SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 2).

3. Commission mixte paritaire (p. 3).

4. Désignation d'un sénateur en mission (p. 4).

5. Mécénat, associations et fondations. - Discussion d'un projet de loi (p. 5).

Discussion générale : MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Christian Gaudin, Gérard Miquel, Ivan Renar, Philippe Richert, Marcel Vidal, Paul Dubrule.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

M. le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance (p. 6)

Article 1er (p. 7)

MM. Jack Ralite, Pierre Laffitte.

Amendement n° 41 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. Gérard Miquel, le rapporteur, le ministre, Jean Chérioux, Ivan Renar. - Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de la commission et sous-amendement n° 52 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. le rapporteur, Gérard Miquel, le ministre, Philippe de Gaulle, Michel Charasse. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement n° 42 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. Gérard Miquel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 7 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement n° 71 de M. André Ferrand. - MM. André Ferrand, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendements n°s 43 rectifié, 47 rectifié de M. Gérard Miquel, 29 rectifié de M. Pierre Laffitte, 53 de M. Daniel Raoul et 66 rectifié de M. Jean-Claude Carle. - MM. Gérard Miquel, Pierre Laffitte, Daniel Raoul, Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre. - Retrait des amendements n°s 29 rectifié et 66 rectifié ; rejet des amendements n°s 43 rectifié, 47 rectifié et 53.

Amendement n° 17 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement n° 46 rectifié de M. Gérard Miquel. - Devenu sans objet.

Amendement n° 8 de la commission ; amendements identiques n°s 30 rectifié de M. Pierre Laffitte et 44 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 8, les autres amendements étant devenus sans objet.

Amendement n° 48 rectifié de M. Gérard Miquel. - Devenu sans objet.

Amendements n°s 9 de la commission et 45 rectifié de M. Gérard Miquel. - Adoption de l'amendement n° 9, l'amendement n° 45 rectifié étant devenu sans objet.

Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 8)

6. Rappel au règlement (p. 9).

Mme Nicole Borvo, M. le président.

7. Mécénat, associations et fondations. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 10).

Article 1er bis (p. 11)

Amendements n°s 35 de M. Christian Gaudin et18 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pouravis. - MM. Christian Gaudin, Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances ; Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. - Retrait des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 1er ter (p. 12)

Amendements n°s 19 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, 11 de la commission et sous-amendement n° 73 du Gouvernement ; amendement n° 39 de M. Pierre Laffitte. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre, Jacques Pelletier, Jean Chérioux. - Retrait des amendements n°s 39 et 19 ; adoption du sous-amendement n° 73 et de l'amendement n° 11 modifié.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er ter (p. 13)

Amendement n° 20 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 14)

Amendement n° 54 de M. Ivan Renar ; amendements identiques n°s 12 rectifié de la commission, 21 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, et 31 rectifié de M. Pierre Laffitte ; amendements n°s 36, 37 de M. ChristianGaudin, 49 rectifié bis de M. Gérard Miquel et 67 de M. Jean-Claude Carle. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le rapporteur pour avis, Jean-Claude Carle, Christian Gaudin, Gérard Miquel, le ministre, JeanChérioux, Ivan Renar, Jean-Pierre Fourcade. - Retrait des amendements n°s 12 rectifié, 21, 31 rectifié, 36 et 37 ; rejet des amendements n°s 54 et 49 rectifié bis ; adoption de l'amendement n° 67.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2 (p. 15)

Amendement n° 32 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendements n°s 55 et 56 de M. Ivan Renar. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendements n°s 34 rectifié et 33 rectifié de M. Pierre Laffitte. - M. Pierre Laffitte. - Retrait des deux amendements.

Article 3 (p. 16)

Amendement n° 57 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 13 rectifié de la commission. - Retrait.

Amendement n° 72 de M. André Ferrand. - Devenu sans objet.

Amendement n° 58 de M. Thierry Foucaud. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 22 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - Retrait.

Amendement n° 59 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 60 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 14 rectifié bis de la commission et sous-amendement n° 23 rectifié de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre, Ivan Renar, Michel Moreigne. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 69 rectifié de M. Jean-Claude Carle. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3 (p. 17)

Amendement n° 70 de M. Jean-Claude Carle. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 4 (p. 18)

Amendement n° 15 rectifié ter de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement n° 50 rectifié bis de M. Gérard Miquel. - M. Michel Moreigne. - Devenu sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4 (p. 19)

Amendement n° 24 rectifié de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre, Pierre Laffitte. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 40 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 4 bis (p. 20)

Amendement n° 25 rectifié de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 5 (p. 21)

Amendement n° 51 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. Michel Moreigne, le rapporteur, le ministre, Pierre Laffitte. - Retrait.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 22)

Amendement n° 61 rectifié de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre, Pierre Laffitte. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 62 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement n° 63 rectifié de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 6 (p. 23)

Amendement n° 26 rectifié de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 77 du Gouvernement. - MM. le rapporteur pour avis, le ministre, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 6 (p. 24)

Amendement n° 27 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le ministre. - Retrait.

Article 7 (p. 25)

Amendements n°s 28 de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, et 16 de la commission. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre, Jean Chérioux, Michel Moreigne. - Retrait de l'amendement n° 28 ; adoption de l'amendement n° 16 rédigeant l'article.

Article 8 (p. 26)

Amendement n° 64 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 8 (p. 27)

Amendement n° 38 de M. Christian Gaudin. - M. Christian Gaudin. - Retrait.

Amendement n° 1 de M. Daniel Hoeffel. - MM. Daniel Hoeffel, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 2 de M. Daniel Hoeffel et sous-amendement n° 74 du Gouvernement. - MM. Daniel Hoeffel, le ministre, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 3 de M. Daniel Hoeffel et sous-amendement n° 75 du Gouvernement. - MM. Daniel Hoeffel, le ministre, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 4 de M. Daniel Hoeffel. - MM. Daniel Hoeffel, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 5 de M. Daniel Hoeffel. - MM. Daniel Hoeffel, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 65 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Vote sur l'ensemble (p. 28)

MM. Michel Moreigne, Ivan Renar, Pierre Laffitte, Jean-Claude Carle, le rapporteur, le rapporteur pour avis.

Adoption du projet de loi.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 29)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

8. Consultation des électeurs de Corse. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 30).

M. le président.

Discussion générale : M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois.

MM. le président, René Garrec, président de la commission des lois.

Suspension et reprise de la séance (p. 31)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

MM. Nicolas Alfonsi, Bernard Frimat, Mme Hélène Luc, MM. Paul Girod, Michel Mercier, Jean-ClaudePeyronnet, François Autain, Paul Natali, Jean-Pierre Bel.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Demande de renvoi à la commission (p. 32)

Motion n° 22 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

MM. le président, le ministre,

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Dépôt de propositions de loi (p. 33).

10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 34).

11. Dépôt de rapports d'information (p. 35).

12. Ordre du jour (p. 36).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre de suivante :

« Paris, le 9 mai 2003

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi de programme pour l'outre-mer, déposé sur le bureau du Sénat le 12 mars 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« SIGNÉ : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

3

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.

« J'adresse, ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« SIGNÉ : Jean-Pierre Raffarin »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

4

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 9 mai 2003 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer M. Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche.

Acte est donné de cette communication.

5

MÉCÉNAT, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. 1er (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 234, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. [ Rapport n° 278 (2002-2003) et avis n° 279 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui consacre incontestablement l'une des priorités du Gouvernement. Comme s'y était engagé M. le Premier ministre, il prévoit en effet un important programme de mesures en faveur du mécénat, des fondations et des associations qui concourent à l'intérêt général.

Il s'agit d'une véritable réforme des dispositions juridiques et fiscales encourageant et facilitant le développement du mécénat et des fondations dans notre pays. Cela suppose aussi une évolution des mentalités de nos concitoyens, afin qu'ils soient mieux mobilisés sur les objectifs du mécénat.

Cette réforme, au même titre que la décentralisation, exprime la confiance que le Gouvernement attache à la prise de responsabilité de la société civile, entreprises et particuliers, à travers, notamment, les associations et les fondations.

L'engagement plus marqué de la société civile est en effet souhaitable, aux côtés des politiques et en sus des actions conduites par l'Etat et par les collectivités territoriales. Car l'encouragement donné au mécénat n'est en rien le signe d'un désengagement des collectivités publiques en faveur de tel ou tel domaine relevant de l'intérêt général. A mes yeux, l'action publique et la générosité des particuliers et des entreprises ne sont pas des vases communicants, comme si l'abondance de l'une épuisait l'autre, mais bien des fleuves convergents, visant au développement global de notre pays.

Cette réforme a été élaborée après l'examen attentif des nombreuses réflexions menées en France sur ce sujet par divers organismes et associations ; je pense notamment à l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, l'ADMICAL. Elle est le fruit d'une concertation avec les acteurs concernés, notamment tous les ministères dont l'action pourra bénéficier de la générosité de nos concitoyens, dans des domaines aussi divers que la santé, la solidarité, la recherche, l'enseignement, les sports et, bien entendu, la culture.

C'est également en étroite liaison avec le ministère de l'intétieur, s'agissant des fondations, mais aussi avec le ministère des finances, concernant les mesures fiscales, que le texte qui vous est soumis a été préparé.

Ce projet de loi vise à stimuler, par la voie des incitations fiscales, la participation de la société civile aux actions d'intérêt général. La France accuse incontestablement un retard considérable dans ce domaine par rapport à d'autres pays d'Europe et aux Etats-Unis. Je ne citerai qu'un chiffre : aux Etats-Unis, dans des conditions certes très différentes, l'apport du mécénat représente environ 217 milliards d'euros, soit 2,1 % du PIB, contre seulement 0,09 % en France.

La générosité des Français n'est pas en cause. Elle se manifeste d'ailleurs dans des circonstances exceptionnelles et elle ne demande qu'à être mobilisée. C'est la détermination des pouvoirs publics qui, jusqu'à présent, manquait peut-être de lisibilité et d'enthousiasme. Cette détermination, la réforme du mécénat et des fondations vise à la rendre plus lucide, plus forte, plus lisible.

Cette réforme se déploie en trois grandes directions, qui ont pour point commun la recherche de la simplification - j'insiste sur ce point -, de l'efficacité et de la neutralité : l'Etat doit en effet respecter la libre volonté des citoyens et des entreprises de consacrer leur générosité à telle ou telle cause.

Il s'agit, d'abord, de développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales. Il s'agit, ensuite, de favoriser le mécénat des entreprises par un doublement de l'encouragement fiscal. Il s'agit, enfin, d'alléger la fiscalité des fondations.

Pour ce qui est des dons des particuliers, les avantages prévus par ce projet de loi revêtent la forme d'allégements d'impôt sur le revenu, qui profitent aux dons destinés à des oeuvres et à des associations d'intérêt général ainsi qu'aux fondations. Ces avantages portent également sur les impositions exigibles à l'occasion de la transmission d'un capital.

En ce sens, le projet de loi augmente le volume de la réduction d'impôt, qui passe de 50 % à 60 % du montant du don ; il double le plafond de la réduction d'impôt, qui passe de 10 % à 20 % du revenu imposable ; il offre aux donateurs - c'est là une mesure très importante - la possibilité d'étendre sur cinq ans l'avantage fiscal de leur générosité au-delà du plafond des 20 % ; il permet aux donateurs héritiers d'une succession de bénéficier d'une exonération totale des droits de succession sur leur don, ce qui me semble la moindre des choses. Initialement réservée aux fondations, cette possibilité a été ouverte, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, aux associations reconnues d'utilité publique.

Je crois utile de préciser que le bénéfice des réductions fiscales, y compris celles qui sont prévues par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts, s'applique également aux dons reçus par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pour la totalité de leurs activités non lucratives.

Je souligne que cette réforme s'inspire, concernant le taux de la réduction d'impôt, du dispositif actuel sur la restauration et l'hébergement d'urgence. Elles procède en effet à une harmonisation par le haut de toutes les aides apportées aux oeuvres d'intérêt général. Elle supprime en oure le plafond de 407 euros qui restreignait la générosité publique dans ce secteur. Le Gouvernement n'a pas souhaité réintroduire de dispositif spécifique en cette matière, afin de ne pas discriminer, positivement ou négativement, telle ou telle action caritative ou d'intérêt général.

Pour ce qui est des dons des entreprises, il est proposé de doubler l'avantage fiscal qui leur est consenti, afin de mieux les inciter à prendre une part active aux actions d'intérêt général en France, d'abord, en introduisant une réduction d'impôt égale à 60 % du montant du don consenti à une association, une fondation ou une oeuvre d'intérêt général, ensuite, en élevant le plafond de la réduction d'impôt de 2,25 ou 3,25 à 5 du chiffre d'affaires des entreprises.

Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur un amendement qui, présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, vise à améliorer le régime de réduction fiscale s'appliquant à l'acquisition de « trésors nationaux ».

Les dispositions actuelles relatives à l'acquisition de trésors nationaux ont été prévues par la loi du 2 janvier 2002 relative aux musées de France. J'ai plaisir à rappeler ce que ces dispositions doivent à la sagesse de votre assemblée, notamment de ses commissions des affaires culturelles et des finances, plus particulièrement à l'engagement du rapporteur de ce texte, votre collègue Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin.

Je rappelle que la réduction d'impôt est égale à 90 % des dons des entreprises concourant à l'achat par l'Etat de trésors nationaux menacés d'exportation. Est considérée comme trésor national une oeuvre que son propriétaire souhaite envoyer à l'étranger mais à laquelle l'administration refuse, compte tenu de son importance, de donner un visa de sortie du territoire.

La disposition votée par l'Assemblée nationale étend cet avantage aux achats par l'Etat d'oeuvres, qu'elles soient d'origine française ou étrangère, présentant un intérêt majeur pour notre pays bien qu'elles se trouvent hors du territoire national.

Le droit actuel permet d'empêcher la sortie du territoire d'une oeuvre importante ; on peut penser à tel tableau remarquable de Van Dyck. Mais, paradoxalement, il ne permet pas à une entreprise de concourir à l'acquisition, par exemple, d'un meuble ayant appartenu aux collections royales. Naturellement, il faut que les entreprises puissent être mobilisées sur ce type d'acquisition.

L'Assemblée nationale a également proposé de préciser dans la loi que les dons manuels aux organismes d'intérêt général bénéficient tous d'une exonération des droits de donation. Je me félicite de cette disposition, qui correspond parfaitement à l'esprit de réforme.

La réforme serait incomplète si elle ne traitait pas en profondeur de la question des fondations. Le texte améliore leur régime fiscal : il renforce, pour les fondations d'utilité publique, l'abattement de l'impôt sur les sociétés, qui passe de 15 000 à 40 000 euros ; par ailleurs, il permet aux salariés de contribuer à la fondation de leur entreprise et de bénéficier de la réduction d'impôt de 60 % sur leurs dons.

J'ajoute que le relèvement à 20 % du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu et la possibilité de report sur cinq ans ont été conçus en grande partie afin de permettre aux particuliers de constituer la dotation initiale d'une fondation à travers un don d'un montant exceptionnellement élevé. Je tiens à souligner que ce dispositif est plus favorable que le régime allemand, souvent cité dans ce domaine, et qu'il correspond tout à fait à l'esprit de la réforme.

Une autre mesure, très importante pour les fondations, porte sur la garantie du régime des donations temporaires d'usufruit. Ce dispositif consiste à apporter l'usufruit d'un bien, d'un capital, à un organisme d'intérêt général - le plus souvent une fondation - le donateur conservant, pour sa part, la nue-propriété du bien.

Cette possibilité est légale et couramment utilisée par la Fondation de France et l'Institut de France, mais il a été décidé de clarifier les conditions de son exercice par voie d'instruction fiscale pour mieux la protéger de certaines tentations de remise en cause, suscitées par les risques d'abus de droit.

Je ne souhaite pas m'étendre sur un débat technique qui sera résolu par voie administrative, mais je tenais à rappeler que la donation temporaire d'usufruit est un levier important de la générosité publique et que le Gouvernement est bien décidé à le préserver.

Outre ces dispositions fiscales, le Premier ministre a déjà, par une circulaire en date du 1er avril 2003, réduit à six mois la durée d'objectif de reconnaissance d'utilité publique des fondations en introduisant un régime d'approbation tacite. Les avis rendus par les ministères techniques compétents doivent être communiqués dans un délai de deux mois, au-delà duquel ils sont réputés - même s'ils n'ont pas été émis - positifs.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat a, le 2 avril dernier, adopté, à la demande du Gouvernement, l'assouplissement des statuts types des fondations reconnues d'utilité publique. Les fondations pourront désormais être créées avec un capital réduit, voire sans capital, la seule obligation étant d'apporter l'assurance qu'elles bénéficieront de revenus réguliers tout au long de leur existence.

Cet effort important consenti par la collectivité publique implique naturellement une responsabilité tout aussi grande des organismes bénéficiaires. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a tenu, en première lecture, à améliorer la sécurité juridique et fiscale des bénéficiaires du mécénat, en leur ouvrant la possibilité d'interroger préventivement l'administration fiscale pour savoir s'ils entrent bien dans le champ d'application de la réduction d'impôt.

Des mesures ont été prises pour garantir, par ailleurs, la transparence de l'emploi des fonds par les organismes bénéficiaires du mécénat. Ce dispositif est équilibré, mais les modalités de son application peuvent être améliorées. Je sais que les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont formulé des propositions en ce sens, notamment pour que les obligations de certification et de publicité des comptes ne portent que sur les associations et fondations les plus importantes et pour que les plus petites ne se voient naturellement pas imposer des charges exorbitantes.

Permettez-moi, pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, de souligner la qualité des travaux réalisés par votre assemblée, notamment par votre commission des finances et votre commission des affaires culturelles, sur ces questions. Vous connaissez bien le terrain et, par conséquent, le potentiel de générosité de nos concitoyens. Vous connaissez également l'immensité du champ des actions qui pourraient se développer si des conditions plus « toniques » étaient aménagées en leur faveur par la loi.

C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette réforme-là que j'invite votre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, vous êtes vraiment un homme heureux ! Dans une période difficile, où l'on ne parle que d'économies, voici que vous conduisez un train chargé de déductions fiscales en faveur des mécènes.

Quelque esprit malin vous objectera peut-être que c'est justement parce que l'Etat mesure désormais sa générosité qu'il invite la société civile à le remplacer, mais vous avez déjà répondu à cette objection devant les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat, réunies voilà quinze jours pour vous entendre : non, il ne s'agit pas d'un désengagement de l'Etat, puisque celui-ci cofinance cette générosité sociétale. Il s'agit de bien autre chose, d'un dessein profond et philosophique.

Le sobre exposé des motifs qui accompagne votre projet de loi est, à cet égard, sans ambiguïté. Il met en avant la même idée que celle qui sous-tend la réforme décentralisatrice voulue par M. le Premier ministre. L'Etat ne monopolise plus l'intérêt général. Comme les collectivités décentralisées, les entreprises, les simples citoyens doivent considérer qu'ils en portent une parcelle. N'est-ce pas là, au sein de cette République qui nous rassemble tous, sur ces travées, une honorable ligne de clivage entre la gauche et la droite ?

D'aucuns vous diront peut-être aussi, monsieur le ministre, que la dépense fiscale est, à tout prendre, moins douloureuse pour votre collègue du budget que la dépense tout court, ne serait-ce que parce qu'elle est difficile à évaluer.

Quel est le coût prévisible de celle-ci ? Le coût des mesures proposées aux particuliers s'élèverait à environ 75 millions d'euros. Celles qui sont offertes aux entreprises sont plus difficiles à évaluer. Prenons pour le tout 150 millions d'euros comme un ordre de grandeur raisonnable. Au demeurant, si cette loi devait avoir trop de succès, si les mécènes s'y engouffraient en rangs serrés, nul doute que la direction générale des impôts trouverait quelque moyen de freiner leur enthousiasme.

Tout comme celle de l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale ne peut manquer de faire bon accueil à ce texte, d'autant qu'elle l'avait quelque peu devancé : quand nous avons, dans la loi de finances pour 2003, introduit une mesure en faveur de la Fondation nationale du patrimoine - en la faisant bénéficier d'une part qui, j'espère, sera honnête, du produit des successions en déshérence - qu'avons-nous fait d'autre ? Avec satisfaction, j'ai relevé que, dans une récente note, le porte-parole du Gouvernement, M. Jean-François Copé, a inclus cette réforme que le Parlement venait d'adopter dans le dispositif revendiqué par le Gouvernement.

Ce faisant, l'exposé des motifs l'avoue tout net, et le ministre de la culture et de la communication nous l'a redit, notre pays ne fait que tenter de rattraper son retard. C'est surtout vrai pour ce qu'on pourrait appeler la « générosité organisée » : 1 000 fondations ici, dont la moitié abritées par la Fondation de France, pour 2 000 en Allemagne, 3 000 en Angleterre, sans même parler des 10 000 fondations américaines. Eh oui ! L'art de fonder n'est pas notre fort, malgré la loi de 1990 sur les fondations d'entreprise ! Confondues dans le monde des « RUP », fondations et associations « reconnues d'utilité publique », les fondations regrettent que, dans ce texte, leur spécificité ne fasse pas l'objet d'un traitement suffisamment particulier.

A l'Assemblée nationale, l'amendement Herbillon a augmenté l'abattement prévu par le Gouvernement pour l'impôt sur les sociétés auquel les fondations sont soumises. Il doublait, passant de 15 000 à 30 000 euros ; les députés l'ont porté à 40 000 euros.

Il a semblé à la commission des finances qu'il fallait privilégier les revenus produits par la dotation, qui est, en somme, le moyen de travail des fondations reconnues d'utilité publique et dont l'usage est strictement lié à leur objet social. D'où l'amendement que nous avons déposé qui en propose la pure et simple exonération. A ce stade, nous n'avons pas jugé possible d'étendre notre sollicitude aux revenus tirés des activités lucratives des fondations, fussent-elles indissolublement liées à l'objet social.

Cette idée intéressante a été présentée avec insistance, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Plusieurs amendements reviendront d'ailleurs sur ce sujet et nous permettront peut-être d'aboutir à un point d'équilibre. Je ne sais pas si le Gouvernement nous suivra dans notre modeste pas en avant, mais nous verrons bien ! (M. le ministre sourit.)

En ce qui concerne non plus les organismes qui recueillent les dons, mais les donateurs eux-mêmes, particuliers et entreprises, le texte qui nous est soumis correspond à un nouveau progrès, plus important encore que la loi de 1987. Ce progrès ne réside pas dans l'extension du champ d'application, qui était déjà très large puisqu'il englobait les dons aux organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, familial, culturel ou qui concourent à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

On notera au passage que cette énumération a parfois un caractère redondant. Pour ne citer qu'une bizarrerie, concernant le domaine culturel, pourquoi viser deux des quatre missions du ministère, conservation et diffusion - je ne sais d'ailleurs pas si cette vision sera retenue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances - en excluant l'encouragement à la création, que nous proposons, pour notre part, de reprendre dans le texte ? Quant à la quatrième mission, l'enseignement, elle est citée plus bas, au c de l'article 3, avec l'enseignement supérieur.

Il semble - sans vouloir être taquin - qu'une récriture réfléchie de cette partie du projet de loi n'aurait pas été inutile. Mais l'essentiel, c'est que rien d'important n'ait été omis. Sans doute a-t-on préféré se répéter plutôt que susciter des inquiétudes. Ainsi, dans le f de l'article 1er, le Gouvernement recopie la disposition de l'article 261 sur les organismes sans but lucratif qui procurent aux personnes en difficulté nourriture, logement ou soins. Or, auparavant, cet article leur accordait un avantage comparable, puisque la réduction d'impôt qui était consentie à leurs donateurs était de 60 %, contre 50 % en règle générale. Cet avantage disparaîtra, les 60 % s'appliquant à tous.

La commission des finances propose donc de donner un contenu positif à cette mention qui, sans cela, n'aurait pas d'objet. Quitte à ébrécher la simplicité du texte, mais sans trop toucher aux 60 % de réduction d'impôt, elle propose de porter le second curseur, le plafond que le Gouvernement a relevé de 10 à 20 %, jusqu'à 25 % du revenu imposable. C'est une mesure symbolique, mais elle paraît importante dans l'esprit des animateurs de ces organismes. D'ailleurs, de nombreux amendements seront déposés sur ce sujet.

Quoi qu'il en soit, notons bien que, dans notre société avancée, ce qu'on appelait jadis la charité publique reste, hélas ! d'actualité : il suffit de voir le spectacle des SDF, des sans-domicile fixe, dans les rues de Paris et de nos grandes villes de province.

L'ingénieuse et généreuse disposition qui permet le report des excédents au plafond accroît de beaucoup l'intérêt de la loi. A la limite, le contribuable pourrait, sur cinq ans, faire effacer l'intégralité d'un don.

Quant aux entreprises, elles bénéficient elles aussi du taux de 60 % de réduction d'impôt et du report sur cinq ans, dans la limite de 5 du chiffre d'affaires. Mais l'essentiel, c'est le passage d'un système de déduction de charges à un système de réduction d'impôts, sous réserve de leur objet social ; l'optimisation fiscale des plus généreuses, ou des plus habiles, peut être doublée.

Je ne m'étendrai pas sur certaines difficultés d'application d'un texte comme celui-ci. Les intéressés, l'administration fiscale et, sans doute, la jurisprudence auront à résoudre des questions délicates que le rapport écrit évoque dans la mesure où, avec l'augmentation des taux et des plafonds, on quitte la pure logique de flux pour entrer dans un système mixte faisant, en partie, place à une logique de stocks qui permettra de donner des biens en capital, par exemple des immeubles ou des titres.

Mes chers collègues, la commission des finances se méfie des improvisations législatives quand la matière ne lui semble pas mûre. Elle s'est donc contentée de vous présenter un nombre peu élevé d'amendements et a souhaité surenchérir le moins possible sur l'Assemblée nationale, qui a déjà apporté des améliorations sensibles au texte, telles que la participation des salariés aux fondations d'entreprise.

J'ai, au cours de ce propos introductif, fait allusion à certains amendements que la commission a l'intention de vous soumettre et qui tendent à donner une meilleure visibilité aux oeuvres charitables, aux fondations et à l'art contemporain. A cet égard, un autre amendement, que je n'avais pas encore mentionné, vous sera proposé tendant à alléger les obligations d'exposition pour les achats d'oeuvres par les entreprises, étant précisé que la commission des affaires culturelles a déposé un amendement parallèle concernant l'achat des instruments de musique.

La commission des finances a laissé à la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, le soin d'accroître l'efficacité de la mesure récente relative aux trésors nationaux, que nous avions adoptée dans la loi du 4 janvier 2002, en permettant non seulement de les faire rester, mais aussi de les faire revenir en France.

J'en viens à la question du contrôle et du suivi de l'argent public que l'Assemblée nationale a eu le mérite de poser et au sujet de laquelle mon sentiment est qu'il faut choisir entre deux philosophies du contrôle de la dépense : la première, plus régalienne et plus traditionnelle, consiste à soumettre les organismes qui sont ainsi aidés indirectement par l'Etat au contrôle des corps spécialisés, notamment de la Cour des comptes ; la seconde, plus libérale et décentralisatrice, se borne à permettre aux citoyens, en particulier aux donateurs, d'avoir accès à des informations et spécule sur l'intérêt des associés ou des contributeurs pour faire rendre des comptes aux responsables des organismes considérés.

S'agissant du contrôle administratif, le Gouvernement n'a rien prévu de bien nouveau, laissant jouer les réglementations, fort diverses, que les années ont apportées avec elles et dont le caractère tatillon n'est pas toujours exempt d'inefficacité. Pensez à tous les dépôts de documents dans les préfectures qui n'ont guère d'autre utilité que d'en garnir les placards. Il s'est d'ailleurs refusé à présenter une loi sur le statut des fondations, laissant faire la procédure en cours au Conseil d'Etat, qui a débouché tout récemment sur de nouveaux statuts types.

Mais j'ai appris que le Gouvernement va nous soumettre un amendement très important visant à remanier ces dispositions sur le contrôle.

L'Assemblée nationale a posé un principe : publicité et certification des comptes dans des conditions définies par décret. Elle a confié la responsabilité suprême de ce contrôle à la Cour des comptes par un amendement voté en séance et sur lequel la Cour n'avait pas été consultée, sinon dans le for intérieur de l'auteur de l'amendement, notre éminent collègue Charles-Amédée de Courson.

Il convient de définir une gradation suivant la taille des organismes afin de ne pas écraser les petites associations. Mais, là encore, je pense que l'amendement du Gouvernement qui tendrait à donner valeur législative à cette notion de seuil à laquelle nous tenons nous permettra de parvenir à une solution de nature à donner satisfaction à la commission des finances et à celle des affaires culturelles.

En ce qui concerne le niveau supérieur du contrôle, il n'a pas paru souhaitable de confier cette compétence à la Cour des comptes, qui, lors de la consultation à laquelle j'ai procédé, l'a formellement déclinée pour des raisons tant de principes que de moyens. Il faut dès lors se rebattre sur l'Inspection générale des finances et sur celles des ministères compétents. On se souvient du rôle très positif qu'ont joué certaines d'entre elles, comme l'Inspection générale des affaires sociales, pour mettre fin à certains scandales qui sont dans toutes les mémoires.

Je voulais enfin dire quelques mots du contrôle fiscal, mais M. le ministre nous a donné des précisions par rapport à ce que nous savions.

Je me contenterai d'indiquer que le contrôle fiscal n'a pas pour objet de vérifier la fidélité des associations ou des fondations à leur objet social, ni de s'assurer de leur transparence vis-à-vis de leurs membres donateurs. C'est l'objet des contrôles administratifs. Le contrôle fiscal, qui est certes légitime, ne doit pas aboutir à tarir la source de la générosité publique par des interprétations trop rigides de la notion d'abus de droit.

S'agissant des fondations avec donations temporaires d'usufruit, notamment du problème de certaines institutions éminentes de la République. M. le ministre m'a donné des assurances qui dépassent ce que j'attendais. Je l'en remercie.

Permettez-moi enfin, monsieur le ministre, de me féliciter d'avoir eu, en tant que rapporteur, comme interlocuteur sur cet excellent texte le ministre de la culture.

Si le mécénat a bien été mentionné dans votre décret d'attribution, je veux y voir le signe de l'importance que le Gouvernement dans son ensemble et, au premier chef, le Premier ministre, accorde à la question, ainsi que la traduction de votre engagement pour faire aboutir, avec le soutien d'Alain Lambert, ministre du budget, un nouveau cadre fiscal de nature à relancer la générosité publique en France et y développer, ce qui, après tout, est bien normal venant du ministre de la culture, une véritable « culture du mécénat ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles du Sénat a de très longue date manifesté l'intérêt qu'elle porte au développement du mécénat et à la mise en place d'un cadre juridique et fiscal qui permette à celui-ci de se développer.

A la faveur de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, puis de la loi du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprises et, enfin, plus récemment, de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, la commission, sur l'initiative de son rapporteur Philippe Richert, a pris une part déterminante dans l'introduction de mécanismes d'incitations fiscales pour encourager les entreprises à participer à la protection du patrimoine national en finançant l'acquisition d'oeuvres majeures.

Cet intérêt se justifie, et je ne peux que me féliciter du texte que le Gouvernement nous présente, parce que le mécénat en France, en dépit des réformes que j'évoquais à l'instant, reste peu développé par rapport à la situation qui prévaut dans d'autres pays européens voisins du nôtre, a fortiori aux Etats-Unis.

Sans doute faut-il voir dans ce retard du mécénat en France le poids d'une tradition qui donne à l'Etat le monopole de l'intérêt général et nourrit, à l'égard des corps intermédiaires - montrés du doigt, souvenons-nous-en, par la Révolution dès 1789 - la plus grande méfiance. C'est particulièrement vrai dans le domaine culturel où la République, en créant le ministère de la culture, a repris les habits de mécène de la couronne avec le souci non seulement d'encourager la création nationale, mais également de garantir l'accès de tous à la culture et à l'art.

Il en est résulté une suspicion très largement partagée tant par les responsables administratifs que par le monde culturel et artistique à l'égard du mécénat représenté souvent de manière caricaturale comme la mainmise d'intérêts mercantiles sur les créations de l'esprit.

De plus, l'omniprésence de l'intervention de l'Etat dans ce domaine a dissuadé les citoyens et les entreprises de concourir à cet effort parce qu'il était acquis que la culture était avant tout l'affaire de l'Etat.

Aujourd'hui, les esprits ont évolué et les récentes modifications législatives ont permis de faire évoluer davantage encore l'état d'esprit de nos concitoyens. Le mécénat aujourd'hui est admis, mais avec de nombreuses limites.

Si, au contraire des mécènes de jadis, dont les collections font la richesse de beaucoup de musées d'Europe et des Etats-Unis, les entreprises hésitent encore à constituer des collections, elle s'engagent volontiers dans des actions de soutien à la diffusion et à la formation, notamment en matière musicale, et, de plus en plus, elles jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des musées qu'il s'agisse d'aider aux acquisitions d'oeuvres majeures ou de concourir aux grandes expositions. Il faut bien le dire, sans le soutien que les entreprises accordent à ces expositions, beaucoup d'entre elles ne seraient jamais présentées à un public qui leur accorde un intérêt considérable.

Le partenariat entre les entreprises, les associations et les milieux culturels apparaît donc désormais aujourd'hui comme un moyen pour les musées non seulement de conquérir de nouveaux publics, mais également de mener à bien des projets exigeants qui, sans eux, n'auraient pu être financés par des fonds publics.

Toutefois, dans le cadre législatif actuel du mécénat, ce dernier reste bridé par un certain nombre de dispositions. En France, un foyer fiscal sur quatre seulement fait preuve de générosité. C'est dire à quel point le soutien du privé à l'action d'intérêt général est peu développé. Il nous faut donc - c'est pourquoi je ne peux que me féliciter du texte que nous examinons - renforcer le soutien que l'initiative privée peut apporter à l'action publique en matière culturelle.

Le rapporteur de la commission des finances ayant fait une présentation claire et exhaustive du projet de loi, je me contenterai d'en évoquer les grandes orientations qui ont retenu l'attention de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Monsieur le ministre, le texte que vous présentez vise, tout d'abord, à améliorer la fiscalité des dons tout en la simplifiant, afin de la rendre plus attractive. Ainsi - et c'est un point essentiel - l'avantage fiscal accordé aux entreprises en matière de mécénat est doublé par rapport au dispositif actuel et les particuliers, pour leur part, bénéficient du relèvement des plafonds afin de donner à l'acte de mécénat une plus grande lisibilité et de l'encourager, c'est du moins ce que nous espérons.

Ces mesures devront s'accompagner de la part de l'administration d'actions pédagogiques auprès des donateurs, pour qu'il n'y ait pas un effet d'aubaine. Il s'agit non pas de faire financer la philanthropie par l'Etat - tel n'est pas l'objectif de ce texte - mais au contraire de créer un nouveau mouvement permanent d'aide du secteur privé en faveur de l'animation et du développement du patrimoine.

Encourager le mécénat, c'est susciter la mobilisation des énergies privées au service de l'intérêt général. Cette action passe aujourd'hui par les fondations et il faut développer les organismes qui sont chargés de recueillir les recettes de la générosité publique et d'en assurer la redistribution. Si le mécénat bénéficie d'un dynamisme incontesté du tissu associatif, il pâtit en revanche du régime juridique actuel des fondations. Le projet de loi en tire les conséquences et il vise à encourager la création des fondations. C'est une orientation que la commission des affaires culturelles a considéré comme fondamentale.

En effet, d'une part, le projet de loi vise à doubler l'abattement d'impôt sur les sociétés dont les fondations bénéficient et, d'autre part, il ouvre aux fondations d'entreprise la possibilité de recevoir des dons des salariés de l'entreprise. Par ailleurs, en matière de droits de succession, vous augmentez, monsieur le ministre, la franchise permettant aux héritiers de faire des dons aux fondations.

Toutes ces dispositions sont essentielles et vont dans le bon sens d'autant que les mesures réglementaires qui l'accompagnent ont permis, depuis quelque temps, de faire évoluer le régime des fondations. J'en veux pour preuve la récente circulaire qui a allégé la procédure de reconnaissance d'utilité publique et l'adoption par le Conseil d'Etat de nouveaux statuts types qui vont permettre d'assouplir les règles de fonctionnement des fondations reconnues d'utilité publique.

Voilà, monsieur le ministre, l'opinion que la commission des affaires culturelles a émise sur les grandes orientations de ce texte.

L'Assemblée nationale en a approuvé tant l'esprit que les dispositions et a adopté trois types de modifications.

Elle a, tout d'abord, voulu accroître le caractère incitatif des dispositifs fiscaux. En adoptant un certain nombre d'amendements, elle a conforté l'action des fondations et des associations reconnues d'utilité publique. Elle a notamment étendu aux associations reconnues d'utilité publique le bénéfice de la mesure fiscale accordée aux fondations, c'est-à-dire la franchise des droits de mutation au profit des héritiers. C'est un point essentiel. Elle a aussi permis aux associations précitées de recevoir des donations mobilières ou immobilières, ce qu'interdisait jusqu'à maintenant la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, relevé le montant de l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations reconnues d'utilité publique.

Enfin, et ce point est fondamental, elle a adopté une disposition élargissant le champ d'application de la réduction d'impôt au bénéfice des entreprises qui font des dons à l'Etat en vue d'acquérir des trésors nationaux situés hors du territoire douanier. Nous savons l'importance qu'une telle disposition peut avoir pour permettre d'enrichir le patrimoine de nos musées.

L'Assemblée nationale a également voulu assurer la sécurité fiscale des donateurs en introduisant une procédure technique essentielle, le rescrit, qui permet aux donateurs d'avoir la garantie qu'ils ne verront pas le bénéfice fiscal de leur don contesté par l'administration fiscale. Il s'agissait de renforcer la sécurité juridique des donateurs. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

L'Assemblée nationale a enfin considéré que l'ampleur de l'effort consenti par l'Etat pour encourager la générosité publique imposait aux organismes bénéficiaires un devoir renforcé de transparence, d'une part, pour permettre une meilleure information des donateurs et, d'autre part, pour garantir que la dépense fiscale sera utilisée à bon escient.

Elle a donc complété le texte par un dispositif s'articulant autour des trois mesures, à savoir la publicité des comptes, le contrôle, par le biais d'un document comptable, de la comptabilité des associations et la possibilité, non voulue par la Cour des comptes, comme l'a rappelé avec humour à l'instant M. Gaillard, de vérifier la conformité des dépenses financées par dons aux objectifs de l'organisme bénéficiaire.

La commission des affaires culturelles du Sénat, quant à elle, a voulu, en amendant le projet de loi, répondre à trois objectifs.

Tout d'abord, elle a souhaité aller plus loin pour encourager l'action des fondations.

Elle a considéré que les fondations sont le relais essentiel à l'action engagée afin d'encourager le mécénat et qu'elles sont actuellement soumises à des contraintes juridiques et financières trop contraignantes. Elle a par conséquent estimé qu'il fallait, compte tenu de la popularité des fondations auprès de l'opinion publique et de leur capacité de mobilisation des crédits, les aider, d'autant que leur action s'inscrit dans la durée.

Je proposerai donc à notre assemblée un certain nombre d'amendements, notamment un de nature fiscale, qui permettra d'encourager le développement des fondations.

La mesure relative au relèvement de l'abattement accordé aux fondations, ne modifie pas en elle-même la nature du régime fiscal des fondations et ne permet pas d'affirmer la spécificité de ces organismes qui se caractérisent par l'affectation d'un patrimoine à une cause d'intérêt général et qui doivent tirer l'essentiel de leurs revenus à une dotation.

Ce patrimoine est soumis à l'impôt sur les sociétés, ce qui nous apparaît comme dérogatoire à la règle d'équité qui devrait prévaloir en la matière. C'est la raison pour laquelle la commission proposera d'exonérer du paiement de l'impôt sur les sociétés les revenus patrimoniaux des fondations d'utilité publique, à l'exception, bien évidemment, des revenus qui seraient rattachés à une activité ou une exploitation commerciale.

La commission proposera par ailleurs au Sénat de porter de cinq à dix ans la duré d'existence maximale de ce que l'on appelle les « fondations de flux », c'est-à-dire celles qui, contrairement à celles que j'évoquais il y a un instant, ne bénéficient pas d'une dotation leur assurant un revenu permanent. (M. François Marc s'exclame.)

Vous avez d'autre part indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition devant nos deux commissions réunies, les commission des finances et des affaires culturelles, que ce projet de loi couvrait l'ensemble des secteurs de la vie sociale, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Il nous est apparu néanmoins essentiel de rappeler que ce texte procède d'une volonté du Président de la République d'encourager la sphère privée à prendre une part de plus en plus active dans la conduite de la politique culturelle.

M. François Marc. C'est la privatisation !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. C'est la raison pour laquelle notre commission proposera quelques amendements ciblés sur des domaines qui nous paraissent relever d'un encouragement nécessaire à l'animation culturelle ou à la protection du patrimoine. Ils visent tout d'abord à étendre le bénéfice de la disposition que j'évoquais il y a un instant aux trésors nationaux situés à l'étranger ou aux trésors nationaux qui se trouvent sur le territoire national mais dont le certificat de non-exportation a expiré, ainsi qu'à étendre la déductibilité qui s'applique aux oeuvres d'artistes vivants ou aux instruments de musique, car nous partons du principe qu'il s'agit là d'un domaine tout à fait essentiel de la diffusion musicale.

Nous demanderons également au Sénat d'étendre le bénéfice de l'exonération des droits de mutation aux ensembles historiques ouverts au public dans le cadre des conventions, car ces ensembles sont aujourd'hui soumis à une rétroactivité des pénalités en matière fiscale qui nous paraît inéquitable. Nous proposerons par conséquent de faire courir les pénalités à la dénonciation de la convention.

Enfin, monsieur le ministre, ce texte procède du souci très clair d'alléger l'emprise de l'Etat sur la vie sociale, en permettant au secteur privé - secteur associatif, entreprises, particuliers - de concourir à la politique culturelle au travers des acquisitions ou du soutien. Il serait anormal qu'à ce souci tout à fait louable viennent s'ajouter des règles dont la rigidité serait de nature à vider de son sens le texte.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, consciente de la nécessité d'assurer la transparence de l'usage des dons bénéficiant d'avantages fiscaux intéressants, a tenu à atténuer la portée de ces contrôles sur l'ensemble du monde associatif, partant du principe - je citerai Waldeck-Rousseau lors de la présentation de son texte en 1901 - que « la liberté d'association, c'est la confiance ».

Nous avons estimé que les dispositifs prévoyant à la fois la certification des comptes, le contrôle de la Cour des comptes et l'obligation de publicité étaient excessifs et risquaient de décourager l'initiative de ceux dont nous espérons qu'ils vont désormais soutenir la vie culturelle. Je présenterai donc tout à l'heure un dispositif de contrôle permettant d'assurer une totale transparence des donateurs sur l'usage qui est fait des dons qu'ils ont remis, tout en limitant la portée des contrôles. Il s'agit d'éviter une suspicion excessive sur celles et ceux qui, demain, seront mécènes au travers des associations ou des fondations.

Tel est, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'esprit des amendements que vous présentera la commission des affaires culturelles.

Grâce à ce texte, l'ensemble de nos concitoyens et des institutions qui, dans ce pays, attachent de l'importance au développement de la vie culturelle et à la protection du patrimoine national pourront désormais y participer dans des conditions qui représentent une avancée considérable sur les plans fiscal et financier. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles du Sénat a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 52 minutes ;

Groupe socialiste, 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucune groupe, 6 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France se caractérise par une véritable carence en fondations par rapport à ses voisins européens - 1 000 en France, contre 2 000 en Allemagne ou 3 000 en Grande-Bretagne - et par une stagnation du mécénat tant de la part des particuliers que des entreprises, et ce malgré la mise en place de mécanismes spécifiques telles la loi du 7 août 1991 ou celle du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui découle du plan de relance du mécénat et des fondations que le Premier ministre a exposé le 12 décembre 2002. Il prévoit, d'une part, le développement du mécénat des particuliers et des entreprises, grâce au renforcement des incitations fiscales, et, d'autre part, l'allégement de la fiscalité des fondations.

De pareilles initiatives ont déjà été couronnées de succès chez nos voisins européens, notamment en Allemagne, où, à la suite de la réforme tant de la fiscalité que du dispositif de création des fondations, le nombre de créations de ces dernières est passé de 181 en 1990 à 829 en 2001.

Nous ne pouvons donc que saluer l'initiative du Gouvernement, qui, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, devrait permettre aux fondations et aux associations soutenues par la générosité des Français et des entreprises d'assurer pleinement leur mission d'intérêt général.

En effet, les mesures proposées dans le projet de loi sont de nature à stimuler les dons des Français et des entreprises. Les dons des particuliers leur permettront désormais de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 60 % du montant du don, au lieu de 50 % jusqu'à présent, et cedans la limite de 20 % de leur revenu imposable, au lieu de 10 % actuellement ; en cas de dépassement de ce seuil, l'excédent pourra être étalé sur cinq années. De même, pour les entreprises, le plafond est porté à 5 du chiffre d'affaires, contre un double taux de 2,25 ou de 3,25 dans le régime actuel ; comme pour les particuliers, en cas de dépassement, l'excédent pourra être reporté, mais sur les quatre années suivantes seulement.

Une autre avancée majeure de ce texte réside dans le renforcement des dispositions qui tendent à accentuer les obligations de certaines associations en matière de publicité et de certification des comptes en les soumettant au contrôle de la Cour des comptes. Cela est d'autant plus logique que les citoyens eux-mêmes sont aujourd'hui plus exigeants à l'égard des associations, à la suite notamment de l'affaire de l'Association pour le développement de la recherche sur le cancer, l'ARC. Les mesures adoptées par nos collègues députés me semblent, ainsi qu'au groupe de l'Union centriste, de nature à restaurer la confiance des donataires, mais également à permettre à l'Etat de contrôler les objectifs fixés par les organismes bénéficiaires de cette aide substantielle.

Par ailleurs, mon groupe s'interroge sur le calendrier d'application de ces mesures, dont le coût, qui est supérieur à 150 millions d'euros, peut laisser perplexe dans la conjoncture économique actuelle.

Il nous paraît également utile d'aligner le régime des associations reconnues d'utilité publique sur celui des fondations, dans le respect du principe d'égalité devant l'impôt. Le groupe de l'Union centriste soutient donc plusieurs amendements visant à étendre à l'ensemble des établissements reconnus d'utilité publique les dispositions qui sont en vigueur pour les fondations.

Enfin, pour ce qui est de la réforme des statuts et du fonctionnement des fondations, il semble que le retard pris par la France soit dû non pas à la faiblesse des incitations fiscales, mais à leur complexité juridique, sans compter le frein que constitue la dotation initiale, fixée par la jurisprudence à 750 000 euros.

Vous avez souhaité, monsieur le ministre, vous en remettre aux recommandations du Conseil d'Etat, qui, dans un rapport publié en 1996, avait préconisé un certain nombre de mesures pour améliorer le fonctionnement des fondations, comme la création de fondations à capital consomptible. Malheureusement, l'application de ces mesures de modernisation a sans cesse été repoussée.

Vous avez rappelé votre attachement à cette réforme, dont la réalisation achèverait la mise en place du statut des fondations en France. Votre plan comprend ainsi la réduction à six mois du délai de reconnaissance du caractère d'utilité publique d'un organisme, ce qui serait une excellente mesure. Nous vous faisons confiance pour mener cette réforme à bien autrement que par la voie législative ; aussi n'avons-nous pas déposé d'amendement sur ce sujet.

Le groupe de l'Union centriste, une fois formulées ces quelques remarques, votera votre projet de loi, qu'il juge tout à fait satisfaisant.

Enfin, il me reste à remercier et à féliciter les rapporteurs, MM. Yann Gaillard et Philippe Nachbar, et les commissions des finances et des affaires culturelles de leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations vise à approfondir plusieurs dispositions de notre droit fiscal.

Toutefois, on constate rapidement à sa lecture qu'il n'est en rien révolutionnaire ou fondateur. Au demeurant, les cinq articles du texte initial auraient amplement trouvé leur place dans un projet de loi de finances, comme cela a déjà été le cas pour des mesures similaires dans le passé. En outre, d'autres sujets et problèmes semblaient a priori au moins aussi urgents à traiter - je pense par exemple à la situation catastrophique du chômage.

M. Raymond Courrière. Oui !

M. Gérard Miquel. Néanmoins, mes remarques sur le calendrier législatif et les priorités politiques du Gouvernement n'enlèvent rien à la qualité intrinsèque de votre texte, monsieur le ministre.

Entre l'égoïsme individualiste et l'étatisation déresponsabilisante, la route est étroite et sinueuse. La vertu principale du projet de loi est de chercher à l'emprunter.

L'engagement citoyen dont les Français font preuve en soutenant des causes d'intérêt général mérite d'être valorisé et encouragé. Le lien social, le sentiment de solidarité et, plus largement, la nation sont singulièrement fortifiés par les multiples initiatives privées qui fleurissent au sein de centaines de milliers d'associations. Je pense que ce constat est assez largement partagé et que les bénéfices du mécénat en ce domaine ne sont plus à démontrer.

Par ailleurs, le mécénat présente aussi l'intérêt d'accroître les moyens matériels et humains disponibles pour certaines activités. Certes, les réductions d'impôt ont un coût, mais elles permettent à l'Etat de faire des économies de dépenses, notamment en ce qui concerne les dépenses d'intervention, qui, sinon, seraient largement supérieures.

Les gouvernements de droite comme de gauche ont soutenu, chacun à son tour, le développement du mécénat, des associations et des fondations.

Au début des années quatre-vingt-dix, la loi a été adaptée pour permettre la création de fondations d'entreprise. Plus récemment, la loi de finances pour 2000 a unifié et relevé à 6 % du revenu imposable le plafond des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu, plafond porté à 10 % dans la loi de finances pour 2002. Par ailleurs, en 2002, la loi relative aux musées de France a mis en place une réduction de l'impôt sur les sociétés, au taux exceptionnel de 90 % des sommes consacrées à l'acquisition de trésors nationaux.

Cependant, en dépit de la sollicitude des pouvoirs publics, le mécénat peine à se développer en France. En effet, il représente seulement 0,09 % du PIB de notre pays, contre 2,1 % aux Etats-Unis. De plus, si nous disposons d'un réseau d'associations dynamique et dense - on en dénombre 800 000 -, les fondations reconnues d'utilité publique sont singulièrement peu nombreuses.

Faut-il s'inquiéter outre mesure de cette situation ? Non, à l'évidence, car cela reviendrait à considérer le mécénat comme la panacée, alors qu'en réalité, s'il présente des avantages, il montre également ses limites.

Tout d'abord, la technique des réductions d'impôt, fortement utilisée en la matière, est discutable en soi. Les réductions d'impôt étant des dépenses fiscales, elles reviennent, concrètement, à confier de l'argent public à des particuliers, avec évidemment tous les inconvénients et tous les risques que cela comporte : le contrôle de ces dépenses est nécessairement moindre que celui des dépenses budgétaires de l'Etat, si bien que les risques de dérives sont plus importants.

C'est ainsi que les particuliers, mais aussi l'Etat, ont parfois involontairement financé, par le biais de réductions d'impôt, les dépenses personnelles d'individus malhonnêtes. L'exemple de l'ARC vient immédiatement à l'esprit, mais il n'est malheureusement pas le seul. Il convient donc d'être extrêmement exigeant sur la transparence et sur le contrôle du fonctionnement de tels organismes. A défaut, l'Etat et les citoyens finiraient par se lasser et se détourneraient du mécénat.

Par ailleurs, le mécanisme des réductions d'impôt ne permet pas à l'Etat de mettre en oeuvre des politiques ciblées, puisque celui-ci se contente de payer « à guichet ouvert », si j'ose dire. En règle générale, les conditions pour bénéficier de réductions d'impôt sont souples, la principale étant que l'organisme bénéficiaire du don soit considéré comme d'intérêt général. Les Français sont donc libres de soutenir les causes d'intérêt général de leur choix, ce qui les conduit inévitablement à privilégier les plus médiatiques ou les plus touchantes d'entre elles ; or ce ne sont pas forcément celles qui ont objectivement le plus grand besoin de soutien ! La cohérence et l'efficacité des politiques nationales s'en trouvent amoindries.

