SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, il nous appartient de délibérer maintenant sur
les crédits du ministère de l'intérieur, qui assure le lien financier entre
l'Etat et les collectivités locales, pour partie tout au moins.
Monsieur le ministre, le débat sur les concours financiers que l'Etat consacre
aux collectivités locales a déjà eu lieu à plusieurs reprises à l'occasion de
la discussion budgétaire. On peut toutefois regretter que l'avocat des
collectivités locales que vous êtes au sein du Gouvernement ne soit pas présent
à chaque fois. Peut-être faudrait-il l'envisager ?
(Sourires.)
C'est en
tout cas le voeu que nous formons, afin que vous puissiez, y compris lors de la
discussion de la première partie du projet de loi de finances, défendre les
intérêts des collectivités locales.
Je ne m'appesantirai pas sur les chiffres, car beaucoup de choses ont déjà été
dites. Je noterai simplement que, si le montant global des concours financiers
de l'Etat aux collectivités locales est extrêmement important - 58 milliards
d'euros environ -, la marge de manoeuvre du Gouvernement est étroite.
Aujourd'hui, la moitié au moins du total des crédits a trait à tout autre chose
qu'à des dotations. Au sein des crédits inscrits au budget du ministère de
l'intérieur, qui s'élèvent à 9,7 milliards d'euros, 95 % servent à compenser
des exonérations fiscales et des transferts de compétences.
Je voudrais souligner les bons points, en quelque sorte, qu'il convient
d'accorder au Gouvernement pour l'encourager sinon à faire mieux, du moins à
poursuivre son action. Comme je le disais tout à l'heure en introduction,
monsieur le ministre, vous êtes naturellement l'avocat des collectivités
locales.
Pour l'exercice 2003, le Gouvernement a choisi, s'agissant des dotations, de
reconduire le contrat de croissance. Il convient d'y insister, car rien
n'obligeait le Gouvernement, dans une période budgétaire difficile, à continuer
de faire bénéficier les collectivités locales d'une part de la croissance. La
rigueur des temps aurait pu le conduire à maintenir simplement leur pouvoir
d'achat. Il a choisi de ne pas rompre avec la politique engagée ces dernières
années et cela me paraît important pour restaurer la confiance entre l'Etat et
les collectivités territoriales.
Il est un deuxième point que je souhaite aborder : la création d'un fonds
d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours,
les SDIS, doté de 45 millions d'euros, est prévue. Il s'agit, pour les deux
tiers, de crédits nouveaux que le Gouvernement met à la disposition de ces
SDIS, alors qu'auparavant, notamment sur l'initiative de la Haute Assemblée, on
procédait essentiellement à du recyclage de crédits non consommés. Je tiens à
souligner l'effort accompli par le Gouvernement en la matière. Même s'il faudra
aller plus loin, c'est un premier pas qui mérite d'être relevé.
Sur ces crédits qui, comme je l'ai dit, laissent peu de marges de manoeuvre au
Gouvernement, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur la
non-consommation des crédits - leur montant est d'ailleurs plutôt faible, mais
ils sont un peu symboliques - du plan de financement de la sécurité dans les
établissements scolaires. Ces crédits non employés sont, en cours d'année, en
partie ventilés sur d'autres articles. Ne serait-il pas plus judicieux de les
attribuer à des établissements scolaires, notamment après les déclarations que
vient de faire M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire sur la
sécurisation de ceux-ci ? Cela pourrait être un moyen de financer ces futures
dépenses, plutôt que de les mettre à la charge des collectivités locales.
Par ailleurs, la dotation globale d'équipement, la DGE, donne lieu à des
reports de crédits très importants. Ne serait-il pas possible d'accélérer les
procédures de répartition des crédits d'équipements ?
Monsieur le ministre, cette année, la discussion du projet de budget que vous
défendez devant la Haute Assemblée nous donne un sentiment non pas de quelque
chose d'un peu artificiel, mais de dernière fois.
Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de
la République, récemment voté au Sénat, a été peu modifié à l'Assemblée
nationale, ce qui devrait permettre de l'adopter définitivement au tout début
de l'année prochaine ; il va entraîner, pour le Gouvernement, un certain nombre
de conséquences, notamment en matière de transfert de responsabilité fiscale
aux collectivités locales.
La structure des concours financiers Etat-collectivités locales ne peut pas
rester telle quelle, sinon elle serait contraire à la Constitution. M. le
ministre délégué au budget nous a indiqué, la semaine dernière, que des études
étaient en cours pour transférer aux collectivités locales un impôt : ce
pourrait être la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il n'y a pas
vraiment fait allusion, mais, comme on nous a dit que tous les autres impôts
étaient impossibles à transférer, à l'exception de celui-là, nous en avons tiré
des conclusions.
Par conséquent, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour les collectivités
locales : elles auront moins de dotations d'Etat et plus d'impôts, ce qui est
sain.
Le montant des crédits consacrés par l'Etat aux collectivités territoriales
étant supérieur au déficit budgétaire, cela peut représenter une source
d'inquiétude pour celles-ci. Ce transfert de fiscalité propre constitue donc
une sécurité pour l'ensemble des collectivités territoriales de la
République.
Néanmoins, même si c'est l'une des dernières fois que les choses se passent
ainsi, je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur quelques
points qui sont de véritables casse-tête pour les collectivités locales au
moment où elles préparent leur budget.
Vous avez choisi la décentralisation comme moteur de la réforme. Il ne faut
pas la rendre impopulaire pour des raisons d'ordre fiscal. Or les communes, les
départements, les régions éprouveront les plus grandes difficultés, l'année
prochaine, à établir leur budget sans augmenter leurs impôts. Je n'en ferai pas
l'exégèse, car tout le monde connaît les sources d'inquiétudes, mais j'en
indiquerai au moins trois.
Tout d'abord, en ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de
secours, nous venons tous de rappeler notre attachement à l'égard des
sapeurs-pompiers, qu'ils soient volontaires ou professionnels. La nation a
besoin de ces services, mais il importe de trouver un moyen de financement
pérenne. Il ne faut pas que l'Etat et les collectivités locales se renvoient la
balle. En effet, aujourd'hui, l'Etat décide de mesures relatives aux SDIS, les
collectivités locales doivent payer et, de plus en plus souvent, lors de
congrès ou de réunions, les collectivités locales demandent à l'Etat d'assurer
de nouveau le financement de ces mesures concernant les SDIS. Cela n'est pas
satisfaisant, car, s'il est un service de proximité, c'est bien celui des
secours. Il est donc tout à fait normal que les collectivités territoriales, et
peut-être en premier lieu les départements, assument cette responsabilité. Mais
l'Etat ne doit plus prescrire des dépenses sans concertation avec les
collectivités.
Mme Jacqueline Gourault.
Bravo !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il faut trouver un financement pérenne et
équilibré.
La deuxième inquiétude des collectivités locales concerne les dépenses de
personnels. Des choses simples peuvent être faites ! Il ne s'agit pas de dire
que les fonctionnaires ne doivent pas être augmentés. Il faut simplement
souligner que les collectivités territoriales, les maires, les présidents de
conseil régionaux, les présidents de conseils généraux ne peuvent pas apprendre
simplement par les journaux les résultats des négociations menées entre le
ministre de la fonction publique et les organisations syndicales. Les grandes
associations d'élus doivent nécessairement être associées aux négociations
salariales menées par le ministre de la fonction publique. Cela ne me paraît
pas très compliqué et, sur ce point, vous pourriez nous donner satisfaction,
monsieur le ministre. C'est la moindre des choses lorsqu'on souhaite une
République décentralisée !
Par ailleurs, je voudrais vous parler - si je ne le faisais pas, vous seriez
déçus, monsieur le ministre ! - du financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie, l'APA.
M. Jean-Guy Branger.
C'est très important !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
C'est un véritable casse-tête ! Tout le monde
reconnaît la nécessité de prendre en charge la dépendance, et les Françaises et
les Français se sont véritablement approprié cette allocation. Dans quelques
semaines, le nombre des bénéficiaires de l'APA s'élèvera à 800 000.
Cette allocation correspond donc à un véritable besoin. Elle est bien perçue
par la population, ce qui se comprend puisque son attribution est soumise à
très peu de conditions. Mais rien n'est prévu pour assurer son financement. Un
groupe de travail a été mis en place. J'espère que ses réflexions seront
fructueuses, mais je doute que des ressources nouvelles puissent être trouvées
pour financer l'APA.
Seul le transfert rapide d'un impôt évolutif, productif, permettra aux
collectivités locales, notamment aux départements, de faire face à cette
dépense. On ne pourra pas vraiment modifier le dispositif, car nombreux sont
ceux qui bénéficient de cette allocation. Un deuxième régime, totalement
différent, pourra-t-il être créé en parallèle ? En posant la question, on a
presque la réponse. Il faut donc trouver un financement pour l'APA.
M. Jean-Claude Gaudin.
Lourde responsabilité pour ceux qui ont créé l'APA sans la financer !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Eh oui ! Mais ils sont partis !
M. Jean-Claude Gaudin.
C'est une lourde responsabilité, et il faut le répéter inlassablement !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Vous avez raison !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Vous l'avez votée !
M. Jean-Claude Gaudin.
Vous n'avez pas mis de sous !
M. Jean Chérioux.
Avec l'argent des autres, c'est toujours facile !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il est vrai que le gouvernement précédent a accompli
un exploit ! Depuis vingt ans, tous les gouvernements cherchaient la façon de
prendre en charge la dépendance. Celui-là l'a trouvé ! Il a simplement oublié
l'essentiel : le financement !
M. le président.
On est toujours généreux avec l'argent des autres !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
On peut donner sans problème l'argent que l'on n'a
pas !
M. Jean-Claude Gaudin.
Exactement !
M. Jean-Guy Branger.
Une loi est faite pour être modifiée !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il ne s'agit donc pas, aujourd'hui, de discuter de
crédits qui sont parfaitement normaux, légaux, bien calculés. Vous avez même
fait plus que ce que la loi vous impose, monsieur le ministre, et je vous en
donne acte !
Au-delà des recettes, les collectivités territoriales sont confrontées au
problème de la dépense. La dépense doit-elle toujours être décidée par l'Etat
ou bien doit-elle d'abord être fixée par les collectivités territoriales, qui
la financeront ensuite avec les moyens que leur donnera la loi
constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ?
Dans le second cas, nous aurons alors affaire à une véritable décentralisation.
Sinon, nos concitoyens ne pourront pas adhérer au principe de la
décentralisation, parce que les responsabilités ne seront pas clairement
définies.
Nous revendiquons, pour les collectivités territoriales, la responsabilité de
lever l'impôt et celle de décider de la dépense, bien évidemment dans le cadre
qui sera fixé par la loi. Cette double responsabilité me semble être la seule à
motiver au sein de l'opinion publique le bien-fondé de la décentralisation.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des
finances vous propose d'adopter les crédits de la décentralisation inscrits au
budget du ministère de l'intérieur.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la commission des lois a examiné avec attention le projet de budget
de la décentralisation. Elle s'est notamment préoccupée, d'une part, de
l'effort de modernisation des préfectures, d'autre part, de l'évolution du
concours financier de l'Etat aux collectivités territoriales.
