parce que nous ne cautionnons pas l'orientation stratégique de ce budget qui n'est pas cohérent avec notre vision de la politique étrangère de la France, nous voterons contre les crédits du titre V.
M. Philippe François. Si vis pacem, para bellum !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, en ce qui concerne les personnels civils, je note que l'enveloppe de prime que nous leur octroyons est supérieure à l'enveloppe indemnitaire de ces mêmes personnels entre 1998 et 2002, toutes années confondues. En conséquence, vous quintuplez vos critiques envers vos amis !
Je note de plus que vous vous élevez contre les crédits du titre V, qui donnent du travail à 170 000 personnes employées dans les industries de défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur les crédits figurant au titre VI.
Mme Hélène Luc. Trois axes guident nos orientations : premièrement, la protection du territoire national et de sa population ; deuxièmement, une promotion et une intensification des actions humanitaires et de paix sous l'égide des instances internationales et du droit international - nous savons que les militaires effectuent des missions difficiles en Côte d'Ivoire, au Kosovo et dans d'autres pays ; troisièmement, une augmentation des capacités d'intervention de la protection civile, donc une augmentation effective des moyens humains et financiers.
Madame la ministre, la France ne doit pas réfléchir en termes de domination militaire. Il n'y a aucune justification à une telle augmentation du budget de la défense. Celle-ci doit prendre la voie d'une défense française et européenne indépendante du modèle américain.
Comme l'a dit Mme Nicole Gnesotto, directrice de l'institut d'études de sécurité de l'Union européenne, lors du colloque sur la guerre du futur qui a eu lieu la semaine dernière au Sénat, auquel vous avez d'ailleurs assisté, madame la ministre, l'objectif, pour l'Europe n'est pas de dépenser autant que les Etats-Unis.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Ce n'est pas demain la veille !
M. Robert Del Picchia. Il n'y a pas de danger !
Mme Hélène Luc. En pourcentage, évidemment !
L'essentiel, disait-elle, ce sont les relations commerciales et culturelles, les échanges. Le militaire vient en appui.
Le groupe communiste républicain et citoyen pense qu'il faut tirer toutes les leçons de la guerre en Irak pour élaborer une autre approche des problèmes de sécurité et de défense. Une approche uniquement sécuritaire ne peut conduire qu'à des échecs.
Le Congrès et le Sénat américains viennent d'adopter, le 18 novembre dernier, un budget militaire de 401 milliards de dollars, dont 55 miliards de dollars sont consacrés à des expériences sur la miniaturisation des bombes nucléaires. En réalité, cette décision correspond à un changement de doctrine militaire qui risque de remettre en cause le traité que nous avons signé contre la prolifération des armes nucléaires.
Ne nous laissons pas entraîner dans ce sillage. La France reste encore dans une stratégie de projection des forces. Les problèmes de sécurité ne doivent pas se régler d'abord par des moyens militaires. Ces positions entraîneraient un fort risque de surarmement.
Disant cela, nous ne sous-estimons pas les efforts qui doivent être faits pour la défense, bien au contraire, mais nous voulons le faire autrement, par des actions qui conviennent à notre époque, à notre monde devenu si dangereux.
Pour ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas votre projet de budget.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Michel Thiollière. Je m'abstiens.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 47.
(L'article 47 est adopté.)
M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
Paris, le 5 décembre 2003.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, déposé sur le bureau du Sénat le 22 octobre 2003.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
« Signé : Jean-Pierre RAFFARIN. »
Acte est donné de cette communication.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi des finances pour 2004 adopté par l'Assemblée nationale.
Services du Premier ministre (suite)
V. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : V. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité, au cours de cette brève intervention, vous présenter les principales observations que m'a inspirées le budget de l'aménagement du territoire pour l'année 2004.
S'agissant de la présentation des grandes masses de ce budget, je me permets de vous renvoyer aux premières pages de mon rapport écrit. En un mot, le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, c'est-à-dire le budget de fonctionnement de la DATAR, la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Succinctement, j'indiquerai que le budget de l'aménagement du territoire s'élève à un peu moins de 300 millions d'euros.
Afin de fixer les idées, je rappellerai que l'ensemble des crédits publics relatifs à la politique d'aménagement du territoire s'élève à près de 11 milliards d'euros, dont plus de la moitié correspondent à des crédits du ministère de l'équipement.
Au total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspond donc qu'à environ 2,5 % des crédits publics consacrés chaque année à l'aménagement du territoire. A titre de comparaison, les crédits des fonds structurels européens correspondent, à eux seuls, à un tiers de la totalité des crédits consacrés à l'aménagement du territoire.
Grâce à votre action, monsieur le ministre, des réformes importantes sont venues simplifier la gestion des fonds structurels européens, avec pour conséquence l'amélioration de leur consommation et, partant, un sensible rattrapage des retards accumulés.
Le présent projet de loi de finances prévoit un budget en augmentation de 1,9 % et s'élevant à 273 millions d'euros.
Cette évolution des crédits s'explique par un double phénomène.
D'une part, comme les années précédentes, les crédits de la PAT connaissent une variation importante. Compte tenu de leur faible consommation, ils diminuent de 5 millions d'euros entre 2003 et 2004. On peut toutefois noter que, en 2002, la PAT a tout de même « primé » plus de 12 000 emplois.
D'autre part, les crédits du FNADT, principal outil de l'aménagement du territoire, augmentent de 10 millions d'euros, soit une hausse de 5 %.
Cette augmentation des crédits du FNADT s'explique d'abord par l'augmentation des crédits destinés à financer les contrats de plan Etat-région. Ces contrats sont dotés de 36 millions d'euros au titre des dépenses d'interventions, soit une hausse de 80 % par rapport aux crédits de 2003. Ils bénéficient aussi de 135 millions d'euros en autorisations de programme et de 70 millions d'euros en crédits de paiement.
On constate ensuite, entre 2000 et 2003, une consommation des crédits d'Etat à hauteur de 45,6 %, assortie d'une forte augmentation de la consommation des crédits pour l'année 2003. Cette tendance très positive mérite d'être soulignée.
L'augmentation des crédits du FNADT s'explique également par la création de deux nouveaux articles relatifs aux programmes régionaux du FNADT. Les programmes concernés sont les conventions interrégionales de massif, notamment le programme « Mont-Saint-Michel » et le plan « Loire ». Il s'agit non pas d'une véritable augmentation des crédits, mais d'une modification de périmètre ; ces crédits proviennent, en effet, de différents ministères.
L'objectif de cette modification de nomenclature est de faciliter l'exécution des programmes concernés en les réunissant sur une ligne budgétaire unique.
Cette réforme, qui avait été envisagée par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 13 décembre 2002, a donc été mise en oeuvre par le Gouvernement.
S'agissant des moyens des services, c'est-à-dire du budget de fonctionnement de la DATAR, il convient de signaler que ceux-ci diminuent de 300 000 euros.
Cette diminution provient de la prise en compte du faible taux de consommation de certains crédits constaté en 2002 - notamment les crédits destinés aux études -, de la réduction des crédits affectés aux dépenses de matériel et de fonctionnement des services, mais aussi de la suppression de deux emplois. Ainsi les effectifs budgétaires de la DATAR passeront-ils de 123 personnes à 121 personnes.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir faire le point de l'exécution des contrats de plan Etat-région et des perspectives pour 2004, notamment.
Je concentrerai à présent mon intervention sur les observations que j'ai été conduit à faire lors de l'examen de ce projet de budget.
Je souhaite tout d'abord aborder la question de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances par la DATAR.
La mise en oeuvre de la LOLF par la DATAR s'intègre dans le cadre de son application par l'ensemble des services du Premier ministre, dont le Gouvernement envisage la réunion au sein d'une mission unique ; ses crédits seraient de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Le programme « Aménagement du territoire », actuellement envisagé, s'élèverait à seulement 270 millions d'euros environ. Ce chiffre correspond approximativement au budget actuel de la DATAR. Ce programme pourrait donc être considéré comme relativement modeste.
Les objectifs et indicateurs correspondant à ce programme doivent encore être définis. Il me semble qu'ils devraient davantage se rapprocher des objectifs que la loi du 25 juin 1999 fixe en matière d'aménagement du territoire que ne le font les composantes actuelles de l'agrégat « Aménagement et développement du territoire ».
Surtout, la mise en oeuvre de la LOLF ne pourra être un succès que si la DATAR se dote d'une véritable capacité d'évaluation et d'expertise.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, ce qui est prévu pour développer les capacités d'évaluation de la DATAR.
Ma deuxième remarque concerne la nécessité d'adapter la gestion du FNADT au renforcement de la décentralisation.
Dans le cadre de mon récent contrôle du FNADT, dont j'ai publié les conclusions sous la fome d'un rapprt d'information, j'ai notamment constaté que la section générale, censée financer des projets d'importance nationale, jouait souvent un rôle d'accompagnement des projets locaux.
Dans ces conditions, et à la suite notamment du débat qui a eu lieu en commission des finances, il me semble qu'il pourrait être utile, d'une part, d'accroître les crédits de la section locale non contractualisée, afin de permettre aux préfets de décider localement de subventionner tel ou tel projet, et ce afin d'être toujours au plus proche des besoins exprimés par les collectivités locales ; d'autre part, d'augmenter le montant minimal des opérations financées par la section générale, afin de réduire la logique de « saupoudrage » qui est trop souvent celle du FNADT.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire connaître votre position à cet égard ?
Ma troisième et dernière remarque concerne le développement des zones rurales.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 3 septembre 2003 ainsi que le projet de loi pour le développement des territoires ruraux tendent à relancer la politique de développement des zones rurales.
Parmi les mesures proposées, j'en évoquerai deux : la réforme du dispositif relatif aux services publics en zones rurales ; les diverses dispositions concernant le développement des technologies de l'information et de la communication également en zones rurales.
La question des services publics en zones rurales me tient particulièrement à coeur, vous le savez, monsieur le ministre.
Tout d'abord, le régime des maisons de services publics devrait être simplifié.
Créées par la loi « Voynet », les maisons des services publics de 1999 ont vocation à réunir divers services publics, relevant notamment de l'Etat. Le projet de loi relatif au développement des zones rurales tend à adapter le régime juridique des maisons de services publics, afin de leur permettre d'accueillir des services privés, dans le respect des règles de la concurrence, et d'autoriser des cadres non fonctionnaires à les diriger.
Ensuite, le Gouvernement a lancé cette année un dispositif visant à permettre le maintien d'une offre satisfaisante de services publics à l'échelle des « bassins de vie ».
Le 21 juillet 2003, un accord national a d'ailleurs été conclu à ce sujet entre l'Etat, l'Association des maires de France, l'AMF, les présidents des conseils généraux concernés et les grands organismes gérant des services de proximité.
Sur la base de cet accord, une « expérience pilote » a été lancée dans quatre départements, la Charente, la Corrèze, la Dordogne et la Savoie.
Je suis personnellement persuadé que ces efforts, qui vont dans le bons sens, méritent d'être poursuivis et rapidement généralisés, dans la mesure où l'expérience se révélerait probante.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le rural profond, qui souffre d'un isolement endémique, continue à être entraîné dans la spirale du déclin, avec, en corollaire, l'effacement progressif des services publics de proximité.
Je ne décrirai pas ce phénomène, que vous connaissez mieux que quiconque, monsieur le ministre, me contentant de vous dire que le temps presse et qu'il est urgent d'aider les collectivités qui en font la demande à mettre en place des maisons de services publics là où leur présence paraît indispensable pour retarder et, si possible, stopper, le processus d'isolement, ressenti comme un véritable abandon par les populations concernées.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez m'indiquer si cette suggestion, que je crois de bon sens, vous semble susceptible d'être retenue et mise en oeuvre.
En ce qui concerne maintenant le développement des technologies de l'information et de la communication en zones rurales, il faut indiquer que, au titre du haut débit, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 3 septembre dernier prévoit diverses mesures destinées à favoriser le développement de technologies comme le Wi-Fi, c'est-à-dire le haut débit par voie hertzienne, le satellite et le courant porteur en ligne.
Il semble opportun de rappeler qu'actuellement seulement 21 % du territoire, soit 9 000 communes sur 36 000, ont accès au haut débit. Ce sont ainsi 15 millions de personnes qui se trouvent privées de cet extraordinaire moyen de communication.
Les récents efforts consentis dans ce domaine par France Télécom, à l'instigation du Gouvernement, sont méritoires et devraient, dans les prochains mois, améliorer très sensiblement la situation de ce que j'appellerai « l'autre France ».
S'agissant de la couverture en téléphonie mobile, le Gouvernement a décidé, lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, de consommer 44 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, à l'implantation de pylônes dans les zones dites « blanches », et d'autoriser plusieurs opérateurs à utiliser le même pylône.
Il s'agit d'un effort sans précédent, concret et efficace qu'il convient de saluer et de mettre en exergue.
Au nombre des engagements pris dans le cadre du comité interministériel précité figure celui de rendre éligibles au Fonds de compensation pour la TVA - le FCTVA - les investissements d'infrastructures réalisés par les collectivités territoriales en matière de téléphonie mobile.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire quels seraient le calendrier et les modalités, notamment législatives, de mise en oeuvre de cette modification des règles du FCTVA ?
Avant de conclure, permettez-moi quelques observations.
L'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, devrait bénéficier pour 2004 d'une dotation égale à celle de 2003, soit 7,46 millions d'euros, qui tient compte de la réduction de crédits votée l'an dernier par le Parlement. Cette agence, dont j'ai pu vérifier l'efficacité, joue, à mes yeux, un rôle majeur, et son action en faveur des investissements internationaux en France est indispensable, comme le prouve d'ailleurs l'annonce de la création de 22 860 emplois en 2002 reposant sur 438 projets.
J'ai noté par ailleurs qu'il n'avait pas été jugé souhaitable de réinscrire les crédits dédiés antérieurement à l'Institut des hautes études de l'aménagement et du développement du territoire, l'IHEDAT.
Enfin, dans le cadre du futur projet de loi portant sur le développement des territoires ruraux, j'ai noté que différentes mesures viendront compléter utilement les dispositifs gérés par la DATAR. Il en est ainsi de la révision prévue des zonages, notamment des zones de revitalisation rurale. Par ailleurs, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, je serai très favorable, personnellement, à la création de zones franches rurales, sur le modèle des zones franches urbaines.
Ce projet de loi devrait également permettre le lancement des réformes très attendues en faveur de la montagne.
Ainsi donc les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004 ont été maintenus, malgré les fortes contraintes budgétaires, et des efforts de rationalisation ont été entrepris dans tous les domaines.
La DATAR, sous votre autorité, monsieur le ministre, et sous l'impulsion de son nouveau délégué, M. Nicolas Jacquet, que je tiens à saluer et à féliciter ainsi que ses collaborateurs, s'est résolument engagée dans une voie vertueuse faite d'efficacité, de transparence et de rigueur.
Je forme le voeu ardent que l'ensemble de ces efforts, dont nous mesurons la portée, permettent au Gouvernement d'assurer la cohésion du territoire.
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances vous recommande d'adopter le projet de budget de l'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux de l'aménagement du territoire sont liés à ceux de la décentralisation.
La commission des affaires économiques a souhaité cette année traiter de façon thématique un certain nombre de ses avis budgétaires.
Ainsi propose-t-elle les fonds structurels européens pour ce qui est de son avis sur l'aménagement du territoire.
En effet, un risque non négligeable pèse sur la pérennité de ces aides en raison de l'inévitable redistribution qui interviendra après l'élargissement de l'Union européenne.
Mais permettez-moi quelques mots, au préalable, sur le budget de l'aménagement du territoire proprement dit.
Monsieur le ministre, le Gouvernement présente, par votre intermédiaire et sous votre responsabilité, le budget de l'aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 2004 comme un « budget d'équilibre » entre la participation à l'effort de maîtrise de la dépense publique et la prise en considération des investissements nécessaires à l'avenir du pays.
Le Gouvernement souligne que la mise en place, au cours de l'année 2003, de nouveaux outils de gestion permet de mesurer le montant des engagements financiers à couvrir en fonction de l'état d'avancement réel des projets. Il indique que, grâce à une meilleure allocation des ressources au cours de l'année budgétaire, une diminution sensible du montant des reports pourrait intervenir.
En fait, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés s'établissent à 272,7 millions d'euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2003, comme l'a dit notre excellent collègue M. Besse, rapporteur spécial.
Les autorisations de programme prévues s'élèvent elles-mêmes à 278,8 millions d'euros, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2003.
Bien que le projet de budget reconduise globalement les dotations pour 2003, les différentes composantes de l'enveloppe évoluent par rapport à l'exercice précédent.
Ainsi, le montant des crédits de fonctionnement, c'est-à-dire principalement les dotations de la DATAR, devrait s'élever à 13,1 millions d'euros, soit une économie significative de 300 000 euros par rapport à la dotation pour 2003. C'est un aspect positif qu'il convient de saluer et qui marque la forte volonté de restructurer et de réorienter la DATAR, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que le nouveau délégué, M. Nicolas Jacquet, et son équipe.
Dans ce contexte, les crédits d'intervention du FNADT atteindraient 72 millions d'euros, complétés par un transfert au titre des crédits relatifs à trois programmes interrégionaux contractualisés - conventions interrégionales de massifs, programme Mont-Saint-Michel et Plan Loire Grandeur Nature. Cette dotation globale devrait être complétée, en outre, par les éventuels reports de la gestion de 2003, dans la limite de 5 millions d'euros.
La DATAR devrait donc disposer d'une capacité d'intervention de plus de 80 millions d'euros.
En ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, la PAT, outre les 50 millions d'euros inscrits, une enveloppe de 10 millions d'euros d'autorisations de programme devrait faire l'objet d'un report en 2004, portant ainsi le montant des crédits ouverts à 60 millions d'euros.
Vous trouverez dans mon rapport écrit, mes chers collègues, des développements sur le FNADT, sur l'Etat d'avancement des pays et des agglomérations, ainsi que sur les engagements de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-régions, que je ne me propose pas de présenter ici, faute de temps.
J'en viens maintenant aux fonds structurels européens.
Il s'agit en effet d'une question fondamentale, ne serait-ce que par l'ampleur des enveloppes financières : la dotation réservée chaque année à la France, on le sait, est dix fois supérieure aux crédits stricto sensu de l'aménagement du territoire lui-même, ce qui est considérable.
Or, la sous-utilisation chronique par la France des fonds structurels européens constituait une hypothèque majeure que le Gouvernement issu du scrutin du printemps 2002 a choisi de lever rapidement, afin que notre pays puisse, si possible, demeurer éligible à la nouvelle génération des fonds structurels à partir de 2006, dans une compétition européenne qui sera très difficile du fait de l'arrivée des huit pays de l'Europe de l'Est - laissons Chypre et Malte de côté. Les enjeux sont donc très importants. Il était consternant, en effet, de constater que la consommation des aides régionales communautaires était auparavant largement insuffisante.
Pourtant, la politique régionale de l'Union européenne met en jeu une enveloppe, considérable, de 195 milliards d'euros pour six ans : c'est le deuxième budget communautaire, après celui de l'agriculture, dont bénéficie notre pays, pour une part non négligeable de 16 milliards d'euros, soit 8 % du total.
Quatre fonds structurels - le FEDER, le fonds européen de développement régional ; le fonds social européen ; le FEOGA-Orientation, le fonds européen d'orientation et de garantie agricole ; et l'IFOP, l'instrument financier d'orientation sur la pêche, pour un montant plus modeste - consacrent 94 % de leur montant au financement des programmes liés à l'objectif 1, qui recueille près de 70 % ; à l'objectif 2, qui recueille environ 11 % ; à l'objectif 3, qui recueille un peu plus de 12 % de la dotation globale ; et, pour un montant d'environ 10 milliards d'euros, quatre programmes d'initiative communautaires : INTERREG III, LEADER , EQUAL et URBAN II.
Pour la France, l'objectif 1 concerne les départements d'outre-mer, la Corse et trois arrondissements du Nord - Pas-de-Calais - vous les connaissez bien, monsieur le ministre -, qui bénéficient d'un soutien transitoire jusqu'en 2005.
L'objectif 2 concerne les zones en mutation socio-économique dans les secteurs de l'industrie et des services, qui doivent répondre à plusieurs critères : les zones rurales en déclin répondant à certains critères et certaines zones urbaines en difficulté. C'est dire l'enjeu !
Pour la programmation de 2000-2006, ce sont 18,7 millions d'habitants qui sont concernés par l'objectif 2 en France, soit 32,9 % de la population. Cela représente une diminution de l'ordre de 25 % par rapport à la précédente génération des fonds.
Aujourd'hui, la France reçoit 5,477 milliards d'euros au titre de l'objectif 2 : elle est jusqu'à présent le premier pays bénéficiaire de cet objectif, avec 27 % des crédits disponibles pour l'Union européenne.
