SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un sénateur
(p.
1
).
3.
Nationalité.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
2
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Mmes
Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Dusseau, MM. Michel Duffour, Paul Girod.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 3 )
Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, Patrice
Gélard, Jean-Jacques Hyest, Mme Joëlle Dusseau. - Adoption, par scrutin public,
de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
4.
Démission d'un membre d'une commission et candidature
(p.
4
).
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
5.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
6
).
6.
Prestation compensatoire en cas de divorce.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p.
7
).
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.
Article 1er (p. 8 )
Amendement n° 7 rectifié du Gouvernement. - Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice ; MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt,
Robert Pagès, Nicolas About, Robert Badinter, Pierre Fauchon. - Rejet.
Amendements n°s 4 de M. About et 5 de M. Pagès. - MM. Nicolas About, Robert
Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. -
Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 1er (p. 9 )
Amendement n° 8 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur,
Michel Dreyfus-Schmidt, Nicolas About. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 9 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur,
Michel Dreyfus-Schmidt, Nicolas About. - Rejet.
Amendement n° 10 rectifié du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le
rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 du Gouvernement et sous-amendement n° 15 de la commission. -
Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de
l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Article 2 (p. 10 )
Amendements n°s 12 du Gouvernement, 1 de M. Dreyfus-Schmidt et 2 de M. About. -
Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Nicolas About, le
rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 2 ; rejet de l'amendement n° 12 ;
adoption de l'amendement n° 1.
Adoption de l'article modifié.
Article 2
bis
ou article additionnel
après l'article 2 (p.
11
)
Amendements identiques n°s 3 de M. About et 6 de M. Pagès ; amendement n° 13 du Gouvernement et sous-amendement n° 16 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Nicolas About, Robert Pagès, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Jacques Larché, président de la commission des lois. - Retrait de l'amendement n° 6 ; adoption, après une demande de priorité, de l'article 2 bis , les amendements n°s 3, 13 et le sous-amendement n° 16 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 2 (p. 12 )
Amendement n° 14 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 3 (p. 13 )
Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur, le président de la commission.
Retrait de l'article.
Article 4. - Adoption (p.
14
)
Intitulé (p.
15
)
Vote sur l'ensemble (p.
16
)
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Nicolas About, Pierre Fauchon, Robert Pagès, Louis
Althapé.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
7.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
17
).
8.
Transmission de projets de loi
(p.
18
).
9.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
19
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
20
).
11.
Ordre du jour
(p.
21
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président.
J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu aujourd'hui
mercredi 25 février 1998, de notre collègue Bernard Barbier, sénateur de la
Côte-d'Or.
Je présente à M. Henri de Raincourt, président du groupe des Républicains et
Indépendants, toutes les condoléances de la présidence.
3
NATIONALITÉ
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
287, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
à la nationalité. [Rapport (n° 292, 1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens devant vous aujourd'hui pour vous
soumettre de nouveau le projet de loi relatif à la nationalité française des
jeunes nés de familles étrangères fixées sur notre sol.
Estimant que les points de vue des deux assemblées sont inconciliables, la
commission des lois du Sénat ne juge pas utile de poursuivre la discussion de
ce texte et vous propose d'adopter une motion tendant à opposer une question
préalable.
J'ai déjà expliqué longuement pourquoi ce projet de loi était, selon le
Gouvernement, nécessaire et opportun et les raisons pour lesquelles il ne
pouvait pas, aux termes de la Constitution, être soumis à référendum. Je n'y
reviendrai donc pas.
Votre commission déplore que l'Assemblée nationale n'ait tenu aucun compte du
travail du Sénat. A vrai dire, cela n'est pas étonnant, puisque la Haute
Assemblée avait supprimé la quasi-totalité des articles du projet de loi que je
présentais !
(M. Pagès sourit.)
Ce que vous récusez, c'est, en effet, le principe même de l'acquisition
de plein droit de la nationalité française, à la majorité, des jeunes nés en
France de parents étrangers qui y résident et qui y sont intégrés. Dès lors,
oui, c'est vrai, nos points de vue sont inconciliables, et la commission mixte
paritaire ne pouvait aboutir.
Si, aujourd'hui, le Sénat décide d'adopter la motion tendant à opposer la
question préalable, il n'y aura pas de débat sur le fond, et croyez bien que je
regretterai cette occasion qui nous était offerte une nouvelle fois d'évoquer
avec sérieux et en conscience - le sujet est grave, en effet - chacune des
dispositions de ce projet de loi.
Bien qu'il paraisse, dans cette hypothèse, inutile d'entrer dans le détail du
texte que l'Assemblée nationale a rétabli, je tiens à redire en quelques mots
combien ce projet de loi est important, pour le Gouvernement et pour
moi-même.
Il est important non pas tant sur le plan quantitatif, puisque ces quelque 25
000 jeunes qui naissent chaque année dans un pays de 60 millions d'habitants ne
représentent, en moyenne, par an, qu'un tiers du total des étrangers qui
acquièrent la nationalité française - et l'on ne me fera pas croire, comme je
l'ai dit dans un précédent débat, qu'il est si difficile pour un pays de 60
millions d'habitants d'intégrer 25 000 jeunes par an ! - mais sur le plan
politique : c'est non pas un caprice tenant à un changement de majorité, ainsi
que certains ont voulu présenter la démarche du Gouvernement, mais bien un
choix politique au sens le plus noble du terme, le choix du dispositif le plus
favorable à l'intégration de ces jeunes, dans l'intérêt de tous.
Ce dispositif que nous proposons de réintroduire aujourd'hui a toujours été
celui de la République et de ses traditions, exception faite, justement, de la
parenthèse ouverte en 1993. Si nous revenons à cette tradition, c'est non parce
que je suis fascinée par les grands débats du XIXe siècle, comme j'ai pu
l'entendre ici ou là, mais parce que je reste persuadée que cette tradition
repose sur un principe juste et ouvert : les jeunes qui sont nés sur notre sol
et qui y ont vécu ont un droit à devenir Français sans qu'une démarche
administrative leur soit imposée.
On ne peut pas vouloir en même temps intégrer des populations, dire aux jeunes
qu'ils ont des droits égaux à ceux de leurs camarades de classe et, en même
temps, les singulariser, voire les discriminer, en leur demandant d'effectuer
une démarche que, précisément, leurs camarades n'auront pas à faire.
Faudrait-il qu'un enfant qui a formellement la nationalité de ses parents
reste, bien qu'il soit devenu, dans les faits, Français par la langue, par la
culture et par le milieu de vie dans lequel il a baigné, un étranger à notre
société ?
(Mme Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Des affirmations que j'ai entendues ici comme à l'Assemblée nationale
m'inciteraient à penser que certains d'entre vous le souhaitent. Parler de
populations inassimilables parce qu'elles ne sont pas de culture
judéo-chrétienne ou qu'elles viennent d'horizons géographiques plus lointains
que par le passé, c'est dire que l'« étrangeté » demeurerait quelles que soient
l'éducation reçue et la société dans laquelle on vit.
C'est cela que je n'accepte pas ; c'est en cela, en effet, que deux
philosophies nous opposent.
Permettez-moi d'ajouter que je doute aussi de la cohérence interne de votre
position. En effet, si vous croyez à une altérité ineffaçable de certains êtres
humains parce qu'ils viendraient de trop loin, d'ailleurs ou qu'ils seraient
issus de familles dont la religion est différente, si vous croyez que cette
altérité les rendrait plus difficilement assimilables que d'autres, alors je
vous demande en quoi une demande administrative résoudrait ce problème. La
vérité, c'est que vous demandez l'assimilation bien que, dans le même temps,
certains d'entre vous disent être persuadés qu'elle n'est pas possible parce
qu'un Maghrébin reste un Maghrébin quelle que soit sa vie et quoi qu'il
fasse.
Moi, je crois, au contraire, que les êtres humains ne sont pas déterminés par
leur origine, leur ethnie ou leur nationalité. Je crois non pas à
l'assimilation mais à l'intégration des étrangers dans notre pays et notre
culture. Je crois à une commune humanité qui fait que, lorsqu'on a vécu ici,
qu'on a partagé la même cour d'école, qu'on a appris les mêmes chansons, qu'on
a fréquenté les mêmes librairies, qu'on a regardé les mêmes programmes de
télévision, on est d'ici, quelle que soit son origine.
Je sais bien que ce processus peut poser des problèmes à la première ou à la
deuxième génération ; mais je sais aussi - notre histoire nous le montre, en
effet - que ces problèmes finissent par disparaître pour laisser la place à un
seul peuple, le peuple français, résultat d'un creuset historique et non d'une
donnée ethnique.
Bref, je crois que nous sommes déterminés non par notre origine mais par notre
histoire vécue. J'exprime par là ma confiance dans le processus même d'une
intégration réussie.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Acquérir la nationalité française est, pour moi, à la
fois la consécration d'une intégration et le moyen de lui donner toute sa
plénitude et tout son sens.
Sur ces deux philosophies, je l'admets comme vous, nous différons. Et je ne
pense pas non plus qu'il y ait un compromis possible : vous avez supprimé tous
les articles du projet de loi, et il fallait donc les rétablir tous.
Mais, même si nous différons profondément, il reste que nous avons des
problèmes pratiques à résoudre.
M. Dominique Braye.
Ça, c'est sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il y a les problèmes pratiques, qui, comme vous le
reconnaissez vous-mêmes, sont nés de l'application de la loi de 1993 ; il y a
également les problèmes liés à l'intégration de ces 25 000 jeunes qui naissent
chaque année sur notre sol.
Je reste persuadée que les choix que le Gouvernement a faits de l'acquisition
de plein droit de la nationalité française à la majorité pour les uns, à partir
de seize ans par expression de la volonté pour les autres ou encore à partir de
l'âge de treize ans par les parents, au nom de l'enfant et avec son
consentement personnel, répondent pleinement au souci qui devrait être celui de
tous d'intégrer des jeunes qui n'ont, dans leur très grande majorité, d'autre
pays que le nôtre, d'autre histoire que la nôtre, d'autre avenir que le
nôtre.
Des solutions différentes ne pourraient favoriser que les sentiments de rejet
et l'expression de violences que nous redoutons tous.
Nous n'avons pas le droit de faire d'autre choix que d'oeuvrer pour
l'intégration de ces jeunes dont l'avenir est en France, et de le faire de la
manière la plus efficace qui soit.
Avec la loi de 1993, on a pris à mon avis le risque que certains de ces jeunes
restent étrangers sans le vouloir et sans le savoir.
Le Gouvernement et l'Assemblée nationale préfèrent, quant à eux, refermer la
parenthèse ouverte en 1993 pour revenir au principe de l'acquisition de plein
droit à la majorité, qui a contribué pendant plus d'un siècle à l'intégration
des populations étrangères installées sur notre sol.
Nos convictions sur ce point ne sont pas conciliables. Je ne puis qu'en
prendre acte, tout en le regrettant.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Une
commission mixte paritaire s'est réunie le 4 février dernier au Palais du
Luxembourg pour tenter de concilier les points de vue de l'Assemblée nationale
et du Sénat sur le texte relatif à l'acquisition de la nationalité
française.
Si cette commission mixte paritaire s'est déroulée dans un climat marqué par
une parfaite courtoisie - il ne pouvait en aller différemment, singulièrement
avec M. Mermaz, rapporteur à l'Assemblée nationale de ce texte - le constat
s'est rapidement fait jour de l'impossibilité de parvenir à un accord, tant les
philosophies guidant l'approche de l'une et de l'autre assemblée étaient
antagonistes. Madame le garde des sceaux, votre dernier discours, de si grande
élévation soit-il, nous prouve qu'il n'y a effectivement pas de conciliation
possible.
Le 11 février, l'Assemblée nationale a procédé à une nouvelle lecture du texte
; suivant en cela les conclusions de sa commission des lois, elle n'a pas
estimé devoir tenir le moindre compte de la position de la Haute Assemblée,
fût-ce sur des points de caractères purement technique.
Sa seule contribution à l'enrichissement - le mot est peut-être un peu fort !
- du texte, lors de cette séance du 11 février, s'est traduite par la
suppression, du fait de l'adoption d'un des deux amendements présentés par le
Gouvernement - l'autre a été repoussé - de l'adverbe « subsidiairement » : il
s'agit, en l'occurrence, d'un article 15 A C nouveau, tendant à modifier
l'article 7 de la loi du 22 décembre 1961.
Celle-ci prévoit que la nationalité française des personnes nées sur le
territoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle
antérieurement au 11 novembre 1918 est subsidiairement tenue pour établie si
elles ont joui de façon constante de la possession d'état de Français depuis
cette date.
Pour aller dans le sens d'une simplification de la preuve, on peut cependant
douter que la suppression adoptée suffise à remédier aux difficultés pratiques
actuellement rencontrées par certains Alsaciens et Mosellans pour apporter la
preuve de leur nationalité française. En effet, les descendants des personnes
visées se voient encore, en pratique, trop fréquemment réclamer des certificats
de réintégration dans la nationalité française de leurs ascendants, comme l'ont
souligné nos collègues des trois départements concernés, même si vos
collaborateurs et vous-même, madame la ministre, avez laissé à penser qu'il
n'en allait pas ainsi.
En première lecture, chacun a pu le constater - je tiens à le préciser, madame
la ministre, puisque vous avez paru regretter l'absence, aujourd'hui, d'un
débat approfondi - le Sénat a tenu à procéder à une discussion approfondie,
précisément, du texte qui lui était proposé, en dépit de son opposition résolue
à la disposition essentielle de ce projet de loi, qui tendait à supprimer
l'exigence d'une manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité
française par les jeunes gens nés en France de parents étrangers.
Aujourd'hui, les choses étant ce qu'elles sont, comme aurait dit le général de
Gaulle, et les points de vue des deux assemblées étant ce qu'ils sont, la
commission a estimé, dans sa séance du 12 février, qu'il était inutile de
poursuivre un débat auquel l'Assemblée nationale se refuse.
Aussi bien a-t-elle adopté une motion tendant à opposer la question préalable
au projet de loi adopté, en nouvelle lecture, par une Assemblée nationale qui a
campé sur ces positions. Cette motion, elle vous propose, mes chers collègues,
de l'adopter.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
MM. Emmanuel Hamel et Dominique Braye.
Nous le ferons.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici
donc de nouveau dans cet hémicycle pour débattre de ce projet sur la
nationalité.
La commission mixte paritaire n'a, bien sûr, pas réussi à faire la synthèse
entre le texte qui avait été voté à l'Assemblée nationale et celui,
complètement vidé de sa substance, qu'avait adopté la majorité sénatoriale. Il
n'est donc pas surprenant que nous soyons là de nouveau aujourd'hui.
Soucieuse de ne pas répéter ce qui a déjà été dit lors du débat précédent, je
me contenterai d'évoquer quelques points.
Je rappellerai, tout d'abord, les insuffisances de la législation actuellement
en vigueur.
L'institution de l'obligation d'une manifestation de volonté, en 1993,
répondait à une « conception élective de la nationalité », selon laquelle la
nation n'existe que par le consentement de ceux qui la composent. C'est un des
aspects de notre conception de la nationalité, et nous nous référons tous, sur
ce point, à Renan.
Mais cette conception ne résume pas notre droit de la nationalité, largement
fondé sur la filiation et sur l'appartenance culturelle et politique.
Si notre droit de la nationalité était exclusivement fondé sur une conception
élective, la manifestation de volonté devrait être exigée non seulement des
jeunes étrangers nés en France mais aussi, à la majorité, de tout jeune né de
parents français en France comme à l'étranger. Or, il n'en a jamais été
question.
M. Dominique Braye.
Cela ne veut rien dire !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Si, cela veut dire quelque chose : on l'a souvent réclamé pour des enfants de
Français nés à l'étranger et qui n'avaient pas eu de lien avec la France depuis
plusieurs générations. Le problème pourrait donc se poser et être discuté.
La suppression de la manifestation de volonté est, de notre point de vue, une
transformation symbolique. Mais, le symbolisme, c'est important pour la vie
d'une nation !
M. Alain Gournac.
On la demande, la nationalité !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En effet, si les conditions d'acquisition sont inchangées - il faut toujours
une naissance en France de parents étrangers et la résidence sur notre
territoire pendant cinq ans - le jeune, comme avant 1993, sera considéré comme
Français sauf s'il ne veut pas l'être. Or, depuis 1993, il était considéré
comme étranger sauf s'il demandait à devenir Français.
Dans le premier cas, la communauté nationale accueille un enfant adoptif ;
dans le second, elle exige d'un individu étranger un acte d'allégeance. C'est
là où le changement philosophique est réel.
Cette manifestation de volonté est vécue comme une exclusion et non comme une
intégration par les jeunes auxquels elle est demandée, dans la mesure où elle
accentue la différence entre les jeunes nés de parents étrangers et ceux avec
lesquels ils ont grandi et sont allés à l'école. Mme le garde des sceaux l'a
très bien expliqué.
Je le répète, cette manifestation de volonté, si elle est acceptée par des
jeunes qui, en fait, ne peuvent pas faire autrement, est mal vécue par eux à un
moment de leur vie où les différences de traitement sont presque toujours
ressenties, et souvent à tort, comme des injustices et des discriminations. Il
n'est pas besoin d'en ajouter.