S'agissant de l'effort de modernisation des préfectures, nous constatons que
l'amélioration de l'accueil du public, le renforcement de l'équipement et le
recours aux nouvelles technologies de l'information sont en constante
progression.
Je tiens tout particulièrement à saluer l'effort qui sera accompli en 2003 en
faveur de l'expérimentation de la globalisation des crédits de rémunération et
de fonctionnement des préfectures : près du tiers des préfectures, en effet,
sera concerné l'année prochaine.
Lors de son audition devant la commission des lois, le ministre de l'intérieur
nous a fait part de son intention de globaliser également les crédits
d'équipements des préfectures. Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre
soutien à cette démarche, qui participe de l'indispensable relance de la
déconcentration.
Dans son excellent rapport, notre collègue Michel Mercier, au nom de la
mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, a d'ailleurs
souligné que le pouvoir des préfets s'exerçait encore sur un périmètre trop
limité.
Or, pour être effective, la déconcentration suppose que le préfet soit le
véritable représentant interministériel de l'ensemble des services de
l'Etat.
A cette fin, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République tend à préciser que le représentant de l'Etat
dans les collectivités territoriales est le représentant de chacun des membres
du Gouvernement.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'appeler votre attention sur la
nécessité d'approfondir le partenariat entre les services de l'Etat et les
collectivités locales. Beaucoup d'élus locaux souhaitent légitimement, face à
la complexité croissante des dispositions législatives et réglementaires, que
les préfectures puissent leur apporter une plus grande expertise juridique.
J'en viens maintenant à l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités
territoriales.
Le projet de loi de finances pour 2003 a retenu l'attention de la commission
des lois sur deux points : d'abord, l'augmentation sensible des concours de
l'Etat, dans un contexte budgétaire pourtant difficile ; ensuite, l'existence
de plusieurs mesures qui préfigurent l'indispensable réforme des finances
locales.
M. Gérard Longuet.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités
locales connaîtront, globalement, une progression de 3,3 % en 2003 cela a été
rappelé.
L'article 23 du projet de loi de finances reconduit pour un an - c'est un
point important - les conditions de mise en oeuvre du contrat de croissance et
de solidarité en 2001, comme l'avait déjà fait la loi de finances de 2002.
La dotation globale de fonctionnement, ou DGF, progressera quant à elle de
2,29 %. En outre, elle fera l'objet d'abondements exceptionnels et
indispensables, selon une pratique désormais habituelle destinée à préserver le
montant des dotations de solidarité.
La dotation de solidarité urbaine, ou DSU, la dotation de solidarité rurale,
ou DSR, seront ainsi respectivement majorées de 35 millions d'euros et de 4
millions d'euros. Sur l'initiative de la commission des finances, le Sénat a
adopté un amendement tendant à majorer de 23 millions d'euros la dotation de
solidarité urbaine et de 6,5 millions d'euros la fraction « bourgs-centres » de
la dotation de solidarité rurale.
Deux dispositions du projet de loi de finances ont par ailleurs pour objet de
cibler sur les bénéficiaires de la DSU et de la fraction « bourgs-centres » de
la DSR des sommes qui auraient dû être versées à un nombre plus important de
collectivités.
Ainsi, l'article 12 intègre dans la « base » du solde de la dotation
d'aménagement la compensation de la suppression du droit de licence sur les
débits de boissons.
L'article 32 réserve aux communes bénéficiaires de la DSU et de la DSR le
bénéfice du versement par l'Etat de la fraction de la régularisation positive
de la DGE de 2001 destinée aux communes et à leurs groupements.
En l'absence de ces majorations exceptionnelles, les deux dotations de
solidarité auraient diminué de 20 % par rapport à 2002, ce qui aurait été
douloureusement ressenti.
Au-delà de la préservation des dotations de péréquation - importante dans le
contexte de contraintes budgétaires actuel -, le projet de loi de finances pour
2003 comporte trois mesures amorçant la réforme des finances locales.
En premier lieu, l'article 14 du projet de loi de finances tend à assouplir
les modalités de fixation du taux de la taxe professionnelle.
Les communes, les départements et les établissements publics de coopération
intercommunale pourront faire varier la taxe professionnelle dans la limite
d'une fois et demie la variation du taux de la taxe d'habitation ou la
variation du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières,
si elle est moins élevée. La commission des lois approuve ce dispositif ainsi
que les assouplissements supplémentaires introduits par le Sénat.
En deuxième lieu, l'article 13 assujettit France Télécom aux impôts directs
locaux dans les conditions de droit commun : les collectivités locales
bénéficieront donc désormais, en plus du produit des impositions locales
correspondant aux activités de téléphonie mobile, du produit des taxes
foncières et de la taxe professionnelle acquittées par l'opérateur.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
En troisième lieu, afin de ne pas pénaliser trop
fortement les dotations de solidarité urbaine et rurale, le Gouvernement a
décidé de modifier les critères d'indexation de la dotation d'intercommunalité,
en ne retenant que le seuil minimal du montant atteint l'année précédente.
Pour limitées qu'elles soient, ces trois réformes traduisent bien la volonté
du Gouvernement de réfléchir à une nouvelle architecture des concours de
l'Etat, comme notre collègue M. Michel Mercier l'a tout à l'heure souligné, et
notamment à une réforme de la dotation globale de fonctionnement qui, telle
qu'elle existe à l'heure actuelle, date, rappelons-le, de décembre 1993.
La refonte du dispositif des concours de l'Etat aux collectivités locales
devra toutefois attendre le préalable indispensable de la révision
constitutionnelle.
Je ne reviendrai pas sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle
relatif à l'organisation décentralisée de la République qui concernent
l'autonomie financière des collectivités territoriales : chacun les connaît.
Elles rendront inévitable la réforme des finances locales.
Cette réforme devra satisfaire à une triple exigence : premièrement, renforcer
l'autonomie fiscale des collectivités territoriales - faisons confiance aux
élus locaux pour déterminer librement le montant de leurs impôts - ;
deuxièmement, améliorer la prévisibilité et la lisibilité des concours
financiers de l'Etat en renouant avec le principe d'une programmation
pluriannuelle ; troisièmement, développer la péréquation, terme qui revient
souvent dans les débats actuels sur la réforme constitutionnelle.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, et dans l'espoir que la
réforme des finances locales, telle qu'elle est esquissée, se concrétisera
rapidement, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à
l'adoption des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la
décentralisation dans le projet de loi de finances pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut
que se réjouir que se soit ouvert un vaste débat national sur la réforme des
relations entre la République et ses territoires, débat dans lequel le Sénat
n'est pas en reste. On ne peut imaginer, cependant, que ce débat ne débouche
pas rapidement sur une interrogation d'ensemble quant à l'organisation des
finances locales, celles de nos communes, de nos départements et de nos
régions.
Cette période de débat s'est ouverte par l'examen du projet de loi
constitutionnelle. Elle se prolongera par la préparation d'une loi organique
qui se déclinera nécessairement par des lois d'adaptation.
La question revient avec force : quelles sont les modalités financières de ce
nouveau partage des responsabilités ?
Monsieur le ministre, il faut mettre à profit ce débat budgétaire pour nous
ouvrir des pistes et, en tout les cas, répondre à nos interrogations.
Mon intervention portera plus particulièrement sur l'échelon régional, mais je
m'empresse d'ajouter que nos collègues maires et présidents d'exécutif
départementaux ont toute ma sympathie : dans cette affaire, nous sommes
parfaitement solidaires.
Face à l'attente très forte des élus locaux, il faut prendre la mesure exacte
de la modestie des moyens des collectivités locales, en particulier des
régions. Je me dois de rappeler, à cet instant, quelques chiffres.
Le prélèvement par an et par habitant du budget moyen d'une région française
est de l'ordre de 200 euros. Pour un département, ce prélèvement se monte à
environ 600 euros, c'est-à-dire trois fois plus. Pour une commune urbaine
moyenne, le prélèvement budgétaire est de l'ordre de 1 200 euros par an,
c'est-à-dire six fois le prélèvement régional ; quant à celui de l'Etat, il
serait autour de 4 500 euros par an et par habitant, c'est-à-dire environ
vingt-deux fois le prélèvement annuel de la région.
Ces chiffres montrent - il faut que nous en soyons conscients - que notre pays
n'est pas aujourd'hui menacé d'éclatement, de parcellisation, de fragmentation
: la République ne s'efface pas devant la fédération des territoires.
A côté de ces chiffres et de ce rapport de force, la décentralisation, depuis
les lois de 1982, a été, à la surprise générale, vertueuse, je dois bien le
reconnaître, en ce sens que les prélèvements des collectivités locales au
regard du produit intérieur brut se sont situés entre 5,2 % et 5,8 % du PIB,
selon les modes de calcul ; s'ils ont diminué en pourcentage du PIB ces
dernières années, c'est sous l'effet pervers qu'évoquaient les deux
rapporteurs, MM. Michel Mercier et Daniel Hoeffel, d'une reprise de recettes de
collectivités locales par l'Etat et de la restitution partielle par l'Etat à
ces collectivités locales des revenus dont elles avaient été privées.
Nous avons donc une très forte attente, des moyens inégalement répartis, une
attitude depuis vingt ans qui a été vertueuse, puisque l'augmentation de 50 %
des sommes que les départements, tout comme les régions, consacrent aux
activités transférées, notamment les collèges, pour les uns, et les lycées,
pour les autres n'a pas entraîné une augmentation du pourcentage de prélèvement
par rapport au PIB, mais a pu se faire par une meilleure affectation à
l'intérieur des sommes prélevées.
Je formulerai trois remarques sur le constat immédiat, la problématique
constitutionnelle et l'exploration de plusieurs pistes.
Premièrement, sur le constat immédiat, nous devons faire face à un grand
désordre des finances locales. Je ne veux pas insister sur ce point, les
rapporteurs l'ont fait avec plus de pertinence et plus de compétence que je ne
saurais le faire. Je rappelle simplement que la région est passée d'une
autonomie financière des deux tiers en 1996 - deux tiers des recettes décidées
par les assemblées régionales - à un tiers en 2002 - un tiers seulement, mes
chers collègues ! Les deux tiers restants étant composés de dotations de l'Etat
transférées et de compensations fiscales que l'Etat doit assumer compte tenu de
ses propres décisions.
M. René-Pierre Signé.
Il ne les ajustera pas !
M. Gérard Longuet.
Dans ce constat de désordre, rappelons que le prélèvement fiscal direct est
parfaitement marginal. Il représente, en France, 0,6 % du PIB. Je rappelle
qu'un pays fédéral comme l'Allemagne donne à ses
Länder,
qui, pourtant,
ne bénéficient que partiellement de l'autonomie fiscale, 8,4 % du PIB. L'Italie
et l'Espagne connaissent une situation intermédiaire, puisque de 3 % à 3,5 % du
PIB sont affectés aux instances régionales.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ils ont le droit à la dépense !
