SEANCE DU 9 JANVIER 2001
M. le président.
« Art. 1er - I. - L'article L. 122-45 du code du travail est ainsi rédigé :
«
Art. L. 122-45
. - Aucune personne ne peut être écartée d'une
procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation
en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de
rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification,
de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de
renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs,
de son orientation sexuelle, de sa situation de famille, de son appartenance à
une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses
activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son
apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le
médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en
raison de son état de santé ou de son handicap.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice
normal du droit de grève.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas
précédents ou pour les avoir relatés.
« En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié
concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de
formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments,
il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée
par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures
d'instruction qu'il estime utiles.
« Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de
plein droit. »
« II. - L'article L. 122-35 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de
leur orientation sexuelle," ;
« 2° Au deuxième alinéa, après le mot : "confessions,", sont insérés les mots
: "de leur apparence physique, de leur patronyme,".
« III. - L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa :
«
a)
Après le mot : "famille,", sont insérés les mots : "de leur
apparence physique, de leur patronyme," ;
«
b)
Après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de leur
orientation sexuelle," ;
« 2° Au deuxième alinéa :
«
a)
Après le mot : "famille,", sont insérés les mots : "de l'apparence
physique, du patronyme," ;
«
b)
Après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de
l'orientation sexuelle,".
« IV. - L'article 225-2 du code pénal est ainsi modifié :
« 1° Au 5° , après les mots : "offre d'emploi", sont insérés les mots : ", une
demande de stage ou une période de formation en entreprise" ;
« 2° L'article est complété par un 6° ainsi rédigé :
«
6°
A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le
2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale. »
« V. - L'article L. 611-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "à la règle de l'égalité professionnelle"
sont supprimés ;
« 2° Au deuxième alinéa, après les mots : "au 3° ", sont insérés les mots :
"et au 6° ". »
« VI. - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 611-6 du code du travail, les
mots : "à la règle de l'égalité professionnelle" sont supprimés et, après les
mots : "au 3° ", sont insérés les mots : "et au 6°". »
Par amendement n° 19, M. Leclerc propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par le I de cet article pour l'article L. 122-45 du code du travail,
après les mots : « orientation sexuelle, », d'insérer les mots : « de son âge,
».
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Dans son propos liminaire, M. le ministre a cité les motifs de discrimination
prévus. Pour ma part, je voudrais y ajouter celui de l'âge, en référence à
l'article 13 du traité d'Amsterdam.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui
vise à combler un vide, dans la mesure où les discriminations fondées sur l'âge
constituent une réalité, notamment en matière d'embauche, de déroulement de
carrière ou de licenciement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement serait favorable au principe selon
lequel, en conformité avec l'article 13 du traité d'Amsterdam, l'âge serait
retenu comme motif de discrimination illicite. Mais la négociation de la
directive portant cadre général sur l'égalité de traitement dans le travail et
dans l'emploi, qui a fait l'objet d'un accord politique le 17 octobre 2000 à
Luxembourg, a permis de mettre en valeur les difficultés techniques qui
pourraient en résulter.
Dans notre législation interne, dans notre seul code du travail, l'âge
intervient pour protéger à la fois les travailleurs âgés, les jeunes qui ne
doivent pas travailler et les jeunes au travail. Ainsi, l'âge est pris en
compte pour l'attribution de certaines mesures de politique de l'emploi et de
formation professionnelle.
Par ailleurs, il existe déjà dans le code du travail - je pense à l'article L.
311-4 - des dispositions qui sont destinées à éviter que certaines limites
d'âge n'interviennent comme motif discriminatoire à l'encontre d'un candidat à
l'emploi.