La loi de 1993 a péché aussi par défaut d'information. Celle-ci a été
insuffisante, partielle, et la pratique administrative s'est révélée très
inégale. Elle s'est révélée surtout purement administrative. Il n'a été en rien
question d'un accueil dans la citoyenneté française. On a vu des jeunes être
reçus au tribunal d'instance comme on l'est normalement : ni mieux ni moins
bien. En tout cas, il n'y avait pas d'accueil particulier.
Malgré tout, si la loi avait été bonne, le fait qu'elle n'ait pas été
appliquée de façon satisfaisante et égale sur l'ensemble du territoire de la
République n'aurait pas été une bonne raison de la réformer.
Mais ce défaut d'information et ces lacunes dans l'application sont un indice,
parmi d'autres, de la montée d'une attitude de rejet d'une partie de l'opinion
et de l'administration envers les jeunes issus de l'immigration, et il nous
semble qu'une loi généreuse peut contribuer à corriger les effets néfastes de
cette attitude de rejet, que nous sommes nombreux à déplorer.
M. Emmanuel Hamel.
Il y a des lois généreuses néfastes !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Effets néfastes pour les jeunes, néfastes pour la France, pour son image à
l'étranger,...
M. Alain Gournac.
Il faut l'aimer, la France !
M. Emmanuel Hamel.
Et l'intérêt national ! Que devient-il ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... néfastes pour l'intérêt national d'un pays dont le quart de la population
est d'origine étrangère...
M. Emmanuel Hamel,
Et l'identité française !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... et dont l'identité est parfaitement solide, si ce n'est dans l'esprit de
ceux qui ne croient plus en la force de l'identité française, et ce n'est pas
mon cas.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE. -
Exclamation sur les travées du RPR.)
Le coeur de ce projet de loi est l'acquisition de la nationalité
française par les enfants d'étrangers nés en France et qui y ont leur
résidence. Résolue dès 1851 et 1889, cette question a été replacée au coeur du
débat politique dans les années quatre-vingt, et ce n'est pas tout à fait par
hasard. Ce qui est frappant, c'est que nous nous trouvons depuis lors à front
renversé : c'est à gauche de cet hémicycle que l'on défend une tradition
séculaire et, à droite, une droite généralement qualifiée de conservatrice, que
l'on veut y mettre fin.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
C'est donc à tort qu'on la traite de conservatrice !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En effet, nous voulons restaurer - je dis bien « restaurer » - le régime de
l'acquisition de plein droit de la nationalité française.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Je ne voudrais pas avoir à crier trop fort, afin de ne pas me casser la
voix !
M. le président.
Madame, vous bénéficiez au moins de l'avantage du micro.
Veuillez poursuivre.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, c'est tout de même à vous qu'il appartient de faire
respecter l'ordre dans les débats, pas à moi !
Le Gouvernement veut restaurer le régime de l'acquisition de plein droit de la
nationalité française à la majorité en cas de naissance et de résidence en
France.
Quand la loi aura été adoptée...
M. Dominique Braye.
Contre l'avis des Français !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... - elle ne manquera pas de l'être d'ici peu de temps - l'enfant qui naîtra
sur le territoire français et qui y aura résidé pendant une durée suffisante
deviendra Français de plein droit à sa majorité.
Ce texte renoue avec la tradition républicaine de la nationalité. En effet -
Mme le garde des sceaux l'a très bien expliqué dans ses différentes
interventions - la nationalité n'est pas seulement la consécration d'une
intégration achevée, elle est un élément majeur d'une intégration en cours.
M. Dominique Braye.
Il n'y en a pas beaucoup qui l'auraient parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui
sont intégrés !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Toutefois, pour respecter la liberté individuelle, d'une part, la conception
élective de la nationalité, d'autre part, le texte restaure la possibilité pour
le jeune de répudier la nationalité française entre dix-sept ans et demi et
dix-neuf ans.
Tout jeune né en France aura donc la liberté d'être ou non Français. Mais
nous, nous voulons d'abord avoir envers lui un geste d'accueil.
Je veux maintenant rappeler les principaux mérites de ce texte.
Il a d'abord le mérite d'assouplir les conditions de résidence : celle-ci est
de cinq ans ; c'est traditionnel. Il est toutefois intéressant que la
constatation se fasse sur une période plus longue - entre onze et dix-huit ans
- et pas nécessairement juste avant la majorité, comme l'exigeaient les lois
précédentes. C'est une bonne adaptation à la réelle mobilité de la jeunesse
d'aujourd'hui, qui fait que, volontairement ou involontairement, des jeunes,
français ou étrangers, vont passer une partie de leurs années d'adolescence
hors de France, voire hors de l'Union européenne.
Ce texte est aussi - je veux y insister - un texte de compromis. Le fait de ne
pas reprendre les dispositions qui permettaient aux parents étrangers de
réclamer, au nom de leur enfant mineur et dès la naissance de celui-ci, la
qualité de Français s'ils ont leur résidence en France depuis cinq ans,
constitue, à mes yeux et aux yeux d'un certain nombre de mes collègues du
groupe socialiste, un recul par rapport à la loi républicaine de 1889.
Cette omission est inspirée par la volonté de satisfaire une opinion très
répandue, même si elle relève du procès d'intention plus que de la réalité :
des parents demanderaient la nationalité française pour leurs enfants mineurs à
seule fin de consolider leur droit au séjour en France.
M. Dominique Braye.
Absolument !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
La condition de séjour régulier des parents aurait suffi à prévenir ce
détournement de la loi, et je regrette, pour ma part, que nous ayons consenti à
ce compromis, en pure perte puisque nous sommes ici aujourd'hui et que le
compromis n'a absolument pas permis, en dépit de la bonne volonté du
Gouvernement, d'arriver à un consensus sur ce texte.
Il reste que le dispositif retenu, même s'il ne va pas aussi loin que certains
d'entre nous l'auraient souhaité, constitue une avancée certaine par rapport à
la législation en vigueur depuis 1993. C'est pourquoi notre groupe le
soutient.
Je veux insister aussi sur le fait que l'Assemblée nationale a amélioré le
texte du Gouvernement par l'adoption d'un certain nombre d'amendements, chose
qui n'était pas possible ici pour notre groupe.
Il est bon d'avoir ramené à un an le délai au terme duquel l'étranger qui a
contracté mariage avec un Français ou une Française peut acquérir la
nationalité française. Il est en effet essentiel de faire prévaloir l'intérêt
de la majorité des couples de bonne foi, car les couples fraudeurs constituent
une très petite minorité, et il ne faut pas que la suspicion frappe tous les
mariages avec des étrangers, comme les dispositions en vigueur antérieurement y
incitaient.
Je me réjouis aussi que le texte ait été enrichi, dès le débat à l'Assemblée
nationale, de deux dispositions qui concernent les Français à l'étranger :
d'abord, une disposition relative aux enfants adoptés par adoption simple qui
leur permet d'acquérir la nationalité française dans la mesure où ils sont
élevés par une famille française, même si celle-ci réside à l'étranger ;
ensuite, une disposition qui permet de mettre fin à une discrimination en
matière de droit à la réintégration dans la nationalité française entre
Français par filiation et de naissance, et Français par acquisition.
Enfin, même si le problème de la preuve de la nationalité est loin de
connaître une solution définitive avec ce texte, l'amélioration qui consiste à
inscrire en marge de l'acte de naissance non seulement l'acquisition de la
nationalité française, mais la mention du premier certificat de nationalité
française, et ce pour tout Français, est de nature à faire baisser la pression
qui pèse, en matière de preuve de la nationalité, sur les Français.
M. le rapporteur a parlé des Français nés dans les trois départements qui ont
été sous domination allemande entre 1870 et 1918, mais cette pression est
insupportable pour tous les Français qui ont une part de leur histoire à
l'étranger. Je pense notamment aux Français d'Algérie, à tous les Français dont
la famille a vécu à l'étranger et à tous les Français qui sont d'origine
étrangère.
Bien sûr, il faudra aller plus loin en la matière, mais ce texte a été
l'occasion d'apporter une première amélioration pratique en matière de preuve
de la nationalité.
Par la création d'un titre d'identité spécifique, l'Assemblée nationale a très
justement pris l'initiative de faciliter la vie quotidienne des enfants encore
étrangers, mais qui, nés en France, ont vocation à devenir Français.
Enfin, nous nous félicitons du fait que la restriction introduite par la loi
de 1993 à la règle du double droit du sol ait été supprimée.
Ce texte, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, reçoit l'entier
soutien du groupe socialiste du Sénat. Il incombera à l'Assemblée nationale de
répondre aux attentes que la jeunesse et une large part de l'opinion
républicaine ont exprimées en 1997 et auxquelles le Gouvernement s'efforce de
répondre.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Le peuple est contre à 76 % !
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la partie est
jouée d'avance, et nous le savons.
D'une part, le projet de loi qui nous est soumis en nouvelle lecture n'a pas
été modifié par l'Assemblée nationale par rapport à la première lecture. C'est
donc le projet gouvernemental non fondamentalement modifié qui nous revient.
D'autre part, le Sénat qui, systématiquement, a défait le texte en première
lecture pour rétablir la loi Méhaignerie en s'arc-boutant sur le principe de la
manifestation de volonté et sur une conception frileuse de la nationalité va
voter, dans la foulée de cette discussion générale, la motion tendant à opposer
la question préalable. Nous sommes donc là dans une discussion purement
formelle.
Pourtant, on aurait pu espérer que notre assemblée se démarque d'une
conception de la nationalité que l'on ne peut même pas qualifier de passéiste
puisque, par le passé, la France a montré une image autrement plus généreuse,
autrement plus humaine et plus réaliste de la nationalité.
M. Dominique Braye.
Le Sénat a suivi l'avis du peuple !
M. Jean Chérioux.
Réaliste, c'est à voir !
Mme Joëlle Dusseau.
Le Sénat ne l'a pas fait en première lecture, montrant à quel point il est
influencé, comme notre société tout entière, par les thèses xénophobes du Front
national.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Vos amis du Front national !
M. Dominique Braye.
C'est votre fonds de commerce !
Mme Joëlle Dusseau.
Ne parlons pas de cette nouvelle lecture qui n'en est pas une !
Ce faisant, la majorité sénatoriale a créé ce que j'estime être un faux
clivage avec le projet gouvernemental. En effet, comment ne pas vous redire
ici, madame la ministre, à quel point le texte que vous proposez, et qui sera
donc voté en l'état par l'Assemblée nationale en troisième lecture, est un
texte de retrait, de repli et de frilosité ?
M. Dominique Braye.
Quel extrémisme !
Mme Joëlle Dusseau.
En fait, il faut savoir gré à la droite de l'Assemblée qui, par ses propos
outranciers et hors de mesure, a pu faire passer le projet gouvernemental pour
un projet de gauche, pour un projet généreux et pour un projet intégrateur.
En effet, quels changements apportez-vous par rapport à la loi Méhaignerie ?
Un changement symbolique : la suppression de la manifestation de volonté, de
cette démarche volontariste par laquelle un jeune de dix-huit ans né en France,
scolarisé en France, parlant français, et ne parlant souvent que le français,
qui, avant 1993, aurait été et se serait considéré comme Français, doit, depuis
1993, manifester cette volonté.
Mais sortons de la symbolique, il n'y a guère de différence entre l'avant et
l'après,...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est pour cela que ce n'était pas la peine de changer la loi !
Mme Joëlle Dusseau.
... entre Méhaignerie et vous, puisque les jeunes de dix-huit ans auront, de
toute façon, à faire les mêmes démarches,...
M. Dominique Braye.
Ce n'était pas la peine de changer, madame Dusseau !
M. Jean Chérioux.
Non, ce n'était pas la peine !
Mme Joëlle Dusseau.
... auront à apporter les mêmes preuves de naissance, de séjour. Les modalités
changent, le principe reste.
M. Jean-Jacques Hyest.
On est bien d'accord !
Mme Joëlle Dusseau.
Alors, comment ne pas être frappé par le recul de cette loi par rapport à la
situation antérieure à 1993 ? Quand on se souvient que la loi de 1973 était
présentée par Jean Foyer, alors que le ministre de l'intérieur était Raymond
Marcellin, il n'y a pas de quoi pavoiser !
Et pourtant, cette loi de 1973 était la solution de sagesse en permettant aux
parents étrangers d'enfants nés en France de demander la nationalité française
dès la naissance ; elle a été un remarquable facteur d'intégration -
intégration ou assimilation comme on veut ; j'avoue que, sur ce point de
vocabulaire, je n'ai pas très bien saisi la distinction sémantique que M.
Pasqua faisait ici même lors du récent débat sur l'immigration.
Oui, cette déclaration dès la naissance a été, pendant ces vingt dernières
années, un facteur d'intégration et encore plus, sans doute, pour ces jeunes
d'une origine migratoire différente de celle du passé, car si les phénomènes
migratoires ont changé, il ne faut pas oublier deux facteurs essentiels
d'intégration.
Le premier est la langue. En effet, les migrants, depuis vingt ou trente ans,
sont très majoritairement francophones, qu'ils viennent d'Afrique du Nord ou
d'Afrique noire, alors que les migrants antérieurs avaient quasiment tous à
surmonter la barrière de la langue, pour eux et pour leurs enfants.
Le second facteur d'intégration est la durée de la scolarité obligatoire,
augmentée en amont par les classes maternelles, en aval par la prolongation des
études.
Ce sont donc ces jeunes, madame la ministre, nés en France, dont les parents
sont francophones et qui, voilà cinq ans, devenaient majoritairement Français
dès leur naissance, que vous décidez de laisser dans une situation de
non-nationalité. C'est cela qui est décidé. Cet élément décisif de l'identité
de la personne, vous le leur refusez. Et que nul ne dise qu'ils ont la
nationalité de leurs parents. Non ! Ils sont dans une espèce de
no man's
land
identitaire, car la nationalité fait partie de notre identité
profonde, de l'identité profonde de chacun de nous. Alors que ces jeunes sont
le plus en difficulté, le plus frappés par le chômage des familles, le plus
marqués par le racisme ambiant, on leur refuse cette part de leur identité.
Pourtant, ils sont nés en France, ils y font leurs études, ils y travailleront,
y vivront, y mourront.
J'avoue avoir été d'autant plus étonnée par votre obstination à ne pas
rétablir cette disposition que votre argumentation sur ce point s'est réduite à
une seule phrase en première lecture : « il faut respecter l'autonomie des
jeunes ». Des esprits chagrins pourraient penser que cette formule rejoint
précisément le fond de l'argumentaire de la droite plaidant pour le maintien de
la manifestation de volonté. En tout état de cause, cette formule est peu
cohérente avec la philosophie affichée dans le projet de loi.
Et, surtout, la prétendue autonomie des jeunes ne joue que pour les enfants
d'immigrés nés en France et non pour les enfants de Français, et l'on peut se
demander ce qui justifie le souci de l'autonomie de ceux-là plutôt que de
ceux-ci. En tout état de cause, ce souci d'autonomie me paraît moins important
que celui de notre cohésion sociale, malmenée par l'exclusion de la nationalité
française d'enfants nés sur notre sol. La vérité est que cette référence à
l'autonomie des jeunes, répétée à l'infini, n'est qu'une façon de masquer une
concession à ce que vous avez estimé être « l'air du temps ».
Passés les cris, les procédures référendaires ou la symbolique du
démantèlement de la loi, article après article,...
M. Dominique Braye.
Alors, ne votez pas pour !
Mme Joëlle Dusseau.
... on voit bien qu'il n'y a guère de différence entre les deux lois - la loi
Méhaignerie et la vôtre - et que les deux se réfèrent à la même conception, qui
ne me paraît ni généreuse ni réaliste.
M. Dominique Braye.
Alors, votez contre !
Mme Joëlle Dusseau.
Elle n'est pas généreuse, puisqu'elle est le témoin d'une fermeture frileuse.
Elle n'est pas réaliste, car elle s'ajoute aux facteurs d'exclusion, déjà si
lourds dans notre société et si lourds vis-à-vis de ces jeunes dits de la
deuxième génération.
Bien entendu, les radicaux de gauche que je représente ici voteront contre la
proposition du rapporteur de la commission des lois d'une motion préalable.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Vous vous défaussez !
Mme Joëlle Dusseau.
Contrairement donc à la première lecture, où nous avons voulu, par notre
abstention, marquer symboliquement notre distance par rapport au texte
gouvernemental,...
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas bon, c'est mauvais, mais je vote pour !
Mme Joëlle Dusseau.
... notre vote sera donc cette fois semblable à ceux des groupes socialiste et
communiste républicain et citoyen. Mais ce vote, hostile à la motion tendant à
opposer la question préalable, ne doit pas cacher les réserves fortes...
M. Alain Gournac.
Fortes ?...
M. Jean Chérioux.
Mais qui ne serviront à rien !
Mme Joëlle Dusseau.
... que nous continuons à exprimer sur ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de cette nouvelle lecture du projet de loi relatif à la nationalité, la
majorité sénatoriale confirme, hélas ! mais ce n'est pas une surprise,
l'intransigeance affichée lors de la première lecture.
M. Robert Pagès.
Hélas !