M. Gérard Longuet.
Au grand désordre français s'ajoute donc la pauvreté, si on compare la
situation de nos régions à celle des autres régions d'Europe.
J'en viens, deuxièmement, à la problématique constitutionnelle : reconnaissons
qu'elle est courageuse, car elle est fondée sur les principes d'autonomie, de
tranfert loyal entre l'Etat et les collectivités locales et de péréquation.
Encore faudrait-il, monsieur le ministre, obtenir une clarification sur
l'autonomie financière et fiscale.
En France, le principe de l'autonomie, c'est la liberté de voter l'impôt. Je
rappelle qu'un grand pays fédéral comme l'Allemagne reconnaît l'autonomie des
Länder
et la fonde sur des recettes nationales certaines, prévisibles,
et affectées sur des bases stables. Je reviendrai sur cette piste, car
l'exemple est éclairant.
Pour ce qui est du transfert loyal de l'Etat vers les collectivités locales,
il est bon que le principe soit constitutionnalisé. Cependant, monsieur le
ministre, s'agit-il de transférer loyalement les dépenses antérieures, ce qui
est une bonne base de départ, ou s'agit-il plutôt de transférer loyalement les
dépenses qui auraient été nécessaires pour le bon fonctionnement des services
publics ? C'est tout le problème du bénéfice d'inventaire au moment du
transfert, ce bénéfice d'inventaire qui a été manifestement insuffisant - et je
parle d'expérience - en ce qui concerne le transfert des lycées.
Sur la péréquation, monsieur le ministre, je voudrais connaître votre
conviction. S'agit-il principalement d'une péréquation fondée sur un principe
de solidarité nationale ? Nous sommes enfants de la même République, et donc,
au nom de la solidarité, nous souhaitons une péréquation que l'on pourrait
qualifier d'« horizontale », en tout cas géographiquement nationale. Ou bien
s'agit-il d'une péréquation entre collectivités locales dans un même espace,
qu'il s'agisse de l'espace départemental ou de l'espace régional, au nom d'un
principe, qui d'ailleurs, n'est pas absurde, et qui n'est pas exclusif du
premier, celui de la solidarité des collectivités locales ? Ces collectivités
participent à la réalisation d'un même projet, même si, force est de le
constater, les modes de fiscalité actuels font que certaines communes dépensent
quand d'autres encaissent. Car, aujourd'hui, nous ne vivons pas, nous ne
dépensons pas et nous ne travaillons pas dans les mêmes communes. Cela exige
donc péréquation et solidarité, péréquation de solidarité nationale au nom
d'une justice républicaine, péréquation au nom d'une solidarité de proximité,
au nom de fonctions, par exemple, de centralité.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître vos orientations sur ces
questions.
En conclusion, je voudrais vous proposer d'explorer deux pistes.
La piste la plus souvent évoquée en matière de finances locales est celle du
transfert d'un impôt national existant aux collectivités locales. Les
collectivités locales auraient ainsi la possibilité de fixer librement le taux
de cet impôt sur des bases régionalisées ou départementalisées. Cette formule
est évoquée pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Je
crains cependant qu'elle ne puisse satisfaire au principe de péréquation. En
effet, il appartiendrait à la région concernée - si la base régionale est
faible - d'augmenter ses taux, ce qui n'est pas une réponse totalement
satisfaisante en matière de péréquation fondée sur la solidarité.
La seconde piste serait de clarifier et d'affecter les catégories d'impôt aux
différents niveaux de collectivité. Il est envisageable, par exemple, que la
collectivité communale hérite, par priorité, de la taxe d'habitation ou du
foncier. La collectivité départementale, dont la vocation sociale est forte,
pourrait, elle, bénéficier d'une partie de la contribution sociale généralisée,
la CSG, dans la mesure où cette recette nationale n'est pas de nature fiscale
mais, bien une vocation sociale. Quant aux régions, on pourrait imaginer
qu'elles se partagent la taxe professionnelle avec les intercommunalités.
Cela étant, il s'agit de répartir des ressources dont les bases sont inégales,
non actuelles et, pour beaucoup, insuffisantes.
C'est la raison pour laquelle, en conclusion, je voudrais évoquer l'idée de
l'attribution territorialisée d'une recette nationale. C'est la transposition
du principe qui a fait ses preuves chez nos voisins d'allemands.
Ce principe satisfait à l'indépendance, dès lors que ce transfert obéit à des
règles stables et prévisibles, qui seraient, par exemple, posées dans une loi
organique.
Cette formule permettrait la péréquation, puisqu'il suffirait que la
territorialisation de cette recette nationale soit accompagnée de paramètres
restituant sa spécificité à chaque territoire en fonction de sa démographie, de
sa population, de sa densité ou encore de son retard au regard de normes
nationales.
J'ajoute qu'un tel dispositif permettrait précisément ce que prône la
Constitution modifiée, à savoir un transfert loyal, puisque, dès lors qu'il y
aurait prévisibilité de cette recette, il appartiendrait à la collectivité
locale, dans le cadre de cette allocation prévisible et évolutive et en
fonction de la richesse nationale, de s'attribuer en quelque sorte les gains de
productivité qu'elle dégagerait en optimisant cette recette et l'utilisation de
cette recette.
Monsieur le ministre, il vous revient la redoutable responsabilité d'ouvrir le
dialogue. La passion et la compétence qui sont les vôtres nous donnent la
certitude que les semaines à venir seront mises à profit pour trouver une
répartition pertinente des ressources nationales et locales au service d'un
grand projet qui est aussi la passion des Français : leur territoire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
On peut toujours rêver !
M. le président.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion des crédits de décentralisation inscrits au budget du ministère de
l'intérieur m'offre l'occasion de revenir sur le financement des transferts de
compétences.
Je concentrerai mon propos sur les dépenses d'investissement dans le domaine
scolaire.
Pour assumer ces dépenses, les départements et les régions reçoivent
respectivement la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC,
et la dotation régionale d'équipement scolaire, la DRES. Ces dotations sont
indexées sur l'évolution de la formation brute de capital fixe des
administrations publiques : elles augmentent, pour 2003, de 2,60 %. Cette
évolution n'appelle pas de ma part de remarques particulières, sauf à rappeler
que, aujourd'hui comme hier, ces dotations ne permettent en aucune façon de
faire face à la réalité de la compétence transférée. En conséquence, les
collectivités territoriales ont dû imposer à leur population un effort fiscal
important, monsieur le ministre.
Votre collègue chargé du budget et de la réforme budgétaire, M. Alain Lambert,
énonçait mardi dernier, lors du débat sur les recettes des collectivités
locales, le principe qui, à ses yeux, fixe le cap gouvernemental sur cette
question des compétences transférées : « Qui commande paie ; qui paie commande.
»
Je vous propose donc, monsieur le ministre, à la lumière de quelques
illustrations récentes - mais je conviens qu'il serait aisé d'en trouver de
plus anciennes - de vérifier l'application de ce principe, non pour entretenir
la polémique, mais pour souhaiter la modification de ces pratiques.
Je me limiterai à trois illustrations.
Premièrement, M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire se déclarait,
la semaine dernière, choqué et scandalisé par les actes de violence qui ont
touché les établissements scolaires. Chacun d'entre nous partage cette émotion
et nul ne contestera qu'il est de la responsabilité de M. Darcos et de celle du
ministre de l'intérieur de traiter ce difficile problème.
Cependant, M. Darcos annonce qu'il équipera de clôtures les établissements
sensibles et, de manière plus générale, qu'il fera installer des kits de
surveillance dès que surgira un problème. Or, comme ses déclarations ne seront
pas suivies de l'octroi de moyens financiers supplémentaires, elles
entretiennent la confusion dans les responsabilités. Ce faisant, M. Darcos
déroge à ce que vous me permettrez d'appeler, par simplification, le « théorème
de Lambert »
(Sourires)
et intervient sur des compétences qui ne sont
plus les siennes.
J'en viens à ma deuxième illustration.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l'évolution des enseignements et
apprécier que, notamment dans les domaines professionnels, la formation
dispensée suive l'évolution des techniques. Les corps d'inspection ont pour
mission de réaliser cette nécessaire adaptation des enseignements.
Depuis que l'Etat ne supporte plus les conséquences financières de leurs
propositions, la créativité des corps d'inspection est stimulée et les nouveaux
référentiels sont imaginés avec un souci du détail confondant.
Ainsi, en date du 17 juin 2002, le conseil régional dont je suis l'élu
recevait des services de l'académie le courrier suivant, dont je vous livre
deux extraits :
« J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur la création du BEP des métiers
de l'électronique (...). Celui-ci requiert la mise en place d'une zone de
réalisation habitat/tertiaire. Cette dernière comprend un espace d'installation
tertiaire de 4,80 mètres sur 4,80 mètres, construit au moyen de cloisons sèches
alvéolées et de plaques de doublage fixées sur des supports métalliques qui
créent, à l'échelle réelle, une organisation spatiale du domaine de l'habitat
ou du tertiaire. Un plancher technique et un plafond équipent une partie de
l'espace délimité par les cloisons (...).
« Prioritairement, il serait souhaitable d'équiper chaque site de quatre
postes de câblage domestique, de quatre oscilloscopes portables, de cinq pinces
watt métriques, de quatre pinces ampérométriques et de quatre contrôleurs
d'installation. »
Cette lettre courtoise, qui proposerait au conseil régional,
in fine
,
de s'associer à la mise en place de ce nouveau diplôme, représentait, compte
tenu des cinquante établissements concernés, une dépense de l'ordre de deux
millions d'euros qui, de plus, devait être effectuée très rapidement, puisque
le nouveau référentiel entrait en vigueur à la rentrée de 2002.
Nous constatons, en l'espèce, la vérification du « théorème de Lambert », mais
inversé : qui conçoit ne paie pas ; qui paie ne conçoit pas !
Sans doute faudrait-il, si l'on veut faire progresser une réelle
décentralisation, améliorer les pratiques et, plus particulièrement, développer
davantage le partenariat et l'esprit de responsabilité.
J'en arrive à la troisième et dernière illustration.
La loi de finances s'attache à l'évolution globale de la dotation régionale
d'équipement scolaire, mais cette dernière est ensuite répartie par les
services du ministère de l'intérieur, à partir des indications fournies par les
ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture. J'ai souhaité
progresser dans la connaissance, s'agissant des modalités de répartition ; j'ai
donc interrogé les services compétents.
Je dois d'abord signaler la disponibilité de mes interlocuteurs -
interlocutrices en l'espèce -, leur écoute remarquable, et je vous charge,
monsieur le ministre, de transmettre mes remerciements pour la qualité des
renseignements que j'ai pu obtenir.
Les modalités de répartition de la DRES sont régies par un décret de 1985,
complété par un décret de 1987. Je vous épargne le détail des critères qui
touchent à la capacité d'accueil des établissements et à l'évolution de la
population scolarisable. Ils sont au nombre de neuf, chiffre peu étonnant
compte tenu de la complexité qui régit la détermination des dotations accordées
aux collectivités territoriales.
