SEANCE DU 21 DECEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.
L'amendement n° 37 est déposé par M. Arthuis et les membres du groupe de
l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer avant l'article 17AA, un article additionnel ainsi
rédigé :
« A. Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 200
quinquies
ainsi rédigé :
«
Art. 200
quinquies. - I. - Il est institué un crédit d'impôt destiné
à encourager l'activité professionnelle, réservé aux contribuables dans les
conditions précisées au présent article.
« Les contribuables qui perçoivent à compter du 1er janvier 2000 un revenu
d'activité au sens du code de la sécurité sociale peuvent bénéficier d'un
crédit d'impôt.
« Le montant du revenu d'activité déclaré ouvrant droit à ce crédit d'impôt,
calculé sur une base annuelle en fonction du nombre d'heures travaillées, ne
peut excéder par foyer fiscal la somme de 121 162 francs.
« Le montant du crédit d'impôt est, sous réserve du huitième alinéa, calculé
en application de la formule suivante, où R représente le revenu d'activité
déclaré :
« CI = (121 162-R)/[12 x (R/67 312)³] multiplié par (nombre d'heures
travaillées/1600).
« Le nombre d'heures travaillées dans l'année pris en compte pour le calcul du
présent crédit d'impôt, ne peut être supérieur à 1600 pour l'ensemble du foyer
fiscal.
« Pour le foyer fiscal, dont un ou plusieurs membres ont des revenus
mentionnés aux articles L. 136-3 et L. 136-4 du code de la sécurité sociale, le
nombre d'heures travaillées dans l'année est calculé en multipliant par 133,3
le nombre de mois pendant lesquels l'intéressé a exercé son activité.
« Dans le cas où le revenu d'activité déclaré calculé sur une base annuelle
est inférieur à 67 312 francs, le crédit d'impôt est égal à 8,3 % du revenu
d'activité déclaré.
« Le crédit d'impôt est majoré de 20 % par enfant à charge.
« Le crédit d'impôt total est plafonné au dixième du plafond de revenu pris en
compte pour son calcul.
« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de
l'année au cours de laquelle ont été perçus les revenus mentionnés ci-dessus
après imputation des réductions mentionnées aux articles 199
quater
B à
200, de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements non
libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.
« Les montants mentionnés au présent article sont révisés en fonction de
l'évolution du salaire minimum de croissance.
« II. - Pour l'année 2000, le crédit d'impôt est égal au tiers du produit
résultant de l'application des dispositions du I. Pour l'année 2001, le crédit
d'impôt est égal aux deux tiers du produit résultant de l'application des
dispositions du I. »
« B. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de
l'application des dispositions du A ci-dessus sont compensées à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Nous arrivons ici au coeur de notre débat.
Cet amendement décrit le mécanisme de crédit d'impôt proposé comme alternative
à la ristourne dégressive de la CSG et à l'exonération de la CRDS sur les
salaires inférieurs à 1,4 SMIC
La critique de cette ristourne a déjà été présentée à plusieurs reprises par
le Sénat. Notre raisonnement pointait toutes les inconstitutionnalités du texte
du Gouvernement. Le Conseil constitutionnel nous a donné raison.
La censure de l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 met à bas le coeur du plan global concernant les prélèvements
obligatoires élaboré par le Gouvernement, plan qui se voulait le plus ample
jamais conçu en France. Nous ne nous en réjouissons pas : il est toujours
triste de voir un gouvernement - le gouvernement de notre pays - se « planter »
à ce point !
Nous proposons donc au Gouvernement, avec cet amendement, presque dans un
esprit de Saint-Bernard, une espèce de session de rattrapage.
Cet amendement vise, en vue d'accroître l'écart entre les revenus d'activité
et ceux qui sont tirés de l'inactivité, à faire jouer un mécanisme de crédit
d'impôt remboursable. Nous parlons de « crédit d'impôt », parce qu'il semble
que de l'expression « impôt négatif » choque certaines oreilles...
La mesure serait étendue aux revenus équivalant à 1,8 fois le SMIC, contre 1,4
fois le SMIC dans le mécanisme envisagé par le Gouvernement, ce qui ferait
disparaître les trappes à bas salaires.
Le crédit d'impôt serait beaucoup plus favorable aux familles par le biais
d'une majoration par enfant à charge et ne ferait pas courir le risque
d'introduire une inégalité entre les contribuables.
Il serait, en revanche, plus défavorable aux célibataires et aux couples sans
enfant gagnant entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC. Mais cela doit être nuancé
dans la mesure où, pour ces personnes, l'écart entre revenu de remplacement et
revenu d'activité est bien plus important que pour les personnes chargées de
famille.
Au bout du compte, c'est une mesure qui paraît présenter beaucoup plus
d'avantages que celle du Gouvernement, pour un coût moindre : 5 milliards de
francs au lieu de 8,5 milliards de francs.
Cette mesure a fait l'objet de compliments de la part du conseil d'analyse
économique dans le rapport signé par M. Pisani-Ferry. Je crois d'ailleurs que
le Gouvernement a plus ou moins désavoué son conseiller. Mais cela ne lui donne
pas tort pour autant !