L'objectif 3, qui n'est pas régionalisé, vise, quant à lui, à favoriser l'adaptation et la modernisation des politiques et des systèmes nationaux d'éducation, de formation et d'emploi : c'est à ce titre que la France reçoit les 4,540 milliards d'euros que j'évoquais précédemment.
On sait que, dès son installation, le Gouvernement que vous représentez auprès de nous, monsieur le ministre, a souhaité mettre en oeuvre trois types de mesures : un allégement des procédures, dont nous vous remercions, même s'il est à poursuivre ; un renforcement de l'appui au projet ; une plus grande implication des collectivités locales.
A cet égard, on sait que l'article 35 du projet de loi relatif aux responsabilités locales, actuellement en instance devant le Parlement, prévoit de décentraliser, à titre expérimental, la gestion financière des fonds structurels européens du cycle 2000-2006 au bénéfice des collectivités qui en feraient la demande, la priorité étant accordée aux régions. En l'absence d'une quelconque manifestation de volonté de leur part, d'autres collectivités territoriales, leurs groupements ou même un groupement d'intérêt public pourraient se voir transférer cette responsabilité.
Ainsi, la décentralisation de la gestion des fonds structurels apparaîtra très certainement comme un progrès.
Il est vrai que le niveau de consommation des aides régionales communautaires est aujourd'hui satisfaisant, grâce, monsieur le ministre, à votre effort et à ceux des services de M. Jacquet. Vous avez réussi ensemble un travail vraiment très satisfaisant, même s'il demande à être poursuivi et approfondi.
En revanche, les plus grandes incertitudes demeurent quant à l'avenir des fonds structurels en France à partir de 2006. C'est là un véritable drame auquel il nous faudra pouvoir répondre positivement et efficacement : nous devons donc nous préparer à toute éventualité et rester vigilants.
Telles sont les remarques que, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, j'ai souhaité présenter dans le cadre de l'avis budgétaire.
J'ajouterai, monsieur le ministre, que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire tels que vous les présentez dans le projet de loi de finances pour 2004.
En vous remerciant de tout le modernisme que vous avez promu et que vous êtes parvenu à insuffler, nous souhaitons que vous puissiez poursuivre votre action : sachez que nous voterons votre budget.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux aujourd'hui de pouvoir débattre du budget de l'aménagement du territoire. En effet, ce domaine, interministériel par essence, est celui qui conditionne l'humanité de notre pays, parce qu'un aménagement harmonieux est essentiel à l'équilibre, à la rationalisation, mais aussi à la cohésion sociale et à la solidarité des populations.
A mon sens, compte tenu du déséquilibre présent entre population rurale et population urbaine - nous connaissons tous ces chiffres de 80 % de la population sur à peine 20 % du territoire -, l'aménagement du territoire est le lien qui favorise l'expression de la complémentarité et de la solidarité entre urbains et ruraux. L'heure étant à la politique de la ville, très médiatisée, je pense sincèrement, fort de mon expérience rurale, que l'aménagement du territoire doit aujourd'hui être axé prioritairement sur le développement des territoires ruraux.
Aussi, avant d'évoquer ce que je connais plus particulièrement, je voudrais revenir très rapidement sur le projet de budget.
Le Gouvernement présente le budget de l'aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 2004 comme un budget d'équilibre entre la participation à l'effort de maîtrise de la dépense publique et la prise en considération des investissements indispensables au retour de la croissance et à son accompagnement.
Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés s'établissent à 272,7 millions d'euros, en augmentation de 5,1 millions d'euros, soit 2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.
Les autorisations de programme prévues s'élèvent à 278,8 millions d'euros, en hausse de 8,8 millions d'euros, soit 3 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, privilégiant le caractère pluriannuel des actions à travers les deux outils que sont le FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et la PAT, la prime d'aménagement du territoire. Cela me semble être la vision la plus réaliste et la plus cohérente lorsqu'on mesure les conséquences des choix d'aujourd'hui sur notre avenir et sur celui de nos enfants.
Monsieur le ministre, il me semble important de souligner les difficultés auxquelles les territoires ruraux les plus fragiles se trouvent confrontés. En tant qu'élu local de Lot-et-Garonne, je sais à quel point il est triste de voir son canton perdre peu à peu son dynamisme et sa force vive, et combien il faut se battre pour stopper le déclin et inverser la tendance.
Nous disposons d'une politique des villes. Il nous faut maintenant une politique cohérente pour le monde rural qui soit ambitieuse, tant par les moyens que par les idées. Un projet de loi concernant le développement des territoires ruraux va bientôt nous être soumis, et je suis ravi qu'il ait été présenté par le ministre de l'agriculture.
L'agriculture est en pleine mutation. La politique agricole commune et les négociations internationales contribuent à modifier en profondeur ce secteur d'activité. Coeur du monde rural, les agriculteurs ne doivent pas être les oubliés.
D'une part, le travail en lui-même a beaucoup évolué, et les ressources sont moindres. Il faut donc que les contraintes qui s'exercent sur l'agriculteur s'adaptent à ces changements, en particulier grâce à l'adoption d'un nouveau statut et à l'encouragement de la pluriactivité.
D'autre part, les productions agricoles locales représentent l'identité de nos régions et contribuent au maintien de l'activité économique. Valeur ajoutée de nos territoires, les indications géographiques protégées doivent être reconnues à l'échelle mondiale. C'est une nécessité pour le maintien de ces productions.
Le maintien de la population agricole est une première étape, mais la revitalisation du milieu rural passe par une vision plus transversale : moyens de communication, dynamisme économique, maintien des services publics, accès à la culture et à l'enseignement supérieur, vie associative... La richesse de notre vie quotidienne dépend de l'aménagement de notre territoire.
Un constat s'impose tout d'abord : désormais, il n'existe plus d'urbanité ni de ruralité. Une étude récente de la DATAR nous l'a montré, le monde rural est hétérogène. De ce constat doivent naître des politiques très ciblées : 800 cantons français ne peuvent pas continuer à perdre toute attractivité et toute vie ! Plus de 4 millions de personnes vivent en zone de revitalisation rurale et sont concernées par les mesures qui vont être prises.
La politique de développement du milieu rural doit répondre à trois grands objectifs : assurer le maintien de la vie économique et favoriser son développement ; garantir le maintien d'une offre minimale de services publics et privés ; développer les infrastructures de manière que certaines zones ne se trouvent pas en marge de tous les moyens de communication existants, y compris la téléphonie mobile et le haut débit.
En ce qui concerne le développement économique, tout d'abord, je soulignerai que, en milieu rural, les zones les plus fragilisées sont celles qui doivent faire face à la monoactivité, en l'occurrence l'agriculture. Même si le schéma tend à s'inverser et si des activités de services se développent, ce n'est pas encore suffisant. Nous aidons les jeunes agriculteurs à s'installer, et c'est tout à fait normal ; mais il nous faut aussi aider les artisans, les commerçants, voire les professions libérales : je pense aux médecins, trop peu nombreux, qui préfèrent s'installer dans des zones plus dynamiques et contribuent ainsi, involontairement, au dépérissement des bourgs. En la matière, l'incitation fiscale, couplée à d'autres éléments, telle une aide liée à l'installation, peut contribuer à enrayer le processus.
L'expérience des zones de revitalisation rurale nous a déjà fourni des éléments en ce sens, même si certains dispositifs ne donnent pas les résultats escomptés. Les critiques émises en 2001 dans le rapport de Mme Geneviève Perrin-Gaillard, que vous citez, monsieur le rapporteur, sur les effets du dispositif d'exonération de la taxe professionnelle sont intéressantes. Ce rapport montre qu'il nous faut aller beaucoup plus loin et mettre les richesses naturelles et culturelles de nos territoires au service du développement économique.
Mais d'autres aspects sont très positifs ! Ainsi, l'aide à l'investissement en matière de logement touristique en zone de revitalisation rurale m'a permis d'attirer sur ma commune rurale une résidence Pierre et Vacances : cette implantation contribue à développer et à faire connaître mon village - une superbe bastide du xiiie siècle -, mais également mon département et ma région. Elle représente également un débouché pour les produits locaux.
Une réforme du zonage des territoires ruraux de développement prioritaire et des zones de revitalisation rurale est prévue. C'est une bonne chose, car il faut pouvoir prendre en compte tous les secteurs en difficulté. Mais il convient d'être prudent : si ce système était généralisé, il deviendrait inefficace. En effet, les ZRR sont destinées à soutenir les zones les plus enclavées, les plus fragilisées, celles où les handicaps naturels, économiques et sociaux ne peuvent être surmontés sans aides spécifiques.
Je voudrais également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la politique qui est menée en faveur de la préservation du paysage, politique qui n'est pas sans incidence sur la vie économique et sociale.
A l'heure actuelle, la réglementation des constructions, malgré les assouplissements récents, est contraignante. Certes, je comprends tout à fait la nécessité de préserver le paysage et de limiter les charges des collectivités en matière de réseaux et de services : étant maire d'une bastide, cela me semble évident. Cependant, la survie de nos territoires passe par l'accueil de toutes les personnes qui souhaitent s'y installer.
La rénovation du bâti existant est donc une priorité. Mais, au-delà, nous devons pouvoir mener une politique active de construction afin de proposer une offre de logement en adéquation avec la demande. Pour cela, des droits à construire doivent être donnés pour que les prix du foncier baissent, sans dommage pour la préservation de notre paysage. La difficulté vient de la nécessité d'atteindre un juste équilibre entre l'installation d'une population active et le développement d'un tourisme résidentiel.
Parallèlement au développement économique, il nous faut assurer le maintien d'un minimum de services.
Comme la DATAR l'a souligné, il est difficile, à l'échelon du département, d'influer sur les décisions prises en matière d'organisation des services publics. De plus, les maisons de services publics sont des dispositifs encore complexes et très hétérogènes. Un assouplissement est nécessaire - je crois qu'il est en cours - afin de permettre, comme cela est prévu dans le projet de loi qui concernera le développement des territoires ruraux, l'accueil de services privés au sein de ces maisons de services publics. Par ailleurs, la réciproque doit être vraie.
En effet, la constitution de « multiples ruraux », structures pouvant faire office de dépôt de pain, de bureau de tabac, voire de café de village, et recevoir également par convention le droit de rendre un service public, doit être renforcée. Ainsi, les buralistes pourront être associés à ce système, ce qui leur permettrait de diversifier leurs activités.
Pour attirer et maintenir une population active, il est nécessaire d'offrir un minimum de vie, et donc de services, dans le bourg. Cela va des services spécialisés dans l'accueil de la petite enfance - crèche, halte-garderie - aux services spécifiques aux personnes âgées - aide au maintien à domicile, éventuellement service de transport - en passant par la mise en place à l'échelon intercommunal de bibliothèques-médiathèques et d'activités culturelles et sportives. Le soutien à la mise en place et au maintien de ce type d'activités est impératif si l'on veut que la population concernée bénéficie des services qu'elle est en droit d'attendre et d'un cadre de vie comparable à celui du secteur urbain.
Enfin, en matière d'infrastructures - sans vouloir relancer le débat que nous avons eu au Sénat, au printemps dernier -, j'insisterai simplement sur le fait que le monde rural a besoin de réseaux de communication afin que les régions les plus enclavées soient reliées au reste de la France. Il faut renforcer l'accès au réseau autoroutier, assurer une bonne desserte des gares, que ce soit par les TER ou par les TGV, et, si l'on veut attirer des entreprises, mettre en place des liaisons aériennes régulières avec Paris.
Permettez-moi à cet égard d'exprimer mon inquiétude à propos de la desserte de l'aéroport d'Agen, après les problèmes rencontrés par Air Littoral. Il faut sûrement augmenter l'aide du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, pour maintenir ces petites lignes aériennes.
Pour ce qui est des routes, mon département est, par exemple, en liaison directe avec Bordeaux et Toulouse. Mais lorsqu'il s'agit d'aller à Paris ou de rejoindre l'Espagne, cela devient beaucoup plus compliqué ! Pourtant, les bénéfices à tirer d'une liaison entre Limoges et l'Espagne traversant cette zone seraient considérables, compte tenu du volume d'échanges commerciaux qui passent par les Pyrénées. Ils sont supérieurs, je crois, à ceux qui franchissent les Alpes ! Une autoroute qui doublerait la route nationale 21 serait un formidable outil de développement pour tout le Sud-Ouest.
Il en va de même pour l'accès aux nouvelles technologies. La couverture en téléphonie mobile est en bonne voie. Un effort substantiel a été consenti, mais cela aura pris du temps ! En ce qui concerne le haut débit, 74 % de la population française y a accès, mais l'offre est concentrée sur 21 % du territoire. Ainsi, 15 millions de personnes en sont privées. Alors que les entreprises fonctionnent en majorité avec cet outil, nous accusons un retard considérable, et les élus ruraux ne peuvent se résigner à subir cette fracture numérique. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous appliquez à la réduire dans les meilleurs délais.
Pour atteindre ces objectifs, nous disposons déjà de moyens qu'il nous faut utiliser à bon escient. La loi pour l'initiative économique est un apport sensible. Elle permet de créer des comités pour l'initiative économique locale et d'offrir ainsi une structure intéressante en matière de développement économique local.
La péréquation est également un mécanisme qui doit contribuer à limiter les inégalités entre départements. En la matière, l'excellent rapport de Jean François-Poncet et de Claude Belot souligne à quel point la péréquation interdépartementale actuelle doit être repensée pour que les compétences transférées puissent être mises en oeuvre par tous.
Enfin, les fonds européens sont également une source importante de financement des projets, mais la complexité de la procédure freine considérablement l'accès à ces fonds. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de tout ce que vous avez fait pour remédier à cette situation.
Le dépérissement des zones les plus fragiles n'est pas une fatalité, mais leur développement ne dépend pas non plus d'un seul facteur. La loi, les moyens dégagés, l'investissement des collectivités sont des outils à notre disposition pour enrayer ce processus.
Ce qui est encourageant, c'est qu'il existe nombre de candidats à la vie à la campagne. A cet égard, je souhaite souligner, pour conclure, l'initiative du président de mon conseil général, Jean François-Poncet, qui, il y a quelques jours, a lancé un défi aux Parisiens : quinze jours pour quitter Paris et s'installer dans le Lot-et-Garonne !
C'est un grand succès et cet exemple démontre que nombreux sont les entrepreneurs, les artisans, les commerçants qui souhaitent améliorer leur qualité de vie en s'installant à la campagne. Ce qui les retient, c'est le manque d'information, en particulier sur le terroir et sur les aides. Des structures locales sont à leur disposition : il faut qu'ils le sachent et qu'ils n'hésitent pas à y faire appel.
Les collectivités locales ont des devoirs : dans nos territoires, nos communautés de communes ou nos communes, il nous faut, nous élus et responsables professionnels, sans cesse animer, informer, mobiliser et prendre en charge pour les premières démarches tous les acteurs du développement, tous ceux qui veulent bien se mobiliser.
Monsieur le ministre, je vous remercie et je vous félicite de votre action, ainsi que M. le délégué à l'aménagement du territoire, qui est certainement maintenant Lot-et-Garonnais de coeur, puisqu'il nous a fait le plaisir de venir dans notre département.
Le groupe de l'Union centriste vous apportera bien sûr son soutien et votera votre projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour moi, l'aménagement du territoire est l'enjeu majeur de la prochaine décennie.
C'est dire l'importance que, personnellement, je porte à votre budget et à notre démarche commune, monsieur le ministre.
Comment répondre, en effet, aux défis d'un siècle de modernité évolutive dans lequel il faut assurer un équilibre entre les villes et les campagnes, maintenir les activités économiques et les développer pour assurer l'emploi, tout en préservant une qualité de vie et de services à ceux qui, comme les Normands et les Ornais, que j'ai l'honneur de représenter, ont décidé de vivre dans des communes qui comptent parfois moins de 200 habitants ?
Telle est l'incroyable équation que l'aménagement du territoire doit résoudre, le tout dans un contexte de décentralisation, d'élargissement de l'Europe et de mondialisation de l'économie.
Réduire les fractures sociales, monsieur le ministre, c'est d'abord éviter les fractures territoriales, numériques ou autres, j'allais dire à tout prix - mais l'expression est malheureuse, s'agissant d'une discussion budgétaire -, éviter que ne s'instaure une France à deux vitesses, celle des villes et celle des campagnes, l'une étant mieux dotée que l'autre en services publics, médecins ou infrastructures scolaires, pour ne prendre que quelques exemples.
En effet, aménager le territoire, c'est rétablir ou préserver l'égalité des chances en équilibrant les territoires et en faisant - le mot est à la mode - de la discrimination positive.
Il y a beaucoup d'embûches, certes, mais aussi quelques outils.
La première embûche, c'est le mille-feuille des compétences locales, dans lequel nos maires ruraux ne se reconnaissent plus.
Il s'agit d'un vieux serpent de mer, mais la clarification n'arrive pas à s'imposer, les espaces de réflexion devenant sans tarder, et vous le savez, des espaces de pouvoir ; les cantons, les pays, les parcs, les établissements publics de coopération intercommunale continuent à se superposer en étant englobés dans des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.
Je vous avais interrogé l'an dernier sur l'avenir des pays et j'avais souligné qu'ils servaient à la reconstitution de fiefs. La situation ne s'est guère améliorée depuis lors. Espaces de projets et d'actions - peut-être ? sans doute ! -, ils deviennnent des espaces de pouvoirs. Les maires y sont souvent noyés dans une assemblée où ils n'osent pas prendre la parole, où ils n'ont qu'à voter des décisions souvent préparées sans eux.
Les objectifs du Gouvernement et cette volonté décentralisatrice ne doivent pas être mis en oeuvre au détriment de la cohérence. Les élus locaux ne supporteront pas plus longtemps de nouvelles exigences technocratiques ou administratives. Vous le savez bien, car vous vous êtes fait souvent le défenseur des élus locaux lorsque vous étiez président de l'association des maires de France. J'ai souvenir de vos prestations, fort appréciées dans les départements !
La deuxième embûche, monsieur le ministre, c'est le maquis de la fiscalité locale et la paupérisation des communes rurales. Il faudra, sans tarder, engager cette réforme - tant de fois promise, chaque fois reportée - des finances locales. Le ministre de la réforme budgétaire, que je connais bien, a, sur ce sujet, un chantier considérable, mais à sa mesure.
Par ailleurs, comment articulez-vous le budget de l'aménagement du territoire, celui de la décentralisation et le budget des collectivités locales ?
La troisième embûche, je le dis au risque de faire sursauter certains de mes amis, est le cumul des mandats.
D'un mot, on ne peut pas présider un exécutif local et satisfaire à la fois aux obligations d'un autre mandat, ou de plusieurs autres mandats, qui sont aussi parfois des fonctions, fussent-elles importantes. Vous-même, à titre personnel, vous l'avez bien compris.
Par exécutif local, il faut aussi comprendre les communautés d'agglomération, de plus en plus importantes, et les pays, qui appellent chaque jour une attention, une présence, une disponibilité et une proximité accrues. Monsieur le ministre, une telle responsabilité de fonction doit être considérée comme un véritable mandat, car c'en est un, si on l'exerce pleinement et sans suppléant !
Les élus, pas plus que les acteurs, n'ont le don d'ubiquité. On connaît trop bien les effets pervers de ces cumuls, surtout lorsqu'ils s'inscrivent dans des plans de carrière, dont je n'ai pas à juger, et on connaît leur effet désastreux sur l'électorat.
Parlons des outils.
Ils sont nombreux et l'on se plaît à rêver d'un guichet unique. Je voudrais, à ce sujet, dire qu'il ne faut pas confondre la non-consommation et l'absence de besoins.
En effet, les besoins existent mais la complexité des procédures, la mauvaise information, voire l'absence d'information des utilisateurs potentiels est souvent la cause d'une absence de consommation, voire d'effets dissuasifs. Je pourrais vous donner de nombreux exemples.
La règle d'annulation automatique peut apparaître comme injuste, les bénéficiaires étant dès lors doublement pénalisés.
C'est bien cette complexité qui a été la cause de la sous-consommation des fonds européens, par ailleurs souvent mieux utilisés par certains de nos voisins, à l'image de l'Espagne dont la structure très décentralisée a permis d'optimaliser leur utilisation, évitant un saupoudrage dommageable, comme on l'a constaté par exemple en Basse-Normandie. En effet, trop de petits dossiers affluent, même si ces petits dossiers sont recevables et éligibles, je n'en disconviens pas. Nous perdons ainsi l'effet de levier des fonds d'appels structurants.
Je voudrais maintenant réserver un développement particulier à la DATAR.
La Normandie, haute et basse réunies - ou pas encore -, travaille avec la DATAR dans le cadre de « Normandie développement ».
A ce titre, elle bénéficie, au côté des financements apportés par les deux régions et les cinq départements normands réunifiés, ainsi que par les entreprises adhérentes, d'une importante contribution de la DATAR - il suffit de voir le titre IV du FNADT -, qui représente en 2003, avec 1,15 million d'euros, plus de 50 % de notre budget. C'est à souligner.
