SEANCE DU 10 DECEMBRE 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-85, présenté par MM. Gaillard, Lanier, Eckenspieller,
Doublet, de Richemont, Besse, Del Picchia, Pierre André, Murat, Demuynck,
Calmejane, Guerry, César, Lassourd, Dubrule, Ginésy, Gournac, Duvernois,
Leclerc et Gruillot et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du IV de l'article 271 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa rédigé comme suit :
« La taxe déductible, dont l'imputation n'a pu être opérée, peut faire l'objet
d'un remboursement immédiat, dans les conditions, selon les modalités et dans
les limites fixées par un décret en Conseil d'Etat. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création
de taxes additionnelles aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
L'amendement n° II-111, présenté par MM. Adnot, Darniche, Seillier et Türk,
est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le IV de l'article 271 du code général des impôts est rédigé comme suit
:
« IV. - La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée fait l'objet
d'un remboursement immédiat. »
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard, pour défendre l'amendement n° II-85.
M. Yann Gaillard.
Cet amendement tire la conclusion logique du texte du Gouvernement, qui a été
voté sans modification par l'Assemblée nationale.
Ce texte prévoit, en effet, que, lorsque des remboursements de TVA non imputés
ont été demandés à tort, cela peut faire l'objet d'amendes fiscales
importantes, allant jusqu'à 80 % dans le cas de manoeuvres frauduleuses, et 40
% dans le cas de mauvaise foi. Donc, puisqu'il existe désormais un dispositif
tout à fait dissuasif, à quoi bon maintenir tous les contrôles
a priori
?
Nous proposons donc le remboursement immédiat de la TVA sans que
l'administration se livre à des contrôles
a priori
à la fois coûteux
pour les entreprises et facteurs de retard. Cet amendement tend donc à
simplifier et à humaniser les procédures fiscales !
M. le président.
L'amendement n° II-111 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-85 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est intéressée par la démarche des
auteurs de cet amendement qui tend à simplifier les procédures fiscales. Ce
dispositif pourrait susciter un sentiment de confiance au sein des petites et
moyennes entreprises. Il a donc un aspect positif. En outre, il ne s'agirait,
pour l'Etat, que d'un coût de trésorerie. Nous ne risquerions pas de dégrader
le solde budgétaire, même à terme.
Cela dit, la commission ne maîtrise pas tous les aspects techniques et
opérationnels d'un tel dispositif. Elle souhaiterait entendre l'avis du
Gouvernement sur la possibilité matérielle, pour les services fiscaux, de
mettre en oeuvre une telle réforme.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je suis, je l'avoue, quelque peu surprise par la
proposition de M. Gaillard, car, il le sait aussi bien que moi, les demandes de
remboursement de crédits de TVA non imputables engendrent une dépense
budgétaire et ont donc, par nature, vocation à faire l'objet d'un examen sur la
forme et sur le fond destiné à vérifier leur bien-fondé.
Par conséquent, il s'agit de ne pas priver le traitement de ces demandes des
garanties minimales contre des erreurs, voire des manoeuvres frauduleuses,
notamment lorsque ces demandes sont présentées par des entreprises, disons,
éphémères.
Au demeurant, la difficulté doit être relativisée, car l'administration
fiscale est bien consciente de l'importance que revêtent les demandes de
remboursement de crédits de TVA pour la trésorerie des entreprises, notamment
pour certaines d'entre elles. Nous nous attachons, par conséquent, à traiter
ces demandes dans les meilleurs délais, délais qui ont encore été raccourcis au
cours de l'année 2001.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas
imaginer un seul instant, même très fugace, que notre collègue Yann Gaillard,
inspecteur général des finances, puisse émettre une proposition qui, de près ou
de loin, même de très loin, soit de nature à encourager on ne sait quelle
manoeuvre frauduleuse.
(Sourires.)
Peut-être le dispositif pourrait-il être amélioré ? Peut-être y a-t-il lieu de
le parfaire ? Il incombe, bien entendu, aux auteurs de l'amendement de nous le
préciser.