Je ne peux donc pas imaginer comment le Gouvernement pourrait, dans ce
contexte, être défavorable à cet amendement. A moins qu'il ait une solution de
remplacement à nous proposer. Mais Mme le secrétaire d'Etat nous a elle-même
dit qu'elle n'en avait pas pour le moment et qu'elle en cherchait une. Alors ne
cherchez pas, madame le secrétaire d'Etat : prenez ce que nous vous offrons
!
M. Michel Charasse.
C'est Noël !
M. Jean Chérioux.
Nous, nous avons trouvé !
M. le président.
La parole est à M. Artuis, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Jean Arthuis.
Je retire, bien entendu, cet amendement au profit de celui de la
commission.
Mme la secrétaire d'Etat nous fera sans doute observer qu'il peut être
insolite de déposer un amendement en dernière lecture. Mais, madame la
secrétaire d'Etat, le Gouvernement peut reprendre cet amendement et, au nom du
principe d'efficacité que vous avez invoqué à l'occasion de la discussion de
l'article 5
bis
, vous pourriez utilement vous en saisir, faute de quoi
le Gouvernement serait suspect d'hyprocrisie.
Hier, il a protesté, dénonçant la saisine du Conseil constitutionnel. Or voilà
qu'aujourd'hui nous lui offrons l'instrument de sa politique. S'il refuse cet
instrument, nous pouvons douter de son intention !
M. le président.
L'amendement n° 37 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 13 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Sans vouloir prolonger inutilement les débats, je
voudrais simplement répéter que le Gouvernement est plus que jamais désireux
que soit mise au point une mesure lui permettant d'atteindre les objectifs
qu'il s'était assignés, c'est-à-dire restituer aux salariés parmi les plus
modestes une part substantielle de leur revenu - de l'ordre de 180 francs par
mois - afin d'augmenter leur pouvoir d'achat. Nous ferons tout pour que cet
objectif soit atteint, et cela dès 2001.
Toutefois, ainsi que je l'ai expliqué voilà quelques minutes, que cet
amendement émane du Gouvernement ou de la Haute Assemblée, au regard de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, c'est égal.
Par conséquent, croyez-vous que ce soit véritablement servir une cause et une
cause particulièrement noble en l'occurrence que de ne rechercher qu'un effet
de tribune ? Personnellement, je ne le crois pas !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Dans cette affaire, le fond n'est pas en cause, et j'éviterai de l'aborder.
Un certain nombre de nos collègues ont introduit un recours devant le Conseil
constitutionnel concernant la loi de financemeent de la sécurité sociale, et ce
recours a été accueilli favorablement, par application des textes les plus
sacrés, en particulier de la déclaration de 1789. Dont acte !
Ces collègues ont ainsi montré qu'ils avaient le souci d'une application
convenable de la Constitution. Or, de la même source, arrive maintenant un
amendement - un autre, identique, vient d'être retiré - qui est parfaitement
irrecevable pour des raisons constitutionnelles.
En effet, cette disposition a été présentée non en première lecture du
collectif, mais en première lecture du projet de loi de finances pour 2001. Or
aucun amendement n'ayant été présenté en première lecture d'un texte ne peut
être présenté en nouvelle lecture : cela ressort aussi d'une décision du
Conseil constitutionnel.
Pour ma part, je le dis tout de suite, je trouve inconvenantes les critiques
qui sont dirigées contre la décision que le Conseil constitutionnel vient de
rendre, et j'ai autant de respect pour sa décision concernant la CSG, quoi
qu'on en pense sur le fond, que sur sa décision antérieure qui rend cet
amendement irrecevable.
Le problème, c'est que, d'après les recherches tout à fait exhaustives
auxquelles j'ai procédé avant la séance, il n'y a pas de procédure permettant
d'invoquer l'irrecevabilité.
M. le président.
Il aurait fallu la soulever avant !
M. Michel Charasse.
Effectivement, monsieur le président, il est trop tard.
Il n'en demeure pas moins que cet amendement est irrecevable.
Je veux faire preuve de bonne foi et je reconnais que, sur le fond, la formule
qui nous est proposée par nos collègues n'est pas sans intérêt, et qu'elle
mérite sans doute d'être étudiée, madame le secrétaire d'Etat.
Cela étant, nous le savons tous, même si cette disposition était votée en
dernière lecture par l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel, qui
sera saisi du collectif, la déclarerait nécessairement, pour des raisons de
procédure, non conforme à des dispositions de nature constitutionnelle.
Cela signifie qu'on fait semblant, vis-à-vis de l'extérieur, de croire qu'on
pourrait régler le problème ce soir.
Quand le Sénat a une position solide en matière constitutionnelle - et il
vient d'en avoir une sur la CSG, madame le secrétaire d'Etat, quoi qu'on en
pense -, il doit être cohérent jusqu'au bout. C'est la raison pour laquelle je
voterai contre cet amendement, sans même qu'il soit besoin, comme on dit dans
les tribunaux, d'examiner le fond.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame le secrétaire
d'Etat, vous avez parlé tout à l'heure d'effets de tribune. Mais il faut bien
recourir à des effets de tribune quand le Gouvernement ne veut rien entendre
!
