SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 17. - I. - La perte de ressources résultant, pour les régimes
obligatoires de base de sécurité sociale et pour les organismes créés pour
concourir à leur financement, de la réduction de la contribution sociale
généralisée prévue à l'article 2 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 (n° du ) est compensée chaque année par l'Etat.
« II. - En 2001, le produit de la taxe prévue à l'article 991 du code général
des impôts, perçu à partir du 1er janvier, est réparti dans les conditions
suivantes :
« - une fraction égale à 56,1 % est affectée au budget de l'Etat ;
« - une fraction égale à 43,9 % est affectée, d'une part, aux organismes
bénéficiaires de la compensation mentionnée au I et, d'autre part, au fonds
visé à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, dans les conditions
fixées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° du
).
« III. - A compter du 1er janvier 2001, le produit de la taxe sur les
véhicules des sociétés prévue à l'article 1010 du code général des impôts est
affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale institué par l'article L. 131-8 du code de la sécurité
sociale.
« IV. - Dans les conditions fixées par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 (n° du ), le produit du droit de consommation sur
les tabacs manufacturés prévu à l'article 575 du code général des impôts est
affecté aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes
créés pour concourir à leur financement. L'article 49 de la loi de finances
pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) ainsi que l'article 55 de la loi de
finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) sont abrogés. »
Par amendement n° I-44, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 17 traite des modalités d'affectation de la
taxe sur les conventions d'assurance, de la taxe sur les véhicules de société
et du droit de consommation sur les tabacs. Il y est proposé de procéder à
l'affectation de ces trois recettes fiscales à des organismes de sécurité
sociale, en fait à cette espèce d'hydre qu'est le FOREC, à savoir le fonds de
financement des 35 heures.
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas gentil pour les hydres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre amendement vise à supprimer cet article et donc
les affections de recettes proposées, d'une part, pour compenser la perte de
ressources éventuellement engendrée par l'instauration d'une ristourne
dégressive de CSG et, d'autre part, pour assurer le financement des 35
heures.
Il s'agit, bien entendu, d'un « amendement-signal », qui est conforme à
l'opinion exprimée par la majorité du Sénat lors de l'examen du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001 quant à la tuyauterie censée
alimenter le FOREC, aux connexions strictement incompréhensibles.
Je regrette d'ailleurs vivement, monsieur le président, que la salle des
séances ne soit pas encore équipée d'un écran...
MM. Philippe Nogrix et Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... permettant de présenter des animations
informatiques. Il serait en effet très intéressant de pouvoir montrer ainsi les
ressources et les charges du FOREC, les communications entre le budget de
l'Etat et celui des organismes sociaux, etc.
(Sourires.)
M. Hilaire Flandre.
Quelle bonne idée !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais il semble que les esprits progressent sur ce
sujet puisqu'on nous annonce une rénovation de l'hémicycle intégrant
l'équipement en question. Il sera hautement utile dans la discussion de la loi
de finances, car il permettra d'économiser beaucoup de paroles !
(Sourires
et marques ironiques d'approbation sur les travées socialistes.)
Madame le secrétaire d'Etat, dans la recherche que nous menons ensemble
concernant la réécriture de l'ordonnance sur les lois de finances, il faudrait
inclure une réflexion sur l'installation de nouveaux supports susceptibles
d'éclairer la discussion.
Mais, veuillez me pardonner, monsieur le président, je me suis quelque peu
éloigné de l'amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, cette idée progresse effectivement puisque, le
vendredi 17 novembre, des essais ont été réalisés dans l'hémicycle. Je crois
savoir que MM. les questeurs ont donné un avis favorable et que la prochaine
réunion bureau du Sénat va officialiser ce projet.
(Très bien ! sur de
nombreuses travées.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bonne initiative !
M. le président.
Ainsi, dès le premier trimestre 2001, cette installation devrait permettre
d'animer nos débats...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
On va aller au cinéma !
M. le président.
... et peut-être d'économiser, comme vous l'avez souligné, beaucoup de
paroles.
(Sourires.)