En revanche, comme je l'ai déjà souligné, il est vrai que l'on ne peut rester insensible à ce bel exemple de démocratie directe.

Enfin, le mécénat est particulièrement exposé à l'instrumentalisation. Comme chaque fois que l'intérêt général rencontre l'intérêt particulier, les risques de conflits entre les deux sont potentiellement forts : un certain « mélange des genres », selon l'expression populaire, étant dès lors inhérent au mécénat, il n'est pas étonnant que la prise en charge par la société McDonald's de la construction et du fonctionnement d'un bâtiment accueillant des parents d'enfants hospitalisés ait suscité une controverse. Car la tentation est forte pour les entreprises de récupérer à leur profit une partie de la bonne image dont bénéficient certaines activités : culture, art, sport ou encore recherche médicale.

M. François Marc. C'est vrai !

M. Gérard Miquel. Le danger est alors que la mauvaise image de la société ne déteigne sur l'activité en question et ne lui nuise. Par ailleurs, les particuliers, refusant de tomber dans le piège de certaines manipulations grossières, peuvent priver ces activités de leur aide.

Comme je l'ai déjà relevé, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons va dans le bon sens. Néanmoins, il souffre de plusieurs lacunes qu'il convient de combler.

Tout d'abord, je constate que l'occasion ainsi offerte n'a pas été saisie de remplacer la réduction de l'impôt sur le revenu, en matière de dons, par un crédit d'impôt. Actuellement, seuls ceux qui payent l'impôt sur le revenu sont concernés par la réduction d'impôt : ainsi, le texte dont nous débattons ne s'adresse qu'à la moitié des Français, à la moitié la plus aisée - celle que notre Premier ministre appelle « la France d'en haut » -,...

MM. Raymond Courrière et François Marc. Très bien !

M. Gérard Miquel. ... et ignore l'autre moitié, « la France d'en bas ».

M. François Marc. Eh oui !

M. Gérard Miquel. L'instauration d'un crédit d'impôt permettrait à tous les Français qui effectuent des dons de bénéficier, sans exception, d'un avantage fiscal.

La mesure serait peu coûteuse pour l'Etat et aurait l'avantage de traiter équitablement la générosité de tous. Les organismes bénéficiaires des dons, pour leur part, y gagneraient un surcroît de ressources.

Une autre lacune importante du texte concerne les organismes humanitaires. En effet, le mécénat ne se cantonne pas à la culture et aux oeuvres d'art : il s'applique également au sport, à la protection de l'environnement, à la recherche scientifique, à la santé et à de nombreuses autres activités.

Actuellement, les dons aux organismes apportant une aide aux personnes en difficulté ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu supérieure à la réduction de droit commun. Or le texte du Gouvernement supprime cet avantage. Dès lors, le danger est grand qu'une part significative des donateurs se détournent de ces organismes. En outre, la spécificité de cette activité, véritable aide humanitaire, justifie qu'une attention particulière lui soit portée : sauver une oeuvre d'art ou une personne humaine ne relève pas de la même exigence pour qui se considère comme un authentique humaniste ! Redonner un attrait financier particulier aux dons aux organismes humanitaires est donc une nécessité morale. Le rapporteur de la commission des finances semble l'avoir compris, mais ses propositions sont trop frileuses : je dirai même qu'elles sont presque symboliques. (M. le rapporteur rit.)

M. François Marc. C'est vrai !

M. Gérard Miquel. Enfin, dernière critique d'importance adressée au texte même, l'équilibre initial du projet de loi a été rompu par les députés lorsqu'ils ont adopté un amendement portant de 30 000 euros à 40 000 euros la réduction de l'impôt sur les sociétés pour les fondations. Les commissions du Sénat proposent d'aller encore plus loin. C'est manifestement excessif et injustifié.

Mais je dois dire, mes chers collègues, que, plus que le projet de loi lui-même, ce sont le contexte de rigueur budgétaire dans lequel il s'inscrit et l'idéologie libérale dans laquelle il baigne qui sont contestables, voire condamnables : le mécénat ne peut pas avoir vocation à pallier les insuffisances de l'Etat. En effet, il n'offre pas les mêmes garanties que ce dernier et doit donc être cantonné à un rôle de soutien, la puissance publique intervenant prioritiarement pour définir et assumer la satisfaction de l'intérêt général.

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. Gérard Miquel. Or, les préférences libérales du Gouvernement laissent apparaître sur maints sujets un recul de la puissance publique,...

MM. Raymond Courrière et François Marc. Oui !

M. Gérard Miquel. ... qu'il s'agisse de confier la santé aux mutuelles et aux assurances, les retraites aux assurances et aux banques, ou encore l'entretien des prisons et des établissements scolaires aux entreprises. Partout, hormis peut-être dans les domaines régaliens, le démantèlement de la puissance publique et l'appel au privé sont à l'oeuvre.

De ces choix libéraux découle la rigueur budgétaire qui frappe durement la plupart des ministères. Celui de la culture n'y échappe pas : en 2003, ses crédits sont passés sous la fameuse barre des 1 %, soit une baisse de 5,2 % par rapport à 2002.

En outre, la suppression des emplois-jeunes pénalise nombre d'associations, et la diminution des redevances d'archéologie préventive met en péril des trésors parfois millénaires. La recherche, quant à elle, est carrément sacrifiée, alors qu'elle est cruciale pour l'avenir de la France, pour son attractivité et pour sa compétitivité.

En conclusion, je soulignerai à quel points ce serait une grave erreur que de vouloir systématiquement remplacer l'Etat par l'initiative privée.

Le contexte budgétaire et les insuffisances du projet de loi conduiront naturellement le groupe socialiste à s'abstenir lors du vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé d'un ensemble de douze mesures visant à dynamiser le mécénat en France, dans tous les secteurs, grâce à un dispositif considéré comme plus incitatif que le précédent et qui profitera tant aux fondations qu'aux associations.

L'objectif est de soutenir le travail des associations et des fondations et de favoriser les initiatives prises par les particuliers et par les entreprises dans des domaines qui touchent à l'intérêt général. Pourquoi pas ?

L'action de la société civile est indispensable, en complément des politiques publiques, pour favoriser par exemple les projets culturels, au sens large du terme, en recourant à d'autres sources de financement, tel le mécénat d'entreprises ou de particuliers.

Si l'on désigne par « mécénat » les initiatives d'individus ou d'entreprises prenant la forme d'aides accordées à des personnes, à des institutions ou à des manifestations relevant de domaines extérieurs à leurs activités naturelles, alors, ce phénomène est aussi ancien que l'histoire.

Mais le mécénat moderne a surtout pris son essor à la fin des années quatre-vingt, notamment sous l'impulsion de la loi du 23 juillet 1987. Il recouvre aujourd'hui une réalité multiple, en ce qui concerne tant les secteurs aidés et les formes que revêtent les interventions que les motivations qui animent les mécènes.

On ne peut que se réjouir que des entreprises privées soutiennent initiatives, manifestations ou équipements culturels, contribuant ainsi au développement de la culture. Pourtant, l'ampleur même au développement de la culture. Pourtant, l'ampleur même du phénomène, la manière dont on le justifie et l'empressement que l'on montre à favoriser et à accroître les interventions privées en les libérant fiscalement posent question, surtout à un moment où s'affiche la volonté d'étendre et d'accélérer la privatisation des services publics.

Je ne condamne pas le principe du mécénat en tant que tel : c'est en posant des exigences fortes que j'entends intervenir. Car il s'agit de faire en sorte que le mécénat s'exerce dans le cadre d'un renforcement de la réponse publique en matière de culture, et non dans celui de la fragilisation, voire de la vassalisation des services publics.

On ne peut noter les ambiguïtés. Je citerai Alain-Dominique Perrin, président-directeur général de Cartier et auteur d'un rapport sur le mécénat d'entreprise commandé par François Léotard, qui était alors ministre de la culture : « Le mécénat n'est pas simplement un formidable outil de communication, mais beaucoup plus que cela : c'est aussi un outil de séduction de l'opinion [...]. Le mécénat peut influer sur la promotion des ventes, l'animation d'un réseau de vente, la promotion d'un personnage. [...] La culture est à la mode, tant mieux. Tant qu'elle le restera, il faut s'en servir. [...] Le parrainage de programmes, d'expositions et de services spéciaux donne lieu à de nombreuses possibilités en matière de relations publiques. »

On le voit, on est assez éloigné de l'idée philanthropique qui fonde l'esprit du mécénat. En réalité, ces propos font clairement apparaître les motivations propres des entreprises et révèlent des intérêts liés à leur raison commerciale, sociale, financière, industrielle. Personne n'en sera surpris.

En fait, il s'agit d'investissements, et l'intervention repose sur trois raisons majeures : l'image de marque, la cohésion sociale et la construction d'une culture d'entreprise, mais aussi sur le retour financier sur investissement. Notons que ce retour n'est pas forcément direct et ne prend pas seulement la forme de produits dérivés, tels les disques, les vidéos ou, les catalogues ; il peut être lui aussi dérivé et à plus long terme. Tout se joue entre ces trois pôles, qui se conjuguent et qui, selon la nature des entreprises et des actions qu'elles choisissent, entretiennent entre eux des rapports variables.

Voir et dire cela n'est pas forcément s'opposer au mécénat ; mais c'est poser pour le moins l'exigence qu'il s'exerce sous contrôle public et dans le cadre d'actions publiques. Ou alors, il consiste en initiatives purement privées, ce qui est tout autre chose !

L'attribution de subventions sur fonds publics régulièrement assortie de la condition, pour les projets et les artistes, de trouver au préalable un financement privé ne va évidemment pas dans le sens de la maîtrise publique que nous souhaitons. Le mécénat doit être et demeurer une contribution au développement de la vie culturelle du pays, des territoires et des populations, et relève à ce titre de la responsabilité publique.

Il faut pour le moins entrer dans une conception d'actions partagées dans laquelle les entreprises soient représentées non pas uniquement par l'employeur, mais aussi par leurs forces vives : le salariat et leurs représentants, comités d'entreprise et syndicats.

Les études et les statistiques réalisées autour de ce projet de loi mettent en avant une comparaison systématique avec les pratiques de mécénat de nos voisins ou des Etats-Unis, en omettant tout de même de souligner que nous n'avons pas la même culture et qu'il y a chez eux absence de service public.

Permettez-moi de ne pas porter le même regard sur ce qui est considéré actuellement, à tort, comme un retard : les choix de la France, et cela bien avant la Révolution française - je pense à Colbert - ont toujours été différents. Et, si l'expression de « politique culturelle » s'impose en France sous la Ve République, le soutien public aux oeuvres de l'esprit est une tradition qui prend racine dans les profondeurs de notre histoire nationale.

Pour ne prendre qu'un exemple, on peut observer que presque toutes les institutions actuelles dont l'origine remonte à l'Ancien Régime sont des institutions « culturelles », qu'il s'agisse du Collège de France, de l'Académie française et de trois des quatre académies qui, avec elle, composent l'Institut de France, de la Comédie-Française, de l'Académie royale de musique, ancêtre de l'Opéra, ou encore des manufactures de Sèvres et des Gobelins.

Dans d'autres pays d'Europe, le mécénat des rois, des princes, des églises a tout autant que chez nous protégé et soutenu écrivains, artistes et penseurs, mais généralement sous une forme personnelle, donc éphémère, alors que, en France, ce soutien a souvent pris une forme institutionnelle, donc durable.

Un mécène affiche honnêtement et clairement le but : « Facultatif et résultant d'une démarche entièrement libre, le mécénat d'entreprise ne saurait être mis en parallèle avec l'effort public qui [...] correspond à la fois à une tradition séculaire et à une mission de service public. C'est précisément parce qu'il joue à la marge, qu'il bénéficie des souplesses de la gestion privée et qu'il revendique sans état d'âme un aspect subjectif pouvant aller jusqu'au coup de coeur, que le mécénat d'entreprise introduit dans la vie culturelle un élément de souplesse, de dynamisme, voire de convivialité. »

Effectivement, l'aide est parfois apportée de manière purement désintéressée, au titre de bénévolats ou de dons, mais la plupart du temps les entrepreneurs veulent un « retour sur investissement » et, alors, le mécénat d'entreprise, généralement attaché à une contrepartie, peut désigner toute action que l'entreprise mène en dehors de son objet direct, mais qui vise à promouvoir son image de marque et à améliorer sa notoriété.

Cependant, le mécénat, lui non plus, ne saurait se développer sans des politiques publiques fortes dans tous les domaines, sauf à retomber dans un système aléatoire de charité et de philanthropie qui ferait de lui une manière de « désadministrer la culture », pour reprendre l'expression de Jacques Rigaud, inspirateur et animateur de nombreuses réflexions dans ce domaine.

Le principe du mécénat peut être accepté dans la mesure où c'est l'argent qui va à la culture et non pas la culture qui va à l'argent. Toutefois, le désengagement de l'Etat et les restrictions budgétaires affirmées font penser que le mécénat et les fondations devraient se substituer à l'Etat pour ce qui est du financement de la culture et de la mise en oeuvre.

C'est aussi pour cela que nous ne pouvons accepter que le mécénat et les fondations se substituent, même si vous vous en défendez, monsieur le ministre, au développement d'une politique culturelle nationale, et justifient un désengagement financier de l'Etat selon un système de « vases communicants » aléatoire et chaotique, et ce d'autant moins que la politique de décentralisation telle qu'elle est conçue actuellement accentue la volonté marquée du Gouvernement d'affaiblir le rôle de l'Etat et des services publics nationaux.

Nous ne doutons pas qu'il existe des industriels et des commerçants amateurs d'art et d'activités culturelles. L'histoire et l'actualité le montrent. Ils ont d'ailleurs besoin de la rencontre artistique pour développer et renouveler leur propre activité : l'industrie a fondamentalement besoin de la recherche scientifique et artistique.

Si nous ne contestons pas aux entreprises le droit de soutenir financièrement l'expression culturelle, nous souhaitons que ce soit effectivement au service de l'intérêt général, pour les artistes, le patrimoine et les publics.

L'expression et le champ artistique retenus, l'esthétique choisie, l'artiste sollicité le sont le plus souvent en fonction de la stratégie de l'entreprise et de sa politique de communication. Au total, beaucoup d'artistes, de sensibilités, de disciplines artistiques et esthétiques risquent de se trouver hors champ, et je pense, bien sûr, tout particulièrement à la création contemporaine !

Alors que la fiscalité républicaine permet l'expression de choix publics en matière de culture - publics, champs d'intervention - la prédominance et la prépondérance du privé, par la multiplication des incitations fiscales, tendent à concentrer les actions sur des secteurs restreints envers des publics choisis. Cela peut menacer l'existence même, la pérennité de certaines manifestations - des festivals par exemple - pouvant être brutalement remises en cause, soit parce que la nature industrielle ou commerciale ou bien la stratégie de l'entreprise changent, soit parce que l'entreprise se délocalise.

La présence du secteur privé sur ce terrain ne doit donc en aucune façon autoriser l'Etat à se dessaisir de certaines de ses missions et responsabilités publiques nationales. Cela signifie que les pouvoirs publics doivent veiller et imposer de réelles dispositions pour le développement du public et la recherche de son élargissement. Les actions de mécénat doivent exprimer la volonté de soutenir une création, pluraliste, vivante, libre. Ces actions doivent s'appuyer sur le respect de règles éthiques et de critères professionnels, en ce qui concerne, notamment, le rôle des chercheurs, des artistes, des commissaires et des critiques. Elles doivent s'exercer dans le respect matériel et moral des oeuvres, des conditions de leurs expositions, de leur conservation et de leur devenir.

Il ne s'agit pas de se contenter de poser ces exigences pour le mécénat envers les pouvoirs publics. Les chefs d'entreprise doivent être fortement sollicités sur d'autres sujets.

Nous voyons bien que la contribution des entreprises à la vie culturelle des salariés, là où elle a le plus besoin de se construire, s'étiole sous le coup de la précarité du travail, du rôle amoindri de comités d'entreprise dont le nombre, dont les moyens et l'influence s'amenuisent dans le monde du travail, et dont les droits, par rapport aux objectifs qui devraient être les nôtres, sont, à bien des égards, obsolètes.

Rappelons que les comités d'entreprise doivent être, en application de la loi, consultés sur les stratégies de l'entreprise, son développement social et économique. Rappelons aussi qu'ils ont prérogative de gestion des activités sociales, sportives et culturelles.

Plus fondamentalement, l'entreprise aujourd'hui ne se vit plus comme la seule propriété du capital qui la possède : la dignité du salarié passe par la dignité du citoyen qu'il est, de l'amateur de culture qu'il est quand il est spectateur, auditeur, lecteur, touriste ou sportif amateur.

Nous ne sommes donc pas défavorables au principe du mécénat et des fondations s'il comprend avec les entreprises l'intervention des employés, eux-mêmes partenaires culturels, individuellement et via des comités d'entreprise forts et structurés.

A tous ces titres, les élus des comités d'entreprise doivent être entendus sur tout projet de mécénat de leur entreprise et s'assurer du contenu et du contrôle du cahier des charges, du respect des artistes et de leurs droits, de la destination des oeuvres ainsi que du lieu de leur création et de leur conservation.

Les personnels doivent bénéficier des effets de ce mécénat, en termes de choix des objectifs, d'accès aux oeuvres, de collections, de rencontres et de partage avec les auteurs et chercheurs.

Il importe que les élus puissent accompagner leur travail d'une réflexion théorique, et donc qu'ils gagnent, sur ce terrain aussi, des droits à l'expertise. Il est notamment nécessaire que le rôle des commissions culturelles des comités soit reconnu et fortifié.

Les entreprises auraient tout à gagner à ce que se rejoignent la création et les salariés, mais nous savons tous que se jouent là des questions de pouvoir symbolique et que les salariés comme leurs représentants rencontrent beaucoup d'entraves, d'obstacles, d'obstructions et de censure au développement des pratiques culturelles dans les entreprises.

Voyez-vous, monsieur le ministre, personnellement, j'aurais préféré que nous puissions avoir un débat beaucoup plus large où nous aurions pu aborder l'ensemble des problèmes de la culture, de la création artistique, du statut des artistes dans la société, débat dans lequel nous aurions pu évoquer également tout ce qui touche à l'exception culturelle, aux rapports public-privé, et donc au mécénat et aux fondations au-delà de la seule fiscalité, au-delà de la définition que donne Godard du cinéma : « Un pied dans l'art, un pied dans l'argent » !

En tant qu'élu régional et responsable de grosses structures culturelles, je suis confronté en permanence à la nécessité d'approfondir la réflexion sur ce que devraient être les rapports entre les entreprises et les institutions artistiques et culturelles.

Trop souvent, on se contente d'aller sonner aux portes des entreprises pour obtenir une contribution financière, sans se préoccuper de construire des partenariats de projets communs. Or l'entreprise peut devenir réellement un partenaire du champ culturel à travers la redéfinition des modalités de sa présence dans la cité.

Tout le monde s'affirme pour le développement durable, concept qui pourrait favoriser l'émergence d'un véritable « mécénat durable » se substituant au mécénat d'opportunité. Autrement dit, il s'agirait de passer du mécénat de contribution au mécénat d'initiative.

A tous les niveaux, les pouvoirs publics ont tendance à considérer le mécénat comme un complément de ressources ou comme un financement annexe de missions qu'ils ont eux-mêmes définies comme prioritaires. Il serait tellement mieux que les entreprises, qui ont théoriquement la culture du risque, fassent preuve d'audace artistique.

Les effets du mécénat ne peuvent avoir de sens que sur le long terme. Si l'incitation fiscale est un facteur de facilitation, il faut aller au-delà ; il faut un débat clair et franc sur les rapports entre service public et initiatives privées. Il faut encourager les entreprises qui considèrent que, parallèlement à la logique du marché, elles ont un rôle à jouer dans la société et qui sont prêtes à s'engager dans l'aventure artistique, mais pas, pour reprendre une expression malicieuse de Jacques Rigaud, pour « faire les fins de mois d'un Etat nécessiteux ».

Car, dans le même temps, quand le service public recule, c'est le marché qui avance, le marché sans conscience ni miséricorde.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, au terme de votre exposé liminaire à l'Assemblée nationale, que vous aviez signé il y a un peu plus d'un an une tribune intitulée Eloge du mécénat. Combien j'aimerais que vous signiez, dans un avenir proche, un manifeste qui s'intitulerait : Eloge du service public de la culture ! Combien j'apprécierais que, pour les budgets à venir, vous puissiez vous souvenir de ce que disait Jean Cocteau : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. »

Oui, donc, à un mécénat fort, mais adossé à une politique et à une maîtrise publique fortes, pour assurer l'égalité des publics, la cohésion nationale, la durabilité des actions, la vaste palette des esthétiques et des disciplines, le respect des artistes.

Mais ce n'est qu'un début, continuons le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, amendé par l'Assemblée nationale et qui sera tout à l'heure complété et enrichi par le Sénat, constitue une avancée considérable pour le mécénat, les associations et les fondations.

Oui, monsieur le ministre, je salue l'ampleur des mesures ficales pour lesquelles vous avez déjà obtenu l'accord du ministère des finances, ainsi que votre volonté de simplifier et d'unifier les nombreux dispositifs disparates existants. Je tiens à relever également votre souci de stimuler le mécénat en généralisant les mesures propres à le faciliter et en allégeant les contraintes qui pourraient le freiner. L'importance des mesures prévues, mais aussi la cohérence de l'architecture du texte me rendent optimiste quant aux conséquences bénéfiques que nous pouvons en attendre.

Ce n'est que par la refonte d'ensemble que vous nous proposez que nous pourrons tirer le mécénat de la léthargie dans laquelle il semble plongé, dans notre pays.

C'est donc en toute confiance que je voterai votre projet de loi, monsieur le ministre, tel que nos deux commissions et nos deux excellents rapporteurs l'auront amendé.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je sois particulièrement sensible à l'extension du dispositif relatif à la protection des trésors nationaux circulant hors de France.

Il s'agit de compléter la mesure introduite au Sénat lors de l'adoption de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, qui élargit intelligemment notre capacité d'intervention sur le marché mondial de l'art, notamment pour les pièces classées « trésors nationaux ».

Je vous remercie aussi, monsieur le ministre, de l'accueil favorable que vous avez réservé aux amendements déposés par les sénateurs d'Alsace-Moselle qui tendent à adapter et à étendre les modifications proposées par votre texte à certains aspects du droit local alsacien-mosellan, et plus particulièrement au statut des associations relevant de la loi de 1908.

D'aucuns, il est vrai, pourraient s'interroger : alors que notre pays affronte les difficultés liées au ralentissement de la croissance, avec son cortège de mauvaises nouvelles, telles que les fermetures d'entreprises et l'augmentation du chômage, alors que le pays et la rue se mobilisent pour débattre de l'avenir des retraites, oui, on peut se demander en effet si le moment est bien choisi pour discuter d'un projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations.

A mon avis, ces conditions économiques et budgétaires difficiles ne font que justifier davantage la tenue de ce débat. Le moins que l'on puisse dire est que les indicateurs qui permettent de mesurer l'engagement citoyen, la participation financière des particuliers, tout comme celle des entreprises, stagnent à des niveaux particulièrement bas en France, notamment si on les compare à ceux des autres pays européens ou des Etats-Unis. Ainsi, les apports du mécénat représentent moins de 0,1 % de notre produit intérieur brut, contre vingt fois plus aux Etats-Unis. Et je précise que ce pourcentage recouvre les initiatives de tous les secteurs, qu'il s'agisse de sport, de social ou encore de culture. Non pas, monsieur le ministre, que la solidarité et l'engagement spontané et volontaire soient absents en France ; au contraire, la mobilisation est souvent exemplaire et parfois poignante, expression d'une tradition de générosité jamais démentie. Cependant, les freins au plein épanouissement de ces mouvements sont nombreux, comme je l'ai encore entendu tout à l'heure.

Oui, il n'est pas dans la culture française que les particuliers et les entreprises mobilisent de façon importante et sur la durée de grands moyens en faveur du mécénat. Cette pratique n'a jamais été au coeur des priorités de notre pays. Contrairement à la plupart des pays développés, la France, en effet, a toujours considéré que c'est à l'Etat d'organiser le mécénat, de décider des priorités et des financements, car tout abandon de l'autorité d'affectation des moyens par les représentants de l'Etat est considéré comme une régression en soi, un risque de dérapage, une aliénation de la notion de justice et d'égalité qui doit avoir la primauté sur toute autre valeur.

Il s'ensuit des prélèvements obligatoires de toute nature, souvent très importants et un corset rigoureux appliqué à toutes les mesures qui contreviennent à ces principes de contrôle. C'est d'ailleurs le sens de l'intervention de notre collègue M. Miquel. Cela se traduit irrémédiablement par des freins matériels et psychologiques à l'initiative privée. Ces inhibitions durent depuis des siècles ; il est évidemment très difficile de les lever et d'inverser les tendances.

On a, par exemple, pu s'en rendre compte lors de la mise en place de la Fondation du patrimoine. Les résistances farouches de Bercy comme la complexité du dispositif ont fait végéter pendant des années une mesure que pourtant tout à le monde avait souhaitée.

Un autre frein résulte de la lourdeur, voire de l'opacité des dispositifs. Chaque cas méritant d'être traité en fonction de sa spécificité, l'architecture fiscale devient de moins en moins lisible et communicable. En fait, le souci d'encadrer pour éviter les dérives est tellement fort qu'il étouffe la liberté que l'on veut accorder. L'encadrement strict, les contrôles multiples, le véritable parcours du combattant que l'on doit subir lorsque l'on veut créer une fondation par exemple, tout cela est contre-productif.

Je me souviens du débat que nous avons eu dans cette enceinte lors de l'examen de la loi relative aux musées de France, quant à la mise en place des aides en direction des trésors nationaux, et les souhaits exprimés pour éviter toute dérive en la matière. En fait, très peu de publicité fut faite autour de ces mesures. Seule l'inaliénabilité des oeuvres fit s'échauffer les esprits et fut relayée dans la presse. Mais les mesures fiscales proposées pour favoriser la protection des oeuvres et pour éviter leur dispersion furent passées sous silence.

Le souci du contrôle est parfois si aigu qu'il devient une priorité, voire une fin en soi.

Mes chers collègues, je me rappelle le débat organisé voilà quelques années autour de la suppression de la redevance télévisuelle : l'idée a été abandonnée non parce que nous voulions garder cette redevance, mais parce que la suppression des contrôleurs aurait mis dans la rue cette catégorie de personnel !

Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez est donc le bienvenu. Il tente, à sa façon, de stimuler l'engagement privé des particuliers et des entreprises. Il prend le contrepied de cette idée que tout doit être dirigé, organisé, contrôlé par l'Etat. Ce projet de loi fait confiance à l'initiative et mise sur les effets de levier importants que nous pourrons obtenir. En effet, ne l'oublions pas, pour toute réduction d'impôt consentie, le mécénat multipliera par deux les moyens dégagés.

C'est donc une formidable occasion de dynamiser le mécénat, les associations et les fondations.

Oui, monsieur le ministre, au moment où la France a besoin de conduire des réformes profondes qui imposent un changement de comportement et d'état d'esprit, votre projet de loi est le bienvenu et conforte la démarche de libération des énergies que nous propose M. le Premier ministre.

C'est donc avec le souci de soutenir votre projet de loi en faveur du mécénat, des associations et des fondations que je voterai, ainsi que le groupe UMP, votre texte, et c'est avec le souci aussi de faire évoluer la conscience de notre pays que nous serons présents à vos côtés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fruit de la générosité de simples particuliers ou de familles fortunées, le mécénat existe en France depuis très longtemps : il est à l'origine de nombreuses institutions et actions de solidarité multiples depuis des siècles.

L'incitation fiscale proposée aujourd'hui a pour objectif de stimuler les initiatives privées. Effectivement, le principe du mécénat et de la fondation est nécessaire pour participer à un service public de qualité et l'accompagner, ce service public qui ne peut prétendre assumer seul l'ensemble des nombreux financements que requiert la culture, dans toute sa diversité.

C'est par la recherche de nouvelles formes de collaboration et de conjonction entre les initiatives publiques et privées que l'on parviendra à sortir de l'impasse où se placent tous ceux qui ne voient d'avenir que dans la croissance systématique des financements publics de la culture.

En revanche, les mesures contenues dans la réforme fiscale que nous examinons aujourd'hui ne servent-elles pas plutôt, à court terme, à pallier les diminutions préoccupantes et regrettables de la loi de finances de 2003 ? N'annoncent-elles pas, à plus ou moins long terme, un désengagement progressif de l'Etat, le recul du service public de la culture, comme celui des autres secteurs entrant dans le champ d'application du projet de loi ? Je pense plus particulièrement aux secteurs de la recherche, du sport et de l'humanitaire. Ne faut-il pas y voir un lien avec les mesures de restrictions budgétaires concernant ces différents ministères, lesquelles auront certainement des incidences sur les subventions accordées aux associations ?

Par le biais des déductions fiscales, la générosité publique est certes encouragée, mais cette sollicitation s'effectue dans un contexte financier catastrophique pour la culture et les autres secteurs que je viens de citer, compte tenu des réductions drastiques enregistrées.

En effet, 215 millions d'euros de crédits de paiement ont été supprimés aux titres V et VI. Cela aura de graves répercussions sur les prochains budgets, impliquant des retards, voire l'annulation de travaux indispensables ou même la suspension des travaux en cours de réalisation.

Ce projet de loi représente davantage un catalogue d'incitations fiscales. Il dispense le Parlement d'un débat de fond que mériterait pourtant une véritable relance du mécénat et des fondations.

En cela, je rejoins l'analyse à laquelle se livre M. Jacques Rigaud dans son dernier ouvrage, Les Deniers du rêve, publié en 2001 et dans lequel il s'interroge sur l'avenir de la politique culturelle en France. Dans les pages qu'il consacre à l'évocation de son expérience à la tête de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, l'ADMICAL, il écrit que « sans une profonde modernisation du statut des fondations et du régime fiscal du mécénat, y compris celui des particuliers, l'engagement de la société civile en faveur des causes d'intérêt général ne progressera que lentement. Seule une volonté politique obstinée permettrait de bousculer à la fois d'antiques préventions de l'administration et un manque de courage des milieux politiques qui, de droite comme de gauche, craignent d'être accusés de favoriser les riches. Un système fiscal clair et vraiment incitatif ferait, à coup sûr, venir au mécénat nombre d'entreprises qui hésitent encore à s'y engager ou ne le font qu'à pas comptés. »

D'après l'étude d'impact relative au coût du projet - les experts ayant estimé le coût fiscal de ces mesures à près de 150 millions d'euros - et ses véritables répercussions sur les associations et les fondations, ce texte n'apporte pas les réponses que le législateur est en droit d'attendre d'un dispositif fiscal concernant les dons des particuliers et des entreprises.

Enfin, M. le Premier ministre a affirmé s'être fixé comme objectif de tripler le nombre de fondations en cinq ans afin de s'aligner sur le modèle culturel anglo-saxon largement dépendant du mécénat privé. Ainsi, le nombre des fondations françaises, sera porté au niveau de celui de la Grande-Bretagne, où la protection du patrimoine est confiée au National Trust, association à but non lucratif créée en 1885, qui fonctionne grâce à la générosité publique. Ce modèle a largement inspiré la Fondation du patrimoine créée en France en 1996 - Journal officiel du 28 mars 1996.

A l'époque, j'avais dénoncé le fait que la France s'inspire ainsi de l'exemple anglo-saxon, menaçant la fonction régalienne exercée par l'Etat français en matière de conservation du patrimoine, héritée de la Révolution française. Pensant résoudre les difficultés en les abandonnant au secteur privé, l'Etat manifestait déjà la volonté de se désengager. Or chacun sait combien la Fondation du patrimoine a connu de difficultés depuis sa création. Cet exemple confirme combien l'importation d'un modèle d'un pays à un autre est politiquement dangereuse. Chaque modèle étant le reflet de mentalités et de traditions propres à un peuple, la politique culturelle anglo-saxonne ne peut être directement transposable à la France.

Le risque est sérieux qu'il y ait une substitution de la générosité des particuliers et des entreprises aux subventions de l'Etat. Les mesures, dont le législateur a la responsabilité, doivent venir compléter l'action publique et non pas s'y substituer. L'argent distribué n'a pas les mêmes motivations, les mêmes finalités. Les entreprises et le grand public ne donnent pas de la même façon que l'Etat, à de rares exceptions près, les premières étant globalement prisonnières de leur politique de communication, les citoyens donnant plus volontiers à des causes très médiatisées.

Selon nous, les deux actions doivent demeurer complémentaires ; elles ne doivent en aucun cas être exclusives ou concurrentes. Si le principe d'une plus grande participation du secteur privé au financement et donc à l'épanouissement de l'ensemble du milieu culturel est souhaitable et fait consensus, les moyens d'y parvenir sont plus difficiles à mobiliser du fait du contexte budgétaire actuel qui a été évoqué voilà un instant. Cela nous conduit à exprimer des réserves réelles sur le texte qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.

M. Paul Dubrule. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est évidemment avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance du projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. Il s'agit d'un sujet très important pour la vie culturelle et sociale de la France.

Ce projet de loi part d'un très bon principe qui tend à libérer l'initiative individuelle et à encourager la prise de responsabilité.

En effet, l'initiative privée, le bénévolat, l'engagement individuel sont les signes d'une vitalité précieuse de la société et un bon relais dans le cadre de la réforme de l'Etat.

Le retard de la France dans ce domaine est colossal. Les chiffres sont éloquents : les donateurs particuliers sont peu nombreux - à peine 15 % pour un volume d'un milliard d'euros -, les entreprises donnent encore moins, moins de 2 000 entreprises pour un volume de 340 millions d'euros. Les dons représentent au total 0,09 % du PIB, lorsqu'ils sont de 2,1 % aux Etats-Unis, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Le nombre de fondations - moins de 1 500 - est très faible, comparé au nombre de fondations enregistré chez nos voisins européens, deux à trois fois moins qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Tout cela, nous le savons, mais il n'est pas inutile de le répéter.

Les raisons de ce retard, nous les connaissons aussi : la philosophie étatiste n'a jamais beaucoup aimé l'initiative individuelle, lui préférant un Etat omniprésent et omnipotent. Et pourtant, comme l'a très bien dit M. Jean-Pierre Raffarin : « l'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général ».

Il était donc urgent de légiférer sur ce sujet, d'autant que nos partenaires européens prennent des mesures ambitieuses pour promouvoir ce secteur, depuis l'année 2000. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous réjouir qu'un texte sur ce sujet nous soit présenté.

Deux types de mesures sont nécessaires pour libérer le secteur privé dans ce domaine : des mesures fiscales, mais aussi des mesures administratives et statutaires.

Les mesures fiscales proposées seront un encouragement certain. Les trois grandes orientations dont vous avez parlé, monsieur le ministre, sont tout à fait intéressantes, qu'il s'agisse de développer le mécénat des particuliers par un doublement de l'encouragement fiscal ou d'alléger la fiscalité des fondations.

Mais en fait, moins taxer la générosité, n'est-ce pas tout à fait normal, sinon de bon sens ?

Toutefois, de nombreuses contraintes fiscales sont maintenues, notamment concernant les droits de donation des particuliers ou encore l'imposition du revenu des fondations, presque unique en Europe, mais comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce texte est « un compromis entre l'idéal et le possible ».

Cependant, j'ai eu, à la lecture de votre projet de loi, un certain nombre de regrets, car il n'aborde pas le sujet sur le fond. Les mesures proposées sont essentiellement techniques et fiscales. D'ailleurs, le fait qu'il ait été piloté par la commission des finances est révélateur.

Vous avez, monsieur le ministre, parlé de révolution du statut du mécénat et de la place accordée aux fondations. Mais pour parler de révolution, il aurait fallu aller beaucoup plus loin. La question que je pose est : veut-on, oui ou non, faire de la société civile, par le biais du mécénat et des fondations, un partenaire à part entière ?

Si la réponse est positive, alors les réformes administratives et statutaires restent à réaliser, et l'Etat doit faire véritablement confiance à la société civile. Il faut lui en donner les moyens, ce que ne permet pas le nouveau texte.

Il aurait fallu engager un vrai débat sur le rôle de l'Etat, ce qui nous aurait amené à évoquer le principe de subsidiarité, sujet essentiel que nous avons abordé récemment lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République et dont nous reparlerons bientôt lorsque seront discutées les lois organiques. Il peut se résumer ainsi : autant d'initiative que possible, autant d'Etat que nécessaire, mais pas plus ! L'Etat doit inciter, fixer les règles, aider les personnes ou les groupes à agir. Il doit les encadrer et non pas se substituer à eux, en respectant la formule « Etat garant mais pas Etat gérant ».

Or, concernant les fondations, l'intervention de l'administration reste entière : leur création doit être approuvée par le ministère de l'intérieur, dont le pouvoir est discrétionnaire ; le conseil d'administration des fondations reconnues d'utilité publique doit être composé pour un tiers de fonctionnaires ; des statuts types sont imposés. Il est temps, pour libérer les générosités, que l'administration fasse confiance à ceux qui veulent aider, tout en conservant, bien sûr, un rôle de contrôle a posteriori, afin de vérifier la transparence des comptes et l'absence d'abus concernant les avantages fiscaux.

Ce texte constitue, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, « un premier socle, un premier cadre général ». C'est un premier pas que j'approuve. Je souhaite qu'il soit suivi d'autres mesures facilitant la création des fondations et permettant de libérer les bonnes volontés, en faisant confiance à la société civile. Ce sera alors donner un nouvel élan au mécénat et aux fondations pour en faire de véritables partenaires non pas concurrents mais complémentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je vous rappelle que ce projet de loi a une portée générale. Si je vous le présente aujourd'hui, c'est parce que le décret d'attribution du ministère de la culture et de la communication me donne compétence en matière de développement du mécénat dans notre pays, selon une pratique désormais très ancienne. En effet, un certain nombre de mes prédécesseurs ont contribué de façon marquante au développement du mécénat. Je pense notamment à André Malraux, François Léotard et Jack Lang, qui ont favorisé les fondations d'entreprise.

Premièrement, il s'agit d'un texte de portée générale qui ne vise pas uniquement le domaine de la culture. S'il le concerne largement, il s'applique également à l'ensemble des secteurs qui, dans notre pays, relèvent de l'intérêt général : la santé, l'éducation, l'enseignement, le sport, la philanthropie, la recherche scientifique et médicale, etc.

Deuxièmement, ce texte n'épuise pas la totalité du sujet, comme je l'ai dit devant la commission. On doit imaginer qu'au cours des prochaines années des mesures spécifiques viendront enrichir le dispositif dans tel ou tel domaine qui relève de l'intérêt général. Je vous invite donc, les uns et les autres, à engager une démarche progressive.

Troisièmement, ce projet de loi vise à la simplification. Comme vous le savez, les dispositions fiscales relatives au mécénat sont peu utilisés car elles ne seront pas assez incitatives et sont complexes. Lorsque la loi aura été votée, il faudra encore réaliser un travail d'information à l'égard de nos concitoyens et des entreprises. Cette sensibilisation se fera d'autant plus facilement que les mesures adoptées par le Parlement seront simples. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je demeure réservé, comme je l'ai été à l'Assemblée nationale, sur un certain nombre de propositions, certes très intéressantes, et sur lesquelles nous reviendrons dans la discussion des articles, mais qui viendraient compliquer la pédagogie du mécénat.

Quatrièmement, j'insisterai sur la qualité du travail que le ministère de la culture et de la communication a accompli particulièrement avec le ministère du budget. Ce texte, en effet, relève d'un compromis entre ces ministères. Je suis naturellement sensible à la préoccupation du ministère du budget qui, dans un contexte budgétaire et fiscal complexe, ne veut pas aliéner une partie trop importante de la ressource de l'Etat. Néanmoins, votre ancien collègue Alain Lambert a saisi l'ampleur et l'intérêt de ce projet, qu'il a soutenu avec enthousiasme. Parce que j'ai été très attentif à la qualité de notre concertation sur l'ensemble des dispositions de ce texte, je resterai très réservé à l'égard d'amendements qui placeraient le ministère de la culture en porte-à-faux par rapport au ministère du budget.

J'évoquerai enfin l'inépuisable débat rhétorique qui oppose le mécénat au développement de l'action publique. M. Renar a évoqué Colbert, qui nous observe. Pour ma part, je ferai référence plutôt à Michel de l'Hospital, son voisin,...

M. Pierre Fauchon. Voilà une bien meilleure référence !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... qui a invité les catholiques et les protestants à cesser de s'entre-tuer. Cessons de nous lancer des invectives en nous traitant de privatiseurs, d'étatistes, de centralisateurs ou de décentralisateurs.

M. Ivan Renar. Il n'y avait pas d'invectives, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je l'avais bien compris. Nous sommes tous là pour servir l'intérêt général. Pour ma part, j'ai la conviction que le développement des fondations et celui du mécénat ne sont pas du tout contraires à une prise de conscience de plus en plus forte par l'Etat et les collectivités locales qui jouent un rôle essentiel dans le domaine du développement culturel et qui ne s'opposent pas.

Toutes les énergies doivent se mobiliser pour le développement d'un certain nombre de secteurs qui relèvent de l'intérêt général.

Prenons l'exemple des acquisitions d'oeuvres d'art, au titre du patrimoine public. Il y a d'abord les acquisitions faites par l'Etat et les collectivités locales. J'ai observé, à l'occasion de la vente de la collection d'André Breton, la parfaite coordination entre l'Etat et un certain nombre de collectivités locales - la ville de Nantes, la ville de Paris - en vue de l'acquisition des pièces essentielles de ce patrimoine. Ce fut un bon travail collectif.

La dation constitue également un formidable dispositif.

En outre, nous pouvons désormais nous appuyer sur les dispositions de la loi relative aux musées de France qui permettent aux entreprises de concourir à l'acquisition de trésors nationaux.

Ainsi, nous avons récemment pu présenter au musée du Louvre un ensemble d'oeuvres de Jean-Baptiste Oudry acquises grâce à la contribution décisive d'une entreprise, PGA Holding, qui s'est délibérément engagée en faveur de l'enrichissement du patrimoine public.

S'ajoutent enfin à ces dispositifs ceux que mettent en oeuvre les fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC, et tout cela contribue à la constitution, dans notre pays, de collections publiques.

Vous le savez, plusieurs grands musées de notre pays n'existent que grâce à la générosité de particuliers.

Monsieur Renar, que serait le musée de Villeneuve-d'Ascq sans la générosité de la famille Masurel ? Jamais les collectivités publiques du Nord n'auraient eu les moyens d'acheter de tels chefs-d'oeuvre !

Que serait le musée de Troyes sans la générosité de la famille Lévy ? Que serait la section d'art du xxe siècle du musée de Lyon sans la générosité de Jacqueline Delubac ?

Les particuliers et les entreprises concourent donc, aux côtés de l'Etat et des collectivités locales, à l'enrichissement du patrimoine national, et ce qui vaut pour les collections d'art vaut également pour le patrimoine ainsi que pour le développement de la vie musicale et de la création théâtrale.

Il faut cesser de s'imaginer que l'Etat a le monopole de l'excellence. Je vous inviterai d'ailleurs à débattre dans quelques mois d'un projet de loi de programme sur le patrimoine tant l'état réel du patrimoine de la France, y compris quand il s'agit de propriété de l'Etat, est consternant.

A Provins, l'abside de l'église Saint-Ayoul est en ruine. A Marseille, la cathédrale de la Major est en ruine et ses parements se détachent. A Compiègne, le château royal est dans un état lamentable. Et, à deux pas d'ici, le Panthéon menace ruine et ne tient que grâce à ses étais !

L'Etat n'a donc pas toujours été parfait. Il peut mieux faire, il fera mieux avec le concours des collectivités locales, mais aussi des fondations, des particuliers et des entreprises. Les contributions de tous sont utiles au développement de la vie culturelle, de l'éducation, de la santé. Il faut se mobiliser tous sans contradiction ni conflits dans l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance afin que la commission puisse examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer.

M. le président. Le Sénat va accéder à la demande de la commission.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - I. - L'article 200 du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Dans le premier alinéa du 1, le taux "50 %" est remplacé par le taux : "60 %" et le taux : "10 %" est remplacé par le taux : "20 %" » ;

« 2° Le a du 1 est ainsi rédigé :

« a) De fondations ou associations reconnues d'utilité publique et, pour les seuls salariés des entreprises fondatrices, de fondations d'entreprise, lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b » ;

« 3° Après le sixième alinéa du 1, il est inséré un f ainsi rédigé :

« f) D'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l'article 261 à des personnes en difficulté » ;

« 4° Au septième alinéa du 1, le mot : "sixième" est remplacé par le mot : "septième" ;

« 5° Après le 1, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Pour l'application des dispositions du 1, lorsque les dons et versements effectués au cours d'une année excèdent la limite de 20 %, l'excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions. » ;

« 6° Le 4 est abrogé ;

« 7° Au 5, les mots : "des 1 et 4" sont remplacés par les mots : "du 1" ;

« 8° Le 7 est ainsi rétabli :

« 7. Un organisme peut demander à la direction des services fiscaux du département où son siège social est établi s'il relève des catégories visées au 1. Cette demande doit être formulée par écrit, en fournissant tous éléments utiles pour apprécier l'activité de l'organisme. Si l'administration n'a pas répondu à cette demande dans un délai de six mois, l'organisme est réputé remplir les conditions visées au 1. »

« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux dons et versements effectués à compter du 1er janvier 2003. »

La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas contre le mécénat, et comment être contre un texte qui vise à encourager les particuliers - j'insiste sur ce thème - et les entreprises à consacrer une part de leurs moyens à des causes d'intérêt général ?

Je connais bien certaines expériences, celles de France Télécom, de Paribas, dont l'intérêt a pu, pour m'en tenir à un seul exemple, être pleinement apprécié par le chorégraphe Angelin Preljocaj.

Je pense aussi à l'expérience de l'Admical, l'association pour le développement du mécénat industriel et commercial qu'anime Jacques Rigaud.

Mais le contexte actuel m'inquiète et me contrarie. Or il faut en tenir compte de ce contexte pour apprécier le sens de ce qui est soumis à nos suffrages.

Je parlerai d'abord du budget. Je sais que M. le ministre récuse la thèse des vases communicants, mais les chiffres sont là : les 150 millions d'euros qui seront consacrés en dépenses fiscales au mécénat sont d'ores et déjà dépassés par les restrictions budgétaires opérées au moment du vote du budget et ultérieurement dans tous les secteurs concernés par le mécénat.

Selon le ministère de l'économie, la baisse du budget de la culture en 2003 s'établit à 5,2 %, soit 136 millions d'euros. Si l'on considère tous les autres secteurs concernés, on est bien obligé de constater que, le 14 mars, un décret a annulé 120 millions d'euros d'autorisations de programme consacrées à la recherche scientifique que, dans le secteur de la jeunesse et de la vie associative, les crédits ont été amputés de 21 millions d'euros, soit plus de 20 % du crédit prévu ; que la dotation initiale du développement social subit 11 millions d'euros de gel et 7 millions d'euros d'annulation, soit plus de 20 % du budget total que le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, après une baisse de 10 % de crédits dans la loi de finances, a vu son enveloppe réduite de 50 %.

Ajoutons qu'au moment où l'Assemblée nationale discutait de ce projet de loi, le Gouvernement prenait un décret d'annulation de 1 439 millions d'euros de crédits.

Et la situation de l'archéologie préventive, dont la responsabilité culturelle et patrimoniale était à la charge des constructeurs, ne devrait-elle pas donner matière à de graves réflexions ?

J'évoquerai ensuite la décentralisation. L'Etat, jusqu'à présent, ne garantit pas la totalité des crédits de la décentralisation et ne s'engage pas à les pérenniser au niveau souhaitable. Ainsi, les monuments historiques appartenant à l'Etat font l'objet d'une étude et il semblerait que certains ne resteront pas de la compétence exclusive de l'Etat et seront proposés ou transférés aux régions. S'agissant des châteaux de la Loire, seuls Chambord et Azay-le-Rideau resteraient propriété de l'Etat. Les autres châteaux, hormis ceux qui appartiennent au privé comme Chenonceaux ou à une collectivité territoriale comme Blois - et heureusement que l'Etat était là, autrement le château de Blois connaîtrait de grandes difficultés - bénéficieront d'un relais de la région et, surtout, d'un relais de mécénat. Le risque, si cette situation s'étend à l'ensemble des régions, c'est que le mécénat soutienne le patrimoine et oublie la création contemporaine, qui, la plupart du temps, n'est pas prisée. Je prendrai un deuxième exemple : les théâtres de la banlieue parisienne seraient, dit-on, trop nombreux, et plusieurs seraient menacés.

Donc, l'évolution du budget et le contenu de la décentralisation nous inquiètent, pour le moins nous interrogent.

Mais je voudrais aller plus loin. Il n'y a pas de tradition française de mécénat d'entreprise. Au passage, je considère que les louanges du mécénat à l'étranger devraient être plus mesurées. Les plus grandes créations de Bob Wilson et de Merce Cunningham, artistes que je connais bien, ont été aidées par des fonds publics de notre pays et le mécénat américain les oublie très souvent. En France, le mécénat est souvent lié à des individualités qui dirigent à un moment donné une entreprise. La loi va-t-elle multiplier le mécénat ou simplement amplifier l'action des entreprises qui s'y sont déjà engagées ? Par ailleurs, quand un de ces chefs d'entreprise sensibles à l'art change de responsabilités ou disparaît, souvent la fondation, ou l'esprit de la fondation, est touchée. Récemment, dans l'affaire Vivendi, dont on n'a toujours pas voulu discuter ici, on a vu la fondation Vivendi disparaître. Plus récemment, le décès de Jean-Luc Lagardère, qui était très sensible à ces questions, a entraîné le retrait de la personne qui, depuis quinze ans, animait le mécénat de l'entreprise. Il y a même un risque que les pouvoirs publics orientent le mécénat. Je me suis laissé dire que c'est ce qu'avait fait le ministère de l'éducation nationale avec l'initiative « Envie d'agir ». Considérons Canal Plus, qui tangue à cause des folies de M. Messier. Son siège magnifique, que l'on doit à l'architecte américain Richard Meier, est mis en vente pour 100 millions d'euros à une chaîne hôtelière, alors qu'il a coûté 200 millions d'euros. Je vous saisirai, monsieur le ministre, pour que le classement de cette très belle architecture des bords de Seine soit envisagé.

Dernière remarque : s'agissant du sort qui leur est réservé, on peut être conduit à une accentuation des inégalités entre les causes aidées, qui trouvent une expression médiatique, et les malheurs oubliés. Le Téléthon a permis de faire avancer la recherche sur la myopathie. Mais combien d'autres maladies auraient besoin de leur propre « téléthon » ? Or on ne peut multiplier ces manifestations à l'infini. On crée des causes riches et des causes pauvres.

En résumé, et pour me limiter au domaine de la culture, j'espère que les mécènes auront des goûts pluriels - M. le ministre a cité des cas probants - et que les artistes, dans leur diversité, bénéficieront de la générosité des Français de façon juste et équitable. Mais c'est faire le pari que la diversité culturelle est déjà garantie, et qu'elle ne mérite donc pas d'être promue.

Définir la diversité culturelle comme une revendication me paraît beaucoup plus pertinent. Cette conception de la diversité culturelle, que, pour ma part, je continue d'appeler « exception culturelle » et qui a été défendue lors du colloque international organisé le 2 février dernier au Louvre par le comité de vigilance crée au moment de l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement, a été reprise par le Président de la République recevant les délégués de ce colloque à l'Elysée. Cela doit être appliqué amplement.

Pour finir, comment ne pas évoquer ce qui, au niveau européen, se prépare, si nous n'y mettons un puissant correctif ? La semaine dernière, la délégation du Sénat pour l'Union européenne comme la commission des affaires culturelles du Sénat ont été saisies, par des collègues de mon groupe, de l'article 133 du traité de Nice, qui garantit à la culture, à l'éducation, à la santé et aux affaires sociales la possibilité pour les Etats d'avoir une politique ambitieuse autonome grâce à l'unanimité des Etats membres. Or le groupe de travail préparant la Convention qu'anime M. Giscard d'Estaing propose de remplacer la règle de l'unanimité par la règle de la majorité qualifiée. Soyons honnêtes : les politiques nationales telles que nous les connaissons historiquement dans notre pays seraient alors sûrement remises en cause.