Je m'exprime, en cet instant, en tant que président de la commission des
affaires sociales et je voudrais remettre les pendules à l'heure.
Lorsque nous avons débattu du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001, aussi bien le rapporteur de la commission des affaires
sociales, Charles Descours, que le rapporteur général de la commission des
finances, Philippe Marini, et moi-même n'avons cessé de mettre en garde Mme
Guigou contre le grave risque d'inconstitutionnalité qu'encourait le dispositif
qu'elle nous présentait et nous nous sommes efforcés de la persuader qu'il
fallait s'orienter vers un mécanisme d'impôt négatif ou de crédit d'impôt, peu
importe la formule.
En vérité, il semble bien que l'intérêt porté par le ministère de l'économie
et des finances à la discussion par le Sénat de la loi de financement de la
sécurité sociale soit très restreint. Apparemment, à Bercy, on n'a lu ni les
comptes rendus de notre commission, ni le rapport de M. Descours, ni le compte
rendu des débats du Sénat, publié au
Journal officiel.
Vous n'avez en effet tenu aucun compte de l'avertissement qui était donné par
le Sénat, en particulier par la commission des affaires sociales, qui a tout de
suite proposé, en concertation avec la commission des finances, cette formule
de crédit d'impôt.
Autrement dit, la proposition que présente ce soir la commission des finances,
celle-ci ne vient pas soudainement de la sortir d'un chapeau ! Mais peut-être
devrais-je plutôt parler du bicorne dont on affuble parfois les sénateurs !
(Sourires.)
On nous a dit que ce dispositif serait trop compliqué. Il est vrai qu'il n'est
pas simple ! Je ferai toutefois remarquer que Mme Guigou n'a pas pu nous
expliquer comment allait fonctionner le système de la ristourne dégressive. Car
il est également très compliqué, surtout dans le cas des pluriactifs.
Quoi qu'il en soit, que l'on cesse de nous reprocher d'avoir saisi le Conseil
constitutionnel ! Le lendemain de la décision, j'entendais à la radio des
réactions émanant du ministère des finances. On expliquait à des pauvres gens
que, par la faute de la droite, qui avait saisi le Conseil constitutionnel, ils
allaient se trouver privés d'une prime que leur avait promise le Gouvernement !
Où va-t-on si les parlementaires ne peuvent pas exercer leur devoir le plus
élémentaire, celui de veiller à l'application de la Constitution ?
Cela fait bientôt deux ans que nous demandons, le président de la commission
des finances et moi-même, que l'on tente l'expérience d'une présentation
commune - je ne parle pas d'une discussion commune - du budget de la nation et
du budget social, qui lui est supérieur ; il s'agirait, en quelque sorte, d'une
présentation consolidée.
Mais permettez-moi de livrer le communiqué que j'ai reçu hier soir de la CFDT,
et qui porte le titre suivant : « Le bidouillage de la CSG n'est pas une
solution pour conjuguer fiscalité et emploi ». De même que ce n'est pas dans
les lois sociales que l'on doit faire de la fiscalité, de même ce n'est pas
dans le budget de l'Etat que l'on doit faire des lois sociales.
La voie est toute tracée par cet amendement, d'ailleurs, même s'il ne va pas
assez loin, comme l'a dit notre collègue Michel Charasse.
La CFDT souhaite donc que le Gouvernement ouvre un vrai débat sur cette
question en explorant toutes les possibilités, par exemple celle de l'impôt
négatif.
Telles sont les remarques que je voulais faire au nom de la commission des
affaires sociales et, je le crois, au nom de beaucoup de mes collègues.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Roland du Luart.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Mon excellent collègue Jean Delaneau a très bien expliqué la position que je
m'apprêtais à défendre ; je n'allongerai donc pas le débat, sinon pour dire que
j'ai été très frappé en entendant hier M. Fabius, s'exprimant devant la
commission des finances, nous dire que, à la suite de la décision du Conseil
constitutionnel, il se trouvait un peu à court.
Madame le secrétaire d'Etat, précisément, la réflexion cumulée du Sénat depuis
deux ans vous indique la méthode à suivre.
Même si je suis sensible aux arguments de M. Charasse selon lesquels cet
amendement est peut-être difficilement recevable en la forme, je pense, madame
le secrétaire d'Etat, que rien ne vous empêche de mettre l'idée que nous vous
proposons en musique dans un texte spécifique dès le mois de janvier, plutôt
que de raconter n'importe quoi aux Français en leur faisant des promesses que
vous savez dès aujourd'hui intenables.
C'est vous qui trompez les Français, pas nous. Nous, nous avons dit la vérité
lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
comme nous l'avons dit lors de la discussion du projet de loi de finances pour
2001.