M. Michel Duffour.
Vous allez même, mesdames, messieurs de la majorité, plus loin, puisque vous
refusez de débattre du texte même, en proposant l'adoption d'une motion tendant
à opposer la question préalable avant la discussion des articles.
M. Jean Chérioux.
Une fois, ça suffit !
M. Michel Duffour.
Les attendus de cette motion sont étonnants et marquent, j'ai le regret de le
dire, la radicalité toute droitière, très conservatrice, de la position
défendue par M. le rapporteur et par la majorité de la commission des lois.
Vous considérez notamment que « ce projet de loi n'est ni urgent ni nécessaire
car rien ne justifie de remettre en cause dans son principe la manifestation de
volonté de devenir Français, instituée par la loi du 22 juillet 1993 ».
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Michel Duffour.
Cette appréciation nous apparaît profondément erronée et faisant très peu de
cas de la détresse d'une jeunesse très souvent exclue, maintenue en marge de la
communauté nationale.
Les auteurs de cette motion font preuve d'une méconnaissance grave de la crise
qui secoue la jeunesse, d'origine étrangère ou non, jeunesse déjà meurtrie par
les conséquences de la crise.
Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat sur ce projet ont été
l'occasion pour la droite de développer un discours de rejet, source de haine
et de xénophobie.
Quand M. Thierry Mariani, député UDF, déclare le 10 février : « c'est ainsi
que la population étrangère appelée à accéder à la nationalité française
comporte désormais des ressortissants relevant des communautés attachées à des
valeurs radicalement différentes des nôtres, quand elles ne sont pas
antinomiques », il attise les braises du racisme.
M. Emmanuel Hamel.
C'est un constat !
M. Jean Chérioux.
La polygamie c'est quoi ?
M. Dominique Braye.
Vous vivez dans une bulle !
M. Michel Duffour.
Nous ne vivons pas dans une bulle ! Je ne comprends pas pourquoi vous avez
déposé une motion tendant à opposer la question préalable, tant vous semblez
souhaiter débattre sur le fond ! Une nouvelle fois, nous aurions vu l'inanité
de vos propos.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
De tels propos écartent en effet toute idée d'intégration puisqu'ils
affichent
a priori
une conflictualité entre les cultures plutôt que leur
harmonie.
Les auteurs de la question préalable ne permettent pas, bien au contraire, de
faire progresser la notion de souveraineté. J'avais rappelé, en première
lecture, la portée de nos traditions républicaines qui prônent une conception
généreuse et humaine de la nationalité. Je n'y reviendrai donc pas.
M. Dominique Braye.
Utopiste !
M. Michel Duffour.
La législation de 1993, en caricaturant et en affaiblissant la référence au
droit du sol, en y opposant dans les faits une manifestation de volonté à l'âge
de dix-huit ans pour l'acquisition de la nationalité a marqué un recul très
net. Nous avions combattu avec vigueur cette loi.
Lors du débat en première lecture, nous avions indiqué à Mme la ministre notre
satisfaction de constater la remise en cause du dispositif Méhaignerie, par
l'affirmation, notamment, de l'acquisition automatique de la nationalité à
dix-huit ans et, sous certaines conditions, à seize, voire à treize ans.
Nous avions cependant regretté que l'avancée soit limitée et qu'en quelque
sorte on s'arrête au milieu du gué. C'est pourquoi nous avions proposé
l'instauration du droit à la nationalité sur déclaration pour tout enfant
étranger, né en France et dont les parents résident sur notre sol depuis cinq
ans au moins.
Les députés communistes ont renouvelé cette proposition en seconde lecture, et
elle a été à nouveau repoussée.
Nous n'avons pas ici redéposé cet amendement, mais il demeure, selon nous, la
meilleure voie pour que le droit de la nationalité dans notre pays soit en
phase avec les valeurs profondes de la République, avec la nécessaire égalité
entre les jeunes, quelles que soient leurs origines.
Ce projet de loi a des aspects positifs indéniables, mais il ne marque pas
suffisamment, selon nous, une rupture suffisante avec la législation
antérieure. C'est cette analyse qui avait déterminé l'abstention des députés
communistes.
Avant de conclure, je souhaite signaler au Gouvernement et au Sénat le vote
par la Commission européenne des libertés publiques et des droits de l'homme,
le 26 janvier dernier, de son rapport annuel, dont le point 10 invite tous les
Etats membres à reconnaître « le droit du sol » intégral dès la naissance pour
l'acquisition de la nationalité. Je pense que nous avons là une excellente
suggestion.
M. Emmanuel Hamel.
Nous sommes Français. Bruxelles, c'est l'étranger.
M. Michel Duffour.
Les sénateurs communistes maintiennent donc leur opinion initiale sur ce
projet de loi, mais, avant tout, ils rejettent catégoriquement l'attitude de la
majorité sénatoriale, source d'intolérance et facteur de division et de
confrontation.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Emmanuel Hamel.
Après Maastricht, Bruxelles. Vous reniez votre idéal !
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
A aucun moment, je n'avais eu l'intention d'intervenir à ce point du débat,
mais j'avoue que je dois relever deux arguments.
Le premier, madame le ministre, m'a presque scandalisé.
Le second argument, avancé par l'une de mes collègues de groupe - mais notre
groupe ayant été « pluriel » avant tous les autres et ma remarque ne surpendra
personne - m'a quelque peu étonné.
S'agissant de votre propre argument, madame le ministre, il est tiré du fait
que des jeunes naissent en France, habitent en France, en tout cas pendant un
certain temps et qu'ayant fréquenté les mêmes écoles, écouté les mêmes
programmes de télévision, ils sont intégrés dans notre univers culturel.
M. Dominique Braye.
Ils sont désintégrés !
M. Paul Girod.
Vous voyez que je vous ai écoutée avec passion !
(Sourires surles travées
du RPR.)
Chers collègues, j'ai entendu sur nos bancs suffisamment d'interpellations sur
le fait que nos écrans de télévision étaient envahis au-delà du raisonnable
malgré les efforts du CSA et notamment, par des programmes étrangers pour que
je sois pour le moins perplexe quant à l'intégration culturelle des jeunes
immigrés habitant en France depuis cinq ans par le biais de la télévision.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR. - Exclamations sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier.
Quel argument !
M. Paul Girod.
En conséquence, madame le ministre, l'argument que vous tirez de l'intégration
culturelle d'un jeune vivant pendant cinq années dans notre pays me semble
quelque peu limité car, nous le constatons malheureusement les uns et les
autres à longueur de temps, l'imprégnation télévisuelle est plus importante que
celle de l'école de la République !
Le second argument je le combattrai, peut-être avec moins de vigueur. En
effet, au nom de l'amitié que j'éprouve depuis longtemps pour Mme Dusseau -
amitié que je me permets de vous offrir, très humblement, à vous aussi, madame
le ministre - je me dois peut-être de modérer mes propos.
Mme Dusseau a parlé de l'enfant qui a vécu chez nous, dont les parents
travaillent chez nous et qui vivra et travaillera chez nous. Pourquoi ne
ferait-il pas l'effort de dire qu'il est content d'y être ? En quoi est-il
scandaleux qu'il témoigne de sa volonté d'adhésion ?
(M. Pagès
s'exclame.)
C'est sur ce point que je ne suis en aucun cas le raisonnement de l'Assemblée
nationale.
Vous avez dit, il y a quelques instants, madame le ministre, que nous avions
deux philosophies totalement opposées, je souscris à ce constat. Pour moi, on
est Français quand on est fils de Français
(M. Dreyfus-Schmidt proteste)
ou que, n'étant pas fils de Français, on désire le devenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Paul Girod.
Cela me semble être une démarche logique.
M. Claude Estier.
Comment était-ce avant 1993 ?
M. Paul Girod.
Je ne vous dis pas qu'avant 1993 c'était bien !...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela a duré pendant cent ans !
M. Paul Girod.
Je dis que, dans l'état actuel des choses, la demande de cette manifestation
de volonté constitue un progrès que beaucoup de pays ont déjà accompli.
J'ai constaté il n'y a pas tellement longtemps, sous le régime de la loi
actuelle, l'émotion de personnes, jeunes ou moins jeunes, qui, après quelques
années de réflexion, avaient demandé la nationalité française et recevaient des
mains du sous-préfet, dans les salons de la sous-préfecture, les documents
attestant le fait qu'elles avaient été naturalisées. Elles étaient heureuses,
elles étaient émues, et nous l'étions aussi. C'est plutôt dans cette direction
que se trouve la voie de l'obtention de la nationalité et pas dans celle de
l'automaticité aveugle et de l'irresponsabilité totale.
(Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ferai simplement une remarque à M. Paul Girod parce
que, si je l'ai scandalisé, pour la première fois peut-être depuis que je
l'entends parler, il m'a profondément déçue.
M. Paul Girod.
J'en suis navré !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, quand on cite les propos d'un
orateur, on fait référence à la totalité de son intervention !
Si j'ai cité la télévision, c'est après avoir parlé de l'intégration par
l'école et par la culture.
Par ailleurs, je ne vois par pourquoi vous frappez ainsi d'ostracisme les
programmes de télévision. On pourrait certes espérer qu'ils soient meilleurs,
un peu plus éducatifs, mais ce que je voulais souligner, c'est que tous les
jeunes Français regardent les mêmes programmes de télévision...
M. Jean Chérioux.
Hélas !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et qu'il n'existe pas de raison d'établir une
distinction avec l'imprégnation que reçoivent les jeunes étrangers.
Pour moi, l'essentiel vient de l'intégration par l'apprentissage de la langue,
par l'acquisition d'une culture commune, laquelle passe aussi, qu'on le veuille
ou non, qu'on l'apprécie ou non, par la télévision.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Bonnet, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant qu'il a adopté, le 18 décembre 1997, une motion tendant à
proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de
loi relatif à la nationalité, le droit de la nationalité lui étant apparu trop
fondamental et trop intimement lié à l'identité de la nation pour être
bouleversé sans solennité au gré de chaque alternance ;
« Considérant qu'après le rejet de cette motion par l'Assemblée nationale, il
a souhaité le maintien de l'exigence d'une démarche individuelle volontaire
pour l'acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de
parents étrangers, instituée par la loi du 22 juillet 1993, et a donc été
conduit à supprimer, en première lecture, les dispositions du projet de loi
tendant à revenir sur cette réforme récente du droit de la nationalité ;
« Considérant que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte
sur les dispositions restant en discussion n'a pu que constater que les travaux
des deux assemblées reposaient sur des philosophies inconciliables et qu'il
était dès lors impossible de parvenir à un accord ;
« Considérant qu'en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'a pas évolué,
même sur les points les plus techniques, et, ne tenant aucun compte du travail
effectué par le Sénat, a intégralement repris le texte qu'elle avait adopté en
première lecture, rejetant en même temps la totalité des nouveaux articles
additionnels ;
« Considérant que ce texte qui lui est aujourd'hui soumis en nouvelle lecture
ne diffère en rien, à une exception près concernant les Alsaciens-Mosellans, de
celui sur lequel il a tenu à procéder à un débat approfondi et détaillé en
première lecture ;
« Considérant que ce projet de loi n'est ni urgent, ni nécessaire, car rien ne
justifie de remettre en cause dans son principe la manifestation de volonté de
devenir français instituée par la loi du 22 juillet 1993 sur la base des
propositions largement consensuelles de la commission de la nationalité, les
regrettables dysfonctionnements administratifs parfois apparus dans
l'application de cette loi - au demeurant globalement satisfaisante - pouvant
être corrigés sans réforme législative nouvelle ;
« Considérant que ce projet de loi n'est pas non plus opportun, notamment
parce que les préoccupations liées à la conscription qui avaient autrefois
conduit à prévoir une acquisition automatique de la nationalité française par
les immigrés de la "deuxième génération" ne sont plus d'actualité et
que la capacité d'intégration de la société française s'est affaiblie ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi relatif à la nationalité, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture (n° 287, 1997-1998). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion : l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission
saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dès lors qu'un débat approfondi a eu lieu dans cette enceinte
voilà quelque temps, dès lors que les points de vue apparaissent parfaitement
inconciliables, la commission des lois a estimé que mieux valait recourir à une
question préalable.
Le projet de loi qui vous est soumis une nouvelle fois ne diffère en rien, à
une exception près concernant les Alsaciens et les Mosellans, de celui sur
lequel le Sénat a tenu à procéder, je le répète, à un débat très approfondi,
très détaillé en première lecture.
Or ce projet de loi n'est ni nécessaire ni urgent, car rien ne justifie de
remettre en cause dans son principe la manifestation de volonté de devenir
français instituée par la loi du 22 juillet 1993 sur la base des propositions
largement consensuelles de la commission de la nationalité, les regrettables
dysfonctionnements administratifs parfois apparus dans l'application de cette
loi, au demeurant globalement satisfaisante, pouvant être corrigés sans réforme
législative nouvelle.
Ce projet de loi ni nécessaire ni surtout urgent n'est pas non plus opportun,
notamment parce que les préoccupations liées à la conscription qui avaient
autrefois conduit à prévoir une acquisition automatique de la nationalité
française par les immigrés de la « deuxième génération » ne sont plus
d'actualité et que la capacité d'intégration de la société française s'est
indéniablement affaiblie.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dès lors, la commission des lois a estimé qu'il n'y avait pas
lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la
nationalité tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après
déclaration d'urgence. Elle vous propose donc d'adopter la motion tendant à
opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye.
On le fera !
M. le président.
La parole est à M. Badinter, contre la motion.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est
paradoxal de conclure sur une question préalable un débat qui aura retenu,
semble-t-il, de façon si passionnée l'attention de chacun.
Au terme de ce débat, je suis sans illusion. Vous l'emporterez aisément, mon
cher collègue Christian Bonnet, sinon glorieusement, mais vous l'emporterez.
Il est toutefois peut-être temps de ramener l'objet de la discussion à sa
juste mesure. On a parlé à cet égard de points de vue inconciliables pour des
raisons de philosophie. S'agit-il bien de philosophie ? Très franchement, je ne
le crois pas. Nous n'avons pas assisté en effet à une remise en cause de la
conception de la nationalité qui est traditionnellement celle du droit
français.
Ai-je besoin de le rappeler ? Nous avons vécu, nous continuons à vivre et nous
continuerons à vivre sur un double droit, celui du sang et celui du sol.
Contrairement à ce que j'ai entendu avec stupéfaction - mais je n'étais pas le
seul à avoir eu ce sentiment - de la part de certains sénateurs de la droite,
le droit du sol dans le droit français de la nationalité n'a jamais été
l'acquisition de la nationalité française par le simple fait d'être né sur le
sol français. On y a toujours ajouté les conditions, qui sont essentielles, de
résidence et d'établissement ; et ce dispositif n'est pas modifié.
De quoi avons-nous donc débattu ? Nous avons débattu tout simplement du
problème de l'expression d'une volonté dans ce qui a été, depuis plus d'un
siècle, la tradition républicaine : on ne devenait pas Français contre son
consentement, on ne devenait pas Français automatiquement, on devenait
Français, sauf à s'y opposer, sauf à ne pas le vouloir. La République a
toujours respecté la volonté de chacun sur son sol.
Qu'est-ce qui a changé à partir des travaux de la commission Marceau Long ? Le
seul changement fut de passer à l'exigence d'une déclaration explicite au lieu
d'une simple expression implicite, par le fait qu'on ne déclinait pas la
nationalité française.
Voilà ce qu'a été la loi de 1993. J'expliquerai maintenant pourquoi vous avez
bien fait, madame la ministre, de revenir sur cette disposition qui est loin
d'avoir l'éclat et l'importance qu'on lui prête.
Ne confondons pas - je vous en prie - la naturalisation avec ce qu'elle peut
impliquer dans certains pays de cérémonial et la situation particulière
d'enfants qui sont nés sur le sol français, qui, pour leur quasi-totalité, y
ont grandi, qui sont, eux aussi, bénéficiaires de notre culture et qui sont
appelés - ne l'oubliez surtout jamais - à y demeurer.
Les choses étant ce qu'elles sont, je dirais simplement que vous avez bien
fait, madame la ministre. Il y avait un problème, que l'on connaît et qui n'a
pas été résolu durant les dernières années, à savoir la différence de zèle de
l'administration à informer ces enfants de parents étrangers nés sur le sol de
France, qui y avaient grandi, qui s'y étaient établis, qu'il leur fallait
désormais demander explicitement la nationalité française pour l'obtenir. Cela
avait pour conséquence que, selon les régions, selon le zèle, la bonne volonté
ou la disponibilité des agents de l'administration, ici l'on avait plus de
déclarations que là, au regard de la proportion d'enfants étrangers nés sur le
sol de France et appelés à être Français.
On ne peut pas, messieurs, je le dis très fortement, soumettre ainsi aux
diligences de l'administration la possibilité de devenir français.
M. Philippe Marini.
Elle est dirigée par le Gouvernement !
M. Robert Badinter.
Il y a là une sorte d'inégalité de fait devant une loi qui ne répond pas à des
exigences que chacun connaît et qui sont d'ailleurs, sur ce point, toujours
très scrupuleusement censurées, en cas de défaut, par le Conseil
constitutionnel. L'égalité devant la loi doit être concrète.
Il y a aussi, lié à cela, le risque majeur qui avait été évoqué et qui semble
avoir été perdu de vue : rien ne me paraît plus grave que de laisser sur le
bord de la route ceux qui pensent être devenus français et qui, par ignorance,
n'ont pas fait les formalités nécessaires. Ce sont généralement ceux qui sont
le plus défavorisés par leur condition sociale. Ainsi, aux autres désavantages
- et le terme est faible ! - s'ajouterait le fait que, sans le savoir, ils
demeurent étrangers sur le sol où ils sont nés. Je ne crois pas que ce soit la
vocation de la République.
Voilà la raison première pour laquelle on devait revenir à la tradition
républicaine.
La seconde raison, en dehors de cette inégalité de fait qui accable les moins
favorisés, est d'un autre ordre, mais elle est tout aussi pressante. Il ne
s'agit pas ici, mesdames, messieurs, d'un point de vue philosophique. Il s'agit
simplement d'une exigence première qui nous concerne tous : tout ce qui
facilite l'intégration paisible de ceux qui sont nés sur le sol de France et
qui, je le répète, sont voués à y demeurer est bon pour la nation et la
République tout entière.
Ne laissons pas dans ce domaine d'exclus sur le bord du chemin pour des
présupposés idéologiques. Tant que la République sera ce qu'elle est et telle
que nous l'aimons, jamais les plus défavorisés ne doivent, dans la législation,
être traités plus sévèrement que les autres.
Dans le cas qui nous intéresse, vous l'avez dit fort bien, madame la ministre,
et je regrette que notre ami Paul Girod ne soit plus là, vous n'avez pas évoqué
seulement la télévision. Vous avez aussi évoqué la communauté de vie dans les
mêmes immeubles et dans les mêmes quartiers qui ne sont pas les plus favorisés,
la communauté à l'école, où les enfants ont la même scolarité, les mêmes
professeurs, les mêmes manuels. Vous avez enfin évoqué la communauté que l'on
peut appeler de culture et dans laquelle s'inscrit, au premier chef, la
télévision, nous le savons tous, et cela vaut aussi bien pour les ouvrages
qu'on lit.
Ils sont les mêmes, les Français nés de parents français sur le sol français
et les enfants d'immigrés qui sont nés, à côté d'eux, de parents immigrés et
qui seront français !
(Protestations sur les travées du RPR.)
Ceux qui disent qu'ils ne sont pas les mêmes projettent sur la
nationalité une conception que la République a toujours refusée, qu'on
l'appelle « organique » ou qu'on l'appelle « ethnique », et qui ne sera jamais
la nôtre !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Les choses étant ce qu'elles sont, je crois que vous avez bien fait.
J'ai peut-être, comme mon amie Monique Cerisier-ben Guiga, quelque regret. En
effet, vous n'êtes pas allée plus loin sur la possibilité pour les enfants nés
sur le sol de France de parents étrangers établis régulièrement et depuis
longtemps sur notre sol de devenir Français dès leur naissance par déclaration
de leurs parents. Cela leur aurait valu d'éviter de se sentir étrangers dans le
pays auquel ils sont voués à appartenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question
préalable.
La parole est à M. Gélard pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel.
La force normande !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard.
Merci, cher collègue !
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
groupe du RPR va naturellement voter la question préalable...
(Quel scoop ! sur les travées socialistes)
pour des raisons qu'il me
serait trop long de développer en détail, mais sur lesquelles je voudrais
revenir brièvement.
D'abord ce débat a eu au moins un mérite, celui de reconnaître que le droit du
sol n'a jamais été menacé en France, contrairement à ce que l'on a dit trop
souvent lorsqu'on a manifesté contre la loi de 1993 dans le passé.
Ensuite, je regrette que l'on n'ait pas voulu demander au peuple français ce
qu'il pensait sur la nationalité et donc que l'on n'ait pas eu recours au
référendum.
(Bravo ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Ils ont eu peur !
M. Patrice Gélard.
Enfin, et j'attire votre attention sur ce point, madame le ministre, nous
divergeons moins sur la philosophie que sur le diagnostic de la situation. Or
qui dit différence de diagnostic dit différence de thérapeutique.
Je ne veux pas remettre en cause ni vos motifs ni votre générosité, sans doute
réelle, à l'égard de ceux que vous voulez intégrer. Mais, madame le ministre,
l'intégration ne se décrète pas. L'intégration, on la veut ou on ne la veut
pas. La nation n'est pas une somme d'individus, elle n'est pas une addition
d'êtres humains. Ou alors nous n'avons plus la même conception de la nation, ce
qui serait très grave.
Je ne veux pas que l'on aille jusque-là. Toutefois, je le répète, cette
différence de diagnostic implique une différence de thérapeutique. Il n'y a
aucune raison de remettre en cause celle que nous avions instaurée en 1993 et
qui demandait une simple manifestation de volonté de la part de ceux qui sont
fiers de devenir français comme nous nous sommes fiers de les accueillir parmi
nous.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini.
Il faudra y revenir !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il semble qu'entre l'Assemblée nationale, le Gouvernement et le Sénat il n'y
ait guère de compréhension bien que, comme l'a rappelé Robert Badinter, le fait
de modifier à nouveau la loi ne change rien pour les jeunes. Je crains même
qu'elle ne soit encore moins bien comprise !
Parce que, nous explique-t-on, des jeunes entre seize ans et vingt et un ans
ne faisaient pas leur déclaration, il faut supprimer cette dernière. S'il
fallait, dans toutes les lois, supprimer les dispositions légales qui ne sont
pas appliquées à 100 %, il ne nous resterait plus qu'à lever la séance
immédiatement et cela ne servirait plus à rien de légiférer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si !
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il s'agit d'une conception tout à fait curieuse de la loi !
M. Dominique Braye.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
En fait, nous avions proposé - la commission des lois avait d'ailleurs
accepté, tout comme le Sénat - étant donné que nous avons transformé le code
électoral avec l'inscription automatique des jeunes de dix-huit ans et qu'à
partir de 1999 tous lesgarçons et filles vont être recensés, de diffuser à ce
moment-là auprès des jeunes l'information. Cela nous paraissait plus simple
!
M. Jean Chérioux.
C'était trop simple !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais vous ne l'avez pas fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
En fait, on a voulu faire plus symbolique car il paraît que nous avions, en
1993, supprimé le droit du sol. C'est du moins ce qu'ont affirmé les médias,
mais ce n'est pas vrai. D'ailleurs, tout le monde en convient aujourd'hui.
Nous souhaitions seulement, selon les travaux de la commission Marceau Long -
commission qui était ouverte, et non restrictive, et qui avait formulé de
nombreuses dispositions très positives - permettre aux jeunes issus de
l'immigration de s'intégrer véritablement.
On ne peut pas, au nom d'un symbole, changer aujourd'hui la législation. Non
seulement cela me paraît complètement inutile, mais dela détournerait encore un
peu plus le débat politique sur un sujet très délicat ! C'est pourquoi le
groupe de l'Union centriste votera la question préalable.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Le groupe du RDSE est un groupe divers.
M. Jean Chérioux.
Pluriel !
(Sourires.)
Mme Joëlle Dusseau.
Pour ceux qui auraient eu des doutes sur ce sujet, l'intervention de M. Paul
Girod et la mienne auront levé toutes les questions préalables.
(Nouveaux
sourires.)
Nos votes vont donc bien entendu se partager, et ce d'une manière pratiquement
égale, légèrement au détriment du contre malheureusement. En effet, au sein de
notre groupe, neuf d'entre nous rejetteront la question préalable, onze
l'adopteront et un s'abstiendra.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas trop mal !
(Sourires.)
Mme Joëlle Dusseau.
Mais la tendance de gauche progressant quelque peu dans ce groupe, je ne
pouvais me priver du plaisir de le signaler !
M. Jean Chérioux.
De vous en féliciter !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
76:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158214 |
Contre | 100 |
M. Emmanuel Hamel. Pour la défense de la France !
M. le président. En conséquence, le projet de loi est rejeté.4
DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION ET CANDIDATURE
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Jean-Pierre Camoin comme membre de la
commission des affaires culturelles.
J'invite en conséquence le groupe intéressé à faire connaître à la présidence
le nom du candidat proposé en remplacement de M. Jean-Pierre Camoin.
J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation en remplacement de Maurice Schumann, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants
avant d'aborder l'examen du texte suivant.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
5
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le vingt-sixième
rapport sur la situation démographique de la France, établi en application de
l'article 8 de la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation
des naissances.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
6
PRESTATION COMPENSATOIRE
EN CAS DE DIVORCE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des conclusions du rapport
(n° 20, 1997-1998) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur :
- la proposition de loi (n° 151, 1996-1997) de M. Nicolas About tendant à
modifier les dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire
en cas de divorce ;
- la proposition de loi (n° 400, 1996-1997) de MM. Robert Pagès, Michel
Duffour, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant,
Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette
Terrade relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de
divorce.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
J'indique au Sénat que M. Hyest, rapporteur de la commission des lois, vient
de déposer un rapport supplémentaire.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers
collègues, ce matin, à l'occasion de l'examen de deux amendements du
Gouvernement et d'un sous-amendement, la commission a engagé un long débat sur
la question de la transmission de la prestation aux héritiers, problème qui
suscite bien des passions.
Rappelons que la transmission aux héritiers de la prestation compensatoire est
tout à fait conforme au droit des successions ; c'est d'ailleurs le sens de la
prestation compensatoire, qui n'est pas une pension alimentaire ; la réforme de
1975 a bien distingué les deux.
M. Nicolas About.
Ah bon !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Néanmoins, il existe des situations dans lesquelles cette
transmission aboutit à des situation très difficiles pour les héritiers du
débiteur. Aussi la proposition de loi tend-elle à permettre la révision de la
prestation compensatoire lorsque des changements importants de situation se
produisent.
La commission a décidé de maintenir sa position de principe, selon laquelle la
prestation compensatoire entre dans la succession de la personne décédée au
même titre que les autres dettes. Elle a, en revanche, souhaité qu'il soit
expressément précisé que l'assouplissement de la révision soit ouvert aux
héritiers du débiteur. En effet, la transmission de la prestation compensatoire
pose essentiellement problème lorsqu'il s'agit d'une rente viagère.
La commission, dans ses conclusions, a essayé, d'une part, d'inciter au
versement d'un capital, d'autre part, de faciliter la révision qui pourra aller
jusqu'à la suppression pure et simple en fonction de la situation des uns et
des autres. Dans ces conditions, la situation des héritiers devrait être
fortement améliorée.
Nous avons donc modifié nos conclusions pour bien préciser que la révision de
la prestation pourra bénéficier aux héritiers du débiteur. C'est l'objet de
l'article 2
bis
que nous avons ajouté.
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 273.
- La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire.
Elle ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les
ressources ou les besoins des parties. »
Par amendement n° 7 rectifié, le Gouvernement propose, dans la seconde phrase
du texte présenté par cet article pour l'article 273 du code civil, de
remplacer le mot « substantiel » par les mots : « imprévu et important ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Cet amendement peut paraître
n'entraîner qu'une modification de détail ; en réalité, il s'agit d'une
question de fond.
Je tiens à dire tout d'abord que je suis d'accord avec la commission quant à
la volonté d'assouplir la révision de la prestation compensatoire.
Jusqu'ici, aussi bien les textes que la jurisprudence de la Cour de cassation
rendaient cette révision extraordinairement difficile, voire impossible. Or le
développement de la crise économique et sociale, la multiplication des
situations de chômage et de précarité s'ajoutant aux événements tragiques - la
maladie, notamment - qui peuvent survenir à tout moment ont rendu pratiquement
insurmontable le versement de la prestation compensatoire pour certaines
personnes.
Toutefois, si je souscris tout à fait à l'idée de faciliter, la révision de la
prestation compensatoire, je ne voudrais pas que nous en revenions à la
situation qui prévalait avec l'ancienne pension alimentaire marquée par
l'incertitude juridique.
Il faut prendre en compte le fait que les bénéficiaires des prestations
compensatoires sont, pour une écrasante majorité, des femmes qui, souvent, ne
disposent guère d'autres sources de revenus ; j'ai fait procéder à des études
sur ce point. Par conséquent, le dispositif doit être suffisamment encadré.
C'est la raison pour laquelle je tiens beaucoup aux adjectifs « imprévu et
important ».
En effet, autant l'on peut dire que le chômage, la maladie grave sont
imprévus, autant on ne peut pas le soutenir s'agissant du remariage de l'époux.
Quand on divorce, quand on accorde une prestation compensatoire, on peut
s'attendre en effet à un tel événement. Grâce à la mention de ces deux
adjectifs, je pense que pourront être pris en compte les cas que nous avons
voulu viser, c'est-à-dire les cas fréquents de chômage, de précarité, de
maladie, qui sont eux, véritablement imprévus. En revanche, je le répète, quand
on divorce, il existe une forte probabilité de remariage.
Je voulais attirer votre attention sur ce point, mesdames, messieurs les
sénateurs, car il ne faudrait pas qu'en corrigeant les abus de l'actuelle
législation, nous allions trop loin en sens inverse.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Bien entendu, comme l'ouverture ou non de la révision est au
coeur de notre débat, les termes employés sont importants.
Nous avons eu une longue discussion sur ce point. Madame le garde des sceaux,
certes, votre amendement rectifié est meilleur que l'amendement initial, qui ne
prévoyait une révision qu'à titre exceptionnel, ce qui ne changeait pas
grand-chose par rapport à la situation actuelle.
Cependant, l'appréciation du caractère imprévu risque d'être très subjective.
Vous nous avez indiqué, par exemple, que le remariage n'était pas imprévu : à
ce moment-là, plus grand-chose ne l'est ! L'essentiel est de prendre en compte
un changement dans la situation objective des parties.
Par ailleurs, « imprévu » ne veut pas dire tout à fait la même chose que «
imprévisible ». Nous avons longuement débattu sur ce point. Avec cette
rédaction, nous risquons donc de susciter des débats sans fin.
C'est pourquoi la commission des lois préfère l'adjectif qu'elle avait retenu
et qui était d'ailleurs tout à fait dans l'esprit des propositions de lois «
substantiel ». Certains proposaient « notable », cela ne nous a pas semblé
assez fort : il faut que le changement soit substantiel.
Compte tenu de la nature de la prestation compensatoire, s'il y a une
modification substantielle dans la situation des parties, cette prestation doit
pouvoir être révisée.
Nous avons prévu un certain nombre de dispositifs pour favoriser le versement
d'un capital, car il est certain que la prestation compensatoire a été conçue
pour faire en sorte que, après le divorce, on ne revienne plus sur la situation
fixée.
Néanmoins, vous l'avez noté vous-même, madame le garde des sceaux, il est un
certain nombre de cas où il doit y avoir révision. Cela étant, nous souhaitons
que cela reste limité : il ne s'agit pas d'ouvrir une possibilité permanente de
révision.
C'est la raison pour laquelle il convient de définir un critère aussi objectif
que possible. Dans cette optique, les termes « important et imprévu » ne me
paraissent pas offrir une garantie juridique suffisante et donner aux juges une
indication suffisamment claire.
Par conséquent, je suis, à regret, amené à émettre, au nom de la commission,
un avis défavorable sur l'amendement présenté par le Gouvernement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
Pour explication de vote, monsieur Dreyfus-Schmidt ?...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Contre l'amendement, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous ne sommes pas des « godillots », au groupe socialiste, monsieur le
président !
(Sourires.)
Bien sûr, il existe une continuité de l'Etat, mais je voudrais tout de même
rappeler que ce n'est pas sous un gouvernement de gauche qu'il a été procédé à
la réforme de 1975.
A l'époque, je n'étais pas parlementaire, mais j'étais praticien, et je
n'avais pas très bien compris comment on pouvait croire qu'on allait régler les
problèmes par le versement d'un capital. D'ailleurs, on ne l'a pas fait. Comme
l'a très bien rappelé Mme la garde des sceaux, l'évolution de la situation
économique du pays a fait que cela est devenu tout à fait impraticable,
insupportable pour beaucoup.
C'est ce qui explique le dépôt de différentes propositions de loi et l'accord
général pour permettre une révision plus facile des prestations
compensatoires.
En effet, pour ceux qui font du droit et qui s'en tiennent au droit, une
prestation compensatoire, c'est une dette, et il est donc normal qu'elle soit
transmissible. De même, pour eux, il est normal qu'elle ne soit pas révisée
puisque en principe, elle devra avoir la forme d'un capital et que la rente est
représentative, en somme, d'un capital. Il y aurait donc inégalité entre ceux
qui versent un capital et ceux qui paient une rente, faute, précisément, de
pouvoir verser un capital.
Tout cela est bel et bon mais, dans la réalité, les gens sont malheureusement
amenés à payer des rentes telles que, si l'on s'avise de les capitaliser, elles
atteignent des montants astronomiques qu'aucun tribunal n'aurait jamais osé
fixer.
Le problème est donc délicat.
C'est pourquoi je tiens à saluer - et il n'y a là aucune flagornerie -
l'intelligence avec laquelle Mme la garde des sceaux a abordé et suivi ce
débat, se félicitant du principe des propositions de loi en discussion.