« Normandie développement » est un outil important, apprécié, au service des deux régions normandes, qui oeuvre principalement sur trois dimensions : la promotion de la Normandie à l'international et la prospection d'investisseurs étrangers ; l'ingénierie de projets, en particulier les gros projets industriels et l'instruction des demandes de primes d'aménagement du territoire, le soutien aux bassins en difficulté. Moulinex et le bassin d'Argentan sont deux exemples douloureusement d'actualité.
Il est donc indispensable de soutenir financièrement la DATAR dans toutes ces actions d'autant que le dernier rapport de l'INSEE prévoit que la Basse-Normandie pourrait perdre 25 000 actifs d'ici à 2015.
Lorsque j'ai rencontré le délégué général, au mois de janvier, je lui ai exposé la situation du département de l'Orne à l'aube de l'arrivée de deux autoroutes de désenclavement. Je sollicitais son expertise pour être en mesure de rationaliser et d'organiser l'arrivée de ces autoroutes qui peuvent être pour l'Orne une chance de développement, ou alors contribuer à le vider. Or, en l'état de la réglementation et à moins que vous ne me démentiez, en qualité de sénateur, je ne peux pas demander une étude à la DATAR, qui doit normalement en référer aux autorités préfectorales ou départementales.
Nous nous en sommes expliqués, et je crois que vous aurez une réponse à me donner.
Pourtant, je suis élu d'un département et, en cette qualité, je peux moi aussi me considérer comme un acteur de l'aménagement du territoire.
Chaque EPCI, le long du tracé, multiplie les études de tous ordres, sans cohérence et parfois sans coordination. Or, bien souvent, ces études existent à la DATAR, un organisme compétent et actif, qui pourtant ne semble pas être à la portée des élus dispersés.
Alors, que faire ? Une meilleure accessibilité à ce « prestataire de service » réduirait, me semble-t-il, les coûts d'études et rationaliserait les actions d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi, sur la base de ces expériences, j'ai imaginé de nouvelles conditions de saisine de la DATAR. Je vous avais interrogé en février dernier sur ce point, mais mes propos n'étaient sans doute pas assez clairs ni persuasifs. Je vais donc préciser ma pensée.
Monsieur le ministre, ouvrez la saisine de la DATAR aux élus nationaux, même et surtout s'ils ne président pas un exécutif local.
La DATAR est plus que jamais un instrument décisif du développement économique et équilibré des territoires. C'est même un passage obligé.
Prenons le cas des contrats de pôles intercommunaux. Quel gain de temps et d'énergie si un seul prestataire établissait les études préalables : meilleure cohérence, moindre coût.
L'Orne pourrait être un département pilote en la matière. Il faudrait faire un état des lieux des études commandées ces trois dernières années, examiner leurs conclusions, relever les doublons quand, par exemple, une étude commandée par un pays reprend celle qui a déjà été élaborée par une communauté de communes voisine, et surtout évaluer les mises en pratique des préconisations et leurs effets sur les territoires. Ce serait sûrement payant.
L'Orne avec ses cinq pays, ses deux parcs, ses quarante cantons et autant de communautés de communes, ses 504 communes compte 293 000 habitants ! Que de structures ! Que de budgets de fonctionnement ! Que d'émiettement des centres de décisions !
Comment coordonner cette mosaïque ?
La DATAR ne pourrait-elle pas réaliser un audit sur la situation de mon département ? Nous aurions ainsi un test grandeur nature.
Avant de conclure, je voudrais saluer le remarquable travail du comité interministériel d'aménagement du territoire, qui a été largement partie prenante dans le projet de loi du ministre de l'agriculture relatif au développement des territoires ruraux, on l'a dit tout à l'heure, on ne le soulignera jamais assez, et relever la détermination dont votre collègue Hervé Gaymard et vous-même faites preuve, avec sérieux et réalisme dans un contexte budgétaire pourtant difficile, aux véritables réalités du terrain.
Il est vrai que certaines dispositions de ce projet de loi sont de nature fiscale et auraient pu déjà être prises, sans attendre, par une simple modification du code général des impôts - un peu comme on l'a fait pour les buralistes - dans le cadre parfaitement opportun de la discussion budgétaire.
Monsieur le ministre, comment allez-vous, comment allons-nous coordonner cette décentralisation voulue par M. le Premier ministre avec les autres textes qui sont annoncés, dont celui qui concerne les territoires ruraux ?
Face à ces chantiers et aux modifications qui se dessinent, il faut constituer un grand ministère de l'aménagement du territoire qui pourrait être à la fois l'architecte et le chef de file du comité interministériel et le coordonnateur de l'ensemble pour en assumer un réel suivi.
Chaque jour, l'actualité nous montre les conséquences dramatiques d'un aménagement du territoire anarchique, mal pensé ou pensé dans la précipitation de l'action politique instantanée, au détriment d'un aménagement durable attentif aux responsabilités que nous avons tous, nous élus, à l'égard des véritables acteurs du terrain et aussi de nos populations, souvent les premières victimes de nos incohérences.
Monsieur le ministre, si gouverner c'est prévoir, aménager le territoire n'est pas la moindre des tâches au profit des générations futures.
Cela étant dit, monsieur le ministre, vous aurez compris que je vous apporte mon total soutien ainsi que celui de mon groupe, qui votera votre projet de budget.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions que je vais aborder ont déjà été soulevées par les orateurs qui ont pris la parole avant moi : très curieusement, nous parlons des mêmes choses sans arriver aux mêmes conclusions !
Les crédits du ministère de l'aménagement du territoire stricto sensu inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 272,77 millions d'euros et sont donc en hausse de 1,9 % par rapport au budget voté en 2003. Cependant, cette légère progression masque une réalité plus contrastée qu'il n'y paraît à première vue.
D'une part, elle fait suite à une baisse en 2003 et, d'autre part, l'exécution du budget de 2003 a été marquée par un gel important de crédits. Devons-nous nous attendre, monsieur le ministre, à un nouveau gel des crédits en 2004 ?
Aujourd'hui, alors que pour 79 % des Français l'aménagement du territoire doit constituer une priorité gouvernementale des prochaines années, nous devons nous interroger sur les objectifs du Gouvernement.
Tout d'abord, à l'instar du budget de 2003, les moyens affectés aux acteurs de l'aménagement du territoire, outils indispensables dans la construction d'une réflexion cohérente au niveau national, diminuent.
En premier lieu, la DATAR voit son budget de fonctionnement diminuer de 2,2 % en 2004, après une baisse, déjà, en 2003. Jusqu'où irez-vous dans la rationalisation de « cet outil précieux pour éclairer les choix d'avenir, mener le dialogue avec les territoires et peser davantage sur les choix de l'Europe » ? Je vous cite, monsieur le ministre !
De plus, nous déplorons la suppression confirmée de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire. Enfin, notons que vous ne prévoyez qu'une simple reconduction des crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, en 2004.
Après les outils, je voudrais évoquer les crédits destinés aux fonds consacrés à la politique de l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne les crédits du Fonds national d'aménagement du territoire, le FNADT, il est permis de s'interroger, tout comme notre collègue Roger Besse, rapporteur spécial, sur l'augmentation proposée par le présent projet de loi de finances, compte tenu du faible taux de consommation des crédits de ce fonds chaque année. Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée ici pour évoquer les difficultés rencontrées dans le montage des dossiers dont nous font part certains élus, difficultés auxquelles s'ajoutent des délais d'instruction souvent trop longs.
Mais revenons aux crédits. Soulignons que cette évolution est due essentiellement à l'augmentation des autorisations de programme et des crédits de paiement destinés aux contrats de plan Etat-région. Cette augmentation importante, alors même que la consommation des crédits est faible, représente-t-elle une mesure d'affichage ou plutôt une enveloppe pour solde de tout compte, compte tenu de l'avenir incertain des contrats de plan Etat-région après 2004 ? Je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre.
Le taux d'exécution de ces crédits sera-t-il satisfaisant en 2004 ? Compensera-t-il le peu d'empressement de l'Etat dans la mise en oeuvre de ces contrats de plan ? Nous ne le pensons pas, monsieur le ministre, et nous ne sommes pas les seuls.
Ces nombreux retards dans la gestion des contrats de plan Etat-région inquiètent, en effet, les élus de gauche et de droite concernés par des projets contractualisés. Ils se demandent si les collectivités locales ne vont pas devoir prendre en charge l'essentiel du financement des infrastructures prévues.
Rappelons que, à la fin de l'année 2002, seulement 33 % des crédits avaient été consommés. De nombreux crédits ont été gelés, notamment ceux qui concernent le volet routier et ferroviaire.
De nombreux projets sont aujourd'hui compromis. Monsieur le ministre, intervenant lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez affirmé : « Le débat est ouvert. » Vous avez évoqué une évolution dans le cadre de la décentralisation et parlé d'assouplissements nécessaires. Ce n'est pas très rassurant. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Que deviendront les contrats de pays, d'agglomération, de ville inscrits dans le volet territorial des contrats de plan Etats région et qui représentent 25 % de ces contrats ?
Monsieur le ministre, aménager le territoire, c'est aussi donner la possibilité aux acteurs locaux d'anticiper. Or les élus ne connaissent ni les moyens dont ils pourront disposer ni les priorités du Gouvernement.
En ce qui concerne les territoires en crise, nous pouvons saluer l'aide apportée à certains sites en difficulté.
En effet, votre projet de budget comporte une nouvelle ligne budgétaire, consacrée à la mobilisation de crédits au profit des contrats de sites, qui est la concrétisation de votre démarche de revitalisation des zones et bassins d'emploi les plus touchés.
A ce sujet, nous voudrions savoir quels sont les critères d'éligibilité à ces contrats. Pourquoi de nombreux territoires en situation difficile, comme le bassin de Briey, en Meurthe-et-Moselle, que je connais bien et qui a dû faire face récemment à la fermeture d'usines importantes après avoir déjà subi la première désindustrialisation, ne peuvent-ils pas bénéficier eux aussi de ce dispositif ? Le bassin de Briey est pourtant limitrophe du bassin de Longwy, qui a été retenu, à juste titre.
En même temps, vous réduisez les crédits affectés à la prime d'aménagement du territoire, qui a pourtant vocation à permettre d'accompagner les créations, les localisations et les extensions d'entreprises dans les zones les plus fragiles, c'est-à-dire les plus touchées par le chômage. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2004, les autorisations de programme sont en diminution de 25 % par rapport aux dotations inscrites en 2003, et les crédits de paiement régressent de 11 %. En deux ans, les crédits de la PAT auront diminué de 30 %, quelque 18 millions d'euros de crédits ayant été annulés en 2003.
Avant que je n'achève mon intervention, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous avouer mes inquiétudes, qui sont aussi celles de nombreux élus, quant au désengagement de l'Etat vis-à-vis des services publics, dont le rôle essentiel dans l'aménagement du territoire n'est pourtant plus à démontrer.
M. Jacques Mahéas. C'est vrai !
Mme Evelyne Didier. Fondamentalement, le premier objectif de l'aménagement du territoire est d'organiser l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire. Or le Gouvernement ne semble pas s'engager dans cette voie.
Votre volonté affirmée de relancer une politique globale d'aménagement du territoire, notamment en milieu rural, ne se traduit pas dans les faits. Aussi, au moment où des centaines de bureaux de poste sont menacés, quelle crédibilité pouvons-nous accorder au comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 3 septembre 2003 et au futur projet de loi pour le développement des territoires ruraux, qui visent à relancer, selon vous, la politique de développement des zone rurales ?
La réorganisation des services publics et des entreprises publiques se traduit, dans de nombreux bassins, par la suppression de guichets - réseau postal, Banque de France, France Télécom, trésoreries, etc. -, mais aussi par la disparition de services d'urgence dans les hôpitaux régionaux de proximité.
Toutes ces fermetures nourrissent un sentiment d'abandon du territoire et de la population. Dans la plupart des cas, les élus locaux ne sont pas associés à la réflexion, contrairement à ce qui est parfois affirmé. L'aménagement du territoire ne peut se faire sans les territoires ni les citoyens. Comment peut-on sortir de cet engrenage, où chaque service administratif mène sa propre réforme sans tenir compte de l'aménagement du territoire, sans contribuer à une vision globale de ce dernier ?
Enfin, l'aménagement numérique du territoire est un enjeu de développement. La qualité des réseaux de télécommunications est un critère important pour l'installation des entreprises. Pourtant, aujourd'hui, la fracture numérique s'installe entre les territoires qui seront reliés à l'Internet à haut débit et couverts par la téléphonie mobile et les autres. Dans le canton dont je suis conseillère générale, on a ainsi dit à un maire : « Trouvez-moi cent clients et je vous apporte le haut débit. » C'est tout de même incroyable !
En conclusion, ce projet de budget ne me paraît pas à la hauteur des défis que l'Etat doit relever pour maintenir une cohésion territoriale et sociale. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce soir un sujet important pour tous les élus, mais peut-être plus encore pour les élus ruraux.
Certes, cette affirmation est un lieu commun, mais les propos que nous avons pu lire ou entendre nous ont fait éprouver, il faut bien le dire, quelques déceptions.
Tout d'abord, existe-t-il véritablement, à l'heure actuelle, une vision globale en termes d'aménagement du territoire ? Certes, la bonne volonté n'est pas absente, mais où sont les grandes orientations, indispensables à mes yeux à un développement harmonieux et équilibré de notre territoire national ?
A cet égard, les crédits de la DATAR s'amenuisent. Certes, je ne suis pas, en ce qui me concerne, un défenseur à tout crin de la DATAR. Cet organisme technocratique est bien éloigné des préoccupations de nos concitoyens, mais ce n'est pas parce qu'il n'a pas forcément très bien fonctionné par le passé - après tout, on doit pouvoir le réformer - qu'il faut lui rogner les ailes !
Il en va de même en ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, dispositif auquel les élus, en particulier dans les zones fragiles, quelle que soit leur sensibilité, étaient particulièrement attachés, car il permettait à l'évidence de corriger des inégalités.
Quant aux contrats de plan Etat-région, leur fonctionnement est relativement poussif, il faut bien le dire, sans que l'on sache, notamment pour le plan routier, si cela est dû à l'insuffisance des crédits de paiement ou aux enquêtes et aux achats de terrains, qui traînent en longueur. On ne peut que s'interroger.
S'agissant du démantèlement des services publics en milieu rural, vous m'objecterez à juste titre, monsieur le ministre, qu'il n'a pas commencé sous votre autorité. Mais vous l'avez quelque peu accentué !
Comme je le disais en préambule, la bonne volonté existe, mais, incontestablement, des questions demeurent sans réponse. A mes yeux, tout cela manque un peu de souffle et d'impulsion. Pour qu'un développement harmonieux et équilibré du territoire soit possible, affirmer quelques principes me semble nécessaire, je le répète, notamment celui de la solidarité géographique.
En effet, si, dans ce pays, la solidarité sociale fonctionne bien dans l'ensemble, la solidarité géographique n'existe pas ! De plus, le développement « naturel » de l'économie nous conduit à constater que, tandis que certaines zones se développent et s'enrichissent de plus en plus, d'autres deviennent des friches. Le rôle de l'Etat est d'être, aux côtés des élus, un régulateur, afin de corriger cette tendance presque naturelle.
En guise d'exemple de ce manque de solidarité géographique, j'évoquerai le cas de la téléphonie mobile. France Télécom nous affirme que 80 % de la population de notre pays sera desservie d'ici à quelques mois. Or, quand on sait que 80 % de la population française vit sur 20 % du territoire, cela signifie qu'il suffira aux opérateurs de couvrir un cinquième de celui-ci pour considérer que notre pays est parfaitement desservi ! Ainsi, un tiers seulement de la superficie d'un département peu éloigné de Paris comme l'Aisne est couvert par les réseaux de téléphonie mobile. Or la téléphonie mobile n'est pas un luxe, c'est maintenant un outil de travail, notamment dans les zones touristiques. En Espagne, pays voisin du nôtre, la téléphonie mobile concerne l'ensemble du territoire. Ce que les Espagnols sont parvenus à faire, pourquoi ne pourrions-nous pas le réaliser ?
En fait, cette réussite espagnole tient à la mise en place d'une véritable péréquation. En ce qui nous concerne, la péréquation, nous en parlons beaucoup, mais c'est un peu l'Arlésienne ! D'ailleurs, il faudrait peut-être dire la vérité : si l'on veut faire une véritable péréquation sans solliciter les collectivités un peu aisées, il nous faudra beaucoup de temps ! (Sourires.) J'aimerais que l'on m'explique comment on peut opérer la péréquation sans toucher aux ressources de la région parisienne !
M. Jacques Mahéas. Pas à toutes les ressources, il faut faire attention ! Il y a des départements pauvres en Ile-de-France ! (Nouveaux sourires.)
M. François Fortassin. Tout à fait, mon cher collègue. J'ajouterai que des inégalités peuvent aussi exister au sein d'un même département ! Il faut sans doute les corriger.
Il s'agit là, pour l'heure, de questions sans réponse. En outre, je le dis tout net : je ne crois pas, pour ma part, que l'on puisse véritablement procéder à un aménagement du territoire tel que nous le concevons dans le cadre du libéralisme.
En effet, en matière d'aménagement du territoire, il est clair que l'Etat doit jouer un rôle majeur : il doit orienter, il doit soutenir, il doit insuffler un dynamisme, ce qui est, je regrette de devoir le dire, en contradiction avec le libéralisme.
Mme Evelyne Didier. Oui !
M. François Fortassin. Il faut l'affirmer très nettement !
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire une sorte de confidence au coin du feu. L'heure tardive y est propice !
L'Etat n'a pas d'argent.
M. Jacques Mahéas. De moins en moins !
M. François Fortassin. Certes, cela peut arriver sous d'autres gouvernements. La croissance n'est pas au rendez-vous, mais c'est ainsi. Elle reviendra !
Cela étant, on peut essayer de faire preuve d'imagination ! Or, aujourd'hui, nous savons, quelles que soient nos sensibilités politiques, qu'un certain nombre de représentants de l'Etat dans les départements s'ingénient à entraver le développement du territoire !
On le reconnaîtra peut-être plus volontiers dans les couloirs que dans l'hémicycle, mais c'est la réalité. Les préfets sont généralement des hommes et des femmes de qualité - ils sont en fait tous excellents, même s'il y a des degrés dans l'excellence ! (Rires) - avec lesquels nous entretenons de très bons rapports. En revanche, en descendant dans la hiérarchie, on rencontre beaucoup plus de difficultés ! Ceux qui ont perdu une parcelle, parfois importante, de pouvoir du fait de la décentralisation, à laquelle nous adhérons dans l'ensemble, prennent leur revanche par un excès de réglementation.
Par exemple, dans mon département, la réalisation d'une déviation routière va être retardée de cinq à dix ans parce qu'une centaine d'individus, pour la plupart d'ailleurs domiciliés en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, etc., ont acheté en indivision quelques mètres carrés pour empêcher les travaux. Est-ce normal ? Ne faudrait-il pas changer la loi sur ce point ? N'est-il pas envisageable de prévoir des sanctions lorsque des personnes entravent à ce point le développement d'un territoire ?
Nous rencontrons donc des difficultés dans nos départements, je le répète. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous donniez des instructions à l'ensemble de vos services afin que, dans la période délicate que nous connaissons, ils fassent preuve d'un peu plus de souplesse. Il n'est pas question de ne pas observer la réglementation, mais réaliser des études à l'infini pour déterminer si telle ou telle espèce de batracien ou de crapaud accoucheur est présent et sur un territoire donné est sans doute superflu !
M. Jacques Mahéas. Surtout quand il s'agit du crapaud calamite ! (Rires.)
M. François Fortassin. C'est exact !
Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que je représente un département où il est hors de question de saccager la nature, puisque notre richesse patrimoniale majeure, ce sont nos paysages ! Toutefois, il n'est nul besoin que des ayatollahs de l'écologie viennent nous dire ce que nous devons faire.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais vous dire. Au-delà des crédits, je voudrais que vous insuffliez davantage de dynamisme à l'aménagement du territoire. L'ensemble des élus locaux qui se battent quotidiennement avec pugnacité pour celui-ci, par amour de leur région, vous en sauraient gré. Je suis l'élu d'un département relativement pauvre. Nous essayons souvent de compenser le manque de moyens par l'imagination. Puisque vous êtes entouré de beaux esprits, monsieur le ministre, j'espère qu'ils se montreront encore plus imaginatifs que nous ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 affiche une augmentation de 1,9 % des crédits par rapport à 2003. Je le qualifierai donc de stable, puisque cette progression compense à peine l'inflation.
Cependant, tout cela devient relatif quand on y regarde de plus près. En effet, les annulations de crédits opérées en 2003 représentent 8 % du budget voté. Dès lors, comment croire à la sincérité du projet de budget présenté ?