Je regrette que l'on en soit arrivé aujourd'hui à une telle incompréhension et
je souhaite que la proposition de la commission des finances soit reprise dans
un texte spécifique par le ministère des finances pour enfin résoudre le
problème auquel nous sommes confrontés. Car, comme l'a dit notre collègue Jean
Delaneau, il y a tout de même beaucoup de personnes en France qui réfléchissent
et, lorsque je considère la position de la CFDT, je pense que c'est
probablement dans ce sens-là qu'il faut oeuvrer pour l'intérêt des salariés de
ce pays, et non pas en les bernant comme vous l'avez fait !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Je crois que tout a été dit...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Oh non !
M. Denis Badré.
... et très bien dit, d'ailleurs.
J'ai le sentiment que le Gouvernement n'est pas très à l'aise sur cette
question. La seule solution pour qu'il s'en sorte la tête haute, en étant bon
joueur, serait de reconnaître qu'il a pu se tromper. Cela peut arriver de se
tromper, il n'y a pas de honte à cela.
Nous sommes là pour essayer de travailler correctement ensemble. Ce débat,
d'une simplicité au demeurant biblique, mérite que le Gouvernement travaille
correctement, mérite que le Parlement travaille correctement, chacun jouant son
rôle afin de trouver une bonne solution pour les Français, sur un vrai sujet
que nos concitoyens comprennent et qui les intéresse. Maintenant, chacun doit y
mettre un peu de bonne volonté.
De nombreux Français, très intéressés par la ristourne de CSG, ont cru en vos
promesses, madame la secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, ils sont déçus, parce que
votre projet a été censuré par le Conseil constitutionnel.
Nous vous l'avions dit en première lecture, vous auriez dû nous écouter !
M. Michel Charasse.
De toute façon, vous étiez contre !
M. Denis Badré.
Aujourd'hui, nous vous proposons une solution qui marche, mais, de nouveau,
vous refusez de nous écouter, nous renvoyant à plus tard, quand vous serez sûre
que la solution sera viable.
M. Michel Charasse.
Ils ne veulent pas se faire censurer deux fois !
M. Denis Badré.
Madame la secrétaire d'Etat, rassurez aujourd'hui les Français, qui attendent
une vraie réponse à un vrai problème.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
En réponse à notre collègue M. Charasse, pour qui j'ai
beaucoup d'estime et sous les ordres de qui j'ai eu l'honneur de servir quand
j'étais au ministère des finances, je tiendrai des propos que d'aucuns pourront
trouver cyniques.
Il n'existe pas de mécanisme qui permette d'écarter un amendement.
(M.
Charasse fait des signes de dénégation.)
En tout cas, M. Charasse, qui est
pourtant orfèvre en la matière, dit qu'il n'en a pas trouvé dans notre
règlement ; peut-être faudra-t-il le compléter... mais profitons-en tant que ce
mécanisme n'existe pas !
Notre risque est tout de même très limité car, de deux choses l'une : ou bien
notre amendement, qui va être adopté, je pense - ce sera le grand événement
politique de la séance de ce soir - ne sera pas ensuite voté par l'Assemblée
nationale, et il n'y aura donc pas lieu d'introduire un recours devant le
Conseil constitutionnel ; ou bien l'Assemblée nationale, touchée par la grâce,
et le Gouvernement, à la lumière de la réflexion, le reprendront à leur compte,
et nous n'aurons pas non plus à subir de nouveau la censure du Conseil
constitutionnel.
Nous pouvons donc faire notre travail de création intellectuelle et
législative en toute sérénité.
A cet égard, je ne sais pas vraiment ce que le Gouvernement va pouvoir
trouver. Je sais que de nombreux esprits à Bercy sont extrêmement imaginatifs.
En tout cas, la voie qui consisterait à procéder de nouveau à des manipulations
de la CSG n'est certainement pas la bonne. Nous aurons d'ailleurs bientôt à
examiner un amendement de cette nature. Je pense que cette voie est bouchée
parce que, outre l'inégalité entre les contribuables qu'a retenue le Conseil
constitutionnel pour censurer le dispositif, le Gouvernement allait détruire ce
qui est la meilleure oeuvre législative de la gauche en matière fiscale,
c'est-à-dire la CSG.
Il est vrai, nous direz-vous, que nous ne l'avons pas votée, à l'époque, pas
plus que les lois de décentralisation, dont nous sommes aujourd'hui très fiers
et que nous ne voulons pas voir modifiées.
Donc, pas de solution de ce côté-là.
La seule voie possible, c'est la nôtre, à moins que vous n'inventiez quelque
chose d'extraordinaire comme la TVA, bref, une innovation fiscale qui
marquerait l'histoire des cinquante prochaines années.
M. Denis Badré.
En plus, notre solution est moins coûteuse que celle du Gouvernement !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je n'ai pas bien déterminé où se
situait l'embarras du Gouvernement. Est-ce un embarras de forme ou un embarras
de fond ?
Madame la secrétaire d'Etat, vous êtes ici devant la représentation nationale.
Votre gouvernement sait bien entretenir toutes les gazettes de ses commentaires
sur la décision du Conseil constitutionnel et les difficultés qu'elle engendre
! Et l'on ne parlerait pas du fond devant le Parlement ? Ce serait tout de même
un comble !