Le débat est ouvert. Comme nous sommes en première lecture, la discussion va
se poursuivre à l'Assemblée nationale et, à défaut de vote conforme, le texte
reviendra devant nous. Notre liberté est donc totale.
Cela vous explique, monsieur le président, que j'aie demandé la parole contre
l'amendement. En vérité, je l'ai surtout fait pour me réserver la possibilité
de parler à nouveau, le cas échéant, pour expliquer mon vote.
M. le président.
Je n'étais pas dupe !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avons beaucoup réfléchi sur cette question. L'examen de la loi actuelle
fait apparaître que, tout comme une pension alimentaire, le montant de la
prestation est fixé en fonction des besoins de l'époux auquel elle est versée
et des ressources de celui qui la verse, compte étant tenu de la situation au
moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Mais, dans des prévisions, on peut se tromper ! On peut aussi ne pas prévoir à
long terme.
M. Nicolas About.
Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'article 272 du code civil précise les critères que le juge doit prendre en
considération. J'en citerai quelques-uns : « l'âge et l'état de santé des époux
; le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des
enfants ; leurs qualifications professionnelles ; leur disponibilité pour de
nouveaux emplois ». Ainsi, dans le texte actuellement en vigueur, le chômage
n'est pas prévu...
Quoi qu'il en soit, dans la pratique, le magistrat ne précisera pas dans sa
décision quels sont les critères qu'il a pris en considération. Si l'on admet
la proposition du Gouvernement, lorsqu'un des ex-époux reviendra devant le juge
en invoquant un changement « imprévu » pour demander la révision, comment le ou
les nouveaux magistrats saisis pourront-ils savoir ce qui avait été ou non
prévu par le ou les magistrats ayant pris la décision d'origine ? Il pourra
toujours être considéré qu'il était prévu que l'intéressé allait prendre sa
retraite, même s'il n'était pas prévu que ce serait dans des conditions bien
moins avantageuses que celles qui auraient pu être imaginées trente ans
auparavant.
C'est pourquoi ce qualificatif d' « imprévu » ne nous satisfait pas.
Pour ce qui est de l'autre qualificatif proposé par le Gouvernement, moi, je
préférerais « important » à « substantiel », mais il m'a été opposé en
commission que « substantiel », cela laisse supposer une perte de revenus, pour
l'un, ou une augmentation de revenus, pour l'autre, beaucoup plus importante
que ce que connote le terme « important ».
Le terme « significatif » peut être aussi envisagé. L'un ou l'autre de ces
qualificatifs laisse aux magistrats le soin d'apprécier. Et, après tout, toute
bonne justice ne doit-elle pas laisser aux magistrats le soin d'apprécier ?
En définitive, parce qu'il n'est pas possible de savoir ce que le premier juge
avait prévu ou non, nous pensons, au groupe socialiste, après en avoir discuté
de manière approfondie, qu'il faut s'en tenir au terme « substantiel », proposé
par la commission.
En commission, plusieurs d'entre nous ont salué la rédaction contenue dans la
proposition n° 151 de notre collègue M. About, qui prévoyait : « Elle pourra
être révisée en cas de modification notable... » - ou « substantielle » ou «
importante » - « ... de la situation patrimoniale de l'un ou l'autre des
conjoints et lorsqu'elle crée des conditions nouvelles que le juge n'avait pu
appréhender lors du prononcé du divorce. »
S'agit-il là d'imprévu ? Pas exactement : les conditions de la retraite
paraissent ressortir à ce que le juge pourrait ne pas avoir appréhendé. La
retraite, elle, ne saurait relever de l'imprévu.
Tout bien pesé, il nous paraît préférable de s'en tenir à l'expression «
changement substantiel », que les magistrats comprendront parfaitement.
Contrairement au texte précédent, le nouveau texte ne leur indique pas que la
révision n'est possible - ce qui prouve qu'on ne s'en tient pas à la notion de
prestation compensatoire - que « lorsque l'absence de cette révision aurait,
pour l'un des conjoints, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ». Les
magistrats sauront que le législateur est intervenu pour supprimer cette
restriction et pour décider que la révision est possible lorsqu'il existe un
changement substantiel.
Ils sauront donner à ce mot « substantiel » le sens qui doit lui être
donné.
Autrement dit, madame le garde des sceaux, il n'y a pas à craindre que les
juges ne soient saisis à tout moment, qu'ils ne perdent beaucoup de temps à
refuser les demandes qui ne seraient pas justifiées par des changements
substantiels dans les revenus de l'un ou de l'autre.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous préférons le texte que propose
la commission à celui que propose le Gouvernement.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, après ce temps de parole substantiel, important et
imprévu, il vous restera deux minutes pour expliquer votre vote !
(Sourires.)
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Sans doute le terme « substantiel » est-il quelque peu imprécis. Cependant, il
nous semble préserver l'essentiel de ce que nous avons souhaité, avec un
certain nombre d'autres collègues : faire disparaître le caractère tout à fait
exceptionnel de la révision.
En revanche, le terme « imprévu » nous inquiète. Que peut-on prévoir et que
peut-on ne pas prévoir ? La retraite, par exemple, la prévoit-on ou pas ? Poser
la question, c'est y répondre.
Même si la proposition de la commission ne nous paraît pas pleinement
satisfaisante, nous la jugeons acceptable. C'est pourquoi nous ne voterons pas
l'amendement n° 7 rectifié.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
l'avenir n'est à personne. L'avenir n'appartient qu'à Dieu. Pour autant, tout
peut être prévu. Ce n'est pas le médecin que je suis qui vous dira que, par
exemple, la maladie n'est pas prévue. D'ailleurs, tout être bien portant est un
malade qui s'ignore. Il suffit d'attendre !
M. Emmanuel Hamel.
Quel pessimisme !
M. Nicolas About.
J'aurais aimé pouvoir approuver la proposition de Mme le garde des sceaux,
mais je l'ai entendue dire que le remariage n'était pas un fait imprévu. Il ne
relève pas moins de l'imprévu que la maladie, le chômage, la retraite, la mort.
Le remariage est parfois moins prévisible que la mort.
M. Charles Descours.
Le remariage est certainement moins inéluctable !
M. Nicolas About.
En raison de l'interprétation que vous donnez au mot « imprévu », madame le
ministre, il me paraît impossible de voter votre amendement.
J'ai entendu M. Dreyfus-Schmidt dire combien il estimait la rédaction que
j'avais proposée. Cependant, il a ensuite indiqué qu'il préférait finalement
une rédaction moins bonne mais plus accessible aux juges ; cela me paraît un
peu inquiétant.
Quoi qu'il en soit, je me replierai sur la proposition de la commission.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je souhaite souligner que la conjonction des deux adjectifs, « imprévu » et «
important » peut aboutir à une contradiction.
D'ailleurs, dans la loi, l'adjectif laisse toujours planer la menace d'une
jurisprudence incertaine et parfois contradictoire. Il suffit de se souvenir de
ce qui est advenu de la faute légère, très légère, grave ou lourde. Ce concept
a suscité des torrents de jurisprudence destinés à l'éclairer.
Mais je reviens au sujet qui nous occupe.
Il est clair que ce qui a inspiré un changement de notre législation, c'est la
nécessité de prendre en compte une modification « substantielle » dans la
situation des parties : une telle modification commande, en équité, une
révision de la rente viagère.
Pour ce qui est de l'imprévu, j'appuierai ma démonstration sur un exemple.
Soit un jeune cadre qui épouse une jeune femme. Quelques années plus tard, ils
divorcent. L'époux ne disposant pas de capitaux, il versera une rente. Les
années passent et le père de la femme décède, lui laissant une fortune
importante. Celle-ci s'est constituée entre le moment du divorce et le moment
du décès ; nous sommes dans un domaine où il y a réserve. Etait-ce imprévu ? Et
si la fortune existait déjà au moment du divorce, car la mort est certaine,
était-ce imprévu ? La réserve existe.
Par conséquent, vous le voyez, on peut aboutir à des cas dans lesquels
interviendra un changement très important de situation pour la bénéficiaire de
la rente viagère, comme dans le cas que j'ai évoqué, mais où l'événement
lui-même était prévu. Dès lors, on ne pourrait pas réviser, ce qui ne serait
pas conforme à l'inspiration qui est la vôtre, à juste titre, madame le garde
des sceaux.
C'est la raison pour laquelle je rejoins l'opinion unanime de la
commission.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je vous prie de m'excuser de prolonger ce débat mais celui-ci me paraît
mériter qu'on s'y attarde. Il s'agit de tant de cas particuliers passés,
présents et à venir que nous devons à tout prix donner à nos réflexions un
caractère aussi lumineux que possible.
Je souscris à ce qui a été dit sur l'adjectif « imprévu ». Je suis d'ailleurs
de ceux qui auraient préféré la rédaction originelle de M. About, qui était, me
semble-t-il, meilleure. Il y aura déjà bien des discussions autour du «
substantiel ». N'y ajoutons donc pas des discussions sur l'« imprévu » !
Et d'ailleurs, ce serait « imprévu » par qui ? Car il y a trois personnes
concernées : le demandeur, qui a une idée de son avenir, le défendeur,
c'est-à-dire le futur débiteur, qui a une idée de ses propres possibilités, et
puis le juge.
J'imagine, en tant que professionnel, tout le contentieux - merveilleux pour
certains mais désastreux pour ceux qui auront à le supporter - que cet adjectif
« imprévu » fera naître, en plus du ferment de contradictions que vient de
signaler M. Badinter.
Pour toutes ces raisons, et bien que je ne sois pas totalement satisfait par
cette formule, je crois qu'il faut en rester au mot « substantiel ». Je ne
pourrai donc pas, à mon grand regret, voter l'amendement du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Aux termes de l'article 273 du code civil, la prestation compensatoire ne peut
être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les
besoins des parties. Par conséquent, le fait qu'elle puisse être révisée en cas
de changement imprévu constituerait déjà un progrès certain. Toutefois, cela ne
suffit pas ; il faut aller plus loin.
Je souhaite saluer l'évolution de notre collègue Robert Pagès - j'attends la
même du Gouvernement - qui, dans sa proposition initiale, avait suggéré que la
prestation compensatoire puisse être révisée en cas de « changement imprévu et
important ». C'est le texte même de l'amendement du Gouvernement. Mais notre
collègue Robert Pagès a poussé plus loin la réflexion, qu'il a entamée, il est
vrai, avant le Gouvernement et, finalement, il en est parvenu à la solution qui
consiste à retenir le mot « substantiel ».
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 4, M. About propose de compléter
in fine
le texte
présenté par l'article 1er pour l'article 273 du code civil par une phrase
ainsi rédigée : « La prestation compensatoire cesse de plein droit d'être due
si le conjoint qui en est créancier contracte un nouveau mariage ou vit en état
de concubinage notoire. »
Par amendement n° 5, M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent de compléter
in fine
le texte présenté par
l'article 273 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « En cas de
remariage ou de concubinage notoire de l'époux créancier, la charge de la rente
disparaît. »
La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Nicolas About.
Cet amendement tend à rendre caduque la prestation compensatoire versée par le
débiteur lorsque le créancier se remarie ou vit en état de concubinage
notoire.
Certes, cette situation n'était pas forcément imprévisible ou imprévue.
Toujours est-il qu'elle va contribuer à modifier un certain nombre de
relations. Je n'ose même pas parler du cas où, une fois la prestation
compensatoire attribuée, l'ex-époux qui la perçoit reprend une activité alors
que, auparavant, il ne travaillait pas. C'est aussi un changement imprévu et
important qui intervient au lendemain de la décision sur la prestation
compensatoire.
En tout cas, en ce qui concerne le remariage, des liens nouveaux, donc des
obligations, se créent entre les nouveaux époux. Par conséquent, il n'y a pas
de raison pour que l'ex-époux continue de verser la prestation
compensatoire.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Robert Pagès.
Avant d'entamer la défense de cet amendement, je souhaite faire allusion aux
travaux qui ont précédé notre débat. Ils ont été extrêmement importants et très
intéressants.
Nous partions d'un texte qui semblait d'une très grande simplicité. Mais, au
fil de la discussion, il s'est révélé qu'il nécessitait des changements. C'est
ce qui m'a conduit, effectivement, à modifier ma position.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un hommage que je vous rendais !
M. Robert Pagès.
Les discussions que nous avons aujourd'hui me conduiront peut-être également à
opérer d'autres changements. L'intérêt de la séance publique est, précisément,
de pouvoir mener une meilleure réflexion.
L'amendement n° 5 a pour objet de remédier à ces situations ubuesques, que
nous connaissons tous, où le débirentier se retrouve, par exemple, au chômage,
mais reste dans l'obligation de verser la prestation compensatoire à son
ex-conjoint, même si celui-ci est remarié et se trouve dans une situation
beaucoup plus confortable que le débiteur.
Ces exemples, qui sont plus courants qu'on ne le pense, aboutissent, dans les
faits, à l'inverse du but recherché à l'origine par la loi de 1975.
En effet, le débiteur, dont la rente a été calculée sur la base d'un salaire
qu'il ne perçoit peut-être plus, se retrouve paradoxalement dans une situation
matérielle beaucoup plus difficile que la personne à qui il apporte son soutien
financier.
Au surplus, le créancier qui contracterait un nouveau mariage verrait non
seulement sa situation s'améliorer, mais il pourrait également, en cas de
nouveau divorce, percevoir une deuxième prestation compensatoire, et ainsi de
suite. La vie, nous le savons, n'est pas simple !
Par ailleurs, dans le cas d'un nouvelle union, on peut considérer que le
devoir de secours qui incombait à chacun des deux ex-époux est transféré au
nouveau conjoint ou concubin, qui doit prendre à sa charge le nouveau
ménage.
C'est pourquoi nous proposons, avec notre amendement, que la charge de la
rente disparaisse en cas de remariage ou de concubinage notoire.
Le fait de prévoir que la prestation compensatoire cesse de plein droit d'être
due dans ces deux cas précis a l'avantage d'éviter une nouvelle saisine des
tribunaux compétents, ainsi que de nouveaux frais aux personnes concernées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 4 et 5 ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Ces amendements, qui ont la même finalité, nous semblent
méconnaître le fait que, aux termes de l'article 270 du code civil, la
prestation compensatoire repose non pas sur le devoir de secours entre époux,
mais sur la volonté de compenser, autant qu'il est possible, la disparité que
la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
Le remariage ou
a fortiori
l'état de concubinage notoire, avec des
problèmes de preuves qui sont quelque peu difficiles à régler, ne sauraient
justifier à eux seuls la disparition de la prestation compensatoire.
En revanche, le remariage pourrait constituer un motif de demande de révision
de cette prestation, compte tenu de l'assouplissement prévu dans la proposition
de loi : si le remariage du créancier entraîne un changement substantiel de ses
ressources, le débiteur pourra demander la révision, voire la suppression de la
prestation compensatoire qu'il verse à son ex-époux.
Si certains exemples ont été donnés dans un sens, d'autres exemples pourraient
être apportés dans un autre sens, monsieur Pagès. S'il existe des femmes qui
épousent en secondes noces le patron de leur ex-époux, il est difficile d'en
faire un cas général !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je partage le point de vue de M. le rapporteur. Il faut
se garder, me semble-t-il, de toute solution systématique, car les situations
peuvent s'inverser. La prestation compensatoire a pour objet de compenser une
disparité par rapport à une situation antérieure. Par conséquent, je préfère
qu'on laisse au juge le soin d'apprécier si un changement « imprévu et
important » - je persiste dans cette formulation, bien que vous ayez préféré le
terme « substantiel » ; nous verrons quelle rédaction sera retenue à l'issue de
la discussion parlementaire - justifie la révision de cette prestation.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes de l'avis de la Seine-et-Marne, c'est-à-dire de M. le rapporteur
et de M. le président de la commission des lois, qui, d'ailleurs, nous l'avons
remarqué, sont toujours d'accord. Je suis sûr que notre collègue Robert Pagès,
dont on connaît la parfaite bonne foi, va reconnaître, ainsi qu'il l'a fait
dans la discussion générale, que, finalement, le problème n'est pas de savoir
si l'on se remarie ou non.
Comme vous l'avez souligné, madame le garde des sceaux, si l'on retenait, à
l'article 273 du code civil, l'adjectif « imprévu », la prestation
compensatoire ne pourrait pas être révisée à l'occasion d'un remariage qui est
prévisible.
Or, je le répète, le problème est de savoir non pas s'il y a remariage ou non,
s'il y a concubinage ou non, mais si le mariage ou le concubinage entraîne un
changement substantiel dans les revenus de l'un ou de l'autre. Lorsque notre
collègue Robert Pagès nous dit qu'il pourrait y avoir une deuxième prestation
compensatoire, il oublie d'ajouter que, bien évidemment, les magistrats qui
rendront le jugement lors du deuxième divorce devront tenir compte de la
situation de l'intéressé, donc de la première prestation compensatoire à
laquelle, par hypothèse, il serait astreint.
En tout état de cause, l'objet de la prestation compensatoire est de
compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage
créé dans les conditions de vie respectives. Il faut donc pouvoir réviser cette
prestation dès lors que la disparité n'existe plus ou diminue. C'est ce que
vous avez décidé tout à l'heure, en retenant le texte proposé par la commission
pour l'article 273 du code civil.
Nous sommes donc radicalement opposés aux amendements n°s 4 et 5 qui
conduiraient les couples à ne pas vivre en état de concubinage notoire ou à ne
pas se remarier, alors qu'ils en auraient le désir, afin d'éviter de perdre une
prestation compensatoire. Où allons-nous ?
Il est vrai que, lorsqu'on se remarie, les frais fixes sont souvent partagés
par les époux au lieu d'être supportés par une seule personne, ce qui peut
entraîner un changement substantiel dans les ressources du débirentier. Mais on
peut aussi épouser quelqu'un qui n'a pas un sou, qui est au chômage, simplement
parce qu'on l'aime. Dans ce cas, il serait paradoxal que, du seul fait de ce
remariage, la prestation compensatoire soit supprimée.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je serais tenté, en écoutant M. Dreyfus-Schmidt, de retirer mon amendement.
Toutefois, je connais de nombreuses femmes, notamment des veuves de guerre, qui
ne se sont pas remariées de peur de perdre la pension de réversion qu'elles
touchaient. Ces situations existent !
Vous semblez découvrir que la révision de la prestation compensatoire pourrait
créer un précédent scandaleux ! Il est curieux de ne pas avoir entendu les
mêmes cris pour ce qui est des veuves de guerre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous les avons entendus !
M. Nicolas About.
Ces personnes méritaient, peut-être même avant d'autres, le soutien de la loi
!
L'argument développé par M. Dreyfus-Schmidt est recevable et je pourrais
envisager le retrait de mon amendement n° 4 à condition que la mesure prévue
par l'amendement n° 7 rectifié du Gouvernement, qui rendait le remariage
prévisible, ne soit pas réintroduite dans le texte par l'Assemblée
nationale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En l'état actuel des choses, vous pouvez le retirer !
M. Nicolas About.
En l'état actuel, je le retire, quitte à en reparler lors d'une autre
lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
Monsieur Pagès, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Robert Pagès.
Il est vrai que le rejet de l'amendement n° 7 rectifié nous donne
satisfaction. La seule inquiétude qui subsiste est celle que souligne mon
collègue Nicolas About.
J'ai été conduit à voter contre le terme « imprévu », que j'avais moi-même
proposé d'introduire dans la loi. Le mariage serait prévisible. C'est
l'argument qui m'a été opposé ! Est-il prévisible ou non prévisible ? Je ne
peux pas répondre à cette question !
Ma position est donc la même que celle de M. About : dans l'état actuel du
texte je retire mon amendement, quitte à le reprendre dans la suite du débat,
si nous perdions cette certitude de l'imprévision.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 8, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 247 du code civil, après les mots :
"la modification de la pension alimentaire", sont insérés les mots :
"et la révision de la prestation compensatoire". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'article 247 du code civil donne compétence au juge
délégué aux affaires familiales pour tout ce qui concerne, notamment, le
contentieux de l'après-divorce. Il convient donc de compléter cet article en
prévoyant expressément la compétence de ce juge à l'égard de la nouvelle
faculté de révision de la prestation compensatoire, de façon que la
spécialisation de ce juge permette, justement, de donner une meilleure garantie
sur les résultats.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement du Gouvernement.
Il assure une cohérence dans la compétence du juge délégué aux affaires
familiales.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement. Simplement, il me donne
l'occasion de préciser un point que j'aurais voulu aborder à l'occasion de la
discussion de l'amendement n° 7 rectifié portant sur l'article 273 du code
civil.
Je souhaite que, à défaut de l'inscrire dans la loi, nous soyons tous d'accord
sur le fait que la révision de la prestation compensatoire peut aboutir à sa
suppression ou à sa suspension. Mais ce qui va sans dire va encore mieux en le
disant et il vaudrait mieux l'inscrire dans la loi. Par conséquent, il serait
judicieux de préciser à l'article 273 - peut-être à l'occasion de la navette -
que la prestation compensatoire peut être révisée, suspendue ou supprimée.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
J'approuve, bien sûr, cet amendement.
Je voudrais qu'il soit aussi clairement précisé, à l'occasion de la navette,
que la prestation compensatoire peut être inversée. Si celui qui l'a versée se
retrouve dans une situation très précaire et que celui qui l'a perçue est
désormais dans une situation aisée, il peut revenir à ce dernier de verser à
l'avenir la prestation compensatoire. En effet, l'objet de la révision, c'est
de replacer les deux intéressés dans une situation d'équité. Il conviendra donc
de savoir que la prestation peut aussi s'inverser. Cela me paraît logique.
M. Pierre Fauchon.
Mais non !
M. Nicolas About.
Pourquoi l'égalité ne marche-t-elle que dans un sens ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Parce que la disparité n'est pas causée immédiatement au moment du divorce
!
M. Nicolas About.
Et les faits imprévisibles ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 9, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 274 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge ne peut écarter la fixation de la prestation compensatoire en
capital que par une décision spécialement motivée. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agit de préciser que le juge doit spécialement
motiver sa décision lorsqu'il fait une exception au principe du versement en
capital.
Certes, le versement en capital de la prestation compensatoire concerne une
minorité de couples qui divorcent, puisque, par définition, il faut avoir de
l'argent, pouvoir disposer de ce capital. Cependant, il me paraît important de
demander cette motivation. D'abord, parce qu'elle permettra au juge de
justifier véritablement la dérogation à ce que la loi de 1975 pose - à tort ou
à raison - comme un principe. Ensuite, parce que la Cour de cassation a estimé
que, lorsque les juges ont alloué une rente, c'est au motif qu'ils ont
nécessairement et implicitement estimé que la consistance des biens de l'époux
débiteur ne lui permettait pas de verser un capital.
Il ne s'agit pas d'aller contre une constatation des faits, à savoir que, dans
la plupart des cas, le versement d'un capital est exclu en raison d'une
insuffisance des moyens dont disposent la personne concernée. L'objectif est de
privilégier le versement d'un capital chaque fois que cela est possible, pour
que la situation des époux puisse être réglée au moment du divorce. Cela
permettra d'éviter ultérieurement des décisions, des reconductions et des
remises en cause interminables.
Je réaffirme qu'il ne s'agit nullement de poser en principe le versement
systématique d'un capital. Notre objectif est de privilégier cette solution
chaque fois qu'elle est envisageable. Il est donc logique de demander au juge
de motiver sa décision dans le cas contraire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Cet amendement tend à renforcer le principe selon lequel la
prestation compensatoire prend, théoriquement, la forme d'un versement en
capital, celui-ci ne pouvant être écarté que par une décision spécialement
motivée.
Cet amendement va dans le sens des préoccupations de la commission des lois,
qui cherche à faciliter le versement en capital. Toutefois, nous ne croyons
guère à l'efficacité de ces décisions spécialement motivées, madame le garde
des sceaux. Elles constituent une formalité supplémentaire pour le juge sans
que rien ne garantisse qu'il sera incité à privilégier réellement le versement
en capital. La motivation spéciale a été inscrite dans de nombreux textes de
loi et n'a absolument rien changé. C'est la raison pour laquelle la commission
est, hélas ! défavorable à cet amendement, tout en comprenant parfaitement
l'esprit dans lequel il a été déposé.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais que Mme le garde des sceaux ne nous en veuille pas de ne pas être
convaincus. Je suis sûr qu'elle nous écoutera avec l'attention qu'elle réserve
à tous ses interlocuteurs.
La règle reste posée que la prestation compensatoire prend la forme d'un
capital. Or, dans la pratique, le contraire prédomine. En effet, les magistrats
constatent que la fixation en capital ne répond pas aux besoins de la
situation. Laissons la règle dans la loi, mais comprenons que, si le juge ne
prévoit pas le versement d'un capital, c'est parce qu'il estime que, dans le
cas d'espèce, un tel versement est impossible.
Plus les versements de capitaux seront nombreux, plus sera limité le nombre de
demandes de révision, dites-vous, madame le garde des sceaux. Permettez-moi de
vous dire que vous allez finalement donner encore plus de travail aux
magistrats si, à tout moment, vous leur demandez non pas simplement de motiver
leur décision, ce qu'ils sont toujours obligés de faire, mais de la motiver
spécialement.
Il en ira ainsi avec cet amendement n° 9, pour le juge qui voudrait écarter la
fixation de la prestation compensatoire en capital. Il en ira ainsi avec
encore, dans votre amendement n° 12, que le Sénat examinera tout à l'heure,
d'une part, pour que le juge puisse allouer une rente viagère et, d'autre part,
pour que ladite rente ne soit pas indexée. Avec pessimisme, M. le rapporteur
souligne que chaque fois que la loi exige une décision spécialement motivée,
cela ne change rien dans les faits.
En vérité, il faut réserver ce type d'exigence pour les cas exceptionnels, sur
lesquels le législateur tient à attirer tout particulièrement l'attention du
magistrat, par exemple en matière pénale et s'agissant de la détention, même si
c'est sans doute l'exemple auquel pensait M. le rapporteur lorsqu'il affirmait,
pour le regretter, que, dans la pratique, cela ne change pas grand-chose.
En réalité, toute décision de justice doit être motivée. En tout état de
cause, nous ne voyons pas pour quelle raison la fixation de la prestation
compensatoire en capital devrait être écartée par une décision spécialement
motivée. Cela dit, si vous tenez absolument à ce dispositif et si vous parvenez
à nous convaincre que, dans la pratique, cela changera la face des choses, nous
sommes prêt à l'accepter. Nous craignons simplement qu'il n'en résulte un
surcroît de travail pour les magistrats, ce que la plupart de vos amendements
tendent précisément à éviter.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je suis favorable à cet amendement. Tout d'abord, il existe de nombreux cas où
le versement d'un capital, qui était possible, n'a pas été décidé, le but
étant, par une prestation vexatoire et au demeurant peu élevée, de lier les
ex-époux au-delà du divorce prononcé, donc de la séparation. Ainsi, sont
rétablis des liens
a minima
pour bien montrer que l'on punit, selon la
bonne tradition judéo-chrétienne, une faute. Il y a donc lieu, chaque fois cela
est possible, de recourir au versement d'un capital.
En effet, l'intérêt, c'est de replacer les ex-époux en situation de redémarrer
dans la vie, de façon indépendante. L'objectif est de ne léser personne. Il
s'agit simplement de replacer les deux époux dans une situation comparable pour
leur redonner une chance de réussir leur vie, et non pas de les lier à nouveau
par des mesures qui sont très souvent vexatoires.
En revanche, quand la rente est indispensable, il faut la favoriser. Nous ne
sommes pas opposés à cette idée. Cependant, il est indispensable que le juge
soit tenu de préciser les raisons pour lesquelles il a écarté le versement d'un
capital alors que celui-ci existait.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
C'est même déjà la règle !
M. Nicolas About.
Certes, mais elle n'est pas respectée !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 10 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après
l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa (2) de l'article 275 du code civil est ainsi rédigé :
« 2. Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en
usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en
faveur du créancier. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agit de la même problématique.
Si l'on considère, c'est mon cas, qu'il vaut mieux, chaque fois que cela est
possible - j'ai bien conscience que ce n'est pas toujours le cas - effectuer un
versement en capital - cela permet de solder la situation entre les époux au
moment du divorce et chacun d'eux, comme l'a très bien dit M. About, peut
repartir sur une voie nouvelle - il convient de s'efforcer de lever les
obstacles qui, dans notre droit, nous empêchent de régler les conséquences
financières du divorce par un versement encapital.
A l'heure actuelle, l'une des difficultés du versement de la prestation
compensatoire sous forme de capital tient aux choix limités qu'offre l'article
275 du code civil. En effet, aux termes de cet article, le versement en capital
ne peut être fait que par une somme d'argent, par abandon de biens en usufruit
ou par dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers.
Aussi, pour faciliter le paiement de la prestation sous forme de capital,
lorsque c'est possible, je propose d'élargir les possibilités offertes, en
prévoyant l'abandon de biens non seulement pour l'usufruit mais aussi pour
l'usage et l'habitation, et surtout en pleine propriété.
M. Nicolas About.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cette dernière possibilité était jusqu'à présent
réservée aux cas de divorce par requête conjointe. Il me paraît souhaitable de
l'offrir à tous les conjoints qui divorcent, de façon que le versement de la
prestation compensatoire puisse intervenir, je le répète, chaque fois que c'est
possible, sous la forme d'un versement en capital.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement car, comme l'a
souligné Mme le garde des sceaux, il ouvre des possibilités nouvelles en
matière de prestation compensatoire en capital. Nous nous étions interrogés sur
la rédaction de cet amendement, mais vous avez indiqué, madame le garde des
sceaux, qu'il s'agit bien d'une extension des possibilités d'abandon de biens.
En effet, l'abandon de biens en nature est prévu en usufruit, en propriété,
pour l'usage ou l'habitation, et non plus seulement pour l'usufruit.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 11, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 276 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'époux débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à
tout moment, saisir le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente
selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 15, présenté par M. Hyest,
au nom de la commission, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n°
11 pour compléter l'article 276 du code civil, à remplacer les mots : « L'époux
débiteur » par les mots : « Le débiteur ou le créancier ».
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 11.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agit d'éviter, autant que possible, les versements
de rentes, qui agissent comme du vinaigre sur une plaie, si j'ose dire, et ne
permettent pas de cicatriser l'échec que constitue toujours un divorce. Il faut
donc permettre, avec le maximum de souplesse et chaque fois que c'est possible,
de verser immédiatement un capital ou, quand cela n'est pas possible
immédiatement, de pouvoir, par la suite, solder les conséquences financières du
divorce par un versement en capital. Telle est la possibilité ouverte par cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 15 et
pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 11.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Nous sommes favorables à cet amendement sous réserve de
l'adoption du sous-amendement n° 15.
J'ai indiqué tout à l'heure la position de la commission en ce qui concerne
les héritiers. Nous sommes favorables à la conversion de la rente en capital à
condition que la saisine du juge puisse être faite non seulement par l'époux
débiteur, mais aussi par ses héritiers ou le créancier.
Cela nous paraît logique au regard de la position que nous avons prise
s'agissant des hériters. Je rappelle que, en 1986, le Sénat, à la suite de
l'Assemblée nationale, avait adopté une proposition de loi qui prévoyait la
possibilité de convertir la rente en capital, à la demande du débiteur ou du
créancier. Or ce texte n'a jamais été examiné en seconde lecture au
Palais-Bourbon. Cela dit, le Sénat sera sans doute fidèle à la position qu'il
avait alors adoptée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 15 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 15, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 11, accepté par la
commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 1er.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le premier alinéa de l'article 276-1 du même code est ainsi rédigé
:
« Le juge fixe la durée de la rente en prenant en considération les éléments
d'appréciation prévus à l'article 272. Le décès de l'époux créancier avant
l'expiration de cette durée met fin à la charge de la rente. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 12, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet
article :
« Les deux premiers alinéas de l'article 276-1 du code civil sont remplacés
par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le juge fixe la durée de la rente en prenant en considération les éléments
d'appréciation prévus à l'article 272. La rente est allouée à titre
temporaire.
« Elle peut également être assortie d'un terme extinctif ou d'une condition
résolutoire. Elle cessera alors d'être due à compter de la réalisation de cet
événement.
« Par décision spéciale et motivée, le juge peut allouer une rente viagère.
« La rente est indexée sauf si le juge en décide autrement par décision
spéciale et motivée ; l'indice est déterminé comme en matière de pension
alimentaire. »
Par amendement n° 1, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du texte présenté
par l'article 2 pour le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil, après
les mots : « la durée de la rente », d'insérer les mots : « , qui peut être
viagère, ».
Par amendement n° 2, M. About propose d'insérer, après la première phrase du
texte présenté par l'article 2 pour le premier alinéa de l'article 276-1 du
code civil, deux phrases ainsi rédigées :
« En aucun cas elle ne saurait excéder une durée équivalente à deux fois la
durée effective du mariage. Si, à l'expiration de cette période, la suppression
de la rente devait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour
l'époux créancier, le juge fixe une nouvelle durée de versement. »
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 12.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement n° 12 a un triple objet.
Tout d'abord, nous partageons le souci de la commission d'assurer une
meilleure individualisation dans la fixation de la rente, et je crois utile de
rappeler expressément que, lorsque le juge fixe le montant de celle-ci, il doit
prendre en considération les critères propres à caractériser la situation des
parties.
Ensuite, je crois souhaitable de privilégier le caractère temporaire du
versement de la rente. Il est vrai que la pratique a révélé un large recours à
la rente viagère au lendemain de la réforme de 1975. Même actuellement, la
proportion reste importante, puisqu'elle dépasse 30 %.
Or ce caractère viager présente l'inconvénient de renforcer, dans l'esprit des
ex-conjoints, le caractère alimentaire de la prestation compensatoire et
d'inciter à la révision.
C'est pourquoi il est proposé de mentionner expressément que la rente est, en
principe, allouée à titre temporaire.
Cependant, même s'il convient de privilégier ce caractère, il n'est pas
possible d'en faire un principe absolu. Nombre d'exemples démontrent la
nécessité de conserver aux juges une certaine capacité d'appréciation : ainsi,
pour une femme âgée de plus de cinquante ans au moment du divorce, sans
qualification professionnelle ou ayant élevé ses enfants, la rente viagère est
la formule la plus satisfaisante, car il s'agira là, bien souvent, de sa seule
ressource.
De même, en pareille hypothèse, la transmission aux héritiers du débiteur me
paraît s'imposer.
La diversité des situations implique donc que le juge dispose d'une latitude
propre à mieux prendre en compte les impératifs de chaque espèce.
Il me paraît opportun, à cet égard, que le juge dispose de deux
possibilités.
Tout d'abord, au lieu de fixer un certain nombre d'annuités, le juge doit
pouvoir décider que la rente cessera d'être versée lorsque surviendra un
événement qu'il lui appartiendra de déterminer dans sa décision. Cet événement
doit pouvoir revêtir la forme juridique d'un terme extinctif, comme, par
exemple, la mise à la retraite du débiteur ou le décès de celui-ci, mais
également celle d'une condition résolutoire, comme le remariage.
Par ailleurs, on ne doit pas exclure la possibilité pour le juge de fixer une
rente viagère dans des hypothèses où le besoin de ressources périodiques se
fait sentir pour le créancier jusqu'à son décès.
Enfin, le Gouvernement vous propose de modifier le mécanisme actuel
d'indexation de la rente.
Il est en effet souhaitable, dans un souci d'individualisation des situations,
de donner au juge le pouvoir d'exclure l'indexation, qui est actuellement
obligatoire. Il ne pourra toutefois le faire qu'en motivant spécialement sa
décision.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Finalement, en gros, nous sommes d'accord. L'amendement n° 1 vise à préciser
que la rente peut être viagère.
Le début du texte proposé par la commission pour le premier alinéa de
l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé : « Le juge fixe la durée de la
rente... », ce qui peut laisser croire que, si la durée est limitée - deux ans,
trois ans ou cinq ans -, la rente ne peut plus être viagère.
Pour que les choses soient claires, nous proposons donc, après les mots : « la
durée de la rente », d'ajouter les mots : « , qui peut être viagère ».
Je suis d'ailleurs reconnaissant à Mme la ministre d'avoir prouvé à l'instant,
et par des exemples et par des statistiques, que, fréquemment, les rentes sont
et doivent en effet être viagères.
Dès lors, je pense que nous serons tous d'accord pour inscrire cette précision
dans la loi.
Faut-il l'inscrire dans les termes proposés par le Gouvernement ? J'avoue que
je ne comprends pas très bien pourquoi la décision devrait être spéciale et
motivée dans 30 % des cas - vous venez en effet de nous dire, madame la garde
des sceaux, que la proportion des rentes viagères est de 30 %. Ceux qui
préparent des conventions en vue de divorces par consentement mutuel ne
motivent pas spécialement pourquoi la prestation compensatoire va être limitée
dans le temps ou pourquoi elle ne va pas l'être. Cela dépend évidemment des cas
d'espèces. Vous me direz que, s'agissant d'un divorce par consentement mutuel,
il y a accord. Mais en l'absence d'accord, de longues discussions se déroulent
devant le juge, des arguments sont avancés et, en conséquence, le juge décide
en connaissance de cause.
S'agissant de l'indexation, nous retrouvons la théorie de l'imprévision chère
au Conseil d'Etat dont parlait ce matin, en commission, M. Jacques Larché,
ancien membre dudit Conseil. Tant qu'il y aura un risque d'inflation - Dieu
merci, il s'agit actuellement plus d'un risque que d'une réalité ! - il est bon
que la loi impose l'indexation des prestations compensatoires décidées pour
répondre aux besoins de l'un, compte tenu des possibilités de l'autre.
Pourquoi faudrait-il là une décision spéciale et motivée ? Vous me direz
qu'une telle disposition vise à donner la possibilité au juge, dans un cas
d'espèce, que je n'imagine pas d'ailleurs, d'en décider autrement. Mais
pourquoi faudrait-il que ce soit par une décision spéciale et motivée ? Dans
les faits, je n'ai jamais vu personne, ni l'un ni l'autre des époux, dans aucun
cas, protester contre l'indexation. Tout le monde comprend parfaitement, en la
matière, la justification d'une telle disposition.
Je pense donc que l'on peut s'en tenir à notre amendement et rédiger ainsi le
début du texte proposé par la commission pour l'article 276-1 du code civil : «
Le juge fixe la durée de la rente, qui peut être viagère, en prenant en
considération... ».
M. le président.
La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Nicolas About.
Je suis tenté de retirer mon amendement, mais le propos que vient de tenir Mme
le ministre sur la volonté de maintenir une transmissibilité dans un certain
nombre de cas m'inquiète quelque peu dans la mesure où il laisse présager ce
que sera la discussion future.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Votre amendement ne la supprime pas !
M. Nicolas About.
Pas celui-là, mais le suivant !
Sur le fond, la proposition du Gouvernement me donne satisfaction dans la
mesure où son but est de parvenir à une situation équitable, d'aider chacun,
d'assortir les décisions de conditions éventuellement résolutoires, d'un terme
extinctif. Simplement - c'est le seul reproche que je peux faire - elle ne
prévoit pas que la rente serait, à terme moyen, extinctif.
J'ai donc proposé, par l'amendement n° 2, que la rente ne soit réclamable ou
réclamée que pour une durée équivalant à deux fois la durée effective du
mariage, étant entendu que, dans certaines circonstances d'une exceptionnelle
gravité, cette durée pourrait, si le juge le pense nécessaire, être prolongée.
C'est, à mon avis, une bonne limite.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 12, 1 et 2 ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
L'amendement n° 12 a le défaut de tendre à transformer à
nouveau la rente en pension alimentaire.
M. Nicolas About.
C'est au juge de prendre la décision !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Mais ce n'est pas la peine d'en ajouter !
Tout d'abord, l'adoption de cet amendement permettrait en principe au juge de
déroger au caractère temporaire de la rente par une décision spéciale et
motivée. Vous ajoutez deux motivations spéciales dans votre amendement, madame
le garde des sceaux, et vous savez tout le bien qu'en pense la commission des
lois !
Par ailleurs, cet amendement tend à permettre au juge d'assortir la rente d'un
terme extinctif, telle la mise à la retraite, ou d'une condition résolutoire,
tel que le remariage du créancier.
M. Nicolas About.
C'est bien !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Le service de la rente sera, par exemple, subordonné à la
condition que l'ex-époux créancier ne se remarie pas. Cette rente se transforme
donc en une pension alimentaire. Cela ne tient pas debout, ou alors nous
retombons dans les travers que dénonçait tout à l'heure M. About.
M. Nicolas About.
Non !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je vois mal sur quel critère un juge pourrait décider que le
remariage de tel créancier entraînerait la disparition de la prestation
compensatoire alors que le remariage de tel autre ne ferait pas disparaître
cette prestation.
En ce qui concerne la retraite, il est normal que le juge puisse prévoir la
disparition ou la diminution de la prestation compensatoire lors de l'arrivée à
l'âge de la retraite du débiteur. Il peut déjà en tenir compte puisqu'il est
censé fixer la prestation compensatoire en prenant en compte la situation au
moment du divorce et l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. D'ores
et déjà, certains juges prévoient des rentes qui diminuent fortement au moment
où le débiteur arrive à l'âge de la retraite.
L'indexation facultative de la rente paraît normale, dès lors qu'on veut
renforcer le caractère de capital de la prestation compensatoire ; mais cette
disposition positive est marginale par rapport aux défauts de l'amendement n°
12, sur lequel la commission émet un avis défavorable.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 1
puisqu'elle a souhaité que le juge fixe systématiquement la durée de la rente.
Cette durée peut naturellement être la vie du créancier.
La précision apportée par cet amendement n'est pas inutile dans la mesure où
la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 2, dans la rédaction
proposée par la commission, dispose que « le décès de l'époux créancier avant
l'expiration de cette durée met fin à la charge de la rente », ce qui pourrait
laisser penser que la rente viagère n'est pas prévue. Mieux vaut donc le
prévoir.
Monsieur About, j'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous dire que la
commission des lois est défavorable à l'amendement n° 2 pour toutes les raisons
déjà exposées à propos de l'amendement n° 12. De plus, la fixation de la durée
de la rente à deux fois la durée du mariage me paraît un peu brutale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Une fois et demie !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Une fois et demie ou trois fois ! Cela dépend de la durée du
mariage et de nombreux éléments.
M. Nicolas About.
Pourquoi pas au-delà de la mort ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Non, c'est un autre problème !
M. Nicolas About.
C'est le même !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Pas du tout !
M. Nicolas About.
Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
En tout cas, la commission est défavorable à votre
amendement.
M. Nicolas About.
Cela ne m'étonne pas !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 2 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En ce qui concerne l'amendement n° 1, le Gouvernement
s'en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l'amendement n° 2, il n'y est pas favorable. En effet, il ne doit pas
exister nécessairement de corrélation entre la durée du mariage et la disparité
dans les conditions d'existence que provoque la rupture, disparité à laquelle
la prestation compensatoire a pour objet de remédier. Ce n'est pas parce que le
mariage a duré longtemps que la rente doit être versée pendant de longues
années ou, à l'inverse, parce que l'union a été courte que le versement de la
rente doit être limité dans le temps.
Une femme qui cesse son activité professionnelle en se mariant à quarante ans
et qui divorce quatre ans après rencontrera forcément des difficultés pour
retrouver les ressources lui permettant de vivre.
Voilà pourquoi je pense que l'on ne peut pas établir de corrélation
systématique et pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 2.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a un effet de seuil !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je voterai l'amendement n° 12 et je retire l'amendement n° 2. En effet,
l'adoption de l'amendement n° 12 constituera, à mon sens, un bon compromis.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. About est parfaitement logique avec lui-même. Il a demandé tout à l'heure
que, dès lors qu'il y a remariage ou concubinage notoire, la prestation
compensatoire cesse. Cela lui a été refusé, et il a même fini par retirer son
amendement du moment que la révision était possible.
Mais voici qu'avec cet amendement, vous vous dites, monsieur About, que le
juge aurait la possibilité de prévoir que, si l'intéressé se remarie ou vit en
concubinage notoire, la prestation compensatoire sera supprimée. Vous avec donc
de la suite dans les idées.
M. Nicolas About.
C'est de la logique !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous aussi, et c'est pourquoi, nous sommes contre l'amendement n° 12.
M. Nicolas About.
Vous ne faites pas confiance aux juges ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2
bis
ou article additionnel après l'article 2
M. le président.
« Art. 2
bis. -
L'article 276-2 du code civil est complété par la
phrase suivante :
« Ceux-ci peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à
l'article 273. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. About.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 276-2.
- A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente
disparaît. »
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 276-2.
- Sauf disposition contraire, la prestation
compensatoire fixée sous forme de rente cesse d'être due en cas de décès de
l'époux débiteur. Toutefois, si celui qui en était créancier se trouve dans le
besoin, il peut réclamer des aliments à la succession du prédécédé dans les
conditions prévues à l'article 207-1. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 16, déposé par MM.
Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par cet amendement pour rédiger
l'article 276-2 du code civil, à remplacer les mots : « cesse d'être » par le
mot : « reste ».
II. - A rédiger comme suit la deuxième phrase dudit texte :
« Toutefois, les héritiers peuvent en demander la révision ou la suppression
dans les conditions prévues à l'article 273. »
La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Nicolas About.
Cet amendement vise à rendre intransmissible la charge de la rente
compensatoire aux héritiers du débiteur. La loi ne doit pas faire porter aux
héritiers le poids d'une dette qui découle de liens affectifs passés dont ils
ne sont pas responsables.
Le principe actuel de la transmissibilité introduit une rupture d'égalité
entre les citoyens puisque, si le débiteur décède, ses héritiers sont
contraints de renoncer à la succession, s'ils ne peuvent pas assumer la charge
de la rente. La rente compensatoire est pourtant non pas une dette d'ordre
patrimonial mais une dette à caractère personnel. Elle correspond à l'ancien
devoir de secours entre époux. Elle découle de liens affectifs passés qui
s'éteignent avec le décès de l'époux débiteur.
Tout à l'heure, on parlait du décès de l'époux créancier ; on ne voit pas
pourquoi le décès de l'autre époux n'entraînerait pas la même décision.
Je voudrais citer deux cas.
Si au décès de l'époux débiteur il n'y a que des enfants du premier mariage,
ceux-ci vont donc hériter, et il leur reviendra la charge de la prestation
compensatoire. Y aura-t-il poursuite contre ses propres enfants entamée par
l'ex-époux survivant pour obtenir la prestation compensatoire ?
L'obligation alimentaire est due par tous les enfants, mais curieusement, dans
ce cas-là, il n'y aura jamais de recours contre ses propres enfants.
En revanche - c'est le second cas - s'il y a des enfants d'un deuxième
mariage, des recours seront alors intentés contre les enfants du deuxième lit
pour essayer d'obtenir le versement de la prestation compensatoire.
Je l'ai déjà dit à la tribune, dans bon nombre de cas, on verra la deuxième
épouse se mettre à travailler pour pouvoir payer la prestation compensatoire à
la première épouse qui, éventuellement, ne travaillera pas.
Il y a là des situations complètement paradoxales. On ne peut pas, au nom du
droit commun, réclamer le maintien de situations aussi aberrantes.
Je rappelle d'ailleurs que sont également soumis à ces obligations tous ceux
qui ont été condamnés à verser une pension alimentaire avant la loi de 1975. En
effet, la pension alimentaire qui était due entre les ex-époux avant la loi de
1975 est également transmissible.
Au nom de la justice, il faut mettre un terme à tout cela, car ce n'est pas
acceptable.
Si la première épouse est en grande difficulté, la pension de réversion sera
versée
pro rata temporis.
De toute façon, donc, au décès de l'intéressé,
le premier conjoint touchera aussi une part de la pension.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Robert Pagès.
En prévoyant la transmissibilité de la rente aux héritiers du débiteur, la
législation actuelle crée des situations humainement choquantes, même si ce
dispositif est prévu par le droit commun.
Ainsi, en cas de décès du débiteur remarié, sa nouvelle épouse, ou encore les
enfants nés de ce second mariage, héritent de la charge de la prestation
compensatoire qu'ils doivent verser à la première femme du débiteur, alors même
qu'ils n'ont aucun lien de parenté avec cette dernière et qu'ils n'ont rien à
voir avec la première union.
Il existe d'autres situations où les héritiers du débirentier décédé doivent
renoncer à la succession parce qu'ils ne peuvent pas prendre en charge la
prestation compensatoire.
Dans d'autres cas encore, le débirentier ne se remarie pas pour éviter que sa
seconde épouse ou les enfants issus de cette nouvelle union n'héritent de cette
charge.
M. Nicolas About.
Eh oui !
M. Robert Pagès.
C'est pour remédier à de telles situations que nous proposions de rendre
intransmissible la charge de la rente compensatoire aux héritiers du
débiteur.
Mais, je le concède, cet amendement est empreint d'une certaine brutalité.
C'est pourquoi, je l'ai dit tout à l'heure, j'écouterai avec attention la
présentation de l'amendement n° 13, qui sera sans doute de nature à modifier
notre opinion.
M. Nicolas About.
Tout à fait !
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement
sur les amendements n°s 3 et 6, et pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends tout à fait le souci exprimé par M. About
et, à l'instant, par M. Pagès, qui s'inquiètent du caractère transmissible de
la prestation compensatoire. C'est vrai, je l'avais dit dans mon discours
introductif, c'est un problème extrêmement délicat.
Cette prestation est destinée, je le répète, à compenser la disparité que la
dissolution du mariage crée dans les conditions de vie respectives entre époux.
Elle a donc un caractère proprement personnel pour le conjoint.
Mais, contrairement à la pension alimentaire, elle ne constitue pas une dette
ayant pour objet de se substituer au devoir de secours entre époux, qui prend
fin au décès du débiteur. Son caractère est indemnitaire. Or, le principe, en
droit français, est que les dettes, notamment celles qui présentent un tel
caractère, sont transmissibles aux héritiers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il me paraît donc difficile de poser le principe absolu
d'intransmissibilité.
Toutefois, sensible aux cas évoqués par MM. About et Pagès, j'ai déposé un
amendement qui prend une voie moyenne entre celle qui est proposée par la
commission, qui maintient dans tous les cas la transmissibilité, et celle qui
est proposée par MM. About et Pagès, qui l'interdit.
Je ne suis donc pas favorable aux amendements n°s 3 et 6.
J'en viens au dispositif de l'amendement n° 13. En principe, la rente cesse
d'être due au décès du débiteur. En effet, dans la mesure où la prestation
compensatoire est destinée à compenser la disparité des conditions de vie entre
époux, il paraît plus logique de considérer que cette dette est proprement
personnelle et, par suite, non transmissible aux héritiers.
Mais, je sais aussi que cette règle peut avoir des conséquences insupportables
pour le créancier. Ainsi, j'ai déjà cité le cas d'une femme de soixante ans qui
a consacré toute sa vie à sa famille, qui divorce et à qui est allouée une
rente viagère ; si son ex-mari décède deux ans après le divorce, l'absence de
transmissibilité la prive de tout revenu. Or, c'est bien souvent là sa seule
ressource.