Mais revenons à l'amendement n° I-44.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'article 17 vise à financer le coût, pour les
organismes de sécurité sociale, de la réduction dégressive de CSG proposée par
le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il
va de soi que sa suppression conduirait à des pertes non compensées pour ces
organismes et romprait l'équilibre financier qui a été voulu lorsque cet
allégement de CSG a été décidé.
En outre, l'article 17 permet à l'Etat de respecter scrupuleusement ses
responsabilités financières à l'égard du FOREC en lui affectant 11,1 milliards
de francs de recettes supplémentaires, à la fois pour asseoir la pérennité des
allégements de cotisations sociales liés à la réduction du temps de travail et
pour accompagner la montée en charge du nombre de salariés qui bénéficient de
ces aides.
L'adoption de cet amendement mettrait donc en péril, d'une part, le
financement de la réduction de CSG sur les bas salaires et, d'autre part, le
financement de la réforme des cotisations sociales patronales dans le cadre des
35 heures.
Pour ces deux raisons, le retrait de cet amendement me paraît tout à fait
nécessaire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-44.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre rapporteur général a sûrement des défauts
(Exclamations amusées sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste)...
Des défauts politiques, bien entendu !
... mais sa logique et sa cohérence sont sans faille.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La suppression de l'article 17, qui porte sur la compensation aux régimes
sociaux de la ristourne dégressive de CSG et de CRDS, est en effet cohérente
avec l'adoption au Sénat, par scrutin public, de l'amendement n° 2, créant, en
lieu et place de la ristourne dégressive, un crédit d'impôt.
Nous ne reviendrons pas sur le fait que l'exercice est aujourd'hui un peu vain
puisque, au moment même où nous débattions de ce crédit d'impôt, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 avait été adopté par l'Assemblée
nationale après que celle-ci eut rétabli son texte.
L'article 17 comprend trois autres paragraphes, qui portent sur l'alimentation
du fonds de réforme des cotisations sociales patronales, le FOREC, dont vous
vous gardez bien de rappeler qu'il n'a pas uniquement vocation à financer la
réduction négociée du temps de travail : il permet aussi de financer un certain
nombre de mesures d'allégement de cotisations d'une autre nature.
Le FOREC, que vous comparez tantôt à une usine à gaz tantôt à une hydre,
collecte en effet six recettes fiscales différentes : droits sur les tabacs,
pour un montant théorique de 44,6 milliards de francs ; taxe générale sur les
activités polluantes, pour un montant de 2,8 milliards de francs ; contribution
sociale sur les bénéfices des sociétés, pour un total de 3,8 milliards de
francs ; droits de consommation sur les alcools, pour un montant de 11,5
milliards de francs ; et l'on peut s'attendre que la contribution du budget de
l'Etat au financement du fonds sera pour partie compensée par le partage des
produits de la taxe sur les conventions d'assurance et de la taxe sur les
véhicules de sociétés.
Je ne vous le cache pas, nous avons toujours considéré que ce montage
financier était pour le moins discutable, car il n'est jamais bon que des
cotisations sociales soient remplacées par l'affectation de recettes de nature
fiscale...
M. Alain Gournac.
Absolument !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... dans la mesure où cela rompt le lien organique et naturel entre le lieu de
création de richesses et le financement de la protection sociale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très juste !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous attendons d'ailleurs de la croissance économique qu'elle permette de
dégager, au travers de la création d'emplois et de l'accroissement des recettes
propres de la sécurité sociale, les moyens d'un financement plus équilibré et
plus pérenne de la réforme des cotisations sociales.
Pour autant, après avoir examiné la colonne des recettes, on est bien obligé
de regarder aussi la colonne des dépenses, quand il s'agit de notre fonds de
réforme des cotisations sociales, que certains voudraient assimiler au tonneau
des Danaïdes. Qu'y observe-t-on de concret et de précis ?
Pour l'année 2000, sur les 67 milliards de francs de dépenses du FOREC, 45,3
milliards de francs sont consacrés à la prise en charge de la ristourne
dégressive sur les bas salaires et son extension, ristourne dégressive dont il
me souvient qu'elle avait été créée, à l'origine, par Michel Giraud et
perfectionnée, si l'on peut dire, par le gouvernement de M. Juppé.
