SEANCE DU 21 DECEMBRE 2000
M. le président.
L'article 17 AA a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission, propose de le
rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - La première phrase du premier alinéa du II de l'article 158
bis
du code général des impôts est complétée par les mots :", une fondation ou une
association reconnue d'utilité publique".
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier
2001.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus
sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour
2001, le Sénat avait adopté un dispositif permettant, à compter de 2001, aux
fondations et aux associations reconnues d'utilité publique de bénéficier du
même taux de l'avoir fiscal que les personnes physiques.
Cette mesure n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale lors de l'examen en
nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2001. Il convient pourtant
de ne pas pénaliser ces organismes dont le rôle social est unanimement
reconnu.
En conséquence, l'amendement n° 14 tend à rétablir ce dispositif à compter du
1er janvier 2001.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
M. le rapporteur vient d'exposer dans quelles conditions l'Assemblée nationale
avait supprimé l'article 17 AA que nous avions adopté en première lecture. Il
importe de se remémorer la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a agi
ainsi : « Les placements en actions des fondations et associations reconnues
d'utilité publique ne correspondant pas à leur objet social, il ne paraît pas
opportun de prévoir un dispositif dérogatoire alors qu'elles peuvent placer
leur trésorerie sur des comptes rémunérés en franchise d'impôts. »
L'Assemblée nationale et Mme le secrétaire d'Etat ont raison, s'agissant des
associations : le rôle d'une association n'est effectivement pas de faire des
placements d'argent, surtout lorsque ceux-ci peuvent être quelque peu
risqués.
En revanche, elles n'ont pas raison s'agissant des fondations, dont le cas est
tout à fait autre. En effet, l'article 18 de la loi du 23 juillet 1987 précise
ceci dans son premier alinéa : « La fondation est l'acte par lequel une ou
plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de
biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et
à but non lucratif. »
M. Michel Charasse.
C'est une dotation !
M. Jean Chérioux.
Cela signifie que les fondations s'inscrivent dans la durée et ont une
dotation qu'elles doivent bien gérer. Ce n'est donc pas du tout le même cas que
celui des associations !
J'ajouterai que la création d'une fondation n'est pas très simple. Il est en
effet nécessaire de répondre à un certain nombre de critères, qui sont
notamment fixés par le Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat a élaboré un modèle des statuts, dont l'article 11 est ainsi
rédigé : « Le fonds de dotation est placé en valeurs mobilières cotées ou non à
une bourse officielle française ou étrangère,, en titres de créances
négociables, en bons du Trésor... » Cela signifie par conséquent que le
Gouvernement et l'Assemblée nationale, lorsqu'ils prétendent qu'il n'est pas
dans la vocation des fondations de placer leur argent, sont absolument en
contradiction avec la loi.
Je suggère donc à M. le rapporteur de la commission des finances de rectifier
son amendement n° 14 en supprimant les termes « ou association reconnue
d'utilité publique » et, par conséquent, de limiter les effets du texte aux
seules fondations : à l'évidence, c'est une position fondée à la fois sur la
loi et sur la réalité des choses.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. Chérioux ?
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je l'accepte, et je rectifie l'amendement n° 14 en
conséquence.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Marini, au
nom de la commission, et tendant à rétablir l'article 17AA dans la rédaction
suivante :
« I. - La première phrase du premier alinéa du II de l'article 158
bis
du code général des impôts est complétée par les mots : "ou une fondation".
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier
2001.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-desus
sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je comprends bien la distinction que M. Chérioux
souhaite établir et le sens de sa proposition.
Je constate néanmoins que les fondations sont d'ores et déjà dans une
situation doublement dérogatoire par rapport à l'avoir fiscal : d'une part, ces
organismes peuvent utiliser l'avoir fiscal alors même qu'ils ne sont pas
imposés sur les dividendes qui correspondent ; d'autre part, ces entités
peuvent obtenir la restitution de l'avoir fiscal quand bien même elles n'ont
pas pu l'imputer sur leur impôt sur les sociétés. Elles disposent donc d'une
possibilité de remboursement.
Par conséquent, les fondations disposant déjà d'un statut fiscal extrêmement
dérogatoire, je ne vois pas l'utilité d'aller encore plus loin.