La difficulté technique liée à ce problème, qui suscite je le répète, une
préoccupation légitime, mais dont la solution doit être compatible avec la
directive communautaire, conduit le Gouvernement à demander aux auteurs de cet
amendement de bien vouloir le retirer afin de disposer, à la faveur des
navettes parlementaires, du temps nécessaire pour procéder aux expertises qu'il
juge utiles. Bien entendu, il s'engage à ce que la mention de l'âge figure dans
les motifs de discrimination qui seront visés dans le texte définitif.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je voudrais dire à M. le ministre à quel point je suis étonné
de sa réponse.
En effet, la lutte contre les discriminations fondées sur l'âge est
explicitement mentionnée dans l'article 13 du traité d'Amsterdam.
Certes, la lutte contre ces discriminations n'est pas aisée, qu'elles
concernent les jeunes ou les salariés plus âgés. Mais on ne saurait opérer de
discrimination entre les différentes discriminations et les amendements de
notre collègue M. Leclerc me paraissent, à cet égard, particulièrement
pertinents.
Je ne vois d'ailleurs aucune urgence à ce que l'amendement n° 19 soit retiré.
Il pourra toujours l'être par la suite, y compris en commission mixte
paritaire. En tout cas, ce problème mérite une réflexion de la part du
Gouvernement.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué tout à l'heure
les difficultés qui peuvent survenir quand on légifère dans l'urgence, et vous
avez rappelé l'attention que je portais à cet aspect des choses lorsque j'étais
député. Or, s'agissant de cet amendement, c'est ce qui pourrait se produire.
Je répète que, sur le fond, le Gouvernement est d'accord. Mais je ne voudrais
pas, dès maintenant, donner l'aval sur un texte qui pourrait apporter de
mauvaises réponses à une situation qui aurait été mal appréhendée.
C'est pourquoi je maintiens ma demande de retrait.
M. le président.
Monsieur Leclerc, maintenez-vous l'amendement n° 19 ?
M. Emmanuel Hamel.
Bien sûr !
M. Dominique Leclerc.
Dans la vie de tous les jours, l'âge revient toujours comme élément
discriminant, que ce soit pour les plus jeunes en quête d'un premier emploi ou
pour les gens qui arrivent à un certain âge. Aussi, il me paraît justifié de le
mentionner, tout autant que les autres motifs de discrimination qui figurent
dans la proposition de loi.
M. Michel Caldaguès.
Très juste !
M. Dominique Leclerc.
En conséquence, je maintiens mon amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 15, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte
présenté par le I de l'article 1er pour l'article L. 122-45 du code du travail,
après les mots : « de son appartenance », d'insérer les mots : « ou de sa
non-appartenance, vraie ou supposée, ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement reprend la formulation de l'article 225-1, du code pénal pour
préciser le texte qui nous est proposé. Il permet avant tout de ne pas
consacrer le terme de « race », et je vais m'arrêter un instant sur ce point,
qu'a d'ailleurs soulevé ce matin notre collègue Francis Giraud, lors de la
réunion de la commission.
Dans le règne animal, une race est obtenue lorsque des individus, sélectionnés
sur des critères prédéfinis - la taille, la couleur du pelage... -, fécondés
entre eux pendant de nombreuses générations, aboutissent à des individus
reproduisant invariablement dans leur descendance les critères présélectionnés.
On voit qu'une telle sélection n'a jamais eu lieu - même si certains, aux pires
moments de notre histoire, furent tentés d'y recourir - dans l'espèce humaine :
aucune population n'en a fait l'objet à chaque génération pendant des dizaines
de générations.
Il n'est donc de races qu'animales, et celles-ci sont des créations
humaines.
C'est pourquoi le législateur français n'a pas voulu consacrer dans le code
pénal un terme qui, au vu des données scientifiques, notamment génétiques,
actuelles et selon les plus grands anthropologues de notre temps - je citerai
parmi eux Gould aux Etats-Unis, Vavalli-Sforza, ou Langaney en France - n'a pas
de fondement.
C'est d'ailleurs ce que confirmait le ministère de l'éducation nationale, qui,
en réponse à l'une des questions écrites déposée par Nicole Borvo en 1999, lui
faisait savoir que ses services avaient fait procéder au retrait du terme «
race humaine » initialement prévu dans le programme de la maîtrise de sciences
biologiques et médicales.