Contrairement à vous, madame le secrétaire d'Etat, la commission a estimé
qu'il pouvait s'agir, au moins pour des opérations de petits montants, d'une
simplification qui ne ferait pas prendre de risques excessifs au trésor public
et qui pourrait, par ailleurs, avoir d'utiles retombées économiques. Bien
entendu, toutes les vérifications nécessaires devront être faites pour que l'on
s'assure que l'Etat n'a pas été lésé et que pas un centime de crédit fictif n'a
été remboursé à telle ou telle entreprise. C'est précisément à cet égard que
les auteurs, moyennant une amélioration du dispositif, pourraient vous donner
toutes assurances afin que vous ne les suspectiez plus des pires intentions,
madame le secrétaire d'Etat !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Gaillard, l'amendement n° II-85 est-il maintenu ?
M. Yann Gaillard.
Si notre amendement était adopté, c'est le Gouvernement qui serait le maître
du jeu, puisqu'il est bien précisé que c'est un décret en Conseil d'Etat qui
fixerait les modalités d'un tel mécanisme. L'Etat en aurait donc la maîtrise
et, tant que le décret n'est pas pris, ne courrait absolument aucun risque.
Je le répète, cette démarche devrait à mon avis être multipliée dans le cadre
de la réforme permanente que doit connaître notre procédure fiscale : il faut
remplacer autant que faire se peut des contrôles
a priori
fastidieux,
lourds, qui font perdre du temps et de l'argent, par des contrôles
a
posteriori
assortis de sanctions très efficaces qui éviteraient la
tentation de céder à la fraude.
Ce mécanisme étant de surcroît encadré dans l'amendement, je l'ai déjà dit,
par un décret du Gouvernement, je ne vois pas où est le risque, et je maintiens
mon amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-85.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il convient de respecter l'équilibre entre les droits de l'administration,
d'une part, et, d'autre part, les droits et les obligations des
contribuables.
Lorsque l'on dit que le délai de remboursement de la TVA aux entreprises
créditrices a été raccourci, il s'agit du délai moyen et non du délai qui leur
est imposé dans la pratique. Or que constate-t-on dans la vie quotidienne des
entreprises ?
Lorsqu'une entreprise créditrice présente sa demande, dans un premier temps,
le dossier est ignoré ; dans un deuxième temps, on demande à l'entreprise toute
une série de justificatifs ; dans un troisième temps, le dossier de
l'entreprise est instruit et doit obtenir deux, voire trois signatures avant
d'aboutir au remboursement.
Si les sanctions sont renforcées en cas de remboursement indu, il me
paraîtrait logique d'instaurer un délai.
J'aurais donc souhaité voter l'amendement de M. Gaillard ; cependant le mot :
« immédiatement » doit être remplacé par les mots : « dans les deux mois qui
suivent la demande ». En effet, l'administration serait ainsi tenue d'instruire
la totalité du dossier de demande de remboursement de TVA dans les deux mois,
selon une procédure dont le décret préciserait les modalités. Le processus s'en
trouverait accéléré, car l'administration serait dans l'obligation de répondre
positivement si les droits de l'entreprise s'avéraient fondés.
Je ne peux donc pas voter l'amendement dans sa rédaction actuelle, et j'en
suis désolé pour notre collègue Yann Gaillard. Je lui suggère cependant de le
rectifier dans le sens que je viens d'indiquer, dans un souci d'égalité entre
l'administration et les entreprises - en l'occurrence, souvent, de petites
entreprises ou de jeunes entreprises qui se trouvent rapidement en situation
créditrice.
M. le président.
Monsieur Gaillard, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens
que vous propose M. Lachenaud ?
M. Yann Gaillard.
Tout à fait, monsieur le président, et je me réjouis que la Cour des comptes
vienne au secours de l'Inspection des finances !
(Sourires.)
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° II-85 rectifié, présenté par MM.
Gaillard, Lanier, Eckenspieller, Doublet, de Richemont, Besse, Del Picchia,
Pierre André, Murat, Demuynck, Calmejane, Guerry, César, Lassourd, Dubrule,
Ginésy, Gournac, Duvernois, Leclerc et Gruillot et Mme Michaux-Chevry, ainsi
libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du IV de l'article 271 du code général des
impôts est inséré un alinéa rédigé comme suit :
« La taxe déductible, dont l'imputation n'a pu être opérée, peut faire l'objet
d'un remboursement dans les deux mois qui suivent la demande, dans les
conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par un décret en
Conseil d'Etat. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création
de taxes additionnelles aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
Je mets aux voix cet amendement, repoussé par le Gouvernement et pour lequel
la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 54.
Article 54 bis