Séance du 8 juin 2000
M. le président. Par amendement n° 9, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer après l'article 8 un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 244 quater E du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 244 quater E. - L'imposition à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés due au titre de 2000 et de 2001 par les contribuables qui exercent l'ensemble de leur activité dans les départements de Charente-Maritime, du Finistère, de Loire-Atlantique, du Morbihan et de Vendée, et dans les secteurs du commerce, de l'artisanat, de la restauration, de l'hôtellerie et de la location de résidences à vocation touristique ou parahôtelière, de l'hébergement de plein air, du nautisme, de l'aquaculture, de la saliculture et de la pêche maritime, peut être, sur demande expresse du contribuable, reportée au moment du paiement de l'impôt dû au titre de 2002. »
« II. La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, la commission propose d'insérer un article additionnel après l'article 8, en vue d'accorder un report d'imposition à certaines entreprises exerçant leurs activités dans les départements concernés par la marée noire du mois de décembre dernier.
Il convient de rappeler que nous avons adopté des dispositions fiscales en faveur des exploitants forestiers, en faveur des collectivités territoriales, que des crédits ont été ouverts en faveur des collectivités victimes des tempêtes, des inondations et de la marée noire. Nous avons d'ailleurs vu hier que les conditions de consommation des crédits de cette nature appellent bien des remarques et sont loin d'être satisfaisantes. Mais, jusqu'ici, le texte est complètement muet s'agissant des entreprises, notamment touristiques ou tournées vers les activités maritimes, et qui exercent leur métier dans les départements touchés ou concernés par la marée noire.
Le présent article additionnel répare ce que nous voulons considérer comme un oubli, en accordant un report d'imposition aux entreprises de ces départements.
Il s'agit d'une avance de trésorerie, accordée à la demande de l'entreprise et qui s'applique aux impositions dues au titre de 2000 et de 2001, les sommes dues devant être acquittées en 2002.
Les départements dans lesquels les entreprises pourront bénéficier du report d'imposition sont ceux dans lesquels les préfets ont déclenché un plan POLMAR-terre : soit la Charente-Maritime, le Finistère, la Loire-Atlantique, le Morbihan et la Vendée.
Quels secteurs d'activité visons-nous ? Le commerce, l'artisanat, la restauration, l'hôtellerie et la location de résidences à vocation touristique ou parahôtelière, l'hébergement de plein air, le nautisme, l'aquaculture et la pêche maritime auxquels il convient d'ajouter la saliculture.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Marini rapporteur général. Mes chers collègues, la commission appelle le Sénat à voter cette disposition.
Je souligne enfin que le président du Sénat, M. Christian Poncelet, a pris l'initiative, tout récemment, de réunir autour de lui les élus locaux, les maires en particulier, et les représentants des conseils généraux de tous les départements concernés. A cette occasion, les situations très difficiles de certaines entreprises locales lui ont été soumises. Nous avons pu consulter des données chiffrées extrêmement préoccupantes s'agissant des réservations, des prises de commandes, du rythme d'activité prévisible pour la saison touristique à venir.
Il est certes indispensable de faire de la publicité pour ces régions : ces mesures sont d'ores et déjà prévues et les départements et les collectivités territoriales agissent avec détermination. A titre d'exemple, notre collègue Jacques Oudin a envoyé tout récemment à un certain nombre d'entre nous une superbe brochure sur l'île de Noirmoutier. C'est là une démarche particulièrement opportune pour faire prendre conscience aux touristes en puissance que cette région est extrêmement belle et que les conséquences de la marée noire ont été correctement traitées.
Il n'en reste pas moins que les hôtels, les locations de voiliers, toutes les activités tournées vers la mer subissent un très grave contrecoup de la perte d'image liée à ces tempêtes et que tout cela pèse sur la trésorerie des entreprises. Il est donc nécessaire de les soutenir, de les aider par des reports d'imposition. C'est ce que, à l'appel du président du Sénat, vise à faire le présent amendement. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cet amendement porte sur une situation qui est effectivement très dramatique, nous le savons. Les dommages qui ont été causés dans ces régions par la marée noire de l' Erika sont tout à faits importants et la situation des professionnels doit effectivement être prise en considération.
