Séance du 18 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose :
I. - Après le texte présenté par l'article 41-3 du code de procédure pénale, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 41-4. - Les compositions pénales exécutées sont portées à un registre national des compositions pour une durée de cinq ans. Ce registre ne peut être constitué par les autorités judiciaires. »
II. - En conséquence, de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Il est inséré, après l'article 41-1 du code de procédure pénale, trois articles 41-2 à 41-4 ainsi rédigés : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'incident de ce matin est clos, je n'y reviens donc pas, si ce n'est pour dire à nos collègues et, plus encore, à Mme la ministre, combien, à titre personnel et au nom de l'ensemble des membres de la commission des lois, nous sommes désolés de nous être trouvés dans une situation inextricable qui ne pouvait pas être résolue de manière convenable pour chacun.
Pour ce qui est de l'amendement n° 11, il consiste à prévoir que la solution que nous sommes conduits à mettre en place et qui est appelée, à notre sens, à prendre une assez grande importance, à savoir la composition pénale, laisse quelques traces dans les archives de la justice, sinon dans les casiers judiciaires des intéressés.
Il n'est pas question de créer un nouvel élément dans le casier judiciaire. Il nous paraît toutefois important que, au moins pendant un certain délai, les autorités judiciaires puise savoir si une personne a déjà bénéficié d'une composition pénale.
Par cet amendement, nous proposons donc que les compositions pénales exécutées soient portées sur un registre national des compositions pour une durée de cinq ans. Ce registre ne pourra être consulté que par les autorités judiciaires. Il conserve donc un caractère très confidentiel, mais il a malgré tout son importance.
Je me permets d'indiquer au passage qu'un certain nombre des affaires qui iront à la composition judiciaire sont actuellement classées sans suite. On peut m'objecter que, de toute façon, celles-là ne laissent pas de traces, et encore qu'à partir du moment où il y aura une motivation et, éventuellement, des recours, nous en aurons quelques traces.
Mais, selon les procureurs que j'ai entendus, à pratique constante, une bonne partie des affaires, presque la moitié sans doute, iront à la composition uniquement pour soulager l'audience d'affaires qui ne méritent pas de suivre la voie classique. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne peux pas être favorable à cette proposition visant à créer un fichier national de la composition judiciaire.
En effet, un tel fichier ne correspond pas à l'esprit de la mesure : il s'agit d'une troisième voie entre le classement et la poursuite et non d'une poursuite suivie d'une condamnation qui serait inscrite au casier judiciaire.
Cette nouvelle procédure, si le projet de loi est adopté, se substituera, dans la plupart des cas, à des classements sans suite. Il n'y a pas de raison que ceux qui en feront l'objet et qui n'auront été auparavant ni poursuivis, ni condamnés figurent dans un « sous-casier » judiciaire.
Il est bien évidemment souhaitable que le Parquet puisse connaître les antécédents de l'intéressé, mais ce sera le cas grâce au bureau d'ordre de la juridiction qui enregistrera ces mesures comme il enregistre actuellement les plaintes, les dénonciations et les classements sans suite.
Par ailleurs, la délinquance itinérante ne pose pas de réels problèmes. Ce n'est pas à ce type de délinquance que cette nouvelle procédure aura vocation à s'appliquer. La procédure concernera, je le répète, les petits actes de délinquance urbaine commis par des personnes résidant dans le ressort de la juridiction.
J'insiste sur le fait qu'il serait paradoxal de créer un fichier national pour récapituler l'ensemble des auteurs d'infractions dont la plupart des dossiers auraient été, en l'absence de la nouvelle procédure, classés purement et simplement.
Voilà pourquoi je ne pense pas qu'un fichier national soit nécessaire. Il risquerait en effet de dissuader les magistrats d'utiliser la compensation judiciaire. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes absolument d'accord - et nous avons essayé d'en convaincre M. le rapporteur - avec les propos que vient de tenir Mme le garde des sceaux.
Il n'est pas concevable de mettre en place une procédure à l'encontre de personnes dont, à défaut, l'affaire serait classée et de demander la création d'un fichier national des compositions pénales, ce qui est lourd et onéreux.
Les procureurs de la République classent tous les jours sans suite purement et simplement des dossiers au motif que les poursuites sont inopportunes. Mais ils en conservent la trace car tous les tribunaux sont maintenant équipés d'ordinateurs.
Je ne comprends pas cet alourdissement des charges de la justice, d'autant qu'il est proposé par un homme qui sait mieux que quiconque combien les moyens du ministère de la justice sont déjà insuffisants.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mes chers collègues, les classements sans suite sont nombreux, et la commission des finances vient d'ailleurs de remettre un rapport sur ce thème.
Le classements sans suite, ce n'est pas un phénomène anodin. Nombre d'affaires ne sont en effet classées sans suite que du fait de l'encombrement des tribunaux. Telle est la réalité.
Mais il est bon que de telles affaires laissent quelques traces dans des archives qui doivent être accessibles aux autorités judiciaires, non seulement au sein de la juridiction mais aussi au-delà.
Je rappelle en outre que, selon les procureurs que nous avons entendus, à peu près la moitié des affaires qui connaîtront ce traitement font l'objet aujourd'hui d'une audience. Le système vise donc également à soulager les tribunaux.
L'objet de la composition pénale est double : elle concernera des délits véritables dont la moitié environ auraient été jugés et auraient fait l'objet d'une condamnation inscrite au casier judiciaire, ce qui serait bien plus fâcheux pour les intéressés, alors que l'autre moitié d'entre eux auraient bénéficié d'un classement sans suite, ce qui est bien regrettable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, j'invoque, contre cet amendement, l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Y a-t-il un représentant de la commission des finances ?..
Puisque tel n'est pas le cas, je vais suspendre la séance pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)