Dites-nous si le dispositif qui a été proposé en loi de finances initiale par
le Sénat peut éventuellement, dès lors que la solution que vous avez choisie
n'est pas possible à mettre en oeuvre - et après nouvel examen de votre part -
être retenu par le Gouvernement. A l'heure où nous parlons, c'est une
information que vous nous devez.
Ou alors, les investigations que vous avez d'ores et déjà menées vous
conduisent à ne pas emprunter cette voie. Mais vous devez, ce soir, nous dire
ce que vous pensez du dispositif qui vous est de nouveau proposé ce soir par le
Sénat et qui peut constituer la réponse au problème pratique que vous
rencontrez. En vous exprimant sur ce point, vous manifesterez, comme le disait
M. Arthuis tout à l'heure, la bonne volonté du Gouvernement, et sa volonté
réelle de trouver une solution rapide.
Je ne vais pas me contenter de la réponse actuelle. J'ai vraiment besoin de
savoir si ce que nous vous proposons est susceptible d'être retenu, au besoin
dans un texte ultérieur. Voilà pour le fond.
Sur la forme, maintenant, s'agit-il dans votre esprit d'appliquer la
jurisprudence « DDOF 1998 », qui interdit d'introduire en nouvelle lecture un
dispositif qui serait entièrement nouveau et sans lien direct avec une loi de
finances ?
En la circonstance, pour ce qui est de la nouveauté du dispositif, elle est
peut-être réelle s'agissant de ce projet de loi de finances rectificative, mais
elle ne l'est pas s'agissant du projet de loi de finances initiale, puisqu'il a
été longuement débattu à l'occasion de la discussion budgétaire. Par ailleurs,
le sujet est inhérent aux lois de finances : si l'on ne peut plus parler de
crédit d'impôt dans les lois de finances, où le fera-t-on ?
Madame la secrétaire d'Etat, sur le fond, oui ou non, le dispositif proposé
par le Sénat est-il susceptible de retenir votre attention dans les prochaines
semaines ?
Sur la forme, quelle est votre analyse de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel ? Quels sont, pour vous, les risques de recours devant le
Conseil constitutionnel ? En effet, pour que le Conseil constitutionnel censure
la disposition qui serait adoptée par le Sénat ce soir et par l'Assemblée
nationale demain matin, encore faudrait-il qu'il y ait un recours, et je ne
suis pas sûr que ce soit de cette maison qu'il émane.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je la demande à nouveau,
monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Etant donné le silence de Mme la
secrétaire d'Etat, je suis désolé, mais j'insiste.
Sur la forme, je comprends que le Gouvernement ne veuille pas s'avancer et
préfère laisser à la juridiction constitutionnelle le soin de statuer. C'est un
point de vue que, après tout, on peut comprendre et qui est peut-être prudent
en matière de constitutionnalité. Ne dit-on pas que « chat échaudé craint l'eau
froide » ?
En revanche, s'agissant du fond, madame la secrétaire d'Etat, je vous le dis
avec déférence et courtoisie, je ne comprendrais pas que votre gouvernement
aille devant tous les médias pour donner des explications et refuse de répondre
au Sénat ce soir.
M. Jean Arthuis.
Ce serait insupportable !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ce serait une dérobade
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission, sur la
méthode, la décision du Conseil constitutionnel est suffisamment importante
pour que nous prenions le temps de l'analyser un peu. Je n'ai pas la
prétention, ce soir, de dire quelles en sont les limites. Avant de légiférer,
avant de proposer au Parlement de légiférer, il est important d'appréhender de
manière concrète quelles sont les limites de cette jurisprudence, jusqu'où l'on
peut aller, jusqu'où l'on ne peut pas aller.
Ce que je sais, c'est que les objectifs de cette mesure demeurent. En tout
premier lieu, il s'agissait de l'incitation à la reprise d'activité ainsi que
de l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés aux revenus les plus faibles
: ces objectifs, nous les maintiendrons. Il s'agissait aussi de faire en sorte
que cette mesure puisse être mise en oeuvre en 2001. Là aussi, nous ferons tout
pour qu'il en soit ainsi car, vous avez raison, un certain nombre de personnes
attendent concrètement cette mesure sous une forme ou sous une autre. En tout
cas, elles attendent son résultat !
M. Denis Badré.
Sûrement !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Donnons-nous donc le temps du choix des moyens.
En ce qui concerne le résultat, je n'ai pas de doute. D'ailleurs, je crois que
nous partageons l'objectif et j'ai eu l'occasion de dire que la solution
proposée par le Sénat était digne d'intérêt sur le fond : je ne m'étais pas
prononcée à l'époque sur la question de la constitutionnalité, je l'avais
examinée au fond. Les choses ont évolué depuis, et nous n'en sommes plus là
!
En tout cas, monsieur du Luart, quand on se pique de vérité, on doit la dire
tout entière, et la vérité, monsieur le sénateur, c'est que les amendements que
le Sénat s'apprête à adopter ne sont pas constitutionnels pour des raisons de
procédure. Je l'ai dit dans la discussion générale, M. Charasse l'a dit
également,...