La notion de race ne correspond qu'à une distinction subjective qu'opèrent
certaines personnes à l'égard d'autres ou à l'image, renvoyée par la société,
qu'ont les individus d'eux-mêmes : il s'agit donc dans tous les cas d'une
construction sociale et non pas d'une réalité biologique objective. Je pense
ici, notamment, au concept de « race auto-rapportée » en vigueur aux
Etats-Unis, sans m'attarder sur les conséquences pernicieuses et dévastatrices
de son utilisation.
Je constate par ailleurs que le terme « race » est utilisé dans l'article 21
de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. C'est regrettable
et ma collègue Nicole Borvo s'en était étonnée auprès de M. le ministre délégué
aux affaires européennes.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter le
présent amendement qui vise à apporter une précision et permet de ne pas
consacrer le terme « race », encore tellement utilisé, mais jamais défini.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je ne vais pas reprendre les propos qu'a tenus notre
excellent collègue Guy Fischer. Je dirai simplement qu'il s'agit d'un
amendement de précision qui s'inspire de la rédaction du code pénal. Il met en
évidence le fait que des divergences subsistent dans les formulations retenues
dans les différents articles faisant l'inventaire des motifs de
discrimination.
Comme je l'ai souligné dans le rapport, on peut remarquer en particulier que
l'article L. 122-35 du code du travail ne mentionne même pas les
discriminations fondées sur l'appartenance à une ethnie, à une nation ou à une
race.
La précision prévue par cet amendement constitue une coordination partielle.
C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dont
l'adoption permettra d'aligner la rédaction de l'article L. 122-45 du code du
travail sur celle de l'article 225-1 du code pénal.
En outre, la formulation proposée est cohérente avec la position défendue par
la France au Conseil de l'Union européenne lors de la négociation des
directives communautaires fondées sur l'article 13 du traité d'Amsterdam. Cette
position a d'ailleurs été prise en compte dans l'un des considérants de la
directive du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement sans distinction
de race ou d'origine ethnique. Le considérant n° 6 affirme en effet que l'Union
européenne rejette toute théorie tendant à déterminer l'existence de races
humaines distinctes. L'emploi du mot « race » dans la présente directive
n'implique nullement l'acceptation de telles théories.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par le I de l'article 1er
pour l'article L. 122-45 du code du travail de remplacer les mots : « présente
des éléments de fait laissant supposer » par les mots : « établit des faits qui
permettent de présumer ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet de modifier les dispositions de
l'article 1er concernant l'aménagement de la charge de la preuve dans le cas
d'un litige portant sur une discrimination.
La commission propose de prévoir que l'action judiciaire nécessite, pour être
engagée, l'établissement par le plaignant de faits permettant de présumer
l'existence d'une discrimination comme le prévoit l'article 8 de la directive
européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de
l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou
d'origine ethnique.
Le recours à l'expression « laissant supposer » ne semble pas en effet
présenter toutes les garanties de rigueur juridique.
La nouvelle rédaction que la commission vous propose d'adopter est plus
précise et devrait permettre une amélioration des conditions du respect des
droits des plaignants puisque les plaintes les plus solides sont celles qui
reposent sur des faits, même s'ils sont peu nombreux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, la rédaction proposée par
l'Assemblée nationale se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Sa
chambre sociale a retenu les éléments de fait dans l'arrêt Fluchère du 28 mars
2000 pour accueillir la demande d'une victime de discrimination syndicale. Elle
énonce que le syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire
doit « soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une
atteinte au principe d'égalité de traitement ».
En outre, cette rédaction est compatible avec la jurisprudence communautaire
et les directives communautaires adoptées sur la base de l'article 13 du traité
d'Amsterdam. Elle n'a ni pour objet ni pour effet de créer une présomption de
culpabilité, comme le soulignait M. Leclerc dans son intervention : la
culpabilité est, je le rappelle, une notion pénale. C'est pourquoi le
Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
fermement opposés à cet amendement présenté par la commission des affaires
sociales.