Il faut ajouter que le budget de l'année précédente était, quant à lui, en baisse de 5,8 % par rapport à 2002. Vous n'échappez donc pas au mot d'ordre général de réduction des crédits, monsieur le ministre. Nous le savons tous, l'aménagement du territoire est, par essence, transversal, et les autres projets de budget de l'éducation, des transports, etc., ne sont guère mieux lotis.
Après ces considérations générales, je passerai en revue quelques outils qui contribuent à l'aménagement du territoire et je donnerai notre point de vue sur chacun d'entre eux.
J'évoquerai tout d'abord la prime d'aménagement du territoire, pour laquelle le Gouvernement procède à des coupes claires, avec des réductions des crédits de paiement et des autorisations de programme de 11 % et de 25 % respectivement. C'est beaucoup !
Certes, il ne s'agit que d'un outil parmi d'autres, qui ne peut permettre de tout résoudre... Mais le chômage s'aggrave, les plans sociaux se succèdent. Par conséquent, pourquoi fragiliser ainsi cet outil ? Sous prétexte de concentrer les aides sur les territoires les plus en difficulté, vous diminuez les budgets, en attendant peut-être que les territoires exclus comptent eux aussi parmi les plus en difficulté !
S'agissant maintenant des contrats de plan Etat-région, les CPER, on nous dit que, en 2004, le Gouvernement entend assumer prioritairement les engagements pris à ce titre. Tant mieux, mais personne aujourd'hui n'est en mesure de savoir ce qu'il adviendra des contrats de plan en cours d'exécution ! Ces contrats jouent un rôle primordial par l'impulsion donnée à de nombreux projets, mais l'Etat ne respecte plus ses engagements : les exercices 2002 et 2003 ont été marqués par le gel de 20 % des crédits ! Comme mes collègues du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, je pense qu'une commission d'enquête sur les engagements de l'Etat dans le cadre des CPER est aujourd'hui une nécessité si l'on veut y voir un peu plus clair !
Le troisième outil est le FNDAT. Il nous semble important, à travers ce fonds, de maintenir un équilibre entre les dotations à des projets structurants, certes indispensables, et le financement de projets plus modestes, essentiels pour les petites communes rurales.
J'évoquerai ensuite la DATAR.
Les élus lui accordent beaucoup d'importance. Son rôle d'expertise et de soutien des collectivités est majeur, particulièrement dans le monde rural. Ses moyens vont encore diminuer cette année. Cette baisse sera, cette fois, de 2,27 % en crédits de fonctionnement. Peu à peu, la DATAR rétrécit. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour y remédier ?
M. le rapporteur a longuement évoqué les fonds structurels. Pour ma part, je les aborderai sous un autre aspect, puisque vous aviez pour objectif une meilleure consommation de ces fonds par une simplification des procédures. On a tellement conseillé aux élus de monter des dossiers, avec un taux significatif de crédits européens, que, dans certaines régions, les crédits sont épuisés, et les élus se retrouvent avec leurs dossiers sur les bras, faute de crédits !
Il faudra bien arriver à trouver des solutions pour qu'ils aboutissent. Il y a beaucoup d'inquiétude à ce sujet dans ma région, la Bretagne.
Le principe de l'aménagement du territoire est de faire en sorte que chaque citoyenne et chaque citoyen, où qu'il se trouve, puisse avoir les mêmes services. Ce principe me semble mis à mal, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies d'information et de communication. Celles-ci sont indispensables pour désenclaver certains territoires ruraux. Or, on se rend compte que ce sont les collectivités les plus pauvres et les moins peuplées qui doivent faire un effort financier. Où est l'égalité ?
Il en va de même pour les services publics en milieu rural.
Comment croire aux grandes déclarations de principe sur l'aménagement du territoire alors que l'on assiste à un démantèlement des services : disparition de bureaux de poste ; plan de réduction des perceptions ; disparition de gendarmeries.
De récentes réunions de commissions de travail au sein de l'Association des maires de France, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, ont mis en avant ces incohérences.
Ce principe d'égalité et de répartition des responsabilités aurait dû être au coeur du projet de loi sur les responsabilités locales, en discussion actuellement devant le Parlement. Malheureusement, le flou qu'il entretient entre les responsabilités des uns et des autres ne va pas dans le sens de l'égalité.
Parallèlement, les premiers éléments que nous possédons sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne nous rendent guère optimistes.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur l'IHEDAT, l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire.
J'étais intervenue l'an passé sur ce sujet et j'avais alors défendu - malheureusement sans succès - un amendement visant à rétablir les crédits de cet institut.
M. Jacques Mahéas. Il coûte très cher !
Mme Yolande Boyer. Certes, des réflexions ont été lancées, mais l'IHEDAT me semble aujourd'hui enterré ; il serait remplacé par un centre de ressources européen. Je persiste à croire, en tant qu'ancienne auditrice, qu'il s'agissait d'un outil précieux et que le Gouvernement a eu tort de ne pas tenir compte des voix qui se sont élevées, sur toutes les travées, pour le défendre.
Avant de terminer, je souhaite m'exprimer quelques instants sur des questions vitales pour ma région, la Bretagne.
Cette région a beaucoup à perdre à l'heure où le centre de gravité de l'Europe se déplace vers l'est. Au nom du principe d'égalité, cette région excentrée et ses habitants attendent un effort supplémentaire de l'Etat afin d'éviter un sinistre territorial.
Quelles sont les propositions du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le TGV ?
Aujourd'hui, Brest et Quimper sont, dans le meilleur des cas, à près de quatre heures et quinze minutes de Paris. Vous le savez bien, les élus de tous bords réclament, depuis des années, un TGV efficace, c'est-à-dire mettant ces villes à trois heures de Paris.
Le CIADT du 18 décembre revêt, pour tous les Bretons, une importance capitale.
Nous espérons tous que le TGV breton sera retenu, car nous connaissons les délais entre la prise de décision et la réalisation d'un tel projet.
Je tiens à ajouter qu'il serait dangereux de proposer une solution qui réduirait le temps de parcours entre Paris et Rennes uniquement et créerait une coupure avec le reste de la Bretagne, particulièrement le Finistère.
Autre sujet d'actualité sur la Bretagne qui a fait couler beaucoup d'encre : le paiement ou non des voies express. Voilà un bel exemple de liberté laissée aux collectivités locales !
Malheureusement, on ne retrouve pas sur ce thème la même unanimité des élus bretons que sur le TGV, puisque ceux-là mêmes qui, à Paris, votent pour, une fois sur leur territoire se déclarent contre !
En conclusion, monsieur le ministre, je m'interroge à propos de votre budget : où sont l'ambition, la solidarité, l'égalité ? Offrir à chacun les mêmes chances, les mêmes atouts, où qu'il se trouve sur le territoire, nécessite l'émergence de dynamiques. Or je ne les vois pas. Compte tenu de tout ce que je viens d'exposer, le groupe socialiste ne votera pas votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière. Monsieur le ministre, je souhaite d'abord vous faire part de mon adhésion aux propos que vous avez tenus lorsque vous avez exposé, à l'Assemblée nationale le 23 octobre dernier, avec toute la conviction que l'on vous connaît, les priorités du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire : nouer de nouveaux partenariats entre l'Etat et les collectivités ; affirmer la solidarité qui doit prévaloir entre les territoires, notamment en direction des zones rurales et montagneuses et en termes de réduction de la fracture numérique ; enfin, accompagner les mutations économiques et sociales des territoires.
Je me permettrai d'insister, monsieur le ministre, sur la dernière des priorités que je viens d'évoquer. Pour illustrer mes propos, c'est de l'exemple stéphanois que je m'inspirerai, ce que vous voudrez bien me pardonner, mais je sais que vous y êtes attaché vous-même et que vous suivez ces problèmes avec beaucoup d'attention. Nous, parlementaires, avons souvent pour habitude de nous inspirer de nos exemples locaux pour en déduire quelques principes plus généraux.
L'adaptation de notre économie est un processus continu. Parallèlement, nos territoires sont affectés par des réorganisations industrielles de grande ampleur. C'est ainsi que le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 26 mai 2003 a dégagé des orientations très complémentaires les unes des autres.
Il faut en effet réagir à des situations de crise aiguë, provoquées par la fermeture projetée ou programmée d'entreprises majeures dans certaines régions. Je ne ferai qu'évoquer à ce sujet la situation de GIAT Industries, que j'évoquais tout à l'heure devant Mme le ministre de la défense.
Il faut ensuite anticiper les mutations économiques et sociales des territoires. Notre politique d'aménagement du territoire se doit d'évoluer, car l'élargissement de l'Union européenne, mais aussi la mondialisation, ouvrent devant nous des perspectives nouvelles.
C'est en ce sens que je me fais l'avocat d'une logique de développement de l'attractivité de nos territoires, fondée sur le principe de coproduction des politiques de développement local, coproduction qui s'attache à la solidarité territoriale et à la cohésion nationale.
Je me permets d'insister sur ce terme de solidarité territoriale, parce que je crois en effet que celle-ci, à travers la politique d'aménagement du territoire, doit s'exprimer notamment en faveur des grandes agglomérations ou des régions les plus fragiles.
La France de demain, dans l'Europe de demain, sera livrée à une concurrence très rude. Pour que tous les Français puissent bénéficier du développement de notre pays de façon équitable, les territoires doivent être attractifs pour bâtir un réseau plus dense et plus étoffé de villes et de métropoles.
L'équilibre du territoire et l'attractivité économique, sociale, culturelle passent par le développement et l'amélioration de l'offre métropolitaine de nos grandes villes, comme l'indiquent les conclusions de l'étude sur les villes européennes réalisée par la DATAR en mars dernier. Nos métropoles doivent, pour faire face à l'élargissement de l'Union européenne et à la mondialisation, acquérir une taille critique qui les situe au niveau de leurs « consoeurs » européennes.
Il s'agit donc d'une nécessité politique, que je me permets d'illustrer à travers ce que je vis dans une agglomération de 400 000 habitants. L'attractivité, nous y travaillons d'arrache-pied, car c'est avec elle, et en la développant, que se construira notre avenir.
Ainsi, avec l'Etat, avec la région Rhône-Alpes, avec le département de la Loire, la communauté d'agglomération de Saint-Etienne s'est engagée dans une démarche de contrat d'agglomération, en lien avec les contrats de développement de la région Rhône-Alpes, ces contrats étant eux-mêmes déclinés en contrat d'objectif. Ce projet de territoire ainsi défini est ambitieux.
Nous avons besoin à ce titre de tout le soutien de l'Etat pour réaliser nos projets. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur trois points particuliers. Les réponses que vous nous ferez seront autant de jalons qui nous permettront d'aménager le territoire.
Le premier point concerne les fonds structurels européens et leur avenir.
Les fonds versés par le FEDER, le Fonds européen de développement régional, sont ceux que je connais le plus dans ma région. Ils constituent, en effet, un levier vital pour les régions en reconversion, notamment pour toutes les régions situées en objectif 2, et l'on sait combien leur importance est grande dans la politique d'aménagement du territoire.
Nous avons donc aujourd'hui besoin de savoir, pour des projets à cinq ou dix ans, dans quelles mesures et pour combien de temps encore ces fonds structurels pourront nous apporter une aide qui permette d'imaginer des cofinancements indispensables.
Le deuxième point touche aux infrastructures de transport, lesquelles, en termes d'attractivité, sont primordiales.
Nous souhaitons ardemment la réalisation de l'autoroute A 45 entre Lyon et Saint-Etienne. Son utilité est encore plus évidente cette semaine, puisque les inondations de ces derniers jours ont coupé l'A 47 entre Lyon et Saint-Etienne. Alors que les TGV ne peuvent plus circuler entre ces deux villes, c'est toute une région qui se trouve asphyxiée. La Loire et la Haute-Loire sont aujourd'hui coupées du reste de la région Rhône-Alpes et du sillon rhodanien.
De telles infrastructures sont indispensables pour assurer le développement d'une agglomération comme la nôtre. Par ailleurs, dans cinq ans, la saturation des axes existants sera complète entre Lyon et Saint-Etienne, respectivement la deuxième et la huitième agglomération de France. Cette saturation pénaliserait grandement les efforts qu'engagent les responsables de nos territoires, mais aussi les entreprises qui se développent chez nous. Or si celles-ci ne peuvent se développer chez nous, elles quitteront notre territoire pour s'installer, non pas dans une autre région française, mais le plus souvent, hélas !, dans un autre pays d'Europe.
Monsieur le ministre, mon dernier point concerne le CIADT.
Vous l'avez compris, les élus sont très attentifs aux résultats du CIADT. Le CIADT compte pour un élu ! Il compte peut-être plus pour un élu que pour tout autre Français. Ces réunions sont en effet l'un des seuls moments de notre vie politique nationale où s'exerce une forme de transversalité et donc une forme de cohérence par rapport à ce que décide le Gouvernement pour l'aménagement du territoire.
Si le CIADT compte pour les élus locaux, ceux-ci doivent avoir, dans leur boîte à outils, le calendrier des réunions, bien entendu l'ordre du jour de leurs travaux, mais aussi les matériaux nécessaires pour assurer le suivi. J'ai presque envie de vous dire, monsieur le ministre, que là commencent nos difficultés.
Quand une décision a été prise au cours d'une réunion de CIADT, quand vous-même, vos services, le délégué de la DATAR, tous vos collaborateurs ont fait en sorte que le CIADT soit positif pour le territoire, on retombe ensuite dans la verticalité ministérielle et administrative.
En conclusion à ces rapides propos, je rappellerai que l'aménagement du territoire est une clé du développement de notre pays. Son objectif est d'assurer plus d'équité entre les citoyens à travers les territoires, mais aussi de développer les performances de notre pays par rapport aux autres pays européens.
Il faut compter dans l'Europe d'aujourd'hui ; ce sera encore plus nécessaire dans celle qui se construira à partir de 2004. Et pour compter en Europe, il faut être plus solidaires les uns des autres. Il faut une armature régionale et métropolitaine de meilleure qualité que celle dont nous disposons aujourd'hui dans notre pays et il faut construire des territoires attractifs pour que notre France soit également attractive.
Reste la méthode : nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos services et à la DATAR pour que cette méthode adopte de plus en plus un partenariat public - public comme cela se fait dans de nombreux pays étrangers.
J'ai suivi ce qui se passe par exemple à Bilbao, à Glasgow ou dans la Ruhr, où tous les partenaires publics s'asseoient autour de la même table, sans distinction, parce qu'ils visent un objectif commun avec une méthode que l'on appelle parfois le « gagnant-gagnant », et chacun s'y retrouve.
Je verrais assez volontiers la SNCF, RFF - Réseau ferré de France -, GIAT Industries et toutes les collectivités définir avec l'Etat un objectif commun et ouvrir une route qui soit celle de la rentabilité de nos efforts communs.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, nous n'en sommes pas là chez nous. Il faut encore beaucoup de temps et beaucoup de travail pour essayer de faire converger les efforts de ceux qui, pourtant, devraient être les plus ardents défenseurs de l'aménagement de leur territoire.
Cela dit, monsieur le ministre, avec mes collègues, je soutiens bien entendu votre politique, qui me paraît indispensable au fonctionnement de notre démocratie, au fonctionnement de nos territoires et donc à l'avenir de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avant de répondre à chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier de la qualité de l'analyse que vous avez faite de mon budget, mais aussi des interrogations très fondées que vous m'avez adressées.
Comme se le demandait M. Fortassin, peut-on avoir une vision d'une politique d'aménagement du territoire en analysant son budget ? Le budget n'est en effet que la traduction d'une volonté politique qui s'exprime sous l'autorité de M. le Premier ministre. Il faut ensuite mettre en oeuvre cette volonté politique.
A ce propos, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont manifesté, cette année, leur satisfaction sur l'heureuse évolution de la DATAR. J'avais en effet entendu l'an dernier un certain nombre d'analyses critiques sur la DATAR. On souhaitait qu'elle évolue, qu'elle soit plus proche des préoccupations des élus du terrain, plus attentive à l'accompagnement des projets, plus attentive à mettre les moyens nécessaires à la disposition des élus locaux.
Je prends donc acte de la satisfaction émise par les uns et les autres.
Peut-être M. Fortassin a-t-il encore certaines attentes, mais je pense qu'avec Nicolas Jaquet et toutes ses équipes, nous avons donné à la DATAR, selon le voeu de M. le Premier ministre, une volonté d'anticipation, une volonté de développer l'attractivité, mais aussi la volonté d'avoir une dimension européenne en plus d'une dimension locale.
Nous avons souhaité en même temps rationaliser nos moyens de fonctionnement. Je crois qu'au service de l'Etat on ne peut pas avoir un discours différent de celui que l'on tient en tant que maire.
Lorsque l'on est maire, à la tête d'un exécutif départemental ou d'un exécutif régional, on passe son temps à faire la chasse à l'économie. Et l'on fait des audits, et l'on dit en permanence à ses adjoints : « Messieurs, si nous voulons privilégier l'investissement, il faut réduire les fonctionnements inutiles. » L'honnêteté que nous devons avoir envers le contribuable exige que notre vigilance soit mobilisée pour que le moindre euro d'impôt prélevé soit bien utilisé et ne serve pas à financer des structures de fonctionnement inutiles.
J'enregistre avec d'autant plus de satisfaction le discours positif que vous avez porté sur la DATAR, son action et son évolution depuis un an que, parallèlement, nous avons réduit ses moyens de fonctionnement. Le constat que nous faisons aujourd'hui est bien la preuve qu'en réduisant les structures de fonctionnement on peut parfaitement obtenir de meilleurs résultats.
M. Jacques Mahéas. Pas partout!
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Par ailleurs, nous sommes invités par le Président de la République à réfléchir tous à une mondialisation plus humaine.
Une des spécificités de la philosophie européenne, et plus particulièrement de la philosophie française, consiste à concilier le libéralisme économique, gage d'efficacité, mais porteur d'inégalités, et régulation publique.
Il nous faut en effet disposer d'argent public pour provoquer la relance quand la croissance est faible, disposer aussi d'outils de régulation sociale pour mener des politiques de solidarité - les fameux « filets de sécurité » - et d'outils de régulation territoriale. Depuis dix ans, en effet, on observe une réduction des écarts de richesse entre les pays de l'Union et un accroissements des écarts à l'intérieur de chaque pays.
Notre souci est de peser de plus en plus sur nos dépenses de fonctionnement pour dégager de plus en plus de quoi financer les dépenses d'investissement. C'est d'autant plus important que, dès que nous investissons au niveau du FNADT, de la PAT ou des contrats de plan, nous exerçons un effet levier.
La capacité de dégager de l'investissement public est un gage d'avenir. D'ailleurs, si l'on analyse la situation sur quinze ans, on constate que, pour avoir laissé déraper la dette de l'Etat, aujourd'hui, on lève de plus en plus d'impôts pour rembourser la dette, et de moins en moins pour investir. En entretenant un déficit structurel, nous fragilisons à terme nos politiques de solidarité parce que nous entravons notre capacité de croissance.
M. Jacques Mahéas. C'est de l'autocritique !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous avons décidé, au niveau de la DATAR, d'être extrêmement attentifs à faire jouer pleinement l'effet levier de l'argent public investi sur les territoires pour favoriser la croissance. C'est pourquoi, plutôt que de saupoudrer la PAT, nous avons préféré la concentrer.
Nous avons aussi souhaité respecter les contrats de plan Etat-région et, pour 2004, nous avons mis en place les annuités, de manière à accompagner la volonté des élus locaux.
C'est tout le débat sur la consommation réelle des contrats de plan. Le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat affectés aux contrats de plan, ceux qui ont été délégués par les ministères en 2000-2001 et ceux qui ont été programmés en 2003, est de 45,6 %.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas beaucoup !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Certes, c'est inférieur au taux théorique de 57,1 %, mais c'est tout de même supérieur aux 42,9 % correspondant au taux théorique sur trois ans.
Nous vivons vraiment dans un pays extraordinaire ! A partir des mêmes chiffres, l'opposition et à la majorité, va développer des analyses exactement contraires !
Mais là n'est pas l'important. L'important, c'est l'efficacité réelle et les conditions de l'obtenir. On peut évidemment afficher des ambitions à travers un contrat de plan tout en sachant pertinemment que, compte tenu du délai d'étude, du délai de programmation, ces ambitions ne seront pas réalisées avant cinq, six ou sept ans.
Très peu de temps après ma prise de fonctions au ministère, j'ai demandé au responsable d'une grande entreprise publique quel niveau de réalisation il comptait obtenir à la fin de son contrat de plan. Sa réponse, extrêmement surprenante, fut la suivante : « Monsieur le ministre, 0 %. » Comme je l'interrogeais sur une éventuelle volonté politique de sa part qui l'aurait conduit à résister ainsi, il m'a simplement dit que son administration et lui-même n'étaient pas préparés à ce dossier et que, le temps de mener les études techniques, de faire les analyses, de lancer les consultations, il fallait sept ou huit ans.
Autrement dit, la réflexion sur la nouvelle génération des contrats de plan devrait nous conduire à envisager des contrats de plan sur objectif, éventuellement différents quant à la durée, mais offrant une vision qui corresponde à un projet. Le contrat passé entre l'Etat et les collectivités territoriales porterait sur un objectif, un calendrier, un résultat.