M. Roland du Luart.
L'avis de M. Charasse, ce n'est pas la Bible !...
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... et cela doit être transcrit dans le compte rendu
de nos débats.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Madame la secrétaire d'Etat, sur
le fond du dispositif, j'ai entendu qu'il était digne d'intérêt.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est ce que j'avais dit en première lecture !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Donc, votre réflexion n'a pas
progressé depuis.
M. Roland du Luart.
Hélas !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je pense que chacun doit assumer
ses responsabilités. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, j'ai
l'honneur de demander un scrutin public, afin que chaque groupe politique
puisse se déterminer sur ce dispositif. Nous verrons bien, dans les semaines
qui viennent, qui aura eu raison, de ceux qui l'auront rejeté ou de ceux qui
l'auront adopté.
(M. Machet applaudit.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Nous n'avançons pas beaucoup, parce qu'il y a toujours le fond et la forme.
Moi, sur le fond, je n'ai pas consulté mon groupe, mais je ne suis pas
insensible aux efforts d'imagination de la commission.
Simplement, sur la forme, nous n'avons pas le droit de faire ce que nous
faisons maintenant, puisque cet amendement n'est pas recevable. J'aurais, nous
aurions dû soulever l'irrecevabilité avant. Cela ne peut pas se faire en
séance.
M. le président.
Je ne vous le fais pas dire, mon cher collègue !
M. Michel Charasse.
Si le Conseil constitutionnel est saisi...
M. Yann Gaillard
rapporteur.
Nous survivrons !
M. Denis Badré.
C'est vous qui le saisirez ?
M. Michel Charasse.
Mon cher collègue, nul n'est prophète en son pays !
(Sourires.)
Si le
Conseil constitutionnel est saisi, il annulera sur la forme, comme l'a dit Mme
la secrétaire d'Etat ainsi qu'un certain nombre d'autres personnes avant. Si
jamais, comme l'a dit le président Lambert, le Conseil n'est pas saisi par le
Parlement, le Premier ministre a le droit de le saisir.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Grand bien lui fasse !
M. Denis Badré.
Il prendra ses responsabilités !
M. Michel Charasse.
C'est trop facile !
Dans la mesure où cet article additionnel n'est pas recevable, le Conseil
constitutionnel, sans examiner le fond - il n'aura donc pas l'occasion de
critiquer le Sénat sur le fond - dira simplement : « Dans la forme,... ». Que
retiendra l'opinion publique ? Que, après qu'un certain nombre de sénateurs ont
fait une démarche et obtenu du Conseil constitutionnel une annulation dans des
termes que, personnellement, je trouve sévères mais clairs, ces mêmes
sénateurs, après avoir fait sanctionner une bévue du Gouvernement, en font une
à leur tour. Pour qui prend-on les Français ?
Moi, ce que je retiens, et je remercie M. le président Lambert de l'avoir
remarqué, c'est que Mme le secrétaire d'Etat nous a dit que la proposition du
Sénat ne manque pas d'intérêt sur le fond.
Nous savons que, de toute façon, le Gouvernement est obligé de nous faire une
autre proposition dans les plus brefs délais, c'est-à-dire au lendemain des
fêtes,...
M. Roland du Luart.
C'est ce que j'ai demandé tout à l'heure !
M. Michel Charasse.
...et que nous aurons alors l'occasion, chers amis, lors de l'examen du texte
qui nous sera soumis, de reprendre éventuellement la présente proposition, si
elle n'est pas retenue d'ici là.
J'ajoute, monsieur le président Lambert et cher ami, que cette proposition du
Sénat a été votée régulièrement par le Sénat dans le cadre du projet de loi de
finances pour 2001. Donc, la position du Sénat est connue et elle n'est pas
ambiguë. Pourquoi voulez-vous aller chercher ce soir des verges pour vous faire
battre et pour donner à l'opinion le sentiment que notre proposition est
peut-être bancale, alors que jusqu'à présent elle n'a pas eu l'occasion d'être
jugée par le Conseil constitutionnel, puisque le texte définitiement adopté du
projet de loi de finances pour 2001 n'a pas retenu votre proposition ?
Chers amis, moi, je trouve - et, là, je m'abstrais de toute politique - que
c'est faire une grave erreur de procédure. C'est déjà une question assez
difficile à faire comprendre à l'opinion publique. Je crois que l'on n'a pas
besoin de rajouter à la confusion ! Nous avons adopté ce dispositif à
l'occasion de la première lecture du projet de loi de finances pour 2001. La
position du Sénat est connue. On va le voter de nouveau ce soir et il sera «
retoqué » par le Conseil constitutionnel si jamais l'Assemblée nationale le
maintenait, ce qui m'étonnerait.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Elle prendra ses responsabilités
!
M. Michel Charasse.
Par conséquent, je trouve que l'on passe des heures à débattre pour se faire
plaisir.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Absolument pas !
M. Michel Charasse.
Or se faire plaisir pour nous, dans cet hémicycle, à cette heure tardive, je
ne crois pas que ce soit le meilleur moyen d'atteindre le Nirvana.