On le voit, approuver le mécénat sans avoir conscience de son environnement national, européen, mondial - quelle politique défendrait l'Europe à l'Organisation mondiale de commerce avec un article 133 modifié comme je viens de le dire ? - est une vue un peu courte. Avec ce projet, il y a, c'est vrai, une intervention potentielle élargie du corps social dans ce domaine. Mais, pour cheminer, car, comme vous le savez, il y a des tendances usuraires dans le patronat français, elle a besoin d'une absence d'illusions et d'une très grande vigilance autour de ce qu'est le noyau dur de la politique culturelle nationale, à savoir la politique de création artistique, qui est une responsabilité publique, comme les Etats Généraux de la culture ne cessent inlassablement de le revendiquer. L'artiste est premier, les marchands viennent ensuite,... quand ils viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. En tant que rapporteur du projet de loi créant les fondations d'entreprise, je n'avais pas entendu de telles réserves émanant des travées sur lesquelles siègent ceux qui viennent d'en exprimer beaucoup. C'était sans doute parce qu'ils soutenaient à l'époque M. Jack Lang, qui présentait, au nom du gouvernement de l'époque, le texte que le Sénat, à la suite de la commission des affaires culturelles, avait adopté.

J'en viens au remarquable projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations qui nous est soumis aujourd'hui. Dès l'article 1er, il montre bien que, aux yeux du Gouvernement, l'intérêt général n'est pas ou plus le monopole de l'Etat. Toutefois, les fondations reconnues d'utilité publique ne recueillent pas, dans ce texte, l'attention spécifique qu'elles méritent. En effet, compte tenu de leur patrimoine, elles sont assurées d'une certaine continuité, qui, en la matière, est gage d'efficacité et de souplesse. De surcroît, et contrairement à ce qui a été dit, bien que le contrôle de l'Etat sur les fondations reconnues d'utilité publique soit plus souple que sur les administrations, celui-ci est tout de même très sérieux et très vigilant sur tous les points essentiels de leur vie et de leurs décisions.

Ces fondations sont particulièrement efficaces et utiles.

Dans le domaine des arts plastiques, je citerai, à Saint-Paul-de-Vence, la fondation Maeght, que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Ce remarquable musée d'art contemporain est ouvert trois cent soixante-cinq jours par an, et même un jour de plus les années bissextiles. Il organise des expositions qui ont un rayonnement international. On n'y a dénombré aucun arrêt pour grève depuis sa création. Reconnu au niveau mondial, il ne coûte rien à l'Etat en termes de fonctionnement. Il est géré avec souplesse, efficacité et compétence. C'est un exemple qui peut se multiplier, et ce projet de loi le permettra.

Dans le domaine de l'innovation et de la recherche, je citerai la Fondation Sophia-Antipolis, créée en 1984 par un arrêt du Conseil d'Etat. Son action tenace et continue a permis de créer et de développer sur le parc de Sophia-Antipolis un état d'esprit consensuel, innovateur, ouvert au changement et à la modernité scientifique et technique. Il en est résulté des innovations et des créations de « jeunes pousses » nombreuses. Le chiffre d'affaires généré dans les Alpes-Maritimes dépasse désormais celui qui découle du tourisme. Ont été créés plus de 30 000 emplois directs et près de 100 000 emplois induits. Cela prouve bien que, pour la recherche, comme pour les arts plastiques - mais on pourrait multiplier les exemples - les fondations sont des outils importants et efficaces, quand elles sont reconnues d'utilité publique et qu'elles ont un patrimoine et une continuité tenace.

Selon moi, il serait intéressant, soit à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, soit dans des discussions ultérieures, de renforcer encore les atouts et l'attractivité des fondations reconnues d'utilité publique, et tout particulièrement dans le domaine de la recherche, point crucial pour le développement économique, social et culturel de la France. Un certain nombre d'amendements seront présentés. C'est un problème majeur, qui méritera une discussion approfondie éventuellement dans cette loi et à l'occasion des lois à venir. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Miquel, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Avant le 1° du I de cet article, insérer six alinéas ainsi rédigés :

« ... Dans le premier alinéa du 1, les mots : "une réduction d'impôt sur le revenu égale" sont remplacés par les mots : "un crédit d'impôt sur le revenu égal".

« ... Dans la première phrase du dernier alinéa du 1, les mots : "à la réduction d'impôt" sont remplacés par les mots : "au crédit d'impôt".

« ... Dans la première phrase du 3, les mots : "à la réduction d'impôt" sont remplacés par les mots : "au crédit d'impôt".

« ... Dans la seconde phrase du premier alinéa du 5, les mots : "la réduction d'impôt est refusée" sont remplacés par les mots : "le crédit d'impôt est refusé".

« ... Dans la première phrase du premier alinéa du 6, les mots : "de la réduction d'impôt" sont remplacés par les mots : "du crédit d'impôt".

« ... Dans le dernier alinéa du 6, les mots : "La réduction d'impôt accordée est remise en cause" sont remplacés par les mots : "Le crédit d'impôt accordé est remis en cause". »

« II. - En conséquence, dans le texte proposé par le 5° du I de cet article pour le 1 bis de l'article 200 du code général des impôts, remplacer les mots : "à la réduction d'impôt" par les mots : "au crédit d'impôt".

« III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des paragraphes ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant du remplacement à l'article 200 du code général des impôts de la réduction d'impôt par un crédit d'impôt est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à remplacer la réduction d'impôt sur le revenu en matière de dons à des organismes d'intérêt général par un crédit d'impôt d'un montant équivalent et dans la limite du même plafond.

Actuellement, seuls les donateurs qui sont par ailleurs assujettis au paiement de l'impôt sur le revenu bénéficient d'un avantage fiscal. Ainsi, de fait, le texte que nous examinons ne s'adresse qu'à une motié des Français, la moitié la plus fortunée. Si l'on considère que le mécénat est un moyen efficace pour renouer le lien social et exprimer un engagement citoyen, il est injustifié de n'encourager qu'un Français sur deux à le pratiquer. Ainsi, avec la réduction d'impôt, l'efficacité n'est pas au rendez-vous.

Par ailleurs, il est assez surprenant de traiter différemment - car c'est bien à cela qu'aboutit en fin de compte une réduction d'impôt - la générosité des Français en faveur de causes d'intérêt général. Les dons effectués par des personnes non imposables méritent tout autant la reconnaissance de la République que les autres.

Notre amendement aurait, de surcroît, l'avantage de rendre notre droit fiscal plus cohérent. En effet, l'achat d'un véhicule fonctionnant au GPL ouvre droit à un crédit d'impôt tandis que le don à une association de protection de l'environnement donne lieu à une simple réduction d'impôt ; or, dans les deux cas, il s'agit d'encourager des comportements préservant l'environnement. Certes, les Français les plus modestes qui souhaitent agir contre la pollution peuvent toujours rouler au GPL plutôt qu'aider financièrement une association, mais reconnaissons que le système actuel n'est pas satisfaisant.

Le coût de la mise en place de ce crédit d'impôt serait faible pour l'Etat, les personnes modestes n'ayant malheureusement pas les moyens financiers d'effectuer des dons importants. En revanche, la mesure serait symbolique et permettrait enfin de traduire en actes le discours sur ce que certains appellent « la France d'en bas ».

En outre, les ressources des organimes bénéficiaires de la générosité des Français seraient à l'évidence dynamisées par une telle mesure.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'invite le Sénat à adopter cet amendement de justice et d'efficacité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commision émet un avis défavorable. Je ne voudrais pas engager un débat de nature idéologique...

M. Raymond Courrière. Sur la France d'en bas ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. ... mais il est clair que M. Miquel fait ici preuve d'une très grande imagination !

Sa proposition ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la générosité : celle-ci doit être spontanée et non pas encouragée par des subventions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je me range à l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.

M. Jean Chérioux. Je suis étonné du manque de bon sens qui se dégage des propos de M. Miquel. A l'évidence, lorsqu'on a besoin d'argent pour financer des oeuvres, on en demande à ceux qui en ont. C'est d'ailleurs bien ce que vous voulez dire, chers collègues socialistes, lorsque, notamment en matière d'impôts, vous proclamez : « Il faut faire payer les riches ! ».

En matière de mécénat, c'est bien aux riches qu'il faut faire appel. C'est ce que l'on fait dans le monde entier. Pourquoi la France devrait-elle faire exception ?

M. Michel Charasse. Où sont-ils, les riches ? Il n'y en a plus !

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. M. Chérioux a ouvert le débat sur cette question avec beaucoup d'humour !

On le sait, à peu près la moitié des contribuables de l'impôt sur le revenu sont aujourd'hui exonérés du paiement de toute cotisation au titre de l'impôt, ce qui limite la pertinence de tout système de réduction d'impôt, et le problème n'est pas seulement idéologique, monsieur le rapporteur.

Dans les faits, ce sont bien les ménages les plus aisés qui bénéficieront le plus du dispositif proposé par le Gouvernement, le traitement particulier réservé aux dons aux organismes de solidarité alimentaire ne faisant que corriger cette inégalité de traitement.

Nous pourrions donc opter pour la mise en oeuvre d'un dispositif de crédit d'impôt qui permettrait de valoriser autant la générosité du chef d'entreprise du bâtiment que la philanthropie de l'ouvrier charpentier, car un tel dispositif serait neutre au regard de la situation fiscale de l'un et de l'autre.

Cependant, se pose une question essentielle : le mécénat et le soutien aux associations seront-ils instrumentalisés, comme on peut s'y attendre, au profit d'une gestion plus stricte de la dépense publique, mise en déclin sur l'ensemble des champs couverts par le présent projet de loi, bien au-delà du développement culturel, aspect sur lequel mon ami Jack Ralite a plus particulièrement insisté.

En effet, on peut se demander si nous ne risquons pas de voir avant tout se déployer un outil complémentaire d'optimisation fiscale en lieu et place d'une véritable politique de développement social et culturel, celle-ci souffrant de la réduction de la dépense publique.

N'oublions jamais que les quelque 150 millions d'euros de dépenses fiscales au titre de l'année n + 1 ne peuvent compenser les millions d'euros de réduction de crédits affectant la recherche, la culture, le sport, etc. Aussi ne pouvons-nous valider pleinement le choix d'un dispositif de crédit d'impôt, car un tel dispositif ne peut exister sans que soit maintenue une politique publique de fond dans les domaines couverts par le projet de loi.

Cela étant, nous voterons l'amendement n° 41 rectifié, présenté par nos collègues socialistes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. - Remplacer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Le début du 1 est ainsi rédigé :

« Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 60 % de leur montant les sommes, prises dans la limite de 20 % du revenu imposable ou de 25 % dudit revenu lorsqu'elles sont exclusivement destinées à des organismes mentionnés au f, qui correspondent à des dons et versements,... (Le reste sans changement.) »

« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du 1 de l'article 200 du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A dudit code. »

Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Miquel, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le dernier alinéa du A de l'amendement n° 6 rectifié, après les mots : "égale à 60 % de leur montant", insérer les mots : ", ou 70 % de leur montant lorsque les dons et versements sont effectués exclusivement en faveur d'organismes mentionnés au f".

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, dans le dernier alinéa du B du même amendement, après les mots : "d'un plafond spécifique", insérer les mots : "et d'un taux spécifique de 70 %". »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6 rectifié.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement a pour objet de manifester une marque d'intérêt aux organismes humanitaires qui s'occupent tout particulièrement de fournir aux plus déshérités d'entre nous nourriture, logement ou soins. En effet, avec ce projet de loi, l'avantage comparatif dont ces organismes disposaient disparaît. La commission des finances n'a pas souhaité modifier le taux de réduction d'impôt, mais elle propose que la limite par rapport au revenu imposablesoit portée de 20 % à 25 %.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre le sous-amendement n° 52 rectifié.

M. Gérard Miquel. Comme nous l'a expliqué le rapporteur de la commission des finances, l'amendement n° 6 rectifié vise à porter le plafond des dons à des organismes humanitaires éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu de 20 % à 25 %.

L'intention ainsi manifestée par la commission des finances est louable, mais la mesure qu'elle propose est trop frileuse, pour ne pas dire essentiellement symbolique : de 20 % à 25 %, la différence n'est pas significative et, en tout cas, pas incitative.

De plus, il semble que ce plafond de 25 % ne s'appliquerait qu'aux dons effectués en faveur des organismes d'aide aux personnes en difficulté. Cela signifie-t-il qu'un contribuable ne pourrait pas obtenir à la fois la réduction d'impôt attachée aux dons en faveur des organismes d'intérêt général et la réduction attachée aux organismes humanitaires ? Si tel est le cas, afin qu'une plus grande liberté soit offerte, il aurait été préférable, comme le proposait le groupe socialiste, de prévoir un plafond global de 30 % pour tous les types de dons agrégés et, à l'intérieur de celui-ci, de maintenir le plafond de 20 % pour les dons aux organismes d'intérêt général.

En outre, plus que le plafond de dons, c'est le taux de la réduction d'impôt qui importe, le plafond n'étant que très rarement atteint.

En conséquence, le présent sous-amendement vise à porter le taux de la réduction d'impôt sur le revenu de 60 % à 70 % pour les dons aux organismes qui fournissent un hébergement, des soins ou un repas aux personnes en difficulté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 52 rectifié ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Défavorable : c'est l'un ou c'est l'autre !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 52 rectifié et sur l'amendement n° 6 rectifié ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je comprends fort bien les intentions qui animent les auteurs de l'amendement et du sous-amendement : ils souhaitent accorder un avantage particulier aux foyers qui affectent, à titre exclusif, des dons au profit des associations dont l'objet est de venir en aide aux personnes en difficulté.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, je le rappelle, confère déjà aux donateurs un avantage sensiblement plus élevé que celui dont ils bénéficiaient jusqu'à présent puisque c'est une réduction d'impôt de 60 % qui leur est accordée, dans la limite de 20 % du revenu imposable, au lieu de l'abattement de seulement 407 euros auxquels ils avaient droit au titre de l'impôt sur leurs revenus de 2002.

Souhaitant, comme je l'ai déjà indiqué, ne pas accroître la complexité du dispositif ni établir de discrimination, positive ou négative, en faveur de telle ou telle action d'intérêt général, je suis conduit à émettre un avis défavorable sur l'amendement et, bien entendu, sur le sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe de Gaulle, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 52 rectifié.

M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre pays, par doctrine, on confie trop d'initiatives à l'Etat on s'étonne que les dons privés au mécénat y soient quatre, dix, voire vingt fois inférieurs à ce qu'ils sont dans les autres pays civilisés. La raison en est que, chez nous, l'Etat, qui invite à la générosité et qui se donne l'air de faire des cadeaux aux généreux donateurs, n'est lui-même guère vertueux. Loin de défiscaliser en totalité les dons, comme le font les autres pays, l'Etat continue à imposer la moitié ou 40 % des sommes versées officiellement aux oeuvres, sommes qui ne constituent pourtant plus des revenus puisque les intéressés s'en sont eux-mêmes privés.

La France est, en vérité, le seul pays où l'Etat continue à prélever sur les donations.

En attendant que l'on ait l'honnêteté de décider une totale défiscalisation des dons, je voterai l'amendement n° 6 rectifié, car il constitue déjà un progrès.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. La démarche proposée par le Gouvernement et approuvée par l'Assemblée nationale, visant à accroître les possibilités de déductions en matière de dons, est bien entendu, dans son principe, une bonne démarche, mon groupe et moi-même ne le contestons pas, pas plus que quiconque, je pense, dans cette assemblée.

Le problème, c'est que cette démarche aboutit à placer tout le monde sous le même régime, c'est-à-dire à banaliser les dispositifs particuliers, notamment celui qui est issu de l'« amendement Coluche » et qui avait l'avantage, en accordant un petit « plus », de permettre une orientation des dons vers l'action d'urgence que mènent, surtout en hiver, un certain nombre d'associations : Emmaüs, l'Armée du salut, les Restos du coeur, la Mie de pain, le Secours catholique, le Secours populaire, etc., bref, tous ces bénévoles qui mettent à l'abri et au chaud ceux qui couchent dehors, les nourissent et s'efforcent en plus, parfois, de les réinsérer.

Or, monsieur le ministre, comme je vous l'ai dit en commission, et sans vouloir contester ce que je pourrais appeler la pureté et la limpidité de votre démarche, vous allez plus loin : vous augmentez pour tout le monde.

Ce qui nous préoccupe, au sein de mon groupe en particulier, ce ne sont pas tant les petits dons qui sont très nombreux et qui viennent de gens modestes - c'est-à-dire, soit dit en passant, de gens qui, souvent, ne sont même pas imposables à l'impôt sur le revenu et ne profitent donc pas de l'avantage fiscal - que les dons beaucoup plus importants qui émanent d'organismes institutionnels : banques, compagnies d'assurance, grosses entreprises publiques ou privées.

Quand s'appliquait une règle particulière à ce que M. Oudin, rapporteur d'un précédent texte, avait appelé le « don Coluche » dans la mesure où il ouvrait droit à un taux de déduction supérieur, les grands organismes institutionnels - EDF, SNCF, entre autres - avaient évidemment tendance à le privilégier.

On peut craindre que, si les dons se retrouvent dorénavant tous à égalité, les associations caritatives qui se déploient l'hiver un peu partout sur le territoire, principalement dans les grandes villes mais pas seulement, pour venir en aide aux sans-abri ne soient victimes d'un partage et n'aient plus les fonds suffisants pour faire face l'hiver prochain.

En commission, monsieur le ministre, vous avez admis que vous ne vous étiez pas posé le problème en ces termes et, devant les objections que je viens de rappeler, vous avez répondu : « Faisons quand même un essai et, si des difficultés apparaissent, on avisera ! » C'est évidemment une position intéressante, mais elle est toute différente de celle que traduisent l'amendement comme le sous-amendement en discussion.

Monsieur le ministre, étant associé à ces opérations depuis très longtemps - je suis même à l'origine du vote de la disposition à laquelle est maintenant attaché le nom de Coluche -, je peux vous affirmer que, lorsqu'on a perdu les donateurs, on ne les récupère plus ; en tout cas, on ne les récupère pas aussi facilement qu'on peut le croire.

Par conséquent, la démarche qui consiste à expérimenter puis, éventuellement, à rectifier, est parfaite en théorie mais, en pratique, compte tenu de la psychologie très particulière des personnes qui participent à ce type d'actions, elle risque de placer les associations dans une situation très difficile. Que fera le Gouvernement s'il se retrouve au pied du mur à la mi-novembre ou au début décembre, quand les associations lui diront : « Nous ne pourrons pas tenir tout l'hiver ! »

C'est la raison pour laquelle je suis favorable au principe du maintien d'une différence.

Tout en me félicitant de l'effort consenti par la commission des finances - et je remercie son rapporteur, qui s'est beaucoup intéressé à cette question -, je préfère de loin la distinction plus nette qui est proposée dans le sous-amendement n° 52 rectifié. Cependant, si, par malheur, celui-ci n'était pas adopté, nous devrions absolument, mes chers collègues, malgré l'avis du Gouvernement, nous rallier à l'amendement n° 6 rectifié. C'est notre seule chance, en maintenant un peu de différence, d'éviter les mauvaises surprises dans les comptes de tous les organismes dont la vocation est de venir en aide à ceux qui, chaque hiver, risquent de mourir de faim et de froid dans notre pays. Nous savons tous, hélas ! que cette détresse n'a pas disparu l'hiver dernier et qu'elle ne disparaîtra pas l'hiver prochain.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Je voudrais simplement compléter les propos de Michel Charasse.

L'objectif de simplification et d'harmonisation que sous-tend l'instauration du taux unique est hautement louable. Néanmoins, il convient de reconnaître que la particularité des organismes humanitaires justifie pleinement l'instauration d'un taux spécifique ; c'était d'ailleurs, en son temps, l'objet de l'amendement Coluche.

Pour tout humaniste, l'homme est la valeur suprême. Défendre son existence même - et c'est bien de cela qu'il s'agit - relève dès lors d'une cause d'intérêt général supérieure à toutes les autres.

J'ajoute que cette mesure s'inscrit dans un contexte de désengagement de l'Etat. La suppression des emplois-jeunes cause un préjudice considérable à ces associations, et la baisse des crédits du ministère des affaires sociales, du travail, de la solidarité et de l'emploi frappe durement les populations qu'elles accueillent. Il en va de même avec le durcissement - qui a été suspendu, mais seulement à titre provisoire, le Sénat en ayant refusé la suppression - des conditions d'accès à la CMU et à l'aide médicale d'Etat ou avec le projet de remise en cause du RMI dont nous allons débattre prochainement.

Nous pouvons donc le constater, la pression qui pèse sur les plus faibles ne cesse d'augementer. Le danger est grand qu'elle remette en cause la cohésion nationale. C'est pourquoi le maintien d'un avantage au bénéfice des associations en question nous paraît indispensable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je le répète, je comprends les raisons qui ont conduit au dépôt de cet amendement et de ce sous-amendement. Néanmoins, je suis très attaché au principe de simplicité de la loi. En général, si les lois ne sont pas efficaces, c'est parce qu'elles sont trop compliquées.

Si l'on recommence à instaurer des mesures particulières pour telle ou telle catégorie d'associations ou d'organismes - et, disant cela, je n'ignore nullement l'intérêt social de l'hébergement et de la restauration d'urgence -, on suscitera certainement des réactions de la part d'autres organismes tout aussi utiles à l'intérêt général, car ils s'estimeront discriminés ; je pense, par exemple, aux organismes qui contribuent à la recherche contre le cancer ou à la prise en charge des femmes victimes de violence.

Pour ma part, j'estime que la proposition du Gouvernement ne cause aucun préjudice aux associations qui bénéficient aujourd'hui de mesures particulières, puisqu'elle prévoit simplement que l'ensemble des associations et des fondations bénéficieront de mesures identiques, dans la mesure où l'on déplafonne l'actuelle contrainte de 407 euros.

J'aurais donc préféré que l'on s'en tienne à ce principe de simplicité et de lisibilité et que la commission renonce à son amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 52 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 6 rectifié, même si je suis très sensible à la simplicité, j'attache également beaucoup d'importance, comme nombre de nos collègues, au souci d'éviter toute discrimination humanitaire.

La commission maintient donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Miquel, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le 2° du I de cet article. »

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. L'amendement n° 42 rectifié tend à modifier le régime des dons aux fondations d'entreprise.

Actuellement, les dons aux fondations d'entreprise reconnues n'ouvrent pas droit à une réduction d'impôt, pour la bonne et simple raison qu'ils sont interdits. Toutefois, l'article 5 revient partiellement sur cette interdiction en permettant aux salariés de l'entreprise fondatrice d'effectuer de tels dons. L'article 1er permet, quant à lui, de rendre ces dons éligibles à la réduction d'impôt.

L'amendement que je présente vise à supprimer cette disposition de l'article 1er, car les fondations d'entreprise ont une spécificité qui fait leur raison d'être et qu'il convient de préserver.

Voilà les raisons pour lesquelles j'invite le Sénat à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission est très nettement défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Après le 2° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° bis Le début du b du 1 de l'article 200 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« b) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à l'encouragement à la création contemporaine ou à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions... (Le reste sans changement.) »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Parmi les différentes finalités de ce texte remarquable figurent un certain nombre de compétences du ministère de la culture, notamment la mise en valeur du patrimoine et la diffusion. Mais il n'est pas question de création. Il nous a semblé que, à partir du moment où s'opérait une telle distinction au-delà du seul volet culturel, pris dans la globalité, il nous fallait ne pas oublier la création. Au demeurant, nous visons la création « contemporaine », pour employer le jargon à la mode, mais nous pourrions parler de création tout court...

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je ne suis pas favorable à cet amendement parce que je souhaite que le texte conserve sa portée générale et que l'on n'y énumère pas toutes les catégories particulières d'activités relevant de l'intérêt général qui pourraient en bénéficier.

Je serais donc très sensible au retrait éventuel de cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Comme j'ai fait à l'instant de la peine à M. le ministre, je tiens à lui faire maintenant plaisir : je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.

L'amendement n° 71, présenté par M. Ferrand, est ainsi libellé :

« I. - Après le 2° du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le b du 1 est complété par les mots : "notamment dans le cadre des établissements d'enseignement français à l'étranger dont les programmes sont officiellement reconnus par l'Etat". »

« Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 200 du code général des impôts aux dons faits à des établissements français d'enseignement à l'étranger sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code. »

La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Cet amendement a pour objet de permettre expressément aux établissements scolaires français à l'étranger de profiter des dispositions de cet excellent projet de loi.

Je crois qu'il n'est pas besoin de rappeler ici l'importance du rôle de notre réseau d'écoles à l'étranger pour notre présence culturelle et économique dans le monde. Or il se trouve que l'Etat, qu'il s'agisse du ministère des affaires étrangères, qui gère ce réseau, ou du ministère de l'éducation nationale, qui a été appelé en renfort - en vain jusqu'à présent - n'a pas les moyens d'accomplir l'effort indispensable au développement et à l'adaptation de ce réseau.

Les entreprises doivent contribuer à cet effort dans le cadre d'un partenariat public-privé. Elles sont prêtes à le faire, à condition - on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre, c'est bien connu - qu'on leur propose des mesures incitatives.

Ce projet de loi comporte des mesures incitatives. Malheureusement, alors que nous pensions que, ce texte étant d'une portée générale, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, il allait de soi que les établissements français d'enseignement à l'étranger entraient dans son champ d'application, la lecture du memento Lefebvre nous a un peu inquiétés dans la mesure où, à plusieurs reprises, de telles initiatives, prises dans le cadre de l'article 200 du code général des impôts, ont été « retoquées » par l'administration fiscale.

Cet amendement n'a d'autre objet que d'obtenir la certitude que les dispositions de ce projet de loi s'appliqueront à notre réseau d'enseignement français à l'étranger.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission des finances est en principe favorable à cet amendement, sauf à ce qu'il nous soit prouvé que le projet de loi couvre déjà cette possibilité. La réglementation n'est pas très claire sur ce point et j'aimerais connaître l'opinion du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur Ferrand, vous proposez d'étendre le bénéfice du régime du mécénat d'entreprise aux établissements d'enseignement français à l'étranger dont les programmes sont officiellement reconnus par l'Etat. Or, en 1987, lors de l'examen de la loi sur le développement du mécénat, M. Juppé, alors ministre du budget, avait précisé que les associations d'aide au développement d'établissements scolaires à l'étranger qui se créeraient en France pour aider les écoles et lycées français à l'étranger pourraient bénéficier du régime du mécénat d'entreprise au titre des organismes favorisant la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques et techniques. Il a ainsi fixé la doctrine de l'administration en la matière.

J'estime donc que le souhait que vous exprimez est d'ores et déjà satisfait. Pour ces motifs, et au bénéfice de la conviction que pourraient vous inspirer mes explications, monsieur le sénateur, je vous suggère de retirer votre amendement. A défaut, au nom du principe de généralité du texte, j'aurais le regret d'en demander le rejet.

M. le président. Monsieur Ferrand, l'amendement est-il maintenu ?

M. André Ferrand. Comme l'a rappelé M. le rapporteur, la jurisprudence semble nous donner des raisons d'être inquiets, nonobstant la position qu'avait adoptée en son temps M. Juppé et que vient de rappeler M. le ministre.

Alors, monsieur le ministre, cela va peut-être sans dire, mais, si nous l'écrivions, cela irait sans doute encore mieux vis-à-vis d'une administration dont on sait qu'elle cherche des raisons de s'opposer à certaines mesures d'allégement fiscal.

Cela étant, la parole de M. le ministre me suffit et je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Miquel, Charasse, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le 3° du I de cet article :

« 3° Le 4 est ainsi rédigé :

« Le taux de la réduction d'impôt visée au 1 est porté à 70 % pour les versements effectués au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l'article 261 à des personnes en difficulté. Ces versements sont retenus dans la limite de 30 % du revenu imposable, les dons effectués au titre du 1 étant également pris en compte pour l'appréciation de cette limite. »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du paragraphe ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'augmentation du taux et du plafond de la réduction d'impôt bénéficiant aux donateurs à certains organismes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Miquel, Charasse, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le 6° du I de cet article. »

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Hoeffel, Trégouët et Carle, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le 6° de cet article :

« 6° Le 4 est ainsi rédigé :

« 4. Le taux de la réduction d'impôt visée au 1 est porté à 90 % dans la limite de 20 % du revenu imposable pour les versements effectués à la création d'une fondation reconnue d'utilité publique et au renforcement de la dotation d'une fondation ou au renforcement de celle-ci. »

L'amendement n° 53, présenté par M. Raoul, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le 6° du I de cet article :

« 6° Le 4 est ainsi rédigé :

« 4. Le taux de la réduction d'impôt visée au 1 est porté à 90 % dans la limite de 20 % du revenu imposable pour les versements effectués à la création d'une fondation reconnue d'utilité publique, dont la gestion est désintéressée, ayant pour mission de mener et de promouvoir des recherches scientifiques. »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du paragraphe ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'augmentation du taux de la réduction d'impôt sur le revenu prévue en matière de dons lors de la création de fondations reconnues d'utilité publique dans le domaine de la recherche scientifique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Carle, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le 6° du I de cet article :

« 6° Le 4 est ainsi rédigé :

« 4. Le taux de la réduction d'impôt visée au 1 est porté à 75 % dans la limite de 20 % du revenu imposable pour les versements effectués à la création d'une fondation reconnue d'utilité publique ou pour le renforcement de la dotation d'une fondation existante. »

La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre les amendements n°s 43 rectifié et 47 rectifié.

M. Gérard Miquel. L'amendement n° 43 rectifié a pour objet de porter le montant de la réduction d'impôt sur le revenu de 60 % à 70 % pour les dons aux organismes qui fournissent un hébergement, des soins ou des repas aux personnes en difficulté.

Par ailleurs, les dons pris en compte seraient plafonnés à 30 % du revenu imposable, les dons effectués aux autres catégories d'organismes d'intérêt général étant également pris en considération pour l'appréciation de ce plafond, mais limités, quant à eux, à 20 %.

Quant à l'amendement n° 47 rectifié, c'est un amendement de conséquence.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.

M. Pierre Laffitte. Cet amendement concerne spécifiquement la constitution ou le renforcement du patrimoine des fondations, ainsi que je l'ai évoqué lors de mon intervention sur l'article 1er. Il vise à étendre très largement les réductions d'impôt prévues dans ce cas.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 53.

M. Daniel Raoul. Cet amendement reprend partiellement la rédaction de celui qu'ont déposé MM. Laffitte et Trégouët, mais il met surtout l'accent sur les fondations de recherche, car le projet de loi ne contient pas de mesure forte de soutien en leur faveur.

Afin de leur donner les moyens de se développer en nombre et en taille et afin qu'elles puissent jouer un rôle dans une société où l'évolution scientifique et technologique est très rapide, il est proposé qu'une réduction d'impôt spécifique soit accordée aux versements effectués pour la création d'une fondation reconnue d'utilité publique et consacrée à la recherche.

Je crois savoir, monsieur le ministre, que les cabinets de vos collègues M. Mattei et Mme Haigneré seraient favorables à de telles dispositions, qui permettraient d'encourager la création de fondations de recherche, dont l'utilité se fait sentir de façon croissante compte tenu, notamment, des inquiétudes que suscitent parfois chez nos concitoyens les modifications scientifiques et technologiques de leur cadre de vie, inquiétudes entretenues par divers obscurantistes.

Le financement direct des recherches par les industriels entame la crédibilité des laboratoires, même lorsqu'il s'agit de cofinancement de nos établissements publics à caractère scientifique et technologique, à savoir l'INRA, l'INSERM ou le CNRS, et crée une suspicion sur l'objectivité des résultats publiés.

Ce climat peut aussi contribuer au désintérêt qu'ont les jeunes pour les filières scientifiques. Il y a donc là un véritable enjeu stratégique et politique pour notre pays, qui, en dehors de l'agriculture et du tourisme, n'a d'autres ressources et de matières premières que la matière grise.

Il est urgent de favoriser, pour reprendre une expression chère à notre collègue M. Laffitte, « la fertilisation croisée » des financements que permettent les fondations. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons été conduits, avec mon collègue Jean-Louis Lorrain, à proposer, dans le rapport sur la téléphonie mobile et la santé que nous avons présenté en novembre dernier à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, la création d'une fondation destinée à examiner les conséquences de l'environnement électromagnétique sur la santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour défendre l'amendement n° 66 rectifié.

M. Jean-Claude Carle. Je serai très bref, car cet amendement a le même objet que l'amendement n° 29 rectifié, que vient de présenter notre collègue M. Laffitte. Peut-être prend-il cependant mieux en compte les remarques exprimées par M. le rapporteur sur la réalité actuelle du budget, dans la mesure où il prévoit une réduction d'impôt de 75 % dans la limite de 20 % du revenu imposable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission n'est favorable ni aux amendements n°s 43 rectifié et 47 rectifié, ni, à regret, aux amendements n°s 29 rectifié, 53 et 66 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Concernant les amendements n°s 43 rectifié et 47 rectifié présentés par M. Miquel, le Gouvernement y est défavorable pour les raisons que j'ai exposées concernant l'amendement n° 6 rectifié, et qui me semblent tout à fait claires.

S'agissant des amendements n°s 29 rectifié, 53 et 66 rectifié, je répondrai à MM. Laffitte, Raoul et Carle que je préfère m'en tenir au principe de non-établissement de discriminations au bénéfice de telle ou telle catégorie. L'effort que nous faisons est déjà considérable et l'ensemble des actions d'intérêt général en profiteront. Si nous nous mettons à établir des règles particulières au bénéfice de telle ou telle catégorie - y compris les plus honorables, dont la recherche, mais pourquoi pas, en effet, la création artistique, sur laquelle ma position a été la même - nous finirons par brouiller la lisibilité du texte.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Pierre Laffitte, l'amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Laffitte. Compte tenu des observations et de la commission et du Gouvernement, je retire cet amendement sachant que nous aurons bientôt l'occasion de le représenter à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'innovation et la recherche.

M. le président. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.

Monsieur Daniel Raoul, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Jean-Claude Carle, l'amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle. Compte tenu des explications données par M. le ministre, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 66 rectifié est retiré.

L'amendement n° 17, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« I. - Après le sixième alinéa du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° bis Après le sixième alinéa du 1, il est inséré un g ainsi rédigé :

« g) D'organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée au sens du 1° du 7 de l'article 261. »

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 200 du code général des impôts aux dons faits à des organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du régime fiscal des dons à l'ensemble des organismes qui organisent ce que l'on appelle le spectacle vivant - musique, théâtre, danse - et qui en sont actuellement privés parce qu'ils sont soumis à la réglementation commerciale en matière fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. A vrai dire, cet amendement me met dans la situation de Ravaillac, si je puis dire : il m'écartèle ! (Sourires.)

Il est évident que, comme ministre de la culture, je ne peux qu'être favorable à une mesure contribuant à régler un véritable problème pour les institutions du spectacle vivant qui, n'ayant pas un statut public administratif, font très souvent appel au mécénat. Je veux parler des festivals, des orchestres, des théâtres, des ensembles musicaux, des compagnies chorégraphiques, etc.

La plupart de ces institutions ont un statut associatif et connaissent une situation financière fragile, voire déficitaire. Quoi qu'il en soit, elles n'ont pas pour finalité de réaliser du profit et leurs comptes sont équilibrés grâce, naturellement, à leurs billetteries, mais surtout et dans une large mesure grâce aux concours financiers publics de l'Etat et des collectivités territoriales qui les soutiennent.

Pour réduire leurs difficultés, la plupart d'entre elles se sont assujetties volontairement à la TVA, ce qui a eu indirectement pour effet de les assujettir aux autres impôts commerciaux. On pourrait craindre qu'étant dès lors considérées comme « lucratives » par l'administration fiscale elles ne puissent bénéficier directement du mécénat. Or ce serait tout à fait paradoxal, puisque la réforme du mécénat vise, précisément, à améliorer leur situation !

En outre, comme vous le savez, la conjoncture n'est pas toujours propice au spectacle vivant sur lequel pèsent en effet diverses contraintes : nouvelles règles applicables au travail de nuit et doublement des cotisations des agents intermittents du spectacle.

Je ne peux donc qu'être favorable à une solution permettant à toutes ces structures, qui sont en réalité non lucratives malgré leur qualification, de bénéficier pleinement de la réforme du mécénat. Naturellement, ce bénéfice doit être réservé aux associations, aux fondations, aux établissements publics, à l'exclusion des véritables sociétés commerciales.

Dans ce contexte, l'arbitrage du Gouvernement a conduit à ne pas retenir immédiatement la voie d'un amendement et à chercher une alternative : le Gouvernement réunira très prochainement un groupe de travail associant les services du ministère de la culture et ceux du ministère des finances ainsi que les responsables des institutions concernées afin d'élaborer une instruction fiscale qui permette à l'ensemble du secteur de bénéficier du mécénat des entreprises et des particuliers. Cette instruction fiscale sera élaborée d'ici à cet été.

Si cette voie ne s'avérait pas praticable, le problème serait résolu à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2004. J'en prends l'engagement au nom du Gouvernement.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Compte tenu de l'engagement qui vient d'être pris par M. le ministre, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.

L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Miquel, Charasse, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le 4° du I de cet article. »

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. L'amendement n° 43 rectifié n'ayant pas été adopté, l'amendement n° 46 rectifié, qui est un amendement de coordination, devient sans objet.

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 5° du I de cet article pour le 1 bis de l'article 200 du même code :

« 1 bis. Pour l'application des dispositions du 1, lorsque les dons et versements effectués au cours d'une année excèdent la limite de 20 % ou de 25 % lorsque les dons et versements sont effectués exclusivement en faveur d'organismes mentionnés au f du 1, l'excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions. »

« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du 1 bis de l'article 200 du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A dudit code. »

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Laffitte, Hoeffel, Trégouët et Carle.

L'amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Miquel, Charasse, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le texte proposé par le 5° du I de cet article pour le 1 bis de l'article 200 du code général des impôts, après les mots : "des dispositions du 1", insérer les mots : "et du 4". »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.

M. Yann Gaillard, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 6 rectifié qui a été adopté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

M. Gérard Miquel. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements identiques n°s 30 rectifié et 44 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Miquel, Charasse, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le 7° du I de cet article. »

Cet amendement n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Supprimer le 8° du I de cet article. »

L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Miquel, Charasse, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le 8° du I de cet article pour rétablir le 7 de l'article 200 du code général des impôts, après les mots (deux fois) : "visées au 1", insérer les mots : "et au 4". »

La parole est M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.

M. Yann Gaillard, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 10, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - L'article L. 80 C du livre des procédures fiscales est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 80 C. - L'amende fiscale prévue à l'article 1768 quater du code général des impôts n'est pas applicable lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à un organisme qui a demandé, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'avant-dernier alinéa du 2° de l'article L. 80 B, s'il relève de l'une des catégories mentionnées aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement est relatif à la procédure du rescrit. Il tend à transposer la mesure adoptée par l'Assemblée nationale dans le livre des procédures fiscales. C'est un amendement rédactionnel, le fond reste le même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. 1er (début)
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Art. 1er bis

6

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, dans toute la France, des millions de personnes sont aujourd'hui en grève, dans la rue. Salariés du public, du privé, retraités, jeunes, et même personnels de l'archéologie, chacun aujourd'hui dans la rue sait que sa vie au travail, comme sa vie après le travail, est en jeu.

Monsieur le ministre, si la rue a décidé de prendre la parole, c'est que la réforme des retraites que veut imposer le Gouvernement ne lui convient pas. M. le Premier ministre a beau affirmer que ce n'est pas la rue qui gouverne - car la rue ne résume pas la démocratie, bien évidemment - aucun gouvernement ne peut ignorer la détermination de l'immense majorité de nos concitoyens.

Aujourd'hui, le Gouvernement doit entendre ce qui s'exprime. La réforme des retraites est une grande question de société dont les solutions possibles nécessitent un réel débat. Jusqu'ici, monsieur le ministre, le Gouvernement n'a envisagé qu'une orientation unique, celle qui fait peser sur les seuls salariés, en temps et en argent, l'évolution des retraites. Or le message est clair en ce jour : il est temps d'ouvrir le chemin d'une autre réforme et de consacrer une part plus importante des richesses produites au financement de retraites plus longues.

Monsieur le ministre, le calendrier doit être revu. Il faut reprendre de réelles négociations et se garder de toute précipitation dans l'examen d'un projet de loi déjà rejeté par les Français.

M. Robert Bret. Très bien !

M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, madame Borvo.

7

MÉCÉNAT, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations.

Art. 1er (interruption de la discussion)
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Art. 1er ter

Article 1er bis

M. le président. « Art. 1er bis. - L'article 757 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne s'appliquent pas aux dons manuels consentis aux organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 200. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi cet article :

« I. - L'article 757 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les versements et dons manuels aux établissements d'utilité publique et aux oeuvres ou organismes d'intérêt général visés aux articles 200 et 238 bis ne donnent pas lieu à la perception de droits de donation. »

« II. - L'article 795 du code général des impôts est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :

« 13° Les versements et dons manuels à des établissements d'utilité publique et aux oeuvres ou organismes d'intérêt général visés aux articles 200 et 238 bis. »

L'amendement n° 18, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Après le mot : "consentis", rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour compléter l'article 757 du code général des impôts : "aux organismes mentionnés aux articles 200 et 238 bis". »

La parole est à M. Christian Gaudin, pour présenter l'amendement n° 35.

M. Christian Gaudin. Cet amendement a pour objet de compléter l'article 757 du code général des impôts afin de préciser l'intéressante disposition qui a été introduite par l'Assemblée nationale et de l'étendre à l'ensemble des organismes, publics ou privés, qui entrent dans le champ d'application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

Il vise aussi à appliquer un dispositif similaire à l'exonération des droits de mutation à titre gratuit en complétant également l'article 795 du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 18.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Il s'agit d'un amendement de clarification qui vise à préciser que l'exonération des dons manuels vaut pour les dons émanant aussi bien d'une personne physique que d'une personne morale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Sagesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. L'amendement n° 35 vise les organismes publics et privés bénéficiant du régime du mécénat. Or, la rédaction actuelle du texte permet d'ores et déjà d'atteindre cet objectif. De plus, la mention de « versements » ne me paraît pas appropriée, puisque ce terme vise notamment les biens immobiliers, dont la transmission ne peut légalement s'effectuer sous la forme d'un don manuel. Enfin, pour les mêmes motifs, je ne peux souscrire à la modification proposée pour l'article 795 du code général des impôts.

Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je vous demande de retirer votre amendement.

Quant à l'amendement n° 18, présenté par M. Nachbar, il a pour objet de viser, outre les dons manuels consentis aux organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 200 du code général des impôts, les dons manuels consentis aux organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 238 bis du même code, et je comprends, naturellement, la préoccupation qui l'a inspiré d'étendre la non-exigibilité du droit de donation aux dons manuels consentis par une personne morale.

Or, la rédaction retenue en première lecture par l'Assemblée nationale permet d'ores et déjà, comme je l'avais indiqué, de viser des dons consentis par une personne tant morale que physique : en effet, la référence à l'article 200 du code général des impôts vise à déterminer la nature de l'organisme bénéficiaire et non d'apporter une distinction en fonction de la qualité du donateur.

Pour ces motifs, et au bénéfice de ces explications, si elles ont eu l'heur de vous convaincre, je vous invite, monsieur le rapporteur pour avis, à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Christian Gaudin, votre amendement est-il maintenu ?

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, je veux bien me rallier, pour la première partie de mon amendement, à celui qu'a défendu M. Nachbar, pour lequel M. le rapporteur s'en est remis à la sagesse du Sénat, et retirer la seconde partie de mon amendement.

Cela me conduit donc à retirer l'amendement n° 35 au profit de l'amendement n° 18.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je vais sans doute faire de la peine à M. Christian Gaudin, mais, compte tenu des explications très précises et très claires que vient de fournir M. le ministre, je retire l'amendement n° 18.

M. le président. Les amendements n°s 35 et 18 sont retirés.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Art. 1er bis
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Art. additionnel après l'article 1er ter

Article 1er ter

M. le président. « Art. 1er ter. - Après l'article 4 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4-1. - Les associations et fondations reconnues d'utilité publique, les associations qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale ainsi que tout organisme bénéficiaire de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés doivent assurer la publicité de leurs comptes annuels, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat :

« Art. 4-1. - Les associations et fondations reconnues d'utilité publique, les associations qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale autorisées à accepter des libéralités ainsi que les organismes bénéficiaires de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés dès lors que le montant total annuel de ces dons est supérieur à un seuil fixé par décret communiquent leurs comptes annuels à tout donateur qui en fait la demande.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

L'amendement n° 11, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Après les mots : "doivent assurer", rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat : ", dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, la publicité et la certification de leurs comptes annuels au-dessus d'un montant de dons fixé par décret". »

Le sous-amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« I. - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 11, après les mots : "la publicité", insérer les mots : "par tous moyens".

« II. - A la fin du même alinéa, remplacer les mots : "fixé par décret" par les mots : "de 153 000 euros par an". »

L'amendement n° 39, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, Cartigny et de Montesquiou, est ainsi libellé :

« Après les mots : "doivent assurer", rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat : "la transparence de leurs comptes annuels en les publiant par voie électronique ou par voie de presse". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 19.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui est très important, concerne les contrôles que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale impose aux associations.

Comme je l'ai indiqué ce matin dans la discussion générale, la commission des affaires culturelles a estimé qu'il ne fallait pas faire peser sur l'ensemble des associations des contraintes qui seraient excessives compte tenu de la nature de leurs responsables, qui sont des bénévoles, et du sérieux du travail qu'ils accomplissent.

Par conséquent, cet amendement vise, d'une part, à limiter les contrôles, qui pourraient consister dans la certification des comptes suivie de la publicité des comptes une fois certifiés, aux associations recevant des dons dont le montant est supérieur à un certain seuil, et, d'autre part, à prévoir pour ces mêmes associations un dispositif d'information qui serait accessible à l'ensemble des donateurs qui en feraient la demande.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement, sur lequel le Gouvernement a déposé un sous-amendement, vise à confier au Conseil d'Etat le soin de déterminer par décret les conditions de publicité et de certification des comptes au-dessus d'un montant de dons lui-même fixé par décret simple.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 73.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement propose en effet de sous-amender l'amendement n° 11, et ce pour deux raisons. D'une part, il faut permettre aux organismes visés d'assurer la publicité de leurs comptes annuels par tous les moyens, y compris par le biais d'un site Internet, dès lors que l'information est facilement accessible au public. D'autre part, il semble préférable d'inscrire dans la loi le montant total des dons au-dessus duquel ces organismes devront se soumettre à ces obligations.

Le Gouvernement vous propose donc de retenir un montant plancher de 153 000 euros par an, par référence au seuil fixé dans la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Je noterai au passage que la formulation même de ce montant marque notre incapacité à penser en euros : de toute évidence, il est la traduction en euros d'une somme en francs ! Il vaudrait mieux, dans un souci de simplification, fixer des sommes rondes en euros. Mais puisque cette référence existe dans la loi du 12 avril 2000, autant s'y rallier, dans un souci de cohérence avec les textes antérieurs.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour présenter l'amendement n° 39.

M. Jacques Pelletier. Cet amendement va dans le sens du sous-amendement présenté par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 73.

Quant aux amendements n°s 39 et 19, ils sont satisfaits.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 19 est-il maintenu ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Le sous-amendement du Gouvernement, d'une part, prévoyant un plafond élevé qui permettra d'épargner aux petites associations les contraintes que la commission voulait éviter et, d'autre part, précisant que la publicité se fera par tous moyens, ce qui évitera les contraintes de la publicité légale, je retire l'amendement n° 19, qui n'avait d'autre objet que de protéger ces associations.

M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.

Monsieur Pelletier, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?

M. Jacques Pelletier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11 ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 73, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 11.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 73.

M. Jean Chérioux. J'approuve tout à fait que l'on ne se montre pas tatillon, de façon que les initiatives des bénévoles, qui se dévouent pour le bien public, ne soient pas freinées. Je voudrais cependant obtenir une précision à propos du seuil des dons : l'intervention d'un commissaire au comptes sera-t-elle nécessaire au-dessous de ce seuil ?

Il y a eu par le passé de nombreux problèmes, et la présence d'un commissaire aux comptes, avec ce que cela représente d'obligations et de responsabilité pour celui-ci - c'est très important -, me paraît indispensable. S'agissant de l'argent des donateurs, mais aussi des fonds publics, j'estime que nous ne pouvons pas ne pas avoir au moins la garantie d'un examen des comptes par un commissaire aux comptes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement souhaite naturellement que soit établi un contrôle sur les comptes des associations qui bénéficient de ce dispositif fiscal et que les informations les concernant soient accessibles.

A la suite des travaux, au Sénat, des commissions des affaires culturelles et des finances, et après la discussion qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, il lui est apparu que, naturellement, il ne fallait pas imposer des contraintes exorbitantes à de petites associations qui ne disposent pas des mêmes moyens pour rémunérer un commissaire aux comptes que des associations plus importantes ou qui bénéficient de dons élevés. C'est la raison pour laquelle il a proposé d'établir ce seuil de 153 000 euros, qui permet que les associations qui bénéficient largement de dons soient contrôlées et que celles qui ne bénéficient que de petites libéralités se trouvent à l'abri d'une obligation excessive concernant leur appareil comptable et la publicité de leurs comptes.

Je suis bien conscient du caractère arbitraire de ce seuil ; cependant, il nous a paru convenable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 73.

M. Jean Chérioux. Je m'abstiens.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient également.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11, modifié.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.

(L'article 1er ter est adopté.)

Art. 1er ter
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. 2

Article additionnel après l'article 1er ter

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans l'article 18-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée, les mots "cinq ans" sont remplacés par les mots "dix ans". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Les statuts types des fondations venant d'être adoptés par le Conseil d'Etat voilà quelques semaines, une nouvelle catégorie de fondation apparaît : les fondations dites de flux, qui n'ont pas de dotation initiale.

Cet amendement tend donc à modifier la loi de 1987 en prévoyant une durée de dix ans au lieu de cinq ans pour créer, par le biais du mécénat, une dotation permettant à ces fondations de fonctionner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

En effet, il contribue à favoriser la création de fondations reconnues d'utilité publique en permettant à leurs fondateurs de verser la dotation initiale en plusieurs fractions sur une période plus longue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er ter.

Art. additionnel après l'article 1er ter
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. additionnnels après l'art.2

Article 2

M. le président. « Art. 2. - I. - Au III de l'article 219 bis du code général des impôts, la somme : "15 000 euros" est remplacée par la somme : "40 000 euros".

« II. - Les dispositions du I sont applicables à l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 54, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 12 rectifié est présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 31 rectifié est présenté par MM. Laffitte, Hoeffel, Trégouët et Carle.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« A. - Rédiger comme suit le I de cet article :

« I. - Le III de l'article 219 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« III. - Les fondations reconnues d'utilité publique sont exonérées d'impôt sur les sociétés pour les revenus mentionnés au I. »

« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les fondations reconnues d'utilité publique sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 36, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Dans le I de cet article, avant les mots : "la somme", insérer les mots : "les mots : « et associations » sont insérés après le mot : « fondations et »." »

L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Miquel, Sueur, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, vise :

« I. - Dans le I de cet article, avant les mots : « la somme », à insérer les mots : « les mots : "et les associations" sont insérés après le mot : "fondations et". »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du paragraphe ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'extension de la réduction d'impôt sur les sociétés prévues au III de l'article 219 bis du code général des impôts en faveur des fondations aux associations reconnues d'utilité publique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 37, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« A la fin du I de cet article, remplacer la somme : "40 000 euros" par la somme : "60 000 euros". »

L'amendement n° 67, présenté par M. Carle, est ainsi libellé :

« A la fin du I de cet article, remplacer la somme : "40 000 euros" par la somme : "50 000 euros". »

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 54.