Tout le monde dénonce la sous-évaluation systématique d'un certain nombre de dossiers. Ainsi, on lance le processus et, après deux ou trois ans, on s'aperçoit qu'il y a des surcoûts de 10, 20, 30, 40 %, d'où la nécessité de refaire une négociation extrêmement difficile pour tenter de combler cet écart entre la prévision et la réalisation.
Il est clair que nous devons balayer les uns et les autres devant notre porte, cesser de nous préoccuper sans cesse d'« afficher », cesser de cultiver des illusions, et nous attacher au contraire à des contractualisations à la fois réalistes et extrêmement précises.
Quels sont les objectifs que nous nous sommes fixés, avec le président de la DATAR.
Le premier, c'est l'anticipation. A l'évidence, l'un des métiers fondamentaux de la DATAR est d'éclairer notre réflexion par ses études : rapport sur les infrastructures, rapport sur la ruralité, rapport sur la métropole. La DATAR a vocation à fournir toute une série d'analyses vous permettant, nous permettant de débattre.
Le deuxième objectif est de développer l'attractivité. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a décidé que, lors du CIADT du 18 décembre, serait posée la question de savoir de quelles infrastructures la France doit se doter pour relever le défi de la logistique du XXIe siècle et, à partir de là, quelles priorités doit s'assigner notre pays dans le cadre européen.
Il n'est plus question, aujourd'hui, dans un CIADT, de faire telle portion de route pour faire plaisir à telle personne. Nous avons tous entendu de tels propos : « C'est la route de tel député ! » Cela, c'est fini ! Aujourd'hui, la dévolution de l'argent public doit être guidée par une seule préoccupation : quel avenir devons-nous bâtir ? Quel développement devons-nous assurer ?
Cette réflexion sera au coeur du CIADT du 18 décembre et elle se traduira très concrètement par des décisions qui seront soumises à l'arbitrage du Premier ministre. Celui-ci décidera en fonction de la vision qu'il a d'un ancrage de l'espace français dans un cadre européen, qui, pour tirer la croissance, doit accentuer la mobilité des hommes et des marchandises.
Le problème, ce n'est pas qu'il y ait trop d'Etats-Unis ; c'est qu'il n'y a pas assez d'Europe. Si nous voulons que la puissance économique européenne ait vocation à peser sur l'équilibre du monde, elle doit se doter des infrastructures adéquates, comme vous l'avez dit les uns et les autres.
Ainsi que l'indiquait Michel Thiollière, ce qui, aujourd'hui, ralentit la croissance dans un certain nombre d'espaces européens, c'est la saturation. On voit bien qu'un certain nombre de régions, notamment en Allemagne, par la saturation de leurs réseaux, voient leur développement économique s'asphyxier.
Ce matin, Nicolas Jacquet et moi-même inaugurions la plate-forme logistique de Dourges, qui répond à une saturation programmée, annoncée, vécue de l'agglomération lilloise, laquelle était donc en train de subir le freinage de son développement.
Nous avons mis en place une solidarité concernant les nouvelles technologies et la téléphonie mobile.
Sans critiquer le gouvernement précédent, je rappelle que celui-ci avait opté, à la suite de la diminution du prix des licences UMTS, pour une contribution plus forte des opérateurs, en réduisant la concurrence entre ces derniers. Le précédent gouvernement avait donc fait le choix de la solution « un pylône, un opérateur ». A l'évidence, il y avait des ruptures de couverture.
Nous avons repris ce dossier et obtenu l'accord des trois opérateurs pour la mutualisation et l'itinérance, mettant les trois opérateurs sur un même pylône. Nous avons refait toutes les études de couverture par des modules cellulaires sur l'ensemble des départements. Nous avons sollicité la hiérarchisation par les élus locaux, avec un débat dans le cadre régional, et nous avons enclenché un programme de 44 millions d'euros pour aboutir à une couverture du territoire. Cela s'est fait en accord avec les collectivités territoriales et avec l'arbitrage du Premier ministre, qui a permis aux maîtres d'ouvrage que sont les collectivités territoriales de bénéficier du FCTVA.
Actuellement, le ministre de l'intérieur et le ministre des finances sont en train de traduire très concrètement la volonté du Premier ministre, de façon à enclencher la première phase de cette opération téléphonie mobile.
Sur le haut débit, nous avons le souci d'aller dans la direction que nous a fixée le Président de la République et de couvrir les territoires jusqu'en 2007. Des dispositifs de caractère fiscal ont été mis en place, notamment pour permettre l'amortissement rapide des antennes satellitaires, en vue de faire accéder au haut débit, en milieu rural, des industries, des artisans, des professions libérales.
S'agissant des services publics, nous avons mis en place, monsieur Besse, des expérimentations dans quatre départements.
Nous étions en effet entre deux positions aussi inacceptables l'une que l'autre : d'un côté, la volonté d'imposer un moratoire, qui consiste à refuser l'évolution de la société et à préserver le passé ; de l'autre côté, le laisser-faire consistant à s'en remettre à chaque administration pour qu'elle se dote de son propre plan de réorganisation. Cela reviendrait à la laisser se replier sur elle-même, moyennant un semblant de concertation : on informe les élus et on les met en réalité devant le fait accompli.
Nous avons donc tenté une autre approche, qui parte des besoins des usagers et assure la concertation avec les élus locaux, le préfet intervenant comme médiateur.
Dans les quatre départements de l'expérimentation - la Savoie, la Charente, la Corrèze et la Dordogne - aujourd'hui, les élus, l'ensemble des administrations concernées et les préfets sont en train d'appréhender les besoins des usagers et d'envisager la réorganisation physique des services.
J'ai encore en tête l'expression du président d'un conseil général de l'un de ces départements pilotes qui était d'accord pour transformer le bureau de poste en cabinet médical parce que, ce qui est important, ce n'est pas le bureau de poste, mais le facteur, car c'est lui qui assure en fait le service de proximité.
D'autres disaient que, compte tenu de la chute de la démographie scolaire, il était préférable de transformer tel collège en centre de formation en alternance aux métiers du commerce et de l'artisanat.
Avec cette approche, on parvient à trouver des solutions qu'on croyait impossibles, tant il est vrai que nous vivons dans une société verticale, cloisonnée, où personne ne parle à personne. Avec une approche territorialisée, on parvient à trouver des solutions extrêmement pertinentes, extrêmement intelligentes, en développant la capacité d'accueil dans les mairies, de façon que chacun puisse savoir où exposer son problème. On parvient à organiser des pôles d'intelligence administrative. En fait, on associe la simplification de la démarche à la complexité du traitement.
Notre société sera de plus en plus complexe et nos concitoyens devront avoir des démarches de plus en plus simples.
Ayant ainsi tracé les lignes directrices de notre action, je voudrais ajouter que nous avons eu aussi un souci de transparence et de sincérité. L'exercice qui consiste à comparer la loi de finances initiale 2004 à la loi de finances initiale 2003 est un peu vain. Ce qui est important, c'est de comparer les sommes réellement consommées en 2003 et les sommes demandées en 2004.
Nous vous avons fourni tous les éléments, messieurs les rapporteurs, et je tiens à souligner votre souci d'honnêteté intellectuelle : vous vous êtes rendus dans notre ministère, vous avez, avec vos collaborateurs, posé des questions extrêmement pertinentes. Nous obtenons aujourd'hui, sur un certain nombre de lignes, des taux de consommation de plus de 90 %, voire, dans certains services, de 100 %, alors que nous en étions l'année dernière à 42 % ou 43 %.
Un effort à donc été fait afin de demander exactement ce dont nous avons besoin par rapport aux crédits consommés. Lorsqu'on a levé l'impôt, il importe de mobiliser réellement les sommes qui nous sont affectées, de les consommer dans leur quasi-totalité.
Quel est l'avenir des fonds structurels et quelle amélioration de leur consommation pouvons-nous espérer ?
Grâce aux mesures de simplification que nous avons prises à ce jour, dix-neuf regions sur vingt et une concernées par le FEDER objectif 2 ont dépassé le seuil à atteindre au 31 décembre pour éviter le dégagement d'office. Nous étions extrêmement inquiets, mais, pour l'instant, nous avons un taux d'avancement des programmes à la mi-parcours de 51,6 % et un taux de réalisation de 16 %
Quand nous sommes arrivés aux affaires, nous nous disions qu'il serait absolument impossible de consommer les 16 milliards d'euros qui étaient mis à la disposition de la France et que nous allions devoir rendre à l'Europe un certain nombre de crédits non consommés. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec les programmes précédents !
Nous étions extrêmement affaiblis sur le plan européen, car, au moment où, avec le commissaire Barnier, nous nous battions pour la poursuite des politiques de fonds structurels, nos collègues européens, lors de la première réunion à laquelle nous avons participé, nous ont dit : « Comment la France peut-elle demander la poursuite des fonds structurels quand elle ne les consomme pas ? »
M. Jacques Mahéas. Elargissez les objectifs, au lieu de les restreindre !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Mahéas, ce que vous dites est très curieux. Je vous croyais plutôt très attentif à la consommation des fonds structurels. Ce n'était pas l'élargissement des objectifs qu'il fallait faire, mais l'assouplissement des procédures.
M. Jacques Mahéas. C'est conjoint !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je ne voudrais pas vous mettre en porte-à-faux avec votre collègue Mme Yolande Boyer, qui vient d'avouer elle-même qu'aujourd'hui, à la limite, il y a trop de dossiers parce que, tout simplement, on a soulevé le couvercle de la marmite ! Heureusement que je n'élargis pas les objectifs puisqu'il y a trop de dossiers !
Beaucoup d'élus disaient : « Je suis éligible aux fonds structurels, mais j'y renonce parce que c'est trop compliqué. » Nous avons donc radicalement simplifié les procédures. Aujourd'hui, et c'est le cas qu'évoque Mme Boyer, on a tellement sollicité les dossiers que, à la limite, il va falloir en supprimer quelques-uns et dire à certains qu'ils sont éligibles, mais qu'il n'y aura pas les crédits.
C'est pourquoi nous portons une grande attention, au niveau de la DATAR, aux projets qui nous sont présentés, pour vérifier s'ils sont réalisables dans les délais. Car, ce qui est important, ce n'est pas uniquement le taux de programmation, c'est aussi le taux de réalisation puisque c'est sur les factures payées que l'Europe juge de l'affectation des crédits.
Nous poussons aujourd'hui un « ouf » de soulagement, parce que la réserve de performance va pouvoir nous être octroyée par l'Europe : nous avons su en effet éviter les embûches des dégagements d'office.
Quel est l'avenir des fonds structurels ? C'est la vraie question qu'ont posée MM. Pépin, Besse et plusieurs d'entre vous.
Avec le commissaire Barnier, dont je salue l'action, nous tentons de convaincre nos partenaires européens de la nécessité de poursuivre les politiques de cohésion. Elles sont encore plus nécessaires alors que l'élargissement va engendrer un apport considérable de population et un apport très faible de richesses, puisque le PIB des pays candidats ne représentera que 5 % du PIB européen actuel. Cela implique qu'en application de la règle des 75 % du PIB en moyenne communautaire, la totalité de nos territoires métropolitains perdront leurs droits aux fonds structurels.
Ainsi, en 2006, nous risquons de connaître la fin des fonds structurels au nom de la solidarité. Or, si nous nous réclamons tous de la solidarité, nous n'acceptons pas qu'en vertu de son principe nous soyons exclus du bénéfice des politiques de solidarité.
Avec Michel Barnier, nous essayons de réorienter le budget des fonds de cohésion, de telle sorte que nos territoires qui sont frappés par la reconversion industrielle, frappés par la disqualification urbaine, frappés par la désertification rurale puissent être encore éligibles aux fonds structurels. Le combat est loin d'être gagné, car certains pays ont une approche strictement budgétaire du problème et estiment que le système des fonds structurels ne peut plus continuer.
D'autres, au contraire, souhaitent garder cette manne qui leur permet d'accentuer leur développement. D'autres encore, comme la France, estiment que l'espace européen doit se développer tout en conservant des politiques de solidarité.
Le Gouvernement doit prendre un certain nombre de décisions en concertation avec M. Barnier, notamment pour mettre en place des phasing out positifs en faveur des régions qui seraient évincées.
En ce qui concerne les contrats de plan, je vous ai déjà indiqué que nous faisions en sorte, dans le budget 2004, de respecter les engagements de l'Etat en termes d'annuités.
La DATAR a-t-elle besoin d'une capacité d'expertise et d'évaluation ? C'est le débat qui s'est instauré dès le départ entre le Commissariat général du Plan et la DATAR. Pour notre part, nous estimons que le Commissariat général du Plan devrait avoir non pas des capacités d'expertise et d'évaluation, mais des capacités de prospective. La DATAR, elle, doit avoir des capacités d'analyse. C'est pourquoi nous souhaitons la création d'un observatoire des territoires susceptible de fournir des indications précises sur la richesse ou la pauvreté des terrritoires, permettant d'asseoir une réflexion fiable et solide sur les problématiques de péréquation.
S'agissant de la simplification des maisons des services publics, nous y sommes tout à fait favorables.
Les crédits de fonctionnement de l'AFII sont maintenus. Nous opérons une rationalisation en la matière. Etre modeste dans les moyens n'empêche pas d'être ambitieux dans les objectifs.
Monsieur le rapporteur spécial, je suis sensible aux compliments que vous avez adressés par mon entremise, à la DATAR, à M. Nicolas Jacquet et à toute son équipe.
Monsieur Pépin, vous avez exprimé certaines inquiétudes.
Je pense vous avoir répondu sur les fonds structurels européens. Vous avez raison, nous avons allégé les procédures, renforcé l'appui aux projets et aux collectivités locales. Bien évidemment, nous souhaitons poursuivre cette politique de cohésion territoriale.
En ce qui concerne le FNADT, vous avez souhaité qu'au nom de la décentralisation plus de crédits soient transférés sur le plan local. Or, actuellement, c'est déjà une réalité, puisque plus des deux tiers de ces dossiers sont traités à l'échelon local. Il ne nous apparaît pas nécessaire d'aller plus loin dans cette déconcentration. Les crédits du FNADT me paraissent de nature à répondre à votre souci.
Monsieur Soulage, d'abord, je rends hommage à votre capacité promotionnelle du Lot-et-Garonne, et je mesure la difficulté qui doit être la vôtre aujourd'hui d'être à Paris après vous avoir entendu vanter la qualité de vie dans votre département.
Je comprends que vous soyez pressé de quitter la capitale pour rejoindre votre beau village de Monflanquin. Vous avez saisi toute l'attractivité fiscale des ZRR, et la résidence de tourisme Pierre et Vacances n'est pas le moindre des charmes de votre village que vous nous invitez à venir découvrir. Je suis ravi d'en être l'ambassadeur, mais votre description, qui nous permet de comprendre totalement votre motivation, nous a tous mis en appétit ! (Sourires.)
Vous avez très clairement indiqué la complémentarité et la solidarité indispensables entre le monde rural et le monde urbain. Nous souhaitons, en effet, aborder cette question sous l'aspect territorial. La DATAR, dans son étude sur la ruralité, a montré à quel point l'organisation des territoires, la régulation territoriale justifiaient aujourd'hui que l'on aille dans le sens des « pays ».
M. Goulet nous a fait part de ses vives inquiétudes sur les espaces de projets devenus espaces de pouvoir. Je reviendrai sur cette question, mais je crois que nous devons les uns et les autres réfléchir à la mutation agricole, à l'anticipation par rapport à l'évolution de la PAC, au fait de pouvoir concilier le développement des métropoles et celui des espaces périurbains. Nous devons être capables d'anticiper et de mettre en oeuvre des synergies pour porter collectivement nos ambitions.
Au-delà de la vision touristique des choses, il faut peut-être réfléchir à des outils de régulation foncière permettant de mettre en place des politiques de logement ou de préservation du patrimoine. Ce sont des politiques totalement innovantes. Dans le souci de déconcentration, de délégation de responsabilité sur le plan des territoires, la réforme de l'Etat doit aussi assurer l'égalité des chances territoriale. C'est pourquoi les politiques doivent être à géométrie variable, adaptées aux besoins territoriaux, qui sont nécessairement différents dans le Lot-et-Garonne et dans le Nord, en Alsace et en Bretagne.
S'agisssant du développement des liaisons aériennes, vous savez que nous avons eu le souci, sous l'autorité du Premier ministre, d'élargir l'assiette du FIATA et de rendre éligibles des villes où la fréquentation des voyageurs est un peu plus faible, de façon à pouvoir effectivement, là aussi, relier l'ensemble du territoire.
L'élargissement de l'Europe doit probablement nous amener à réfléchir, dans le cadre des transferts aux régions d'un certain nombre d'aéroports, à des aéroports de proximité. Il est possible, en effet, que la pratique américaine, qui semble aujourd'hui étrangère à nos modes de vie, avec ces avions de tourisme et ces avions d'affaires qui fréquentent les aéroports de proximité, se répande assez rapidement dans notre espace européen.
Vous avez rendu hommage à l'effort du Gouvernement en matière de téléphonie mobile.
En ce qui concerne la péréquation interdépartementale, objet du rapport d'information présenté par MM. François-Poncet et Belot, vous avez mille fois raison ! La décentralisation, c'est plus de liberté donnée aux territoires, et cette liberté peut entraîner une rupture du principe d'égalité. L'équilibre de la loi de décentralisation passe à l'évidence par une vraie politique de péréquation, à laquelle, je le sais, le Sénat est très attaché.
Vous avez, monsieur Goulet, pointé quelques embûches et proposé quelques réflexions sur les outils.
Sur le « mille-feuille institutionnels », vous avez parfaitement raison. Une décentralisation qui consisterait à remplacer le centralisme de l'Etat par un centralisme régional, départemental ou intercommunal nous ferait passer à côté de la vraie réforme des politiques publiques. Réduire le délai entre la prise de décision et l'action politique, c'est diminuer les centres de pouvoir, c'est diminuer les superpositions de centres de décision. Plus on multiplie les niveaux de responsabilité, plus on neutralise la capacité de décision. La simplification des tâches consiste à savoir qui fait quoi et à avoir une bipolarité entre les territoires et l'Etat.
C'est la raison pour laquelle nous allons proposer, à l'occasion de la réforme de l'Etat, de réduire les vingt-cinq administrations à huit ou neuf pôles sur un espace régional, de façon à pouvoir contractualiser en direct avec les agglomérations, les départements, les régions, sur des politiques publiques permettant d'être plus efficace.
L'administration de demain ne sera pas de gauche ou de droite ; ce sera une administration lente ou rapide, de bonne ou de mauvaise qualité du point de vue juridique, et fiable ou non techniquement. L'accroissement de cette réactivité passe par la simplification et la clarification des pouvoirs.
Vous vous êtes alarmé du fait que les pays servaient à reconstituer des fiefs. Pardonnez-moi ! L'Etat a peut-être des défauts, mais il a aussi beaucoup de qualités. Il a, en tout cas, la pudeur de ne pas s'immiscer dans la volonté des élus locaux de s'organiser eux-mêmes. Si les élus locaux veulent être vertueux, c'est parfait ; s'ils veulent transformer leur espace de projets en espace de pouvoir, c'est leur décision, car cette évolution passe évidemment par une décision des collectivités locales. En tout cas, pour nous, le pays a vocation à être un espace de projets ; il ne doit en aucun cas être un espace de pouvoir, et il convient de distinguer totalement l'espace de projets de l'espace d'exécution.
A propos la DATAR, vous indiquez vous-même que Normandie Développement vous donne totale satisfaction et vous demandez s'il serait possible d'ouvrir la saisine de la DATAR aux parlementaires. Permettez-moi de dire que si vous disposez, avec Normandie Développement, d'un très bel outil de partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, c'est cet outil-là qu'il vous appartient de solliciter pour qu'il réalise un certain nombre d'études. Il serait de toute façon absolument impossible à la DATAR de répondre à 600 ou 700 demandes particulières d'étude sur l'ensemble des territoires de France. A contrario, à chaque fois qu'un parlementaire se rend à la DATAR pour obtenir une réponse, celle-ci est tout à fait heureux de le recevoir.
Il nous faut donc développer des outils tels que ceux que vous évoquez, permettant de réfléchir à la superposition des structures et à l'évolution des territoires. Le chiffre que vous annoncez - une perte de 25 000 actifs en 2025 - nécessite à l'évidence une réflexion des élus locaux et territoriaux sur la diversification de l'activité et sur les moyens de favoriser les créations d'emplois. Sinon, un certain nombre de difficultés risquent de surgir.
Madame Didier, s'agissant des contrats de site, vous avez évoqué l'un des bassins d'emploi de Meurthe-et-Moselle proche du bassin de Longwy. A cet égard, notre pays présente à la fois une formidable qualité et un formidable défaut.