Tout à l'heure, le président Lambert me disait que je faisais mes dévotions de
Noël. Je pense que beaucoup d'entre nous, si cette disposition devait être
maintenue et votée, devront, eux, aller se confesser.
(Sourires.)
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur,
Nous sommes là, cher collègue, certes pour légiférer, mais
aussi pour faire de la politique. Il ne faudrait peut-être pas l'oublier.
Or il y a une différence politique profonde entre le fait d'avoir voté un
texte à une époque où les événements n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui
et le fait de le voter ce soir, au lendemain de la décision du Conseil
constitutionnel. Politiquement, il importe que nous rappelions que nous avons
une solution toute prête et que nous avions prévu ce qui s'est passé. Personne
n'a fait tellement attention à ce qui avait été voté voilà quelques mois !
Notre amendement, comme celui de M. Arthuis qui nous a rejoint, montre que nous
sommes tout à fait vigilants, que nous suivons l'actualité et que nous avons,
dans l'immédiat, une réponse à proposer au Gouvernement. Celui-ci ne veut pas
la prendre en considération, il en a le droit. Il dit qu'il faut réfléchir
encore, il en a également le droit. Pour notre part, nous avions déjà engagé la
réflexion, et nous le réaffirmons ce soir.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je voudrais remercier le président Lambert de nous demander de nous prononcer
par scrutin public.
J'apprécie beaucoup l'expertise de Michel Charasse et toute la sagesse qui
caractérise son propos. Mais enfin, cher collègue, hier, nous avons été
disqualifiés par le Gouvernement ! J'ai rappelé, dans la discussion générale,
les propos de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'aurais pu rappeler également l'incident provoqué par les propos qu'a tenus
Mme Guigou hier, à l'Assemblée nationale !
Cher collègue, le Gouvernement prend une disposition généreuse, qui fait rêver
ceux de nos compatriotes qui, malheureusement, ont des revenus modestes. Cette
disposition est sanctionnée par le Conseil constitutionnel et le Gouvernement
insulte l'opposition, tentant d'accréditer l'idée selon laquelle nous serions
opposés à cette mesure. C'est scandaleux !
Je remercie M. le rapporteur de rappeler que nous sommes ici pour faire de la
politique et pour dire ce soir solennellement aux Français que nous avons pris
des dispositions appropriées mais que le Gouvernement de la France ne nous a
pas entendus,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Voilà !
M. Jean Arthuis.
... qu'il s'est égaré en violant la Constitution.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est exact !
M. Jean Arthuis.
C'est cela que nous voulons dire ce soir par ce scrutin public.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants).
M. Michel Charasse.
Si ce n'est que cela, ce n'est pas grave !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 99 |
Le Sénat a adopté.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 17 AA.
Par amendement n° 32, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 17 AA, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, la mention : "5 p. 100" est remplacée par la mention : "10 p. 100" ;
« II. - La contribution sociale des revenus définie aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale est relevée à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a, bien évidemment, créé une situation assez originale pour ce qui est de la discussion budgétaire.
Cette décision, si elle ne modifie pas l'équilibre général de la loi de financement, appelle néanmoins plusieurs observations.
Nous avions suffisamment souligné, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, tout le bien que nous pensions de cette proposition qui tendait, en particulier, à rendre les salariés - les plus modestes, en l'occurrence notamment les non-imposables - créditeurs gratuits du Trés or public, au lieu de leur permettre de percevoir immédiatement une compensation salariale.
Nous nous sommes donc interrogés sur la portée de la décision du Conseil constitutionnel et sur la possibilité laissée, dans ce cadre, à la représentation nationale de proposer une alternative atteignant un objectif similaire à celui qui avait été fixé à l'origine.
Un retour sur l'économie générale de la contribution sociale généralisée nous a donc naturellement conduits à réexaminer l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, qui détermine l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et les allocations de chômage.
Par principe, le législateur a autorisé, pour ces revenus, la mise en place d'une réduction forfaitaire pour frais professionnels de 5 % du montant des rémunérations et émoluments perçus.
Notre amendement vise donc à majorer l'importance de cette réduction forfaitaire en la portant, dès le 1er janvier 2001, à 10 % de ce montant.
Cette éviction d'assiette, en termes techniques, rendrait, selon nos calculs, environ 12 milliards à 13 milliards de francs de pouvoir d'achat aux salariés dans leur ensemble.
Dans les faits, la mesure a donc un coût plus élevé la première année que celle qui a été initiée dans la loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances, mais elle ne connaîtra bien sûr aucune autre évolution que celle qui découle de l'accroissement des salaires soumis à contribution.
Elle valorise donc pleinement l'activité professionnelle, a priori aussi sûrement que la proposition de la commission des finances.
Au demeurant, on pourrait fort bien concevoir, car je connais les critiques qui vont nous être opposées, de moduler éventuellement cette augmentation de la réduction en fonction du montant de salaire perçu, rien n'empêchant, par exemple, de définir un système de lissage avec seuils d'application à hauteur de 1,4 SMIC ou de 1,8 SMIC.