Il nous semble néanmoins que le dispositif que vous proposez est très large et systématique, puisqu'il pourrait avoir comme conséquence que l'on soutienne tous les commerçants et les artisans des départements et secteurs qui ont été victimes des conséquences du naufrage de l' Erika. Or, on ne peut pas raisonnablement soutenir que tous les secteurs cités, tous les départements visés par l'amendement soient dans la même situation et nous ne voudrions pas encourager des distorsions de concurrence.
Je crois - mais peut-être est-ce dans cet esprit que M. le rapporteur général a conçu son amendement - que la bonne réponse est un examen au cas par cas. C'est en effet le seul moyen d'éviter des injustices.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé aux services fiscaux des départements concernés d'examiner avec une extrême bienveillance les demandes de remise gracieuse en matière d'impôts directs qui pourraient leur être présentées. Il va de soi que si une quelconque difficulté se présentait, je suis certaine qu'elle nous reviendrait aux oreilles et sachez que je veillerai à ce qu'elle soit réglée dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible.
Pour ces raisons, monsieur le rapporteur général, il me semble que votre amendement pourrait être retiré.
M. Philippe Marini rapporteur général. Pourrait être !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Madame le secrétaire d'Etat, je vous trouve bien sévère avec cet amendement, car M. le rapporteur général l'a écrit avec une grande prudence. En fait, le paragraphe I rend le paragraphe II inutile puisqu'il n'a pas indiqué, ce qui aurait pu justifier votre réponse : « les contribuables auront droit automatiquement s'ils demandent », il a écrit : « peut être accordé sur demande ».
Cette disposition, c'est la réécriture dans la loi d'un dispositif qui existe déjà actuellement : la juridiction gracieuse exercée par les directeurs des services fiscaux. C'est pour cela que je pense que le gage est inutile. Le dispositif ne changera rien !
Madame le secrétaire d'Etat, comme cela ne change rien puisque c'est déjà ce qui se fait et que ce n'est pas parce qu'on va adresser une demande qu'on obtiendra satisfaction - il faudra en effet fournir des justifications expliquant pourquoi on ne peut pas payer - je pense qu'on peut faire plaisir à tout le monde en le répétant.
Aujourd'hui, vous le savez, on fait dans le symbole !...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Faites leur plaisir !
M. Michel Charasse. Le quinquennat, c'est moderne ! Ce truc, c'est moderne aussi ! Faisons donc dans le symbole ! (Sourires.)
Réinscrivons dans la loi ce qui existe déjà, montrons que le Sénat n'est pas indifférent à la situation de ceux qui sont dans l'embarras. M. le rapporteur général nous proposant de redire avec force que ce qui existe déjà et peut continuer à exister, je ne vois pas pourquoi nous ne voterions pas cet amendement.
Excusez-moi de le redire, madame le secrétaire d'Etat : cela ne change rien, alors faites plaisir ! C'est comme le quinquennat ! Cela ne change rien, alors on fait plaisir !
Vous allez faire plaisir au Président de la République qui vous a dit que le quinquennat cela ne changeait rien, et là, alors que je vous dis que cela ne change rien, vous ne voulez pas faire plaisir à M. Marini ! (Nouveaux sourires.) On ne peut pas avoir deux attitudes différentes dans le plaisir, trentre-six à la limite... mais c'est un autre problème ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous avez trouvé, en la personne de M. Charasse, un excellent avocat.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Il n'y a vraiment plus grand-chose à ajouter après l'intervention de M. Charasse, que nous avons tous approuvée et applaudie.
Je voudrais simplement dire qu'il s'agit ici d'un amendement de bonne volonté...
M. Michel Charasse. Symbolique !
M. Jacques Oudin. ... et attirer l'attention du Gouvernement sur la situation de professions qui subissent toutes les semaines, quelles que soient d'ailleurs les mesures prises par le Gouvernement, des coups de boutoir médiatiques extrêmement destructeurs. La fermeture des plages, décidée voilà quelque temps par les arrêtés précipités de certains préfets, mais totalement inutile, a eu des conséquences désastreuses, inimaginables. Certes, je conçois que le principe de précaution amène désormais beaucoup de responsables à ouvrir tout grands les parapluies...
M. Alain Gournac. Les parasols !
M. Jacques Oudin. ... pour éviter des conséquences fâcheuses. Mais la situation est tout à fait inquiétante, comme l'ont souligné M. Charasse et M. le rapporteur général.
La mesure proposée mettra un peu de baume au coeur, même si elle ne mettra pas beaucoup d'argent dans les portefeuilles.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement et adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 8.
Article 9