Cette formidable qualité, c'est notre capacité d'invention et d'imagination. Ce formidable défaut, c'est la tendance de notre esprit cartésien à vouloir tout formater, à trouver pour tout des formules d'équation.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que le contrat de site soit un état d'esprit, une réactivité. Nous n'avons surtout pas voulu le formater, le normaliser, ni le réduire à une équation. Il s'agit de pouvoir rebondir rapidement, en mobilisant la totalité des acteurs, dans les bassins qui ont perdu un grand nombre d'emplois.
En même temps, n'oublions pas la vertu des mots : cette pratique est désignée dans certains territoires sous le nom de contrat de site, et dans d'autres sous le nom de contrat d'agglomération. Les deux contrats mobilisent la même énergie, la même coordination afin d'assurer la revitalisation d'un territoire. Il n'y a donc pas de critère précis, il y a simplement la volonté forte du Gouvernement de faire en sorte, dès qu'un bassin d'emploi est durement frappé, de pouvoir mobiliser la solidarité nationale et européenne pour lui donner un nouvel espoir.
S'agissant de la concertation au sein de La Poste, chaque service fait sa propre réforme. Je crois vous avoir répondu sur ce sujet.
Monsieur Fortassin, je regrette que nous n'ayons pas eu plus de temps pour vous écouter, car vos considérations sur la libellule, le crapaud et les ayatollahs de l'écologie étaient tout à fait passionnantes ! (Sourires.)
Ce faisant, vous avez posé une vraie question, qui est d'ailleurs au coeur de nos problématiques d'aménagement du territoire : celle de la préservation de l'intérêt général et de l'intérêt particulier. Nous devons en même temps respecter la liberté de choix des personnes, le droit de propriété, et faire en sorte que le politique soit rétabli dans son rôle de défenseur de l'intérêt général.
Vous avez tout à fait raison : tout le monde veut des routes, tout le monde veut des TGV, mais pas trop près de chez soi, et c'est la même chose pour les aéroports, etc.
Il faut veiller à ce que chacun puisse, dans le débat, exprimer son opinion personnelle. En effet, lorsque nous sommes dans l'opposition, nous sommes tous tentés de dénoncer l'injustice du pouvoir, au motif qu'il n'épouse pas les causes que l'on défend ou qu'il ne choisit pas les solutions qu'on voudrait lui imposer. Que de fois n'ai-je entendu à la télévision : « La justice n'est pas juste ! » A y regarder d'un peu plus près, on s'aperçoit tout simplement que la justice n'a pas rendu la décision espérée. De même, les maires se voient très souvent accusés par les associations locales de ne pas prendre des décisions justes, tout simplement parce qu'ils ne prennent pas les mesures qu'elles ont elles-même retenues.
Par conséquent, il faut tout faire pour empêcher la politique publique de devenir uniquement la conjugaison d'intérêts catégoriels.
Vous l'avez dit avec raison, l'attractivité des territoires passera aussi par notre capacité à répondre rapidement à la demande. C'est pourquoi nous souhaitons simplifier l'ensemble des procédures et des démarches, tout en préservant la capacité d'expression des populations.
A cet égard je le dis mezzo voce -, nous rencontrons certaines difficultés pour respecter notre engagement en matière d'énergies renouvelables.
Le débat sur les éoliennes a fait « fleurir le bon ton » entre les élus qui veulent s'impliquer dans les énergies renouvelables et la population qui, dans sa majorité, juge cette politique tout à fait pertinente. Pour autant, dès qu'il s'agit d'installer quelques pylônes dans une commune, une telle politique, totalement acceptable hier, devient soudainement inacceptable !
Madame Boyer, j'ai bien entendu votre appel en faveur de la lointaine Bretagne. Sachez que vous êtes plus proche de notre coeur que vous ne pouvez l'imaginer en raison de l'éloignement géographique !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il y a pire !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. En ce qui concerne la fin de la gratuité des voies express, au regard notamment de l'amendement déposé par M. Josselin de Rohan, le discours tenu par les élus bretons ne me semble pas différent, qu'il soit prononcé ici ou en Bretagne.
M. Jacques Mahéas. Ah bon ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. En réalité, la possibilité offerte aux collectivités locales de financer par le péage un certain nombre d'infrastructures de déplacement ne peut être perçue autrement que comme une formidable opportunité.
Ainsi, à Toulon, le financement par les péages d'un tunnel très important pour désengorger la ville est apparu à tous comme une solution envisageable.
Cette possibilité me paraît aller dans le sens de la responsabilisation des élus locaux en leur permettant de se doter des outils nécessaires pour améliorer le confort de leurs concitoyens.
Cette liberté nouvelle met-elle en péril les liaisons en Bretagne ? Il faut savoir que les routes nationales ne seront pas concernées par ce droit de péage. Il n'y a donc pas de risque. J'ai d'ailleurs entendu des élus bretons dire que la RN 164, qui traverse la région, ne serait frappée d'aucun péage. Les Bretons n'ont donc, me semble-t-il, aucune inquiétude à avoir.
S'agissant du TGV, le CIADT, sous l'autorité du Premier ministre, devra arrêter les choix en matière de grandes infrastructures de transport qui permettront de relever le défi de la compétition mondiale dans l'espace européen. Comme l'ont dit tant le Premier ministre que le délégué de la DATAR, aucun choix d'infrastructure ne peut aujourd'hui se concevoir dans une dimension franco-française. Nous devons avoir une vision européenne.
Des décisions restent à prendre, et je suis comme vous, dans l'attente, mais on ne peut pas imaginer que la ligne TGV s'arrête à Rennes. Il serait légitime qu'elle aille jusqu'à la pointe du Finistère. Nous avons, en effet, le souci de raccorder notre façade maritime à l'Europe centrale par la création d'un grand axe Ouest-Est.
Monsieur Thiollère, permettez-moi, avant de répondre à votre intervention, de saluer l'action des services publics qui, aujourd'hui, s'efforcent d'apporter des remèdes aux inondations qui frappent votre région et, plus durement encore, les régions que traverse le Rhône.
Vous avez parlé d'évolution industrielle, d'anticipation, de dimension européenne et mondiale.
S'agissant de l'avenir des fonds structurels européens, je crois déjà avoir répondu. Vous savez l'attention que le Gouvernement porte à votre région.
Le territoire ligérien est aujourd'hui bien doté au titre de l'objectif 2, ce qui prouve la vitalité de celles et de ceux qui conçoivent les projets, mais aussi la volonté de l'Etat de les accompagner. Votre territoire représente 40 % des bénéficiaires de l'objectif 2 en zone régionale. En outre, les dossiers que vous avez déposés et qui sont à l'étude pèsent très lourd.
Vous avez évidemment, avec la société Saint-Etienne Métropole et l'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes, l'EPORA, souhaité que l'on analyse attentivement les possibilités d'accompagner votre effort.
La réflexion que vous avez engagée avec l'agglomération lyonnaise, en lien avec l'aménagement du territoire, est exemplaire et nous sommes en train d'examiner très attentivement et de façon très positive la demande que vous formulez pour l'EPORA.
S'agissant de l'A 45 et de la saturation entre Lyon et Saint-Etienne, nous sommes conscients, si nous laissons la circulation s'engorger, que nous risquons de casser la dynamique de revitalisation du bassin industriel dans votre région, mais, paradoxalement, en même temps qu'émerge cette dynamique apparaissent les effets la limitant.
La consultation sur l'A 45 s'est arrêtée à la mi-juillet et, à ce jour, rien n'interdit d'imaginer la mise en concession de l'A 45. En tout cas, nous espérons là aussi qu'une suite favorable sera apportée.
Enfin, vous avez évoqué le projet urbanistique Saint-Etienne 2005 et les partenariats public-privé.
Là aussi, nous analyserons très attentivement votre projet de renouvellement urbain dans le cadre des prochaines décisions qui pourraient être prises.
Je terminerai en disant que vous avez pointé du doigt un vrai sujet : après les annonces politiques, les actes doivent suivre. C'est la raison pour laquelle nous irons sur le terrain avec le contrat de site, avec les expériences pilotes, avec la téléphonie mobile. S'agissant des CIADT également, nous avons le souci de voir comment ils se déclinent concrètement. En effet, on s'aperçoit quelquefois que la transversalité qui a précédé les décisions du CIADT est fragilisée par la verticalité de la reprise par les administrations.
D'ailleurs, lorsque nous analyserons la loi organique, nous serons extrêmement attentifs à la possibilité de conjuguer la verticalité de la loi organique et l'horizontalité nécessaire à l'accompagnement des politiques publiques.
En tous cas, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions précises. Nous restons à votre disposition pour vous apporter les compléments d'information que vous estimeriez nécessaires, et nous vous remercions de l'appréciation positive que vous avez exprimée sur la DATAR. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'aménagement du territoire et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 312 966 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 16 681 352 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 278 823 000 euros ;
« Crédits de paiement : 47 863 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.
Fonction publique et réforme de l'Etat
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, en remplacement de M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis amené à remplacer mon excellent collègue Gérard Braun, rapporteur spécial, qui s'est trouvé dans l'obligation de rejoindre son département. Il vous prie de bien vouloir l'excuser.
L'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes.
La première est verticale. Elle porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique. Ceux-ci s'élèvent à 223 millions d'euros en 2004, soit une progression de 5,6 %. Cette hausse succède à une baisse de 2 % des crédits pour 2003, qu'avait justifiée la décision de consommer les reports existants. Compte tenu de l'augmentation de la dépense, afficher une baisse des crédits semblait anormal.
Pour cette année, il faut au contraire se féliciter de la décision du ministre de la fonction publique de « purger » les reports, afin que le montant des crédits traduise la réalité de la dépense. Cette hausse résulte donc d'une « opération vérité ».
La seconde analyse est horizontale et concerne l'ensemble des charges de personnel de l'Etat - rémunérations, charges sociales et pensions -, qui s'établissent à près de 121 milliards d'euros pour 2003, c'est-à-dire 44,1 % des dépenses du budget général.
Nous ne sommes pas encore en mesure de donner le montant exact de ces charges pour 2004 en raison de la généralisation des expérimentations de globalisation des crédits. Rappelons cependant que la charge globale des personnels de l'Etat est passée de 40,7 % des crédits du budget général en 1997 à 44,1 % pour 2003.
De toute évidence, la tendance à l'accroissement des charges de la fonction publique demeure en raison du dynamisme des rémunérations individuelles et de la démographie pour les charges de pension.
J'en viens maintenant aux observations.
Première observation, les effets du changement d'orientation pour 2004 sont encore ténus. Le Gouvernement a annoncé une légère baisse des effectifs. Elle ressort, pour l'ensemble des ministères civils, à 5 561 emplois, représentant 8 % des départs à la retraite. Cette baisse représenterait moins de 116 millions d'euros d'économies en année pleine, soit guère plus de 0,1 % des charges de la fonction publique. En réalité, des diminutions d'effectifs plus substantielles sont attendues de la réforme de l'organisation des services déconcentrés que doit engager le Gouvernement, en cohérence avec les avancées de la décentralisation.
Concernant la réforme des retraites, en raison de l'inévitable longueur des dispositifs transitoires, les gains attendus en 2004 sont quasiment insensibles.
Deuxième observation : l'Etat doit d'abord diminuer le nombre des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. Ah !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. La réforme des retraites n'a pas eu d'autre ambition que de freiner la progression du coût des pensions. Ainsi, pour tenter de contenir la part exorbitante des crédits de la fonction publique dans le budget de l'Etat, il faut nécessairement jouer sur la charge des rémunérations.
Or, un recrutement visant au simple maintien des effectifs détournerait une part croissante des jeunes diplômés du secteur marchand, et l'augmentation du nombre de départs à la retraite représente une occasion unique de diminuer les effectifs de l'administration sans coût social.
Il apparaît que les gains budgétaires peuvent être substantiels avec une politique de non-remplacement énergique : en 2010, ils excéderaient 5 milliards d'euros en cas de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.
Au même moment, le gain attendu de la réforme des retraites pour le régime de l'Etat n'excéderait pas 3 milliards d'euros, pour atteindre 10 milliards d'euros à l'horizon 2020.
Ainsi un plan de stabilisation des charges de la fonction publique peut être esquissé par une politique volontaire de non-remplacement des départs progressivement épaulée par la réforme des retraites.
La réflexion sur les missions de l'Etat qui devait précéder la réforme budgétaire s'est avérée décevante. Il est donc urgent que la diminution des charges de rémunération constitue un objectif propre. C'est à cette réalisation que la réforme de l'Etat devra naturellement contribuer autant que possible.
Troisième observation : l'évolution des charges de pension est désormais contenue à terme. S'agissant de la fonction publique, la réforme des retraites était nécessaire en raison de l'évolution du besoin de financement des régimes de la fonction publique, qui devait s'élever à quelque 28 milliards d'euros en 2020, soit 1,3 % du PIB, dont près de 21 milliards d'euros pour le régime de l'Etat. L'élément central de la réforme est l'allongement de la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 ans en 2008, puis, comme pour le régime général, à 41 ans en 2012 et, vraisemblablement à 42 ans en 2020.
M. Jacques Mahéas. Et à 50 ans en 2050 ?
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il s'agit d'une contrainte particulièrement forte, car elle s'accompagne d'un renforcement de la pénalisation subie pour les annuités manquantes : c'est ce qu'on appelle la décote, qui existait déjà dans le régime général. Ce mécanisme était pourtant indispensable, car il était seul susceptible d'infléchir les comportements.
D'une façon générale, la réforme parvient à concilier les objectifs suivants : infléchir substantiellement la dérive financière à venir des régimes de la fonction publique ; maintenir le niveau des pensions pour une carrière complète ; établir une nouvelle équité vis-à-vis des autres régimes. L'effet combiné des mesures phares de la réforme - décote, surcote, indexation des pensions sur les prix - doit réduire de 13 milliards d'euros le besoin de financement des régimes de la fonction publique en 2020, soit un peu moins de la moitié. Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? C'est une question que l'on peut se poser.
Si la réforme ne permet d'absorber qu'environ la moitié des besoins de financement à venir, il faut simplement considérer qu'elle n'en était que plus urgente et nécessaire, particulièrement dans ses aspects les plus contraignants.
Toutefois, la suppression de certains dispositifs dérogatoires procurant des avantages globalement peu justifiables, essentiellement pour les départements et les territoires d'outre-mer, permettrait de réaliser une économie de l'ordre de 400 millions d'euros.
Quatrième observation : la réforme de l'Etat est relancée par le Gouvernement.
Sur le plan de la gestion publique, le retard de la France s'est accentué sous la précédente législature.
La réforme budgétaire qu'impliquera la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, jointe à la nécessité de contenir l'évolution des charges de la fonction publique, incitaient à un saut qualitatif en matière de réforme de l'Etat. Le Gouvernement a décidé de provoquer cette avancée.
Dans le cadre de la LOLF, les projets annuels de performance devront accompagner chaque programme budgétaire et seront confrontés à des rapports annuels de performance. Ce passage d'une logique de moyens à une logique de résultats impliquera un bouleversement de la gestion publique.
Le Gouvernement a récemment mis en place les stratégies ministérielles de réforme, les SMR, présentées par les différents ministres, qui intègrent notamment les effets de la décentralisation et de la LOLF.
A l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, la commission des finances, procédant à l'audition de certains ministres, a obtenu de leur part des engagements précis qui s'inscrivent dans le cadre de ces SMR.
Par ailleurs, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs devient indispensable. Le Gouvernement doit être ainsi amené à réformer profondément le statut de la fonction publique.
Enfin, accompagnant le projet de loi sur les responsabilités locales, le Gouvernement est en voie d'arrêter le principe d'une réforme portant sur une nouvelle organisation du niveau régional visant à rationaliser les services de l'Etat, gage d'économies d'échelle et de simplification pour l'usager. Tirant les conséquences de l'ensemble de ces perspectives de réforme, d'économies et de rigueur, la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de ce budget.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roger Besse, en remplacement de M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est la première fois que la commission des lois est conduite à se prononcer sur le budget de la fonction publique. S'agissant d'un avis, nous ne prétendons évidemment pas reprendre l'analyse détaillée de la commission des finances. Nous nous en tiendrons donc à quelques brèves réflexions, qui sont autant de questions.
La première observation d'ordre général sera pour relever que la modification du système de présentation du budget ne permet guère d'établir des comparaisons, pourtant indispensables dans ce genre d'exercice.
La seconde observation sera pour regretter de ne pas disposer non plus d'éléments de comparaison internationale. Quiconque cherche à apprécier la relation service rendu-coût doit être en mesure de comparer les chiffres français avec ceux de nos partenaires de l'Union européenne de dimension et d'organisation comparables.
D'après les informations que nous avons pu recueillir, il apparaît que le nombre des agents publics et para-publics est très sensiblement plus élevé en France que partout ailleurs.
Sans doute faut-il se garder de toute comparaison sommaire, aussi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir communiquer au Parlement des éléments permettant de pousser plus loin la comparaison, ce qui suppose de disposer évidemment des éléments analytiques correspondant aux grandes fonctions de l'Etat afin d'y voir plus clair dans ce domaine.
Cette interrogation est de portée générale. Il n'est sans doute pas nécessaire d'en rappeler l'importance en ces temps difficiles où la concurrence internationale est plus vive que jamais et où il importe de renforcer la compétitivité de notre pays, ce qui ne saurait aller sans une réduction des charges générales, et ce qui suppose un ajustement rigoureux de ces dernières à leur utilité. Il ne devrait plus être nécessaire de rappeler que la création ou l'entretien de postes non indispensables n'est qu'une manière artificielle et, à terme, ruineuse de soutenir l'emploi. Nos économies ne sont plus en état de dégager les plus-values qui ont pu, en d'autres temps, autoriser une telle politique.
Quelques aspects particuliers de ce budget appellent les observations complémentaires suivantes.
Tout d'abord, la parité, devenue constitutionnelle pour les élections, est bien peu appliquée en ce qui concerne les 3 800 emplois supérieurs de la fonction publique de l'Etat puisque les femmes n'en occupaient que 12,5 % au 31 décembre 2001, alors qu'elles représentent plus de 55 % de l'ensemble des agents civils.
Il est paradoxal que l'on ait pu imposer dans certaines élections un système extrêmement contraignant, peut-être même au détriment de la liberté de choix des électeurs, tout en étant incapable d'aboutir à une situation plus équilibrée dans un domaine où ce genre de considération n'a pas lieu d'être.
Il convient, à cette occasion, de signaler que le souci de parité, en lui-même très justifié, ne doit pas s'exercer à sens unique, et qu'il convient de veiller à ce qu'il soit pleinement respecté, en particulier dans le corps de la magistrature où un minimum d'équilibre paraît souhaitable dans une mission qui touche de si près aux problèmes humains les plus personnels.
La deuxième réflexion particulière concerne la question de plus en plus importante de la mobilité, et plus spécialement de la mobilité internationale dans le cadre de l'Union européenne qui ne mérite déjà plus le qualificatif d'internationale.
Le déficit d'agents français dans les administrations européennes est un fait notoire et déplorable. Il est de l'intérêt de notre pays d'être présent et activement associé à toutes les actions d'intérêt commun conduites sous l'égide de l'Union, comme il est de l'intérêt d'un fonctionnaire français de vivre une expérience européenne qui représentera un enrichissement pour sa carrière. Encore faut-il évidemment que cette mobilité ne soit pas pénalisante, ce qui semble être quelquefois le cas, et que les difficultés matérielles qu'elle peut entraîner soient généreusement compensées. Sachant que le Gouvernement partage cette préoccupation, nous souhaiterions connaître les mesures qu'il se propose de prendre pour que des progrès significatifs soient accomplis.
La troisième observation, monsieur le ministre, concerne l'accès et l'accueil des handicapés dans la fonction publique. Nous nous réjouissons du développement de cette politique dont témoigne votre budget. Il nous apparaît que s'il est un secteur dans lequel cette préoccupation doit être considérée comme prioritaire, c'est à coup sûr la fonction publique, du fait d'une meilleure capacité d'adaptation inhérente à la notion même de service public. Nous vous remercions de tout ce que vous pourrez faire pour continuer d'améliorer la situation dans ce domaine.
Enfin, il est nécessaire de rappeler l'importance de la culture juridique dans la formation des agents du service public. On constate une certaine régression de cette culture au profit des connaissances économiques et sociales, voire de la culture générale.
Sans doute un bon agent de service public ne doit-il ignorer aucun des aspects de la culture. Il n'en demeure pas moins que la culture juridique doit conserver son rôle central. Cela vaut plus particulièrement pour les magistrats. Nous imaginons difficilement, en effet, qu'un magistrat professionnel puisse ne pas avoir fait avec succès des études de droit approfondies, ce qui est tout autre chose que d'avoir la capacité de passer avec succès une épreuve écrite ou orale portant sur un domaine délimité à l'avance et se prêtant à une initation rapide. Souvenons-nous que les avocats, aussi bien que les greffiers, les notaires et les huissiers doivent être titulaires de qualifications juridiques sérieuses. Il ne saurait en être autrement d'un magistrat, aussi longtemps du moins que la notion d'Etat de droit et de justice fondée sur des règles et des principes conservera son caractère fondamental dans notre société.