M. Thierry Foucaud. L'article 2 du présent projet de loi pose une question particulière : le traitement spécifique des revenus financiers dégagés par les placements de trésorerie des fondations et assocations reconnues d'utilité publique.

On observera que plusieurs amendements déposés sur cet article tendent à mettre en oeuvre une exonération globale de ces revenus, ce qui ne peut recevoir tout à fait notre assentiment.

En effet, même si l'on peut concevoir que les grandes associations puissent disposer d'une trésorerie suffisante pour réaliser quelques placements financiers, on ne peut manquer de s'interroger sur ce qui motive ce type de comportement.

Nous ne croyons pas que la vocation des fondations et associations reconnues d'utilité publique soit de se comporter en acteurs plus ou moins présents des marchés financiers.

On pourrait d'ailleurs éventuellement concevoir, dans les années à venir, des outils pertinents d'affectation de la trésorerie de ces organismes à des fins moins directement liées à l'activité des marchés financiers.

Pourquoi, par exemple, ne pas concevoir un livret d'épargne, défiscalisé, permettant à ces associations de disposer d'un revenu régulier et raisonnable, et dont la ressource pourrait être affectée au développement de la vie associative ?

Nous ne pouvons donc qu'être extrêmement réticents à l'inscription de l'article 2 dans le texte de la loi, d'autant que nous ne pouvons que rappeler une fois de plus le caractère parfois dangereusement aléatoire de certains placements.

Quelques organismes reconnus d'utilité publique n'ont-ils pas connu des mésaventures financières graves du fait de ces errements ?

L'autre raison qui nous pousse évidemment à rejeter également cet article est qu'il ne s'adresse qu'à un nombre réduit d'organismes qui, même s'ils sont très connus du grand public et même s'ils accomplissent des tâches et des missions largement appréciées, ne sont pas à l'image de la situation plus générale du milieu associatif qui, en matière fiscale, a sans doute besoin d'autres mesures.

D'ailleurs, ce sera l'objet des deux amendements que nous avons déposés et qui visent à insérer des articles additionnels après le présent article 2.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, pour l'heure, à adopter cet amendement de suppression de l'article 2.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Comme je l'ai dit ce matin, cet amendement tend à exonérer totalement de l'impôt sur les sociétés les revenus de la dotation, c'est-à-dire ceux qui bénéficient actuellement des taux réduits de 24 % et de 10 %.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement a le même objet : il vise à exonérer les revenus de la dotation dès lors qu'ils ne sont pas rattachables à une exploitation commerciale ou industrielle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.

M. Jean-Claude Carle. Cet amendement a le même objet que les deux amendements précédents. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Pierre Laffitte lors de la discussion de l'article 1er. Ces mesures visent à assurer un meilleur fonctionnement et une plus grande pérennité aux fondations reconnues d'utilité publique.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, pour présenter l'amendement n° 36.

M. Christian Gaudin. Cet amendement tend à aligner le régime des associations reconnues d'utilité publique sur celui des fondations. C'est une mesure d'harmonisation et de simplification. Son coût est très modéré compte tenu du faible nombre d'organismes réellement concernés.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° 49 rectifié bis.

M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à étendre aux associations reconnues d'utilité publique la réduction d'impôt sur les sociétés prévues par l'article 2 en faveur des fondations reconnues d'utilité publique.

La différence de traitement entre ces deux catégories d'organisme ne paraît pas justifiée et elle contrevient au principe d'égalité devant l'impôt. En effet, les fondations comme les associations reconnues d'utilité publique sont soumises à des contraintes très similaires.

Certes, les fondations ne peuvent recourir, comme les associations, à des cotisations émanant d'adhérents, mais, comme les associations, elles bénéficient de dons, la finalité étant la même dans les deux cas. D'ailleurs, en pratique, la frontière entre don et cotisation n'est pas toujours clairement établie.

En outre, l'unification du régime fiscal applicable aux organismes d'intérêt général, quelle que soit leur forme - fondation ou association - constituerait une oeuvre de simplification et de lisibilité indéniable de notre droit. Elle est donc particulièrement souhaitable.

Enfin, le titre du texte que nous examinons a été modifié par l'Assemblée nationale. Ainsi, le projet de loi relatif au mécénat et aux fondations a été qualifié de projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. Dès lors, il semble complètement justifié de proposer que le projet de loi comporte des dispositions favorables aux associations. A défaut, il ne s'agirait que d'un effet d'annonce.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'invite le Sénat à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, pour présenter l'amendement n° 37.

M. Christian Gaudin. Cet amendement a pour objet de porter l'abattement de 40 000 euros à 60 000 euros, comme c'est le cas pour les revenus des activités accessoires des associations et des fondations, pour l'impôt sur les sociétés, ainsi que pour la TVA.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour présenter l'amendement n° 67.

M. Jean-Claude Carle. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 31 rectifié que je viens de présenter, mais il est plus équilibré : d'une part, il prend en considération la nécessité d'assurer un meilleur fonctionnement et une plus grande pérennité des fondations reconnues d'utilité publique ; d'autre part, il tient compte des conséquences budgétaires qu'induit cet amendement.

C'est la raison pour laquelle il vous est proposé de donner un souffle supplémentaire à l'abattement qui a été obtenu à l'Assemblée nationale par mon collègue et ami Bernard Accoyer en le portant de 40 000 euros à 50 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 54 de M. Renar, qui est tout à fait contraire à l'orientation qu'elle a prise.

Elle est favorable aux amendements n°s 21 et 31 rectifié, qui sont identiques à l'amendement n° 12 rectifié de la commission.

Elle est défavorable à l'amendement n° 36 de M. Gaudin, qui tend à mettre à égalité les associations et les fondations et qui est contraire à l'amendement de la commission.

Elle est évidemment défavorable à l'amendement n° 49 rectifié bis de notre collègue Gérard Miquel.

Elle pourrait être favorable à l'amendement n° 37 de M. Gaudin, qui vise à porter à 60 000 euros le montant de l'abattement de l'impôt sur les sociétés, pour le cas où l'amendement n° 12 rectifié de la commission ne serait pas adopté.

Dans le même esprit, elle pourrait être favorable, comme amendement de repli, à l'amendement n° 67 de M. Carle.

M. le président. Si l'amendement de la commission était adopté, les autres n'auraient plus d'objet !

M. Yann Gaillard, rapporteur. En effet, monsieur le président. Dans ce cas, nous abandonnerions la meilleure idée que nous ayons eue, ce qui est bien triste. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Tout d'abord, je vous félicite, monsieur le président, pour votre remarquable esprit de synthèse, car je ne savais pas comment me sortir d'une affaire aussi compliquée. Je crois que vous m'avez donné la solution.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 67 et, de ce fait, il souhaite le retrait des amendements identiques n°s 12 rectifié, 21, 31 rectifié et des amendements n°s 36, 49 rectifié bis et 37. L'amendement n° 67 de M. Carle constitue en effet une synthèse satisfaisante de l'ensemble de ces initiatives.

S'agissant de l'amendement n° 54 présenté par M. Foucaud, à l'évidence, le Gouvernement émet un avis défavorable, car cet amendement va à l'encontre de la philosophie du texte qu'il vous présente.

Dans votre exposé, monsieur le sénateur, j'ai noté que vous étiez susceptible de remettre en cause le principe de libre gestion de leurs ressources par les fondations et que vous étiez disposé, le cas échéant, à affecter de façon autoritaire une partie des ressources que les fondations retireraient du placement de leur capital.

Cela va à l'encontre, je le répète, de la philosophie du texte qui vous est présenté. Les fondations doivent pouvoir, dans le respect des lois naturellement, gérer leur capital, leurs disponibilités, les placer, en retirer naturellement le maximum de ressources, et ensuite affecter ces ressources en fonction de l'objet social qu'elles se sont fixé.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote sur l'amendement n° 54.

M. Jean Chérioux. Je crois que nos collègues du groupe CRC commettent une confusion : ils ne semblent pas très bien faire la distinction entre les fondations et les associations.

Par définition, les fondations sont des institutions qui bénéficient d'une dotation dont l'objet est d'assurer leur fonctionnement et leur survie. La gestion de ces sommes doit donc leur permettre d'assurer leur pérennité. Ces organismes sont utiles, vous le reconnaissez vous-mêmes. Il faut également leur donner les moyens d'obtenir des dons, afin qu'ils puissent mener leur action.

Cela suppose, par conséquent, qu'ils gèrent leurs biens, et les faire bénéficier d'exonérations est une bonne chose.

Par ailleurs, il est un point qu'il ne faut pas oublier. Vous avez dit, monsieur le ministre, que ces organismes devaient gérer librement leurs ressources. Je le pense aussi ; il faut leur faire confiance. Mais nous devons leur recommander - je crois qu'on peut le dire au cours de ce débat parlementaire - une gestion prudente, car l'expérience prouve qu'à vouloir trop gagner certains organismes ont subi des pertes.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. La situation est simple. Par cet amendement de suppression, nous demandons le maintien du statu quo.

Par conséquent, je ne pense pas que nous commettions une confusion. Je remercie M. Chérioux de se préoccuper de la santé de ses collègues du groupe CRC, mais il n'y a pas de problème.

Quant à M. le ministre, il a employé le mot « autoritaire ». Nous pensons qu'une réflexion plus vaste est nécessaire sur ce problème, mais, pour l'instant, il s'agit purement et simplement de supprimer l'article 2. Cela ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

M. Gérard Miquel. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 12 rectifié est retiré.

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.

Monsieur Carle, l'amendement n° 31 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle. Je le retire aussi, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié est retiré.

Monsieur Christian Gaudin, l'amendement n° 36 est-il maintenu ?

M. Christian Gaudin. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 36 est retiré.

Monsieur Miquel, l'amendement n° 49 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Gérard Miquel. Oui, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, je crois que vous avez fait preuve de sagesse en acceptant l'amendement n° 67 de M. Carle, qui relève le niveau de l'exonération. Une somme de 50 000 euros permet en effet à une fondation d'assumer une partie de ses frais généraux dans des conditions raisonnables. Le texte actuel, monsieur Renar, ne prévoyait qu'une exonération de 1 500 euros, ce qui était tout à fait ridicule et empêchait une fondation de pouvoir subsister dans des conditions décentes.

Vouloir étendre le système des fondations aux associations est un défaut bien français. Nous manquons, dans ce pays, de fondations.

M. Jean Chérioux. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il y a pléthore d'associations, qui pèsent d'ailleurs un peu sur les finances de l'Etat et beaucoup sur celles des collectivités locales.

De nombreuses associations subventionnées par les collectivités locales, si elles se « débrouillent » bien, si elles ne sont pas trop contrôlées, achètent des SICAV et en retirent des produits, financés par les subventions que versent les contribuables des collectivités territoriales.

Par conséquent, autant il me paraît nécessaire d'accomplir un effort important en faveur des fondations - et c'est la raison pour laquelle je soutiendrai l'amendement n° 67 de M. Carle -, autant leur assimilation à des associations serait une erreur : cela irait à l'encontre de la logique du Gouvernement, qui est également la nôtre. (M. Jean Chérioux applaudit).

M. Pierre André. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37 est-il maintenu, monsieur Christian Gaudin ?

M. Christian Gaudin. Je remercie M. le ministre de son geste, qui nous permet d'arriver à une solution de synthèse, en l'occurrence un abattement de 50 000 euros. Je retire, en conséquence, l'amendement, pour appuyer la démarche de notre collègue M. Jean-Claude Carle.

M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. 3

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Hoeffel, Trégouët et Carle, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le 5° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° ter Les fondations reconnues d'utilité publique, dont la gestion est désintéressée, ayant pour mission de mener et de promouvoir des recherches scientifiques, qui affectent les revenus de leurs activités à leur objet et qui sont à ce titre agréées par le ministre chargé de la recherche. »

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Cet amendement est destiné à exonérer de l'impôt sur les sociétés les fondations reconnues d'utilité publique, dont on vient de rappeler à nouveau l'importance, dans la mesure où les revenus dégagés sont affectés à l'objet de la fondation. Je prends l'exemple de l'Institut Pasteur, qui tire des revenus de ses activités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission exprime un avis de sagesse résignée sur cette très intéressante initiative. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Au désespoir de devoir décevoir M. Laffitte, je suis cependant dans l'obligation de redire que je ne souhaite pas que l'on commence à instaurer des régimes spécifiques au bénéfice de tel ou tel type de fondation, quelle que soit la légitimité de leur objet par ailleurs. Je sollicite donc le retrait de l'amendement.

M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Laffitte. Comprenant parfaitement les préoccupations d'homogénéité que M. le ministre a exprimées à plusieurs reprises, je suis prêt à retirer cet amendement, d'autant qu'il trouvera sans doute toute sa place dans le prochain projet de loi sur l'innovation.

L'Association nationale de la recherche technique a exprimé exactement les mêmes préoccupations pour des opérations réalisées, par exemple, par le Commissariat à l'énergie atomique et pour lesquelles des complications administratives aussi considérables seraient anormales.

L'argument vaut, d'ailleurs, pour toutes les sociétés anonymes pour l'innovation, dans les universités, où la distinction entre ce qui relève de l'intérêt général et ce qui est de nature commerciale est particulièrement complexe. Nous reverrons donc tout cela au moment de la discussion du prochain texte sur l'innovation.

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je remercie M. Laffitte.

Le cas échéant, j'inviterai ma collègue Mme Claudie Haigneré à s'engager dans cette voie à l'occasion de la discussion du projet de loi sur l'innovation.

De façon générale, monsieur le sénateur, il appartiendra à chaque ministre, sur la base du texte de portée générale sur lequel vous délibérez et à l'occasion de la discussion des projets de loi de finances ou de textes spécifiques, de promouvoir des mesures le concernant plus particulièrement.

M. Pierre Laffitte. Merci infiniment, monsieur le ministre !

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après le paragraphe 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère sportif, éducatif, social ou philanthropique régies par la loi du 1er juillet 1901 reconnues d'utilité publique. »

« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du même code. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Bien que les amendements n°s 55 et 56 que nous avons déposés après l'article 2 aient un contenu légèrement différent, nous les présenterons de manière conjointe, monsieur le président, ce qui évitera à M. Chérioux d'intervenir deux fois (Sourires) et permettra à l'ensemble de nos collègues de mieux comprendre l'allégement des contraintes fiscales que nous proposons.

M. le président. J'appelle donc l'amendement n° 56, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase de l'article 1679 A du code général des impôts, la somme : "5 185 euros" est remplacée par la somme : "10 000 euros".

« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du même code. »

Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L'amendement n° 55 tend à plafonner le taux de la taxe sur les salaires pour les grandes associations reconnues d'utilité publique, dès lors que les rémunérations versées à certains de leurs cadres, notamment à leurs cadres dirigeants, sont éligibles au taux maximal.

Cette mesure se substitue, selon nous, à celle qui est préconisée à l'article 2 et qui ne porte que sur les revenus financiers de ces organismes, sans tenir compte de la réalité des salaires qu'ils sont parfois appelés à verser, au regard notamment des exigences de compétence et de technicité de leurs salariés.

L'amendement n° 56, que nous déposons assez régulièrement dans le cadre de la discussion des projets de loi de finances, est destiné à l'ensemble du secteur associatif. Il tend à relever le plafond d'exonération de la taxe sur les salaires acquittée par les associations à raison des rémunérations qu'elles versent à leurs salariés permanents.

Une telle mesure, soit dit en passant, aurait au moins le mérite de permettre que le présent projet de loi n'oublie pas la diversité du milieu associatif, l'essentiel des dispositions dont nous discutons ne s'adressant in fine qu'aux grandes entreprises, aux ménages les plus aisés ou aux grands organismes à vocation sociale ou philanthropique.

La disposition proposée permettrait notamment aux plus petites associations, à celles qui oeuvrent sur le terrain pour l'ensemble des missions que recouvre le présent projet de loi, exonérées de cette taxe sur les salaires, relativement consommatrice de fonds divers.

Si nous pouvons, par exemple, retenir, dans ce projet de loi, une rédaction adaptée à l'ambitieux projet de musée d'art contemporain de François Pinault dans l'île Seguin, nous devons aussi permettre le développement culturel qui, dans tel ou tel quartier de banlieue, ou dans nos campagnes, va de pair avec l'activité de petites associations, attachées, par exemple, au développement de la lecture publique ou encore à celui de la création artistique locale. Il faut de la réciprocité !

Le développement culturel et social n'est pas, à notre sens, qu'une affaire d'opérations de prestige, il est aussi ce fleuve fait de milliers de petits ruisseaux alimentés par l'action locale que les associations de terrain mènent et que cet amendement tend à aider.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Notre collègue Thierry Foucaud a exprimé avec beaucoup de sincérité et de talent les raisons qui ont conduit le groupe communiste républicain et citoyen à défendre ces deux amendements, tous les deux consacrés à la taxe sur les salaires ; l'un vise à ne pas appliquer le taux majoré de 13,6 % aux salaires versés par les associations et l'autre tend à relever l'abattement dont ces dernières bénéficient pour les rémunérations qu'elles versent à leurs salariés permanents.

Dans les circonstances actuelles, je ne pense pas que ces amendements puissent être adoptés. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Malgré tout l'intérêt que le Gouvernement attache au secteur associatif, il n'est pas favorable à ces amendements.

En effet, tous les redevables de la taxe sur les salaires sont soumis au même barème, il n'y a aucune exception à cette règle. En prévoir une pour certaines associations poserait un problème d'équité : les organismes n'ayant pas été visés par l'amendement ne manqueraient pas de revendiquer, non sans raison, le bénéfice d'une mesure identique ; je pense, notamment, aux hôpitaux. De proche en proche, ce serait la suppression totale du taux de 13,6 %, ce qui représente près du quart du rendement annuel de la taxe sur les salaires, soit un coût supérieur à deux milliards d'euros !

En attendant une éventuelle réforme de cette taxe, il est préférable, de s'en tenir à l'abattement annuel sur le montant de taxe sur les salaires dont bénéficient, comme les syndicats et les mutuelles de moins de trente salariés, l'ensemble des associations. Cette mesure représente déjà - je tiens à le souligner - un effort budgétaire significatif, de l'ordre de 230 millions d'euros, en faveur du secteur associatif.

Pour tous ces motifs, je souhaiterais, monsieur le sénateur - mais je n'ose vous le demander -, que vous retiriez vos amendements ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Laffitte, Hoeffel, Trégouët et Carle.

L'amendement n° 34 rectifié est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 231 bis L du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le sont également les salaires versés par les fondations reconnues d'utilité publique définies au 5° ter du 1 de l'article 207 du code général des impôts. »

L'amendement n° 33 rectifié est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le premier alinéa de l'article 1464 H du code général des impôts est complété par les mos : "et celles des fondations reconnues d'utilité publique définies au 5° ter du 1 de l'article 207". »

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Je retire ces deux amendements, étant donné qu'ils sont la conséquence de l'amendement n° 32 rectifié, précédemment retiré.

M. le président. Les amendements n°s 34 rectifié et 33 rectifié sont retirés.

Art. additionnnels après l'art.2
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. additionnel après l'art. 3

Article 3

M. le président. « Art. 3. - I. - L'article 238 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit :

« a. D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation d'entreprise, même si cette dernière porte le nom de l'entreprise fondatrice. Ces dispositions s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ;

« b. De fondations ou associations reconnues d'utilité publique ou des musées de France et répondant aux conditions fixées au a, ainsi que d'associations cultuelles ou de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs et des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle. La condition relative à la reconnaissance d'utilité publique est réputée remplie par les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, lorsque la mission de ces associations est reconnue d'utilité publique. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de cette reconnaissance et les modalités de procédure permettant de l'accorder ;

« c. Des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics, ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du budget ainsi que par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ou par le ministre chargé de la culture ;

« d. Des sociétés ou organismes publics ou privés agréés à cet effet par le ministre chargé du budget en vertu de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 relative à la fiscalité en matière de recherche scientifique et technique.

« Les organismes mentionnés au b peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat, recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au a.

« Lorsque la limite fixée au premier alinéa est dépassée au cours d'un exercice, l'excédent de versement peut donner lieu à réduction d'impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu'il puisse en résulter un dépassement du plafond défini au premier alinéa.

« La limite de 5 du chiffre d'affaires s'applique à l'ensemble des versements effectués au titre du présent article.

« Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable. » ;

« 2° Les 2, 3 et 5 sont abrogés.

« II. - Les articles 238 bis A et 238 bis AA du même code sont abrogés.

« III. - Le deuxième alinéa de l'article 238 bis AB du même code est ainsi rédigé :

« La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la limite mentionnée au premier alinéa du 1 de l'article 238 bis, minorée du total des versements mentionnés au même article. »

« IV. - Les dispositions des I à III s'appliquent aux versements effectués au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003.

« V. - Les excédents de versement constatés au cours d'exercices antérieurs à ceux ouverts à compter du 1er janvier 2003 et qui n'ont pas été déduits du résultat imposable peuvent donner lieu à réduction d'impôt, dans les conditions prévues au septième alinéa du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts, au titre des cinq exercices suivant leur constatation. »

L'amendement n° 57, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mme Beaudeau, MM. Renar et Ralite, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa (1) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts, après les mots : "chiffre d'affaires", insérer les mots : "dans un plafond de 22 800 000 euros". »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La question du mécénat d'entreprise se pose notamment lorsque des entreprises ont fait de cette activité une partie de leur objet social.

On notera en particulier que, le plus souvent, ce sont les très grosses entreprises ou les grands groupes de ce pays qui ont tiré le plus parti du dispositif existant.

Il n'est pas interdit de penser que, si l'on n'y prend garde, cela sera encore le cas demain, le relèvement du plafond de chiffre d'affaires pouvant être atteint au titre des dons ne faisant finalement qu'accompagner des stratégies d'entreprise définies de longue date.

Il nous semble, pour notre part, que, si l'on souhaite vivifier quelque peu le don et le mécénat, il importe aujourd'hui de procéder à une différenciation entre, d'une part, petites et moyennes entreprises et, d'autre part, grandes entreprises.

Nous proposons donc, avec cet amendement, de limiter le bénéfice du relèvement du plafond aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 22,8 millions d'euros, soit un seuil retenu assez largement pour définir les PME, au niveau fiscal, notamment.

Toute entreprise réalisant un chiffre d'affaires inférieur à ce montant, hors, bien entendu, les structures juridiques plus ou moins « obligées » existant dans certains groupes, pourra donc bénéficier de l'application du plafonnement des dons à hauteur de 5 du chiffre d'affaires, soit, en pratique, 111 400 euros de dons par an au maximum.

Il s'agit notamment pour nous de favoriser un soutien des associations et fondations de « proximité », ce qui doit faire partie, de notre point de vue, de l'esprit du projet de loi dont nous discutons.

C'est donc dans l'ambition de valoriser spécifiquement les dons effectués par les PME que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Tout à fait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le début de la première phrase du deuxième alinéa (a) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts :

« a. D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ou à l'encouragement à la création contemporaine, à la défense de l'environnement naturel ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié est retiré.

L'amendement n° 72, présenté par M. Ferrand, est ainsi libellé :

« I. - Compléter la première phrase du deuxième alinéa (a) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts par les mots : ", ou dans le cadre des établissements d'enseignement français à l'étranger dont les programmes sont officiellement reconnus par l'Etat".

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 200 du code général des impôts aux dons faits à des établissements d'enseignement français à l'étranger sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 58, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mme Beaudeau, MM. Renar et Ralite, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa (a) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement tendant à changer les termes proposés à l'article 3 pour modifier l'article 238 bis du code général des impôts revient sur l'une des caractéristiques du cadre légal actuel des dons effectués par les entreprises.

Le soutien apporté aux activités des fondations et associations par les entreprises est bien souvent l'occasion pour elles de procéder à une communication de caractère publicitaire relativement affirmée.

Compte tenu, en effet, du régime propre de prise en compte fiscal des dons effectués par les entreprises, c'est souvent pour elles une manière tout à fait optimisée de se faire de la publicité à bon compte.

Nous estimons, pour notre part, qu'il convient de donner au mécénat d'entreprise un caractère plus nettement désintéressé, abstraction faite évidemment des fondations directement créées par des entreprises, quand bien même leur régime juridique n'est pas celui des sociétés de capitaux.

Il convient donc, à notre sens, de prohiber toute utilisation publicitaire du soutien aux associations et fondations par les entreprises en supprimant, ainsi que le propose notre amendement, la dernière phrase du a du I de l'article 238 bis du code général des impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. L'avis du Gouvernement est également défavorable. Je constate, à cette occasion, que M. Renar croit que le temps du paradis sur terre est venu et que le désintéressement total est possible en ce monde. (Sourires.)

J'estime, pour ma part, que c'est un puissant moteur de générosité, une puissante façon de stimuler la générosité des entreprises, que de leur permettre d'associer leurs noms aux opérations de présentation ou de communication d'un objet culturel, d'un objet philanthropique ou d'un objet social qu'elles ont soutenu. C'est bon pour l'opinion, c'est bon pour la société et c'est bon pour les entreprises comme pour les oeuvres d'intérêt général qu'elles soutiennent. Nous assisterions à un dépérissement de l'engagement des entreprises si on leur imposait, de façon complètement utopique et idéaliste, une totale pudeur ou un complet retrait par rapport à toute publicité.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Hélas !, monsieur le ministre, je ne crois plus au paradis, ni sur terre ni ailleurs, et depuis longtemps. (Sourires.) J'ai défendu cet amendement, car je pense qu'une des failles de ce texte est qu'il ne propose pas de partenariats. Cette publicité à sens unique a tout de même quelque chose de malsain. Mais vous verrez, lors du vote final, monsieur le ministre, que notre attitude ne sera pas totalement négative !

Cela étant, cela n'a rien à voir avec le paradis, encore qu'on l'approche parfois très simplement sur terre, avec certaines personnes... (Sourires.)

M. Jean Chérioux. Cela ne réussit pas toujours, le paradis !

M. le président. Voilà un hommage très émouvant, monsieur Renar ! (Nouveaux sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« I. - Après le cinquième alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« e. d'organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée au sens du 1° du 7 de l'article 261. »

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, insérer après le I de cet article un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction d'impôt prévue par l'article 238 bis du code général des impôts aux dons faits à des organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je le retire, puisqu'il était la suite logique de l'amendement n° 17, que j'ai retiré ce matin.

M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

L'amendement n° 59, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mme Beaudeau, MM. Renar et Ralite, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :

« Au-delà d'un chiffre d'affaires de 22 800 000 euros, la limite prévue au premier alinéa du 1. ci-dessus est fixée à 4 pour mille du chiffre d'affaires. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur le relèvement du plafond des dons éligibles à la réduction de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ; il découle tout à fait naturellement de celui dont nous avons discuté précédemment.

Il s'agit, en effet, de traduire la différenciation entre petites et grandes entreprises en procédant à un relèvement plus limité du plafond des dépenses éligibles pour les plus grandes.

Passant, dans un cas, de 3,25 à 5 et, dans l'autre, à 4 , nous pouvons aboutir au résultat escompté.

Il faut observer que le relèvement de plafond intervient également dans le cadre de la possibilité d'étaler sur plusieurs exercices fiscaux le montant total des dons effectués. Cela ne retire rien à la finalité même de cet amendement : permettre que soit marquée la différence de traitement entre entreprises et, encore une fois, favoriser un mécénat de proximité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour l'amendement n° 57.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Même avis défavorable, et pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le 6 est ainsi rétabli :

« 6. Le bénéfice des dispositions du 1 ci-dessus est conditionné à l'engagement d'une détention sur vingt ans des biens éventuellement acquis à l'aide des dons ouvrant droit à réduction d'impôt. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. La question de l'application de la réduction d'impôt ou du crédit d'impôt pour l'ensemble des dons effectués au bénéfice du développement culturel et social nous amène naturellement à celle de l'accès du public à la connaissance des évolutions artistiques que ces dons peuvent permettre.

L'histoire de l'art dans notre pays est fortement marquée, dans certains domaines, par le rôle de quelques marchands et mécènes qui ont permis, de manière significative, de maintenir sur le territoire national bien des oeuvres qui, sans leur intervention, auraient passé nos frontières.

Pour autant, compte tenu de la dépense fiscale nouvelle que le présent projet de loi risque d'engendrer, le bénéfice de la réduction d'impôt devrait être lié à des exigences de présentation des oeuvres ainsi acquises.

Observons d'ailleurs que l'amendement n° 14 rectifié de la commission des finances comme l'amendement n° 23 de la commission des affaires culturelles procèdent des mêmes attendus que l'un de nos amendements à cet article.

Il convient donc qu'une norme soit établie, afin que la présentation ou la mise à disposition des oeuvres soit assurée sur une longue période.

Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. L'idée est effectivement intéressante, mais je ferai remarquer que, quand une fondation disparaît, elle est, en principe, reprise par une fondation ayant le même objet. L'affaire ne me semble donc pas poser de problème réel.

Pour cette raison, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. - Rédiger comme suit le III de cet article :

« III. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 238 bis AB du même code sont ainsi rédigés :

« La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la limite mentionnée au premier alinéa du 1 de l'article 238 bis, minorée du total des versements mentionnés au même article. Pour bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa, l'entreprise doit exposer dans un lieu accessible au public le bien qu'elle a acquis pour la période correspondant à l'exercice d'acquisition et aux quatre années suivantes. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« VI. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'assouplissement des obligations d'exposition au public des oeuvres originales d'artistes vivants acquises par les entreprises est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 23, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« I. - a) Compléter, in fine, le III de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« 2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également admises en déduction dans les conditions prévues au premier alinéa les sommes correspondant au prix d'acquisition d'instruments de musique. Pour bénéficier de la déduction, l'entreprise doit s'engager à prêter ces instruments à titre gratuit aux artistes interprètes qui en font la demande. »

« 3° Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa, après les mots : "de l'oeuvre", sont insérés les mots : "ou de l'instrument".

« b) En conséquence, remplacer le premier alinéa du III par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'article 238 bis AB du même code est ainsi modifié :

« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, insérer après le III de cet article un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du régime de déductibilité prévu à l'article 238 bis AB du code général des impôts aux achats d'instruments de musique par les entreprises est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575A du même code. »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement a pour objet de favoriser le régime du mécénat d'entreprise, qui comporte des dispositions facilitant l'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants. L'article 238 bis AB permet de déduire du résultat imposable sur une période de cinq ans les dépenses correspondantes à condition que l'oeuvre soit exposée au public. Il est proposé, d'une part, de limiter cette obligation à la seule durée d'amortissement des oeuvres d'art et, d'autre part, de préciser que ces oeuvres doivent être montrées dans un lieu accessible au public et non un hall d'exposition spécifiquement destiné à accueillir les visiteurs.

J'ai, par le passé, déposé des propositions de loi, qui ont d'ailleurs été adoptées par le Sénat mais qui n'ont pas eu de suites, ayant quasiment le même objet, c'est-à-dire alléger les obligations d'exposition pour favoriser l'acquisition d'oeuvres par les entreprises. C'est un nouvel effort en ce sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 23.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Pour simplifier et favoriser la cohérence avec l'amendement de la commission des finances, je transforme l'amendement n° 23 en sous-amendement à l'amendement n° 14 rectifié. Il s'insère à la fin du paragraphe III, après les mots : « et aux quatre années suivantes ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, et ainsi libellé :

« I. - Compléter le texte proposé par le A de l'amendement n° 14 rectifié par trois alinéas ainsi rédigés :

« 2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également admises en déduction dans les conditions prévues au premier alinéa les sommes correspondant au prix d'acquisition d'instruments de musique. Pour bénéficier de la déduction, l'entreprise doit s'engager à prêter ces instruments à titre gratuit aux artistes interprètes qui en font la demande. »

« 3° Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa, après les mots : "de l'oeuvre", sont insérés les mots : "ou de l'instrument".

« II. - En conséquence, rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par le A de l'amendement n° 14 rectifié :

« L'article 238 bis AB du même code est ainsi modifié : ».

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agit d'étendre le bénéfice de la déductibilité qui s'applique actuellement aux oeuvres d'artistes vivants aux acquisitions d'instruments de musique. En effet, certaines entreprises achètent des instruments de musique et les mettent gratuitement à la disposition des jeunes concertistes. Il s'agit d'une aide financière réelle compte tenu du coût des instruments. Ce sous-amendement vise, à condition bien entendu que le prêt de ces instruments soit gratuit, à permettre à certaines entreprises de bénéficier des conditions de déductibilité fiscale qui leur sont déjà ouvertes pour l'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants. Tel est l'objet de ce sous-amendement n° 23 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission des finances aurait mauvaise grâce à ne pas soutenir cette idée qui vise à s'approprier des espaces qu'elle s'est elle-même efforcé d'ouvrir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 rectifié et le sous-amendement n° 23 rectifié ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire pour d'autres propositions, j'aurais préféré que celles-ci soient retirées afin de garder au texte sa limpidité et sa lisibilité. Toutefois, convaincu de l'intérêt de ces propositions, j'émets un avis favorable sur l'amendement et sur le sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 23 rectifié.

M. Ivan Renar. Je vais peut-être vous étonner, messieurs les rapporteurs, mais ces dispositions me paraissent excellentes. (Exclamations sur les bancs de la commission.)

Je peux en effet témoigner, monsieur Nachbar, que le prêt, par exemple, d'un violon d'une grande valeur à de jeunes solistes membres d'orchestres nationaux ou régionaux est une pratique qui favorise la musique symphonique, entre autres.

Par ailleurs, l'organisation d'expositions dans des lieux accessibles au public est une croisade ancienne, et, sur ce point, monsieur Gaillard, je suis d'accord avec vous.

Mon collègue Thierry Foucaud et moi-même voterons donc des deux mains l'amendement et le sous-amendement qui nous sont proposés.

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne, pour explication de vote.

M. Michel Moreigne. L'amendement de la commission des finances ne me semble pas mauvais du tout, mais il serait encore meilleur si le Gouvernement supprimait le gage.

M. le président. Monsieur le ministre, accédez-vous à la demande formulée par M. Moreigne ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement lève le gage sur l'amendement n° 14 rectifié.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très beau geste !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 14 rectifié bis.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 23 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Carle, est ainsi libellé :

« I. - Compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - Le 1 de l'article 223-O du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« e. Des réductions d'impôt dégagées par chaque société du groupe en application de l'article 238 bis. »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension des incitations fiscales au mécénat aux groupes intégrés est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Le renforcement des incitations fiscales au mécénat des entreprises n'aura de plein effet que si les sociétés, quelle que soit leur situation structurelle, peuvent en bénéficier.

Cet amendement prévoit deux cas dans lesquels l'assimilation de cette réduction d'impôt en créance transférable est indispensable afin d'assurer une pleine neutralité : premièrement, en cas de restructuration de l'entreprise et, deuxièmement, en cas de groupe intégré. Cet amendement ne fait que transposer des dispositifs déjà existants pour d'autres crédits d'impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable et lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 69 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Carle, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 1382 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les immeubles du patrimoine des fondations reconnues d'utilité publique et des fondations qu'elles abritent. »

« II. - L'article 1394 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les immeubles du patrimoine des fondations reconnues d'utilité publique et des fondations qu'elles abritent. »

« III. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant des I et II ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

« IV. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Cet amendement vise à assurer un meilleur fonctionnement et à garantir une meilleure pérennité des fondations reconnues d'utilité publique, en prévoyant leur exonération permanente de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement, comme d'autres qui nous ont été présentés, fait suite à des demandes réitérées des fondations.

Il n'a pas paru possible à la commission des finances d'y donner un avis favorable, pour des raisons financières, parce que ce serait faire acte de générosité au détriment des collectivités locales. Or le Sénat est maintenant très prudent à cet égard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Carle ?

M. Jean-Claude Carle. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

Art. additionnel après l'art. 3
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Art. additionnels après l'art. 4

Article 4

M. le président. « Art. 4. - L'article 788 du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Pour la perception des droits de mutation par décès, il est effectué un abattement sur la part nette de tout héritier, donataire ou légataire correspondant aux sommes versées à titre définitif par celui-ci à une fondation ou à une association reconnue d'utilité publique répondant aux conditions fixées au b du 1 de l'article 200, à l'Etat, à une collectivité territoriale ou à un établissement public en remploi des sommes, droits ou valeurs reçus du défunt à la double condition :

« 1° Que le don soit effectué, en pleine propriété, dans les six mois suivant le décès ;

« 2° Que soient jointes à la déclaration de succession des pièces justificatives répondant à un modèle fixé par un arrêté du ministre chargé du budget attestant du montant et de la date des versements ainsi que de l'identité des bénéficiaires.

« L'application de cet abattement n'est pas cumulable avec le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 200. » ;

« 2° Il est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - A défaut d'autre abattement, à l'exception de celui mentionné au II, un abattement de 1 500 EUR est opéré sur chaque part successorale. »

L'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. - Rédiger comme suit les trois premiers alinéas du texte proposé par le 1° de cet article pour le II de l'article 788 du code général des impôts :

« II. - Pour la perception des droits de mutation par décès, il est effectué un abattement sur la part nette de tout héritier, donataire ou légataire correspondant à la valeur des biens reçus du défunt, évalués au jour du décès et remis par celui-ci à une fondation reconnue d'utilité publique répondant aux conditions fixées au b du 1 de l'article 200 ou aux sommes versées par celui-ci à une association reconnue d'utilité publique répondant aux conditions fixées au b du 1 de l'article 200, à l'Etat ou à un organisme mentionné à l'article 794 en remploi des sommes, droits ou valeurs reçus du défunt. Cet abattement s'applique à la double condition :

« 1° Que la libéralité soit effectuée, à titre définitif et en pleine propriété, dans les six mois suivant le décès ;

« 2° Que soient jointes à la déclaration de succession des pièces justificatives répondant à un modèle fixé par un arrêté du ministre chargé du budget attestant du montant et de la date de la libéralité ainsi que de l'identité des bénéficiaires. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'élargissement aux dons, qu'ils soient effectués en numéraire ou par remise de biens, du champ d'application de l'abattement prévu pour les héritiers, donataires et légataires est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I. -". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. L'objet de cet amendement est de permettre à l'héritier, au donataire ou au légataire de bénéficier de l'exonération de droits de mutation aussi bien pour des versements en numéraire que pour des dons en nature. L'amendement a été rectifié en vue de limiter cette liberté de choix aux seules fondations reconnues d'utilité publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 15 rectifié ter.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié bis, présenté par MM. Miquel, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« « Dans le dernier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour le II de l'article 788 du code général des impôts remplacer les mots : "de la réduction d'impôt sur le revenu prévue" par les mots : "du crédit d'impôt sur le revenu prévu" ».

La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Cet amendement se justifierait si un autre amendement que nous avions proposé à l'article 1er avait été adopté, ce qui ne fut pas le cas. L'amendement n° 50 rectifié bis n'a donc plus lieu d'être.

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié bis n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 4 bis

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 1727 A du code général des impôts est complété par un 5 ainsi rédigé :

« 5. Lorsque la convention prévue au premier alinéa de l'article 795 A prend fin dans les conditions définies par les dispositions types mentionnées au même alinéa, l'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel la convention a pris fin. »

« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agit de corriger l'interprétation erronée de l'article 795 A du code général des impôts introduite par la loi de 1988 sur le patrimoine.

En effet, lorsqu'une convention liant le propriétaire d'un immeuble inscrit ou classé à l'Etat est dénoncée, il subit une pénalisation particulièrement lourde puisque les intérêts de retard sont calculés à compter du jour où la convention a été signée, et non pas à compter du jour où la convention est dénoncée, comme le prévoit cet amendement. Ce dispositif, je le souligne au passage, a eu pour effet de dissuader nombre de propriétaires de signer de telles conventions prévoyant l'ouverture de leur propriété au public.

Il s'agit donc de prévoir qu'en cas de rupture de la convention entre l'Etat et le propriétaire, les intérêts de retard courent à compter de la rupture de la convention, en vertu du droit commun.

M. Philippe Richert. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. L'idée qui fonde cet amendement nous paraît intéressante, mais la question nous semble complexe. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, sans vouloir vous donner le sentiment que je me répète indéfiniment comme un perroquet, j'aurais préféré que ce genre de dispositif soit plutôt introduit dans un texte sur le patrimoine. Le Gouvernement élabore un texte général sur la mise en oeuvre des politiques publiques en faveur du patrimoine. Une disposition de ce type trouverait toute sa place dans le cadre d'un tel projet de loi.

Néanmoins, sur cet amendement, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je voudrais intervenir sur ce point précis, car la commission des affaires culturelles a déjà adopté, lors de l'examen d'une proposition de loi présentée par le député M. Pierre Lequiller, une telle disposition.

Nous avions élaboré un rapport très complet et cette proposition, en particulier, nous était apparue comme prioritaire. Il convient en effet de remédier à une anomalie fiscale très importante.

Je suis par conséquent, comme la commission des affaires culturelles l'avait été alors, très favorable à cette disposition.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Eclairée par ces propos, la commission des finances se rallie avec enthousiasme à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je lève le gage sur cet amendement.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 24 rectifié.

Je le mets aux voix.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 40, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, Cartigny et de Montesquiou, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les bénévoles appelés à travailler au profit de fondations ou d'associations de façon permanente ou occasionnelle peuvent bénéficier des contrats d'assurance responsabilité civile souscrits par l'organisme dès lors qu'ils sont inscrits sur une liste annexée à la liste du personnel salarié.

« Ils peuvent percevoir des indemnités de frais de déplacement selon les règles applicables par le règlement intérieur si un tel règlement existe. »

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Beaucoup de fondations reconnues d'utilité publique et d'associations emploient de façon non négligeable des bénévoles. Il s'agit de préciser dans la loi que ces bénévoles peuvent être couverts par une assurance responsabilité civile et percevoir des dédommagements lorsqu'ils exposent des frais.

C'est important, car, dans certains cas, des contestations surgissent en la matière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission suivra l'avis du Gouvernement sur ce point précis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je comprends l'utilité d'une telle proposition, même si, à vrai dire, elle n'a qu'un rapport très frêle avec l'objet du présent projet de loi.

Je souhaiterais donc le retrait de cet amendement, qui pourrait être examiné en d'autres circonstances. Si M. Laffitte n'y consentait pas, j'émettrais un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?

M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je m'étonne de cet avis, car il me paraît évident que l'aide qu'apportent les bénévoles aux fondations en leur consacrant du temps entre tout à fait dans le cadre de ce projet de loi.

D'ailleurs, une autre loi permet d'ores et déjà aux fondations reconnues d'utilité publique d'inscrire en recettes et en dépenses les coûts que représentent ces bénévoles. La prise en charge de ces coûts a notamment un intérêt lorsqu'une fondation contracte, avec l'Union européenne, qui prend en compte ces dépenses.

Je ne souhaite donc pas retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur Laffitte, vous avez évoqué la question des assurances et des indemnités de déplacement.

J'observe que, pour ce qui concerne la couverture des bénévoles, il appartient à l'organisme qui recourt à leurs services, et qui bénéficie donc de leur disponibilité, de souscrire les assurances nécessaires.

Pour ce qui concerne les déplacements, le remboursement sur frais réels ou le paiement direct des frais offrent toute latitude à l'organisme qui utilise leurs services pour éviter que les bénévoles n'aient à supporter leurs propres frais.

Il n'y a donc pas lieu de créer un régime d'indemnisation, d'autant qu'un tel régime, difficilement contrôlable et, partant, source de dérives, donnerait matière à contentieux sur la qualification sociale et fiscale des sommes allouées, lesquelles pourraient être assimilées à des rémunérations.

Je m'en tiens donc, monsieur le sénateur, à l'avis négatif que j'ai émis, même si je comprends parfaitement ce qui motive votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, vous venez d'affirmer qu'il appartenait aux responsables des associations et des fondations de souscrire les assurances et de rembourser les frais de déplacement des bénévoles. Il était important que cela soit dit de façon que cela figure dans le compte rendu de nos débats. En cas de contestation, fiscale ou comptable, il sera ainsi possible de se référer à votre position, et cela m'autorise à retirer l'amendement n° 40.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je vous remercie, monsieur Laffitte.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Art. additionnels après l'art. 4
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Art. 5

Article 4 bis

M. le président. « Art. 4 bis. - Dans le I de l'article 794 du code général des impôts, après le mot : "communes," sont insérés les mots : "et leurs établissements publics de coopération". »

L'amendement n° 25, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi cet article :

« I. - Le I de l'article 794 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. - Les régions, les départements, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit sur les biens qui leur adviennent par donation ou succession affectés à des activités non lucratives. »

« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement vise simplement à étendre le champ d'application de l'article 794 du code général des impôts aux établissement publics des collectivités locales, catégorie qui avait été omise lors de la modification du texte par l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable et il lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 25 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est ainsi rédigé.

Art. 4 bis
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Art. additionnels après l'art. 5

Article 5

M. le président. « Art. 5. - Le dernier alinéa de l'article 19-8 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : "Elle peut toutefois recevoir des dons effectués par les salariés de l'entreprise fondatrice". »

L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Miquel, Vidal, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. L'article 5 vise à lever l'interdiction faite aux fondations d'entreprise de recevoir des dons des particuliers. Son adoption permettrait donc aux salariés d'effectuer des dons au bénéfice de la fondation créée par leur entreprise.

M. Miquel a déjà souligné, à l'occasion de la présentation d'un amendement sur l'article 1er, la spécificité des fondations d'entreprise, qu'il convient, selon nous, de préserver si l'on ne veut pas déséquilibrer leur régime juridique.

De plus, les fondations d'entreprise n'ont pas besoin d'une telle mesure pour s'assurer des ressources satisfaisantes : elle bénéficient en effet du soutien financier des entreprises qui les ont créées et qui leur versent des dotations annuelles.

Il nous paraît par ailleurs surprenant de faire des salariés des citoyens à part au regard des fondations d'entreprise alors que, pas plus que n'importe quel citoyen, ils ne sont associés à la création de celles-ci et à la définition de leurs missions.

Enfin, même si le risque est faible, on peut craindre que des pressions ne s'exercent, au moins de façon implicite, sur les salariés afin qu'ils s'engagent en faveur de la fondation de leur propre entreprise.

Le mélange des genres induit par l'article 5 nous semble marquer un certain degré de paternalisme et nous invitons le Sénat à supprimer cet article.

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement.

Le procès en paternalisme est un peu usé, et je ne crois pas utile de reprendre ici une discussion qui a eu lieu assez longuement à l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je suis au regret de dire à M. le sénateur de la Creuse que le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, et il le fait pour les mêmes raisons qu'à l'amendement n° 42.

Je souligne qu'il s'agit d'une faculté ouverte aux employés et en aucun cas d'une obligation. J'imagine mal qu'aujourd'hui en France une entreprise puisse imposer à ses salariés de participer aux travaux de la fondation qu'elle aurait créée !

En revanche, je suis favorable à toute disposition de nature à susciter l'attachement ou l'intérêt des salariés à l'égard d'une fondation, quel qu'en soit d'ailleurs l'objet, créée par leur entreprise. Plus les salariés adhéreront à l'ensemble des activités de leur entreprise, plus ils éprouveront de bonheur à y travailler. Telle est en tout cas l'idée que je me fais de l'entreprise, monsieur le sénateur !

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Si mes souvenirs sont exacts - et je crois qu'ils le sont - lorsque, au Sénat, nous avons créé les fondations d'entreprise, nous avions introduit une disposition qui fut considérée par le ministre de l'époque comme une avancée sociale, à savoir la présence de représentants du comité d'entreprise au sein du conseil de la fondation correspondante.

Par conséquent, une partie de l'argumentaire développé par M. Moreigne n'a pas d'objet, et c'est la raison pour laquelle je voterai contre son amendement n° 51 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne, pour explication de vote.

M. Michel Moreigne. Il n'est pas de bon combat sans la possibilité de se rendre ! Pour ma part, fort des arguments que j'ai entendus - en particulier celui de M. Laffitte - et considérant qu'un certain nombre de précautions ont été prises, je retire l'amendement, n° 51 rectifié, en rappelant toutefois que prendre des précautions n'est pas toujours suffisant.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 6

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 432-9 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les salariés sont associés à la politique de l'entreprise concernant ses choix de mécénat et de soutien aux associations et aux fondations. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. J'emprunte l'essentiel de la défense de cet amendement à Alain-Dominique Perrin, qui, dans la synthèse du rapport Cartier concernant le mécénat - comme Janus, à double face ! - écrit : « Une demande non satisfaite est un besoin qui s'éteint. La demande potentielle existe : il faut la connaître, la stimuler, l'intéresser, l'apprivoiser, la faire éclore, sinon le marché s'endort. « Animer cet échange, c'est favoriser un enrichissement culturel. La culture ne manque pas d'acteurs. Ils ne se rencontrent pas. « Il ne s'agit pas de vulgariser la culture. Il s'agit d'en multiplier les "amateurs". C'est un problème d'éducation. D'éducation au quotidien. L'entreprise est, dès lors, un lieu d'accueil pour la découverte des arts. L'art sur le lieu de travail est une idée récente. Généralisée, elle provoquerait une sensibilisation culturelle pour tous. Lorsque l'entreprise organise une opération culturelle, elle entraîne l'adhésion de son personnel qui s'identifie à l'action conduite. »

Cette remarque date de 1985, et l'évolution de l'entreprise permet d'ajouter que le personnel, à savoir les salariés, au-delà du cadre syndical et du comité d'entreprise, doivent être associés de façon vivante et active à la politique culturelle de leur entreprise, d'autant qu'ils sont à la fois « producteurs » indirects et « consommateurs » de culture. Ils ne sauraient être considérés comme des éléments s'identifiant passivement à la culture proposée par leur « patron », des invités de raccroc en quelque sorte, mais bien comme des acteurs à part entière des choix proposés dans ce domaine.

C'est pourquoi nous vous demandons de voter le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Je suis un peu embarrassé par l'amendement n° 61 : la commission a émis ce matin un avis défavorabe, mais, à la réflexion, et après le dialogue que nous avons noué à propos de la participation des salariés aux fondations d'entreprise, je me demande si, finalement, cet amendement n'appelle pas une appréciation plus nuancée.

Il n'en reste pas moins que la rédaction de l'amendement ne me satisfait pas pleinement : le terme « associés » est vague, et on ne sait d'ailleurs pas par quel mécanisme les salariés seront associés.

Alors que l'opposition nous reproche de faire pression sur les entreprises, voilà qu'elle nous suggère un système d'associations qui, lui aussi, pourrait être contraignant.

Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat, mais j'avoue être moins déterminé dans mon opposition à cet amendement.

M. Ivan Renar. Je vous remercie, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je suis naturellement favorable au fait que les entreprises associent leurs salariés à leurs politiques ou à leurs initiatives culturelles, sociales, sportives et éducatives. J'estime toutefois que c'est par la recommandation, par la conviction, et par l'exemple qu'il faut conduire les entreprises à le faire.

Comme M. le rapporteur, je considère que l'amendement est assez imprécis et qu'il s'agit plus d'une prescription générale que d'une obligation formelle. Si un tel amendement était adopté, il faudrait ensuite faire un travail d'interprétation et de précision pour décret, ce qui ne manquerait pas de soulever des difficultés !

Je crois qu'il faut recommander de façon très pressante aux entreprises d'engager ce type d'initiative, mais je ne pense pas qu'il soit du ressort de la loi de le faire, surtout de façon aussi informelle et imprécise.

Tout en adhérant totalement aux objectifs de M. Renar, j'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 61 lui-même.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte contre l'amendement n° 61.

M. Pierre Laffitte. Comme je l'ai déjà dit, la loi relative à la création des fondations d'entreprise prévoit la présence dans le conseil d'administration des fondations d'un représentant dûment désigné par le comité d'entreprise. Par conséquent, l'amendement est déjà satisfait, car la plupart des entreprises qui pratiquent beaucoup le mécénat le font maintenant par le canal des fondations d'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Cet amendement ne vise pas à accentuer la lutte des classes dans les entreprises. (Sourires.) Il est très simple et s'inspire de ce que proposait le général de Gaulle sur l'actionnariat. Il fut incompris, d'ailleurs, des deux côtés de la barrière.

