SEANCE DU 28 MARS 2001


M. le président. « Art. 19. - Le titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Stérilisation à visée contraceptive

« Art. L. 2123-1 . - La ligature des trompes ou des canaux déférents ne peut être pratiquée que si la personne intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences.
« Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin.
« Ce médecin doit au cours de la première consultation :
« - informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et des conséquences de l'intervention ;
« - lui remettre un dossier d'information écrit.
« Il ne peut être procédé à l'intervention qu'à l'issue d'un délai de réflexion de deux mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention.
« Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressé de son refus dès la première consultation. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 77, M. Seillier propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 21, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article L. 2123-1 du code de la santé publique :
« Art. L. 2123-1. - La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée que sur une personne âgée de trente ans au moins ou lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement.
« Elle ne peut être pratiquée que sur une personne majeure, ayant exprimé sa volonté libre et délibérée en considération d'une information claire et complète sur les conséquences et les risques de cette intervention et sur le caractère généralement définitif de celle-ci.
« Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin.
« Ce médecin doit au cours de la première consultation :
« - informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt, des conséquences et des risques de l'intervention et du caractère généralement définitif de celle-ci ;
« - lui remettre un dossier d'information écrit.
« Il ne peut être procédé à l'intervention qu'à l'issue d'un délai de réflexion de deux mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 78, présenté par M. Seillier et tendant à rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 21 pour l'article L. 2123-1 du code de la santé publique :
« La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée que sur une personne âgée de trente-cinq ans au moins, ou à un âge tel que le produit de cet âge par le nombre d'enfants mis au monde donne un résultat supérieur à cent, ou lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. »
Les deux amendements suivants sont présentés par Mmes Campion, Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 52 rectifié vise, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article L. 2123-1 du code de la santé publique, après les mots : "ne peut être pratiqué que", à insérer les mots : "sur une personne majeure et". »
L'amendement n° 53 tend, dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'article 19 pour l'article L. 2123-1 du code de la santé publique, à remplacer les mots : "deux mois" par les mots : "quatre mois". »
Par amendement n° 71, Mme Terrade, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter le texte présenté par l'article 19 pour l'article L. 2123-1 du code de santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« L'intégralité des dépenses liées à cet acte est prise en charge par l'Etat ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la prise en charge par l'Etat de la stérilisation à visée contraceptive sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder l'article 19 de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Seillier, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Bernard Seillier. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 19, non pas que ce texte ne mérite pas d'être considéré avec attention, ou qu'il ne puisse pas être mis au point ultérieurement, mais parce que, je l'ai dit lors du débat sur la contraception d'urgence lorsque j'ai évoqué la situation de la France, la perspective de légiférer pour légaliser la stérilisation ne semble pas à l'ordre du jour, et, en fin d'année, M. le ministre ne m'a pas démenti.
Pourtant, l'Assemblée nationale, sous la forme d'un amendement, a introduit dans le texte une disposition légalisant la stérilisation à visée contraceptive, cela, à mon avis, de manière précipitée, sans qu'aucune étude complète n'ait été faite sur la situation.
Tous les pays qui se sont déjà engagés dans cette voie, et parfois depuis longtemps, ont constaté des conséquences importantes sur leur situation démographique et sur leur taux de fécondité. Nous avons donc besoin, avant de légiférer dans ce domaine, d'une étude complète sur l'expérience de ces pays. Une telle étude n'a pas pu nous être fournie à l'occasion du présent travail législatif. C'est pourquoi je propose de supprimer l'article 19 dans l'immédiat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission reconnaît la nécessité de donner un cadre légal à la pratique de la stérilisation à visée contraceptive, qui est aujourd'hui largement pratiquée dans notre pays. On enregistre ainsi chaque année en France entre 25 000 et 30 000 actes de stérilisation volontaire à but contraceptif concernant essentiellement des femmes.
Toutefois, si la stérilisation a naturellement une fonction de contraception, elle ne saurait être présentée comme un moyen de contraception équivalent, par exemple, à une pilule contraceptive ou à un stérilet. Elles s'en différencie en effet par son caractère difficilement réversible.