C'est au bénéfice de ces observations que la commission des lois du Sénat donne son approbation au budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 23 minutes ;
Groupe socialiste : 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. M. Besse a été fort brillant dans son rôle d'homme-orchestre, mais permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'avoir une autre approche du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Les crédits alloués à la fonction publique et à la réforme de l'Etat s'élèvent cette année à quelque 223 millions d'euros, soit une hausse de 4,37 %, dont vous semblez vous excuser, monsieur le ministre. Fidèle à l'idéologie dominante du Gouvernement, il s'agit, sous couvert de sincérité budgétaire, de donner des gages à Bruxelles et de rassurer votre majorité.
Rassurés, les Français, eux, ne le sont pas. Ils sont inquiets pour leur emploi, leur santé, leur vieillesse, leur retraite, leur école ; et les plus déshérités d'entre eux seront les premières victimes.
Rassurés, les fonctionnaires ne peuvent guère l'être non plus, eux qui se sentent légitimement pris pour cible : année salariale blanche en 2003, puis augmentation symbolique, pour ne pas dire électoraliste, pour 2004 ; réforme des retraites où ils se sont sentis manipulés ; réduction des effectifs ; conception brutale du salaire au mérite ; suppression du lundi de Pentecôte dès 2005...
Enfin, et surtout, comme on vient de l'entendre, l'attitude de défiance du Gouvernement à leur égard reflète parfaitement la conception ultralibérale de l'Etat qui veut, a priori, que la dépense publique soit forcément mauvaise, les fonctionnaires forcément trop nombreux et la fonction publique forcément inefficace.
C'est la poursuite du démantèlement de l'Etat dont on a une autre illustration avec le projet de loi relatif aux responsabilités locales.
Or la réussite de la réforme de l'Etat et de la décentralisation exige un Etat dynamique et des fonctionnaires confiants qui adhèrent au projet.
Je dirai maintenant quelques mots sur le budget lui-même, qui ne présente pas d'innovations particulières.
Les crédits vont, pour l'essentiel, à l'action sociale interministérielle. En baisse de 1,4 %, ils restent caractérisés par un taux de consommation relativement faible qu'il conviendrait d'expliciter, même si le phénomène n'est pas récent.
J'aimerais toutefois que vous me donniez quelques précisions supplémentaires sur le prélèvement sur le fonds de roulement de la mutuelle de la fonction publique. Cette opération risque de conduire à une gestion à flux tendu, donc à des difficultés pour servir efficacement les prestations.
J'attire votre attention à nouveau sur les obstacles rencontrés par les jeunes fonctionnaires qui cherchent à se loger dans les grandes agglomérations, notamment en Ile-de-France. La situation est encore aggravée par votre politique salariale et par une gestion de ces crédits inopérante.
En revanche, nous ne pouvons que nous réjouir de la nouvelle augmentation des dépenses en faveur du développement de l'insertion des personnes handicapées. Malheureusement, même ce domaine, pourtant déclaré chantier prioritaire, a subi des mesures de régulation budgétaire, même si les demandes des ministères étaient supérieures aux crédits votés par le Parlement.
Il est de coutume de profiter de cette discussion budgétaire pour embrasser, de manière plus ample, le devenir de la fonction publique.
Après 701 emplois en 2003, 4 561 postes disparaîtront en 2004. Seuls les ministères régaliens, justice et intérieur, échappent à la logique comptable, tandis que d'autres paient de nouveau un lourd tribut, l'équipement, l'économie, finances et industrie, la jeunesse et l'enseignement scolaire.
A la suite des propos de tel ou tel membre de la majorité appelant de ses voeux le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, ou sur trois, ou sur cinq, ce sont finalement près de 10 000 départs qui ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement proche de 20 %.
Ces baisses d'effectifs sont avancées sans que le Gouvernement explique quelles missions de l'Etat il souhaite réduire.
Cette absence de stratégie est l'illustration d'une réforme non planifiée, d'un positionnement idéologique, d'une gestion irraisonnée des ressources humaines. Le rapport de la commission des finances ne nous rassure guère, qui affirme ouvertement - et en titre ! - : « Le nombre des fonctionnaires, première variable d'ajustement pour infléchir l'évolution de la dépense de fonction publique » et ce dans la droite ligne des engagements pris à Bruxelles, semble-t-il.
Nous aimerions donc être éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement et nous espérons que vous ne participiez pas à ce double discours, monsieur le ministre, lorsque vous affirmiez, à l'Assemblée nationale : « La politique salariale (...) pourraît être mieux mise en relation avec la croissance. »
Car de « politique salariale », il n'y en a guère, justement, à moins que la rémunération au mérite n'en tienne lieu. Les agents, eux, se sentent méprisés et pris pour cible, sacrifiés qu'ils sont sur l'autel du déficit, alors que vous vous apprêtez à leur concéder le superflu - les primes au mérite - au détriment du nécessaire - un pouvoir d'achat conservé.
On connaît, néanmoins, le goût de M. Sarkozy pour ces exercices chiffrés, qu'il s'agisse des mesures de la délinquance ou des reconduites à la frontière ! Il en existe déjà des interprétations abusives, comme celle de ce directeur de la sécurité publique de l'Hérault qui, dans une note de service, impose à chaque service un nombre précis de gardes à vue... quotidiennes !
N'oublions pas que le système de notation des fonctionnaires a déjà été réformé, sa procédure modernisée et l'entretien d'évaluation rendu obligatoire par le décret du 29 avril 2002, sans parler des primes ou de la nouvelle bonification indiciaire, dont la répartition mériterait, d'ailleurs, d'être grandement améliorée.
En réalité, l'agitation autour de ce thème n'a constitué qu'un fort maladroit tour de passe-passe destiné à détourner les esprits de négociations salariales qui, après avoir été repoussées, n'ont abouti à rien pour l'année 2003 et à seulement 0,5 % d'augmentation en 2004, soit bien en deçà de l'inflation. Ces négociations n'en étaient pas, puisque tout était réglé d'avance, avec la même absence de dialogue social que lors du choix du lundi de Pentecôte travaillé, imposé sans aucune concertation.
Avec des coups de force semblables, on aboutit immanquablement à la rupture, et les sept fédérations de fonctionnaires, lassées d'être mises devant le fait accompli, ont décidé de boycotter les futures réunions.
Ce gouvernement qui prône l'action, et toujours l'action, va pourtant créer un observatoire des salaires de la fonction publique et propose d'attendre 2005 pour instituer des négociations salariales annuelles. S'agirait-il de mesures dilatoires ?
En attendant, 2003 sera une année blanche : depuis que vous êtes en fonction, les syndicats, désenchantés, constatent une perte de pouvoir d'achat de 3,5 %, alors qu'il n'y avait aucune année blanche sous la législature précédente : le pouvoir d'achat avait été maintenu.
L'évolution prévisible de leurs pensions n'est pas pour apaiser les agents, qui se sentent les grands perdants de la réforme des retraites. Ceux, nombreux, qui n'auront pas atteint les annuités recquises seront doublement pénalisés, à la fois par le calcul sur 1,875 % par annuité et par l'application de la décote. La perte de pouvoir d'achat risque, là encore, d'être très importante.
S'agissant de la réforme de l'Etat, j'avoue être plutôt rétif face à votre discours « managérial », tout ampoulé, tout gonflé de « culture de la performance » ou de « culture du résultat ».
Certes, dans le prolongement de la modernisation lancée par la précédente législature, vous affichez la réforme de l'Etat comme une « priorité gouvernementale » - une de plus ! - en réorganisant le dispositif administratif et en préconisant des « stratégies ministérielles de réforme ».
De même, la simplification administrative, déjà largement engagée, se poursuit, mais dans des formes discutables. La voie des ordonnances peut, certes, être légitime pour simplifier certaines procédures, mais, dans des domaines beaucoup plus complexes, ce recours a le défaut non négligeable de substituer l'administration au débat démocratique.
La polémique sur la réforme des marchés publics a montré que la transparence est la condition indispensable d'une solution adaptée et qui emporte l'adhésion.
Surtout, monsieur le ministre, votre politique de réforme de l'Etat se confond, pour l'essentiel, avec un vaste mouvement de décentralisation qui s'apparente, en réalité, à un désengagement financier de l'Etat et à un démantèlement des services publics.
Monsieur le ministre, trop d'inquiétudes et d'incertitudes conduisent le groupe socialiste à rejeter un budget qui n'a pas, loin s'en faut, le souffle nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi aussi, je remplace ! (Sourires.) J'interviens dans ce débat au nom de Mme Josiane Mathon, qui a dû rentrer sur ses terres, frappées par les inondations.
Le budget de la fonction publique que nous étudions aujourd'hui est un élément essentiel de la politique que mène ce gouvernement.
Il concerne directement près de 5 millions de fonctionnaires au sens large du terme. C'est donc un indicateur de l'action gouvernementale, pour ou contre l'emploi, pour ou contre le pouvoir d'achat de très nombreux foyers, pour ou contre l'amélioration des conditions de travail.
Au-delà, ce budget est le révélateur du sens que vous donnez à l'action de l'Etat dans le cadre de votre décentralisation anti-solidaire.
L'étude attentive de votre projet de budget fait apparaître une augmentation en trompe-l'oeil de 5,59 % des crédits dédiés au ministère de la fonction publique.
Mais c'est, en réalité, un budget contre l'emploi.
Près de 10 000 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement des postes de près de 20 %. Vous détruisez directement, monsieur le ministre, près de 4 500 postes.
C'est également un budget contre le pouvoir d'achat des salariés et de leurs familles : déjà, en 2003, les fonctionnaires viennent de perdre 1,5 % de leur pouvoir d'achat, leurs salaires n'ayant été revalorisés que de 0,5 % quand l'inflation atteignait 2 %. Désormais, il faudrait attendre 2005 et votre « rendez-vous annuel obligatoire ». Pour l'heure, vous servez un budget d'austérité salariale aussi injuste socialement qu'il sera inefficace économiquement. En écrasant les salaires, vous freinez la consommation des ménages, moteur de la croissance.
Ce budget va-t-il permettre une amélioration des conditions de travail ? Nous constatons que l'une des clés essentielles pour cela, la formation des fonctionnaires, est négligée. En 2003, le chapitre 34-94, regroupant les crédits afférents, ne sont pas consommés. Au 31 août, 12,3 % de cette enveloppe avaient été utilisés. De plus 20 % des crédits destinés aux actions de formation interministérielle ont été gelés. Quel peu de cas votre gouvernement fait de la promotion des compétences des agents de l'Etat !
Est-ce là un signe concret de l'appel lancé aux différents ministres afin qu'ils s'impliquent personnellement dans la gestion de leurs départements ministériels ?
En 2004, le chapitre 34-94 connaît une légère augmentation, de 400 000 euros. Seront-ils utilisés ?
Votre budget s'attaque aux fonctionnaires. Il met en application, l'an prochain, la réforme des retraites. Celle-ci, rappelons le, fait supporter aux seuls salariés l'évolution démographique de notre pays, excluant la possibilité de faire cotiser les revenus financiers des entreprises. Concrètement, les agents de la fonction publique devront, d'ici à 2009, cotiser cent soixante trimestres au lieu de cent cinquante, et le rendement de chaque annuité baissera, passant de 2 % en 2003 à 1,786 % en 2020. Je ne peux pas laisser dire que vous avez sauvé le système des retraites par répartition, quand, six mois après le grand mouvement social contre votre réforme, se multiplient dans les médias les offres de placements individuels et privés.
Votre budget, monsieur le ministre, porte une vision négative de la fonction publique. Il renvoie les emplois-jeunes à la case chômage et ne permet pas d'enrayer la désaffection qui guette la fonction publique. On constate, à cet égard, une chute de 40 % du nombre des candidats aux Instituts régionaux d'administration.
Ce manque d'attrait de la fonction publique est un véritable problème. Le Gouvernement l'entretient au lieu de le combattre, en cherchant à appliquer à la fonction publique une gestion de type privé.
Votre vision de l'Etat l'apparente à un organisme gestionnaire devant rechercher en premier lieu l'économie, le moindre coût, la moindre place pour ne pas gêner la « main invisible » du marché.
Vous ne réformez pas l'Etat, vous le défigurez. La puissance publique devrait, d'après vous, non plus assurer la solidarité nationale, mais se résumer à des fonctions régaliennes dont certaines seraient partiellement externalisées, c'est-à-dire privatisées. L'ampleur de la grève historique des personnels du ministère des affaires étrangères devrait pourtant faire réfléchir.
Les fonctionnaires sont attachés à leurs missions de service de l'intérêt général, mais vous leur proposez tout autre chose.
Vous avancez l'idée d'un salaire au mérite, au résultat, pour faire voler en éclat l'égalité de traitement. Il est juste de dire que cette mesure, qui plus est dans une période de stagnation salariale, peut entraîner des différences, voire des oppositions, entre fonctionnaires. Que deviendra l'efficacité du service rendu au public si vous alimentez des concurrences stériles entre individus, entre services ?
Votre gouvernement prône le dialogue social, mais vous envisagez d'instaurer un service minimum dans les services publics. C'est dire que votre objectif est, non pas de rechercher le dialogue, la prise en compte des besoins des agents, mais plutôt de réduire la charge salariale et restreindre le droit de grève constitutionnellement reconnu.
Quel crédit apporter à votre discours sur le dialogue social quand, dans une entreprise publique comme GIAT, où un accord de méthode est en cours, la direction et les pouvoirs publics déménagent nuitamment une partie de la production placée sous le contrôle des salariés du site de Saint-Chamond ? Avec raison, les organisations syndicales parlent de provocation et de « méthode de voyoux » , dans cette affaire.
De GIAT à l'hôpital, de l'école à l'équipement, c'est la même vision libérale qui vous anime ! Votre budget disloque la fonction publique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous nous y opposerons.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Etat, au fond, leur Etat, les Français l'aiment-ils ? On pourrait croire que oui, à en juger par la nervosité qui se manifeste quand les TOS passent sous la coupe des communes, ou les monuments historiques sous celle des régions.
Et pourtant, est-il entité dont la « réforme » soit plus unanimement désirée ? Deux ministres ne sont pas de trop, sauf ce soir, bien entendu ! (Sourires.)
En 1957, Emmanuel Berl écrit dans La France irréelle : « Quoique les citoyens demandent beaucoup à l'Etat au nom des fidélités, des appartenances, des sacrifices consentis, des malheurs subis, le peuple persiste à le regarder comme un parasite, parfois glorieux, souvent funeste et toujours inutile. »
On comprend que réformer l'Etat soit une tâche délicate. On lèse facilement plus d'intérêts qu'on apporte de satisfactions. Fini le temps des tableaux inspirés, à la manière du Souverain captif d'André Tardieu, sous la IIIe République, ou de La Mort de l'Etat républicain de Michel Debré, sous la IVe République. La réforme de la Constitution elle-même est devenue un acte de gestion courante. L'Etat n'est plus un totem métaphysique, mais une boîte à outils !
Pragmatisme et prudence de Sioux inspirent donc le cocktail de mesures que vous et votre secrétaire d'Etat avez proposé au Parlement. Celui-ci vous avait devancés, à la fin du gouvernement Jospin, en votant la LOLF, cette loi unanimiste Migaud-Lambert, née des deux chambres et des deux camps, comme par l'effet d'une Pentecôte inattendue. (Sourires.) Sous ce panonceau, vous dressez votre étal. Le moment n'est plus aux effets d'annonce. Il faut tenir, et vite. Donc ne pas proposer des choses impossibles.
Quelles sont donc les visées possibles d'une réforme de l'Etat, qui ne prétend pas au bouleversement, mais qui a pour ambition le progrès ?
Une première cible est celle des collectivités locales. Vous avez raison d'accompagner la décentralisation Raffarin en revoyant le déploiement de l'Etat sur le terrain. La deuxième cible est celle des citoyens ou, plus modestement, les usagers - on ne dit plus nulle part, je le remarque en passant, les « administrés ». La troisième cible, enfin - et surtout, allais-je dire -, ce sont les fonctionnaires, qui ne sont pas pour vous l'interlocuteur le plus facile, mais il est bon que soient réunies dans la même main fonction publique et réforme administrative.
Aux collectivités locales, vous promettez des marges d'action supérieures et une plus grande disponibilité de l'Etat. Aux citoyens - usagers - clients, la nécessaire et jusqu'ici toujours décevante simplification, car, hélas ! rien n'est plus compliqué que de simplifier ! Et aux fonctionnaires, promesse redoutable, et pas toujours bien reçue, la rémunération au mérite. Bien entendu, vous voulez rapprocher les unes des autres les trois fonctions publiques et la France de l'Europe. Bien entendu, vous ne parviendrez pas à tout faire, mais ce sera déjà beaucoup si vous parvenez à imposer votre méthode d'auto-réforme à vos collègues, et à prendre quelques mesures symboliques, car, en droit public, le symbole est déjà réalité.
La méthode, ingénieuse, est celle des SMR, ces « stratégies ministérielles de la réforme » qui pourraient constituer une invite pressante au progrès si les meilleures d'entre elles étaient récompensées par quelques gratifications budgétaires. Le fonds pour la réforme de l'Etat peut-il en tenir lieu ?
Quant aux mesures symboliques, pour ne m'en tenir qu'à deux ou trois, je salue d'un sourire l'idée d'une charte Marianne pour la qualité de l'accueil. Plus déterminantes, ces deux idées révolutionnaires : ouvrir les concours administratifs à des citoyens européens, et remplacer le détachement par la mise en disponibilité pour les fonctionnaires qui entrent en politique, car c'est ruiner, à terme, le mythe de l'énarchie.
Pour finir, je dirai deux mots de votre projet de réforme de l'ENA, avec prudence, car je sais que c'est toucher là, comme disait Gustave Flaubert, au manteau de Tanit.
Les orientations me paraissent bonnes : il faut en effet redonner à l'Ecole sa vocation d'école d'application. Mais comment faire si subsiste ce fâcheux concours de sortie qui force des pères de famille au bachotage ? La commission Silguy recommandait de le supprimer ; mais comment éviter dès lors arbitraire et népotisme ? Vous vous êtes donc résigné à maintenir le classement en introduisant une distinction entre corps et emploi d'affectation. On verra si cela marche !
Pour ma modeste part, vous le savez, monsieur le ministre, j'avais rêvé d'une réforme différente. Le classement aurait eu lieu dès le concours d'entrée - je sais bien que ce n'est pas politiquement correct -, avec le droit de tenter celui-ci trois années de suite. Après quoi, il ne serait plus resté aux élèves qu'à faire leur stage et à apprendre leur futur métier !
Le rapprochement avec la fonction publique territoriale est une excellente mesure, et j'approuve, évidemment, l'idée de passer le plus de temps possible à Strasbourg, dans cette ancienne commanderie de Saint-Jean - face au palais du conseil général, où règne notre collègue Philippe Richert - où Edith Cresson avait déporté, pour notre bien, les futurs énarques (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le rapporteur, je tiens tout d'abord à saluer votre polyvalence. Elle ne m'étonne guère de votre part, connaissant vos talents et vos compétences.
Lorsque l'on aborde le budget de la fonction publique, on doit considérer non seulement la fonction publique, mais le secteur public dans son ensemble.
Quoi qu'il en soit - et ce point me permet de faire la transition avec le budget de l'aménagement du territoire que nous venons d'examiner -, je voudrais moi aussi saluer M. Jacky Richard et la direction qu'il anime, dont l'action nous a aidés à parvenir à une bonne consommation des crédits votés, puisqu'elle s'établit actuellement à 99,47 %.
Nous avons donc fourni un effort extrêmement important pour que les crédits votés soient consommés et ne restent pas en suspens. Ainsi, cette année, nous avons amélioré l'insertion des handicapés et oeuvré pour une plus grande transparence. L'Observatoire de l'emploi public continue d'apporter des informations chaque année plus précises, car nous avons besoin, et les partenaires sociaux avec nous, de savoir, pour chaque ministère, qui fait réellement quoi, qui est responsable de quoi, qui est mis à disposition d'un autre ministère, d'une organisation syndicale, d'une mutuelle...
Personne ne doit craindre la transparence : au contraire, si nous voulons pouvoir mener des débats précis, nous devons connaître exactement l'affectation des moyens humains comme des ressources monétaires et financières.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que la commission des finances estimait qu'il fallait réduire le nombre de fonctionnaires, ce à quoi M. Jacques Mahéas et Mme Evelyne Didier ont répondu que ce n'était pas du tout cela, qu'il fallait au contraire le maintenir ou l'augmenter. En réalité, le débat sur le nombre des fonctionnaires est un débat qui cache l'objectif : le nombre de fonctionnaires n'est qu'un moyen. Ce qui est important, c'est qu'aujourd'hui, dans le schéma de réforme et de modernisation des ministères, il appartient à chaque département d'analyser la pertinence de ses missions, de ses procédures, de ses moyens. L'effectif n'est que la conséquence de l'affectation des missions !