Je concentrerai mon illustration sur l'un d'entre eux, le plus important,
puisqu'il répartit 30 % du montant global de la DRES. Il s'agit de la
superficie développée hors oeuvre totale des bâtiments scolaires.
Les régions qui construisent les bâtiments ne sont, monsieur le ministre,
jamais interrogées sur ce sujet. L'information remonte chaque année vers le
ministère de l'intérieur par l'intermédiaire des résultats extraits d'une
enquête statistique beaucoup plus large effectuée, dans chaque académie, auprès
des chefs d'établissement. Si ces derniers ne renvoient pas l'enquête dans les
délais ou ne signalent pas les superficies supplémentaires, rien ne change !
Les chefs d'établissement que j'ai interrogés ignorent absolument que leur
réponse peut avoir une quelconque conséquence sur le montant de la DRES que
recevra leur conseil régional.
Sans dessaisir les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture de
leurs prérogatives et sans détruire leurs statistiques, ne serait-il pas
possible, monsieur le ministre, que les services du ministère de l'intérieur
adressent aux collectivités territoriales le détail des indications
statistiques retenues pour la répartition de la DRES ? Cela permettrait aux
collectivités territoriales qui le souhaitent de vérifier, en toute
transparence, l'exactitude des éléments utilisés.
Une telle démarche tendrait assurément à atténuer le sentiment
d'incompréhension qui trop souvent s'installe entre les services de l'Etat et
ceux des collectivités territoriales.
Je veux croire, monsieur le ministre, que ces quelques illustrations vous
fourniront des pistes pour améliorer la décentralisation au quotidien, sans
devoir pour autant engager une révision constitutionnelle.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget de la décentralisation se situe dans un contexte tout à fait
particulier, puisque, en toile de fond, se dessine le projet de réforme
constitutionnelle. Il serait donc pour le moins réducteur de nous cantonner au
simple examen d'une année budgétaire, une année de transition, même si elle
préfigure ce qui attend les Françaises et les Français si le projet de loi de
décentralisation était adopté.
C'est en effet la philosophie d'ensemble du projet de loi constitutionnelle
qui apparaît au travers des dispositions du projet de loi de finances, lequel
en constitue un début d'application. L'éducation, la culture, la recherche, la
santé, l'emploi, le logement, l'équipement connaissent des reculs significatifs
au moment où la solidarité nationale, devant l'insuffisance des moyens dans ces
secteurs, devrait jouer à plein. Ces reculs indiquent le recentrage de l'Etat
sur les missions que vous jugez, monsieur le ministre, essentielles, à savoir
la police, l'armée, la justice, laissant aux collectivités territoriales le
soin de s'occuper du reste. Or le reste, qui comprend l'éducation, la culture,
la santé est pourtant lui aussi essentiel pour la vie de nos concitoyens, pour
l'avenir des jeunes et de notre pays.
Comment les collectivités locales pourraient-elles y faire face sans augmenter
considérablement les impôts locaux puisque vous nous proposez, dans ce projet
de budget pour 2003, de réduire leurs moyens ? Il est inopportun de parler
d'une diminution des impôts nationaux lorsque pointe l'augmentation de la
charge fiscale des contribuables locaux.
Le Gouvernement, en parfaite concordance avec son projet de loi
constitutionnelle, commence dès maintenant à se dégager de sa responsabilité de
garant de la solidarité nationale. Mon collègue Thierry Foucaud a souligné que
les « collectivités sont une variable d'ajustement du budget de l'Etat ». Et
quelle variable !
« Comment Matignon veut faire maigrir l'Etat », titrait fort justement un
article du journal
Le Parisien,
le 28 novembre dernier. Le journaliste y
confiait aux lecteurs le contenu d'une note confidentielle du Premier ministre,
M. Raffarin, adressée aux préfets le 15 novembre pour leur demander, sous le
sceau du secret, de lui transmettre au plus tard le 13 décembre « les
hypothèses concernant l'organisation des services déconcentrés de l'Etat au
niveau départemental et régional ».
Monsieur le ministre, nous sommes le 3 décembre, allez-vous continuer à nous
expliquer que les assises des libertés locales sont un grand moment de
démocratie ?
M. Henri de Raincourt.
Cela, c'est vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Bien sûr ! Evidemment, vous n'avez
aucune idée de ce qu'est la démocratie !
(Protestations sur les travées du
groupe CRC.)
Mme Josiane Mathon.
Croyez-vous ?
Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret.
C'est un peu court !
Mme Josiane Mathon.
Très élégant.
Allez-vous continuer à expliquer aux élus locaux, aux maires, qu'ils n'ont
aucune crainte à avoir ? C'est avec une grande solennité que je tiens à
souligner combien je suis outrée que les parlementaires que nous sommes
apprennent par la presse les méthodes du Gouvernement pour avancer à marche
forcée vers l'application d'un texte dont vous refusez de débattre avec nos
concitoyens.
Déjà, pour 2003, vous diminuez les concours de l'Etat aux collectivités
territoriales. Le budget de la décentralisation, tel qu'il nous est présenté,
reconduit le contrat de croissance et de solidarité, garantissant une
continuité des dotations et des compensations de l'Etat aux collectivités
locales, mais la solidarité en sort affaiblie. L'augmentation de la DSU et de
la DSR se tasse, rompant avec ces années précédentes, et atteint 2 % en 2003,
contre 3 % en 2002. Elle n'a pourtant jamais été à la hauteur des besoins et
n'a nullement compensé les écarts entre les collectivités.
La majoration de la DSU et de la DSR que la majorité sénatoriale a fait voter
est en grande partie illusoire. Elle fait suite à l'engagement pris par M.
Lambert devant les députés concernant l'indexation de la dotation moyenne des
établissements publics de coopératin intercommunale, les EPCI.
La fin de la modulation des pertes de dotation de compensation de la taxe
professionnelle est une autre mesure défavorable aux collectivités
défavorisées. Nous regrettons qu'elle serve de variable d'ajustement en
baissant pour toutes les collectivités locales. Il nous semble pour le moins
contradictoire de décider que les collectivités défavorisées seront dorénavant
sur le même plan que les autres ! Le principe de l'autonomie fiscale des
collectivités locales auquel nous sommes opposés et que la majorité sénatoriale
réclame à grands cris n'est même pas respecté. En effet, vous supprimez, sans
compensation directe, le droit de licence des débits de boissons. Vous ne
substituez pas aux suppressions de bases de taxe professionnelle de nouvelles
bases d'impôts locaux. Il y a même pire, puisque certains sénateurs proposent
que l'Etat se débarrasse de la compensation des abattements qu'il décide. Que
devient alors la solidarité nationale ? Ce sont, en effet, les budgets des
communes dont les habitants sont les plus pauvres qui sont alimentés par l'Etat
au titre des abattements sur la taxe d'habitation. Quel est l'avenir des
compensations dues au titre de la taxe professionnelle ? Il faut rappeler que
ses bases ont été entamées de plus de 35 %, notamment avec la suppression
progressive de la prise en compte des salaires.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Par qui ?
Mme Josiane Mathon.
Ce recul de la contribution des entreprises accroît les difficultés dans les
budgets locaux. Est-ce celui que recommande le MEDEF ?
M. Henri de Raincourt.
Il y avait longtemps !...
Mme Josiane Mathon.
Dans un récent document sur la décentralisation - j'en recommande vivement la
lecture pour son accord quasi parfait avec le projet de loi gouvernemental -,
il propose de « repenser la fiscalité locale » avec, entre autres dispositions,
la suppression pure et simple de la taxe professionnelle au profit d'un
reversement par l'Etat d'un ou de deux points de TVA et d'un transfert partiel
de l'impôt sur les sociétés à l'intérieur du taux actuel ». La boucle est
bouclée ! Le MEDEF dit oui à la solidarité nationale, mais seulement si elle
concerne les entreprises. Un article du journal
Les Echos
du 26 novembre
faisait état des difficultés grandissantes des communes, mais aussi des
départements, à investir.
M. Jean Bizet.
Vous lisez trop !
Mme Josiane Mathon.
Croyez-vous ?
M. Henri de Raincourt.
Vous feriez mieux de vous concentrer sur
l'Humanité
!
Mme Josiane Mathon.
Mais je le fais aussi, figurez-vous !
M. Henri de Raincourt.
Oui, c'est plus rapide !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Et revenir au temps des
samizdat
!
Mme Josiane Mathon.
Il est vrai qu'il serait plus facile pour vous que nous soyons ignares. Vous
pourriez ainsi faire ce que vous voulez !
Pourtant, ce sont les trois quarts des investissements publics qu'elles
réalisent. Mais leurs capacités d'autofinancement se réduisent, d'autant que la
taxe professionnelle unique, forme de péréquation horizontale, a montré ses
limites.
La péréquation ne consiste pas à prendre à une collectivité pour donner à une
autre, d'autant plus que certaines collectivités territoriales connaissent des
difficultés proche de la cessation de paiement. Or, si le projet est adopté en
l'état, les abondements exceptionnels en faveur des dotations de solidarité,
déjà insuffisants, s'effectueront au détriment des autres collectivités.
Le précédent gouvernement dégageait des moyens sur ses propres crédits.
L'affectation du produit de la régularisation positive de la DGF de 2001 aux
dotations de solidarité représente 0,7 % de DGF en moins pour ces collectivités
en 2002.
Il est urgent de rechercher des crédits nouveaux, et tel est le sens des
propositions que nous avons faites au cours de ce débat, mais que vous n'avez
pas acceptées.
Verrons-nous enfin une réforme fiscale qui permette plus de justice, plus
d'égalité ? Verrons-nous enfin une contribution des entreprises à la solidarité
nationale ?
Comment ne pas comprendre les inquiétudes des maires, qui ont bien conscience
qu'avec le projet de loi constitutionnelle la situation de leur commune, comme
celle de leurs habitants, s'aggravera considérablement ?
Mais les mesures que vous proposez dans le projet de budget de la
décentralisation pour 2003 sont conformes à ce projet de loi qui a vocation non
pas à répondre aux besoins des habitants, à assurer la solidarité et la
redistribution des revenus, mais à être au service des dogmes libéraux.
Je le redis avec force, la décentralisation telle que vous l'annoncez,
monsieur le ministre, n'est pas une simple réorganisation institutionnelle.
C'est un choix de société, qui conjugue la baisse des dépenses publiques, le
recul des services publics, les privatisations et la concurrence entre les
individus et les territoires.
Pourtant, les dizaines de milliers d'agents publics qui étaient dans la rue le
26 novembre dernier montrent le chemin de la solidarité, celui d'un
développement et d'une modernisation des services publics. Ils ne s'opposent
pas à une véritable décentralisation démocratique, puisqu'ils réclament plus de
pouvoirs et le droit de décider dans leur travail, dans leur vie. Mais ils
refusent, dans l'intérêt de la population, l'éclatement programmé du service
public et de la solidarité nationale, l'explosion des inégalités. Ils ont
raison, et nous les soutenons.
En conséquence, nous voterons contre ce projet de budget de la
décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun a en
tête la position exprimée voilà peu par le ministre délégué au budget, Alain
Lambert : « La décentralisation vise à échanger de la liberté contre de
l'argent. »
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Une chose est sûre, ce n'est pas le présent projet de budget qui le contredira
: l'année 2003 sera sans conteste, pour les collectivités locales, une année
moins faste que les précédentes.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas vrai !
M. François Marc.
La nouvelle vague de décentralisation annoncée et vendue à grands coups de
communication se traduira inévitablement par un accroissement des charges
pesant sur les collectivités locales dans les années qui viennent, peut-être
même dès 2003.
Pour autant, le projet de budget qui nous est soumis n'annonce aucunement des
moyens complémentaires en faveur des collectivités. Les mécanismes de
correction des inégalités de ressources ne se trouvent en rien améliorés.
Nul ne doute aujourd'hui de l'intérêt d'une décentralisation accrue ; mais, à
trop vouloir ignorer la carte des récifs inégalitaires, le Gouvernement prend
le risque politique d'engager le vaisseau républicain dans une traversée
hautement périlleuse.
Le répertoire des inégalités est largement connu : on sait que le potentiel
fiscal par habitant varie de 1 à 900 dans les communes de France, de 1 à 8 dans
les départements, les régions connaissant, elles aussi, de notables disparités
de ressources. Les inégalités entre les contribuables ne sont pas moindres,
qu'il s'agisse de bases de calcul divergentes, d'exonérations plus ou moins
légitimes ou de taux parfois très différents d'une collectivité à l'autre.
Dans ce contexte, il a été fait appel, depuis plusieurs années, à des systèmes
de rééquilibrage et de péréquation destinés à réduire les injustices. A ce
titre, la péréquation nationale, malgré ses lacunes, apparaît comme étant la
solution la plus efficace pour réduire les inégalités financières entre les
collectivités.
Tout désengagement de l'Etat au niveau des dotations aux collectivités serait
à nos yeux, dans ce contexte de décentralisation accrue, une grave erreur
politique.
Or les données du projet de budget pour 2003 ne sont pas faites pour nous
rassurer.
Ainsi, à structure constante, les dotations évolueraient de 1,8 % en 2003
alors qu'elles avaient augmenté de 2,4 % en 2002. La dotation globale de
fonctionnement augmentera vraisemblablement moins vite que l'inflation ; la
dotation d'intercommunalité sera en baisse importante pour de nombreuses
communautés ; les montants alloués à la dotation de solidarité rurale et à la
dotation de solidarité urbaine sont bien modestes ; il a été annoncé que le
fond national de péréquation devrait subir une baisse de 18 %.
Le Gouvernement a certes reconduit, en 2003, le contrat de croissance et de
solidarité mis en place par ses prédécesseurs, reconnaissant implicitement la
pertinence de cette politique. Au-delà, il développe néanmoins de nouvelles
orientations qui sont tout à fait symptomatiques de la décentralisation
libérale proposée par M. Raffarin : le projet de budget pour 2003 annonce très
clairement le transfert des déficits de l'Etat sur le budget des collectivités
locales et relègue au second plan les dispositifs de solidarité et de
péréquation.
Ainsi, si le projet de budget reconduit le contrat de croissance et de
solidarité, il ne reconduit pas les dispositifs de péréquation l'accompagnant :
il abandonne, en particulier, les majorations exceptionnelles du fonds national
de péréquation. En 2002, le gouvernement précédent avait dégagé 146 millions
d'euros supplémentaires en faveur de la DSU et de la DSR. Votre projet de loi
de finances ne prévoit que 37 millions d'euros, ce qui a été rappelé tout à
l'heure.
Il est très vraisemblable que les transferts de compétences actuellement
envisagés impliqueront demain une plus grande sollicitation de la fiscalité
locale. Or, dans sa configuration actuelle, le système financier local est
source d'incertitudes et d'inégalités tant pour les contribuables que pour les
collectivités locales.
Au regard du processus de décentralisation en cours, il semble ainsi
nécessaire d'entreprendre au plus vite une réforme en profondeur du système
financier local destinée à renforcer l'importance de la péréquation et à
repenser la fiscalité locale. Le projet de budget semble très loin de cette
logique.
Une rénovation paraît pourtant urgente ; d'ailleurs, les comparaisons entre
pays européens montrent à quel point les systèmes péréquateurs novateurs
contribuent au développement équilibré et solidaire de territoires exposés à
d'inévitables inégalités de ressources du fait des hasards géographiques ou de
la logique concentrationnaire de la richesse que génère l'économie libérale,
dans ses excès.
Le propos peut être facilement illustré par l'exemple de l'Italie. Afin de
corriger profondément le processus de décentralisation libérale amorcé voilà
dix ans, générateur d'inégalités territoriales et d'inflation fiscale, l'Etat
italien a en effet été contraint de renforcer en catastrophe ses dispositifs de
péréquation verticale.
La méthode italienne du
stop and go
inspire-t-elle la démarche actuelle
du Gouvernement français ? Il est permis de le penser dès lors que l'on renvoie
à plus tard la réforme volontariste des finances locales, qui devrait
logiquement constituer le préalable indispensable d'une deuxième phase de
décentralisation.
Cette perspective défavorable est confirmée lorsque l'on examine le peu de
moyens que le gouvernement Raffarin est prêt à engager pour aider les
collectivités locales.
Premier élément de conclusion, mes chers collègues, le principe d'autonomie
qui a été débattu depuis des semaines au sein de notre assemblée n'apporte pas
les arguments justificatifs de cette deuxième phase de la décentralisation. En
effet, les comparaisons réalisées au niveau européen et les remarques formulées
aujourd'hui par tous les observateurs objectifs démontrent que la France
dispose d'une autonomie fiscale au moins égale, sinon supérieure, à la moyenne
des autres pays européens.
Second élément de conclusion, les transferts de charges envisagés, qui sont la
conséquence implicite du projet de décentralisation, ne rassurent pas nos élus
locaux. Il est clair que le recours accru à la fiscalité locale sera le pendant
naturel de ce mouvement de décentralisation, qui générera dès lors des
injustices supplémentaires, puisque chacun sait que le système fiscal local est
totalement archaïque et inadapté.
Le préalable nécessaire à toute évolution est une juste réforme des
prélèvements fiscaux locaux.
Monsieur le ministre, notre groupe ne votera donc pas le projet de budget de
la décentralisation pour 2003, car il ne nous semble pas fournir suffisamment
de garanties pour l'avenir et ne correspond pas aux orientations que nous
souhaitons en matière de financement des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Robert Bret.
Vous avez raison !
M. le président.
La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d'un
budget est un moment de vérité.
Les crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation,
en augmentation de 3,3 %, sont une indication sur les intentions du
Gouvernement.
C'est sans doute la dernière fois qu'ils nous sont présentés sous cette forme,
car il s'agit d'un budget de transition.
Nous sommes en effet entrés dans le vif du sujet de la décentralisation depuis
la discussion du projet de loi constitutionnelle. Les esprits sont mûrs, et il
est temps d'avancer.
Après les grandes lois de 1982 et 1983 lançant la décentralisation, nous
abordons aujourd'hui une nouvelle ère. Il est indispensable de comprendre les
erreurs et les fautes responsables de la « panne » de la décentralisation : il
nous faudra les corriger ou, en tout cas, ne pas les répéter.
La seule finalité qui s'impose est de faire mieux pour moins cher, ou,
autrement dit, d'être plus efficace avec moins d'impôts.
Cet objectif doit être dit et répété, car on l'entend peu. D'une manière
générale, il est davantage question de la répartition des ressources que de
leur réduction.
La méthode qui doit être adoptée est celle d'une vraie réforme de l'Etat.
C'est bien dans la réforme de l'Etat que s'inscrit la décentralisation. Ces
deux points forment un tout indissociable.
En effet, décentraliser sans réformer l'Etat central ne permettrait pas
d'atteindre l'objectif « faire moins cher », et l'objectif « faire mieux »
serait hypothéqué, malgré l'atout indéniable de la proximité nouvelle avec la «
France d'en bas ».
Je reviens aux erreurs de la première décentralisation. Le constat porte, pour
l'essentiel, sur trois points.
Premier point : les transferts de compétences. Quand l'Etat transfère des
compétences à une collectivité territoriale, il n'est pas suffisant de lui
transférer les moyens financiers correspondants ou de lui permettre de les
acquérir. L'Etat doit aussi transférer les moyens humains. Ce sont les femmes
et les hommes qui exercent une compétence qui sont les possesseurs de celle-ci,
et ne pas les transférer à la collectivité a deux inconvénients : d'abord, les
collectivités territoriales sont privées des talents humains, et le « faire
mieux » n'est pas optimisé ; ensuite, l'Etat central, qui conserve ces hommes
et ces femmes à sa charge, ne peut réduire son budget, et le « faire moins cher
» n'est pas au rendez-vous.
Le deuxième constat d'erreurs concerne la déconcentration, qui semble être une
action positive, l'Etat se rapprochant du citoyen ; mais c'est souvent un
leurre : dans plus de 50 % des cas, c'est une façon perverse de résister à la
décentralisation puisque le pouvoir central garde le pouvoir !
Les directions régionales des affaires culturelles, les directions
départementales de l'équipement, les directions départementales de la jeunesse
et des sports et autres directions départementales pourraient vraisemblablement
être intégrées, en tout ou partie, dans les régions ou départements.
Un travail de fond est nécessaire pour déterminer le manque de pertinence
d'une grande partie des services déconcentrés de l'Etat, afin de parvenir à
plus d'efficacité, à moins d'enchevêtrements de compétences éparpillées et afin
de freiner la multiplication de textes réglementaires.
Les élus locaux se perdent dans cet imbroglio. Remettons à plat les
déconcentrations pour simplifier, faire mieux et moins cher, et redonnons aux
préfets des responsabilités pleines et entières dans leur rôle de contrôle et
de conseil, seule déconcentration légitime.
La troisième critique de la décentralisation de 1982-1983 réside dans la
méthode : la décentralisation a été « octroyée » par l'Etat central et non
collectivement analysée avec les parties concernées, dans le respect de
l'excellent principe de subsidiarité.
Sur ce point, le Gouvernement s'est déjà exprimé et sa volonté va dans le sens
de l'efficacité. Le droit à l'expérimentation en est l'une des expressions
innovatrices, progressistes et courageuses.
Nous débattons, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le projet de
loi de finances pour 2003, mais nous engageons les années à venir, car c'est un
travail de longue haleine. Les Français souhaitent payer moins d'impôts et
attendent que leurs impôts soient mieux utilisés. C'est possible, et la réforme
de l'Etat est au coeur du dispositif. Sans elle, ce seraient des batailles
stériles de compétences entre les parties concernées, l'Etat et les différentes
collectivités territoriales, batailles débouchant immanquablement sur des
problèmes de ressources, qu'il s'agisse de la DGF, de l'APA, des SDIS, de la
vignette automobile, problèmes importants certes, mais secondaires compte tenu
de l'enjeu qui est, je le répète, de faire mieux avec moins d'impôts.
Dans une grande entreprise, la problématique est la même entre les services
centraux et les acteurs de terrain. Pour rester compétitive, elle doit procéder
à des restructurations quasi permanentes.
Or, la France est de moins en moins compétitive, et tous les indicateurs
internationaux enregistrent la baisse de sa compétitivité. Il faut donc
restructurer l'organisation de l'entreprise France pour, je le répète encore, «
faire mieux pour moins cher ».
Le projet de loi de finances pour 2003 ne peut avoir d'effets qu'à la marge,
puisque les réformes de fond n'ont pas été engagées, mais, dès 2004, les
premiers résultats devront être au rendez-vous.
Cohérence, proximité, clarification, simplification, voilà des mots que le
pragmatique que je suis a plaisir à entendre dans les propos de notre ministre
et à retrouver dans les différents rapports sur le sujet de la
décentralisation. Il est vital pour notre pays de réussir cette dernière, et
vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, de mon engagement et de mon
soutien pour cette mission dans laquelle vous êtes engagé.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais je vais parler d'argent !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Nous sommes là pour ça !
M. Bernard Fournier.
C'est en effet inéluctable lorsque l'on discute du budget de l'Etat ; mais, si
je parle d'argent, monsieur le ministre, ce sera surtout de celui que vous
allez nous donner, c'est-à-dire donner aux collectivités locales que le Sénat
représente.
Je dois avant tout saluer l'effort que fait le Gouvernement dans un contexte
budgétaire particulièrement difficile. On ne peut que remarquer que les
concours de l'Etat aux collectivités locales augmentent de 3,3 %, que, pour sa
part, la dotation globale de fonctionnement devrait croître de 2,29 % en 2003
et que des majorations exceptionnelles devraient permettre de préserver le
montant des dotations de péréquation.
Cependant, la route reste longue pour finaliser l'indispensable réforme des
finances locales qui est prévue à l'issue de l'adoption définitive du projet de
loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République.
J'en profite toutefois pour rappeler notre attachement à la défense de
l'autonomie fiscale de nos collectivités, au principe de programmation
pluriannuelle des concours que l'Etat nous accorde, car il améliore la
lisibilité de notre action et notre capacité à la prévoir, enfin notre
attachement à la péréquation.
Le changement de majorité intervenu au printemps implique que l'année 2003
sera une année de transition en matière de relations financières entre l'Etat
et les collectivités locales.
Les crédits de la décentralisation inscrits au budget du ministère de
l'intérieur s'élèveront à 9,7 milliards d'euros. Ils sont en progression de 20
% par rapport à 2002, soit 83 % de l'augmentation globale de ce budget, et ils
représentent désormais la moitié des crédits du ministère.
Ces chiffres marquent la ferme volonté du Gouvernement d'appliquer une
politique décentralisatrice.
Cependant, comme le soulignent les rapporteurs, 95 % des crédits compensent
des pertes de recettes fiscales ou des transferts de compétences, ce qui
signifie que les collectivités ne peuvent pas décider de leur affectation.
Ce budget est encore un budget de transition, car la réforme constitutionnelle
est seulement en cours. Cette réforme, nous l'attendions, car notre système de
financement local est à bout de souffle.
En effet, le transfert de nouvelles compétences aux départements et aux
régions a entraîné une croissance des budgets locaux de près de 5 % en 2002.
Cette croissance est intervenue après une progression de 3,8 % en 2001. Les
ressources fiscales sont donc en augmentation de 5,5 % et progressent
sensiblement, notamment en raison de la hausse confirmée des taux d'imposition,
qui est de 2 % en moyenne.
Les départements ont été particulièrement sensibles à la hausse du « besoin »
de fiscalité, à cause du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie
et des services départementaux d'incendie et de secours, sans parler des 35
heures.
Ces transferts de compétences non financés sont allés de pair avec une
réduction de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Comme le soulignent les commissions, les recettes fiscales correspondant à des
impôts dont les collectivités territoriales votent les taux s'élevaient à 54 %
en 1995. Elles ont été réduites à moins de 37 % pour les régions, à 43 % pour
les départements et à 48 % pour les communes en 2002. On peut donc parler d'un
vrai mouvement de recentralisation, pour ne pas dire de reprise en main par
l'Etat central. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la suppression de la
vignette automobile, de la part régionale de la taxe d'habitation ou encore de
la part salaires de la taxe professionnelle.
L'alourdissement des charges non compensées des collectivités résulte de
décisions sur lesquelles ces mêmes collectivités n'ont aucune prise :
l'organisation des services départementaux d'incendie et de secours et la
création de l'allocation personnalisée d'autonomie en sont deux beaux
exemples.
Par ailleurs, les transferts de charges ne vont pas toujours faire l'objet
d'une compensation intégrale, comme en témoigne l'exemple des dépenses de
personnel : les revalorisations des traitements des agents de la fonction
publique territoriale sont décidées unilatéralement par l'Etat, sans
concertation avec les représentants des collectivités. Ce serait tolérable si
ces revalorisations étaient intégralement compensées par l'Etat, mais il n'en
est rien.
Les ressources des collectivités territoriales évoluant moins vite que leurs
charges, on parvient à une augmentation de la pression fiscale sur les
contribuables locaux. Au final, l'Etat s'en sort à bon compte. On a pu le voir
sous l'ancien gouvernement : on a créé l'APA à grand renfort de publicité, on
en a transféré la gestion au département sans en prévoir le financement, et le
département a été contraint d'augmenter les impôts. De ce fait, l'Etat
n'apparaît pas comme celui qui augmente la fiscalité et il peut clamer que tout
cela est la faute des élus locaux. La boucle est bouclée, et le hold-up
consacré ! Il nous faut impérativement sortir de ce cercle vicieux.
La situation financière des collectivités locales est de plus en plus fragile
et le développement de l'intercommunalité aggrave les difficultés du système de
financement local. L'augmentation du nombre d'établissements publics de
coopération intercommunale bénéficiant de la dotation globale de fonctionnement
s'accompagne nécessairement de celle du montant de la dotation
d'intercommunalité, et cela pèse lourdement sur les dotations de solidarité.
C'est purement mathématique.
Si le projet de la loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République implique la réforme des finances, soulignons que
le projet de loi de finances pour 2003 comporte déjà des mesures tendant à
renforcer l'autonomie financière des collectivités locales.
Nous vous en remercions d'ores et déjà, monsieur le ministre, tout en vous
rappelant que nous sommes attachés à ce que nos collectivités soient plus
libres : elles doivent avoir davantage de latitude pour gérer leur budget, en
ce qui concerne tant les charges que les ressources.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais, au préalable, excuser l'absence de Nicolas Sarkozy, qui
ne pouvait être présent parmi vous cet après-midi et m'a chargé de vous assurer
de toute l'attention qu'il portera à vos demandes.
Je souhaiterais remercier particulièrement les deux rapporteurs, MM. Mercier
et Hoeffel, qui, par leur soutien au Gouvernement et à son projet, par la
finesse et l'intelligence de leurs analyses, enrichissent la réflexion.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC. - M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis, lève les bras au ciel.)
M. Gérard Longuet.
C'est vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je le dis parce que je le pense, monsieur Hoeffel !
(Sourires.)
Votre exposé fut très détaillé et éclairant, au point qu'il
a répondu, en établissant la vérité des chiffres à un certain nombre
d'objections de l'opposition avant même qu'elles aient été formulées.
M. Mercier, quant à lui, a soulevé des questions intéressant l'avenir,
auxquelles je m'efforcerai de répondre.
J'évoquerai maintenant, en premier lieu, les finances locales, puis, en second
lieu, l'administration territoriale.
S'agissant des finances locales, le Gouvernement doit s'efforcer de répondre à
trois questions : comment financer les nouveaux transferts de compétences qui
s'annoncent, sans provoquer, comme certains l'ont parfois craint, une explosion
de la fiscalité locale ? comment peut-on moderniser l'actuelle fiscalité locale
? comment donner à la péréquation une place véritable, ce qui renvoie,
évidemment, à la question de la réforme de la dotation globale de
fonctionnement, qui a déjà été abordée ?
S'agissant du financement de la décentralisation, problème d'une actualité
immédiate, le Gouvernement veillera scrupuleusement à financer les transferts
de compétences aux collectivités locales en attribuant à celles-ci les
ressources correspondantes. La Constitution en fera d'ailleurs désormais une
obligation, et nous contraindra, comme l'a dit M. Mercier, à procéder par la
suite d'une manière différente de celle que tous les gouvernements ont employée
jusqu'à présent.
Je tiens à souligner, en effet, qu'il serait pour le moins paradoxal que ce
gouvernement, qui s'est engagé dans une politique de baisse globale des charges
et des prélèvements obligatoires, transfère aux collectivités locales des
déficits non financés. Ce serait là, bien entendu, une politique de gribouille.
Outre que cela n'aurait aucun sens, car la hausse de la fiscalité locale qui en
découlerait annulerait tout le bénéfice permis par la politique fiscale
nationale, je crois nécessaire de rappeler que les contraintes communautaires
ne permettent pas de distinguer entre les déficits publics selon qu'ils
proviennent de l'Etat ou des collectivités locales. La Commission européenne ne
fait pas de différence en la matière. Par conséquent, il est parfaitement vain
de vouloir transférer un déficit de l'Etat aux collectivités locales. C'est
pourquoi la décentralisation est avant tout, en réalité, un moyen d'améliorer
l'efficacité de la dépense publique, et non pas, comme les polémistes veulent
le faire croire, un moyen de transférer des déficits.
Par ailleurs, le principe d'autonomie financière des collectivités locales,
que nous avons également voulu garantir, trouvera obligatoirement à s'appliquer
à cette occasion. En effet, c'est d'abord par un transfert de fiscalité que la
compensation des transferts de compétences devra être assurée. La semaine
dernière, il y a été abondamment fait allusion dans cet hémicycle, et Alain
Lambert a eu l'occasion de faire un point précis sur l'état des réflexions du
Gouvernement en la matière. Sans y revenir dans le détail, je voudrais
maintenant les évoquer à mon tour.
Je rappellerai tout d'abord que nous donnons la priorité, en l'état actuel de
nos réflexions, à l'attribution aux collectivités locales d'une part du produit
de la TIPP, voire - mais ne nous avançons pas trop sur ce point -, de
l'intégralité de celui-ci, afin que le contribuable puisse clairement savoir
qui lève l'impôt. En effet, la responsabilité exige la clarté des compétences
et celle des financements.
Comme vous l'avait indiqué Alain Lambert, la TIPP présente le double avantage
d'être une taxe à la fois dynamique et équitablement répartie sur le
territoire. A cet égard, je rappelle à ceux qui, à l'instar de M. Longuet, ont
tout à l'heure soulevé le problème que son produit par habitant varie en fait
dans un rapport de un à deux selon les régions. Cela va donc, certes, du simple
au double, mais l'écart reste cependant bien moindre que celui que l'on
constate s'agissant du produit de la taxe professionnelle. La TIPP constitue
donc un instrument plus satisfaisant en termes de recherche d'égalité. Il reste
une difficulté juridique à lever, je le dis clairement, vis-à-vis de la
Commission européenne, avant que nous puissions donner aux collectivités
locales la liberté de fixer les taux. Le Gouvernement est résolu à mener cette
négociation à son terme.