Ce sont donc les deux tiers du FOREC, monsieur le rapporteur général, qui sont
utilisés pour financer une dépense non négligeable qui, en d'autres temps,
n'avait pas de financement stabilisé.
Je vous rappelle, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu'en dépit des
difficultés budgétaires de l'Etat que nous connaissions en 1993 aucune autre
solution n'avait été trouvée pour financer la ristourne dégressive que celle
qui consiste à inscrire la dépense au budget des charges communes.
En clair, le cadeau accordé aux entreprises était financé par la dette
publique ou par ce que l'on peut appeler objectivement, passez-moi
l'expression, de la « monnaie de singe ».
(M. Alain Gournac
s'exclame.)
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes des spécialistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Tous ceux qui dénoncent aujourd'hui le coût des 35 heures, mon cher collègue,
devraient éviter d'avoir la mémoire aussi courte.
De surcroît, se pose en dernière instance une autre question : les 35 heures
ne sont-elles qu'un problème de coût ou également un vecteur de recettes ? Il
faut quand même sortir de la logique comptable
stricto sensu,
dont je
reconnais qu'elle est trompeusement valorisée par l'existence même du FOREC, de
ses recettes affectées et de ses interventions, et aborder la question de
manière un peu plus dynamique.
En effet, ne croyez-vous pas qu'une part de l'accroissement des recettes de la
protection sociale - plus de 75 milliards de francs en exécution -...
M. le président.
Veuillez conclure, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... et l'accroissement du produit de l'impôt sur le revenu - 13 milliards de
francs malgré les allégements du collectif de printemps - sont directement
imputables aux créations d'emplois liées aux 35 heures ?
M. Jean-Pierre Fourcade.
Mais non !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... Le fait que la baisse du taux normal de la TVA
M. Alain Gournac.
C'est long !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... ait été compensée par l'accroissement de la consommation des ménages
atteste aussi de cette évolution.
C'est bien l'emploi, malgré tout, qui est au coeur de la démarche des 35
heures - encore de façon insuffisante, c'est vrai, en termes qualitatifs et
quantitatifs - et il est normal que, d'une certaine manière, l'argent de la
croissance revienne à l'emploi.
Vous voyez bien, monsieur le rapporteur général, que de se prononcer contre la
réduction du temps de travail n'est pas uniquement de nature idéologique. C'est
antisocial et profondément anti-économique, car cela bride la croissance et
éloigne de l'objectif de réduction des déficits publics, que vous appelez
pourtant de vos voeux.
M. Thierry Foucaud.
Très bien !
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Je vais profiter de votre présence, madame le secrétaire d'Etat, pour appeler
votre attention sur un point sur lequel M. le président de la commission des
finances a déjà insisté la semaine dernière : l'extrême facilité avec laquelle
on trouve des milliards, voire des dizaines de milliards de francs, pour
financer certaines missions et l'impossibilité dans laquelle on se trouve
d'assumer les tâches régaliennes de l'Etat.
(Applaudissements sur les
travées du groupe des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez actuellement une collègue, élue comme
moi de Bretagne, pour laquelle j'ai beaucoup d'estime. J'ai eu l'occasion de
lui dire à quel point j'appréciais sa gentillesse, son sérieux, sa courtoisie,
son goût pour le travail bien fait. Il n'en reste pas moins qu'elle se trouve
aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile.
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. Christian Bonnet.
Madame le secrétaire d'Etat, vous le savez certainement, mais je souhaite
attirer votre attention sur le fait que le budget de la justice représente
environ 1,60 % du budget national.
M. Alain Gournac.
On paie les 35 heures !
M. Christian Bonnet.
Si vous en retirez l'administration pénitentiaire, cela représente, en
réalité, 1,20 %, ce, alors même que les Français, par les temps qui courent,
sont assoiffés de sécurité. Il n'est que de parcourir les journaux et magazines
pour voir ce qui se passe dans un certain nombre de secteurs de nos villes ou
dans leur environnement immédiat.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Christian Bonnet.
Dans le même temps, la gendarmerie et la police, qui assurent l'une et l'autre
la sécurité des Français, ont droit à 3,25 % du budget national.