Nous devons tous prendre conscience que l'Etat n'est pas un puits sans fond. Depuis maintenant plus de vingt ans, on accepte que le déficit structurel de l'Etat soit de l'ordre de 20 %. Car, lorsqu'on affirme que le déficit de l'Etat atteint 3 % ou 4 % du PIB, c'est en réalité une façon de ne pas dire que, depuis vingt ans, les dépenses de l'Etat sont supérieures de 20 % à ses recettes ! La preuve en est d'ailleurs que la dette de l'Etat est passée de 15 % du PIB en 1980 à plus de 60 % aujourd'hui. Que l'on parle d'un ménage, d'une entreprise ou d'un Etat, cela signifie que de plus en plus d'argent est consacré au remboursement de la dette et de moins en moins à l'investissement, à la préparation de l'avenir. C'est une dérive.
A un moment où la population vieillit, où certains, n'ayant pas la qualification nécessaire, se sentent évincés du système marchand, nous avons besoin des politiques de solidarité publique. Et nous constatons que, paradoxalement, la défense du service public ne passe pas par l'accélération, mais au contraire par la maîtrise des dépenses.
M. Jacques Mahéas. Par la diminution des impôts !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. D'ailleurs, c'est bien le réflexe que vous avez tous, dans vos collectivités locales : vous adaptez vos dépenses à vos recettes.
Le paradoxe nous amènera probablement à un changement de culture. On peut être d'accord ou non, mais cette fatalité de la dépense qui prévaut quand on se tourne vers l'Etat et qui se double du choix de la maîtrise des dépenses quand on est maire, président de conseil général ou président de conseil régional, conduit à une schizophrénie à laquelle il faudra bien mettre un terme. Ainsi, l'Etat pourrait tout, alors que le maire, lorsque ses adjoints lui demandent 300 000 euros et qu'il n'en a que 100 000, les invite à faire des choix ? Les élus locaux passent leur temps à dire non, et l'Etat devrait passer son temps à dire oui ? L'heure n'est plus à susciter les dépenses : on doit aujourd'hui se préoccuper des recettes.
Et c'est peut-être là le fait nouveau : aujourd'hui, l'efficacité de l'administration doit être analysée, car la légitimité du service public passe par la qualité du service rendu.
Nous devons être conscients, et les fonctionnaires le savent bien, que le service public n'incarne plus aux yeux de nos concitoyens les valeurs de la République qu'il portait autrefois. Pour certains de nos concitoyens, il n'y a plus l'école de la République que nous avons tous connue, qui était la garante de l'égalité des chances : il y a la bonne ou la mauvaise école. Il n'y a plus l'hôpital, garant de la bonne santé pour tous : il y a l'hôpital devant lequel on peut se permettre d'avoir un infarctus et celui devant lequel il vaut mieux l'éviter.
Reconstruire le service public, c'est permettre la qualité du service rendu, ce qui passe non pas forcément par des moyens accrus, mais bien plutôt par une meilleure utilisation des compétences individuelles. Il ne s'agit pas de critiquer les fonctionnaires, il s'agit de critiquer un système dont chacun reconnaît, quand on quitte les discours convenus, quand on met à bas toutes les hypocrisies dont on a pris l'habitude, qu'il ne récompense pas la vertu : celui qui économise n'est pas mieux récompensé que celui qui dépense ; celui qui prend des initiatives n'est pas mieux récompensé que celui qui n'en prend pas.
Entrer dans le service public, c'est une passion, c'est une motivation, c'est une exigence envers soi-même. Mais, assez rapidement, le désenchantement apparaît ; alors, on s'engage dans un syndicat, non pas parce que l'on a une certaine conception du service public, mais parce que l'on a l'impression qu'ainsi on pourra avoir un déroulement de carrière plus rapide, qu'on accédera aux informations plus vite que les autres... Ce n'est pas cela, l'engagement syndical ! De même, quand on s'engage dans un parti politique, ce n'est pas pour pouvoir être candidat dans tel ou tel canton, c'est parce qu'on a une certaine conception de la France et de la société.
Il est hypocrite de laisser croire que le concours permet l'égal accès de tous quand ce sont les titulaires d'une licence qui enlèvent toutes les places lorsque le niveau demandé est celui du baccalauréat. Car cela fait naître une double frustration : celle des surdiplômés sous-payés, et celle des gens qui ont le niveau du baccalauréat et qui déduisent de tout cela que la fonction publique leur est interdite parce que les surdiplômés viennent prendre toutes les places.
Nous avons décidé - peut-être peut-on nous le reprocher - de poser les problèmes tels qu'ils sont, de refuser qu'une question soit taboue et, quand les choses ne sont pas possibles, de le dire. Nous voulons rompre avec ce discours de l'illusion selon lequel il n'y a qu'à payer, il n'y a qu'à augmenter les moyens, indéfiniment. Plus les moyens sont importants, moins il y a de résultats, mais qu'importe ! On est dans la spirale.
On occulte d'ailleurs un aspect extrêmement préoccupant : c'est que l'on demande que les effectifs des services publics soient toujours plus nombreux en omettant - et c'est peut-être l'un des problèmes les plus difficiles à régler, quelles que soient nos philosophies politiques - que les services publics ne peuvent pas être le réceptacle des déresponsabilisations individuelles.
Si les gens n'arrivent plus à se parler ni à régler autrement que par la violence leurs petits conflits de proximité, on aura beau augmenter le nombre de magistrats, nos tribunaux seront saturés. On aura beau multiplier le nombre d'enseignants, s'ils doivent en même temps éduquer et élever les enfants, l'école publique ne marchera jamais. On aura beau multiplier les services d'urgence, si les soins de proximité ne sont plus gérés par les familles elles-mêmes, les services publics exploseront.
Nous devons y réfléchir, car, si le service public doit favoriser l'égalité entre nos concitoyens, ce n'est certainement pas un océan d'irresponsabilité individuelle qui nous mènera à la responsabilité collective.
La question est importante. Antigone ne disait rien d'autre quand elle affirmait que les lois non écrites sont supérieures aux lois écrites, ce qu'une grande philosophe formulait en soulignant qu'au moment où la morale collective s'affaiblit, elle est remplacée par les lois juridiques, qui ne modifient pas les comportements individuels.
Il nous faut donc réfléchir à la pertinence des services, à la pertinence des procédures, à la pertinence des moyens, et faire en sorte que chaque fonctionnaire soit épanoui, se sente considéré sur son lieu de travail. Il nous faut aussi, lorsque les ressources financières manquent pour assumer un service public, ne pas hésiter à demander à l'Europe de l'exercer, ou à le déléguer aux collectivités territoriales, ou à le supprimer s'il est inutile. Pourquoi vouloir maintenir des structures à tout prix ? Ce n'est pas au problème de s'adapter aux structures, c'est aux structures de s'adapter aux défis que nous devons relever.
C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des réformes grâce auxquelles les modes de recrutement seront améliorés, la validation des acquis professionnels rendue possible, le déroulement de carrière accéléré pour les gens motivés, l'accès aux responsabilités facilité - mais systématiquement sanctionné par des concours. Tout cela vous sera soumis au début de l'année 2004.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie des propositions très courageuses que vous avez bien voulu formuler.
Monsieur Mahéas, vous nous avez reproché de mettre en exergue les fonctionnaires et de faire systématiquement leur procès. Comme vous, j'entends un certain nombre de discours. Selon certains, le bonheur est toujours dans le secteur public ; selon d'autres, le malheur est toujours dans le secteur public... Je ne souscris aux excès ni des uns ni des autres : je suis de ceux qui pensent qu'un secteur privé performant a besoin d'un service public performant et que la mondialisation de l'économie impose des outils de régulation de caractère public. Mais nous devons aussi veiller à proportionner le financement de la sphère publique aux possibilités du pays, sans quoi surgiraient les difficultés que j'évoquais tout à l'heure.
Je me permettrai d'apporter un bémol à vos affirmations sur la politique salariale. Le pouvoir d'achat, dites-vous, avait été maintenu sous le gouvernement Jospin. Je ne me référerai pas à mes propres discours, car vous pourriez les contester ; je m'appuierai sur les arguments présentés par les syndicats. Ils ont certes mentionné une perte de pouvoir d'achat de 3,6 %, mais en prenant pour référence la date du 1er janvier 2000 ! Alors, permettez-moi de partager cette responsabilité entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel...
M. Jacques Mahéas. Il y a eu deux années où la politique salariale a été extrêmement positive ! Vous allez tout de même accepter de considérer que le gouvernement Jospin a duré cinq ans. Il s'agit d'être honnête !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Mahéas, je reprends simplement les arguments que vous-même avez avancés !
M. Jacques Mahéas. Non !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je reprends vos propres termes, et je voudrais que vous les relisiez ! Selon vous, les syndicats ont indiqué que la perte de pouvoir d'achat était de 3,6 %. C'est bien ce que vous avez dit ?
M. Jacques Mahéas. Non ! Elle est de 3,5 % !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Si vous voulez !
Je vous transmettrai les tracts syndicaux. (M. Jacques Mahéas manifeste son mécontentement.)
Nous n'allons pas, monsieur Mahéas, engager de débat ici : je vous crois sur parole !
M. Jacques Mahéas. Le Gouvernement...
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je vous propose une discussion chiffres contre chiffres !
M. Jacques Mahéas. Allez-y !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous n'allons pas engager un débat, certes, mais acceptez, monsieur Mahéas, que j'aille au bout de mon raisonnement.
Vous avez dit vous-même que les organisations syndicales évaluaient la perte de pouvoir d'achat à 3,5 %. Je vous ferai observer que leurs tracts précisaient que cette perte de pouvoir d'achat de 3,5 % vaut pour la période qui a commencé le 1er janvier 2000 ! C'est donc bien que les responsabilités sont partagées ! Vous n'êtes pas obligé de me croire, mais je pourrai vous en fournir la preuve !
Vous avez évoqué les négociations syndicales, et je ferai trois remarques à ce sujet.
Comme nous-mêmes, comme aussi les organisations syndicales, vous avez souligné qu'il convenait de mettre fin à cette hypocrisie qui voue systématiquement les négociations à l'échec parce que, d'un côté, les syndicats mettent en avant la comparaison entre le point d'indice de la fonction publique et l'indice des prix, comparaison à laquelle, de l'autre côté, tous les gouvernements, quels qu'ils soient, opposent l'effet sur la masse salariale, puisque la RMPP, la rémunération moyenne des personnes en place, augmente de 2 %, 3 % voire 4 %, et que le SMPT, le salaire moyen par tête, augmente lui-même d'autant.
Comment parvenir à concilier l'augmentation de la masse salariale et la comparaison entre la valeur du point d'indice et l'augmentation des prix ? Comment concilier une vision trop restrictive d'un côté et une vision sans doute trop globale de l'autre ?
Je m'appuie d'ailleurs sur une analyse de DEXIA, qui est partagée par l'ensemble des élus, quelle que soit leur couleur politique, selon laquelle l'augmentation de 4,9 % de la masse salariale des collectivités territoriales limite leur capacité d'investissement et diminue leur marge d'autonomie financière. Cet argument, qui a été formulé non par le Gouvernement, mais par un organisme qui travaille avec les collectivités territoriales et dont l'étude a été présentée au Sénat et approuvée par l'ensemble des élus locaux, montre à l'évidence que la non-maîtrise des dépenses de fonctionnement, en fragilisant les capacités d'investissement et d'autonomie financière, fragilisera de fait le service public, et donc les fonctionnaires.
En nous inspirant du Conseil d'orientation des retraites, mis en place par le précédent gouvernement, qui avait permis aux partenaires sociaux d'avoir un diagnostic partagé sur la question des retraites, nous avons installé un observatoire de l'emploi public auquel les syndicats peuvent demander les statistiques dont ils ont besoin pour asseoir leur réflexion sur l'évolution des salaires. Car, selon que l'on prend les statistiques de Bercy, de l'INSEE ou d'autres organismes, on aboutit à des résultats différents !
Deuxième remarque : la négociation salariale relève de la seule autorité du Gouvernement, quel que soit le gouvernement. Il l'a menée tous les ans, tous les deux ans, en début d'année, en fin d'année... Nous avons souhaité que le rythme des négociations ne soit plus marqué par cette irrégularité en fixant que, à partir du 1er janvier 2005, la négociation serait annuelle et obligatoire. Cela me paraît constituer une avancée sociale.
Troisième et dernière remarque : puisque les négociations allaient systématiquement à l'échec, puisque aucune n'a réussi depuis plus de cinq ans... (M. Jacques Mahéas proteste.)
Depuis cinq ans, aucune négociation ne s'est conclue par une signature !
M. Jacques Mahéas. Pas la signature de tout le monde, c'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Non ! Même les négociations menées par M. Sapin, qui avait pourtant mis 25 milliards de francs sur la table, n'ont pas abouti ! Et c'est la raison pour laquelle les décisions prises étaient des décisions unilatérales !
Si les négociations salariales dans la fonction publique n'ont jamais abouti, c'est parce qu'elles étaient abordées dans une posture de confrontation, d'échec et, au fond, de refus de parvenir à un accord. Une telle posture ne nous satisfait pas parce que, en fin de compte, elle ne permet pas aux syndicats de jouer leur rôle de partenaires sociaux capables d'avancer leurs propositions et de nous accompagner dans la réforme, et parce qu'elle place systématiquement le pouvoir politique, quel que soit le Gouvernement, dans la position de l'accusé, coupable de n'avoir pas accepté l'évolution des salaires selon cette relation beaucoup trop étroite entre le point d'indice de la fonction publique et l'indice des prix.
Madame Didier, vous affirmez que la formation des fonctionnaires est négligée. Mais les crédits de formation ont été largement consommés !
Cependant, vous mettez l'accent sur l'un des chantiers que nous avons décidé d'ouvrir : celui de la formation initiale et de la formation continue. D'ailleurs, dans le projet de loi que nous soumettrons au Parlement et qui concernera aussi bien la fonction publique d'Etat que la fonction publique territoriale, la formation sera - au demeurant, comme pour l'ensemble des salariés - un élément déterminant.
Je pense que vous mettez le doigt sur un vrai sujet.
Quant à l'intervention de Yann Gaillard, dont on a pu apprécier la culture, le talent, l'humour sous une apparente placidité et la gourmandise des mots, elle était tout à fait intéressante.
Je veux vous dire, monsieur Gaillard, que nous aimons l'Etat, et on se plaint de l'Etat. Vous avez raison de dire que notre pays a besoin de la protection de l'Etat, et de stratèges de l'Etat. Vous mettez l'accent sur cette formidable réflexion de Kennedy qu'il faudrait nous appliquer à nous-mêmes. Ne nous demandons pas ce que l'Etat peut faire pour nous, posons-nous aussi la question de savoir ce que l'on peut faire pour l'Etat. Nous devons réfléchir à une politique qui ne fasse pas des citoyens de simples consommateurs de prestations de service public.
Vous avez raison de dire que la réforme de l'Etat passe par la contractualisation des relations avec les collectivités territoriales, par le réveil de la citoyenneté et par une motivation reconnue des fonctionnaires.
Vous avez très clairement indiqué que vous approuviez l'ouverture des concours de l'ENA aux ressortissants communautaires. Nous aurons le souci d'appliquer le droit communautaire dans la fonction publique.
Pour faciliter la mobilité, nous nous inspirerons du rapport Berger sur la déontologie de façon à permettre une meilleure « respiration » entre les trois fonctions publiques comme entre le secteur privé et le secteur public.
Le principe d'égalité veut en outre qu'un fonctionnaire qui s'investit dans une carrière politique et est absent à 100 % de son administration n'ait pas le même déroulement de carrière que le fonctionnaire qui, lui, est à 100 % présent dans son administration. C'est la raison pour laquelle nous proposons que le fonctionnaire qui se lance dans une carrière politique soit mis en disponibilité et non pas en détachement.
Enfin, vous indiquez qu'il convient de toucher l'ENA, comme disait Flaubert, avec le manteau de Tanit. Je ne sais pas si vous étiez dans la peau du général Hamilcar ou de la belle Salammbô, mais je sais que vous n'êtes insensible ni à la beauté ni à la conquête, cher Yann Gaillard, connaissant votre tempérament tempétueux, batailleur, conquérant et, en même temps, séduisant. Je vous répondrai simplement que je ne voudrais pas non plus qu'en touchant à l'ENA je fasse son malheur. Au contraire, c'est pour faire en sorte qu'elle soit plus belle, plus resplendissante, et qu'elle puisse recueillir les fruits de la victoire de l'élite administrative, à laquelle nous sommes les uns et les autres très attachés.
C'est la raison pour laquelle nous avons, contrairement à votre idée, non pas prévu un concours d'entrée, mais mis en place une dominante professionnelle permettant à l'élève de choisir le corps dans lequel il souhaiterait entrer.
L'élève ne sera plus propriétaire, en quelque sorte, d'un poste qu'il pourrait préempter. Au contraire, grâce à cette qualification et à cette reconnaissance de compétence, l'administration pourra, sur le bilan non seulement d'un savoir mais aussi d'un savoir-faire, lui établir un profil de carrière lui permettant d'être le plus performant possible dans l'exercice de ses fonctions.
Le débat sur la fonction publique est éternel, tout simplement parce que nous sommes extrêmement attachés, les uns et les autres, aux outils de régulation publique et au secteur public.
En tout cas, nous devons avoir pour objectif la satisfaction de l'usager, pour moteur la responsabilisation du fonctionnaire et pour intérêt l'efficacité du service public.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné le vendredi 28 novembre les crédits relatifs à la communication et hier, jeudi 4 décembre, les autres crédits relatifs aux services généraux du Premier ministre.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 17 301 740 euros. »
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, je le répète : il y a bien eu une baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires de 3,5 % depuis que vous êtes responsable de ce ministère.
Il n'y aura aucune avancée dans le cadre des négociations annuelles si ces négociations se soldent par des années blanches comme 2003.
Tout ce que j'ai dit, c'est que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, il y avait au contraire eu un gain de pouvoir d'achat. Lionel Jospin est resté au gouvernement pendant cinq ans - je conçois que cela vous ait semblé long - et il faut donc partir de l'année 1997, et non pas de 2000. Les négociations salariales ont ainsi été extrêmement positives pour les fonctionnaires en 1998 et en 1999. Ce que j'ai donc dit, c'est que sous le gouvernement de Lionel Jospin, il n'y avait pas eu d'année blanche et que jamais en si peu de temps on n'avait vu le pouvoir d'achat des fonctionnaires baisser de 3,5 % !
Cela étant dit, j'ai bien écouté vos longues explications. Vous taxez les Français d'« irresponsables individuels », qui demandent que les services publics les prennent en charge.
Mais où avez-vous vu cela, monsieur le ministre ? Dans votre commune ?
Dans la mienne, je vois des citoyens responsables qui constatent que les salaires n'augmentent pas et que le dialogue social est complètement bloqué. Les organisations syndicales ne veulent même plus participer aux réunions !
Je crois donc que votre discours est inadapté. La légitimité du service public, c'est certes sa qualité, mais un instituteur aura beau être brillant, s'il a trente-cinq élèves, il s'en sortira moins bien que s'il n'en a que vingt-cinq. C'est évident. Un fonctionnaire, quelles que soient les missions qui lui sont confiées, ne les remplira avec succès vis-à-vis du public que s'il a des conditions de travail satisfaisantes.
Bien évidemment, les 5 200 000 fonctionnaires mériteraient un débat plus approfondi que ces quelques minutes, dans une nuit de vendredi à samedi. Franchement, ce n'est pas très sérieux.
J'ai moi-même été fonctionnaire pendant très longtemps. Je pense avoir été un fonctionnaire convenable, toujours bien noté, avec le souci du service. Je ne peux donc accepter ni votre discours, monsieur le ministre, ni celui de M. le rapporteur spécial. Je suis du côté des défenseurs de la fonction publique, et j'y reste !
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 14 093 406 euros. »
Je mets au voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 29 400 000 euros ;
« Crédits de paiement : 11 421 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 104, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 105, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs. Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table et modifiant le règlement (CEE) n° 827/68.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2457 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Rapport de la Commission au Conseil sur les tendances de la production dans les différents Etats membres, et l'impact de la réforme de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre destinés à la production de fibres sur les débouchés et la viabilité économique du secteur. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1673/2000 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre destinés à la production de fibres.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2458 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux piles et accumulateurs usagés.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2459 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 8 décembre 2003, à neuf heures trente, seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 72 et 73, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 39).
JusticeProcédure des questions et des réponses avec un droit de réplique des sénateurs.
(et article 79) :
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 27) ;
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (services généraux, avis n° 78, tome IV) ;
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 78, tome V) ;
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 78, tome VI).
Articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60 bis, troisième alinéa du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2004 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 9 décembre 2003.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 6 décembre 2003, à une heure trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD