Séance du 16 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 439 rectifié, MM. Gournac, Ostermann, Vasselle et Doublet proposent d'insérer, après l'article 73, un article additionnel rédigé comme suit :
« Le cinquième alinéa de l'article 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935, modifié par la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement, est remplacé par une phrase ainsi rédigée :
« A défaut du paiement du chèque lors de sa seconde présentation ou de la constitution de la provision dans le délai de trente jours à compter de la première présentation, le tiré adresse un certificat de non-paiement au porteur du chèque. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Comme je l'ai dit à l'occasion de la discussion générale, nous proposons de mettre un terme à une pratique qui consiste à multiplier les présentations des chèques sans provision et qui, je l'ai souligné tout à l'heure, met souvent en grande difficulté des personnes fragiles.
J'ai appris que ce processus pouvait rapporter plus de 3 milliards de francs aux banques ! S'il est bien normal qu'un chèque soit présenté une ou deux fois, il est moins normal qu'il le soit quatre, cinq, voire six fois. C'est pourquoi mes collègues et moi-même souhaitons interdire ce genre de pratique.
Quand des personnes en grande difficulté ont émis un chèque sans provision, nous proposons que les frais bancaires ne s'accumulent pas afin d'éviter qu'ils n'atteignent des sommes allant de 400 francs à des montants considérablement plus élevés. Il en a coûté 5 400 francs au débiteur que j'ai sélectionné !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La portée de cet amendement est si grande qu'elle dépasse les limites d'un projet de loi consacré à la lutte contre les exclusions.
En effet, il vise à modifier la législation bancaire et les relations contractuelles entre les banques et leurs clients, ce qui pose des problèmes immenses, dont la commission des affaires sociales n'a d'ailleurs pu apprécier complètement la portée.
De plus, les pratiques sont variables selon les banques.
Aussi la commission souhaite-t-elle recueillir préalablement l'avis du Gouvernement.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. La commission des finances s'associe à la demande de M. le rapporteur.
Néanmoins, elle tient à faire connaître d'ores et déjà au Sénat que, sous réserve de l'avis du Gouvernement, elle est plutôt défavorable à cet amendement, dont l'adoption créerait des contraintes trop fortes pour les créanciers.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Gournac pose un vrai problème, auquel il faut effectivement trouver des solutions. Mais je ne suis pas sûre que celle qui est préconisée ici soit la meilleure.
La maîtrise de la présentation d'un chèque au paiement appartient, dans la plupart des cas, au bénéficiaire du chèque et non à la banque. L'amendement proposé porte donc atteinte au droit légitime du créancier - qui peut être un particulier, mais également une PME, un commerçant, un artisan... - à obtenir ce qui lui est dû. Il est donc justifié que des chèques qui n'ont pas été honorés soient présentés à plusieurs reprises à la banque en vue d'essayer d'en obtenir le paiement.
Le Gouvernement craint que l'envoi automatique d'un certificat de non-paiement, qui rendrait caduque la poursuite de la présentation de ces chèques, n'entraîne une intervention plus rapide et plus systématique des huissiers aux fins de recouvrement des chèques impayés. Votre souci, qui est louable, que je partage, et qui est d'éviter que les banques ne fassent supporter à des particuliers, déjà en situation difficile, des frais très importants pour présentation de chèque impayé, risque de se retourner contre ces particuliers.
Pour avancer sur ce sujet, je compte saisir l'Association française des banques et lui demander de prendre des dispositions, peut-être dans un code de déontologie interne, pour éviter les cas que vous avez évoqués et qui, je suis totalement d'accord avec vous, sont tout à fait inacceptables.
Si nous n'y arrivons pas, peut-être devrons-nous, alors, à l'occasion d'un autre texte, en rediscuter. Mais je préfère d'abord essayer de trouver une solution par la concertation.
M. le président. Monsieur Gournac, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Je tenais à attirer l'attention sur ce point, madame le ministre. Globalement, le message est reçu : il faut protéger les personnes en grande difficulté.
Je suis d'accord avec vous pour que l'on essaye de trouver avec les banques une solution correcte, respectant la déontologie et mettant fin à ce commerce, car il s'agit bien de cela dans certains cas ! Celui qui devrait bénéficier du chèque ne perçoit rien du tout et c'est la personne en difficulté qui paie !
Par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 439 rectifié est retiré.
Article 73 bis