M. Jean Chérioux. Vous faites votre autocritique !

M. Ivan Renar. L'amendement crée, en quelque sorte, c'est vrai, un droit nouveau, mais ce n'est pas dans cet esprit que je l'ai déposé et je suis prêt à le modifier légèrement puisque le terme « associés », qui, en effet, est un peu vague, gêne M. le rapporteur.

Si ce terme était remplacé par le mot « informés », l'amendement serait-il accepté ? (M. le rapporteur acquiesce.)

Cela donnerait une meilleure image de l'entreprise, et je ne vois pas quel chef d'entreprise pourrait être gêné par une telle disposition. Il s'agit de faire avancer les choses, et non pas, vous vous en doutez bien, de faire de l'agitation inutile !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 432-9 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les salariés sont informés de la politique de l'entreprise concernant ses choix de mécénat et de soutien aux associations et aux fondations. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je suis incontestablement réservé. Que l'association soit nécessaire, tout le monde en conviendra. Que l'information soit nécessaire, tout le monde en conviendra également. Mais faut-il user de la loi pour le dire ? Cela me semblerait disproportionné.

Il vaut mieux procéder par voie de recommandation auprès des entreprises qui ne se seraient pas engagées dans ce sens, mais toutes les entreprises avec lesquelles il m'a été donné de travailler dans le cadre d'une action de partenariat ou de mécénat prennent déjà soin d'associer le plus largement possible leurs salariés à leurs actions. C'est leur intérêt, et cela correspond d'ailleurs le plus souvent à l'ambition des cadres ou du chef de l'entreprise.

Je suis donc réservé, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

L'amendement n° 62, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 432-9 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les comités d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont dûment informés et consultés de la politique de mécénat menée dans leur entreprise. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement, qui relève du même esprit que le prédédent, concerne la culture d'entreprise. Il vise à préciser les droits des comités d'entreprise.

La culture d'entreprise ne se bâtit pas au-dessus des personnels qui doivent la véhiculer : il ne suffit pas d'une discipline et d'un uniforme pour diffuser une image attrayante d'un label et de ses produits.

Le comité d'entreprise a vocation légale à être consulté sur les stratégies de l'entreprise et sur son développement social et économique, et il a la prérogative de gérer les activités sociales, sportives et culturelles des personnels. Il peut être un interlocuteur perspicace et inventif dans ses propositions de mécénat. Son action et les réseaux auxquels il participe sont des atouts forts pour l'image de l'entreprise.

Je vous demande donc de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission a fait un grand pas en acceptant l'amendement précédent, mais il faut en rester là.

La commission émet donc un avis défavorable, car l'aspect organisationnel de l'information prime trop dans le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est créé un haut conseil du mécénat, des associations et des fondations placé auprès du Premier ministre.

« Sa composition est arrêtée par voie réglementaire.

« Il comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'Etat, de fondations et associations reconnues d'utilité publique, répondant aux conditions fixées à l'article 238 bis du code général des impôts, des représentants syndicaux et des personnalités qualifiées, en particulier, représentants des comités d'entreprise et représentants du personnel. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement vise à constituer un organisme qui veillerait à la bonne application de la loi et qui définirait une politique nationale pour une mise en oeuvre cohérente et innovante du mécénat, des actions associatives et fondatrices. Nous proposons qu'il soit placé aux côtés du ministère chargé de la culture.

En effet, il nous paraît nécessaire, et ce sans arrière-pensée bureaucratique, que, dans le cadre de la loi, la rencontre des différents animateurs du mécénat soit un atout pour un développement novateur de ces nouvelles énergies.

Pourraient siéger au haut conseil du mécénat des représentants du patronat et d'entreprises d'importances économiques diverses, des représentants de comités d'entreprise, des employés de l'ADMICAL, l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, ainsi que les représentants des institutions spécialisées émanant des ministères de la culture, du sport, de l'éducation nationale, de la recherche.

Le haut conseil devrait faciliter la transparence des politiques en faveur du mécénat mises en oeuvre par les mécènes, apporter des réponses aux questions que posent les investissements culturels des entreprises lors de leur expansion comme lors de leur faillite ou de leur délocalisation.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter cet amendement.

M. le président. Monsieur Renar, il convient sans doute de modifier l'amendement n° 63 pour préciser que le haut conseil du mécénat, des associations et des fondations est placé auprès du ministre chargé de la culture et non pas auprès du Premier ministre.

M. Ivan Renar. En effet, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui est ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est créé un haut conseil du mécénat, des associations et des fondations placé auprès du ministre chargé de la culture.

« Sa composition est arrêtée par voie réglementaire.

« Il comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'Etat, de fondations et associations reconnues d'utilité publique, répondant aux conditions fixées à l'article 238 bis du code général des impôts, des représentants syndicaux et des personnalités qualifiées, en particulier, représentants des comités d'entreprise et représentants du personnel. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. L'heure n'étant pas, selon elle, à la multiplication des structures, des organismes, des hauts comités et autres grands conseils, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Au moment où nous essayons de simplifier l'administration, de la réformer, il me paraît à moi aussi tout à fait inutile de créer un haut conseil supplémentaire.

J'observe d'ailleurs que la loi de 1987 sur le développement du mécénat avait institué un Haut Conseil du mécénat qui n'a jamais fonctionné, à l'existence duquel la loi relative aux musées de France a mis fin. Ne ressuscitons donc pas une structure qui, dans le passé, a fait la preuve de son improductivité !

J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement, même si je suis toujours triste de m'opposer à une proposition de M. Renar.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 5
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Art. additionnel après l'art. 6

Article 6

M. le président. « Art. 6. - Après le premier alinéa de l'article 238 bis-0 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette réduction d'impôt est également applicable, après avis motivé de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée, aux versements effectués en faveur de l'achat des biens culturels situés à l'étranger dont l'acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie. »

L'amendement n° 26, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi cet article :

« I. - L'article 238 bis 0A du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "avant le 31 décembre 2006" sont supprimés ;

« 2° Après le premier alinéa de cet article, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Cette réduction d'impôt est également applicable aux versements effectués en faveur :

« - de l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux pour lesquels le refus de délivrance du certificat d'exportation n'a pas été renouvelé ;

« - ou, après avis motivé de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée, de l'achat de biens culturels situés hors du territoire douanier dont l'acquisition présente un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie. »

« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Le sous-amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Supprimer le 2° du I de l'amendement n° 26. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 26.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement relatif aux trésors nationaux a pour objet, d'une part, d'assurer la pérennité de la disposition visée à l'article 6, et, d'autre part, d'étendre son champ d'application aux biens culturels pour lesquels le refus de délivrance du certificat d'exportation est arrivé à expiration et n'a pu être renouvelé.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 77 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 26.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le sous-amendement n° 77 vise à pérenniser le dispositif d'incitation fiscale prévu à l'article 238 bis-0A du code général des impôts en faveur des trésors nationaux, et donc à abroger l'échéance de 2006 qui figurait dans la loi relative aux musées de France.

Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 26.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 26 et sur le sous-amendement y afférent.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 77.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, j'indique que je lève le gage prévu à l'amendement n° 26.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 26 rectifié.

Je le mets aux voix, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.

Art. 6
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Art. 7

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Avant le pénultième alinéa de l'article 238 bis 0AB du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ouvrent également droit à la réduction d'impôt dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas les sommes consacrées à l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux pour lesquels le refus de délivrance du certificat d'exportation n'a pas été renouvelé ou, après avis motivé de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée, de biens culturels situés hors du territoire douanier et dont l'acquisition présente un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie. »

« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de conséquence de celui qui vient d'être adopté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Pour des motifs identiques à ceux qui ont été développés à propos de l'amendement n° 26 rectifié, je ne suis pas favorable à une modification d'un texte trop récent pour que l'on puisse apprécier l'opportunité d'en étendre le champ d'application sans demande particulière des entreprises.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agit d'harmoniser le champ d'application de la réduction d'impôt prévue à l'article 6. Cela étant, pour simplifier les choses, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.

Art. additionnel après l'art. 6
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Art. 8

Article 7

M. le président. « Art. 7. - L'article L. 111-8 du code des juridictions financières est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout organisme bénéficiaire de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés doit établir des comptes annuels certifiés des dépenses financées par ces dons dès lors que le total de leur montant est supérieur à un montant fixé par un décret en Conseil d'Etat.

« La Cour des comptes peut contrôler, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, la conformité des dépenses financées par ces dons aux objectifs de l'organisme bénéficiaire. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 16, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Tout organisme bénéficiaire de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés est soumis, pour ce qui concerne le compte d'emploi des dons ainsi collectés et au-dessus d'un montant de dons fixé par décret, au contrôle de l'inspection générale des finances, ainsi qu'à celui des inspections générales des ministères dans leurs champs de compétences respectifs.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 28.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agit tout simplement de supprimer un article introduit par l'Assemblée nationale prévoyant un contrôle de la Cour des comptes sur l'adéquation entre les dépenses financées sur les fonds recueillis au titre du mécénat et les objectifs du bénéficiaire. Pour avoir entendu les hauts responsables de la Cour des comptes avec mon collègue rapporteur de la commission des finances, je puis d'ailleurs dire que cette dernière ne souhaite nullement exercer un contrôle qui, d'une part, ne relève pas de ses missions, et que, d'autre part, elle ne peut matériellement pas assurer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 16 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 28.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas eu le temps de consulter, comme nous l'avons fait, la Cour des comptes. Celle-ci ne peut pas ou ne veut pas exercer le contrôle prévu à l'article 7 ; du moins elle considère qu'il n'entre pas dans le champ de sa mission. Dans ces conditions, il est proposé de s'en remettre, pour le degré supérieur du contrôle, aux inspections générales des ministères, y compris bien sûr à l'Inspection générale des finances.

La commission des finances préconise l'adoption de cet amendement, qui tend à une réécriture et non à une suppression pure et simple de l'article 7, et émet donc un avis défavorable à l'amendement n° 28.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je suis très sensible aux arguments avancés par M. le rapporteur pour avis. En effet, la Cour des comptes, consultée sur cette initiative, a manifesté son hostilité à la mise en place d'une forme de contrôle qui, estime-t-elle, ne relève ni de ses attributions ni de sa compétence.

S'agissant de l'amendement n° 16, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Cela étant, se pose à mon sens un problème d'harmonisation entre les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Je suggère à mon collègue Philippe Nachbar de retirer son amendement. Celui de la commission des finances ne va pas à l'encontre de sa proposition.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il s'agissait, par cet amendement, de supprimer le contrôle de la Cour des comptes. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les inspections générales des ministères exercent ce contrôle. Je me rallie donc à l'amendement de la commission des finances et retire l'amendement n° 28.

M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.

La parole est à M. Chérioux, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.

M. Jean Chérioux. L'amendement présenté par la commission des finances est tout à fait opportun.

Nous avons connu voilà quelques années certaines situations extrêmement pénibles, et l'intervention de l'Inspection générale des affaires sociales, laquelle s'était d'ailleurs heurtée, à l'époque, à des problèmes de légalité de son action, a permis qu'un contrôle efficace puisse être exercé. Il est absolument indispensable, dans la mesure où des fonds publics sont en jeu puisqu'un crédit d'impôt est accordé, qu'un contrôle soit prévu.

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne, pour explication de vote.

M. Michel Moreigne. J'approuve tout à fait les propos de M. Chérioux ; nous tenons nous aussi à ce qu'un contrôle soit exercé.

Bien évidemment, on peut regretter que la Cour des comptes ne s'estime pas en mesure de l'assurer. Nous n'éprouvons pas de méfiance particulière à l'encontre de l'Inspection générale des finances, dont sont d'ailleurs issus certains de nos collègues les plus éminents, mais je ferai observer très respectueusement à M. Gaillard qu'il conviendrait sans doute qu'un choix soit opéré, s'agissant de contrôle, entre cette dernière et les inspections générales des ministères.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. L'Inspection générale des finances est en quelque sorte chargée d'une mission « horizontale », mais la compétence des inspections générales des ministères est tout à fait reconnue. J'ai même, dans mon propos liminaire, rendu un hommage aussi vibrant que celui de notre collègue Jean Chérioux au rôle joué par l'Inspection générale des affaires sociales dans le règlement du problème de l'ARC, l'Association pour la recherche sur le cancer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.

Art. 7
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Art. additionnel après l'art. 8

Article 8

M. le président. « Art. 8. - Le dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association est supprimé. »

L'amendement n° 64, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mme Beaudeau, MM. Renar et Ralite, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L'article 8 du présent projet de loi, qui a été inséré par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, suscite un certain nombre de questions.

En effet, il tend à modifier la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, alors même que nous pouvons estimer qu'une telle évolution n'est pas nécessairement de bon aloi.

Il apparaît, en particulier, que cette modification de l'article 11 de la loi de 1901 pose plus de problèmes qu'elle ne peut permettre d'en résoudre. Par ailleurs, il nous semble nécessaire, au moins pour des raisons d'expertise, de procéder dans un premier temps à la suppression de cet article 8.

Aux yeux de certains, la mise à disposition de dons et legs sous réserve d'usufruit pourrait permettre de dévier quelque peu de l'esprit de la loi relative au contrat d'association, fondamentalement laïque, en autorisant des « domiciliations de biens » dans le cadre des associations.

Si l'on ne doit pas nécessairement voir dans l'article 8 une remise en cause « rampante » de la loi de 1901, il nous semble toutefois plus que souhaitable que cet article soit supprimé, afin que toute décision ultime sur ce chapitre procède d'une véritable analyse de ses effets.

C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous invitons le Sénat à adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Nettement défavorable ! Je ne vois pas en quoi la loi de 1901, ce grand monument républicain, serait remise en cause par l'ajout utile de l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article n° 8.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du II de l'article 158 bis du code général des impôts, les mots "fondation reconnue d'utilité publique" sont remplacés par les mots "établissement d'utilité publique". »

La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de l'amendement n° 36 à l'article 2 que j'ai présenté tout à l'heure et qui visait à aligner le régime des associations reconnues d'utilité publique sur celui des fondations. Ce dernier ayant été retiré, l'amendement n° 38 n'a plus d'objet.

M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.

L'amendement n° 1, présenté par MM. Hoeffel, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Lorrain, Ostermann et Richert, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 79 du code civil local, sont insérés trois articles ainsi rédigés :

« Art. 79-I. - Les associations ayant fait l'objet d'un retrait de capacité juridique ou d'une dissolution sont radiées du registre des associations par le tribunal d'instance. Il en est de même des associations pour lesquelles le tribunal d'instance constate qu'elles ont cessé toute activité et ne possèdent plus de direction depuis plus de cinq ans.

« Art. 79-II. - Chaque fois qu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'une activité peut se développer dans le cadre d'une association déclarée constituée sur le fondement de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, il y a lieu de lire cette référence comme visant également les associations inscrites constituées sur le fondement du code civil local.

« Art. 79-III. - L'ensemble des droits et avantages attribués aux associations reconnues d'utilité publique bénéficie également aux associations régies par le code civil local dont la mission aura été reconnue d'utilité publique conformément à l'article 80 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 portant loi de finances pour 1985. »

La parole est à M. Daniel Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Cet amendement concerne le droit local d'Alsace-Moselle. Il comporte des mesures de clarification et vise à instaurer une égalité complète entre les associations reconnues d'utilité publique du droit général et celles du droit local. La finalité du dispositif consiste à promouvoir un registre des associations à jour.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement ne relève pas de la compétence la plus directe de la commission des finances, mais il semble que nos éminents collègues d'Alsace-Moselle aient pris l'attache du Gouvernement. Par conséquent, cette loi pourra servir de « véhicule » à une modification utile, me semble-t-il, du régime local.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise en effet la situation particulière de l'Alsace-Moselle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 2, présenté par MM. Hoeffel, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Lorrain, Ostermann et Richert, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 77 du code civil local est ainsi rédigé :

« Art. 77. - Le ministre de la justice pourra définir par arrêté les mesures d'exécution des articles 55 à 79-I, notamment en vue de préciser les modalités d'instruction des demandes d'inscription et de tenue du registre des associations, ainsi que pour définir les conditions dans lesquelles les associations peuvent être radiées du registre des associations en application de l'article 79-I. »

Le sous-amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Au début du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article 77 du code civil local, remplacer les mots : "Le ministre de la justice pourra définir par arrêté" par les mots : "Sont fixées par décret". »

La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Daniel Hoeffel. Cet amendement relève du même esprit que le précédent. Il comporte des dispositions visant à éviter que l'on sollicite le législateur pour procéder à des aménagements de détail.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 74 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le pouvoir réglementaire appartient au Premier ministre. Or, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si le législateur peut confier à une autre autorité le soin de prendre des mesures d'application d'une loi, une telle habilitation ne peut concerner que des mesures de portée limitée, tant par leur champ d'application que par leur contenu.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé le sous-amendement n° 74.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement, ainsi qu'au sous-amendement tendant à l'améliorer sur le plan juridique.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 74.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 3, présenté par MM. Hoeffel, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Lorrain, Ostermann et Richert, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 59 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est donné immédiatement récépissé de la requête en inscription. La délivrance du récépissé entraîne pour l'association requérante, à titre provisoire, la jouissance de la capacité juridique attachée à l'inscription. »

« II. - Le second alinéa de l'article 61 du même code est ainsi rédigé :

« L'autorité administrative peut faire opposition contre l'inscription lorsque les buts de l'association sont contraires aux lois pénales réprimant les crimes et délits. »

« III. - L'article 63 du même code est ainsi rédigé :

« L'opposition doit être formée dans un délai de six semaines à compter de la communication de la déclaration. Passé ce délai, le tribunal statue. A compter de la notification d'une décision de rejet, l'association perd la capacité juridique conférée en vertu du dernier alinéa de l'article 59, sauf si un recours en suspension est introduit contre l'opposition. »

Le sous-amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« A. - Supprimer le I de l'amendement n° 3.

« B. - Compléter le texte proposé par le II de l'amendement n° 3 pour le second alinéa de l'article 61 du code civil local par les mots : "ou lorsque l'association aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire et à la forme républicaine du Gouvernement".

« C. - Rédiger ainsi la deuxième phrase du texte proposé par le III de l'amendement n° 3 pour l'article 63 du même code : "Passé ce délai, le tribunal inscrit l'association sur le registre prévu à cet effet". »

La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour défendre l'amendement n° 3.

M. Daniel Hoeffel. Cet amendement vise à instituer un mécanisme de récépissé, toujours dans l'esprit que j'ai précédemment évoqué.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 75 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. J'observe que l'amendement présenté par M. Hoeffel a notamment pour objet de procéder au « toilettage » de certaines dispositions du code civil local.

Le Gouvernement ne souhaite pas que les associations d'Alsace-Moselle bénéficient, dès le dépôt de la demande, de la pleine capacité juridique propre au droit local, que n'ont pas les associations régies par la loi de 1901. J'émets donc un avis défavorable sur le paragraphe I de l'amendement.

S'agissant du paragraphe II, le Gouvernement comprend la nécessité d'abroger les dispositions de ce code permettant à l'autorité administrative de s'opposer à l'inscription d'associations qui cherchent à atteindre « un but politique, social ou religieux ». En effet, ces dispositions ne sont pratiquement plus appliquées aujourd'hui et pourraient être considérées comme contraires au principe de la liberté d'association.

Toutefois, le Gouvernement estime insuffisant le fait de limiter le pouvoir d'opposition à la seule atteinte à une règle de droit pénal. C'est pourquoi il propose de sous-amender le présent amendement en s'inspirant de la rédaction de l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Avec cette nouvelle rédaction, l'autorité administrative pourrait user de son droit d'opposition lorsque l'association a un objet illicite ou a « pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement ».

Par ailleurs, l'amendement tend à simplifier la rédaction de l'article 63 du code civil local en indiquant de manière plus compréhensible que l'autorité administrative dispose d'un délai de six semaines pour s'opposer à l'inscription d'une association. Toutefois, il conviendrait d'indiquer que, une fois passé le délai de six semaines, « le tribunal inscrit l'association sur le registre prévu à cet effet », et non « le tribunal statue ». En effet, il semble inutile de demander au tribunal de statuer sur la légalité de l'association puisqu'il a déjà procédé à ce contrôle lorsqu'il a transmis la demande d'inscription de l'association à l'autorité administrative six semaines plus tôt.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 3 et sur le sous-amendement y afférent.

M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 75.

M. Daniel Hoeffel. Je comprends les raisons qui ont incité le Gouvernement à présenter ce sous-amendement, auquel je suis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 75.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 4, présenté par MM. Hoeffel, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Lorrain, Ostermann et Richert, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Il est ajouté, au début de l'article 21 du code civil local, un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations peuvent se former librement. »

« II. - A l'article 25 du même code, les mots : "ayant la capacité juridique" sont supprimés.

« III. - L'article 42 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 42. - Lorsque l'association est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la direction doit requérir l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. En cas de retard dans le dépôt de la demande d'ouverture, les membres de la direction auxquels une faute est imputable sont responsables envers les créanciers du dommage qui en résulte. Ils sont tenus comme débiteurs solidaires. »

« IV. - L'article 54 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 54. - Seul le patrimoine affecté à l'association non inscrite garantit les dettes contractées au nom de cette association. Toutefois, l'auteur d'actes juridiques accomplis envers les tiers au nom d'une telle association est tenu personnellement ; si ces actes sont accomplis par plusieurs personnes, celles-ci sont tenues comme débiteurs solidaires. Pour le surplus, il y a lieu d'appliquer les règles régissant la société civile en participation. »

La parole est à M. Daniel Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Cet amendement a notamment pour objet, à travers la nouvelle rédaction proposée, de préciser la portée de l'article 54 du code civil local. Il indique que, pour le surplus, il y a lieu d'appliquer à l'association non inscrite les règles régissant la société civile en participation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Avis favorable de confiance. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Avis favorable de conviction. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 5, présenté par MM. Hoeffel, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Lorrain, Ostermann et Richert, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« La loi locale du 19 avril 1908 sur les associations, l'ordonnance locale du 22 avril 1908 prise pour l'application de la loi du 19 avril 1908 sur les associations, l'article 23, le dernier membre de phrase du second alinéa de l'article 33, le deuxième alinéa de l'article 43, l'article 44, l'article 77 et la seconde phrase du premier alinéa de l'article 78 du code civil local régissant le droit des associations dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont abrogés. »

La parole est à M. Daniel Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Puisqu'il s'agit du dernier amendement que je présente, permettez-moi de remercier la Haute Assemblée de la confiance et de la conviction avec lesquelles elle a accepté d'adopter les quatre premiers amendements concernant le droit local.

L'amendement n° 5 a pour objet d'abroger l'article 23 du code civil local, qui est caduc. La loi de 1908 et son ordonnance d'application réglant la liberté publique d'association sont également abrogées. Leur maintien n'a pas semblé utile. Cet amendement clarifie donc les dispositions existantes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 65, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement un rapport tous les deux ans pour évaluer l'impact de la présente loi. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport tous les deux ans. Il s'agit simplement d'informer la représentation nationale sur l'application de la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur. Nous sommes assoiffés de rapports et les lisons toujours avec beaucoup d'intérêt. Néanmoins, le rapport prévu par cet amendement ne nous semble pas indispensable.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Les ministères concernés auront la possibilité d'informer régulièrement le Parlement, tout comme les divers organismes pouvant bénéficier de concours de mécénat. Selon moi, il n'y a pas lieu d'insérer dans la loi une mesure aussi contraignante. Cette information, certes nécessaire, résulte du jeu normal de la relation entre les ministères, les organismes subventionnés ou bénéficiant de mécénat et le Parlement.

Aussi, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 65 est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. Je croyais faire oeuvre utile en proposant cet amendement. En effet, il est surprenant de constater que nombre d'entreprises ne sont pas informées des possibilités offertes par la loi. Ainsi, l'amendement évoqué, ce matin même, par M. le ministre et qui avait été adopté lors de l'examen du projet de loi sur les musées n'a profité qu'à une seule entreprise depuis un an.

Les rapports du ministère comportent, en effet, des éléments intéressants. Il me semblait bon d'informer la représentation nationale. Cependant, je n'insiste pas et je retire cet amendement.

M. le président. Les propos de M. le ministre valaient engagement d'informer la représentation nationale.

M. Ivan Renar. Les propos de M. le ministre étaient apaisants, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.

Art. additionnel après l'art. 8
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Moreigne, pour explication de vote.

M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations contient indéniablement des dispositions intéressantes. Néanmoins, il souffre de lacunes, auxquelles le Sénat n'a pas su, ou n'a pas voulu, remédier. Je regrette notamment l'absence, grave lacune, de prise en compte de la situation spécifique des organismes humanitaires ou de la situation des Français qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.

Des améliorations étaient possibles, le groupe socialiste en a proposé. Force est de constater que ces initiatives n'ont pas reçu d'écho extrêmement favorable. D'ailleurs, MM. les rapporteurs ont souvent traité avec rapidité les amendements que nous avons proposés. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas possible !

Un sénateur de l'UMP. C'est injurieux !

M. Claude Estier. Le terme « rapidité » n'est pas injurieux !

M. Michel Moreigne. Je laisse au Sénat le soin de choisir le terme qui lui chaut !

Dès lors, les conditions pour qu'un débat fructueux se noue n'ont pas toujours été réunies (Nouvelles protestations sur les mêmes travées), pas autant que nous l'aurions souhaité, convenez-en !

Plus que le projet de loi lui-même, le groupe socialiste, auquel j'appartiens, critique le contexte de désengagement de l'Etat et l'idéologie libérale qui anime, semble-t-il, ses promoteurs.

M. Jean Chérioux. Heureusement ! Enfin ! On souffle un peu !

M. Michel Moreigne. J'avoue que je n'attendais pas d'autre approbation que celle que vient d'exprimer M. Chérioux !

Monsieur le ministre, dans la discussion générale, vous vous êtes indigné du délabrement de certains monuments historiques dont l'Etat a la charge, et nous partageons ce constat. Pour autant, pensez-vous sincèrement que la baisse des impôts et la baisse des dépenses publiques, qui constituent, pour le moment tout au moins, l'apha et l'oméga de la politique gouvernementale, pourront y remédier ?

Vous avez fait clairement le choix du secteur privé contre la puissance publique. Pour notre part, nous préférons une approche privilégiant davantage l'association du secteur privé et du secteur public.

Compte tenu des réserves que je viens de formuler, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote sur l'ensemble de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Je voudrais simplement témoigner de mon insatisfaction à l'issue de l'examen de ce texte, malgré le travail effectué par les rapporteurs et l'intérêt du débat.

Ce projet de loi se borne à des mesures fiscales, alors qu'il aurait été nécessaire de débattre de mesures politiques, juridiques. Je pense notamment aux fondations, dont la création reste un parcours du combattant ou un chemin de croix. Le sujet mérite, selon moi, d'être approfondi.

Nous avions proposé d'enrichir le texte. J'apprécie qu'un amendement présenté par le groupe communiste républicain et citoyen ait été adopté. Les salariés des entreprises concernées vous en sauront gré.

Ma critique principale porte sur le contexte. Le mécénat ne vaut que s'il s'appuie sur une politique forte et dynamique. Or, au cours de la dernière période, les budgets alloués à recherche, à la culture et à l'éducation, c'est-à-dire tous les investissements dans la matière grise, sont en baisse.

Aussi, en attendant des jours meilleurs, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote sur l'ensemble du projet de loi. (M. Thierry Foucaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Ce projet de loi est une avancée considérable pour les réalisations potentielles du mécénat en France. Je félicite M. le ministre qui l'a présenté au nom du Gouvernement, car il est rare qu'autant d'impulsions soient données au mécénat et, par voie de conséquence, aux fondations et aux associations qui en bénéficient. A cet égard, Bercy a donné des gages non négligeables. La commission des affaires culturelles était habituée à plus de réticence. Je félicite M. le ministre et les membres de son cabinet de leur action et des opérations interministérielles qui ont été conduites.

Il est bien évident qu'un considérable pas en avant a été fait. Si, comme l'a dit M. Ivan Renar, il n'y a pas seulement les aspects fiscaux, il est bien évident qu'il y a d'abord et avant tout des mesures fiscales si l'on veut avancer de manière efficace. Il faut maintenant faire un effort de communication important, monsieur le ministre - et vous êtes aussi le ministre de la communication -, afin que les Français et les entreprises prennent conscience de la nécessaire modération des impôts et des impérieuses nécessités qui s'imposent à notre pays. Ce n'est pas de gaieté de coeur que les ministres, y compris le ministre de la recherche, se voient confrontés à une modération substantielle des moyens qui leur sont alloués. Cependant, il y va de l'attractivité et de la compétitivité de la France dans un environnement international qui, actuellement, n'est pas propice à une expansion sans limite. Je prends le pari que, dès que la situation s'améliorera, le Gouvernement aura à coeur d'aller de l'avant, notamment en ce qui concerne la recherche, la culture ou la santé.

C'est là un atout puissant pour insuffler à notre pays, à travers la réforme de l'Etat, et la décentralisation y aidera peut-être, le dynamisme dont il a besoin. Je considère à cet égard que le présent projet de loi représente une avancée considérable sur la voie de l'optimisme, du dynamisme et de la prise de conscience du fait que la France, c'est l'affaire de tous. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées de l'UMP)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, le groupe de l'UMP votera ce projet de loi, car il constitue à l'évidence, une avancée. Il s'agit d'un texte équilibré, qui tient compte de la nécessité de combler le retard en matière de mécénat, comme vient de le dire M. Pierre Laffitte. Ce texte prend aussi en compte les réalités budgétaires, que chacun connaît. Le Gouvernement ne possède pas, lui, de « cagnotte », comme certains en disposaient à une certaine époque. Je souhaite que ce texte soit non pas un aboutissement, mais un point de départ pour aller plus loin dans un domaine où nous avons accumulé beaucoup de retard, en particulier s'agissant de la recherche. Pour conclure, je tiens à saluer le travail remarquable de nos deux rapporteurs. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Je remercie M. le ministre non seulement d'avoir présenté ce texte mais aussi d'avoir accepté un certain nombre de progrès importants. C'est à dessein que je n'emploie pas le mot « avancées », qui a des connotations syndicales. La commission, de son côté, a renoncé à des idées qui lui étaient chères. En somme, nous avons assisté à un vrai débat parlementaire.

Je veux, à mon tour, remercier tous nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Cher collègue Moreigne, je ne pense pas que la rapidité soit de la désinvolture, surtout quand notre ordre du jour est extrêmement chargé. Je remercie également nos collaborateurs des commissions, qui nous ont beaucoup aidés.

Il s'agit d'un moment très important, dont je garderai un excellent souvenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP - M. Pierre Laffitte applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je voudrais à mon tour me féliciter de l'avancée que constitue ce texte et souligner l'excellent travail qui a été réalisé, d'une part, entre les deux commissions du Sénat, la commission des finances, saisie au fond, et la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, et, d'autre part, avec M. le ministre et ses collaborateurs, pour parvenir à un texte équilibré, fruit de compromis et de concessions mutuelles. Incontestablement, ce texte apportera un plus en faisant participer nos concitoyens à cette grande action qu'est le mécénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP - M. Pierre Laffitte applaudit également.)

M. le président. A quoi on peut ajouter que le débat n'aura pas été sans effet !

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Claude Estier. Le groupe socialiste s'abstient.

M. Ivan Renar. Le goupe CRC également.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier du vote de ce texte important. Je vous remercie également de la qualité du travail effectué par la commission des finances et par la commission des affaires culturelles, qui ont d'ailleurs siégé ensemble pour procéder à mon audition.

Pour avoir pris la mesure de la qualité tant de ce débat que des amendements déposés, je sais que le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat est très largement amélioré.

Il s'agit d'un progrès incontestable dans la législation présidant à la mise en oeuvre du mécénat et dans le corps des textes réglant la vie des fondations. Il nous ouvre également des perspectives. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, ce texte constitue non pas un terminus mais le point de départ d'une action délibérée en faveur du mécénat. Au cours des prochaines années, j'imagine que de nombreux ministères auront à coeur de vous proposer de délibérer sur des mesures spécifiques concernant tel ou tel secteur de l'action publique ou tel ou tel domaine relevant de l'intérêt général. En tout cas, pour ce qui est de la culture et de la communication, soyez rassurés : je veillerai à vous faire de multiples propositions et, vous vous en doutez, j'ai d'ores et déjà de très nombreuses idées.

C'est également un texte qui clarifie la situation, qui met fin à un véritable tabou de la société française à l'égard du mécénat et qui, pour reprendre la juste expression du Premier ministre, que citait d'ailleurs ce matin M. Richert, est susceptible de « libérer les initiatives ».

Enfin, ce texte - il ne faut pas embrouiller ce qui ne souffre aucune ambiguïté - ne signifie pas que l'Etat et les collectivités publiques renoncent à leurs missions s'agissant de la culture, de l'éducation, de la recherche, de la santé, du sport, domaines qui, à mes yeux, relèvent incontestablement de l'intérêt général et de ce que nous appelons, les uns et les autres, le service public. C'est un texte qui, tout simplement, invite l'ensemble du corps social, ce que d'aucuns appellent parfois « la société civile », à concourir à l'action des collectivités publiques ; c'est en tout cas ainsi que je l'entends.

Ce texte appellera de la part de chacun des ministères bénéficiaires,de la part des établissements publics, de la part des collectivités locales, de la part des associations, de la part des fondations, un énorme travail de promotion et de communication. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, d'emblée, instituer au sein du ministère de la culture et de la communication une délégation chargée de promouvoir l'idée du mécénat, de rendre hommage aux mécènes, de signaler à l'opinion un certain nombre d'actions de mécénat, de façon à en faire valoir l'exemplarité, pour que chacun soit tout simplement bien informé. La sous-information de nos concitoyens, des associations, peut-être à un dégré moindre des fondations, dans la mesure où elles ont une approche juridique plus développée du mécénat, est en effet considérable.

Bref, le ministère de la culture doit prendre la tête d'une véritable campagne d'information en faveur du mécénat et des dispositions qui désormais en régissent le fonctionnement et le développement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en toute simplicité, je vous remercie de nouveau en priant ceux dont je n'ai pas retenu les amendements de bien vouloir me le pardonner. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir participé à un dialogue constructif avec le Sénat.

Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
 

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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CONSULTATION DES ÉLECTEURS DE CORSE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse
Renvoi à la commission (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 274, 2002-2003) organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse. [Rapport n° 277 (2002-2003).]

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que ce projet de loi soit aujourd'hui soumis en premier lieu au Sénat. Il s'inscrit en effet dans le prolongement direct de la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, dont le Sénat a été l'initiateur, l'inspirateur et l'aiguillon.

Cette révision constitutionnelle prévoit en particulier que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en priorité au Sénat.

Nous examinons aujourd'hui le premier texte de décentralisation qui suit cette révision constitutionnelle, c'est-à-dire le premier texte de l'acte II de la décentralisation.

L'organisation d'une consultation locale, en préalable à la modification du statut particulier de la Corse, constitue une grande première, désormais autorisée par les nouvelles dispositions de l'article 72-1 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle de mars dernier.

Le futur statut de l'île, dont les grandes orientations sont définies par l'annexe au projet de loi, constitue également la première application du droit à la différence statutaire reconnu par le constituant.

Ce projet de loi offre aux électrices et aux électeurs de Corse la possibilité de se prononcer sur une question essentielle, celle de la création d'une nouvelle collectivité territoriale sui generis, une collectivité qui se substituera aux deux départements et à la région.

Il appartiendra aux électrices et aux électeurs de confirmer que ce nouveau statut répond à la spécificité de la situation de la Corse.

Compte tenu de l'importance de cette consultation, j'ai tenu à me rendre en Corse la semaine dernière pour une visite officielle.

Je me suis tout d'abord recueilli devant la plaque posée à la mémoire du préfet Erignac, accompagné des élus corses.

J'ai ensuite prononcé une allocution devant l'Assemblée de Corse. A cette occasion, il m'a été donné de souligner que l'ancrage constitutionnel de la décentralisation différenciée devrait, enfin, permettre de conférer à la Corse, au sein de la République, des fondements institutionnels stables et pérennes, car adaptés et adaptables.

Je ne saurais cependant anticiper le débat qui va maintenant s'ouvrir. Je donne donc immédiatement la parole à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a décidé d'assumer ses responsabilités en proposant à la Corse une stratégie pour l'action, pour le développement et pour la paix.

Au coeur de cette stratégie figure un projet de réforme institutionnelle. Pour la première fois, comme notre Constitution nous y autorise depuis la réforme du 28 mars dernier, ce projet sera soumis à la consultation des électeurs de Corse, si le Parlement en décide ainsi. Tel est le sens du texte dont nous débattons aujourd'hui.

Mesurons ensemble l'importance du débat qui nous réunit.

Important, ce débat l'est pour nos institutions tout d'abord. En effet, le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui est la première application de la réforme constitutionnelle votée par le Congrès il y a moins de deux mois.

Mesurons surtout l'importance de ce débat pour la Corse et pour les Corses.

Pour la première fois, le Gouvernement a choisi de faire confiance aux Corses, à tous les Corses, en demandant aux 190 000 électeurs de l'île de se prononcer, de donner leur avis, d'assumer leurs responsabilités, de refuser clairement que des minorités, quelles qu'elles soient, parlent en leur nom.

Je ne veux ni juger ni moins encore condamner les accords de Matignon dont, chacun le sait, j'avais à l'époque, à titre personnel, plutôt approuvé la démarche. Mais convenons que ce fut sans doute une des faiblesses de ce processus que de s'en remettre à l'opinion de cinquante élus, si représentatifs soient-ils.

Je n'avais pas condamné hier, je n'ai certes pas l'intention de condamner aujourd'hui. D'ailleurs, en Corse, les seules choses qui ne manquent pas, ce sont les condamnations du passé ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) On est moins original lorsqu'il s'agit d'élaborer des projets. En tout cas, celui que vous propose le Gouvernement, aura ceci d'original qu'il sera approuvé ou rejeté par les 190 000 électeurs de Corse.

Le Gouvernement engage ce débat avec la claire conscience de la difficulté et de la complexité de la question corse.

A la fin du mois de mai, je me rendrai en Corse pour la septième fois en un an. J'entame ce débat sans aucun esprit polémique. Au cours des vingt-huit dernières années, c'est-à-dire depuis les événements d'Aléria, nous avons tous échoué à trouver la ou les solutions pour l'île. Le reconnaître, ce n'est condamner personne, c'est tirer un bilan sans concession.

Nombreux furent les ministres qui, avec intelligence et courage, ont affronté ce problème ; nombreux sont les gouvernements qui ont essayé de bonne foi de le résoudre. Il ne sert à rien de les juger. Je constate simplement que la solution n'a pas été trouvée.

Le Gouvernement engage donc ce débat avec la volonté de rassembler le plus grand nombre, les parlementaires, en premier lieu, pour proposer à la Corse un avenir de paix et de développement dans la République.

Pour lui, la question de l'appartenance de la Corse à la République ne se pose même pas. Je n'en fais pas le coeur de mon intervention pour la raison simple qu'aborder une question qui ne se pose pas, c'est faire preuve de faiblesse.

Pour le Gouvernement, la Corse mérite cet effort de rassemblement. En effet, les Corses - il faut le reconnaître - contrairement à ce que pensent les continentaux, chez qui l'on sent poindre une exaspération de temps à autre, sont les premières victimes d'une spirale qui, depuis des années, dépasse le plus grand nombre d'entre eux et qu'il faut maintenant tenter de maîtriser.

Pourquoi une réforme institutionnelle ?

Il ne s'agit pas de vouloir instaurer un nouveau statut à tout prix ou de faire de l'institutionnel parce que le reste - la sécurité et le développement économique - serait trop difficile.

Les institutions de la Corse sont au coeur de la vie publique qui s'y déroule. Elles définissent la manière dont les Corses sont représentés et la façon dont les décisions collectives se prennent. Il est donc normal qu'elles soient un sujet de préoccupation dès lors que la Corse n'a pas trouvé un cadre qui corresponde vraiment à son identité, à ce qu'elle est profondément, comme l'ont trouvé toutes les autres îles de la Méditerranée.

C'est un fait : toutes les îles de la Méditerranée ont un statut spécifique. Aucune n'a le même statut que le continent auquel elle est rattachée. Dire cela, ce n'est polémiquer avec personne ; c'est décrire la situation méditerranéenne, et je rappelle que la France est une puissance méditerranéenne.

Je sais bien que tout gouvernement qui se penche sur cette question peut être suspecté, d'emblée, d'arrière-pensées non avouées. Il aurait peut-être été plus simple de laisser les choses aller leur cours, en se contentant, comme cela a été si souvent le cas, de les commenter en appliquant les transferts de compétences décidés par la loi de janvier 2002, en faisant semblant de croire que ces transferts, importants, pouvaient seuls résoudre les questions qui se posent. Il se trouve que le Gouvernement ne croit pas à la stratégie de l'immobilisme.

Je ne suis pas sûr que la stratégie que nous vous proposons soit la garantie du succès mais ce dont je suis sûr, c'est que l'immobilisme conduit à l'échec. L'immobilisme revient seulement à gagner du temps avant que, une nouvelle fois, la Corse n'échoue. Or la Corse a perdu trop de temps.

Il faut essayer d'arrêter une stratégie propre à la faire sortir de cette spirale de l'échec, et l'immobilisme n'est pas une stratégie.

L'architecture des institutions de la Corse a été construite sans aucune cohérence. Là encore, sans faire de procès à quiconque, je veux cependant rappeler, pour ceux qui n'en seraient pas familiers, l'historique de ces institutions.

En 1975, on décide de recréer deux départements en Corse. La bidépartementalisation était supprimée depuis 1811. La bidépartementalisation de 1975 a été mise en place, notamment, pour appliquer au mieux la loi de 1972 sur les régions. Et puis, en 1982, on crée la collectivité territoriale de Corse, avec des compétences étendues. En 1991, on lui donne une organisation particulière. En 1999, on ouvre le débat sur la création d'une collectivité unique et, en 2002, on ne tranche pas ce débat, faut de cadre constitutionnel.

Ce n'est pas faire injure à nos prédécesseurs que de dire que la loi de janvier 2002 est plus une loi de décentralisation de compétences qu'une loi portant réforme du statut de la Corse. La preuve en est que cette loi prévoyait, comme on dit dans le dialogue social, une « clause de revoyure » afin de discuter de l'évolution du statut. Ce n'est pas caricaturer d'affirmer que, dans l'esprit du Premier ministre d'alors, M. Jospin, l'idée d'une collectivité unique était présente, mais qu'elle n'a pas été concrétisée dans la loi de janvier 2002.

Ainsi se trouvent résumés les problèmes institutionnels de la Corse : depuis 1975, une succession de décisions, mais pas de cohérence puisqu'il n'y a pas de lien entre toutes ces décisions.

La Corse dispose donc de deux départements, d'une collectivité territoriale, et cette situation ne permet pas de répondre aux défis qui se posent à elle. Il ne s'agit pas de noircir le tableau. Il s'agit, avec calme, de regarder les choses en face.

Il n'est pas question d'accuser les Corses, de faire peser sur eux toutes les responsabilités. D'autant que, selon moi, le problème tient à ce que, en Corse, personne, absolument personne, n'est responsable d'une stratégie d'ensemble, car personne n'en a les moyens. Personne ne peut réfléchir à une stratégie de développement pour la Corse puisque personne n'en a la responsabilité.

En Corse, les responsabilités se chevauchent, s'entrecroisent, s'entremêlent, empêchant quiconque d'exercer une action d'ensemble.

Plus de trois cents communes, deux départements, une collectivité territoriale : tout le monde se mêle de tout, il n'y a plus aucune cohérence !

Certes, être lucide et décrire la situation telle qu'elle est n'est pas simple s'agissant de la Corse. Tant de choses ont été dites et écrites sur la Corse ! Nos compatriotes corses eux-mêmes sont d'ailleurs très à l'écoute de ce qu'on dit d'eux, et s'en trouvent souvent blessés.

L'idée du Gouvernement était de ne pas partir de l'image de la Corse, mais d'aller à sa rencontre aussi souvent que nécessaire. Le Premier ministre est allé deux fois en Corse. Le président du Sénat - il le rappelait - s'y est rendu la semaine dernière. Le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, a fait de même. Emerge déjà une première conviction : c'est que cette identité corse, cette spécificité corse souffre aujourd'hui d'une formidable crise de confiance. Sur l'île, plus personne ne fait confiance à personne. Tant de déceptions, tant de malentendus, tant de douleurs, tant de violences, ont créé tant d'amertume !

Innombrables seront vos interlocuteurs qui vous expliqueront pourquoi, dans le passé, cela a échoué, et vous en trouverez fort peu qui vous expliqueront comment, pour l'avenir, il faut s'en sortir. Car, en vérité, nombreux sont les Corses qui ne croient plus en leur avenir.

Aussi notre première tâche a-t-elle consisté à essayer de créer un climat de confiance pour que, de nouveau, on espère et on croie dans la parole publique. Loin de moi l'idée de dire que le Gouvernement y a réussi. Mais en retournant en Corse, en y renvoyant les mêmes interlocuteurs, en essayant d'y tenir chaque fois le même discours, en s'efforçant de rassembler pour construire, on a peut-être une chance de trouver le chemin pour proposer un avenir à la Corse.

Entendre, écouter, comprendre et, j'oserai le mot : aimer. Car, ce n'est pas le moindre des paradoxes, les Corses sont fiers mais ils doutent beaucoup et, dans leurs doutes, ils se demandent notamment si leurs compatriotes du continent les aiment toujours.

De ce point de vue, votre présence et votre attention sont un signal beaucoup plus important que d'aucuns ici ne peuvent l'imaginer.

En Corse, il y a beaucoup de passion et de talent. Jusqu'à présent, ils ont été mis au service de beaucoup de destruction. Je suis persuadé que l'on peut les mettre au service de la construction.

Le Gouvernement a aussi choisi de partir du présent. Il ne s'agissait pas de dire : « Tout ce que les autres ont fait est mauvais et tout ce que nous allons faire sera nécessairement bien ! » Cela n'aurait pas de sens. Les problèmes qui ont été ceux de M. Jospin, et d'autres avant lui, sont aujourd'hui les nôtres. Mais nous devons essayer de transmettre au gouvernement qui nous succédera demain un dossier corse qui aura progressé.

Nous avons donc délibérément considéré que le processus de Matignon, s'il n'avait pas, loin s'en faut, tout résolu, avait malgré tout permis de faire avancer les choses. Ce n'est qu'en admettant la réalité que l'on peut progresser.

Le Corse de 2003 n'est plus celle de 1999. La loi du 22 janvier 2002, qui est une étape importante, nous l'avons scrupuleusement appliquée : tout les décrets ont été pris ; tous les financements ont été prévus ; tous les transferts ont été organisés. Personne ne peut en douter, et cela ne souffre aucune polémique.

Le Gouvernement a clairement conscience que cette question corse est un sujet si complexe que nous ne devons laisser à nos compatriotes de Corse aucune marge de manoeuvre tirée des prétendues divisions qui régneraient entre les républicains que nous sommes. Il n'y a pas, parmi nous, de républicains qui voudraient sortir la Corse des ennuis et d'autres qui ne le voudraient pas. C'est tous ensemble que nous devons essayer d'apporter une réponse à cette formidable interrogation pour la République française : oui ou non, peut-on apaiser l'île ?

Ce n'est pas noircir la réalité d'aujourd'hui que de parler d'un chômage persistant, de villages dépeuplés, d'entreprises fragiles. Il suffit de savoir que, avec 56 personnes, la manufacture corse de tabacs est le deuxième employeur industriel de l'île pour mesurer cette fragilité et, plus généralement, pour concevoir ce qu'est la réalité économique de la Corse.

Ce n'est pas que l'île ait trop d'emplois publics : elle n'a pas assez d'emplois privés. Dire cela, ce n'est pas se faire l'avocat aveuglé de la Corse, c'est décrire une réalité.

La Corse, certes, a des problèmes spécifiques : la violence quotidienne - et cela concerne le ministre de l'intérieur, mais j'y reviendrai -, une opinion dont il est peu de dire qu'elle est divisée, une jeunesse inquiète à juste titre, car dépourvue de toute perspective.

Jadis, il y avait des perspectives : faire carrière au service de l'Etat, faire carrière dans l'armée, faire carrière dans les colonies. Aujourd'hui, pour un jeune Corse, faire carrière, c'est nécessairement abandonner sa région.

Cette réalité spéficique est tangible, quotidienne. On peut toutefois, par humeur, la contester, mais la Corse a trois problèmes et non pas un : la Corse est une île, la Corse est une montagne, la Corse est sous-peuplée. C'est peut-être d'ailleurs ce troisième problème qui est le plus lourd de conséquences et qui fait la grande différence entre la Corse et la Sardaigne, géographiquement si proche. La Corse est aussi une île, elle est aussi montagneuse, mais, en Corse, il n'y a pas de marché. C'est là une réalité que l'humeur, voire l'exaspération ne doivent pas nous faire oublier.

Le débat sur les atouts et les handicaps de la Corse dure depuis des décennies. Ce débat balance en permanence entre le désespoir et l'espoir.

L'espoir, c'est le caractère exceptionnel du cadre naturel : mille kilomètres de côtes - entre Menton et Perpignan, il y en a 750 -, des sommets où les neiges sont éternelles - 2 700 mètres d'altitude -, une variété infinie de paysages : point n'est besoin de vanter la beauté de la Corse !

Comment surmonter ses handicaps, comment y encourager la culture de produits de qualité, comment exporter ses produits, comment circuler dans l'île, comment y développer le tourisme, comment y rétablir la paix ? Depuis quarante ans, peut-être plus, la Corse se pose ces questions sans trouver de réponses.

Finalement, les seules réponses qui ont été apportées avec constance, ce sont celle de la violence qui ne conduit qu'au désespoir et celle du désespoir qui ne conduit qu'à la violence. Violence et désespoir s'unissent en effet pour former un couple maudit : désespérés et donc violents, violents donc désespérants.

Il serait facile, et surtout irresponsable, de considérer cette réalité comme une fatalité : « Ils sont comme cela ! » Mais ce serait renoncer, et il n'est pas possible de renoncer. La Corse fait partie de la France. Les 260 000 habitants de l'île sont des Français. Les républicains que nous sommes ne peuvent pas renoncer.

La Corse doit prendre son avenir en main, car les problèmes ne viennent pas que de l'extérieur : la Corse et les Corses ont une part de responsabilité, et il convient de n'exonérer personne. Pour que la Corse prenne son avenir en main, il faut abandonner les postures.

D'abord, la posture qui se présente comme strictement républicaine : on n'accepte rien et, dans les faits, on tolère tout. C'est la République par le discours mais, pour le reste, c'est la cécité complète !

Ensuite, la posture inverse, aussi déplacée, aussi démodée et aussi inefficace : c'est une attitude hostile ou exaspérée ; de hauts responsables de l'Etat se sont parfois laissé aller à quelques déclarations dans ce sens, qui ont fait beaucoup de mal sur l'île, mais qui ont eu, reconnaissons-le, un certain succès sur le continent.

Les Corses méritent qu'on les aide à imaginer un autre avenir.

Nous devons relever trois défis et, dans mon esprit, ces trois défis sont liés.

Premier défi : le retour à la sécurité, auquel toute la Corse aspire.

En vérité, je me demande si ces termes, « retour à la sécurité », sont bien choisis, car ils donnent à penser que la Corse a un jour connu la sécurité. Or elle ne l'a pas connue depuis si longtemps que j'hésite à parler de « retour ».

Comment faire ? S'il suffisait, mesdames, messieurs les sénateurs, d'envoyer en Corse plus de gendarmes et plus de policiers pour mettre fin à une situation intolérable, cela se saurait ! Au demeurant, de toutes les régions de France, la Corse est sans doute celle qui, de ce point de vue, est la mieux dotée. Or cela n'a pas permis le retour à la sécurité. Qu'on prenne en considération la géographie ou la culture, peu importe : les faits sont là.

En la matière, la seule solution consiste à agir plutôt que de commenter, et à agir en prenant le temps nécessaire. En Corse encore plus qu'ailleurs, la précipitation est une mauvaise méthode. Il faut du temps pour démanteler un système qui, en Corse, il faut bien le reconnaître, fait des dégâts considérables : je veux parler du système d'économie souterraine. De ce point de vue, la Corse n'a rien à envier à ce qui se passe dans un certain nombre de nos quartiers.

Tout ce que je dirai à ce sujet ne sert à rien, je le sais bien, car seuls comptent les actes.

J'affirme devant la Haute Assemblée que nous avons besoin de temps parce qu'on n'éradique pas comme cela ce qui existe depuis si longtemps et qui a touché tant d'aspects de la société corse.

Je rappellerai qu'il a été procédé à quarante-neuf arrestations en un an et que le FLNC dit « anonyme » a été ainsi démantelé. C'est insuffisant, je le sais, mais, dans les semaines et les mois qui viennent, d'autres événements, je l'espère, démontreront l'efficacité de notre action.

Que veulent les auteurs des attentats ? Que veulent ceux qui prétendent que le courage consiste à sortir à minuit avec une cagoule sur la tête pour faire sauter ce qui a été payé avec les impôts de leurs compatriotes ?

Ils veulent nous fixer un calendrier. Et quelle doit-être notre réponse ? Ne pas nous inscrire dans ce calendrier.

C'est pourquoi poser comme préalable à la discussion la fin de la violence était une mauvaise solution, car c'était donner une force politique considérable aux plus insensés, aux plus violents, aux plus irresponsables. Cela voulait dire que les républicains raisonnables n'avaient le droit de discuter entre eux qu'à partir du moment où les plus déraisonnables avaient décidé de ne plus sortir pour commettre leurs méfaits.

Par conséquent, nous ne devons rien céder à la violence. Nous devons évidemment la condamner, mais surtout interpeller et arrêter ceux qui s'y livrent. Rien ne peut justifier un assassinat !

M. le président. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne nous le cachons pas, le procès qui va s'ouvrir en juin sur l'assassinat odieux du préfet Erignac sera douloureux.

Douloureux, il le sera d'abord pour Mme Erignac et ses deux enfants, dont le travail de deuil est rendu si difficile par le fait que l'un des auteurs n'a pas été retrouvé.

Douloureux, il le sera également pour la Corse, qui a été traumatisée par cet événement, elle l'a dit en descendant massivement dans la rue : elle se trouvera une nouvelle fois accusée, en quelque sorte, alors même qu'elle se sent victime.

La lutte contre toutes les formes de violence en Corse continuera et s'amplifiera. Je demande à être jugé sur les résultats, y compris sur l'arrestation de Colonna. Tout ce que nous ajouterons au débat sera retenu contre nous, les Républicains. Et, chaque fois qu'une bombe est posée, le poseur de bombe n'attend qu'une chose : qu'un certain nombre d'entre nous se rendent à la télévision pour condamner, ce qui signifie pour lui faire de la publicité, fût-ce en le condamnant. La seule réponse possible, c'est une réponse policière à un acte qui relève du droit commun. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) La condamnation politique est en effet une sorte de « légitimation » - je mets à dessein le mot entre guillemets -, par une parole politique, d'un acte qui n'a rien de politique. Condamner politiquement un acte qui est d'abord crapuleux, c'est donner, même si ce n'est pas dans l'intention de ceux qui condamnent, une légitimité politique à ce qui est d'abord, de mon point de vue, un comportement mafieux.

Le deuxième défi de la Corse, c'est celui du développement économique.

Là aussi, il faut mettre en oeuvre toutes les forces de solidarité. Le Gouvernement Jospin avait prévu un programme exceptionnel d'investissement de 2 milliards d'euros sur quinze ans. Nous avons veillé à ce qu'il soit financé scrupuleusement. Nous avons même été plus loin en organisant ce qui ne s'est jamais fait dans l'histoire budgétaire de la France, à savoir une ligne budgétaire unique.

Je me suis rendu, avec les élus corses, à Bruxelles, où nous avons négocié et obtenu satisfaction. Pas sur tout, certes, mais sur un certain nombre de points sur tout, certes, mais sur nombre d'éléments sont rassemblés.

Il reste un troisième chantier qui touche à l'évolution institutionnelle. Et, à ceux qui se demandent quel est le rapport entre l'évolution institutionnelle et le développement économique, je réponds que la question même m'étonne : qui n'a vu le lien exact, dans le développement de la France des années soixante, entre les années de croissance que nous avons connues alors et la mise en place d'institutions stables et efficaces, celles de la Ve République ? La France a pu se développer parce qu'elle s'est dotée, à ce moment-là de son histoire, d'institutions adaptées et stables ! Qui peut croire, dans ces conditions, que la question du cadre institutionnel de la Corse serait artificielle ?

Lors des Assises des libertés locales en Corse, j'avais indiqué que, si les élus de la Corse parvenaient à dégager un consensus, le Gouvernement le prendrait, en quelque sorte, au pied de la lettre. Or le consensus - et je n'en fais le reproche à personne - n'a pu être trouvé.

A l'issue de ces Assises des libertés locales, deux thèses s'opposaient : celle des tenants d'une collectivité territoriale unique, sous diverses formes d'organisation, et celle des tenants du maintien des départements aux côtés de la collectivité territoriale.

Je dois avouer que j'ai moi-même hésité : j'ai conduit de nombreuses réflexions et noué de nombreux contacts, parce que j'admets bien volontiers que des arguments de poids étaient avancés de part et d'autre.

Le Gouvernement a finalement opté pour la collectivité unique. A bien y réfléchir, ce qui l'a conduit à soutenir cette thèse, c'est le refus du statu quo car, si ce dernier n'est pas responsable de la situation actuelle, il n'a en rien permis d'y porter remède. Au demeurant, quel curieux argument que celui qui consiste à affirmer que tout va de mal en pis en Corse et à en conclure qu'il convient de ne rien changer !

Voilà pourquoi le Gouvernement a choisi cette nouvelle forme d'organisation.

Eviter les chevauchements et le fractionnement des compétences, éviter une disparité dans les politiques menées au sein même de la Corse, voilà notre objectif : est-il logique que tous les Corses ne soient pas traités de la même façon selon qu'ils se situent au-delà ou en deçà des monts ?

On me dit que l'existence de deux départements, c'est la preuve que la Corse est dans la République. Ah bon ? Avant 1975, la Corse ne comptait pas deux départements. Etait-elle pour autant moins dans la République avant Aléria qu'apès ? Alors même que l'on date d'Aléria les problèmes les plus violents de la Corse, convenons au moins que la bi-départementalisation n'a en rien aidé à résoudre les problèmes !

Au demeurant, quelle conception bien frileuse de l'attachement de la Corse à notre République que de penser qu'elle ne serait plus dans la République sous prétexte qu'elle ne compterait plus deux départements, alors que la plupart des conseillers généraux y sont élus par moins de 3 000 ou de 4 000 électeurs ! C'est faire bien peu cas de l'enracinement de cette région dans notre pays !

Je pourrais également évoquer les double emplois considérables qu'induit la coexistence de trois collectivités, la gestion de l'emploi public n'étant pas sur l'île exempte de tout reproche...

Enfin, la bi-départementalisation présente un inconvénient pour les Corses : il leur est impossible d'identifier les responsables de l'absence de stratégie de développement de l'île. Qui est responsable ? De qui est-ce la faute ? Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Là encore, les explications sont innombrables. Aujourd'hui, bien malin celui qui désignerait le responsable, puisque de responsable il n'y a pas !

En Corse, aujourd'hui, il y a de multiples décideurs, assez forts pour empêcher mais trop faibles pour harmoniser. Qui peut se satisfaire de cette situation ? Chacun, recroquevillé dans son fortin, peut empêcher, détruire, bloquer, mais aucun n'a même l'idée de s'associer au voisin pour construire !

Face à ces inconvénients, la collectivité territoriale unique nous est apparue, en toute bonne foi, une nécessité majeure.

De quoi souffre la Corse ? D'un manque de cohérence. C'est dans un souci de cohérence que nous vous proposons de créer une collectivité unique, où les priorités et les stratégies seraient décidées pour toute la Corse. Actuellement, en effet, les clivages politiques se superposent aux clivages territoriaux, et ces priorités n'apparaissent nullement.

Faire des choix pour la Corse nécessite donc l'institution d'une collectivité représentant l'île dans son ensemble et qui soit le lieu de définition de la stratégie de développement de l'île.

Les Corses, si vous le souhaitez, sauront demain qui est responsable, ils pourront demain sanctionner en cas d'échec et, surtout, ils pourront demain comprendre quel est le projet pour l'île.

On me dit parfois qu'admettre une telle spécificité, c'est s'éloigner de la République. Alors là franchement, je ne vois pas en quoi ! Qu'est-ce que l'idéal républicain ? N'est-ce pas donner les mêmes chances à tous, aux hommes comme aux territoires, en partant de leurs différences ? C'est cela, la République : quelles que soient les différences, quelles que soient les inégalités, quels que soient les atouts ou les faiblesses, on donne les mêmes chances à partir de ces différences.

La Corse mérite d'avoir les mêmes chances, mais, comme elle est différente, elle doit pouvoir avoir un statut particulier.

On me dit que la Corse ne veut pas être un laboratoire d'expérimentation institutionnelle. Certes, mon Dieu ! Mais la Corse en veut pas non plus être condamnée à l'échec. Or la bonne formule n'a pas été trouvée.

Qui nous prouve que celle du Gouvernement sera la bonne, me demande-t-on. A cela je réponds que la formule du Gouvernement comporte une différence par rapport aux précédentes, à savoir que, si le Parlement vote le projet et si les Corses l'adoptent, alors il se passera beaucoup de temps avant que quelqu'un n'ouvre à nouveau le débat institutionnel, puisque le statut de la Corse aura été par hypothèse adopté par l'ensemble des Corses. Et c'est là un très grand changement.

Si le Parlement l'accepte, une consultation sera donc organisée au début de l'été, le 6 juillet. Certes, la Constitution a prévu qu'il ne pouvait s'agir que d'une consultation. Mais, par souci de clarté, d'honnêteté et de bonne foi, le Gouvernement indique à la Haute Assemblée que, si les Corses répondent oui, un nouveau statut sera alors soumis au Parlement à l'automne, tandis que, si les Corses répondent non, ce sera le statu quo.

Pourquoi n'avoir pas simplement consulté les Corses sur la suppression des départements, ou même laissé la question ouverte ? Pourquoi proposer un projet élaboré par le Gouvernement ? Tout simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que, si l'on avait proposé trois ou quatre projets, chacun d'eux aurait recueilli entre 15 % et 25 % des voix, et à l'arrivée, chacun sait bien qu'on nous aurait dit : quelle est la valeur d'un statut adopté avec 25 % des suffrages exprimés ? Aucune !

D'ailleurs, quel serait ce Gouvernement, sa légitimité et sa force qui se tournerait vers les Corses en leur disant : « Choisissez vous-mêmes au supermarché des réformes institutionnelles potentielles ! » Non ! Le Gouvernement a consulté, le Gouvernement a essayé de réfléchir, le Gouvernement s'engage sur un projet pour la Corse. Je veux d'ailleurs dire au passage à M. le rapporteur que la rédaction proposée par la commission des lois sur certains points me semble améliorer celle que propose le Gouvernement.

La collectivité unique, cela signifie que les départements, dans leur forme actuelle, seront supprimés, il n'y a pas d'ambiguïté de ce point de vue, mais que, bien sûr, les communes ainsi que les groupements de communes subsisteront.

La collectivité unique sera déconcentrée et deux conseils territoriaux, subdivisions de la collectivité unique, seront créés. La collectivité unique définira ainsi une stratégie et les conseils territoriaux, sorte de commission permanente territoriale, l'appliqueront : la collectivité unique définira, par exemple, la politique du RMI pour la Corse, et les deux conseils territoriaux la mettront en oeuvre. Seule la collectivité unique aura cependant la personnalité morale, elle seule lèvera l'impôt, elle seule emploiera les fonctionnaires territoriaux ou départementaux, elle seule votera le budget.

Les conseils territoriaux auront des compétences qui constitueront un socle défini par la loi, mais la collectivité territoriale pourra, si elle le souhaite, leur déléguer des compétences supplémentaires. A la collectivité unique les choix d'ensemble, la définition d'une politique pour la Corse ; aux conseils territoriaux la gestion de cette politique.

D'autres problèmes restent à traiter. Je pense notamment au fameux problème de la loi électorale. A cet égard, il est d'ailleurs formidable de constater la façon avec laquelle, en Corse, on passe d'un problème à un autre : le problème du statut est un problème essentiel, mais, d'ores et déjà, ça y est, on est passé par-dessus pour en venir à la loi électorale.

A ce sujet, le Gouvernement a fixé un certain nombre de lignes directrices, dont l'élection à la proportionnelle. Par ailleurs, à la demande de la Haute Assemblée - et notamment de Nicolas Alfonsi - , le Gouvernement s'est engagé sur la parité. En effet, on compte cinquante-deux conseillers généraux en Corse. Combien de femmes ? Une seule ! Sur cinquante et un conseillers territoriaux, combien de femmes ? Sept !

Si vous adoptez - et si la Corse l'accepte - ce nouveau statut, la classe politique insulaire sera, demain, composée pour moitié de femmes, ce qui constituera un changement culturel d'une très grande importance, à la fois dans le rapport de la Corse à la violence et dans le nécessaire pragmatisme qui doit maintenant irriguer l'île.

C'est un avantage considérable et en même temps une faiblesse : c'est un avantage, parce que les femmes corses doivent maintenant prendre leur part dans l'avenir de l'île ; c'est une faiblesse, parce que chacun a bien compris que, derrière les grands principes, se cachent les petits intérêts. Il ne s'agit pas pour moi de m'en moquer : les intérêts électoraux et l'avenir de chacun sont tout aussi légitimes en Corse que sur le continent.

Ne donnons pas, à cet égard, de leçons à la classe politique corse, qui n'est ni meilleure ni pire qu'une autre, mais c'est une question qui se posera, comme se posera celle de la prime majoritaire : faudra-t-il instaurer le même système que sur le continent, ou tenir compte de l'expression des minorités en Corse ? Mieux vaut, en effet, faire en sorte que chacun soit représenté plutôt que prendre le risque de ne pas avoir d'interlocuteur.

Les sujets sont nombreux, et nous aurons l'occasion d'en reparler. Et, mesdames, messieurs les sénateurs, en terminant, je voudrais vous dire que si j'ai parlé avec passion, c'est parce que j'ai bien conscience que nous sommes, tous ensemble, confrontés à une lourde responsabilité : là où, depuis vingt-huit ans, tous ont échoué, le Gouvernement vous propose d'essayer de réussir ensemble. Si nous sommes unis, nous aurons une petite chance de réussir ; si nous faisons de la Corse un enjeu politique comme les autres, l'échec est inéluctable, tant pour nous que pour l'île. Je ne dis pas, je ne dirai jamais que la solution que propose le Gouvernement est la panacée, qu'il n'y avait qu'elle et qu'avec elle tout sera résolu. Ce que je sais cependant - parce que je me suis investi avec beaucoup de force et d'énergie dans la résolution de cette question - c'est que, si nous nous condamnons à l'immobilisme, alors l'échec est certain.

L'échec certain, ou le succès possible ? Vous avez compris que c'est le succès qu'avec le soutien de la Haute Assemblée le Gouvernement recherche pour la Corse, pour les Corses et pour la République française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, donner aux Corses la maîtrise de leur devenir au sein de la République, tel est l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis en premier lieu, qui offre pour la première fois aux électeurs de l'île, la possibilité de se prononcer sur son organisation institutionnelle et sollicite leur avis sur un projet de statut destiné à permettre à leurs représentants d'agir conformément à la double exigence de cohérence et de proximité de l'action publique.

Avant de vous présenter les principes, le document et les modalités de la consultation des électeurs de Corse, je tiens à vous faire part des impressions que j'ai retirées de mon déplacement dans l'île, du 22 au 24 avril dernier, où j'ai pu rencontrer les représentants de l'Etat, des différentes collectivités territoriales et des principales formations politiques.

Au cours de ce déplacement, j'ai pu dresser un quadruple constat.

Premier constat : le principe de la consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de l'île recueille un très large consensus. Chacun s'accorde à reconnaître l'importance de ce scrutin, qui permettra de trancher de la façon la plus démocratique qui soit un débat vieux de plus de vingt ans.

Deuxième constat : la nécessité d'une clarification des compétences entre les différentes collectivités territoriales est également très largement ressentie. Je ne reviendrai pas sur les inconvénients de la situation actuelle, qui ont été excellement exposés par M. le ministre.

Troisième constat : il est incontestable que la perspective de la suppression des départements suscite des réticences et des inquiétudes de la part, bien entendu, des conseillers généraux, dont le mandat est remis en cause, mais également de certains maires, pour qui le département apparaît comme l'interlocuteur naturel et privilégié.

Quatrième constat : les Corses souhaitent plus que jamais, d'une part, voir enfin mettre un terme à une violence récurrente qui gangrène la société et, d'autre part, s'engager dans la voie du développement économique.

La démarche entreprise par le Gouvernement pour répondre aux attentes de la population de l'île paraît à la commission des lois tout à fait cohérente et pertinente.

Le projet de loi n'aurait en effet pu voir le jour sans l'adoption préalable de la loi constitutionnelle du 28 mars dernier relative à l'organisation décentralisée de la République.

En premier lieu, la révision constitutionnelle a inscrit les collectivités à statut particulier ainsi que les régions dans la liste des collectivités territoriales de la République reconnues par la loi fondamentale. Elle a donné à la loi la possibilité de les substituer à une ou à plusieurs des collectivités dont l'existence était autrefois protégée par la Constitution : les communes, les départements et, désormais, les régions.

En second lieu, la révision du 28 mars 2003 a inséré dans la Constitution un article 72-1 aux termes duquel, « lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées ».

Ainsi, la consultation doit être décidée par la loi. Contrairement aux référendums décisionnels locaux, elle revêt la valeur d'un simple avis, le Parlement restant libre d'élaborer ultérieurement le statut de son choix.

Les exigences de clarté et de loyauté dégagées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel seront évidemment applicables au scrutin. Elles impliquent, d'une part, que le projet de statut soit suffisamment détaillé pour éclairer l'avis des électeurs et, d'autre part, que la valeur purement indicative de la consultation soit explicite.

Assuré d'une base juridique solide, le projet de loi a été élaboré au terme d'une large concertation.

M. le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, avez effectué de multiples déplacements en Corse depuis la nomination du Gouvernement, afin d'y rencontrer les élus locaux, les représentants de l'Etat et les acteurs de la société civile.

Au mois d'octobre 2002, des assises des libertés locales se sont déroulées en Corse, comme dans chacune des vingt-six régions françaises, sous la forme de cinq ateliers organisés à Corte, à Ajaccio, à Calvi, à Bastia et à Sartène, et de trois tables rondes consacrées à la culture et au patrimoine, à Porto-Vecchio, au développement économique et au dialogue social, à Bastia, et aux évolutions institutionnelles de l'île, à Ajaccio. La réflexion institutionnelle a été approfondie au cours de deux séminaires organisés, le premier à Bastia en décembre 2002, le second à Ajaccio en janvier 2003.

Les trois tables rondes ont réuni chacune environ quatre cents personnes. C'étaient en majorité des élus locaux, mais de nombreux représentants de la société civile étaient également présents.

Si le projet de loi s'inscrit dans le droit-fil du relevé de conclusions élaboré par le gouvernement de M. Lionel Jospin le 20 juillet 2000, la démarche a été plus cohérente, la révision constitutionnelle précédant le changement de statut, et le dialogue a été élargi à l'ensemble de la population de l'île.

J'en viens maintenant au document soumis à la consultation, c'est-à-dire aux orientations proposées pour la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

Composé d'un préambule et de cinq chapitres, le projet de statut sur lequel les électeurs de l'île seront appelés à donner leur avis propose de substituer une collectivité unique à l'actuelle collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud.

Il s'inspire du statut de Paris, Lyon et Marseille, même si l'on ne peut évidemment comparer des départements, au territoire étendu, à des arrondissements urbains.

La collectivité unique se verrait reconnaître une compétence générale pour les affaires de la Corse. Elle resterait administrée par une assemblée de Corse et par un conseil exécutif responsable devant l'assemblée.

Les deux conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud seraient remplacés par deux conseils territoriaux qui, sur le modèle des conseils d'arrondissement, constitueraient des subdivisions de la collectivité unique. Dotés d'une assemblée délibérante et d'un président, ils seraient chargés par la loi de mettre en oeuvre la plupart des compétences de proximité qui, actuellement dévolues aux départements, seraient désormais exercées par la collectivité unique.

Cette dernière pourrait en outre leur confier la mise en oeuvre de compétences supplémentaires, à l'exception de celles qui engagent la cohérence des décisions prises à l'échelon de la Corse et l'unité des politiques publiques.

A l'instar des conseils d'arrondissement, les conseils territoriaux seraient privés de la personnalité morale, celle-ci n'étant reconnue qu'à la collectivité unique. Ils ne pourraient ni recruter du personnel - celui des départements actuels étant transféré à la collectivité unique, mais pouvant être mis à leur disposition - ni recevoir le produit d'impositions de toutes natures. Ils disposeraient simplement, pour la conduite de leurs actions, de dotations de la collectivité unique prélevées sur son budget. Enfin, les conseils territoriaux agiraient toujours pour le compte de cette collectivité et selon les règles fixées par elle.

La cohérence des politiques publiques serait confortée par la double appartenance des conseillers territoriaux à l'Assemblée de Corse et aux conseils territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Contrairement aux conseillers d'arrondissement, dont le nombre est le double de celui des conseillers municipaux de Paris, Lyon et Marseille, les mêmes élus siégeraient à la fois à l'Assemblée de Corse et, selon le lieu de leur élection, dans l'un des deux conseils territoriaux.

En conséquence, le mode de scrutin pour l'élection à l'Assemblée de Corse serait modifié de façon à assurer à la fois la représentation des territoires qui composent la Corse et la représentation des populations. Le scrutin de liste à la représentation proportionnelle avec attribution d'une prime majoritaire serait conservé dans le cadre d'une circonscription unique. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 3 avril 2003, il conviendrait de prévoir une alternance stricte de chaque sexe sur les listes de candidats, comme pour les élections régionales.

Deux groupes de travail composés de parlementaires et d'élus locaux ont été installés le 25 avril afin de réfléchir, l'un sur les conditions de mise en oeuvre des compétences de la collectivité unique, en particulier sur la répartition des tâches entre la collectivité et les conseils territoriaux, l'autre sur le mode d'élection de leurs membres.

Ces réflexions devront bien entendu s'inscrire dans le cadre tracé par l'annexe au présent projet de loi. Ainsi, le groupe de travail consacré au mode de scrutin devra étudier le nombre d'élus à l'Assemblée de Corse et dans les conseils territoriaux, les différents seuils électoraux, le nombre de tours, le niveau de la prime majoritaire, ou encore le découpage de la circonscription unique en secteurs.

Ces travaux permettront, je l'espère, d'éclairer l'avis des électeurs le jour de la consultation.

Par ailleurs, la collectivité unique aurait la possibilité de déléguer certaines de ses compétences aux communes ou à leurs groupements, cette possibilité s'inscrivant dans le cadre plus large des réflexions sur la nouvelle étape de la décentralisation.

Enfin, conformément à l'objectif d'aménagement du territoire qui, en 1975, avait motivé la bidépartementalisation, il est proposé dans l'annexe d'adapter l'organisation des services de l'Etat en veillant à assurer un équilibre entre toutes les parties du territoire de l'île. Ainsi, un préfet serait maintenu à Bastia.

Le projet de loi a été soumis à l'Assemblée de Corse le 8 avril dernier. Elle lui a donné un avis favorable le 18 avril, tout en formulant diverses recommandations ; la plupart ont été prises en compte dans le texte, qui a été déposé en premier lieu au Sénat.

Trois options s'offraient à la Corse en matière institutionnelle : conserver la collectivité territoriale de Corse et les deux départements en cherchant à améliorer les mécanismes de concertation ; prévoir l'absorption pure et simple des deux départements par la collectivité territoriale de Corse ; ou encore, comme le souhaite le Gouvernement, créer une collectivité territoriale unique mais déconcentrée.

Cette dernière solution est la meilleure, car elle permet de concilier la double exigence de cohérence et de proximité de l'action publique. De plus, elle s'inscrit pleinement dans le cadre de l'organisation décentralisée de la République que nous avons mise en place, où les différences entre collectivités, les particularités de chacune peuvent enfin trouver place.

Loin de l'éloigner de la République, les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse tendent à l'y ancrer plus solidement. Elles ont non pas pour objet, comme j'ai pu l'entendre, de transformer l'île en laboratoire institutionnel, mais au contraire de proposer un modèle prenant en compte ses spécificités tout en étant susceptible d'être transposé sur le continent.

Certains reprochent au texte d'être trop détaillé, d'autres de ne pas l'être assez. Il me semble important de rappeler que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le document présenté aux électeurs doit être suffisamment précis pour éclairer leur avis, mais ne doit pas se muer en un véritable projet de loi, sous peine de transformer la consultation en un référendum.

Aussi la commission des lois a-t-elle adopté un amendement visant à une réécriture complète de l'annexe et destiné à en clarifier le contenu sans aucunement remettre en cause ni sa philosophie ni son dispositif.

Le dernier point de mon intervention portera sur les modalités de la consultation des électeurs de Corse, qui devrait intervenir dans les trois mois suivant la promulgation de la loi probablement, ainsi que vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, le 6 juillet prochain.

Pour des raisons de rapidité et de sécurité juridique, nombre de dispositions relevant habituellement du domaine réglementaire ont été intégrées dans le projet de loi.

Le corps électoral sera composé des seuls électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales de Corse, ce qui exclut, évidemment, non seulement les « Corses de l'extérieur », mais également les ressortissants des pays membres de l'Union européenne, qui ne participent qu'aux élections municipales.

Une commission de contrôle de la consultation, composée de magistrats administratifs et judiciaires, sera chargée de veiller à la régularité et à la sincérité de la consultation, d'établir la liste des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne, de leur attribuer les panneaux d'affichage, de répartir entre eux la durée des émissions de radio et de télévision, et de proclamer les résultats.

Seuls pourront être habilités à participer à la campagne les partis et groupements politiques auxquels auront déclaré se rattacher au moins trois élus parmi les 4 députés et les 2 sénateurs de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, les 51 conseillers à l'Assemblée de Corse, le président et les 6 membres de son conseil exécutif, enfin, les 52 conseillers généraux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Les partis et groupements politiques habilités bénéficieront, outre d'un panneau d'affichage dans les mairies, d'un temps d'antenne dans les programmes diffusés par les sociétés nationales de programme en Corse. Cette durée sera de deux heures d'émission radiodiffusée et de deux heures d'émission télévisée. Elle sera répartie par la commission de contrôle de la consultation entre les partis et groupements politiques habilités, proportionnellement au nombre d'élus ayant déclaré s'y rattacher. Toutefois, le temps d'émission de chacun ne pourra être inférieur à cinq minutes d'émission radiodiffusée ni à cinq minutes d'émission télévisée.

Les règles générales relatives aux campagnes électorales, aux opérations de vote et de dépouillement ainsi qu'aux sanctions pénales seront applicables à la consultation.

Dans chacun des départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, une commission de recensement siégeant au chef-lieu du département totalisera, dès la clôture du scrutin et au fur et à mesure de l'arrivée des procès-verbaux, les résultats constatés dans chaque commune.

La commission de contrôle de la consultation procédera au recensement général des votes et proclamera les résultats.

Tout électeur admis à participer au scrutin et le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse pourront contester le résultat du scrutin devant le Conseil d'Etat dans un délai de cinq jours.

Ces dispositions relatives à l'organisation de la consultation s'inspirent pour l'essentiel de celles qui avaient été prévues lors des consultations qui s'étaient déroulées en 1998 en Nouvelle-Calédonie et en 2000 à Mayotte.

La commission des lois a adopté vingt amendements ayant pour objet d'encadrer les modalités de la consultation, notamment de renforcer les moyens de la commission de contrôle de la consultation et de porter à dix jours le délai de recours devant le Conseil d'Etat contre les résultats de la consultation.

Il me semble important de rappeler en conclusion la nécessité de relever les deux autres défis auxquels la Corse est confrontée : l'arrêt de la violence et le développement économique.

La commission d'enquête du Sénat sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse, que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapporteur était M. René Garrec, président de la commission des lois, a mis en évidence l'imbrication de la violence dont souffre l'île et du phénomène nationaliste, ainsi que la dérive mafieuse des organisations qui se situent dans la mouvance de ce dernier. Elle a formulé dix-sept propositions concrètes destinées à assurer une meilleure coordination et un renforcement des moyens affectés à la sécurité et à la justice en Corse.

Nous ne pouvons que nous féliciter, monsieur le ministre, des mesures déjà prises par l'actuel gouvernement pour améliorer la sécurité en Corse, notamment le déploiement des brigades anti-criminalité et des groupements d'intervention régionaux, et des premiers résultats obtenus depuis le mois de mai 2002, avec 49 arrestations pour violences liées au séparatisme.

Parce que l'éradication de la violence en Corse demandera du temps et de la ténacité, il convient de ne pas perdre une minute pour engager ce combat et de poursuivre avec opiniâtreté les actions que vous avez déjà entreprises.

S'agissant du développement économique de l'île, je tiens à saluer la qualité des analyses et la pertinence des propositions formulées par la commission spéciale du Sénat chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse, qui était présidée par M. Jacques Larché et dont le rapporteur était M. Paul Girod.

Sur ce point également, il me semble que nous ne pouvons que nous féliciter des initiatives prises par le Gouvernement pour accélérer la mise en place du programme exceptionnel d'investissements ainsi que des premiers résultats des négociations engagées avec la Commission européenne.

Il importe désormais, d'une part, que les maîtres d'ouvrage, en particulier les collectivités territoriales de l'île, redoublent d'efforts pour faire émerger et mener à bien de véritables projets d'aménagement et, d'autre part, que les marchés, encore trop rares, cessent d'être déclarés infructueux en raison de l'insuffisance des offres présentées par les entreprises.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 52 minutes ;

Groupe socialiste, 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Ainsi, monsieur le ministre, il ne vous aura pas fallu deux ans pour clôturer de manière positive le processus de Matignon, engagé par Lionel Jospin.

Certes, on a apprécié vos efforts pour tenter de démontrer que ce processus avait « explosé » et pour vouloir nous convaincre, depuis votre arrivée aux affaires, de la rupture provoquée avec la politique de vos prédécesseurs. Lionel Jospin ne s'y est pas trompé, qui approuvait récemment la vôtre dans le droit-fil de celle qu'il avait lui-même mise en oeuvre.

Il faut rendre hommage à votre capacité de persuasion, sinon, comme je l'espère, auprès des électeurs corses, du moins auprès du Président de la République, qui, lors de la campagne présidentielle, rejetant tout concept « d'exception corse », déclarait à Ajaccio : « La Corse a besoin d'autre chose que d'un rafistolage institutionnel. En tout premier lieu, elle a besoin qu'il soit mis un terme à la violence » - saluons cette priorité, que vous avez rappelée - « et je n'accepterai pas, demain ou en 2004, ce que j'ai refusé hier. »

A quoi, dès lors, imputer cette précipitation ? A votre capacité de convaincre même les plus rétifs !

Comme les promesses n'engagent jamais que ceux qui les reçoivent, la déception est grande chez ceux, dont je suis, qui ont pu apporter leur concours au Président de la République, au second tour de la présidentielle, en espérant que le processus de Matignon avait vécu.

Il n'empêche, vous parachevez, dès 2003, avec la création d'une collectivité unique, ce qui n'était prévu que pour 2004, et sous réserve de la condition suspensive « du rétablissement durable de la paix civile ». Vous avez trop de lucidité pour feindre de croire que cette condition est remplie. Si vous l'avez abandonnée, il faut rechercher ailleurs les motifs qui vous conduisent à donner à votre réforme des causes techniques là où elles ne sont que politiques. Celles-ci demeurent essentielles, mais vous ne pouvez l'avouer, car le projet de loi « gigogne » qui nous est soumis comporte deux aspects : le texte lui-même avec la consultation populaire, mais surtout l'annexe engageant gravement, par la création d'une collectivité unique, l'avenir de l'île.

Arrêtons nous y un instant. Après avoir consulté tous les élus, vous avez choisi la collectivité unique. Quoi de plus naturel pour vous qui déclariez, à l'occasion du processus de Matignon - et vous l'avez répété - qu'on finit toujours par négocier avec « l'ennemi ». Mais de qui vous considérez-vous l'ennemi dans un régime républicain, sinon de ceux qui, par la violence, tentent de faire évoluer les institutions ? Quelle meilleure preuve de la cause exclusivement politique de votre projet ?

Ici, un rappel est nécessaire, mes chers collègues. Les accords de Matignon n'avaient qu'un but : mettre fin à la violence politique de l'organisation clandestine. Relisez les débats de l'époque : une paix illusoire était dans tous les esprits. La collectivité unique, que personne n'avait jamais demandée, était une concession faite aux nationalistes. Les accords de Matignon étaient un texte non amendable, d'où l'ambiguïté d'un vote de quarante-quatre élus qui ne souhaitaient pas la suppression des conseils généraux, mais qui considéraient que c'était le prix à payer. De là leur réticence actuelle et vos voyages à répétition - mais juge-t-on la qualité d'une politique sur ce seul critère ? - pour nous convaincre des bienfaits techniques de cette réforme.

Mais comment persuader l'opinion qu'il faut supprimer les conseils généraux quand on sait ceci : le Premier ministre déclarait à Rouen « qu'on n'administre bien que de près » ; on les maintient à la Réunion ; on prépare des textes qui vont augmenter leurs compétences de manière considérable ; ils sont un élément irremplaçable de la proximité tant vantée ; leurs compétences, qui couvrent notamment toute l'action sociale, ne sauraient se confondre avec celles d'une autre collectivité ; enfin, on supprime, dans une île de 8 700 kilomètres carrés - le tiers de la Belgique -, tout lien de l'élu avec un territoire. La Corse devient la seule région française où la proximité n'existera plus, alors même que la désertification de zones rurales immenses devrait conduire, paradoxalement, non pas à supprimer ce lien, mais à maintenir voire à augmenter les intercesseurs exceptionnels que sont les élus locaux. Quoiqu'on en dise, la création des conseils territoriaux, ersatz d'arrondissements parisiens, ne saurait pallier ce déficit de proximité.

Mais, nous dit-on, avec la collectivité unique, la Corse pourra avoir une stratégie unique. Vous avez dû, monsieur le ministre, faire beaucoup d'efforts sur vous-mêmes pour vous en persuader, quand on sait que la collectivité territoriale de Corse est aujourd'hui compétente en plusieurs matières : continuité territoriale par la gestion des appels d'offres maritimes et aériens ; ports de commerce, aéroports, forêts, énergie, patrimoine ; aménagement du territoire, puisqu'elle a la charge d'élaborer un schéma d'aménagement du territoire et de développement durable ; formation professionnelle ; aménagement des lycées et collèges ; culture et environnement ; toute l'action économique, tourisme. J'arrête là cette énumération fastidieuse, qui sera complétée demain par les techniciens et ouvriers de service, les TOS, les personnels non enseignants des lycées et collèges et d'autres compétences nouvelles.

A qui veut-on faire croire qu'avec ces compétences on ne peut avoir une stratégie unique et qu'il est indispensable d'y ajouter le RMI, l'action sociale ou les routes départementales pour pouvoir réaliser, enfin, ce qu'on n'a pas fait pendant vingt ans avec de telles compétences ?

Est-il raisonnable de déclarer à Libération, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, que, désormais, « la collectivité pourra établir un schéma d'aménagement stratégique », alors que ces pouvoirs lui avaient été conférés par la loi Defferre, qui nous accordait un délai d'un an, et renouvelés par le statut Joxe, qui nous donnait - quel immense progrès ! - un délai de dix-huit mois ?

Est-il sérieux de vouloir fusionner trois collectivités au motif que les communes sont subventionnées à la fois par la collectivité territoriale de Corse et les conseils généraux, alors que ces subventions ne représentent que 7 à 8 % du budget général ?

Mais si l'on ne décèle pas les avantages de la collectivité unique, on en devine les inconvénients.

Songez aux risques de recentralisation extraordinaire engendrés par les pouvoirs donnés à une seule collectivité, dans une île minée par la violence, alors que l'on sait, selon la formule célèbre, « que le pouvoir arrête le pouvoir ».

Dès lors, est-il sérieux d'affirmer, comme le fait le Premier ministre, que la situation en Corse justifie « des institutions d'avant-garde » ?

Est-il raisonnable, au moment où l'on prétend modifier le code des marchés publics dans un sens plus libéral, de faire subir tant de pressions à si peu d'élus ?

A qui fera-t-on croire, quand on connaît l'insuffisance de l'encadrement de ces collectivités, que cette fusion se fera sans heurts ?

Songe-t-on au temps perdu qu'il faudra y consacrer ? Et pourquoi dépenser tant d'énergie alors qu'elle pourrait être consacrée à des causes plus utiles ? Tout notre effort doit être tourné vers la consommation des crédits du programme exceptionnel d'investissement. Soulignons, au passage, que le premier appel d'offres concernant ce programme a été réalisé par le département de la Corse-du-Sud.

Les maires, massivement contre ce projet, ne s'y sont pas trompés. Si les élus de l'assemblée de Corse, que vous avez priviligiés, et qui, après des votes surréalistes, sont passés de 44 à 27, traînent aujourd'hui les pieds, c'est qu'ils devinent la véritable nature de ce texte : la concession faite à la famille nationaliste.

Nous sommes au coeur du débat. Vous auriez sans doute souhaité son abstention. Ainsi, il vous aurait été loisible de faire tomber le rideau entre la droite et la gauche, rendant plus assuré le succès du référendum. Las ! les nationalistes, dont la subtilité est l'inverse des suffrages qu'ils représentent, ont joué la partie plus finement et avoué avec cynisme qu'ils voteront « oui », car leur seul souci est d'abattre les dernières parcelles de résistance que sont les conseils généraux, où ils ne peuvent accéder par le scrutin uninominal. « La suppression du système électoral uninominal », affirment-ils dans Le Figaro, et « la généralisation de la proportionnelle permettront de pénétrer tous les centres de décision ». Mais, ils ne sauraient se satisfaire d'une réforme, la quatrième, qui devrait être définitve.

Que nous apprend, en effet, le mouvement Indipendenza, qui regroupe les nationalistes les plus durs ? Ils sont « pour le oui malgré tout ». Je vous livre leur « Nous tenons, par ailleurs, à répondre à Nicolas Sarkosy, qui a avancé qu'à la suite du référendum la question institutionnelle serait réglée pour vingt ans. Personne ne pourra jamais empêcher le peuple corse, et le mouvement national en particulier, de revendiquer une nouvelle avancée institutionnelle. En ce qui nous concerne, nous le disons clairement, afin que personne n'ait de mauvaise surprise le moment venu : dès le lendemain du référendum, nous poursuivrons nos efforts pour convaincre un nombre toujours croissant de Corses de nous rejoindre dans la lutte pour la souveraineté pleine et entière, l'indépendance nationale. »

Et ils poursuivent : « Afin de peser davantage encore sur l'évolution de la situation corse, les nationalistes doivent de toute évidence renforcer la politique d'union initiée depuis quelques mois. Le FLNC » - appréciez la référence ! - « l'avait lui-même préconisé lors de sa communication du 21 octobre 2002 ».

Qui croire, dès lors ? Vous même, monsieur le ministre, qui considérez le problème évacué pour vingt-cinq ans, ou bien ceux qui, ayant obtenu une avancée, ne manqueront pas d'en exiger d'autres ? C'est l'instant où il faut vider la querelle qui nous oppose autour de deux concepts intimement liés : l'immobilisme et la violence ; j'allais ajouter nos postures respectives.

Sont taxés d'immobilisme tous ceux qui s'opposent à la quatrième révision statutaire. Le front du refus n'est pour nous que le refus de la démission : celle de l'Etat, celle de la société. C'est le refus de la connivence, des accommodements.

Lionel Jospin avait cessé de subordonner au préalable de l'arrêt de la violence toute réforme institutionnelle au motif qu'on ne pouvait faire dépendre celle-ci, à supposer qu'elle eût été nécessaire, du dernier poseur de bombe résiduel.

Le processus de Matignon - j'ai voté contre - avait sa logique, dans la mesure où ce préalable reprenait ses droits à la fin de celui-ci, par la condition suspensive que j'ai rappelée. Disparaissant au début, il réapparaissait à la fin.

Curieusement, vous reprenez l'argument mais levez cette condition, car vous faites l'impasse sur le principe de réalité : celle de l'existence d'une organisation clandestine.

Si l'on admet, en effet, que la violence est la cause de la réforme, sa poursuite - et le document que je vous ai fait parvenir, par ailleurs, le rappelle douloureusement - ne pourra qu'appeler de nouvelles réformes puisque l'action d'une organisation clandestine, fascinante par ses méthodes, ne saurait se réduire à Prosper Mérimée ou à une conception culturelle et endémique de la violence dont il faudrait s'accommoder.

L'accusation d'immobilisme est, dès lors, réduite à néant. Celui-ci n'est plus que le refus de la politique de l'autruche qui suggère qu'il faut ignorer la violence, le refus de changements institutionnels permanents créés par la volonté d'une minorité. Qui peut croire que les nationalistes, en votant oui, vont dire oui à la France, comme le souhaitait le Premier ministre à Ajaccio ? Prenez garde à l'ambiguïté que va générer la consultation pour avis prévue par votre projet de loi. J'ai exprimé mes réserves lors du débat sur la réforme constitutionnelle et les risques considérables qu'il y a, compte tenu de l'absence de choix et de la complexité technique du débat, à interroger l'opinion sur ce point.

Le choix de la question ne saurait être neutre. Aucune alternative n'y est contenue.

Le Gouvernement, en pesant de tout son poids dans cette consultation, pourrait arracher un vote positif sur la collectivité unique. Il pourrait tout autant obtenir des électeurs une réponse positive s'il avait demandé à ceux-ci s'ils souhaitaient le maintien des deux collectivités départementales.

Ainsi, si le « oui » l'emporte, ce qu'à Dieu ne plaise, les nationalistes seront légitimés dans leur action. Pareillement, nos compatriotes continentaux pourront penser, à bon droit, le 7 juillet, eux qui ne retiennent que le concept de référendum en en ignorant le contenu, que les suffrages obtenus par le « oui » sont des suffrages nationalistes, puisque seule est valorisée au plan national, par médias interposés, la position de ces derniers.

Que le résultat soit étriqué ou négatif, et le crédit du Président de la République et de l'Etat en sera atteint.

Mes chers collègues, il me faut conclure et donner une perspective à ce débat.

Le Gouvernement, par sa réforme constitutionnelle, a voulu éviter l'obstacle de « l'exception corse ». Ce projet est-il de nature à le lever ? La nouvelle donne constitutionnelle sera-t-elle appliquée à d'autres régions, comme l'affirme le Gouvernement ?

Si tel était le cas, on pourrait y souscrire, mais il aurait fallu pour nous convaincre commencer ces expériences ailleurs. Je pense à la collectivité unique en Alsace, aux deux départements au Pays basque. J'attends avec gourmandise ces consultations, mais il n'y en aura pas.

A l'inverse, cette « première » en Corse ne sera pas la dernière dans notre région, d'autres suivront. Parce que l'exception corse existe bien dans votre esprit, monsieur le ministre, comment accepter sans réagir que vous puissiez écrire dans Le Monde, à propos de la citoyenneté : « c'est cette double obsession qui m'anime, qu'il s'agisse des musulmans, de la Corse ou de tout autre enjeu ».

Nous aurions, pour notre part, tellement préféré lire qu'il s'agissait des musulmans, de l'Alsace, ou du Poitou-Charente.

M. Nicolas Sarkozy, ministre On peine à vous suivre !

M. Nicolas Alfonsi. En 1870, s'élevant contre le plébiscite, Gambetta déclarait : « On peut faire des expériences avec un peuple mais on n'en a pas le droit ».

Parce qu'on demande aux Corses, pour la quatrième fois en vingt ans, de prendre en main leur destin, parce que celui-ci est indissociable de la République, parce que je ne saurais accepter des expériences « pionnières » ou « d'avant-garde », compte tenu de la réalité de l'île, je ne peux qu'exprimer, mes chers collègues, mes plus vives réserves sur le texte qui est aujourd'hui soumis à notre approbation. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi en discussion aujourd'hui présente une double caractéristique : il est accessoire dans le contenu de ses dix-sept articles relatifs à l'organisation matérielle de la consultation et il est essentiel dans son annexe, qui présente les orientations de cette modification institutionnelle.

Le débat que nous engageons prolonge de nombreux débats relatifs à la Corse. Il me revient d'évoquer, au nom du groupe socialiste, la création de la collectivité territoriale de Corse par les lois Defferre de 1982 et le statut particulier de la loi Joxe de 1991 qui ont abouti au cadre institutionnel actuel.

Plus récemment, la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a opéré d'importants transferts de compétences.

Cette loi, issue de ce qu'on a nommé « le processus de Matignon », exprimait la volonté du gouvernement de Lionel Jospin de dégager une solution politique à un problème politique, en ancrant durablement la Corse dans la République, parce que la République avait décidé de reconnaître sa spécificité, de valoriser son identité, de l'accompagner sur la voie du développement économique, culturel et social, tout en assurant la vitalité des principes républicains dans l'île.

Ce processus inachevé, pour les raisons que l'on connaît, avait pour ambition d'extraire la Corse des difficultés qu'elle rencontre depuis des décennies, d'assurer la paix civile en mettant un terme à la violence, aux situations de crise et d'opacité dont tout le monde peut mesurer les conséquences sur le développement de la Corse, les équilibres sociaux dans l'île et ses rapports avec l'Etat.

L'originalité de ce processus, par opposition à certaines pratiques passées, tenait pour l'essentiel à la volonté de clarté et de transparence du gouvernement Jospin. Les discussions ont été menées dans la transparence, avec tous les élus de Corse, choisis comme interlocuteurs parce qu'ils étaient, tous, les élus du suffrage universel et donc les représentants légitimes des citoyens.

Les sénateurs socialistes, comme j'ai eu l'occasion de vous le préciser en commission, monsieur le ministre, abordent la discussion de votre projet de loi avec un esprit constructif, mais ils seront attentifs à la manière dont sera traitée par la majorité l'action du précédent gouvernement. Je vous donne volontiers acte qu'à l'époque vous avez été l'un des rares hommes politiques de droite à ne pas pourfendre le processus de Matignon et à prôner une solution politique. Je me réjouis donc que M. le rapporteur écrive, page 27 de son rapport, que « le projet de loi s'inscrit dans le droit-fil du relevé de conclusions élaboré par le gouvernement de Lionel Jospin le 20 juillet 2000 », mais je déplore qu'il éprouve le besoin de reprendre les termes de la commission spéciale du Sénat qui qualifiait alors ce compromis de « laborieux et ambigu ».

Il faut choisir : soit le processus de Matignon trouve grâce aux yeux de ses pourfendeurs d'hier et, tout en reconnaissant que la démarche de l'actuel gouvernement est différente, nous pouvons y relever une certaine continuité ; soit les désaccords restent profonds, les positions d'hier de la droite sénatoriale sont confirmées et c'est non plus une certaine continuité qui s'affiche mais au contraire une ambiguïté certaine.

La Corse a besoin que la République reconnaisse ses particularités géographiques, historiques et culturelles. Les ignorer, c'est les abandonner à ceux qui voient, dans la violence, la seule manière de les faire reconnaître.

La démarche que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne doit souffrir aucune ambiguïté, tant dans la lutte déterminée contre la violence et la criminalité que dans le respect des spécificités insulaires et des principes républicains.

Le contexte général de notre position ayant été précisé, venons-en au texte qui nous est soumis.

Ce projet de loi est la première application de la récente révision constitutionnelle qui donne au législateur la possibilité de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier lorsqu'il est envisagé d'en modifier son organisation, ce qui est le cas de la Corse. Toutefois, cette consultation n'a rien d'automatique. Seul le Parlement peut l'autoriser.

Si, par commodité de langage, on parle de référendum, il faut rappeler qu'il ne s'agit, en l'occurrence, que d'une consultation pour avis. Nos longs débats, lors de la révision constitutionnelle, ont permis d'expliciter clairement ce point : c'est, en dernier ressort, le Parlement qui, par la loi, décidera des institutions futures de la Corse.

Néanmoins, si, juridiquement, le Parlement n'a pas les mains liées, dans les faits, et compte tenu de la spécificité et de l'histoire de la Corse, le poids de cet avis sera lourd dans nos délibérations futures.

Si nous nous accordons pour considérer cette consultation comme essentielle, il importe qu'elle se déroule dans la clarté et la sérénité maximales.

S'agissant, tout d'abord, de la clarté, il nous faut, monsieur le ministre, surmonter une difficulté. L'annexe au projet de loi doit respecter les décisions du Conseil constitutionnel. Or ce dernier pose une double exigence de loyauté et de clarté.

La question posée ne doit pas comporter d'équivoque quant à l'absence de son effet normatif. Il faut, en conséquence, éviter de laisser croire aux électeurs que les éléments précis d'organisation sont l'objet de la consultation, car ils relèvent de la loi et de la seule décision du Parlement. Mais, dans le même temps, les électeurs de Corse ont droit à la clarté afin que leur avis prenne tout son sens.

Si j'ai bien compris M. le rapporteur, les orientations du futur projet de loi qui serait présenté à l'automne devant le Parlement doivent être suffisamment précises pour que la consultation soit valable, et suffisamment floues pour ne pas attenter aux pouvoirs du Parlement.

Le seul moyen de surmonter cette difficulté, monsieur le ministre, est de vous montrer précis dans vos déclarations lors de notre débat parlementaire. C'est d'autant plus important que, le Gouvernement ayant demandé l'urgence, nous ne disposons que d'une seule lecture.

La recherche de la clarté implique aussi, monsieur le ministre, que nous nous interrogions sur le contenu de l'annexe.

L'Assemblée de Corse a confirmé son adhésion au relevé de conclusions du 20 juillet 2000 et son accord pour la création d'une collectivité territoriale unique avec, pour conséquence, la suppression des départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. La création d'une collectivité territoriale unique ne rencontrant plus d'obstacle constitutionnel, il est donc possible de réaliser cet élément du relevé de conclusions.

En revanche, il sera nécessaire d'expliquer très clairement aux électeurs que la suppression des départements n'est pas un tour de passe-passe, qu'il ne s'agit pas de recréer dans la pratique, avec les mêmes limites géographiques, ce que l'on fait disparaître dans le droit.

La volonté du Gouvernement de répartir les compétences sans les répartir peut aussi ajouter à l'ambiguïté. Si l'Assemblée de Corse a compétence générale pour les affaires de la Corse, est-il judicieux de préciser que certaines de ses compétences seront obligatoirement assumées demain par des conseils territoriaux, alors que ceux-ci n'auront plus la qualité de collectivité territoriale ? Ne peut-on craindre que cela ne favorise de facto la permanence de départements que le Gouvernement souhaite supprimer ? Certes, le Gouvernement se propose d'assurer la cohérence entre l'Assemblée de Corse et les conseils territoriaux par un cumul de mandats qui fera automatiquement d'un conseiller de Corse un conseiller territorial de son secteur d'élection.

Outre le fait que renforcer le cumul des fonctions électives ne favorise pas forcément la réalité de l'exercice du pouvoir, on voit bien qu'un problème de cohérence de l'action politique peut survenir.

Je conçois qu'un certain pragmatisme soit nécessaire pour passer de la situation actuelle à la situation nouvelle, et que l'on ne peut ignorer les réalités politiques tant de la Haute-Corse que de la Corse-du-Sud. Pour autant, il faut davantage lever les ambiguïtés sur les rapports entre la future collectivité territoriale unique et les deux nouvelles circonscriptions administratives. Si la solution proposée présente des similitudes avec la loi PLM, on peut dans le même temps reconnaître que les compétences envisagées pour les conseils territoriaux n'ont rien de commun avec celles des mairies d'arrondissement. En conséquence, la primauté de l'Assemblée de Corse doit être affirmée de façon indiscutable, sinon son caractère de collectivité territoriale sera de facto remis en cause.