La justice et la police représentent donc moins de 5 % du budget de la nation.
Et, dans le même temps, on trouve des milliards et des milliards de
francs...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Christian Bonnet.
... pour accomplir un certain nombre de tâches qui, pour importantes qu'elles
soient, me paraissent néanmoins sortir du cadre de ce qu'il est convenu
d'appeler les attributs régaliens traditionnels de l'Etat.
(« Très bien » !
et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
(M. Jean Faure remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je souhaite insister sur le droit de contrôle du Parlement, que met en cause
la création du FOREC.
En effet, ces quelque 80 milliards de francs de recettes de l'Etat qui sont
affectés au FOREC et à d'autres fonds dépendant des organismes sociaux
échappent, finalement, au contrôle du Parlement. Dans le fascicule des voies et
moyens, s'agissant du montant des impositions de toute nature qui sont allouées
à de tels organismes, on renvoie à la loi de financement de la sécurité
sociale.
Mes chers collègues, les impôts qui sont affectés à ces organismes doivent
être contrôlés par une assemblée élue. Ce n'est pas parce qu'un ou deux membres
du Parlement participent au conseil d'administration desdits organismes que
l'on peut considérer que l'autorisation parlementaire de lever l'impôt est
donnée démocratiquement. C'est la première raison, me semble-t-il, pour que ces
impôts relèvent du budget de l'Etat.
Par ailleurs, qui exerce effectivement le contrôle d'un organisme comme le
FOREC ? Comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, cet organisme
fonctionne depuis un an sans statuts, sans conseil d'administration et,
finalement, c'est l'agence centrale des organismes de sécurité sociale,
l'ACOSS, qui effectue tranquillement toutes les opérations de redistribution
des fonds vers les différents régimes de sécurité sociale.
Je me pose vraiment des questions ! Comment un organisme qui gère une somme
d'argent aussi importante peut-il fonctionner en dehors de toute réglementation
? C'est la deuxième raison pour laquelle je suis contre l'affectation de ces
impôts au FOREC.
En troisième lieu, je rappellerai à Mme Beaudeau que les crédits de la «
ristourne Juppé » qui ont en effet été intégrés au FOREC, étaient auparavant
inscrits non pas au budget des charges communes, mais au budget de l'emploi. Il
y a donc eu, l'année dernière, transfert du budget de l'emploi au FOREC.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il faut revenir au bon sens et
faire en sorte que ce soit le Parlement qui contrôle directement l'utilisation
de ces fonds.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Après les excellentes interventions de mes collègues Christian Bonnet et Yves
Fréville, je veux ajouter deux observations.
Tout d'abord, pour avoir fait partie du petit nombre de parlementaires qui se
sont battus pendant des années pour que le Parlement puisse, comme le proposait
M. Fréville, examiner de plus près les comptes de la sécurité sociale, je suis
consterné de découvrir que la complexité mentale de certains de nos
fonctionnaires s'est tellement développée qu'il n'est plus possible d'opérer
une distinction logique et rigoureuse entre la loi de financement de la
sécurité sociale et la loi de finances !
Alors que nous voulions une présentation annuelle devant le Parlement des
dépenses et des recettes de l'ensemble des régimes sociaux - je parle sous le
contrôle de mon ami Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires
sociales - on a aujourd'hui un système avec des « tuyauteries » tellement
compliquées que plus personne ne sait qui fait quoi et que l'on procède à des
renvois permanents d'un texte à l'autre.
Par conséquent, pour de simples raisons d'organisation administrative et
législative, je soutiens l'amendement de la commission des finances : il faut
que tout cela soit transparent et que l'on arrête de passer d'un système à
l'autre sans aucune lisibilité.
Ensuite, cette idée sur laquelle se fondait le propos de mon excellente
collègue Mme Beaudeau, et qui commence à se répandre, selon laquelle l'économie
française aurait gagné beaucoup d'emplois grâce aux 35 heures ne devrait pas,
selon moi, être développée à longueur de discours et de dossiers, car il s'agit
d'une idée fausse.