La rédaction proposée limite en effet la portée du texte de la proposition de
loi et risque de compromettre les chances d'une personne s'estimant victime
d'une discrimination de faire valoir ses droits.
Ainsi que nous l'avons déjà clairement exprimé lors de la discussion générale,
le texte issu des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale nous
paraît équilibré sur ce point.
En effet, compte tenu de la difficulté qu'aura un salarié ou un candidat à un
emploi à obtenir les preuves matérielles du fait qu'il a bel et bien été
victime des pratiques discriminatoires, nous estimons nécessaire qu'il n'ait à
présenter que des éléments de fait laissant supposer une discrimination, comme
le dit fort bien le texte de la proposition de loi.
Si la différence de traitement constatée est justifiée par des éléments
objectifs et uniquement professionnels, l'employeur pourra, sans aucun
problème, prouver que ses décisions n'ont pas été dictées par une volonté de
discrimination.
En cela, la charge de la preuve n'est pas inversée, elle est simplement
aménagée, ce qui constitue un rééquilibrage de la relation
salarié-employeur.
Par conséquent, estimant que l'adoption de cet amendement rendrait le texte
trop défavorable au salarié, nous nous y opposerons, ainsi qu'à tous ceux qui
sont inspirés par la même philosophie.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Mes chers collègues, j'estime que l'amendement présenté par la commission
procède d'une précaution parfaitement bien inspirée. Il est tout à fait
évident, en effet, que les termes « laissant supposer » peuvent donner lieu à
des dérives très préjudiciables, et même à des formes de chasse aux sorcières
que McCarthy lui-même n'aurait pas désavouées ; l'expression lui aurait sans
doute beaucoup plu !
J'estime que l'on ne doit pas, dans la loi, ouvrir des possibilités de chasse
aux sorcières qui peuvent notamment donner lieu à des tentatives de chantage,
comme cela s'est déjà produit.
Il est en effet déjà arrivé que, sur la base des textes existants, à
l'occasion d'une instance, un compromis financier soit proposé, lequel fut
d'ailleurs finalement récusé par une partie des dirigeants de l'association qui
s'y était prêtée.
Je crois donc qu'il faut être extrêmement prudent, sous peine de faciliter des
pratiques qui ne seraient pas honorables.
Je terminerai sur une question de principe.
L'argument de conformité à la jurisprudence de la Cour de cassation avancé par
le Gouvernement ne m'a pas du tout convaincu. Ce n'est tout de même pas une
règle pour le Parlement que de se conformer à la jurisprudence. Où serait, dans
ces conditions, le pouvoir législatif ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repousé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du quatrième alinéa du texte présenté par le I de l'article 1er
pour l'article L. 122-45 du code du travail, de remplacer les mots : « est
justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. », par
les mots : « n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas
précédents. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'améliorer la rédaction proposée
par l'Assemblée nationale concernant les obligations faites au défendeur dans
l'établissement de la preuve au regard d'un litige relatif à une
discrimination.
La nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 du code du travail prévoit qu'«
il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée
par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »
Sans remettre en cause cet objectif, il est apparu nécessaire à la commission
des affaires sociales de se rapprocher davantage de la rédaction de la
directive européenne du 29 juin 2000 qui prévoit qu'« il incombe à la partie
défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'inégalité
de traitement. »
C'est pourquoi la commission vous propose d'établir qu'« il incombe à la
partie défenderesse de prouver que sa décision n'est pas contraire aux
dispositions énoncées aux alinéas précédents. »
Cette nouvelle rédaction est plus claire. Elle permet d'éviter des contentieux
compliqués qui auraient pu tourner autour des différentes façons d'interpréter
la notion d'« élément objectif ». Chacun d'entre nous sait bien, en effet, que
la politique des ressources humaines d'une entreprise comprend une part de
subjectivité qui ne peut être assimilée à des mesures discriminatoires.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La commission considère qu'il est restrictif de ne permettre à l'employeur
d'écarter la présomption de discrimination qu'en justifiant d'éléments
objectifs.