La clarté de la consultation exige encore que soient précisés les mécanismes d'élection à l'Assemblée de Corse. L'instauration de la parité n'appelle pas de remarques particulières de notre part. Elle se fera, et nous le souhaitons dès cette loi, conformément aux indications formulées, dans sa récente décision, par le Conseil constitutionnel, à la suite de sa saisine par les sénateurs de gauche. Il n'en est pas de même des autres éléments de l'annexe. Le nombre de secteurs géographiques retenus, l'importance de la prime majoritaire peuvent confirmer ou dénaturer le caractère du scrutin de liste à la représentation proportionnelle.

Il paraît essentiel de savoir si les orientations du futur projet de loi expriment le souhait de concilier à la fois la représentation à l'Assemblée de Corse des différentes opinions politiques existant dans l'île et la nécessité d'assurer la majorité stable nécessaire au bon exercice des compétences. Il est nécessaire que ce point soit explicité avant la consultation prévue.

Même si c'est à notre Parlement qu'il appartiendra encore de choisir, il serait opportun que les travaux du groupe de travail que vous avez mis en place soient connus des électeurs et que le Gouvernement fasse connaître sa position au-delà de ce que vous avez évoqué lors de la réunion de la commission des lois.

Si la consultation future doit s'effectuer dans la clarté, elle doit aussi s'effectuer dans la sérénité. Ce sera le dernier point de mon intervention.

La violence est le lot commun des Corses. Depuis trop longtemps, ils en sont les premières victimes. La paix civile est indissociable de la démocratie. Faut-il, pour autant, faire du retour à la paix civile la condition préalable à l'évolution institutionnelle ? Nous ne le croyons pas. Subordonner l'évolution institutionnelle à la fin de la violence ferait de ses auteurs les seuls maîtres du jeu. L'ordre public est une priorité en Corse comme sur l'ensemble du territoire national, mais en faire un préalable serait, d'une certaine façon, accepter les diktats de la violence.

Au demeurant, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, pour savoir si la date du 6 juillet, évoquée pour la consultation prévue, est la meilleure. Ne faut-il pas allonger le délai prévu à l'article 1er pour que les Corses puissent se prononcer dans les meilleures conditions ?

Si cette date est maintenue, la campagne officielle débuterait le 23 juin, pour une durée de quinze jours. La campagne référendaire coïnciderait avec la fin du procès des assassins présumés du préfet Claude Erignac, à la mémoire duquel il ne faut cesser de rendre hommage et à la famille duquel justice doit être rendue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Bernard Frimat. Cette coïncidence calendaire doit-elle être maintenue ?

Mes amis Jean-Pierre Bel et Jean-Claude Peyronnet complèteront mon intervention.

Je conclurai, monsieur le ministre, en vous réaffirmant la volonté de mon groupe, par fidélité à la démarche engagée par Lionel Jospin et parce qu'elle témoigne de nos convictions, de se situer dans une démarche qui écarte, sur ce sujet, tout systématisme d'opposition. C'est à l'issue du débat, des réponses de la majorité et du Gouvernement à nos interrogations formulées sous la forme des amendements que nous avons présentés que nous arrêterons notre position de vote.

Il est de notre responsabilité commune de doter la Corse des institutions et des compétences qui, dans l'unité de la République, lui permettront d'assumer sa spécificité et de réussir son développement économique, culturel et social. Je souhaite que nous y parvenions.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues. Ainsi le Gouvernement décrète l'organisation d'un référendum en Corse, plusieurs semaines d'ailleurs avant que le débat n'ait lieu au Parlement, sans proposer un projet économique et social réel pour la Corse, dans la précipitation donc, bien que vous vous en défendiez, monsieur le ministre. Je crains qu'il ne s'agisse de créer un espace libéral livré aux appétits financiers attisés par la dérégulation !

Monsieur le ministre, vous ne voulez pas d'immobilisme. Nous non plus ! Cependant je constate, avec regret, que votre projet de loi évacue la question économique et sociale, pourtant essentielle en Corse.

Lors de chaque réforme, les sénateurs communistes, avec beaucoup d'autres, ont rappelé que l'épanouissement de la Corse ne pourrait se faire que dans le cadre d'un développement maîtrisé, assurant le progrès social et l'égalité, sur l'île.

Chacun, au fond de lui-même, sait que la violence perdure en Corse du fait, pour l'essentiel, de la fragilité économique et sociale.

Certains nous accuseront de simplisme. C'est pourtant la réalité quant au fond. Comment envisager de sortir d'une dérive politico-mafieuse sans assurer la création d'emplois, sans s'inquiéter du niveau de vie économique ?

M. le rapporteur, après avoir approuvé, sans états d'âme, un projet qu'il n'aurait peut-être pas accepté si facilement il y a trois ans, note qu'il faut « rappeler la nécessité de répondre aux défis du rétablissement de la sécurité et du développement économique ».

Comment ne pas s'étonner - et cela mérite bien un rappel qui, de ma part, sera un rappel à l'ordre - de l'absence complète de perspectives économiques et sociales dans l'annexe qui est jointe au projet de loi et qui est censée éclairer l'électeur ?

Qu'attendent les Corses ? Une collectivité en plus ou en moins ? Même si ce sujet est important, nous considérons, pour notre part, indispensable de conserver l'échelon départemental, en Corse comme sur le reste du territoire national, mais c'est d'autant plus vrai en Corse du fait de l'étendue de l'île.

Le souci des Corses concerne le développement de leur île et la préservation d'un patrimoine que l'on nous envie, dont, à juste titre, ils sont fiers et auquel ils sont attachés comme nous tous.

M. le rapporteur, dans un chapitre intitulé : « Un développement économique insuffisant », rappelait que « le niveau de vie en Corse est inférieur à celui que l'on constate dans beaucoup de régions françaises ».

« En l'an 2000, poursuivait-il, le revenu disponible brut des ménages était inférieur de 2 000 francs par habitant au montant de la province et de 5 900 francs à celui de l'Ile-de-France. »

Ce revenu est constitué pour près de la moitié de prestations sociales.

M. Courtois rappelait aussi que le produit intérieur brut par habitant était inférieur de 26,6 % à la moyenne métropolitaine. Seules les régions Poitou-Charentes et le Languedoc-Roussillon sont plus mal loties.

Je ne reviendrai pas sur l'importance que revêt l'intervention du fait de la faiblesse de l'activité économique. C'est vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur, qui notiez que l'employeur le plus important de l'île, après l'Etat, était une manufacture de tabac, qui emploie cinquante-six salariés.

Déjà, le 6 novembre 2001, Robert Bret évoquait nos craintes, qui sont renforcées aujourd'hui. « Pour nous, disait-il, il ne s'agit pas de changer le statut institutionnel de la Corse pour le simple plaisir de le faire ou pour flatter telle ou telle fraction politique. Il s'agit d'adapter au mieux les institutions pour permettre à tous ceux qui vivent en Corse d'être les auteurs du développement de l'île. Or l'ensemble du projet s'articule non pas autour du développement, mais autour de la décentralisation, pour ne pas dire de l'autonomie croissante qui serait accordée à la collectivité territoriale de Corse. »

Ces propos conservent, bien entendu, toute leur valeur, d'autant que le Gouvernement de M. Raffarin est parfaitement silencieux, contrairement au précédent, sur les modalités précises d'un effort de développement et sur le rôle des services publics dans ce cadre. Comment, par exemple, envisager un véritable décollage économique sans politique de grands travaux concernant le chemin de fer, l'hydroélectricité, le réseau routier, l'agriculture, la recherche et, pourquoi pas ? l'électronique ?

Vous le savez, monsieur le ministre, la liaison ferroviaire entre Bastia et Ajaccio prend trois heures trente, soit plus qu'entre Paris et Marseille ! Certes, le parcours est d'une beauté rare, mais, pour favoriser la vie économique, il faut développer des moyens de transports rapides et sûrs, ce qui limiterait aussi un peu la circulation automobile, si meurtrière en Corse !

L'immobilier et le tourisme ne feront pas tout, monsieur le ministre.

Ce qu'attendent les Corses, c'est un vaste projet pour l'île qui se fonde sur un investissement productif dont l'Etat, n'en déplaise aux libéraux, ne pourra, bien entendu, pas être absent.

M. Gérard Larcher, aujourd'hui président de la commission des affaires économiques, avait, le 6 novembre 2001, bien posé le problème : « La solution ne pourra cependant résulter d'une gesticulation institutionnelle. C'est d'abord par des mesures pratiques que nous sortirons de l'impasse, car il s'agit de changer la vie quotidienne des Corses. Par-delà l'insularité et la violence, le problème principal posé à la Corse demeure son développement économique. »

M. Larcher, dont nous apprécions le travail parlementaire, rigoureux, même si nous ne nous situons pas du même côté de l'hémicycle, qualifiera-t-il, comme il l'a déjà fait, la énième péripétie institutionnelle que vous nous proposez de « gesticulation » ? Il s'agit en fait d'une tentative de plébiscite ! Réussira-t-elle ? Rien n'est moins sûr !

Le Gouvernement utilise en effet la spécificité de la Corse, qui est réelle - l'histoire, la culture, la géographie l'ont construite -, pour enclencher au plus vite une réforme institutionnelle qui dépasse la seule île.

Non, monsieur le ministre, malgré les dénégations que je devine, j'estime que votre priorité n'est pas la Corse. Votre priorité, c'est la remise en cause de l'architecture républicaine de nos institutions dans le droit-fil de la réforme constitutionnelle, réforme contre laquelle nous avons voté à Versailles.

Vous prenez date en proposant la suppression des départements, en engageant un processus d'autonomisation d'une collectivité territoriale dans un flou dangereux pour la démocratie française, qui est fondée sur la solidarité nationale.

Nous soutenons depuis longtemps l'idée d'une consultation des Corses sur leur avenir et nous continuerons de le faire, mais nous ne soutiendrons pas une tentative de plébiscite de la droite pour des choix libéraux, qui desservirait rapidement les Corses et, demain, l'ensemble de nos compatriotes.

Le véritable enjeu du référendum n'est pas clairement explicité. C'est pourquoi mon ami Robert Bret défendra une motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez à celui dont le temps a fait un parlementaire déjà ancien d'exprimer l'émotion qu'il ressent en montant à cette tribune pour participer, pour la quatrième fois, à un grand débat consacré à la Corse.

M. François Autain. Ce n'est peut-être pas la dernière fois !

M. Paul Girod. Il est vrai que ce débat se déroule dans un climat quelque peu brouillé par un texte récent, totalement inadmissible, concernant l'honneur du préfet Erignac. Nous avons tous, me semble-t-il, le souci de réaffirmer notre rejet des thèses qui y sont exprimées.

La Corse, cette montagne plantée dans la mer, si riche par sa beauté, si insuffisante par son développement et si attachante par ses habitants ! Vous avez eu, monsieur le ministre, pour en parler, des accents qui ne trompent pas. Nous vous savions passionné ; nous vous avons découvert tout à l'heure presque lyrique. L'affection que vous portez à cette île, nous la partageons tous.

Pour comprendre la Corse, pour comprendre la société qui la compose, peut-être faut-il se rappeler qu'elle s'est sentie partie prenante de la grandeur de la France et déconcertée jusqu'au désarroi par la réduction du rôle géographique de notre pays dans le monde.

Société en miniature, poussant parfois jusqu'à la caricature qualités et défauts de la nôtre, elle a fourni à la République, et à la France de l'empire colonial, le meilleur et le moins bon.

Repliée dans l'île, relativement parlant en tout cas, elle y a reproduit et développé un tissu de solidarités et de frustrations mal compris sur le continent, mais qui est le filigrane de situations réelles.

Vous l'avez dit, nombreuses ont été les constructions intellectuelles et les essais de solution sur les deux problèmes majeurs de la Corse : son développement insuffisant et l'insécurité qui y règne.

Y a-t-il relation de cause à effet ? Sans doute, encore que l'analyse qui découle de cette interrogation soit un peu celle de l'oeuf et de la poule.

Les efforts conceptuels, disais-je, n'ont pas manqué. Point n'est cependant besoin de chercher beaucoup pour trouver, ici et là, un certain nombre d'effets pervers. Je prends un exemple, celui de la continuité territoriale, séduisante en elle-même, mais qui, en dehors du fait qu'elle a quelquefois plus de réalité sur le port de Marseille qu'en Corse, a eu pour effet négatif de mettre bien des entreprises de l'île en concurrence, mais sans défense, avec des producteurs du continent qui amortissent leurs frais généraux sur des marchés beaucoup plus vastes que ceux de la Corse.

Cela explique peut-être une part du déclin économique de l'île. Il faudra avoir ces données en permanence présentes à l'esprit lorsque nous aborderons la question de la responsabilité.

Par ailleurs, et vous l'avez également souligné, la loi de 2002 fut surtout une loi de transfert de compétences, une tentative pour réveiller les forces économiques de l'île. Je vous remercie de l'avoir mise en oeuvre sans délai et d'avoir prorogé les zones franches, conformément aux souhaits du Sénat. Les effets de ce que l'on disait impossible maintenant viennent se cumuler avec ceux de l'avoir fiscal.

Mais cette loi ne voulait pas être que cela. Elle visait à amorcer une réforme des institutions, à ouvrir la voie à des expérimentations législatives non encadrées et à imposer comme obligatoire l'enseignement du corse, ce qui aurait inévitablement abouti à une dissociation progressive entre la qualité de la formation et la capacité des jeunes Corses à obtenir des diplômes nationaux ou européens. Il s'agit de deux dispositions auxquelles le Sénat s'était opposé, non sans succès et sur lesquelles mon sentiment n'a pas changé.

Vous pensez que la réforme institutionnelle rompra la spirale de l'irresponsabilité et donc celle de l'échec. Sur ce point, je dois rendre hommage au travail de la commission des lois et de son rapporteur, qui a fait ce qu'il fallait pour se rendre compte de l'état d'esprit réel dans l'île et des possibilités qu'ouvrait cette perspective. Il est permis, utile et même salutaire de l'espérer.

Les Corses, sur votre proposition, seront amenés à trancher, nous verrons bien quel sera leur verdict, mais quel qu'il soit, ce sera le leur : soit le statut des villes de 230 000 habitants à l'image de nos grandes cités avec, bien entendu, des aménagements, soit le statu quo actuel.

Cette question institutionnelle tranchée peut, et c'est mon souhait, aider à voir émerger des us et coutumes moins familiaux dans tous les sens du terme. Rien ne remplace la responsabilité dans la gestion, comme l'ont compris ceux qui depuis quelques mois ont pris, quelquefois à la surprise générale, la responsabilité de certaines villes corses, rompant avec certaines traditions anciennes pour se consacrer plus que par le passé à la véritable gestion de leur cité.

Mais quels sont les risques ultérieurs, voire collatéraux de la question que vous allez poser ? Je persiste à considérer comme dangereuse la pression excessive qui risque de s'exercer en faveur de l'expérimentation législative, surtout si elle est portée par des intérêts dits nationalistes et trop souvent mafieux.

En revanche, s'il s'agit de mettre en oeuvre une action dynamique d'adaptation réglementaire, cela me semble de toute évidence indispensable, et, dans d'autres temps, j'avais d'ailleurs fait des propositions afin que toutes les régions françaises puissent disposer d'une réelle marge de manoeuvre sur l'interprétation réglementaire de textes spécifiques. Ce n'est pas la voie qui a été suivie, mais je ne désespère pas de voir un jour un tel dispositif se mettre en oeuvre.

C'est ce choix-là, entre les dérives excessives de l'expérimentation législative et une pratique effective et efficace de l'adaptation réglementaire, qui devra être fait par les nouveaux responsables qui seront prochainement choisis par les Corses.

C'est aussi pour permettre leur émergence que je vous soutiendrai dans l'offre de choix que vous faites aux citoyens français de Corse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas un spécialiste de la question corse, que je voudrais donc aborder avec l'humilité qui sied à sa complexité même.

Vous nous avez rappelé, monsieur le ministre, combien nous avions connu d'échecs dans le traitement de cette question : toutes les réformes institutionnelles ont été rapidement remises en cause.

Vous nous proposez ce soir de demander aux Corses de dire comment ils voient l'organisation institutionnelle de la Corse : c'est probablement le bon sens qui parle.

Lorsque nous avons tenté de décider l'avenir de la Corse à l'échelon national, nous n'avons connu que des échecs ou des demi-succès. Il faut sortir des impasses et demander aux Corses qu'ils nous disent une fois pour toutes de quelles institutions ils entendent disposer dans le cadre de la République.

Mon groupe vous soutiendra dans cette démarche.

Vous avez rappelé que les premières victimes de la situation dans l'île étaient les Corses eux-mêmes. Il est donc juste qu'il leur revienne de dire quelle solution ils entendent donner à cette question pour pouvoir passer à d'autres sujets tout aussi importants.

La décision que, je l'espère, nous allons prendre de consulter les Corses sur cette vision institutionnelle constituera aussi, vous l'avez souligné, la première mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à la décentralisation. Ce point est extrêmement important. Le fait que vous ayez choisi d'utiliser cette procédure pour la Corse peut se justifier non seulement par l'urgence de la question, mais aussi par sa complexité.

Cela étant, la façon dont on tiendra compte de cette consultation fera jurisprudence. Nous devons donc affirmer très clairement que la consultation n'épuisera pas les prérogatives du Parlement. Si les Corses donnent une réponse positive, une situation politique sera créée, qui permettra de progresser selon les orientations figurant en annexe au projet de loi organisant la consultation. Toutefois, le Parlement pourra bien entendu encore jouer son rôle dans toute sa plénitude : le droit d'amendement ne sera pas supprimé et nous serons saisis d'un texte portant statut de la collectivité unique de Corse.

Je crois important de rappeler cela. Un déblocage politique se produira, c'est vrai, mais il sera également nécessaire d'aller plus loin sur les plans juridique et parlementaire. Nous ne devons pas, à mon sens, anticiper aujourd'hui le débat qui se tiendra à l'automne. Néanmoins, un certain nombre de points doivent être soulignés, puisque les Corses devront se prononcer sur les orientations que j'ai évoquées.

Je formulerai donc maintenant quelques brèves observations au regard d'une situation très complexe, sans avoir la prétention d'apporter des solutions.

Tout d'abord, nous devons tous reconnaître très nettement que l'actuelle Assemblée de Corse ne peut continuer à fonctionner selon le régime électoral qui est pour l'heure le sien. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé de façon très claire dans ses commentaires sur l'article 9 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. Il convient, dans le délai le plus court possible, de mettre ce texte en accord avec le droit commun en matière de parité. A cet égard, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs souligné que le principe de parité, de valeur constitutionnelle, était même supérieur au principe d'égalité ; si les assemblées des autres régions se trouvaient dans la même situation que l'Assemblée de Corse, le principe de parité devrait prévaloir sur le principe d'égalité. Nous sommes, par conséquent, dans l'obligation d'agir, et nous pourrons le faire dans un sens clair et avec le soutien de la population corse dès lors que celle-ci se sera prononcée.

Par ailleurs, nous voulons attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un point relativement précis touchant aux institutions. Nous comprenons bien qu'il ne puisse exister trois collectivités différentes en Corse et que l'instauration d'une collectivité unique puisse être décidée demain. Cependant, on relève un certain nombre de spécificités corses, ne serait-ce que sur le plan de la géographie : on ne passe pas facilement d'une vallée à une autre. Or le texte figurant en annexe au projet de loi prévoit expressément que les membres de la nouvelle assemblée de Corse représenteront les populations naturellement, mais aussi les territoires, étant élus dans des secteurs géographiques déterminés. Sans que vous vous engagiez aujourd'hui sur le fond, je crois qu'il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur cette question de l'ancrage des futurs élus dans des territoires complexes et de la représentation des courants d'opinion.

Sous réserve de la communication de ces éléments d'information, les membres du groupe de l'Union centriste approuvent votre projet de demander aux Corses de prendre leurs responsabilités et d'indiquer dans quel cadre ils souhaitent que se construise leur avenir, au sein, bien sûr, de la République. Cette prise de position pourra être le point de départ vers un futur meilleur pour nos compatriotes et amis corses. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas plus que M. Michel Mercier je n'ai une connaissance intime de la Corse, et c'est la première fois que j'interviens à propos d'un texte la concernant.

Mon ami Bernard Frimat vous a dit, après la concertation menée au sein de notre groupe, combien nous portons sur le sujet un jugement nuancé, combien nous pensons qu'il faut être humbles pour l'avenir et combien, enfin, quel que soit le scepticisme des uns ou des autres, nous refusons de prendre des positions qui pourraient interdire à l'espoir de vivre.

J'interviens donc moins sur la Corse que sur la décentralisation en général, moins à propos de l'île, à laquelle je ne conteste pas qu'il soit nécessaire d'affecter un statut particulier, qu'à propos de l'ensemble de notre territoire, pour lequel nous avons voté, voilà quelques semaines, une révision constitutionnelle dont, dès aujourd'hui, nous mesurons l'importance puisque nous en sommes parvenus aux travaux pratiques !

Autant le texte de M. Jospin, auquel vous vous référez souvent, monsieur le ministre, était spécifique à la Corse, autant le vôtre est marqué, par-delà cette spécificité, par une volonté d'exemplarité. Quelques citations clarifieront les choses. Ainsi, sur les accords de Matignon et leur suite législative, le ministre de l'intérieur de l'époque, Daniel Vaillant, s'était-il exprimé de la façon suivante devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « (...) le Gouvernement ne prend pas la Corse comme un champ d'expérimentation en vue d'une généralisation ».

Au regard de cette démarche spécifique et pragmatique, on pourrait dire que le gouvernement actuel et sa majorité affichent au contraire une position idéologique et généralisatrice. Ainsi, M. Jacques Barrot déclare qu' « il ne s'agit pas de supprimer bêtement un échelon départemental, mais de mieux l'imbriquer dans la réalité régionale ». Le Premier ministre a été plus explicite encore le 7 avril dernier à Ajaccio : « La Corse prend la tête de la nouvelle régionalisation française (...). Elle sera pionnière dans l'organisation d'un système simplifié qui vaut pour l'ensemble de la République. » C'est clair !

Vous aussi avez d'ailleurs été parfaitement clair, monsieur le ministre, notamment devant la commission des lois du Sénat, lorsque vous m'avez indiqué que vous approuviez l'« aspiration » - c'est le terme que vous avez employé - d'une collectivité par une autre.

Certes, il y a quelque contradiction à jouer, comme vous le faites, la double partition de la spécificité et de l'exemplarité : si la Corse a besoin d'un statut particulier, c'est qu'elle doit, pour toutes les raisons que l'on sait, se distinguer ; si la réforme menée en Corse est exemplaire, c'est qu'elle a vocation à préfigurer la future organisation territoriale du pays. Ce qui est bon pour la Corse serait donc bon pour le continent : c'est précisément ce dont je ne suis pas persuadé.

Toutefois, il est vrai que ce combat est, dans son principe, en partie déjà dépassé puisque, je vous le concède, cette évolution est bel et bien contenue dans la révision constitutionnelle. A l'époque, j'avais, au nom de mon groupe, dénoncé ces évolutions possibles, affrontant le scepticisme et l'incrédulité de nombre de vos amis. En réalité, c'est bien M. Debré qui avait raison, mais, pas plus que moi-même, il n'a pu réussir à ouvrir les yeux de l'écrasante majorité des membres du groupe de l'UMP, qui n'ont pas voulu voir les conséquences de ce qu'ils votaient.

Pourtant, sur deux points au moins - la tutelle et la suppression des échelons administratifs -, nous avons insisté, d'une façon sans doute quelque peu pesante.

S'agissant de la tutelle d'une région ou d'une autre collectivité sur un autre niveau, votre obstination à refuser toutes les solutions amiables locales, votre refus d'accepter l'idée d'un accord, d'un contrat ou d'un pacte librement consenti entre collectivités - c'est la question du chef de file - étaient bien sûr des signes suspects. Oui, il est clair que certaines collectivités peuvent établir une tutelle sur d'autres, malgré le principe affirmé par la première phrase de l'alinéa 5 de l'article 72 de la Constitution.

Une tutelle pourra donc être exercée par une collectivité sur une autre, à moins - c'est là l'astuce particulière qui vous évitera les foudres du Conseil constitutionnel - que vous ne pratiquiez l'absorption par le haut. Effectivement, la collectivité territoriale à statut particulier de Corse n'établira pas de tutelle sur les départements, puisque ceux-ci seront absorbés, avalés ou ingurgités ! Ils ne disparaîtront pas, restant des circonscriptions administratives de l'Etat, avec à leur tête des préfets. Ils conserveront tous les attributs des anciens départements, mais ils deviendront des subdivisions de mission de la collectivité territoriale, dont ils appliqueront la politique et dont ils recevront les subsides.

Monsieur le ministre, j'ai bien compris que, dans votre esprit, ce système est transposable, et même généralisable. C'est là, je le crois, le modèle que le Premier ministre a en tête depuis le premier jour : de grandes régions levant seules l'impôt et définissant les politiques appliquées, sous leur autorité et avec une dotation affectée par des départements sous tutelle, en attendant que ce système soit étendu par « simplification », par le biais des agglomérations, aux communes !

Je ne suis pas vraiment d'accord avec ce schéma, que je crois contraire non seulement à la tradition républicaine mais aussi au maintien d'une vie démocratique locale active. Supprimer les départements, avant sans doute de supprimer les communes au profit des structures intercommunales, ne va pas vraiment dans le sens de la République des proximités tellement vantée par le Premier ministre. Et quid de l'Europe ? Quid de la France et de son Etat-nation ? La porte s'ouvre décidément toute grande sur une Europe des régions, que nombre d'entre vous, mes chers collègues, appellent de leurs voeux. Quant aux autres, je les invite à résister.

La Constitution a beau avoir été révisée pour faciliter cette évolution, une première application a beau être proposée pour la Corse, je pense que cette évolution, cohérente mais néfaste, est contestable dans la méthode, qu'elle peut être amendée et sans doute fortement infléchie. En effet, c'est bien la méthode que je conteste d'abord.

Je vois bien où vous voulez aller. Je ne vois pas comment vous pourriez aboutir sans constituer un gigantesque patchwork administratif, au nom prétendument des libertés locales et du droit à l'expérimentation.

Vous me répondrez que l'arsenal législatif à venir clarifiera les choses. En attendant, on aimerait pouvoir obtenir dès maintenant des précisions sur ces perspectives d'évolution.

En particulier, quelle sera l'importance du rôle du Parlement - je fais miennes les interrogations de mes collègues Michel Mercier et Bernard Frimat sur ce point - et quels seront le poids et la portée de la jurisprudence qui s'établira en Corse ? Absorption ? Fusion ? Soit, mais qui décide ? La loi, me direz-vous ! Bien sûr, mais qui saisit le législateur, et à partir de quelles données et de quelles initiatives locales ? Est-ce qu'une partie du territoire dont on projette la constitution pourra se prononcer et être écoutée ? Y aura-t-il des OPA - des offres publiques d'absorption ! - comme celle de l'Auvergne, lancée par son président en direction du Limousin ? Celles-ci seront-elles amicales ou hostiles ? Le Haut-Rhin pourra-t-il éventuellement dire qu'ils ne souhaite pas se fondre dans un ensemble alsacien unique, ou bien la consultation sera-t-elle organisée exclusivement à l'échelle de l'ensemble projeté, ce qui donnera tout son poids démographique au Bas-Rhin ?

En outre, monsieur le ministre, après avoir accepté et sans doute suscité des fusions, consulté les populations sur ce sujet, comment pourrez-vous refuser les propositions de défusion ? Ne voyez-vous pas que les perspectives que vous ouvrez sont dangereuses pour certaines régions et certains départements périphériques ?

Cette méthode, apparentée à l'expérimentation, me semble détestable. Un vrai débat conduit sur l'ensemble du territoire français eût été préférable, mais vous allez laisser l'équilibre des pouvoirs de la République s'établir au gré des appétits et arrangements locaux. Je crois, en mon âme et conscience, qu'il s'agit là d'une faute. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. A la lecture du texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, force est de constater que la démarche adoptée s'inscrit clairement dans la ligne du processus de Matignon.

Selon le gouvernement d'alors, une seule raison justifiait ces accords : l'espoir d'un retour à la tranquillité publique et de l'arrêt du terrorisme. Ils prévoyaient, pour 2004, la tenue d'un référendum constitutionnel censé doter la Corse d'une collectivité unique. Deux conditions suspensives étaient en outre fixées : l'accord des pouvoirs publics en place et le rétablissement durable de la paix civile.

Or, depuis que vous avez pris vos fonctions, monsieur le ministre, la violence, n'a hélas ! pas cessé dans l'île. Les attentats succèdent aux attentats. Je sais bien que vous avez dit tout à l'heure que, lorsqu'on en parlait, on les politisait,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est exact !

M. François Autain. ... mais je vais tout de même en énumérer quelques-uns, qui me semblent particulièrement significatifs : des bâtiments administratifs, des entreprises, des commerces, des véhicules ont été pulvérisés, la caserne de Furiani a été dynamitée et, surtout, un attentat a touché le conseil général de Corse-du-Sud en mars. Ce dernier acte a valeur de symbole, tant on sait à quel point il est primordial, pour les indépendantistes, de se débarrasser des départements !

Par conséquent, il ne semble pas, monsieur le ministre, que les conditions soient réunies pour que la consultation projetée puisse se dérouler dans la sérénité. Dès lors que vous avez accepté de discuter sans préalable avec des gens qui refusent de condamner la violence, qui cautionnent, de quelque manière que ce soit, les menées subversives de groupes clandestins, vous avez, monsieur le ministre, fait preuve de faiblesse, au moins à leurs yeux.

N'est-ce pas en effet M. Talamoni, dont on sait le véritable objectif et les moyens qu'il entend utiliser pour l'atteindre, qui déclarait voilà quelque temps à un journal irlandais que « la violence est l'adjuvant indispensable de la lutte pour l'indépendance » ? De telles déclarations augurent mal de l'avenir de la démocratie dans l'île...

La règle commune de la démocratie veut en effet que les différends soient réglés par le biais des bulletins de vote. Dès lors que des groupes s'arrogent le droit de parler au nom de la majorité, dès lors qu'ils parviennent, par la violence ou par la menace d'y recourir, à obtenir ce que les urnes leur refusent, la démocratie est gravement menacée.

Pourquoi faire de la minorité indépendantiste la clé de toute majorité à l'Assemblée de Corse en retenant un mode de scrutin proportionnel qui leur donnera un rôle charnière, qui aboutira à ce qu'une minorité dicte sa loi à la majorité ? Pourquoi leur donner satisfaction en supprimant les conseils généraux, seuls organes démocratiques sur lesquels ils n'avaient pas encore prise ? Au lieu d'encourager ceux qui, en Corse, se consacrent à l'amélioration de l'Etat de droit, s'attachent au respect des règles, on ouvre la voie à tous les passe-droits. Pour ceux qui rêvent de bâtir un grand « Monte-Carlo » au milieu de la Méditerranée, tous les espoirs sont permis !

Les référendums régionaux, en segmentant le peuple français en vingt-deux peuples distincts, conduiront à une rupture juridique qui ne relève pas seulement d'une question de principe : l'usage du référendum régional, en Corse comme ailleurs, dressera la région concernée contre le reste du pays. C'est mettre à mal la notion d'unité du peuple français. Dans sa grande sagesse, le Conseil constitutionnel avait censuré, le 9 mai 1991, la notion de « peuple corse », car il n'existe de peuple que français ! Il considérait que la Constitution ne reconnaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.

A défaut de moderniser l'Etat, on le balkanise, en pensant que régionaliser un problème suffit à le résoudre. Au cas où cela ne serait pas suffisant, on fait appel à l'Europe, car l'idée d'une France fédérale éclatée dans une Europe des régions correspond bien à l'objectif du Gouvernement, même si ce projet est inavoué et largement ignoré des citoyens.

La suppression des deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud et leur remplacement par des conseils territoriaux s'inscrit bien dans cette perspective. Que l'on ne s'y trompe pas, mes chers collègues : si des conseils territoriaux sont mis en place, ils n'auront en fait aucune réalité tangible, puisqu'ils seront privés de la personnalité juridique. Tout d'abord, leurs compétences seront clairement subordonnées à celles de l'Assemblée de Corse. Ensuite, ce sont les mêmes élus qui siégeront dans les trois assemblées. Autant dire que la pratique conduira à vider les conseils territoriaux de leur substance ; ils seront réduits au simple rôle de « courroie de transmission ».

Jean-Pierre Raffarin le dit souvent : « La Corse constitue un laboratoire en matière de décentralisation. » Ce texte de loi préfigure sans aucun doute ce qui va advenir dans toutes les régions françaises, à savoir la disparition des départements, qui seront transformés en simples subdivisions administratives, avec, à la clé, l'avènement de grandes régions comparables aux Lander allemands, capables de négocier directement avec Bruxelles en faisant abstraction de l'Etat. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?

Que l'on cesse d'encourager les féodalités qui se taillent des fiefs et que, pour cela, la loi républicaine soit appliquée fermement et sereinement ! Alors, le développement de l'investissement public et un vigoureux soutien à l'investissement privé permettront de rattraper le retard existant. C'est de cela que la Corse a besoin, et non de la dévolution partielle d'un pouvoir législatif réclamé par une minorité extrémiste. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Natali.

M. Paul Natali. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis dans l'hémicycle sénatorial pour débattre, une fois encore, d'un texte relatif à la Corse, une fois encore !

En effet, au cours des trois dernières décennies, le paysage institutionnel de la Corse a été marqué par des transformations successives, avec, d'une part, la bidépartementalisation en 1975 et, d'autre part, l'apparition puis le renforcement de l'échelon régional, à travers les quatre étapes successives de l'établissement public régional en 1972, de la région en 1982, de la collectivité de Corse en 1991 et, enfin, de la loi du 22 janvier 2002. Et je ne parle pas des textes fiscaux.

Avec une collectivité régionale de statut particulier, deux départements, six offices, neuf compagnies consulaires départementales ou régionales, probablement plus d'une centaine de commissions consultatives de différents niveaux et un paysage intercommunal encore très fragmenté, la question de la simplification de l'administration d'un territoire de 260 000 habitants se pose nécessairement, et je tiens à rendre un hommage appuyé à M. Nicolas Sarkozy qui a eu le courage de s'y atteler dans un contexte pourtant rendu plus difficile par la démarche hasardeuse du précédent gouvernement socialiste.

J'en profite pour remercier le rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, qui a effectué un excellent travail, dans un esprit d'ouverture et d'écoute.

Lors de la campagne présidentielle, Jacques Chirac avait dénoncé à juste titre les rafistolages institutionnels en précisant : « Je n'accepterai pas demain, en 2004 ou à quelque autre date, ce que j'ai refusé hier. »

Il est vrai que la réforme que le Gouvernement nous propose aujourd'hui est non pas un rafistolage institutionnel, mais bel et bien un exercice de clarification et de simplification.

Si, au départ, j'ai en effet montré une certaine prudence, c'est parce que je craignais que la concentration absolue des pouvoirs dans les mains de la seule collectivité territoriale ne signifie la fin de la proximité des élus avec les citoyens. Or, les électeurs sont attachés à leurs conseillers généraux, parce qu'ils les connaissent, parce qu'ils sont proches d'eux. J'avais également émis quelques réserves sur la priorité qui doit être donnée en Corse : doit-elle être économique ou politique ? Il me semble en effet complexe de prendre en même temps à bras-le-corps ces deux facettes des difficultés que traverse la Corse. Le développement économique et social constitue en effet notre principal problème.

Toutefois, mes doutes sont maintenant levés, pour deux raisons. D'une part, parce que la proximité sera assurée par l'existence de deux conseils territoriaux et par la représentation des territoires et des populations. D'autre part, parce que la collectivité unique sera dotée des moyens d'action lui permettant, si elle sait se montrer dynamique, d'assurer le développement équilibré et durable de l'ensemble du territoire.

Il n'en demeure pas moins que, selon moi, des efforts doivent être faits s'agissant du dispositif fiscal, qui n'est pas encore suffisamment efficace. Mais c'est un sujet auquel, j'en suis sûr, le Gouvernement saura se montrer attentif.

Monsieur le ministre, vous avez également envisagé des mesures spécifiques pour stimuler notre agriculture dans son ensemble. Je m'en réjouis, car chacun connaît les difficultés de ce secteur pourtant vital de l'économie corse, et je sais pouvoir compter sur vous pour plaider notre cause avec vigueur auprès de vos collègues du Gouvernement.

C'est pourquoi je vous apporte mon entier soutien dans le processus qui s'ouvre aujourd'hui, et je serai à vos côtés pour que, le 6 juillet prochain, le « oui » l'emporte. Je dois cependant vous faire part de mon inquiétude sur le résultat si le débat n'est pas plus clairement tranché sur l'avenir de la Corse dans la République française. Certains républicains auront bien du mal, en effet, à mêler leurs suffrages aux voix des nationalistes.

J'en viens à l'annexe du projet de loi qui sera adressée, pour le scrutin référendaire, aux électeurs afin qu'ils se déterminent. C'est dire combien elle est importante ! C'est la raison pour laquelle je souhaiterais, dans une démarche de clarification du débat et des enjeux, qu'y soient apportées certaines précisions.

Tout d'abord, s'agissant des conseils territoriaux, il me semble primordial, d'ores et déjà, d'aborder la question des moyens qui leur seront alloués pour l'exercice des compétences qui leur seront attribuées, à savoir la gestion de l'aide sociale, les routes et les aides aux communes, c'est-à-dire, en gros, les principales compétences actuelles des départements.

Je souhaiterais aussi vivement que les présidents des conseils territoriaux soient membres de droit du conseil exécutif, car il y va de la cohésion et de la coordination de l'action publique en Corse.

Par ailleurs, dans la mesure où des compétences peuvent être confiées par la collectivité unique, selon son bon vouloir, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, il me semble important que ces derniers disposent des moyens concomitants et que les élus municipaux soient consultés sur ces délégations de compétences. Sur ces différents points, je proposerai donc des amendements.

Ne pourrait-on également envisager que des compétences, notamment la gestion des ports et des aéroports, puissent être déléguées par la collectivité unique aux chambres de commerce, qui sont des établissements publics d'Etat ?

M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela ne pose pas de problème. Il suffit de passer une convention.

M. Paul Natali. Pour ce qui est du système électoral, le texte d'origine comme celui qui est proposé par notre commission établissent un certain nombre de critères : prime majoritaire, parité, représentation des territoires et des populations. J'adhère à ces principes. Mais alors pourquoi ne pas appliquer le droit électoral qui s'applique dans les autres régions ?

Le texte relatif à l'élection des conseillers régionaux, que nous avons voté voilà quelques semaines, répond à ces critères. Je proposerai donc que la loi du 11 avril 2003 s'applique à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse. Tout en comprenant les interrogations que vous avez soulevées sur l'expression des minorités, je tiens à rappeler que, depuis que les nationalistes siègent à l'Assemblée de Corse, le nombre d'attentats n'a pas diminué.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour demander au Gouvernement quelques précisions sur trois points.

Tout d'abord, s'agissant de l'élection, le texte de l'annexe fait référence à la notion de secteurs géographiques. Qu'en est-il ? Ensuite, pouvons-nous avoir d'ores et déjà une idée du nombre de conseillers territoriaux pour chaque conseil territorial ? Enfin, peut-on envisager une adaptation constitutionnelle pour que les conseillers territoriaux soient élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours ? Monsieur le ministre, pouvez-vous m'apporter des précisions sur ces trois points ?

En outre, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'émets ici solennellement le voeu que s'ouvre dans cet hémicycle le débat essentiel sur la question véritable qui, depuis trois décennies, mine toute tentative de réforme et grève notre existence : les Corses veulent-ils oui ou non rester Français ?

Les nationalistes claironnent qu'ils n'ont pas peur d'une telle consultation. Mais c'est parce qu'ils sont persuadés qu'elle n'aura jamais lieu ! Les Républicains de Corse n'ont pas peur de relever le défi.

C'est afin d'ouvrir ce débat que j'ai déposé des amendements pour que soit organisé un référendum en Corse sur la question : « Voulez-vous oui ou non que la Corse reste dans la République Française ? » Bien sûr, je sens d'ici le vent de l'inconstitutionnalité qui souffle sur ces amendements.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Paul Natali. Mais voilà quinze ans, pour répondre au besoin de pacification en Nouvelle-Calédonie, le législateur n'avait pas hésité à modifier la Constitution. Rétablir la paix en Corse, lever les incertitudes sur l'avenir d'une île qui a versé tant de sang pour la mère patrie, cet enjeu ne mérite-t-il pas une réunion du Congrès du Parlement ?

Monsieur le ministre, vous avez choisi de donner la parole au peuple. C'est la plus noble et la plus courageuse des démarches. Pourquoi ne pas laisser aussi au peuple le soin de trancher, une fois pour toutes, la question de l'indépendance dont certains voudraient nous faire croire qu'elle est souhaitée par les Corses ? Nous aurions alors enfin les mains libres pour construire le futur avec sérénité. C'est donc dans l'espoir qu'un débat s'ouvre sur ce sujet que j'ai déposé des amendements.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà ce que je tenais à dire sur le texte qui nous est soumis.

Lorsque je me suis engagé en politique, c'était avec deux objectifs majeurs, qui sont toujours restés ma ligne de conduite : ancrer la Corse dans la République et travailler au développement de l'île. Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette vision, et c'est la raison pour laquelle je vous apporte mon soutien total et ma confiance, avec le ferme espoir que, tous ensemble, nous réussirons à construire, pour la jeunesse de Corse, un avenir de paix et de prospérité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale, après les interventions, au nom du groupe socialiste, de M. Bernard Frimat, qui a indiqué certaines imprécisions et ambiguïtés du texte, et de M. Jean-Claude Peyronnet, qui a rappelé notre opposition à la remise en cause du principe de libre administration des collectivités locales et territoriales, je m'efforcerai d'être bref.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, l'avenir de la Corse, l'avenir des femmes et des hommes de cette île qui, quotidiennement, depuis près de trente ans, vivent dans l'angoisse, souvent dans l'inquiétude et la violence, c'est là le véritable enjeu, c'est cela qui justifie nos débats sur le sujet et qui doit nous motiver pour prendre de la hauteur et tracer des perspectives afin de mettre un terme à la situation actuelle.

Vous l'avez compris à travers les propos de mes collègues MM. Bernard Frimat et Jean-Claude Peyronnet, le groupe socialiste ne veut pas prendre la Corse en otage. Nous n'en ferons pas le bouc émissaire de calculs politiciens, ni de nos peurs, ni même, d'une certaine manière, de nos fantasmes. Monsieur le ministre, je vais vous parler franchement : j'ai apprécié votre intervention, qui tranche nettement avec la position adoptée voilà un peu plus d'un an, à l'occasion de l'examen du projet de loi Jospin sur la Corse, par ceux qui constitue aujourd'hui la majorité.

J'ai la faiblesse de me souvenir de ma conclusion lors de l'examen de ce texte ici même : face au refus des membres de la majorité sénatoriale d'accepter les avancées que contenait ce projet de loi, nous les avions invités à prendre garde de ne pas répéter l'erreur commise au moment des lois de décentralisation Defferre : ne pas voter la décentralisation pour, ensuite, s'en faire les premiers défenseurs.

S'agissant de la Corse, c'est bien la même chose : après vous être opposés à la loi Jospin sur la Corse, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous affirmez aujourd'hui que vous vous inscrivez dans la continuité de ce texte. En ce qui concerne le présent projet de loi, nous, nous ne serons pas nécessairement contre parce que vous êtes pour. Nous prendrons d'abord en compte l'intérêt de nos institutions républicaines, de la Corse et de ses habitants.

Je note, monsieur le ministre, que vous intervenez dans un contexte où, malheureusement, la violence n'a pas diminué. Permettez-moi d'exprimer, après M. Paul Girod, l'indignation que nous éprouvons à la lecture des appels qui visent à présenter le procès des assassins du préfet Erignac comme un procès politique. Notre réponse à l'assassinat lâche, d'une balle dans le dos, d'un préfet de la République ne peut souffrir aucune ambiguïté.

MM. Paul Girod et Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. Le fait, sous le gouvernement actuel comme sous le gouvernement précédent, de ne pas encore avoir pu appréhender l'auteur de ce crime, c'est un vrai drame pour notre République.

MM. Jacques Dominati et Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Jean-Pierre Bel. Si aujourd'hui le contexte a changé, cela est dû non seulement à la récente relance de la décentralisation enclenchée par la révision constitutionnelle, mais aussi, vous en conviendrez, à la dynamique plus ancienne du processus dit « de Matignon » impulsé par M. Lionel Jospin.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le comprendrez, nous sommes conduits à vous faire part de nos réserves. D'abord, sur la précipitation qui vous amène à proposer un référendum dans les trois mois, alors que vous auriez pu prendre le temps nécessaire, par exemple jusqu'au début de l'automne. La campagne va se dérouler dans le contexte du procès Erignac, ce qui risque de jeter le trouble dans les esprits. Elle se déroulera également dans des délais trop brefs pour que l'on puisse en espérer une vraie clarification. Et si l'on y ajoute le fait qu'elle aura lieu pendant la période estivale, qui n'est pas forcément la meilleure en Corse, on voit bien que ce ne sont pas là de bonnes conditions.

Permettez-moi, à ce propos, de m'inquiéter du tour plébiscitaire qui semble être donné à ce référendum. Est-ce bien une consultation pour avis que propose le Gouvernement et ne nous dirigeons-nous pas vers une véritable question de confiance posée aux électeurs corses ? Je le dis en toute cordialité au président du Sénat et au rapporteur de ce texte, il serait maladroit de se laisser aller à des déclarations anticipant la réponse qui sera apportée par les électeurs corses.

Le débat à l'Assemblée de Corse n'hypothèque en rien la réponse des Corses à la question qui leur sera posée.

Je recommande la prudence, d'autant que le projet soumis à référendum recèle des imprécisions et des ambiguïtés, qui ont été relevées par M. Bernard Frimat. Ainsi, le décret de convocation des électeurs ne serait pas soumis, comme il se doit, à l'avis de l'Assemblée de Corse ; certaines dispositions du code électoral sont exclues pour des raisons de rapidité ; l'annexe est imprécise ; s'agissant du mode de scrutin, il faut également se souvenir que le Conseil constitutionnel, dans une récente décision, a émis des réserves, et même plus, en ce qui concerne les sections départementales pour les élections régionales.

Nous ne savons pas vraiment si ce texte est un texte d'exception lié au caractère particulier de l'île ou s'il peut constituer un précédent ou un exemple.

Oui, cela en vaut la peine, les électeurs corses doivent être mieux informés sur l'évolution institutionnelle proposée et sur ses conséquences. Ils doivent pouvoir se prononcer en pleine connaissance de cause, en toute sérénité et en toute indépendance.

Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous : il ne faut pas se moquer des Corses. J'ai entendu le Premier ministre demander de dire non à la violence, non au retard économique en acceptant de changer les institutions de l'île. Mais si, par hypothèse, on refusait la création d'une collectivité unique, cela signifierait-il que l'on accepte la violence ou le retard économique ? Vous avez vous-même reconnu que cette évolution institutionnelle ne pouvait, en tout état de cause, garantir définitivement contre la violence, et j'ajouterai qu'elle ne peut ipso facto garantir le développement économique.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui est en cause aujourd'hui, c'est bien la réponse qui doit être apportée à la souffrance de ceux qui vivent une situation insupportable faite de peurs, d'inquiétudes, parfois de larmes, de ceux qui attendent de nous espérance et foi dans l'avenir. C'est bien ce qui compte. C'est bien cela l'avenir de la Corse et des Corses dans la République, qui guidera la position et le vote du groupe socialiste. Nous adopterons notre position après réflexion, avec gravité, et en toute responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse, et je m'adresserai d'abord à M. le rapporteur, si vous me le permettez.

Je porte une appréciation extrêmement positive à la fois sur le voyage que M. Jean-Pierre Courtois a fait en Corse et qui lui a permis d'avoir une trentaine de rencontres approfondies, sur la qualité de son rapport et sur les propositions de réécriture du projet de loi initial. Je veux dire à M. Courtois que ses propositions aboutissent à un texte meilleur.

Croyez bien que, s'agissant d'une question de cette nature, je n'ai aucune vanité d'auteur ; toutes les propositions intelligentes sont les bienvenues. Au demeurant, on ne peut pas venir devant le Parlement en partant du principe de n'accepter aucun amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai déjà eu l'occasion de travailler avec M. Jean-Patrick Courtois, alors rapporteur d'un de mes projets de loi, et je connais la finesse de son analyse de juriste. Avec ce projet de loi sur la Corse, il démontre aussi sa finesse d'analyse politique. Il me plait de lui rendre hommage, d'autant que, me semble-t-il, ce sentiment est partagé sur tous les bancs de la Haute Assemblée. En plus d'être un sénateur extrêmement « courtois » (sourires), c'est un rapporteur extrêmement précis.

Je puis d'ailleurs porter les mêmes appréciations personnelles sur M. Nicolas Alfonsi, ce qui me donnera une plus grande liberté pour m'exprimer sur les propos qu'il a tenus.

Monsieur le sénateur, toutes les critiques que vous avez formulées sont certes légitimes en démocratie, mais elles auraient beaucoup gagné en crédibilité si vous nous aviez proposé une solution alternative.

J'aurais aimé qu'un homme comme vous, si profondément enraciné dans son île, associé depuis si longtemps à tous les épisodes de la vie politique de Corse, à tous ses combats et à toutes ses expressions, me dise que je fais ici fausse route et m'indique la route à suivre. Or, au lieu de pouvoir m'appuyer, comme je l'aurais souhaité, sur l'expérience et les qualités d'un homme que je connais depuis longtemps, je n'ai droit qu'à une avalanche de critiques, non pas vraiment sur le texte, mais sur les arrière-pensées qu'aurait le Gouvernement.

Convaincu de la nature de mes arrière-pensées, vous en tirez comme conclusion, monsieur le sénateur, que rien ne vaut dans le dispositif que nous proposons. Ainsi, après avoir décrit avec beaucoup de conviction que la situation n'est pas satisfaisante, vous en tirez la conclusion que le cadre institutionnel à l'origine de cet état doit demeurer dans sa pureté originelle !

Où est la cohérence ? Soit vous avez raison, monsieur Alfonsi, et rien ne va. Mais, dans ce cas-là, proposez-nous une voie alternative de changement. Soit la situation n'est pas si mauvaise et, dans ce cas-là, on comprend mieux votre volonté de défendre le statu quo.

Je ne vous en veux pas d'être devenu un départementaliste acharné, vous qui fûtes en 1975 le plus virulent adversaire de la bidépartementalisation. Cela peut arriver à n'importe qui de changer d'avis. Mais expliquez-nous la raison de ce changement ? Pourquoi le Gouvernement, aujourd'hui en charge de la question corse, devrait-il considérer qu'un cadre, qui n'est pas forcément responsable de la situation actuelle, mais qui en tout cas n'a pas permis de la résoudre, doit être conservé ?

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Nicolas Alfonsi. Je serai bref. Je dirai tout d'abord que je me suis toujours tenu en dehors de la droite et de la gauche et que, depuis vingt ans, je n'ai été associé à rien.

Je ferai observer ensuite que j'ai été un mono-départementaliste modéré en 1975, parce que je suis contre les réformes institutionnelles qui ne mènent nulle part.

Enfin, n'oublions pas que, depuis trente ans, un fait nouveau est survenu : l'émergence d'une organisation clandestine qui s'appelle le FLNC.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nicolas Alfonsi parle de précipitation. Un tel argument laisse pantois, car ce dont la Corse a bien besoin, c'est que l'on arrête les commentaires et que l'on passe à l'action.

Vous avez dit n'avoir été associé à rien, monsieur Alfonsi, mais vous êtes quand même vice-président d'un des deux conseils généraux de Corse.

M. Pierre André. Bravo.

M. Nicolas Alfonsi. Et alors ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous êtes un parlementaire d'expérience, vous avez été conseiller territorial, vous êtes l'un des représentants de la classe politique insulaire. Il vous est difficile dans ces conditions de dire que vous n'avez été associé à rien. Si nous qui n'avons jamais été élus en Corse, nous portons une part de responsabilité de l'échec collectif, que dire de ceux qui en sont les élus depuis tant d'années ?