La commission souhaite par conséquent que cette possibilité soit encadrée et que le cheminement soit le plus accompagné possible, pour que cette décision lourde soit mûrement réfléchie. Il convient en effet de protéger la santé des personnes et d'éviter que des excès ne puissent être commis, car il serait dommageable que la loi autorise, par exemple, une stérilisation sur une femme âgée de vingt-cinq ans, sans descendance et ne présentant pas de contre-indication à la contraception.
L'amendement n° 21 de la commission n'autorise la stérilisation à visée contraceptive que dans deux cas : si la personne est âgée de trente ans au moins, ou s'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. Cette mention vise simplement à protéger les plus jeunes d'une décision qu'ils pourraient ultérieurement regretter.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Seillier, pour présenter le sous-amendement n° 78.
M. Bernard Seillier. Il s'agit, on l'aura compris, d'un texte de repli par rapport à l'amendement de suppression n° 77, que j'ai exposé voilà un instant.
Présenté sous la forme d'un sous-amendement à l'amendement de le commission, il prévoit de porter à trente-cinq ans l'âge minimal pour pouvoir demander une stérilisation, en se référant à la règle dite des « cents » qui est en usage dans certains pays et qui consiste à multiplier l'âge par le nombre d'enfants : dès lors que le produit dépasse cent, la stérilisation est permise. C'est le cas pour une personne de trente-cinq ans ayant trois enfants.
Compte tenu du fait que la stérilisation a une incidence très significative sur le taux de fécondité dans tous les pays qui l'ont introduite, les responsables d'un pays ne peuvent pas, je crois, autoriser la stérilisation, qui peut légitimement correspondre à un désir individuel, sans apprécier à l'avance la portée et les conséquences de la décision qu'ils seront amenés à prendre.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 52 rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement d'ordre rédactionnel consiste à transférer à l'article 19 l'interdiction de la sérilisation des mineurs qui avait été posée à l'article 20. Il nous semble en effet plus logique de faire figurer cette interdiction directement dans le texte qui régit la stérilisation volontaire à visée contraceptive.
M. le président. La parole est à Mme Campion, pour défendre l'amendement n° 53.
Mme Claire-Lise Campion. La légalisation de la stérilisation volontaire à visée contraceptive est une demande des femmes, mais aussi des hommes, qui était fort attendue par le corps médical. Voici la chose enfin encadrée et l'on peut s'en féliciter.
Cet amendement est bien modeste, mais nous le pensons important. Il s'agit d'allonger de deux mois le délai de réflexion prévu avant la prise de décision, qui a des conséquences définitives ou, du moins, peu réversibles.
Il est important que le délai soit suffisant, certaines situations vécues par une personne dans une période difficile de sa vie pouvant engendrer des décisions en rapport avec un moment donné, mais pas forcément confirmées par la suite.
Voilà pourquoi un délai de quatre mois nous semblerait tout à fait raisonnable et opportun, et c'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 71.
Mme Odette Terrade. Nous approuvons sans réserve l'esprit de cet article qui donne à la stérilisation volontaire à visée contraceptive le cadre légal qui lui faisait défaut jusqu'à aujourd'hui.
La stérilisation peut constituer un substitut efficace à des méthodes contraceptives plus classiques dans le cas où celles-ci sont contre-indiquées ou mal supportées.
La procédure mise en place nous paraît claire et bien encadrée sur le plan juridique.
Afin que cette technique ne soit soumise à aucune discrimination financière, nous pensons qu'il conviendrait que son coût soit pris en charge par la sécurité sociale. Ainsi, elle ne serait pas réservée aux personnes les plus aisées.
L'amendement que nous vous demandons de voter s'inscrit donc dans cette logique et, plus généralement, dans une volonté de voir pris en charge l'ensemble des méthodes contraceptives. Cela constituerait une avancée importante et témoignerait d'une politique ambitieuse en matière de santé publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 77, 52 rectifié, 71 et sur le sous-amendement n° 78 ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 78, mais elle demande en revanche à M. Seillier de bien vouloir retirer l'amendement n° 77.