M. Jean Chérioux.
Vous allez leur porter un coup terrible, au détriment de l'action sociale et
du mécénat !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Cet amendement m'ennuie beaucoup parce que je ne peux oublier que, outre mes
fonctions dans cette assemblée, je suis membre fondateur de l'Institut
François-Mitterrand, qui est une fondation et qui pourrait donc être concerné
par l'amendement n° 14 rectifié.
Mme le secrétaire d'Etat nous dit qu'il ne peut y avoir deux régimes d'avoir
fiscal, sous peine d'une rupture d'égalité devant la loi entre les sociétés et
les fondations. Le principe d'égalité, que le Conseil constitutionnel applique
- rigoureusement, on l'a vu ces jours-ci - concerne toujours des situations
égales : à situation égale, traitement égal. De ce point de vue, on ne peut
comparer à des sociétés à but lucratif les fondations qui, par définition, sont
sans but lucratif.
Seulement, le problème que pose l'amendement n° 14 rectifié est lié aux deux
catégories de ressources dont disposent les fondations : d'une part, ce qui
constitue la dotation, laquelle comme le rappelait M. Chérioux tout à l'heure,
est obligatoire - le Conseil d'Etat a fixé des règles strictes et exige pour
toute fondation un capital minimum de cinq millions de francs - et, d'autre
part, les dons, les valeurs ou les avoirs avec lesquels les fondations
financent leurs dépenses courantes.
Par conséquent, je comprendrais pour ma part que dans la mesure où elle est
obligatoire, la dotation bénéficie d'un régime particulier d'avoir fiscal,
lequel ne s'appliquerait bien entendu pas aux valeurs ne figurant pas dans la
dotation, afin - Mme le secrétaire d'Etat a raison - de ne pas rompre
l'égalité.
Voilà pourquoi, à mon grand regret, je ne pourrai pas voter l'amendement n° 14
rectifié, même si l'inspiration de ce texte me convient. Il faudrait donc
prendre le temps d'examiner ce point plus précisément afin de prévoir que le
dispositif ne concerne que la dotation des fondations et non pas les autres
valeurs qui ne sont pas incluses dans la dotation, qui peuvent être utilisées
tout au long de l'année et dont le produit sert à financer éventuellement les
dépenses courantes.
Je demande avec insistance au Gouvernement d'examiner le problème de la
dotation des fondations, c'est-à-dire des fonds qui sont bloqués et qui ne
peuvent être sortis, la fondation ayant seulement le droit d'utiliser les
produits de sa dotation,...
M. Jean Chérioux.
Voilà !
M. Michel Charasse.
... mais pas la dotation elle-même, qui est sacrée ! De toute façon la tutelle
n'accepterait pas que la dotation soit utilisée - les fondations ont en effet
une tutelle : nous avons deux représentants de l'Etat qui siègent au sein du
conseil d'administration - et elle aurait raison ! Il n'est donc pas question
d'utiliser ces fonds-là.
Par conséquent, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous
examiniez la possibilité d'un régime particulier d'avoir fiscal pour les fonds
qui sont dans la dotation et qui sont gelés
ad vitam aeternam
.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais d'abord dissiper une inquiétude au cas où
elle aurait jailli au cours de cette discussion : il n'est pas du tout question
de remettre en cause le mode de remboursement de l'avoir fiscal qui est
dérogatoire pour les fondations comme pour les associations.
J'entends bien l'observation de M. le sénateur Charasse.
Je m'engage tout à fait à étudier le problème. Simplement, intuitivement, il
me semble que le dispositif qu'il préconise ne va pas nécessairement dans le
sens de la simplification de la loi fiscale, dans la mesure où il supposerait
de mettre en oeuvre un moyen de rendre « traçable » l'avoir fiscal en fonction
de son fait générateur.
Admettons que nous n'ayons pas tout à fait les moyens, ce soir, d'aller
jusqu'au bout de cette analyse. Je vous propose de la poursuivre. J'ai
néanmoins un léger
a priori
négatif dans le sens où je pense que c'est
un peu compliqué. Mais je ne voudrais pas que cet
a priori
entache la
qualité de l'exercice que je m'engage à mener.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 17 AA est rétabli dans cette rédaction.
Article 17 A