Séance du 8 juin 2000







M. le président. Par amendement n° 63, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« En 2000, la dotation forfaitaire des communes bénéficiant de l'une des dotations définies par les articles L. 2334-15 à L. 2334-23 est majorée d'un montant de 500 millions de francs. Ce montant est réparti selon les modalités définies par les articles L. 2334-17 et L. 2334-22.
« A compter de 2001, cette majoration évolue selon les modalités définies au premier alinéa.
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La question des concours aux collectivités locales se pose évidemment dans des termes renouvelés dès lors que nous sommes dans une phase de croissance, que nous espérons durable. Elle se pose notamment pour la dotation globale de fonctionnement.
La réforme discutée en 1993 avait, entre autres défauts, celui de procéder au gel de la dotation forfaitaire de l'ensemble des collectivités locales.
Les parlementaires de notre groupe avaient d'ailleurs eu l'occasion, à l'époque, de souligner le caractère plus que discutable de cette mesure, qui tendait à faire payer aux élus locaux une partie des politiques d'austérité budgétaire alors mises en oeuvre.
Mais une autre question se posait et se pose encore aujourd'hui : celle de la constitution même de l'enveloppe de la dotation forfaitaire.
Dans les faits, le gel de la dotation forfaitaire, déjà peu acceptable compte tenu de la hausse des prix à l'époque et de la montée en charge de certaines dépenses des collectivités, se doublait d'une sorte de cristallisation des inégalités de répartition issues des règles de répartition de la DGF jusqu'alors en vigueur.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple d'une commune du Val-d'Oise, Argenteuil, qui continue de souffrir de cette situation.
Argenteuil est, du point de vue démographique, la troisième commune de la région d'Ile-de-France, après Paris et Boulogne-Billancourt. Elle présente cependant un grand nombre de caractéristiques qui la rapprochent de beaucoup de communes de la région : niveau de revenu des habitants qui fait que la moitié d'entre eux ne sont pas imposables sur le revenu, taux de sans-emploi, nombre d'allocataires des aides personnelles au logement, etc. D'ailleurs, la ville est éligible tant à la dotation de solidarité urbaine - où elle figure dans la première partie du tableau de l'indice synthétique - qu'au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France.
On notera également que cette commune est engagée dans un vaste programme de requalification urbaine, concernant, en particulier, l'ancienne ZUP du Val-Notre-Dame, et qu'elle continue, de plus, de subir les conséquences de la modification des activités industrielles en Ile-de-France.
En effet, jusqu'à une période récente, les activités industrielles de la commune étaient relativement plus importantes qu'ailleurs, notamment autour du pôle constitué par l'usine aéronautique Dassault.
Cependant, année après année, comme en bien d'autres endroits, le nombre des emplois s'est réduit, ce qui pèse sur la situation économique générale de la ville, notamment sur ses ressources propres.
A cela il convient d'ajouter le fait que, s'agissant de la dotation globale de fonctionnement, la commune présente aujourd'hui la particularité de bénéficier d'une attribution de dotation forfaitaire plus faible de manière générale que celle des communes de la même strate démographique qui, pour des raisons diverses, ont pu bénéficier de majorations de dotation.
Une mesure de justice et de réparation s'impose pour Argenteuil, comme pour d'autres communes, au demeurant. M. Fourcade, saisi par le maire d'Argenteuil, a d'ailleurs demandé, en sa qualité de président du comité des finances locales, à la direction générale des collectivités locales de procéder à l'étude des dotations allouées à la ville d'Argenteuil.
Cette ville de près de 100 000 habitants a touché une dotation globale de fonctionnement de 124 millions de francs, soit 1 303 francs par habitant, alors que la plupart des villes de même importance et de même strate démographique perçoivent 1 740 francs par habitant. Ainsi, chaque année, depuis 1995, il manque 40 millions de francs, soit 200 millions de francs sur cinq ans, à la ville d'Argenteuil.
L'an dernier, l'Assemblée nationale avait accordé, par voie d'amendement, réparation à deux grandes villes qui se trouvaient dans la même situation : Lourdes et Grenoble. Nous demandons pour Argenteuil une réparation de même type au titre de la DGF de l'année 2000.
S'agissant de la dotation de solidarité urbaine, Argenteuil est située dans le dernier tiers du classement, et des villes plus « riches » perçoivent des dotations beaucoup plus élevées.
L'année dernière, la ville a perçu 6,8 millions de francs. Cette année, la dotation ne sera que de 5,5 millions de francs. Or la ville participe, pour 6 millions de francs, au comblement du déficit de l'entreprise privée de transport collectif ainsi que, pour 4 millions de francs, au plan de redressement de l'office d'HLM.