Au vu des chiffres, qu'observe-t-on concrètement aujourd'hui ? Les emplois
nouveaux qui sont créés dans notre pays proviennent des entreprises nouvelles
et des petites entreprises. Or, les 35 heures ne s'appliquent pas aux petites
entreprises ! Au contraire, toutes les grandes entreprises, notamment les
entreprises étrangères installées en France, qui ont appliqué le sytème des 35
heures, grâce à leur très bonne organisation juridico-financière, ont saisi au
vol toutes les primes et toutes les possiblités financières que leur offrait le
Gouvernement sans créer d'emplois. Elle se sont contentées de ne pas licencier
ou de ne pas supprimer de postes.
Par conséquent, qu'on arrête de tromper le monde en disant que c'est grâce aux
35 heures qu'on a augmenté le nombre des emplois ! C'est grâce à la conjoncture
que nos entreprises ont pu se développer et grâce, il faut le reconnaître
aussi, à la faiblesse de l'euro, qui a favorisé nos exportations. Arrêtons de
tout mélanger !
De même que l'on mélange la loi de financement de la sécurité sociale et la
loi de finances, on mélange également l'effet des 35 heures, qui n'est pas
encore mesuré, et la création d'emplois due au développement économique.
Il convient que le Sénat formule des observations claires sur ces grands
sujets économiques et ne mélange pas tout.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je ne suis pas, comme Yves Fréville ou Jean-Pierre Fourcade, un spécialiste en
la matière, mais, si l'on voulait démontrer que le FOREC est un instrument
d'idéologie, Mme Beaudeau nous en a donné l'occasion.
La discussion portait sur l'article 17, et voilà que l'on argumente à propos
du FOREC, en disant qu'il est le bienvenu !
Mes chers collègues, si les 35 heures étaient une disposition qui devait se
financer toute seule, pourquoi avoir prévu toutes ces « tuyauteries »,
puisqu'on ne parle que de « tuyauteries » ? Si la relance économique n'était
pas là et s'il s'agissait uniquement d'une décision du Gouvernement, il était
inutile de prévoir un financement : les 35 heures se seraient financées toutes
seules par la reprise de l'emploi, par la diminution des indemnités de chômage,
etc. Cela traduit une méconnaissance totale des mécanismes actuels !
Je remercie mon collègue Jean-Pierre Fourcade d'avoir insisté sur ce constat :
aujourd'hui, les créations d'emplois sont dues essentiellement à la reprise
économique.
Lorsque nous analyserons ce qui est en train de se passer, peut-être
verrons-nous - j'ai déjà eu l'occasion de le dire - que le potentiel d'emplois
est même freiné, actuellement, par les 35 heures. En effet, les petites
entreprises, qui ont des commandes, ne trouvent plus à embaucher, car les
grandes entreprises, alléchées par tous les avantages qu'on leur a accordés
avec les 35 heures, ont pompé la main-d'oeuvre disponible. Les petites
entreprises ne peuvent donc pas relayer le développement économique.
Je crains que nous ne passions à côté de cette relance qui aurait sans doute
permis aux uns et aux autres, en fonction de leurs capacités professionnelles,
de participer à la répartition, sur l'ensemble du territoire, du développement
économique, de façon que celui-ci ne se cantonne pas aux alentours des grandes
entreprises. Ces dernières peuvent se permettre de créer des emplois
puisqu'elles reçoivent, en contrepartie, de nombreux avantages de la part du
Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Si vous voulez supprimer les allégements, allez-y !
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Je souhaite intervenir en ma qualité de rapporteur du projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Je remercie MM. Fréville, Fourcade et Nogrix des propos qu'ils ont tenus. Nous
avons dénoncé ce système de « tuyauterie », qui nous paraît scandaleux.
Pourtant - j'y reviendrai demain à la tribune du Sénat lors de la discussion en
deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale -
l'Assemblée nationale a ajouté deux éléments. Je n'en citerai qu'un.
Pour compenser à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, la
seule exonération de la CRDS des chômeurs non imposables on diminue les
versements de la CADES à l'Etat.
Mais, comme l'Etat ne veut pas se pénaliser, on diminue à due concurrence le
budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, qui figure dans la
loi de finances.