S'il est important, certes, de bien financer les transferts de nouvelles
compétences, nous devons aussi traiter le problème des charges que l'Etat
impose aux collectivités locales, souvent sans concertation et sans qu'une
réelle compensation soit prévue. Là aussi, la réforme de la Constitution
empêchera les dérives que nous avons connues dans un passé encore très récent
et que les rapporteurs ont signalées, à juste titre, à propos, notamment, de la
mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Frimat a dénoncé tout à l'heure certaines pratiques administratives, dont
les deux premières contreviennent au principe selon lequel qui paie commande.
L'incitation à la dépense pratiquée par les représentants de l'Etat est forte,
même si elle est courtoise ; je l'ai bien compris au travers des exemples que
M. Frimat a donnés.
Vous avez conclu votre propos, monsieur Frimat, en disant que l'on pourrait
peut-être améliorer les choses sans changer la Constitution. Eh bien non,
précisément ! Pour venir à bout des comportements que vous avez dénoncés et
qui, souvent, sont d'ordre culturel, le centralisme étant très fortement ancré
dans notre histoire, il faut placer un verrou absolument sûr et en passer par
la réforme de la Constitution, par le recours au principe de la libre
disposition de leurs ressources pour les collectivités territoriales. Dès lors
que ce principe aura été posé, le verrou constitutionnel sera suffisamment
dissuasif, même si perdurera sans doute quelque temps cette habitude de
demander aux collectivités locales d'assumer des dépenses que l'Etat ne veut
pas financer.
Il n'est pas normal, M. Mercier a eu raison de le dire, que l'augmentation des
coûts salariaux se décide chaque année sans aucune concertation avec les
collectivités locales, qui sont pourtant employeurs et en supporteront donc les
conséquences. Et que dire des 35 heures ?
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je suis d'ores et déjà en mesure de vous annoncer
aujourd'hui, en plein accord avec Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, que le
Gouvernement souhaite associer à l'avenir des représentants des employeurs
locaux aux négociations salariales. Sur ce point, monsieur Mercier, vous avez
donc été entendu.
Il n'est pas non plus normal que les départements se soient vu confier la
responsabilité de couvrir les dépenses liées à l'APA. Je rappellerai
inlassablement les chiffres à cet égard : la dépense avait été estimée à 800
millions d'euros, mais elle sera de 2 milliards d'euros en 2002 et de 3,5
milliards d'euros en 2003, soit quatre fois plus élevée que prévu ! La
situation est tout de même explosive, et les départements ont été contraints
d'en tirer les conséquences dans leurs budgets et dans la fiscalité locale.
A ce moment, j'entends quelques esprits malicieux prétendre que la fiscalité
locale va s'emballer à la suite de la décentralisation. Or cet emballement, qui
a commencé de se produire dans les départements, est précisément la conséquence
des actes du gouvernement précédent, contre lesquels nous voulons nous garantir
par une réforme de la Constitution destinée à instituer des principes qui
rendront une telle attitude impossible. Il y a donc un certain cynisme à nous
adresser des reproches, alors que nous voulons, au contraire, garantir le pays
contre des actes pouvant mettre en péril l'équilibre de la fiscalité locale !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Nous ne pouvons, bien sûr, en rester là, et c'est pourquoi nous sommes en
train d'élaborer des solutions, en concertation avec les représentants des
conseils généraux. M. le Premier ministre a ainsi chargé MM. Fillon et Falco
d'animer un groupe de travail qui tient, en ce moment même, sa troisième
réunion technique en moins de dix jours. Nicolas Sarkozy et moi-même avons, par
ailleurs, avec nos deux collègues, commandité trois inspections générales,
respectivement à l'Inspection générale des finances, à l'Inspection générale
des affaires sociales et à l'Inspection générale de l'administration, afin de
réaliser un bilan de la mise en oeuvre de l'APA. Nous ne pouvons demeurer dans
la situation actuelle, qui est très lourde, et nous cherchons donc des
solutions.
En ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de secours, je
vous remercie, monsieur Mercier, des bons points que vous avez bien voulu nous
distribuer. Vous avez rappelé, à la suite des indications que Nicolas Sarkozy
avait données à M. Schosteck, que, d'ores et déjà, un certain nombre de
dispositions ont été prises, visant notamment à créer un fonds national de
soutien. Je suis d'accord avec vous, monsieur Mercier, le compte n'y est pas
!
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je n'ai pas dit cela !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Vous ne l'avez pas dit par courtoisie, mais je l'ai
quand même entendu !
(Sourires.)
En tout cas, c'est un premier pas, et
c'est en persistant dans cette voie que nous trouverons une solution.
Vous avez eu raison de dire que les services d'incendie et de secours sont des
services de proximité, et que la demande parfois exprimée d'une
recentralisation, qui est le fait d'élus excédés par ce qu'on leur a fait
subir, paraît quand même démesurée et, quoi qu'il en soit, à contresens.
J'en viens maintenant à la réforme de l'actuel système fiscal. Si la
Constitution nous donne désormais des orientations claires et pose des
principes en ce qui concerne le financement de la décentralisation ou la libre
disposition, pour les collectivités locales, de leurs ressources, elle nous
incite également à nous pencher sur la réforme de notre système de fiscalité
locale. Cette réflexion est devenue indispensable, ne serait-ce que pour ne pas
revivre, mais aussi pour corriger, ce que les collectivités locales ont subi
ces dernières années, au cours desquelles du pouvoir fiscal a été transformé en
dotations.
A cet égard, le gouvernement précédent a malheureusement préféré supprimer ce
qu'il ne voulait pas réformer, même si, en ce qui concerne la taxe
professionnelle, je veux bien reconnaître qu'il existait des difficultés.
Pourtant, la croissance que nous connaissions alors aurait tout de même
facilité la mise en oeuvre d'une réforme fiscale, tandis que la situation est
aujourd'hui plus difficile. Les défauts du système fiscal, que le rapport de M.
Hoeffel a mis en lumière, nous sont aujourd'hui bien connus. La fiscalité est
complexe et elle est illisible pour le contribuable, qui voit la même assiette
taxée à la fois par les communes, les départements, les régions et, depuis
quelques années, les établissements publics de coopération intercommunale, les
EPCI. Sur la même feuille figurent toutes les impositions, et comme la part
communale est généralement la plus importante, le citoyen qui n'y regarde pas
de trop près, le contribuable qui ne lit pas attentivement les renseignements
qui lui sont donnés croit souvent que tout est imputable à la commune, ce qui
tend évidemment à organiser une forme d'irresponsabilité.
Ce système fiscal, comme l'a dit M. Hoeffel, est aussi archaïque et injuste en
ce qu'il repose sur des valeurs locatives remontant parfois à trente ou à
quarante ans. Il est en tous les cas fortement inégalitaire, puisque, lorsque
le logement est récent ou qu'il a été récemment rénové, sa valeur locative s'en
trouve réactualisée, tandis que, dans le cas contraire, celle-ci reste très
faible. Le système est donc à la fois archaïque, illisible, incompréhensible et
inégalitaire.
La réforme de la Constitution ouvre néanmoins la voie d'une plus grande
responsabilité accordée aux élus locaux. Elle les autorise ainsi à fixer à la
fois l'assiette et le taux de la fiscalité, dans des limites, naturellement,
que la loi déterminera. Elle leur confère, quoi qu'il en soit, une
responsabilité plus grande.
Il nous faut aussi voir comment les principes que j'ai évoqués pourront être
utilisés pour réformer cette fiscalité. Ce sera, bien entendu, difficile. Il y
faut une volonté politique, précisément parce que nous aurons opéré la réforme
de la Constitution avant la réforme fiscale. Contrairement à ce que vous avez
dit tout à l'heure, monsieur Marc, personne n'a entrepris jusqu'à présent la
réforme de la fiscalité locale, parce que personne n'y était réellement
contraint. Par conséquent, on la reportait toujours indéfiniment. A partir du
moment où nous réformons la Constitution et où nous posons des principes
constitutionnels, cette réforme fiscale deviendra obligatoire. Nous allons donc
être contraints au courage ; pour ceux qui n'en auraient pas, la loi suprême,
la loi constitutionnelle, les obligera à en avoir.
Le projet de budget pour 2003 s'inscrit donc dans cette perspective d'une
réforme de la fiscalité locale. Deux mesures importantes sont prévues afin
d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Il s'agit tout d'abord - mais je n'y reviendrai pas, car M. Hoeffel en a déjà
parlé - de la déliaison partielle des taux de la fiscalité locale, le
dispositif ayant été amélioré par le biais de l'adoption d'un amendement visant
les établissements publics de coopération intercommunale.
Il s'agit ensuite de la restitution aux collectivités locales des bases de la
taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier bâti de France Télécom. Voilà
douze ans que les élus locaux demandaient cette restitution ; elle sera
effective dès le mois de janvier 2003 même si, sur le plan comptable, cette
mesure sera - je ne cherche pas à le dissimuler - neutre pour l'année 2003.
Quoi qu'il en soit, elle prendra son plein effet en 2004, et ainsi la réforme
sera accomplie.
Le problème de la péréquation a été abordé par plusieurs orateurs, notamment
par M. Longuet. Les critiques qui ont été émises sur l'architecture actuelle
des dotations de l'Etat aux collectivités locales sont fondées. Elle est en
effet totalement illisible, regroupant trente-trois dotations différentes si
l'on considère le tableau recensant toutes les dotations de l'Etat aux
collectivités locales, et encore ne s'agit-il là que d'un tableau simplifié
!
Si cette architecture est devenue si complexe, c'est aussi que les intitulés
des dotations ont parfois perdu tout leur sens. Ainsi, la dotation de
compensation de la taxe professionnelle, la fameuse DCTP, ne sert plus à
compenser des pertes de recettes ; elle sert de variable d'ajustement
permettant de respecter la norme d'évolution du contrat de croissance et de
solidarité. Quant à la dotation générale de décentralisation, la DGD, elle est
désormais affectée, à hauteur de plus de 50 %, à la compensation des pertes de
recettes, et non pas au financement des compétences décentralisées. De même, la
plus grande partie des crédits du Fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle ne servent plus à assurer la péréquation, et je pourrais encore
prendre bien d'autres exemples de ce type.
Cette organisation est, à l'évidence, devenue obsolète, mais sa principale
faiblesse réside dans une péréquation insuffisante. En effet, sur les 30,5
milliards d'euros de dotations inscrites dans le contrat de croissance et de
solidarité, seulement 4,5 milliards d'euros, soit 15 % du total, sont attribués
en fonction d'un objectif de péréquation. C'est évidemment tout à fait
insuffisant.
Un récent rapport établi par le Commissariat général du Plan montre par
ailleurs que la péréquation s'essouffle de plus en plus, parce que le moteur en
est non pas la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité
rurale, comme on aurait pu le croire, mais la « photographie », au sein de la
dotation forfaitaire des communes, des mécanismes péréquateurs antérieurs à la
réforme de la DGF qui a été mise en oeuvre en 1993 par le gouvernement de M.