Concrètement, le mécanisme probatoire se déroule en trois temps.
Dans un premier temps, l'effort est fourni par le salarié par l'apport
d'éléments de fait. Ceux-ci doivent impérativement servir à fonder une
présomption de discrimination.
Si cette présomption est établie, il appartient, dans un second temps, à
l'employeur, de prouver que sa décision a été prise en fonction d'éléments
objectifs...
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... et parfois subjectifs !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... étrangers à toute discrimination.
La commission fait observer, à juste titre, que l'employeur peut aussi se
déterminer en fonction d'éléments purement subjectifs. Certes, comme le
confirme la décision du Conseil constitutionnel n° 88-244 du 20 juillet 1988,
l'employeur a le libre choix de ses collaborateurs, cette liberté devant
évidemment se concilier avec le principe de non-discrimination.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
C'est évident !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
L'employeur peut donc toujours apporter des éléments
d'appréciation pour sa défense. En effet, rien n'empêche, dans un troisième
temps, le juge de prendre en considération ces éléments d'appréciation et de
considérer, selon les circonstances, qu'ils peuvent constituer des éléments
objectifs.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Evitons le juge !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Au contraire du Gouvernement, je considère que l'amendement proposé par la
commission constitue une précaution minimale pour éviter que le renversement de
la charge de la preuve n'en vienne à réduire totalement à néant la présomption
d'innocence.
La présomption d'innocence est un des grands principes de notre droit, et,
alors qu'on en entend parler cent fois par jour, le Parlement légiférerait sans
en tenir aucun compte ? Ce serait pour le moins excessif. C'est pourquoi je
voterai l'amendement de la commission.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Leclerc.
L'amendement n° 20 tend à compléter
in fine
le deuxième alinéa (1°) du
II de l'article 1er par les mots : « de leur âge, ».
L'amendement n° 21 rectifié est ainsi conçu :
« I. - Compléter
in fine
le troisième alinéa
(b)
du 1° du III de
l'article 1er par les mots : "de leur âge,".
« II. - Compléter
in fine
le dernier alinéa
(b)
du 2° du III de
cet article par les mots : "de l'âge,". »
La parole est à M. Leclerc, par défendre ces deux amendements.
M. Dominique Leclerc.
Comme par l'amendement n° 19, je propose, avec les amendements n°s 20 et 21
rectifié d'introduire l'âge comme élément de discrimination dans la législation
française.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission est favorable aux amendements n°s 20 et 21
rectifié, comme elle a été favorable à l'amendement n° 19.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Comme sur l'amendement n° 19, le Gouvernement émet un
avis défavorable sur les amendements n°s 20 et 21 rectifié.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Encore une fois, je voterai cet amendement de mon ami Dominique Leclerc, car
je considère qu'il n'existe pas de notion plus objective que l'âge. Je ne vois
pas pourquoi certains auraient des états d'âme à ce propos.
M. le ministre a dit tout à l'heure que l'âge pouvait poser des problèmes
d'ordre technique. Je me demande bien lesquels.
Je n'en dirai pas autant de tous les critères qui sont retenus dans le texte,
l'orientation sexuelle par exemple. Or je n'ai trouvé ni dans la proposition de
loi, ni dans le rapport, aucune définition de ce qu'est l'« orientation
sexuelle ».
On nous parle de plus en plus souvent, hélas ! de pédophilie ! Faut-il classer
une telle pratique dans les orientations sexuelles ? Il faudrait tout de même
faire preuve d'un peu plus de précision, quand nous légiférons.
En tout cas, Dominique Leclerc est un adepte de la précision, et je l'en
félicite.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2