Séance du 16 juin 1998
M. le président. « Art. 73. - L'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit est ainsi rédigé :
« Art. 58 . - Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France aux fins de lui désigner un établissement, les services financiers de La Poste ou le Trésor public.
« Tout établissement de crédit ou les services financiers de La Poste et du Trésor public qui déciderait de limiter les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux services bancaires de base ne pourra le faire que dans des conditions définies par décret.
« En outre, l'organisme désigné par la Banque de France, limitant l'utilisation du compte de dépôt aux services bancaires de base, exécute sa mission dans des conditions tarifaires fixées par décret.
« Toute décision de clôture de compte à l'initiative de l'établissement de crédit doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au titulaire du compte.
« Ces dispositions s'appliquent aux interdits bancaires. »
Par amendement n° 191, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, de remplacer les mots : « aux fins de lui désigner un établissement, les services financiers de La Poste ou le Trésor public. » par les mots : « afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement, purement rédactionnel, a pour objet d'éviter que, dans le texte, ne se glisse un éventuel malentendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 438 rectifié, MM. Gournac, Ostermann et Doublet proposent, après le troisième alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A la demande du titulaire, ce compte peut être réservé à l'encaissement des sommes rendues insaisissables par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Le décret prévu à l'alinéa précédent précise les conditions d'application des présentes dispositions. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Le législateur, dans sa sagesse, a prévu qu'aucun créancier ne pouvait saisir la totalité des revenus d'une personne, celle-ci devant toujours pouvoir disposer d'un minimum alimentaire, qui demeure donc insaisissable.
Cette disposition peut se trouver mise en échec par des procédures à la disposition des créanciers. Des sommes provenant d'un RMI, notamment, peuvent ainsi faire l'objet d'une saisie ou d'un avis à tiers détenteur, car elle ne sont pas identifiées comme « allocation RMI » sur le compte où elles sont virées.
Il appartient au titulaire du compte de prouver que ces sommes étaient insaisissables, ce qui est très difficile pour une personne déjà fragilisée.
C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une protection supplémentaire pour ces personnes.
Nous proposons donc, par cet amendement, qu'à la demande de son titulaire le compte de dépôt puisse être réservé à l'encaissement des sommes insaisissables et qu'aucun créancier ne puisse y effectuer de saisie. Il s'agit de protéger le détenteur du compte afin qu'il dispose d'un minimum alimentaire.
Je sais que l'on va me rétorquer que de tels cas n'existent pas. J'en connais un !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. La commission des lois s'interroge sur le sens de l'amendement n° 438 rectifié : il va créer une situation un peu bizarre.
Par définition, la personne qui détient un compte de ce type n'en a qu'un puisque, n'ayant pas réussi à se faire ouvrir un compte de dépôt, on lui donne d'autorité droit à l'ouverture d'un tel compte dans tel ou tel établissement de crédit, auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public. Elle peut toucher non seulement des sommes insaisissables mais également des sommes saisissables. Si le compte est bloqué et ne peut recevoir que des sommes insaisissables, où seront versées les sommes saisissables ? On risque de priver le détenteur du compte de toute possibilité de circulation d'argent.
Je ne vois pas très bien comment, selon la législation en vigueur, on pourrait bloquer de fait un compte à la sortie.
La commission des lois, dans sa perplexité, recommande au Sénat de ne pas adopter cet amendement, s'il n'est pas retiré.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernemnt ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A l'instar de M. le rapporteur pour avis, je considère que le dispositif proposé est inapplicable.
Je voudrais par ailleurs rappeler à M. Gournac que la loi relative au RMI ainsi que la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d'exécution garantissent expressément l'insaisissabilité du RMI et d'un certain nombre de revenus limitativement énumérés ; nous avons, dans ce texte, étendu ces dispositions à l'ASS et à l'API.
La préoccupation de M. Gournac étant déjà satisfaisante, l'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 438 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 247, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, en remplacement de M. Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances propose de supprimer le quatrième alinéa de l'article 73, qui précise que le fait de limiter l'ouverture d'un compte aux services bancaires de base ne peut se faire que dans des conditions tarifaires fixées par décret, pour les seuls établissements de crédit désignés par la Banque de France.
Cette disposition, adoptée par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, crée une rupture d'égalité entre les établissements de crédit et porte atteinte au principe de liberté tarifaire posé par l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 247, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 192 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commssion des lois.
L'amendement n° 248 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent, dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, après les mots : « de l'établissement de crédit », d'insérer les mots : « désigné par la Banque de France ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 192.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de précision. En droit positif, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.
Cette exception de motivation des raisons pour lesquelles un établissement de crédit ferme un compte figure au sein d'un article qui crée ce type particulier d'ouverture de compte sur injonction de la Banque de France. Une mauvaise lecture du texte pourrait laisser penser que toute fermeture de compte devrait être nécessairement motivée.
Telle est la raison pour laquelle la commission des lois, en accord avec la commission des finances, qui a déposé un amendement identique, propose de bien préciser que ce sont les comptes ouverts dans ces conditions, sur ordre de la Banque de France, qui doivent faire l'objet d'une décision de fermeture motivée.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, avez-vous quelque chose à ajouter à cette explication ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mon argumentation est la même que celle de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 192 et 248.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. En fait, je souhaite expliquer notre vote négatif sur l'amendement précédent n° 247. En effet, il ne nous semble pas souhaitable de laisser faire la libre négociation entre le banquier et le client, en particulier lorsque le client est une personne défavorisée et donc très fragilisée.
En revanche, nous voterons les amendements identiques n° 192 et 248.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 192 et 248, acceptés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 73, modifié.
(L'article 73 est adopté.)
Article additionnel après l'article 73