Il sera bien difficile, dans de telles conditions, d'envisager la mise en oeuvre d'une politique de la ville en faveur de la mixité et du renouvellement urbain et de répondre aux multiples attentes d'une population dont les besoins sociaux, culturels et sportifs sont tout à fait considérables.
L'inégalité qui s'est cristallisée à partir de 1993 perdure et pèse lourdement sur la situation des comptes de certaines communes - j'ai cité l'exemple d'Argenteuil que je connais mieux que d'autres, mais il en existe certainement dans de nombreux départements - qui ont été victimes d'une injustice. Cette injustice, il faut la réparer.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui tend à majorer la part de la dotation forfaitaire dans la DGF et à répartir cette majoration suivant des règles propres à la répartition des dotations habituelles de solidarité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général.. D'une certaine façon, c'est un amendement qui fait plaisir : il est vrai que l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités est inférieure à l'évolution des charges des collectivités, nous n'avons cessé de le dire tout au long de cette discussion.
Par ailleurs, vous proposez, mes chers collègues, de rendre un peu plus « péréquatrice » la répartition de la dotation forfaitaire. Mais on est tenté de vous poser une question : pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi accorder ce traitement à la DSU et pas à la DSR ?
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne pourrait-on pas lui appliquer exactement le même raisonnement ?
En outre, il faudrait vérifier que, tel que l'amendement est rédigé, l'augmentation de la DGF qui en résulte ne va pas à nouveau écorner la DCTP. Ce dispositif ne sera-t-il pas, comme tout à l'heure, un nouveau coup de rabot ?
Pour toutes ces raisons, la commission sollicite l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. L'abondement qui est proposé à hauteur de 500 millions de francs de la dotation forfaitaire des communes éligibles à la DSU et à la DSR ne recueille pas l'accord du Gouvernement dans la mesure où il considère que la croissance des concours qu'il accorde aux collectivités locales est, depuis 1999, très substantielle.
Je rappelle que, depuis cette date, est en vigueur un contrat de croissance et de solidarité qui est indexé en fonction des fruits de la croissance. Il donne donc aux collectivités locales un supplément de ressources qui s'est élevé, en 2000, à 1,9 milliard de francs, supplément auquel se sont ajoutés un certain nombre d'abondements qui ont été votés en loi de finances initiale pour 1999 en ce qui concerne la DSU - 500 millions de francs - et le fonds national de péréquation, le FNP, à hauteur de 150 millions de francs.
Par ailleurs, de nouveaux abondements ont été votés en 2000 : en ce qui concerne la DGF de l'intercommunalité, nous en avons parlé ; pour la DSU, 500 millions de francs ; pour la DSR, 150 millions de francs ; pour la dotation d'aménagement au titre du recensement général de la population, 200 millions de francs.
Enfin, nous venons d'examiner, dans ce collectif de printemps, un amendement portant sur 250 millions de francs au titre du financement de l'intercommunalité.
Au total, le supplément de ressources pour les collectivités, par rapport à l'ancien pacte qui couvrait la période 1996-1999 et qui avait assuré une simple évolution en francs constants des concours de l'Etat aux collectivités locales, est de plus de 4,1 milliards de francs. La dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale progressent respectivement, en 2000, de 14,3 % et de 6,1 % par rapport à l'année 1999.
Par conséquent, cet accroissement significatif de l'effort accompli en faveur des collectivités locales me paraît pouvoir être poursuivi sans abondement complémentaire.
Par ailleurs, nous sommes en train d'examiner le cas particulier d'Argenteuil que vous venez de citer et dont vous nous avez saisis. C'est un cas compliqué, je dois le dire, et nous n'avons pas encore de solution toute prête. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
M. le président. Je vais mettre au voix l'amendement n° 63.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame la secrétaire d'Etat, tout à l'heure, vous avez entendu, comme moi j'imagine, notre collègue Michel Charasse rappeler que le comité des finances locales avait été amené à faire le constat que la DSR avait subi une perte de 16 millions de francs au titre de l'exercice 2000. Or vous venez de nous dire à l'instant, faisant valoir l'augmentation des dotations de l'Etat auprès des collectivités locales, que la DSR avait augmenté d'environ 6 %, soit 13 % ou 14 %, globalement, entre la DSU et la DSR. Il y a donc un problème de communication et d'information entre le comité des finances locales et le Gouvernement.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur Vasselle, la progression de 6,1 % de la DSR en 2000 par rapport à 1999 s'entend globalement, alors que le chiffre qui a été mentionné tout à l'heure par Michel Charasse concernait la part réservée aux bourgs-centres au sein de la DSR, pour laquelle on enregistre effectivement une baisse à hauteur de 16 millions de francs. Par conséquence, les deux approches ne sont pas incompatibles.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 63, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 9 bis