M. Bernard Seillier. Dès lors que le sous-amendement n° 78 bénéficie d'un avis favorable, je retire l'amendement n° 77.
M. le président. L'amendement n° 77 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. L'amendement n° 52 rectifié sera satisfait par l'amendement n° 21 de la commission.
La commission est favorable à l'amendement n° 53, sous réserve qu'il soit transformé en sous-amendement à l'amendement n° 21. Enfin, sur l'amendement n° 71, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Madame Campion, acceptez-vous de transformer l'amendement n° 53 en sous-amendement, comme vous le demande la commission ?
Mme Claire-Lise Campion. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Campion, Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 21 de la commission pour l'article L. 2123-1 du code de la santé publique, à remplacer les mots : « deux mois », par les mots : « quatre mois ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 21, sur les sous-amendements n°s 78 et 53 rectifié, et sur les amendements n°s 52 rectifié et 71 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 71, car la ligature des trompes est un acte chirurgical qui doit, comme tous les actes chirurgicaux, être remboursé. Nous ne pouvons pas, pour des raisons que vous imaginez - notamment l'extension à d'autres interventions -, commencer à faire des différences, même si cette intervention-là est importante dans le débat qui nous occupe. Cet acte sera donc remboursé.
S'agissant de l'amendement n° 21, le dispositif mis en place en matière d'accès à la stérilisation à visée contraceptive respecte l'esprit du projet de loi au sein duquel l'Assemblée nationale a souhaité l'inscrire. Il prend place parmi les dispositions destinées à rendre la loi cohérente avec l'évolution de la société et le droit des personnes à maîtriser leur fécondité. La position retenue par les députés affirme que les personnes ont le droit de prendre des décisions relatives à leur capacité de procréer, et que ce droit ne contrevient pas au principe d'inviolabilité du corps lorsqu'il s'exerce dans des conditions garantissant une prise de décision libre et éclairée.
Les conditions d'accès à la stérilisation comme méthode contraceptive fixées par l'article 19 du projet de loi permettent d'assurer le respect d'un choix conscient et assumé en matière de maîtrise de la fécondité.
Des garanties sont apportées par le texte pour l'expression d'une volonté libre, motivée et délibérée, en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences, notamment le respect d'un délai de réflexion.
Par ailleurs, la possibilité légalement reconnue pour un sujet de demander sa stérilisation pour un motif uniquement contraceptif peut mettre en difficulté des praticiens qui, pour des raisons de conscience, estiment devoir ne pas intervenir. Le texte législatif prévoit donc une clause de conscience assortie d'une obligation d'adresser le patient à un autre praticien.
La rédaction de l'article met la législation française en harmonie avec celle de la plupart des pays européens qui ont mis en oeuvre la résolution du comité des ministres du Conseil de l'Europe, en date, du 14 novembre 1975, qui a été votée par la France et qui recommande de rendre la stérilisation chirurgicale accessible en tant que service médical.
Toutefois, afin que cette décision qui est lourde, car quasi irréversible, sauf dans certains cas, et généralement non urgente, comporte des garanties renforcées d'être mûrement réfléchie, le Gouvernement est favorable à l'allongement du délai de réflexion nécessaire préalable à l'intervention aux quatre mois que vous avez présentés et à ce que l'interdiction pour les mineures figure dans cet article.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 21.
Je suis défavorable, pour les même raisons, au sous-amendement n° 78.
S'agissant de l'amendement n° 52 rectifié, je suis favorable à la rectification proposée.
Je suis également favorable au sous-amendement n° 53 rectifié, qui tend à prolonger de deux à quatre mois le délai de réflexion préalable. Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 71.
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 71 ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 78.
M. Bernard Seillier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. J'attire l'attention de mes collègues sur le fait que tous les pays qui sont entrés - et je ne pense pas que la France évitera de le faire - dans ce que certains auteurs ont appelé la « deuxième révolution contraceptive » ont vu tombé leur taux de fécondité, comme le Québec, oùil est descendu à 1,4. Il faut mesurer l'incidence de cette affaire.
C'est pourquoi, j'ai proposé et je voterai ce sous-amendement, qui a une incidence démographique assez substantielle.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 78, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 52 rectifié et 71 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article 20