Edouard Balladur. Eh oui ! les plus ardents défenseurs de la péréquation ne
sont pas toujours ceux que l'on croit ! Alors que s'ouvre une nouvelle étape de
la décentralisation, il est devenu aujourd'hui indispensable de réformer en
profondeur cette architecture des dotations de l'Etat pour faire à la
péréquation la place que la Constitution nous oblige dorénavant à lui
réserver.
Ce vaste chantier comprend deux aspects principaux.
Tout d'abord, il faut revoir l'architecture de la DGF, qui fait aujourd'hui de
la péréquation la résultante de la DGF, après que la dotation forfaitaire
revenant aux communes et celle qui est attribuée à l'intercommunalité ont été
prélevées. Le développement très important de la coopération intercommunale,
pour heureux qu'il soit, a ainsi eu pour conséquence immédiate de réduire les
marges de manoeuvre financière au profit de la péréquation. L'Etat a alors été
contraint, depuis plusieurs années, de modifier les abondements exceptionnels
pour préserver l'évolution de la DSU et de la DSR.
J'en profite pour dire que, contrairement a ce qui a été indiqué, à la suite
de l'adoption des amendements du Sénat et de l'Assemblée nationale, la DSU et
la DSR augmentent de 5 %, c'est-à-dire plus que l'année dernière.
(Signes de
dénégation sur les travées du groupe socialiste.)
Les donneurs de leçons
feraient donc bien de regarder les chiffres d'un peu plus près ! Il en va de
même pour le fonds national de péréquation, qui augmente de 4 %.
(Nouveaux
signes de dénégation sur les mêmes travées.)
Là encore, vous devriez
regarder plus attentivement les chiffres.
(M. François Marc
s'exclame.)
De nombreuses solutions ont été évoquées pour réformer cette architecture. Je
pense, pour ma part, qu'il doit être possible de réorganiser cet ensemble.
Comme M. Michel Mercier le rappelait tout à l'heure, ces dotations diverses
atteignent 58 milliards d'euros et reflètent souvent des situations très
différentes, dépassées, qui sont le produit de l'histoire mais qui, en tout
cas, ont aujourd'hui peu de rapport avec l'équité et la compensation des
inégalités.
On peut regretter que les réformes nécessaires de la DGF n'aient pas été
conduites quand la croissance le permettait. Le résultat est qu'elles sont
difficiles à mettre en oeuvre aujourd'hui, mais la Constitution, en tout cas,
nous oblige à y procéder.
Le second chantier, moins visible mais peut-être aussi important dans ce
domaine, concerne les critères d'attribution des dotations : 33 000 communes
bénéficient de la fraction dite de péréquation de la DSR ; s'agissant des
communes de plus de 10 000 habitants, trois sur quatre sont, par ailleurs,
bénéficiaires de la DSU. Comme M. Michel Mercier l'avait souligné dans son
rapport, quel sens a encore la péréquation si la quasi-totalité des communes de
notre pays sont jugées défavorisées à un titre ou à un autre ? L'égalité « à la
française » consiste à considérer que tout le monde est dans une situation
inégalitaire, et, dès lors, bien sûr, tout le monde doit faire l'objet de
compensations ; c'est le seul moyen de ne pas en faire. La réponse à cette
remise en ordre n'est pas évidente,...
M. François Marc.
Ah !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... mais elle est indispensable.
Cette réforme de la DGF sera aussi l'occasion d'examiner le financement de
l'intercommunalité. Permettez-moi, ici, d'évoquer quelques pistes. Le
financement doit assurer aux groupements une meilleure prévisibilité de
l'évolution de leur DGF. Actuellement, les choses ne sont pas si claires. Le
coefficient d'intégration fiscale doit être maintenu dans son principe et
rénové parce qu'il est devenu très complexe et, cela a été dit à plusieurs
reprises, il génère des effets pervers. Telle est la situation actuelle. Le
Gouvernement était évidemment à l'écoute du Parlement et du comité des finances
locales pour élaborer cette réforme qui interviendra dans le courant de l'année
prochaine et qui est plus que jamais nécessaire.
Je dirai quelques mots sur l'administration territoriale. Monsieur Hoeffel, en
ce qui concerne la globalisation des préfectures, je vous indique que le
ministère de l'intérieur est aussi, bien sûr, le ministère des préfectures et
des sous-préfectures. Celles-ci sont les interlocuteurs quotidiens, sur le
terrain, des collectivités territoriales. M. Sarkozy m'a demandé de vous
remercier de l'extrême attention que vous avez portée à ces services dans votre
rapport.
Tout d'abord, les préfectures vont représenter, au cours de la nouvelle vague
de décentralisation qui vient de s'engager, un point de référence plus
indispensable que jamais pour les services de l'Etat. En pratique, ce sont
elles qui devront coordonner les transferts de compétences. Elles devront
organiser, dans la confiance, les relations entre les élus et l'Etat, et
veiller à la cohérence de la nouvelle organisation de l'Etat dans chaque
territoire. Leur rôle va donc être indispensable.
Ce rôle ne s'arrêtera pas une fois la décentralisation achevée. Les assises
des libertés locales ont montré qu'il existe une réelle demande pour que l'Etat
reste fort. Mais ne confondons pas un Etat fort et un Etat obèse, cet Etat qui
arrive à peine à faire le nécessaire et qui voudrait faire le superflu.
(Mme
Nicole Borvo s'exclame.)
Madame Mathon, vous avez dit tout à l'heure, et j'ai sans doute réagi un peu
vivement, que ces assises n'avaient rien à voir avec la démocratie. Il est
excessif de tenir de tels propos.
(M. Robert Bret s'exclame.)
D'abord,
c'est la première fois que, dans un processus de décentralisation, une
concertation a lieu. Gaston Defferre a eu le mérite d'avoir été le promoteur de
la décentralisation et d'en avoir réussi le premier acte, alors que nous,
gaullistes, avions échoué en 1969. Donc, je ne lui retire rien. Cependant, il
n'avait pas engagé de concertation en 1982 : les collectivités locales ont reçu
« d'en haut » un paquet cadeau, et elles ont dû se débrouiller.
M. François Marc.
Il a réussi !
M. le président.
Il a fait le plus facile !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Nous, nous engageons une concertation.
Mme Nicole Borvo.
C'est la même chose !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Celle-ci - et je voudrais dissiper un malentendu s'il y
en a un - n'est pas faite pour éclairer la réforme de la Constitution. En
effet, la réforme de la Constitution appartient au Parlement !
M. Gérard Longuet.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
Ah bon ? Non, elle relève du référendum !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Parlement doit donc prendre ses responsabilités. Le
Sénat les a prises, et je suis à l'aise pour le dire puisque, en première
lecture, il y a eu trente-quatre amendements. On ne peut donc pas dire que le
Gouvernement n'était pas ouvert à la concertation avec les parlementaires. En
l'occurrence, les assises des libertés locales sont faites pour organiser les
transferts de compétences...
Mme Nicole Borvo.
Ils sont déjà annoncés !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... qui interviendront après la réforme
constitutionnelle. De ce point de vue, elles sont très révélatrices, et même en
ce qui concerne les relations avec l'opposition, madame Borvo. Que l'opposition
demande des explications, c'est dans la nature des choses, c'est tout à fait
légitime. Si j'entends les critiques de l'opposition et parfois même une forte
hostilité, en revanche, je n'ai rencontré personne, pas même dans l'opposition,
qui me dise : « Je ne veux pas de transfert de compétences pour ma collectivité
territoriale ; je ne veux pas d'expérimentation. » Ceux qui critiquent le plus,
ceux qui sont les plus hostiles disent au contraire : « Je compte bien en
bénéficier moi-même pour ma collectivité locale. » Cette opposition doit donc
être relativisée. Quoi que vous en disiez, j'ai eu l'occasion de recevoir hier
matin - et c'est ainsi dans chaque réunion des assises des libertés locales -
les représentants du parti communiste, à Châlons-en-Champagne : ils m'ont fait
part de leurs observations, de leurs critiques, pas du tout de leur
approbation, bien sûr, et ils ont considéré que ces assises étaient un lieu
adapté pour la concertation et pour exprimer leur opposition. Ils ont pu
s'exprimer à cette occasion. C'est donc bien une réelle concertation qui a
lieu.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Donc, l'Etat doit rester fort. Nous n'avons aucun doute sur ce point. En
effet, l'Etat est garant de la liberté, et nous le constatons avec la politique
de sécurité que mène M. Nicolas Sarkozy. L'Etat est également garant de
l'égalité. C'est lui qui a la charge de la péréquation. Le fait d'inscire ce
principe dans la Constitution constitue donc une grande avancée. Les critiques
entendues sur des prétendues atteintes à l'égalité m'étonnent quelque peu. En
effet, ce sont ce gouvernement et cette majorité parlementaire qui ont inscrit
dans la Constitution le principe de la péréquation et qui donnent au principe
d'égalité une réalité concrète.
M. François Marc.
Vous avez refusé l'amendement !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Jusqu'à présent, l'égalité, c'était un voeu pieux de
dame patronnesse, mais ce n'était pas un droit.
(M. François Marc
s'exclame.)
Ce sera désormais un droit pour les citoyens, inscrit dans le
pacte fondamental.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo.
Vous avez refusé la péréquation !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Enfin, l'Etat est garant de la solidarité. Nous avons
donc besoin de l'Etat, de cet Etat qui assure l'essentiel, mais qui ne peut pas
tout faire sans se nuire à lui-même.
Pour assurer ses missions essentielles, l'Etat dispose aussi du contrôle de
légalité, l'assurance que la loi soit respectée par tout le monde. Monsieur
Hoeffel, vous avez souligné ce problème. Je veux vous dire que le Gouvernement
a engagé une forte réflexion sur le contrôle de légalité. Ce dernier a été
institué, fort heureusement, par Gaston Defferre en 1982. Je lui en suis
reconnaissant. Il a remplacé la tutelle par le contrôle de légalité et, d'une
certaine manière, il a remplacé la raison d'Etat par l'état de droit. Ce fut un
grand progrès. Mais, aujourd'hui, le contrôle de légalité est en crise, car il
est submergé par la quantité et par la complexité. Il faut sans doute le
réorganiser. Un premier pas est fait, avec la mise en place d'un premier pôle
interrégional d'appui. Nous devrons certainement évoluer vers davantage de
spécialisation.
M. François Marc.
Des fonctionnaires supplémentaires !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Voilà, en tout cas, les pistes auxquelles nous
conduisent cette réforme de la décentralisation et ce budget.
Vous avez raison, monsieur Michel Mercier, ce budget est effectivement un
budget de transition. Pour les collectivités territoriales, c'est, en principe,
le dernier qui s'articule en fonction des principes anciens, ou de l'absence de
principes anciens. Le prochain devra forcément respecter des principes
constitutionnels contraignants pour l'Etat et pour le Gouvernement, mais source
de davantage de liberté, pour les collectivités locales et pour les citoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés
aujourd'hui même.
ÉTAT B