Mais, comme il n'est jamais bon d'avoir les agriculteurs contre soi, surtout
dans la période actuelle, pour que le BAPSA ne soit pas pénalisé, on lui donne
un petit bout de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la
C3S.
Mais...
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Eh oui, mes chers collègues, ce
n'est pas fini !
Mais, comme l'excédent de la C3S était normalement affecté au fonds de
solidarité vieillesse, ce sont 350 millions de francs que l'on « pompe » encore
sur le fonds de réserve !
Madame le secrétaire d'Etat, il y a là un problème de démocratie.
Certes, la politique peut nous opposer, c'est normal. Nous sommes l'opposition
et il y a une majorité. Tout cela, je le comprends.
Mais est-il bien normal, s'agissant du budget social, soit 1 987 milliards de
francs, que nous soyons dans l'incapacité de l'expliquer à nos concitoyens ?
Aujourd'hui, il n'y a pas dix sénateurs, pas dix députés qui peuvent
appréhender le budget social.
Alors, financer le FOREC - j'ai le regret de le dire, notamment à mes
collègues du groupe communiste républicain et citoyen, au prix de manoeuvres
antidémocratiques - c'est, au-delà de nos positions politiques respectives,
mettre en danger la démocratie.
Encore une fois, je défie quiconque d'expliquer ce budget à nos concitoyens.
Et, quand on ne peut pas expliquer le budget social aux citoyens, c'est la
démocratie qui est en danger.
Madame le secrétaire d'Etat, ou bien le Gouvernement contrôle ses
fonctionnaires, ou bien ce sont les fonctionnaires qui le gouvernent. Je
voudrais savoir qui prend les décisions en la matière. Le fonctionnement du
FOREC est un véritable scandale démocratique.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Où est la transparence ? On voit le résultat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, je crois qu'il est utile, à ce
stade du débat, de rappeler les motivations de la commission, qui, d'ailleurs,
je viens de le constater, sont très largement partagées sur l'ensemble des
travées.
En premier lieu, se pose un problème institutionnel, voire constitutionnel.
Qui contrôle le FOREC ? Quel est son degré de transparence ?
MM. Philippe Nogrix et Yves Fréville.
Il est nul !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment fonctionne-t-il ?
A cheval entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité
sociale, le FOREC est ainsi conçu pour éviter au Gouvernement de faire
apparaître dans la loi de finances des progressions de dépenses excessives et
plus globalement, la politique des prélèvements obligatoires de ce pays. A ce
titre, le FOREC est un mécanisme que nous ne pouvons pas accepter.
M. Philippe Nogrix.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque nous débattrons, l'année prochaine, de la
réforme de l'ordonnance organique sur les lois de finances, bien entendu, une
telle situation devra être présente à nos esprits. Nous aurons alors à coeur,
je l'espère, de promouvoir le principe d'une prise en compte consolidée des
prélèvements obligatoires, quelle que soit leur affectation au plan national,
d'un côté, à l'Etat et, de l'autre, aux organismes sociaux.
Ce premier aspect institutionnel et constitutionnel est essentiel à nos yeux
et représente le principal motif de suppression de l'article 17.
En deuxième lieu, il est un autre motif, celui-là, plus technique, de
supprimer l'article 17. Au début de la discussion des articles, nous avons voté
un crédit d'impôt au titre de l'impôt sur le revenu qui nous semble plus juste
et plus conforme aux intentions des auteurs du plan de baisse fiscale que la
ristourne dégressive de CSG, et ce pour toute une série de raisons liées au
mélange des genres qui, à notre avis, a conduit le Gouvernement à utiliser la
CSG pour une finalité complètement étrangère à sa nature.
Il s'agit d'un vote de cohérence, puisque nous avons voté le crédit d'impôt et
qu'il serait, dès lors, redondant de maintenir l'affectation de ces taxes au
FOREC. En effet, la ristourne dégressive a été supprimée dans la loi de
financement de la sécurité sociale, du moins dans la rédaction du Sénat, et le
crédit d'impôt a été voté dans le projet de budget. Nous n'avons donc plus
besoin de maintenir l'affectation de ces trois taxes proposée par l'article
17.