Nous avons voulu apporter notre part au débat ouvert par l'incroyable décision de lundi sur la loi de financement de la sécurité sociale et proposer, en fait, une solution susceptible de faire droit, pour une fois, au monde du travail.
C'est d'ailleurs le sens du gage que nous avons prévu, qui consiste à majorer la contribution sur les revenus des placements et du patrimoine.
Nous invitons donc le Gouvernement à tirer les conclusions de la réalité de la croissance en termes de recettes publiques et de développement de l'activité économique pour augmenter de manière significative le salaire minimum interprofessionnel de croissance, mesure qui serait le parallèle indispensable de celle que nous préconisons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur. Je l'avoue, je suis un peu troublé par l'amendement de Mme Beaudeau. Heureusement, le gage qu'elle a proposé est inacceptable, ce qui a conduit la commission a émettre sans hésitation un avis défavorable.
Ce que j'apprécie dans le dispositif qu'elle prévoit, c'est qu'il ne perturbe pas la CSG. En effet, Mme Beaudeau continue, non sans courage d'ailleurs, compte tenu de la sensibilité de l'opinion qu'elle représente, à refuser de moduler la CSG en fonction du niveau des revenus, respectant ainsi la doctrine qui avait été mise en place par le gouvernement Rocard.
Cela étant dit, elle va, me semble-t-il, peut-être trop loin. D'abord, le coût de sa proposition est plus élevé que celui du dispositif que nous avons présenté. Ensuite, par-delà les personnes que nous visions et qui ont connu la déception que nous savons, l'avantage sera très largement répandu dans toutes les couches de la population. Je ne m'en plains pas, mais ce n'est pas le but recherché immédiatement.
Aussi, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, je comprends que vous soyez en quelque sorte émue par la décision du Conseil constitutionnel. Au nom du Gouvernement, je vous remercie du caractère politique qui sous-tend votre amendement.
Mais il ne faut pas non plus céder à un excès de précipitation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Gouvernement ne renonce en rien à l'objectif qu'il s'était fixé, à savoir mettre en place un dispositif incitatif à la reprise d'activité et qui améliore les revenus des foyers les plus modestes.
J'ai dit qu'un nouveau dispositif serait examiné dès le début de l'année 2001. Je vous donne donc rendez-vous à ce moment-là. En attendant, l'amendement n° 32 se heurterait, comme les amendements n°s 13 et 37 qui viennent d'être adoptés par le Sénat, à un problème constitutionnel, et ce pour les mêmes raisons de procédure.
M. Michel Charasse. Exact !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Dans l'attente du débat que nous aurons prochainement, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Mais vous comprenez, j'en suis sûre, le sens de la demande de retrait qui est la mienne.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Essayant d'être intellectuellement honnête, je ne peux tenir deux langages. Or l'amendement de Mme Beaudeau n'est pas plus recevable que l'amendement de la commission des finances, puisqu'il n'a pas été présenté lors de la première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
Par conséquent, pour la même raison que tout à l'heure, s'agissant de l'amendement de la commission, je voterai contre l'amendement n° 32.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'ai apprécié une partie de ce débat, qui se tient dans un contexte difficile ; je l'ai notamment apprécié parce que j'ai appris enfin que nous faisions de la politique au sein de la Haute Assemblée !
Or, voilà quelques jours, ici-même, les sénateurs siégeant dans la partie droite de cet hémicycle affirmaient qu'il ne fallait pas faire d'idéologie et accusaient les sénateurs siégeant dans la partie gauche d'être des idéologues !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas pareil !
M. Paul Loridant. Ah ! C'est bien ce qu'il me semblait ! Il y a une nuance ! Voilà !
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Paul Loridant. Faire de la politique, c'est une chose ; accuser la gauche d'idéologie, c'est autre chose !
Dieu merci, nous sommes tous d'accord maintenant : nous sommes là pour faire de la politique. Je suis sûr que les grands hommes ayant traversé cet hémicycle en seront tous rassurés !
Je voudrais en revenir sur le fond de l'amendement n° 32. Ce dernier intervient certes à l'occasion d'une nouvelle lecture, mais le contexte est particulier. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous voyez bien que, contrairement à ce qu'affirmait au Gouvernement, voilà quelques instants, M. le président de la commission des finances, il n'y a pas qu'une seule méthode pour s'en tirer ! La preuve, c'est que nous proposons une autre méthode !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si on met à part le gage !
M. Paul Loridant. Oui, si on met à part le gage. Mais il y a bien une autre méthode ! Cette dernière qui, certes, demande à être discutée et affinée, a au moins un mérite dans le contexte de croissance économique : elle distribue du pouvoir d'achat sur l'ensemble de l'échelle, elle conforte la consommation et donc, à notre sens, dans ce contexte, elle conforterait, aujourd'hui, la croissance.
Telles sont les explications que je voudrais apporter, en remerciant encore une fois chaleureusement nos collègues de la majorité sénatoriale de nous avoir redit ce soir qu'ils faisaient de la politique ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il n'y a pas de quoi !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous étions inquiets !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 17 AA