Il est quand même audacieux alors qu'on est un homme politique corse - et c'est votre honneur - de s'exonérer de toute responsabilité dans une Corse qui n'a pas pu, pas su, pas voulu faire émerger une classe politique insulaire qui aurait été à même de résoudre elle-même les problèmes de la Corse.

Il serait, certes, parfaitement injuste, cher Nicolas Alfonsi, de vous en faire porter la responsabilité pleine et entière, mais convenez qu'il y aurait quelque outrance à vous en exonérer totalement, surtout lorsque vous vous adressez à des parlementaires d'autres circonscriptions et d'autres départements.

Il n'y a aucune précipitation : nous sommes entrés dans le temps de l'action.

Vous avancez un autre argument extraordinaire : vous qualifiez mon projet de « politique ». Mais vous avez absolument raison ! Je vous le confesse : je suis un homme politique. En effet, comment en démocratie sortir d'une impasse autrement qu'en faisant de la politique ?

M. Pierre André. Eh oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est toute la vertu de la démocratie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'avais pas condamné à l'époque les accords de Matignon, non pas parce que je pensais qu'ils allaient réussir, mais parce que je considérais qu'essayer de trouver une solution politique dans une démocratie confrontée à la violence était une bonne chose.

J'aimerais tellement que les responsables politiques arrêtent de critiquer leurs propres engagements. Qu'un homme politique fasse de la politique, c'est plutôt rassurant !

La seule chose qui m'ait un peu blessé dans votre intervention, cher Nicolas Alfonsi, c'est que vous sous-entendiez que j'ai négocié avec qui que ce soit. Je ne négocie ni avec les clans ni avec les clandestins parce que je trouve que les deux portent une lourde responsabilité dans le destin de la Corse.

Je vous le dis solenellement, monsieur le sénateur : il n'y a eu aucune compromission.

M. Nicolas Alfonsi. Je n'ai pas dit cela !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il y en a eu dans le passé, sans doute, mais je n'ai jamais fait de procès aux prédécesseurs de M. Raffarin de ce point de vue et j'entends qu'on ne m'en fasse pas.

J'ai discuté avec des élus. Le devoir d'un Gouvernement, c'est d'accepter de discuter avec les élus, qu'ils s'appellent Jean-Marie Le Pen, Jean-Guy Talamoni. Le devoir d'un Gouvernement, c'est de prendre comme interlocuteurs les élus que le suffrage universel a désignés, d'Arlette Laguiller à Jean-Marie Le Pen en passant par Jean-Guy Talamoni. C'est la conception que j'ai de la démocratie. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

J'aimerais qu'on m'indique en quoi elle n'est pas strictement républicaine.

Vous me dites : « Le pouvoir doit arrêter le pouvoir. » Là, c'est parfait : les conseils généraux et la collectivité territoriale n'arrêtent pas de s'arrêter ! La preuve, c'est qu'il n'arrive pas grand-chose. Les conseils généraux sont dans une situation financière qui est rien moins que préoccupante. Quant à la collectivité territoriale, elle est dans une situation extrêmement difficile. S'il est un point sur lequel nous pouvons être tous d'accord, c'est qu'en Corse chacun a les moyens d'arrêter l'autre de faire. Pour empêcher l'autre, il n'y a aucun problème !

Pour autant, l'existence des conseils généraux a-t-elle réglé le problème de l'honnêteté, de la transparence des marchés ? Qui oserait l'affirmer ?

Enfin, vous avez parlé de « concessions à la famille nationaliste » ; je reprends vos mots. Mais enfin, vous qui êtes en place depuis si longtemps, ne vous sentez-vous pas vous-même un peu responsable ? Ne vous posez-vous pas la question de savoir pourquoi depuis tant d'années que vous condamnez cette tendance avec énergie, elle continue de progresser ? Est-ce simplement la faute des autres ?

En tout cas, il n'y a aucune concession de ma part car, pour moi, la question ne se pose même pas : pour moi, la Corse, c'est la France et, quand je me rends dans mon département des Hauts-de-Seine, je n'éprouve pas le besoin de dire toutes les deux minutes : « Ici, c'est la République française. » Si l'on débarque en Corse en disant : « Ici, c'est l'Etat de droit », c'est qu'on se pose une question qui n'a pas lieu d'être.

Quand on va à Dijon, à Marseille ou ailleurs, on ne répète pas continuellement qu'on est dans la République parce qu'on n'a pas de doute. Le Gouvernement, lui, n'a pas de doute s'agissant de la Corse.

Dans votre dernier argument, qui associait musulman, corse ou poitevin, je n'ai pas compris ce qui était choquant.

Je n'en parlerai pas au Premier ministre qui ne doit pas considérer qu'être poitevin soit extrêmement choquant ! (Rires.) Je ne pense pas d'ailleurs qu'être musulman soit vécu comme une insulte.

M. Nicolas Alfonsi. Non, c'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La France de 2003 est multiple, n'en déplaise à beaucoup ; c'est sa force et sa tradition. Nous continuerons à en débattre. Quoi qu'il en soit, nous sommes tous d'accord sur ce point, cher Nicolas Alfonsi : la Corse, c'est la France et nous l'incarnons tous à notre manière.

Je n'ai aucune leçon à vous donner certes, mais, sur le point de l'attachement à la République et à la France, j'aimerais que l'on ne m'en serve point non plus.

Monsieur Frimat, oui, le processus de Matignon est un processus inachevé. Je le dis, non pas pour critiquer, mais parce que c'est la réalité. Oui, les discussions étaient transparentes. Mais souffrez que je relève une autre faiblesse de Matignon : quand les nationalistes ont décidé de ne plus venir, les discussions se sont arrêtées.

Pour ma part, je me suis rendu en Corse à six reprises : trois fois, les nationalistes ne sont pas venus ; cela n'a rien changé à mes déplacements.

Le Gouvernement a proposé un texte à la Corse. Les nationalistes ont d'abord dit qu'ils seraient contre, puis qu'ils s'abstiendraient, puis ils ont dit : oui peut-être, oui mais, oui malgré tout. Cela n'a rien changé au texte que nous proposons.

Je ne critique pas le processus de Matignon, je note seulement une différence : dans un cas, on était obligé de faire des concessions pour que quelques interlocuteurs restent, dans l'autre quelle que soit la décision des interlocuteurs, on ne change rien au texte.

Je crois que c'est honnête de dire cela et que ce n'est injurier la mémoire de personne.

D'ailleurs, monsieur Frimat, c'est parce que j'avais considéré la situation de près qu'avec M. Raffarin nous avons proposé cette stratégie au Président de la République. Je ne pense pas que nous soyons à ce point meilleurs que nos prédécesseurs que nous puissions éviter de tomber dans les mêmes pièges qu'eux si nous ne les contournons pas.

Vous avez dit : « texte laborieux, ambigu ».

Pour ce qui est de laborieux, vous avez raison : si je pensais que tout était facile, je ne m'apprêterais pas à me rendre en Corse pour la septième fois ! Par conséquent, ce mot « laborieux » me convient parfaitement. J'en propose même un autre : « besogneux ». Il fallait trouver une solution, mais j'ai dit que je n'étais sûr de rien et que, peut-être, l'échec serait au rendez-vous. Voyez comme je suis prudent !

En revanche, je n'accepte pas le mot « ambigu ». Où est l'ambiguïté ? La Corse fait partie de la France, de la République, mais nous sommes tous d'accord pour reconnaître sa spécificité. Il n'y a aucune ambiguïté.

Il y aura consultation pour avis par référendum ; nous sommes d'accord. L'avis des Corses pèsera d'un grand poids. Je me suis peut-être laissé aller à dire que, s'ils votaient non, il me semblait difficile de demander au Parlement d'adopter en l'état. Pour autant, le pouvoir du Parlement, son droit d'amendement, restera plein et entier.

La suppression des départements est-elle un tour de passe-passe ? Non ; je le dis devant mon ami Paul Natali : dans l'affirmation de la collectivité territoriale unique, je crois avoir été, au nom du Gouvernement, d'une franchise qui n'a rien à voir avec l'ambiguïté. Celle-ci n'aurait d'ailleurs pas été à la hauteur de l'enjeu.

Cela dit, je serai attentif à vos propositions pour affirmer la primauté de la collectivité unique. Disons que celle-ci sera la seule à pouvoir engager une politique, la seule à lever l'impôt, la seule à avoir la personnalité juridique ; je ne vois pas ce que l'on peut faire de plus.

En ce qui concerne le mode de scrutin par secteur géographique, trois formules sont possibles : une circonscription régionale avec sections départementales, c'est la première formule ; cinq arrondissements, c'est la deuxième formule ; enfin, sept territoires, c'est la troisième formule. Cette question a fait l'objet de discussions au sein du groupe de travail ; il faudra y voir plus clair avant le référendum, cela va de soi.

Enfin, je vous remercie de votre attitude extrêmement responsable. Je crois que c'est à l'honneur de la Haute Assemblée que nous puissions avoir un débat civilisé sur une question qui - chacun en est convenu - doit être abordée avec humilité.

Madame Luc, si j'ai bien compris, vous reprochez au Gouvernement de faire de la Corse « un espace libéral lié aux appétits financiers » et, dans le même temps, vous lui reprochez de ne rien faire sur le plan économique. Mais, madame, si nous voulons faire un espace libéral lié aux appétits financiers et que nous y réussissons sans toucher à l'économie, c'est que vraiment nous sommes des magiciens ! Soit nous touchons à l'économie, et c'est, selon vous, le libéralisme qui revient, soit nous ne parlons pas d'économie, auquel cas il est difficile de nous faire un procès en libéralisme ! En tout cas, on ne peut pas nous reprocher les deux.

Quoi qu'il en soit, je mets ces déclarations plus sur le compte des obsessions du parti communiste que sur la mauvaise foi de leur auteur...

Là où les choses sont encore moins claires, c'est sur le référendum.

Quand il n'y a pas de référendum, vous protestez : j'ai vu, dans toutes les régions, des élus communistes déclarer qu'il était scandaleux qu'il n'y ait pas de référendum sur la décentralisation. Voilà que nous en organisons un en Corse, et vous dites tout autant que c'est scandaleux. Il faut savoir : soit vous voulez des référendums, soit vous n'en voulez pas. Aux assises des libertés locales, vous avez organisé une manifestation, il est vrai peu nombreuse et pas gênante, pour demander un référendum sur la décentralisation. Nous venons en proposer un pour la Corse et vous vous y opposez !

Mais il y a mieux encore !

M. Robert Bret. C'est de la caricature !

Mme Hélène Luc. Je n'ai jamais dit que c'était scandaleux, monsieur le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Luc, quand la critique fait mal, il ne faut pas protester parce que cela prouve qu'elle a touché juste. (Sourires.) Quand, au banc du Gouvernement, je vous écoute, je ne proteste pas à chaque instant.

Mme Hélène Luc. J'ai simplement dit qu'il ne fallait pas se précipiter.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, je relève une troisième incohérence qui est encore savoureuse : la défense et illustration du scrutin majoritaire uninominal par les communistes. C'est du jamais vu ! A l'occasion de chaque réforme électorale, le parti communiste, et c'est son droit le plus absolu, répète que le seul scrutin juste, c'est le scrutin à la proportionnelle. Cette affirmation serait donc valable partout, sauf en Corse, où il faudrait un scrutin majoritaire uninominal allez y comprendre quelque chose !

Mme Hélène Luc. Je n'ai pas parlé du scrutin !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En tout cas, ce que je comprends, c'est que, lorsque l'on est à ce point incohérent et que, sur trois sujets, on dit le contraire de ce que l'on a affirmé précédemment, il n'est pas étonnant que les électeurs les mieux disposés aient du mal à suivre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Enfin, ne se refusant aucun petit plaisir, Mme Luc, pour qui j'ai le plus grand respect, nous dit : « Mais ce qu'il faut à la Corse, comment n'y avez-vous pas pensé, monsieur Sarkozy, c'est une politique de grands travaux ambitieuse. »

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais elle oublie le plan exceptionnel d'investissement prévu par Lionel Jospin, que nous avons intégralement financé, pour un montant de 2 milliards d'euros sur quinze ans ! Si ce plan exceptionnel d'investissement n'est pas le plan de grands travaux que réclame Mme Luc, qu'est-ce alors ?

Voilà donc quatre incohérences dans le discours de Mme Luc. Je crois qu'il vaut mieux que je m'arrête là pour répondre à M. Paul Girod.

Mme Hélène Luc. Vous êtes bien méprisant, monsieur le ministre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne vois pas en quoi ! Quand on a des bons auteurs, on les cite, et si ces bons auteurs ont eu quelques faiblesses, il n'est pas interdit, dans le cadre d'un débat démocratique, de les souligner. C'est la liberté d'expression des uns et des autres. Au demeurant, si je vous ai blessée en quoi que ce soit, je vous prie de m'en excuser, car ce n'était pas mon objet.

Mme Hélène Luc. Vous ne m'avez pas blessée. Vous n'êtes pas objectif, c'est tout !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Girot, vous avez bien voulu relever que j'aimais la Corse. C'est vrai ! Je ne prétends pas pour autant la comprendre, et encore moins la connaître. En vérité, la passion que j'éprouve se porte plus vers ses habitants que sur son territoire tel qu'il est illustré par les cartes postales.

A propos de la Corse et des Corses, je me demande toujours comment tant d'énergie, tant de finesse, tant d'intérêt pour la chose publique, tant d'appétit pour le débat public peuvent conduire à un tel désastre. Comment cette région de France, la plus passionnée qui soit pour la politique - qui n'a eu cette expérience, en Corse, quels que soient le lieu et l'heure, de participer ou d'assister à une discussion passionnée sur les grandes affaires du monde, de la France ou de la Corse ? -, peut-elle connaître un tel échec au regard de la citoyenneté collective ? C'est pour moi un sujet de grande incompréhension en même temps que de fascination. Car il y a bien quelque chose de fascinant à voir les femmes et les hommes de Corse, si pleins de talent politique et d'intérêt pour la politique, avoir tant de mal à dégager une majorité dès qu'il s'agit d'eux-mêmes. Sur les autres, ils sont capables de sursauts extraordinaires mais, dès qu'il s'agit de l'île qu'ils chérissent tant, rien ne va plus ! C'est peut-être que trop d'amour, parfois, aveugle.

Oui, monsieur Girod, je crois à la zone franche. Moi, je n'ai jamais cru au crédit d'impôt, et cela pour une raison simple : dès lors que le crédit d'impôt s'applique aux bénéfices, il faut au moins qu'il y ait des bénéfices ! Or les entreprises corses qui réalisent des bénéfices sont si peu nombreuses que, quand vous annoncez aux entrepreneurs corses que, s'ils font des bénéfices, ils paieront moins d'impôts qu'ailleurs, ils vous répondent : « Attendez ! Ce ne sont pas tant des bénéfices que nous cherchons à faire, c'est du chiffre d'affaires ! » Voilà pourquoi je crois davantage à la zone franche. Mais il est vrai que la lutte fut rude pour l'obtenir.

Permettez-moi de dire un mot sur l'expérimentation législative, parce que je ne voudrais pas laisser le doute s'installer. Mais je vais m'éfforcer de ne pas être trop long, monsieur le président...

M. le président. Si vous voulez que nous commencions l'examen des amendements, il vous faut vous hâter de répondre aux orateurs ! Je vous le dis gentiment. (Sourires.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avais compris que c'était gentil, mais le sujet est passionnant ! (Nouveaux sourires.)

Prenons l'exemple de la loi montagne : elle a été faite, notamment, pour les stations de sports d'hiver, elle est adaptée à toutes les montagnes, sauf à la montagne Corse. Oui ou non, la Corse mérite-t-elle une adaptation de la loi montagne ? Je suis de ceux qui pensent que oui.

M. Nicolas Alfonsi. Et la loi littoral ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. S'agissant du littoral, les Corses n'ont aucune leçon à recevoir, compte tenu de ce qui s'est passé dans d'autres régions de France. Les Corses n'ont pas à porter tous les péchés du monde ! De ce point de vue, la Corse est même plutôt un exemple à suivre.

Mais je reviens à l'adaptation de la loi montagne à la Corse. Comment cela se passera-t-il concrètement ? La collectivité unique demandera une adaptation législative et c'est le Parlement, et lui seul, qui décidera si, oui ou non, il y a lieu de faire droit à cette adaptation législative. Si d'autres régions souhaitent une telle adaptation, elles pourront la demander.

Monsieur Mercier, vous avez dit que vous n'étiez pas un spécialiste. Cela tombe bien : je ne prétends pas en être un non plus ! Vous nous avez tous appelés à l'humilité : comme vous avez raison !

Merci du soutien de votre groupe en ce qui concerne le référendum. Merci d'avoir rappelé que la consultation n'épuisera pas les droits du Parlement.

S'agissant de la représentation du territoire, je vous l'ai dit, trois formules sont possibles. J'ai ma préférence. La simplicité est quand même ce qu'il y a de mieux, mais nous aurons l'occasion d'en débattre.

Monsieur Peyronnet, je vous remercie de votre jugement nuancé, du moins sur la question corse. Vous ne m'en voudrez pas de ne pas refaire le débat sur la décentralisation. En vous voyant si éloquent sur la décentralisation et si discret sur la Corse, je me suis demandé si, par hasard, vous aviez du mal à trouver des défauts au projet de loi relatif à la Corse et plus de facilité à vous exprimer quand il s'agit de la décentralisation.

Ne voyez pas abdication de ma part si je ne vous réponds pas sur la décentralisation. C'est un débat qui vous a opposé au Gouvernement, et sur lequel vous avez pu exposer, avec le talent que l'on vous connaît, vos arguments. Ne m'en veuillez pas de ne pas vouloir prolonger ce débat.

Monsieur Autain, ce soir, vous n'avez pas eu de chance ! (Rires sur les travées de l'UMP.) En effet, après m'avoir dit que vous ne vouliez pas politiser les attentats, vous l'avez fait !

M. François Autain. Je n'ai pas dit cela !

M. Robert Bret. Il a dit exactement le contraire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous avez dit : « Monsieur le ministre de l'intérieur, l'attentat contre la caserne de Furiani, quel scandale ! » Vous avez raison, mais vous avez simplement oublié de préciser que les auteurs de cet attentat dorment en prison parce qu'il ont été interpellés et que leur réseau a été démantelé ! Votre démonstration aurait gagné en puissance si vous étiez allé jusqu'au bout du raisonnement. Quand on évoque l'attentat contre la caserne de CRS de Furiani, on doit, me semble-t-il, avoir l'honnêteté de dire au ministre auquel on s'adresse : « Il est vrai que, pour la première fois depuis longtemps, les auteurs d'un attentat ont été arrêtés et déférés à la justice. »

Par ailleurs, quand vous affirmez que j'ai fait preuve de faiblesse en acceptant de discuter avec certains,...

M. François Autain. A leurs yeux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas très gentil !

J'ai beaucoup de conseils à recevoir - cela fait toujours du bien ! - mais, s'il y a une personne auprès de laquelle je n'irai pas prendre conseil pour savoir ce que l'on doit faire en Corse, c'est certainement M. Chevènement. Il a beaucoup parlé mais il a mené l'Etat en Corse à un désastre sans précédent.

Il est une question que je souhaite poser devant la Haute Assemblée : est-ce que l'Etat et la République sont sortis renforcés du choix du préfet qui a été fait par un ministre de l'intérieur qui s'appelait Jean-Pierre Chevènement ? Peut-on dire que, à la suite de ce choix, la République et l'Etat de droit ont été renforcés ou qu'ils ont été caricaturés et abaissés ? Nous sommes nombreux à penser qu'ils ont été caricaturés et abaissés !

M. Jacques Dominati. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans la vie, il ne suffit pas de prendre des postures, de faire des affirmations ! Surtout si c'est pour, finalement, se tromper à ce point dans son jugement sur les hommes ! Tout le monde peut commettre des erreurs, mais reconnaissons que le choix d'un certain préfet a été calamiteux ! Cela étant, je ne veux pas accabler cet homme, parce qu'il n'est pas digne de s'acharner sur quelqu'un qui est à terre. Je veux simplement dire que, si j'étais M. Chevènement, je garderais mes convictions, mais je m'abstiendrais de donner des avis et des leçons à ceux qui me succèdent aux mêmes responsabilités. Pour donner des leçons, il faut avoir un bilan. Or, lui, s'agissant de la Corse, ce n'est pas un bilan qu'il a laissé, c'est un désastre, et je le dis tout en respectant beaucoup l'homme.

Monsieur Autain, vous me reprochez d'avoir retenu le scrutin proportionnel. Mais je vous rappelle que c'est le mode de scrutin qui s'applique actuellement ! C'est celui que nous avons trouvé en arrivant. Il me semble d'ailleurs assez adapté à la réalité insulaire. Ce n'est pas une idée du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin : c'est une réalité insulaire !

Monsieur Natali, votre soutien a du prix, car il est vrai que nous avons longuement discuté et que nous avons, l'un et l'autre, évolué. Le reconnaître, ce n'est pas faire preuve de faiblesse ; c'est, au contraire, prendre acte du bout de chemin que chacun a voulu faire vers l'autre, chacun ayant senti que l'intérêt général et l'intérêt de la Corse le méritaient. C'est tout à notre honneur !

Pour ma part, j'ai entendu un certain nombre de vos propositions, monsieur Natali, je ne m'en cache point, et votre soutien sans ambiguïté est, à mes yeux, très important.

Le développement économique est une priorité. Je me rendrai de nouveau en Corse les 22 et 23 mai et nous parlerons de l'agriculture, sujet considérable en Corse, qui va bien au-delà de l'économie, car le rapport à la terre a aussi un aspect culturel fondamental.

J'examinerai vos amendements avec beaucoup d'intérêt, monsieur Natali. La question ne peut pas être : « Chers compatriotes corses, voulez-vous rester dans la République française ? » D'abord, cette question ne concerne pas que les Corses : la question de l'appartenance à la République française ne se tranche pas simplement par la consultation des habitants d'une région. Ensuite, notre Constitution ne permet pas de poser une telle question. Je vous rappelle que la question commencera par la formule : « Dans le cadre des institutions de la République française... ».

Peut-être pourrons-nous, monsieur le sénateur, grâce à vos amendements, améliorer encore le texte. Le Gouvernement y sera extrêmement attentif.

Monsieur Bel, je vous remercie de ne pas vouloir prendre la Corse en otage. C'est tout à votre honneur et je n'ai rien à ajouter.

Qu'il me soit permis de terminer en évoquant trois chiffres qui, pour relever d'une comptabilité sordide, n'en permettent pas moins d'éclairer les esprits. En 1982, il y a eu 766 attentats en Corse. En 1995, il y en a eu 333. En 2002, il y en a eu 251. Bien sûr, c'est trop. Tout attentat est odieux, et je n'ai jamais prétendu avoir réglé le problème en un an. Pour autant, puisque je m'efforce, moi aussi, de ne pas politiser le décompte des attentats, je ne voudrais pas que l'on fasse assumer par le Gouvernement un bilan qui n'est pas le sien.

Je vous le concède bien volontiers, je n'éprouve aucune satisfaction, mais convenons que, depuis Aléria, certaines années ont connu, à cet égard, des pics considérables.

On pourrait aussi parler des assassinats. Cependant, je ne veux pas me réjouir qu'il y en ait eu beaucoup moins l'an passé, parce que, en Corse, cette courbe-là peut toujours repartir à la hausse ! Satisfait, je ne le serai donc que lorsque la Corse sera vraiment devenue une région comme les autres.

Chacun doit comprendre que je n'ai voulu blesser personne. S'il y a de la vivacité dans mon propos, c'est parce que le Gouvernement essaie d'être à la hauteur du rendez-vous de la Corse. Et je sais que nous sommes regardés dans l'île, tout comme sur le continent.

Je n'ai qu'un souhait en tête : que nos compatriotes de Corse, à l'issue de ce débat à la Haute Assemblée, se disent : « Ils ont vraiment décidé de s'intéresser à nous. Ils ne veulent pas nous utiliser comme un prétexte. Peut-être, cette fois-ci, ensemble, vont-ils réussir à nous donner le coup de main dont nous avons besoin. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse
Renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 22, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale, le projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse. (Urgence déclarée) (n° 274, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Robert Bret, auteur de la motion.

M. Robert Bret. « En déplaçant le débat sur le plan institutionnel, en jouant une partition à quatre mains avec les nationalistes, le Gouvernement a cru pouvoir se dispenser d'apporter les réponses réelles qu'attendent l'immense majorité silencieuse des Corses. Les questions qu'ils se posent sont bien plus simples. Comment trouver du travail ? Quel avenir donner à leurs enfants ? Et certainement pas : « Quelle délégation de pouvoir d'adaptation législative à la collectivité territoriale de Corse ? En déplacant le débat sur le plan institutionnel, le Gouvernement s'est donc fourvoyé. »

L'auteur de cette critique cinglante n'est autre que vous, monsieur le rapporteur, et c'est le processus de Matignon qui était dans votre ligne de mire.

Comment ne pas noter que votre propos, si plein de votre finesse d'analyse de juriste, aurait très bien pu s'appliquer au texte préparé par l'actuel ministre de l'intérieur qui, il est vrai, est toujours favorable, lui, à une évolution institutionnelle de l'île, en préalable à toute politique tendant à son développement économique et social.

Cette évolution rapide, très rapide, des positionnements de certains membres de la majorité parlementaire accentue le sentiment de flou, de malaise face à ce qui apparaît comme un coup politique, dicté plus par les circonstances que par un projet de développement de la Corse.

La motion de renvoi en commission tend à dénoncer cette manoeuvre et à permettre au Sénat, à commencer par sa commission des lois, de reprendre de manière plus constructive le débat.

Il faut rappeler que les travaux de la commission spéciale sur la Corse, dont M. Garrec était rapporteur et M. Courtois, président, ainsi que ceux qui furent menés par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi présenté par M. Lionel Jospin, relevaient d'une toute autre idée du rôle du Parlement que le débat qui nous est proposé aujourd'hui. En effet, une fois de plus, le Gouvernement a opté pour la précipitation pour tenter de forcer la main au Parlement.

Par exemple, quelques minutes seulement après la clôture du conseil des ministres qui venait d'adopter le projet de loi dont nous entamons la discussion, vous vous êtes présenté, monsieur le ministre, avec une rare célérité, devant la commission des lois.

L'urgence, bien entendu, est déclarée, ce qui va permettre de réduire le débat parlementaire à son strict minimum.

Cette précipitation, monsieur le ministre, ne vise-t-elle pas à masquer la manoeuvre qui consiste à croiser le débat sur le projet de loi autorisant le référendum et celui auquel a donné lieu la première loi organique relative à la décentralisation, en ce qui concerne les expérimentations législatives ?

J'ai noté l'insistance de M. Jacques Larché, ancien président de la commission des lois, à interroger, en commission, le rapporteur sur l'absence de référence du présent texte au futur pouvoir normatif de la collectivité unique. M. le rapporteur a dévié le tir en répondant qu'aucun projet de loi organique n'avait été déposé. Il est donc proposé aux Corses d'approuver la création d'une collectivité en ignorant ce que seront ses pouvoirs.

Pour ces raisons, nous demandons que la commission soit saisie de l'avant-projet de loi organique qui doit déterminer le pouvoir normatif futur des collectivités territoriales.

Il est évident que ne pas faire droit à cette exigence nuirait gravement au sérieux de notre travail et retirerait beaucoup de crédibilité à la consultation qu'il est nous est demandé de prévoir.

Cette précipitation ne vise-t-elle pas à masquer que l'annexe qui accompagne le projet de loi, et qui est censée éclairer les électeurs sur les intentions du Gouvernement, est « précise et floue », comme le souhaitait monsieur le rapporteur à l'occasion de son déplacement en Corse ?

La vérité doit être dite : les électeurs ne se prononceront pas sur l'avenir de la Corse lors du référendum, dont la date - le 6 juillet - a été rendue publique bien longtemps avant notre débat, mais ils donneront, sur de nombreux points, carte blanche au Gouvernement, qui élaborera par la suite, dans l'hypothèse d'un vote favorable, un projet de nouveau statut, lequel sera ratifié au Parlement par l'UMP mais certainement pas par les électeurs résidant en Corse. Telle est, en tout cas, notre vision.

Les incertitudes concernant le mode de scrutin ou la répartition des compétences sont telles que, monsieur le ministre, vous avez mis en place deux groupes de travail sur ces thèmes.

Cela a déjà été dit lors de la discussion générale par mon amie Hélène Luc, les sénateurs communistes sont sans ambiguïté pour la consultation des électeurs de Corse. Depuis l'année 2000, ils en demandent d'ailleurs l'organisation. Nous avions même déposé, à l'Assemblée naionale et au Sénat, une proposition de loi visant précisément à contourner l'obstacle constitutionnel.

Mais la consultation ne doit pas devenir un blanc-seing qui permettra demain à un gouvernement très attentif aux sirènes libérales d'aller plus loin dans la rupture entre la Corse et la République.

Oui, monsieur le ministre, il y a un monde entre la démocratie de proximité, l'association des habitants aux décisions essentielles pour leur destin, et la manipulation à laquelle nous assistons aujourd'hui.

Je souhaite, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, que la commission des lois se prononce sur la signification exacte de ce référendum. S'agit-il simplement de faire valider la suppression des départements, aujourd'hui en Corse et demain dans l'ensemble du pays ? Le électeurs seront-ils informés avant le référendum de la mise en cause des services publics et des menaces sur l'emploi qui découlent des projets gouvernementaux ? Seront-ils également informés de l'inéluctable augmentation des impôts territoriaux qui résulteront de tranferts de compétences importants ?

L'attitude de l'UMP, le revirement ou le silence de ses membres peuvent inquiéter quant à la portée de la manoeuvre en cours.

Rappelez-vous ! Voilà deux ans et demi, c'est le Président de la République lui-même qui, fait sans précédent, demandait le report du projet de loi présenté par le gouvernement de la gauche : « Dans notre République, dans notre pacte républicain, c'est le Parlement qui fait la loi et qui peut l'adopter et, c'est le Gouvernement qui fait les décrets et qui peut les adopter. »

Sur le fond de la démarche, la droite était profondément divisée entre adversaires de la rupture de l'unité de l'Etat et partisans, alors minoritaires, d'une évolution très largement décentralisée, voire fédérale, dont vous étiez, monsieur le ministre, puisque c'est sur cette base que vous aviez choisi l'abstention sur le projet de M. Jospin.

N'est-ce pas M. Fillon, alors principal orateur du groupe RPR à l'Assemblée nationale, qui avait déclaré : « En un mot, qu'avons-nous fait d'autre, monsieur le ministre, qu'alimenter la différence corse ?»

Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, monsieur le ministre, que faites-vous d'autre aujourd'hui ?

Un autre retournement de situation concerne la domination de la future assemblée unique. M. Paul Girod, rapporteur d'un projet de loi relatif à la Corse, déclarait, le 6 novembre 2001 : « Ainsi, le texte établit de manière extraordinairement insidieuse une tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les cent collectivités territoriales de l'île, ici par l'absence de mention des départements et des communes, là par l'affirmation d'une compétence générale pour les affaires de Corse. Cela me semble tout à fait contraire à l'esprit de la Constitution, laquelle pose le principe de libre administration des collectivités territoriales ».

Comment ne pas noter la contradiction entre ces propos et ceux du président Christian Poncelet qui, en campagne en Corse la semaine dernière, vantait les mérites du présent projet de loi : « Cette réforme semble capable de mettre un terme à la fragmentation des pouvoirs, à la parcellisation des politiques, à la multiplication des chevauchements et à l'inflation des dépenses de fonctionnement. » Quelle est la droite qui parle vrai ? Celle d'hier, ou celle d'aujourd'hui ?

Aujourd'hui, la démarche n'est plus insidieuse, elle est claire. Malgré le refus par le Parlement d'inscrire ce principe dans la Constitution, le Gouvernement propose, ni plus ni moins, d'instaurer une tutelle de l'assemblée unique sur les communes et leurs groupements, les départements passant définitivement à la trappe.

A propos des départements, monsieur le ministre, rassurez-vous : nous sommes pour la proportionnelle en Corse comme sur le continent, nous n'avons pas changé de position, mais pouvez-vous vous engager aujourd'hui à consulter les deux conseils généraux corses sur le processus référendaire, alors que seule l'assemblée territoriale a été consultée à ce jour ? Je vous ai interrogé en commission des lois, vous ne m'avez pas répondu. Je profite aujourd'hui de l'occasion qui m'est donnée pour vous reposer la question.

Le dernier et non le moindre revirement est votre attitude à l'égard des nationalistes et de la violence.

Aujourd'hui, parmi les partisans déclarés du oui, qui vont des nationalistes à certains radicaux de gauche en passant par des éléments de la droite traditionnelle, la seule force politique qui soutient fortement et sans division apparente votre projet, c'est Corsica nazione, le mouvement de M. Talamoni.

Qu'en pense M. de Rohan, qui taxait ici même, en 2001, le leader nationaliste de « raciste », de « xénophobe » et d'« antidémocratique » et qui dénonçait « la société du fusil » ? Le président du groupe UMP expliquait même, page 4677 du Journal officiel du 6 novembre 2001, que le mouvement nationaliste était « aux antipodes de nos conceptions et de nos valeurs », tout en demandant avec force l'arrêt préalable de la violence.

Chacun sait ici cette violence continue en Corse. Les morts tombent, les bombes explosent toujours, monsieur le ministre, comme le rappellent les éléments statistiques que M. le rapporteur a lui-même fournis.

M. de Rohan, décidément très en verve, citait même, lors du débat sur le processus de Matignon, MM. Santoni et Rossi, dont les assassins courent toujours, monsieur le ministre de l'intérieur : « La révolution culturelle et politique que nous voulions accomplir, nous ne l'avons pas accomplie. Le goût des armes, la délinquance, le culte du voyou, toutes ces tares de la société corse que nous voulions gommer, la clandestinité n'a fait que les renforcer. L'ancienne caste politicienne et féodale du clan se porte bien et peut tranquillement se transformer en une nouvelle classe affairiste mieux adaptée au monde moderne ».

Ce sentiment apparaissait très nettement partagé, monsieur le ministre, au sein de la droite parlementaire, tout particulièrement au sein du RPR.

Pourquoi ce changement de pied ? Qui peut contester que des contacts et des ententes avec les milieux nationalistes aient eu lieu ? Vous avez dit tout à l'heure que vous discutiez avec les nationalistes. N'avez-vous pas d'ailleurs vous-même reçu, comme l'a rapporté la presse, M. Talamoni dans votre mairie de Neuilly et dialogué durant quatre heures avec lui ?

N'avez-vous pas fait l'éloge du président de l'université de Corte, qui vient de signer une lettre très controversée tentant d'amoindrir la responsabilité des auteurs de violence en Corse, et notamment des assassins du préfet Erignac ?

Ce texte, monsieur le ministre, vous l'avez trouvé vous-même « extrêmement choquant ». Et ce ne sont pas les rapiéçages de dernière minute qui modifient son caractère. Irez-vous toujours parler à Corte dans quelques jours ?

Vous venez de nous dire que condamner un acte crapuleux et mafieux ce serait lui donner une légitimité politique. J'espère, avec mon ami François Autain, ne pas avoir intrété ou déformé votre propos, monsieur le ministre ! Mais comment ne pas mettre cette phrase en rapport avec cet extrait du discours du Président de la République, le 9 février 1988, prononcé à l'occasion des obsèques du préfet Erignac et cité en épigraphe du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la sécurité en Corse : « Nous ne laisserons pas le crime et le non-droit s'installer en Corse. Nous ne laisserons pas attaquer l'Etat et ses serviteurs. Nous ne laisserons pas défaire l'unité du pays. »

Chers collègues, les opinions sont-elles mûres, dans cet hémicycle, pour se prononcer aujourd'hui sur le projet qui nous est soumis ?

De toute évidence, non ! Trop de non-dits, trop de revirements, trop d'intrigues et de manques de franchise montrent bien que le débat doit être approfondi, que les conditions d'élaboration des projets gouvernementaux pour la Corse doivent être mises sur la table et que chacun, ici, doit pouvoir s'expliquer sereinement et ne pas être obligé de se déjuger de manière par trop indigne.

Peut-on passer vite sur le fait que la Corse est aujourd'hui confirmée dans son rôle de laboratoire institutionnel, une fois de plus ? Ne faut-il pas alerter les électeurs résidant en Corse, qui sont des citoyens français comme les autres, sur le rôle qu'on entend leur faire jouer de précurseurs de la République des particularismes et non pas d'une République démocratisée, dont une décentralisation solidaire, soucieuse de l'égalité sur le territoire, serait l'un des moteurs ?

Comme vous nous l'indiquiez en commission des lois, monsieur le ministre, « le statut proposé pour la Corse constituerait un modèle susceptible d'intéresser d'autres collectivités ».

L'enjeu de ce référendum dépasse donc la question de la spécificité corse, dont chacun reconnaît la réalité.

Ce référendum constitue un moyen pour le Président de la République et le Gouvernement de pousser les feux de leur décentralisation libérale - c'est ce qu'a dit Hélène Luc tout à l'heure - en contradiction totale avec l'idée d'une République généreuse, munie de puissants services publics pour garantir la protection de l'intérêt général.

C'est bien un choix de société qui nous est proposé aujourd'hui et ce n'est pas vous, monsieur le ministre de l'intérieur, qui me démentirez sur ce point.

Pour nous, sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, un vote positif le 6 juillet prochain autoriserait l'émiettement de la République. Demain, d'autres régions, comme l'Alsace, que l'on évoque déjà, demanderaient la mise en place d'un statut particulier, avec, à terme, la disparition des départements et un transfert de compétences massif au détriment de l'unicité du service public. C'est bien là la raison de l'accélération du processus corse.

Certes, il y a des appétits financiers à satisfaire, et nombreux sont ceux qui s'aiguisent en contemplant la Corse et le marché, touristique notamment, qu'elle représente.

Mais c'est surtout l'accélération d'une modification profonde de l'architecture institutionnelle française qui est engagée. C'est l'enjeu même de ce texte !

Le gouvernement de M. Raffarin accélère les réformes. Mais celles-ci s'apparentent à une véritable restauration libérale qui vise à faire sauter la structure républicaine de notre pays, qui bridait l'individualisme au profit du collectif.

Les Corses, monsieur le ministre, qui attendent depuis si longtemps qu'un plan d'envergure soit mis en place pour assurer le développement de l'île, n'ont pas beaucoup à espérer de ces péripéties institutionnelles qui masquent de bien mauvaises intentions.

En 2001, j'avais exposé mes craintes devant les retards accumulés par la Corse sur le plan économique et devant la précarité qui y règne. J'avais préconisé un certain nombre de pistes de réflexion pour le développement, en me félicitant d'ailleurs de l'instauration du programme exceptionnel d'investissement pour une somme de deux milliards d'euros. Ce qu'attendent les Corses, qui, pour l'immense majorité d'entre eux, sont fidèles à leur attachement à la République et à ses valeurs, c'est l'élaboration d'un véritable projet pour l'île.

Les élus communistes de Corse sauront, avec d'autres, préconiser le « non » à un référendum qui vise plus, je le répète, à utiliser les Corses pour imposer un choix de société à l'ensemble du pays qu'à assurer l'épanouissement et la reconnaissance d'hommes et de femmes qui font la force de la République.

Pour l'heure, je vous propose de renvoyer devant la commission un projet de loi - je pense surtout à son annexe - qui ne répond pas à l'exigence constitutionnelle de clarté des dispositions soumises à un référendum.

C'est le sens de la motion que nous vous suggérons à présent d'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission des lois a pu se prononcer en toute connaissance de cause. Ce projet de loi a été adopté au terme d'une large concertation, dont j'ai rappelé les principales étapes dans mon rapport.

Je voudrais dire à mon collègue Robert Bret, qui a repris certains des propos de l'exposé que j'avais fait à l'occasion de la discussion de la loi présentée par M. Jospin, que, dans le présent rapport, j'ai indiqué que l'Etat devait assumer l'ensemble de ses responsabilités et devait, par son action, aider les Corses à relever les deux autres défis auxquels ils sont confrontés : l'arrêt de la violence et le développement économique. Je n'ai donc pas changé d'avis depuis deux ans. Je considère simplement que les problèmes n'ont pas encore été résolus.

Les orientations que ce projet de loi contient ont reçu l'avis favorable de l'assemblée de Corse le 18 avril dernier, sous réserve de quelques recommandations, dont la principale a d'ailleurs été prise en compte.

En ma qualité de rapporteur de la commission des lois, je me suis moi-même rendu en Corse du 22 au 24 avril dernier, afin d'y rencontrer les représentants de l'Etat, les élus locaux et les représentants des différentes formations politiques.

La commission a entendu M. le ministre de l'intérieur le 30 avril dernier, au cours d'une longue audition.

Enfin, elle a adopté un amendement de réécriture de l'annexe, destiné à en clarifier le contenu sans remettre en cause ni sa philosophie ni son dispositif.

Ce contenu, contrairement à ce que soulignent les auteurs de la motion, est extrêmement clair. Il vise à substituer une collectivité unique et déconcentrée à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements actuels.

M. Robert Bret. Nous sommes bien d'accord !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La question du pouvoir normatif de la collectivité unique, ou plus précisément celle de la possibilité pour une collectivité territoriale d'être habilitée à déroger, à titre expérimental, aux lois et règlements régissant l'exercice de ses compétences n'a pas à figurer dans l'annexe du projet de loi. En effet, la mise en oeuvre de cette possibilité, donnée à l'ensemble des collectivités territoriales - et pas seulement à la collectivité territoriale de Corse - par la révision constitutionnelle du 28 mars dernier suppose l'adoption préalable d'une loi organique. L'annexe indique d'ailleurs que les compétences de la collectivité unique pourront être étendues par les lois générales de décentralisation.

Par ailleurs, en présentant votre motion, vous avez indiqué qu'un référendum serait organisé. Non ! Il s'agit d'une consultation ! Je serais tout à fait d'accord avec vous s'il s'agissait d'un référendum. Dans ce cas, l'annexe aurait dû être beaucoup plus précise et il aurait fallu renvoyer le texte à la commission. Mais il s'agit simplement d'une consultation et, comme on l'a dit tout à l'heure, celle-ci doit être claire sans trop entrer dans le détail.

Enfin, ce projet de loi s'inscrit pleinement dans le cadre de l'acte II de la décentralisation ouvert par la majorité actuelle, dont j'ai souligné dans mon exposé général toute la cohérence.

C'est donc en toute connaissance de cause et en souscrivant pleinement à ses dispositions que la commission des lois a adopté le projet de loi.

En conséquence, je propose au Sénat de rejeter cette motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 22, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. Avant de passer à la discussion des articles, je souhaite interroger M. le ministre et M. le président de la commission des lois pour savoir s'ils souhaitent engager dès maintenant le débat sur l'article 1er et son annexe.

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est, par définition, à la disposition de la Haute Assemblée. C'est là ma première remarque.

Deuxième remarque, le Gouvernement aimerait toutefois pouvoir approfondir l'objet de quelques amendements avec leurs auteurs pour être bien sûr d'en avoir compris l'esprit.

Enfin, troisième remarque, il n'est pas sûr que la clarté du débat gagne à ce que nous examinions cinq, six ou sept amendements à zéro heure quinze !

Quoi qu'il en soit, que personne ne pense que le Gouvernement est le moins du monde fatigué : naturellement, il n'en est rien ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J'étais plutôt d'avis de poursuivre un peu le débat, mais j'ai bien entendu M. le ministre, qui considère que, pour la clarté dudit débat, il serait peut-être plus sage de remettre à demain la discussion des articles.

Mme Hélène Luc. Cela veut dire que tout n'est pas encore clair !

M. René Garrec, président de la commission des lois. A mon avis, nous aurions pu examiner les cinq premiers amendements cette nuit, et remettre l'examen des amendements portant sur l'annexe à la séance de cet après-midi. Mais, après tout, s'il faut renvoyer l'ensemble du texte à quinze heures, je n'y vois aucun inconvénient.

M. le président. Cela me semble en effet plus sage.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse
Art. 1er

9

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Nicolas About et Paul Blanc une proposition de loi rénovant la politique de compensation du handicap.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 287, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de MM. François Autain, Jean-Yves Autexier et Paul Loridant une proposition de loi visant à garantir le respect du principe de laïcité au sein de l'école publique et de la fonction publique.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 288, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

Proposition de décision du Parlement et du Conseil modifiant la décision n° 508/2000/CE du 14 février 2000 établissant le programme Culture 2000.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2261 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 163/2001/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 janvier 2001, portant sur la mise en oeuvre d'un programme de formation pour les professionnels de l'industrie européenne des programmes audiovisuels Média, formation 2001-2005.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2262 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 2000/821/CE du Conseil, du 20 décembre 2000, portant sur la mise en oeuvre d'un programme d'encouragement au développement, à la distribution et à la promotion des oeuvres audiovisuelles européennes (Média Plus, Développement, distribution et promotion).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2263 et distribué.

J'ai bien reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

Initiative du royaume du Danemark visant à l'adoption d'un acte du Conseil modifiant le statut du personnel d'Europol.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2264 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen : « Vers une application uniforme et efficace de la politique commune de la pêche ».

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2265 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Recommandation de la commission concernant les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de la Communauté (période 2003-2005).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2266 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Proposition de décision du Conseil relative à des lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2267 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Recommandation de la Commission pour une recommandation du Conseil concernant la mise en oeuvre des politiques de l'emploi des Etats membre.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2268 et distribué.

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DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Gérard Larcher et Gérard César un rapport d'information, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan et du groupe d'études « Economie agricole et alimentaire », sur les actes du colloque « Vin, santé et alimentation » organisé par le Sénat le 6 novembre 2002.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 286 et distibué.

J'ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport d'information, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur, les perspectives d'évolution de la fiscalité locale.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 289 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 14 mai 2003, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 274, 2002-2003) organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.

Rapport (n° 277, 2002-2003) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 204, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 mai 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 mai 2003, à dix-sept heures ;

Question orale avec débat n° 16 de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la réforme de la politique agricole commune :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 mai 2003, à dix-sept heures ;

Question orale avec débat n° 15 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur l'avenir des services publics :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 mai 2003, à dix-sept heures ;

Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck relative à l'application des peines concernant les mineurs (n° 228, 2002-2003) :

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 mai 2003, à dix-sept heures ;

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux privilèges et immunités de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge en France (n° 203, 2002-2003) :

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 mai 2003, à dix-sept heures ;

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT-Industries (n° 284, 2002-2003) :

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 mai 2003, à dix-sept heures ;

Projet de loi de programme pour l'outre-mer (n° 214, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 mai 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 mai 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 mai 2003, à zéro heure quinze.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

NOMINATION DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN

M. Jean Bizet a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 56 (2002-2003) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux (E 1966).

COMMISSIONS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 284 (2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à certains personels de DCN et GIAT-Industries.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Bernard Seillier a été nommé rapporteur du projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

COMMUNICATION RELATIVE À UN AVIS

RENDU PAR LE CONSEIL D'ÉTAT

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication relative à un avis rendu par le Conseil d'Etat sur les conséquences des projets d'accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique en matière d'extradition et d'entraide judiciaire.

Cette communication a été transmise à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et à la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Situation des personnes handicapées psychiques

261. - 12 mai 2003. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées sur la situation des personnes handicapées psychiques et de leur entourage, souvent isolés, pour lesquels il serait légitime de mettre en oeuvre un véritable programme d'actions visant à répondre à leurs besoins spécifiques tels que suggéré par l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux. Il lui demande donc si elle envisage de lancer un plan de soutien à la maladie mentale, incluant par exemple, la création de lieux de vie adaptés, des mesures d'accompagnement de la personne et de soutien aux aidants familiaux, souvent démunis face aux ravages de la maladie mentale.

Récupération de la TVA sur les travaux d'enfouissement

des lignes téléphoniques

262. - 13 mai 2003. - M. Alain Vasselle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales s'agissant de la récupération de la TVA sur les travaux d'enfouissement de lignes téléphoniques qu'elles réalisent. Les collectivités sont fortement impliquées dans la réalisation de ces travaux qu'elles conduisent sous maîtrise d'ouvrage. Elles assurent, pour ces mêmes opérations, une part déterminante du financement nécessaire et bénéficient également de subventions du conseil général. Les réseaux ainsi effacés constituent de véritables opérations de valorisation esthétique, de sécurisation et de protection du patrimoine des collectivités. Ils contribuent, en outre, à augmenter la durée d'utilisation et de conservation des réseaux de télécommunication. Tout en demeurant propriétaires des ouvrages ainsi réalisés, les collectivités en concèdent l'usage, moyennant loyer, à un opérateur de télécommunication, en l'occurrence France Télécom. Ces investissements représentent des sommes excessivement lourdes, notamment pour les petites collectivités rurales, qui doivent de plus faire face désormais au désengagement financier de France Télécom pour les opérations à venir. Or, en l'état actuel, ces travaux ne donneraient pas lieu à récupération de TVA, ce qui impose aux collectivités de supporter une charge financière encore plus aggravante. Jusqu'à présent, les solutions de récupération de TVA proposées ne semblent pas réalisables. Eu égard aux sommes considérables en jeu et à la préoccupation grandissante des collectivités en la matière, il souhaiterait connaître les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour permettre notamment aux collectivités aux moyens financiers et humains modestes de récupérer, selon les modalités les plus simples possibles, la TVA sur leurs investissements d'effacement des réseaux téléphoniques.

Modalités de versement des aides aux entreprises d'insertion

263. - 12 mai 2003. - M. Francis Grignon appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les modalités du versement de l'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion. En effet, à ce jour, certaines entreprises d'insertion d'Alsace n'ont pas encore perçu les sommes versées au titre de l'enveloppe du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces sommes sont pourtant destinées à contribuer, sur l'année civile, au financement des surcoûts liés au surencadrement et à la moindre productivité des salariés en insertion. Cette situation récurrente pourrait être réglée de manière définitive si le financement de l'activité sociale des entreprises d'insertion pouvait faire l'objet d'un versement mensuel tel que cela se pratique pour les contrats emploi-solidarité (CES). Il souhaiterait donc savoir si le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre cette proposition.

Indemnisation des sinistrés du naufrage du Prestige

264. - 12 mai 2003. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les conséquences de l'insuffisance et de l'inadéquation des crédits du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) qui est dans l'incapacité d'acquitter la facture du sinistre engendré par le naufrage du Prestige. Il lui rappelle que face au montant des dégâts occasionnés par la marée noire en Espagne et en France, estimé à un milliard d'euros, le taux d'indemnisation à 15 % est ridiculement bas. Alors que l'Etat et les collectivités locales ont déjà engagé des sommes considérables pour nettoyer les plages et tenter de prévenir les dégâts écologiques, compte tenu de la lenteur des procédures judiciaires, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'elle compte prendre afin que le principe du pollueur-payeur soit appliqué et que les trop nombreuses victimes de cette catastrophe soient indemnisées dans les meilleurs délais.

Sécurité des transports de fonds

265. - 13 mai 2003. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les difficultés croissantes en matière de sécurité pour le convoyage, le transfert des fonds, l'emploi et la vie des convoyeurs de fonds. Elle lui demande de lui confirmer l'échec des technologies nouvelles, ainsi que de l'utilisation des voitures banalisées aussi bien en matière de sécurité pour les personnels que d'efficacité de la protection des fonds. Elle s'étonne de constater l'existence de licenciements décidés par les sociétés de transport de fonds, qui devraient plutôt procéder à de nouvelles embauches pour aboutir à la mise en place de fourgons blindés, avec trois convoyeurs armés ayant reçu une formation professionnelle suffisante notamment en matière de maniement des armes. Ce qui suppose une politique tout à fait nouvelle de recrutement. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'il envisage pour contraindre les sociétés de transport de fonds à recruter les personnels en nombre suffisant et leur assurer la formation professionnelle nécessaire. Elle lui demande enfin s'il n'estime pas que le bilan des mises en conformité des installations industrielles, bancaires ou commerciales recevant des fonds appelle de nouvelles mesures d'aménagement ou de construction avec obligation de les inscrire dans un dossier de permis de construire ou de déclaration de travaux avec avis des collectivités locales concernées et des services de la préfecture.