En troisième et dernier lieu, M. Fourcade a insisté sur ce point essentiel,
nous nous interrogeons sur la finalité économique de l'ensemble du
dispositif.
Ce sont les documents officiels du Gouvernement, les déclarations des
ministres, le rapport économique, social et financier qui conduisent à estimer
tantôt à 200 000, tantôt à 250 000 le nombre des emplois préservés ou créés
grâce à la politique des 35 heures. Ces chiffres sont à rapporter au million de
créations d'emplois effectives dues à la croissance, aux 85 milliards de francs
de charges prévus pour 2001 et aux 110 milliards de francs d'argent public en
année pleine programmés à partir des exercices suivants.
Mes chers collègues, le jeu en vaut-il la chandelle ? L'argent public est-il
bien utilisé ? Ces montagnes d'argent ne pourraient-elles servir à créer plus
d'emplois, plus de dynamisme et plus d'attractivité dans notre économie ?
C'est parce que nous faisons cette analyse, madame le secrétaire d'Etat, que
nous appelons à la suppression de l'article 17.
Au demeurant, sommes-nous, sur ces sujets, si loin de certaines des
déclarations de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
lorsqu'il laisse entendre qu'il n'est pas si sûr que cela que, pour les petites
et moyennes entreprises, il soit vraiment urgent de faire tomber le couperet
des 35 heures ?
Madame le secrétaire d'Etat, si même le ministre que vous représentez ici,
dans cet hémicycle, n'est plus aussi convaincu du bien-fondé de la
généralisation de la politique des 35 heures...
M. Charles Descours.
C'est inquiétant !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... c'est sans doute que, quelque part, nous avons
raison de vouloir rejeter le mécanisme et le fondement de la politique que vous
menez en supprimant l'article 17.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je répondrai très brièvement aux longues interventions
qui précèdent.
Le sujet n'est pas nouveau, puisqu'il s'agit de la complexité des relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas une raison pour les compliquer encore !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Croyez bien que je partage le point de vue selon
lequel cette question est très complexe, mais elle n'est pas nouvelle.
M. Charles Descours.
Le FOREC, c'est nouveau !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En matière de sécurité sociale, vous en conviendrez,
tout est toujours compliqué. Je me souviens des mécanismes de compensation
démographique des années soixante-dix : compliqués à l'origine, ils le sont
toujours aujourd'hui.
S'agissant des relations entre l'Etat et la sécurité sociale, je me rappelle
que lorsqu'il s'est agi de financer, en 1993, le trou de 130 milliards de
francs de la sécurité sociale, on n'a pas hésité à transférer cette dette, sans
aucun transit par le budget général, par une simple opération de trésorerie, au
nez et à la barbe du Parlement !
Oui, il faut améliorer la lisibilité de ces opérations.
A court terme, le Gouvernement a proposé, au titre des mesures de
transparence, de déposer un fascicule jaune retraçant les relations financières
entre l'Etat et les administrations de sécurité sociale. C'est la première
fois.
Pour autant, ce n'est pas suffisant, nous en sommes tout à fait d'accord,
mais, puisque cela n'existait pas, notons qu'il s'agit d'un progrès.
A moyen terme, M. le rapporteur général a bien voulu mentionner que les
travaux en cours sur la réforme de l'ordonnance organique devraient prendre en
compte cette dimension et améliorer l'articulation entre le projet de loi de
finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour autant, je ne crois pas que l'on puisse soutenir que les droits du
Parlement sont bafoués, s'agissant du FOREC, Monsieur Fréville, puisque les
interventions des uns et des autres démontrent exactement le contraire.
En effet, avec l'adoption de l'amendement n° I-44 de la commission des
finances, le FOREC sera privé, dans quelques minutes, je suppose, de plus de 10
% de ses recettes, à savoir 11 milliards de francs sur 85 milliards de francs.
Cela veut bien dire que le Parlement a les moyens d'intervenir sur les
ressources de cette structure.
Mais l'occasion est bien commode, puisque cela nous aura permis de polémiquer
pendant quelques minutes sur un sujet bien connu, celui des 35 heures !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 17 est supprimé.
Article 18