C'est la raison pour laquelle je propose un double correctif à
l'intransmissibilité : d'une part, le créancier dans le besoin peut toujours
demander une pension alimentaire à la succession de son ex-conjoint décédé ;
d'autre part, le juge, dans le divorce par consentement mutuel, ou les parties
elles-mêmes peuvent conférer un caractère transmissible à la rente si les
circonstances d'espèce le justifient.
C'est là, me semble-t-il, une voie qui permettrait, par l'introduction de plus
de souplesse, de faire face aux situations les plus choquantes, en s'adaptant
aux réalités de l'existence.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 16.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je veux dire à M. About qu'il y a une contradiction évidente à réclamer, comme
il l'a fait jusqu'à présent, que la prestation compensatoire soit - dans la
plupart des cas, sinon dans tous les cas - versée en capital et à demander
ensuite qu'elle ne soit pas transmissible. En effet, il est évident que, si un
homme condamné par hypothèse à verser un capital, payable sur trois ans, se tue
au bout de la première année, la succession doit le capital. Pourquoi en
serait-il autrement en matière de rente, qui n'est que la traduction du capital
?
Mais la question est délicate, et je comprends fort bien qu'il soit difficile
d'avoir une position arrêtée.
Si je me réfère au compte rendu analytique, j'avait dit, dans la discussion
générale : « Doit-elle - la prestation compensatoire - être transmissible aux
héritiers ? Il est normal, dit-on, qu'une dette soit transmissible, mais si
c'est une dette viagère, cela me choque qu'on puisse demander à des enfants du
deuxième lit ou à leur mère de continuer à payer. » Et c'est vrai : nous sommes
tous sensibles à de telles situations.
Mme le garde des sceaux, quant à elle, avait dit : « Je ne peux accepter une
disposition rigide qui interdirait tout basculement de la charge de la
prestation compensatoire sur les héritiers. »
Après quoi, elle a déclaré : « Le Gouvernement souhaite aussi que la rente
soit temporaire et qu'elle ne puisse être que viagère, sauf cas exceptionnel,
de sorte qu'elle ne puisse plus peser sur les héritiers lorsque le débiteur
meurt. »
Il y a là une contradiction évidente, permettez-moi de vous le dire, madame le
garde des sceaux. J'ai d'ailleurs relevé une nouvelle contradiction entre ce
que vous avez dit tout à l'heure, à savoir qu'il est normal que la rente soit
transmise parce que c'est une prestation compensatoire, et ce que prévoit votre
amendement, à savoir qu'elle doit s'arrêter avec la mort du débiteur pour être
remplacée éventuellement par des aliments, ce qui ferait qu'elle ne serait plus
transmissible.
Vous dites chercher une voie moyenne, ce en quoi vous avez parfaitement
raison. Mais cette voie, qu'elle est-elle ? C'est l'oeuf de Colomb !
Il suffit de ne pas oublier que nous avons permis la révision, en adoptant
notre premier amendement. Cette révision, qui est possible lorsque les époux
sont en vie, doit également être possible lorsque l'un des époux n'est plus là
et que l'on est face aux héritiers. Les héritiers doivent, eux aussi, pouvoir
demander la révision.
Madame le garde des sceaux, l'inconvénient majeur de votre système, que je
n'ai pas trouvé mauvais à première vue, est qu'une femme qui n'a plus que cette
rente pour vivre, à la mort de son ex-conjoint, ne va plus rien toucher. Il
faudra qu'elle fasse un procès, avec les aléas et les inconvénients que cela
compte. Il faudra qu'elle demande des aliments, mais il n'y aura plus de
transmission de la dette du
de cujus.
Après y avoir bien réfléchi, avec beaucoup de regret, nous ne pouvons pas
accepter votre proposition. Il nous paraît donc nécessaire - c'est le sens de
notre sous-amendement - d'ajouter à l'affirmation de l'article 276, à savoir
que la prestation est transmise aux héritiers, les mots : « sans préjudice des
termes de l'article 273 », c'est-à-dire de marquer dans la loi que la révision,
lorsqu'il y a des changements substantiels dans les revenus ou dans les besoins
de l'un ou de l'autre, est possible non seulement pour celui qui doit la
pension et qui est en vie, mais également pour ses héritiers.
M. Nicolas About.
Cela veut dire qu'elle peut être réévaluée !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 3, 6 et 13 ainsi que
sur le sous-amendements n° 16 ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
La commission a proposé un nouvel article 2
bis,
qui
prévoit, bien entendu, la transmission aux héritiers - c'est le droit actuel -
mais aussi la possibilité de révision, en vertu des dispositions de l'article
273. Comme vient de le dire M. Dreyfus-Schmidt, cela me semble résoudre le
problème.
On oublie de le dire, la pension alimentaire qui subsiste, pour certain
divorce, est transmissible aux héritiers.
M. Nicolas About.
Avant la loi de 1975 !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Non, c'est toujours vrai. Dans les cas où la pension
subsiste, elle est transmissible aux héritiers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans le cas de divorce pour rupture de la vie commune !
M. Nicolas About.
Oui !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Oui, pour rupture de la vie commune. Dans le seul cas où
reste la pension alimentaire, c'est transmissible ;
a fortiori
pour une
prestation compensatoire ! Il y a donc une petite contradiction dans les propos
des uns et des autres.
La commission propose un système. Elle ne peut donc qu'être défavorable à tous
les amendements.
On prétend que la transmission aux héritiers est injuste à leur égard. Pas du
tout, puisque l'on pourra réviser si cela crée une injustice.
Mais il existe des cas où l'héritage est considérable, et je ne vois pas
pourquoi on ne pourrait pas continuer alors à verser une rente à une veuve qui,
vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, se trouve quelquefois en grande
difficulté.
La justice doit s'exercer dans les deux sens. C'est pourquoi nous avons
proposé la révision pour les époux et également pour les héritiers, comme nous
l'avons dit lors du débat sur l'article 273 modifié.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Puisque nous aurons un jour à débattre du
fond même de la procédure de divorce, dans une perspective de réforme -
laquelle est peut-être nécessaire ou souhaitable, nous ne le savons pas encore
- peut-être aurait-on pu attendre pour traiter le problème qui nous occupe
aujourd'hui et qui n'est quand même qu'un aspect du divorce. Mais nous avons
fait droit aux propositions de nos collègues et nous les avons étudiées, je
crois, avec une extrême attention.
Nous nous sommes trouvés confrontés à une analyse qui nous menait jusqu'à la
limite, à franchir ou à ne pas franchir, entre la prestation compensatoire et
la pension alimentaire. Il fallait garder un certain nombre de caractéristiques
du système instauré en 1975 et qui correspondait, notre collègue M. Badinter
l'a rappelé ce matin en commission, à une période au cours de laquelle
l'inflation réduisait très souvent à néant les prestations. Par ailleurs, le
nombre des divorces était, alors, très inférieur à celui que nous constatons
aujourd'hui.
Nous avons choisi le maintien de la prestation compensatoire dans son
principe, mais en introduisant une souplesse dont elle manquait jusqu'à ce
jour, car le juge était en quelque sorte ligoté par la décision préalable et
éprouvait des difficultés considérables pour revenir sur ce qui avait été
décidé.
Grâce aux diligences de notre rapporteur, et aux travaux très approfondis de
la commission auxquels nous avons tous participé ce matin, nous sommes parvenus
à un équilibre qui, s'il ne peut être considéré comme parfait, est sans doute
acceptable.
La prestation compensatoire demeure dans son principe et elle est
transmissible aux héritiers. C'est la rigidité du système. Mais il a aussi sa
souplesse, c'est ce que nous avons introduit avec la faculté de révision : le
débiteur peut demander la révision de la prestation compensatoire si sa
situation personnelle change. Il faudra d'ailleurs peut-être, un peu plus tard
dans la discussion, dire ce que nous entendons par « révision », en tout cas
mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent. La révision sera peut-être la
suppression de la prestation compensatoire ou sa suspension. C'est là que nous
trouvons un avantage à la navette, qui permet parfois en confrontant nos
positions à celles de l'Assemblée nationale de dégager des solutions meilleures
que celles auxquelles nous sommes nous-mêmes parvenus dans un premier temps.
Je crois que l'article 2
bis
, que M. Hyest vient de présenter
parfaitement, correspond tout à fait à notre intention : d'une part, il
maintient le principe d'une prestation compensatoire transmissible aux
héritiers du débiteur et, d'autre part, il prévoit la possibilité de sa
révision.
Je donne cependant acte à nos collègues Michel Dreyfus-Schmidt et Robert
Badinter, qui ont travaillé de manière approfondie ce matin avec nous tous en
commission, qu'il faudra peut-être aller un peu plus loin pour préciser la
notion de révision, et ce pourra être fait au cours de la navette.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, compte tenu de la portée de
l'article 2
bis
, qui, dans notre esprit, résout le problème de manière
satisfaisante puisqu'il nous permet de conjuguer le principe de la
transmissibilité et la nécessité de la souplesse, je demande qu'il soit mis aux
voix par priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souhaiterais d'abord, monsieur le président,
m'exprimer sur le fond.
Je remercie le président de la commission des lois d'avoir resitué nos débats
dans toutes leurs perspectives. Le Gouvernement aurait lui aussi préféré que le
problème de la prestation compensatoire soit traité dans le cadre d'une réforme
d'ensemble de la législation sur le divorce, qui date maintenant de plus de
vingt ans et qu'il faut certainement simplifier. Dans quel sens ? Je
l'ignore.
Le Gouvernement n'avait pas l'intention de présenter à brève échéance, pour se
laisser le temps de la réflexion, une réforme de la législation sur le divorce.
Pour autant, il n'a pas souhaité s'opposer aux propositions de loi du Sénat
tant, aujourd'hui, des situations d'urgence sont constatées.
Nous partageons tous le même souci : assouplir les rigidités de la prestation
compensatoire instaurée en 1975 en évitant les inconvénients de la pension
alimentaire à l'origine de contentieux à répétition. Bien entendu, nous
tâtonnons quant aux solutions à apporter d'abord parce que nous sommes
confrontés à une multitude de cas concrets différents, ensuite parce que les
arguments peuvent se retourner. Le travail commun est utile car il nous permet
de cerner au plus près la réalité.
Les amendements du Gouvernement sont cohérents et s'inscrivent dans la ligne
que j'ai développée dans la discussion générale et que je voudrais brièvement
rappeler, pour répondre à M. Dreyfus-Schmidt.
Nous considérons que, dans la mesure du possible - j'insiste sur ces mots - le
principe doit être celui du versement en capital pour solder les conséquences
financières du divorce. A défaut de versement en capital, ce devrait être une
rente temporaire ; à défaut de rente temporaire, ce devrait être une rente
viagère et, à défaut de rente viagère, il faudrait alors que l'on puisse
envisager la transmissibilité. Mais, dans chaque cas, nous souhaitons qu'il y
ait des motivations spéciales du juge...
M. Nicolas About.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... - pour déroger en quelque sorte au principe qui est
posé à chaque étage - qui tiennent compte précisément des situations concrètes
et qui, chaque fois, permettent de cerner au plus près les possibilités de
révision.
Telle est donc la cohérence du dispositif que le Gouvernement souhaite à
travers ses amendements. Encore une fois, je crois que nous avons le même
objectif : le principe est celui de la souplesse, sans tomber naturellement
dans la multiplication des contentieux.
S'agissant du sous-amendement n° 16, je ne suis pas en contradiction avec le
souci exprimé par MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, car je pense qu'il n'est pas
possible de poser un principe absolu en la matière. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 13 que j'ai exposé tout à l'heure.
Vous préférez maintenir le principe de transmissibilité tout en l'assortissant
d'une faculté expresse de dérogation admise jusqu'alors par la
jurisprudence.
Je n'y vois pas d'objection particulière, dès lors que la préoccupation
essentielle du Gouvernement de laisser au juge une faculté d'appréciation est
maintenue.
Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat sur le
sous-amendement n° 16.
Cela dit, monsieur le président, le Gouvernement ne s'oppose pas à la priorité
demandée par M. le président de la commission des lois.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix l'article 2
bis.
Mes chers collègues, j'attire votre l'attention : si cet article est adopté,
les amendements n°s 3, 6, 13 et le sous-amendement n° 16 n'auront bien entendu
plus d'objet.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
J'ai été très sensible à toute une série d'arguments qui ont été défendus par
les uns et par les autres.
J'ai conscience du caractère un peu brutal de notre amendement n° 6 et, sans
épiloguer plus longtemps, j'indique à notre assemblée que je le retire.
Cela dit, j'étais favorable à l'amendement n° 13 du Gouvernement parce qu'il
répondait à la fois à mon souci exprimé « brutalement » et il introduisait une
souplesse indiscutable permettant de sauvegarder les intérêts de chacun.
Je n'étais pas opposé, bien entendu, au sous-amendement de notre collègue
Michel Dreyfus-Schmidt qui, peut-être d'une façon moins satisfaisante à mon
égard par rapport à ma position, permet là encore une certaine souplesse.
L'article 2
bis
ne me mécontente pas, non plus, mais la demande de
priorité me gêne quelque peu. Je ne veux pas m'opposer à cet article, qui
introduit effectivement quelque souplesse, mais j'aurais préféré m'exprimer sur
l'amendement n° 13. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur l'article 2
bis.
M. le président.
L'amendement n° 6 est retiré.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je souhaite apporter une clarification : l'article 2
bis
a été déposé par la commission des lois pour répondre au souci de nos
collègues MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Plus exactement à une suggestion !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Soit !
Il nous a paru paradoxal de sous-amender l'amendement du Gouvernement pour
qu'il tende exactement à l'inverse de ce que souhaitait le Gouvernement, et
plus cohérent de proposer un article 2
bis
nouveau aux termes duquel on
maintient la transmissibilité et, en même temps, on prévoit une révision dans
les conditions prévues à l'article 273 du code civil. D'ailleurs, comme l'a dit
M. Larché, il faudra peut-être veiller, au cours de la navette, à lire non
seulement « révision », mais, éventuellement, « suppression » ou « suspension
». Dans notre esprit, la révision peut aboutir à la suppression. Il vaudra
peut-être mieux l'indiquer pour clarifier les choses, pour permettre au juge de
prendre des décisions plus conformes à notre texte.
Dans la mesure où l'on est favorable au sous-amendement n° 16, je ne vois pas
pourquoi on serait défavorable à l'article 2
bis.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, si j'ai accepté la demande de
priorité, c'est parce que je considérais qu'il fallait d'abord mettre aux voix
l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 16.
M. le président.
La priorité a été demandée pour l'article 2
bis
, et vous ne vous y êtes
pas opposée.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Permettez-moi de finir mon propos, monsieur le
président.
M. le président.
Je vous en prie, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En effet, la priorité a été demandée pour l'article 2
bis.
Mais je vous ai répondu sur la priorité pour l'amendement n° 13 et
le sous-amendement n° 16. Dans mon esprit, s'ils étaient d'abord mis aux voix,
les amendements n°s 3 et 6 n'auraient plus d'objet. Je vous laisse le soin
d'apprécier ce que vous souhaitez faire.
M. le président.
Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompue. Je suis intervenu pour
clarifier le débat et non par incorrection. J'avais compris que vous aviez
donné votre accord pour que le Sénat se prononce d'abord sur l'article 2
bis
.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je vous ai donné mon accord pour que l'article 2
bis
soit mis aux voix par priorité en pensant que l'amendement n° 13 et
le sous-amendement n° 16 n'étaient évidemment pas écartés. J'aurais peut-être
dû le préciser. Mais tel était mon état d'esprit.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
C'est la même chose !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je tiens à vous le dire maintenant : c'est à ces seules
conditions que j'accepte la demande de priorité.
M. le président.
Madame le ministre, vos propos traduisent que vous vous opposez à la demande
de priorité. Dans ces conditions, je suis désormais obligé de consulter le
Sénat sur la proposition de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
J'avais demandé la discussion en priorité de
l'article 2
bis
et j'avais cru comprendre, madame le garde des sceaux,
que vous y consentiez. Si nous adoptons cet article, les amendements n°s 3 et
13 ainsi que le sous-amendement n° 16 deviendront sans objet. Il faut être
parfaitement clair sur ce point.
En formulant cette demande de priorité, mon intention était d'obtenir un vote
positif de notre assemblée. Je maintiens donc la demande de priorité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la demande de priorité présentée par la commission et
repoussée par le Gouvernement.
(La priorité est ordonnée.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 2
bis.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
A l'article 2
bis,
il est écrit que « ceux-ci peuvent en demander la
révision dans les conditions prévues à l'article 273 ».
Or l'article 273 du code civil, tel que nous venons de le voter, dispose : «
La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être
révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins
des parties... »
Cela implique que les parties sont désormais l'ex-époux survivant et les
héritiers.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Absolument.
M. Nicolas About.
Si l'on prend en compte les ressources des parties, on n'est pas dans la
notion d'héritage. Des héritiers peuvent être immensément riches en dehors de
l'héritage. Cela n'a aucun rapport.
Un tel dispositif serait tout à fait délirant. En effet, il tiendrait compte
non plus de la dette liée à l'héritage reçu, mais de la situation des héritiers
en dehors de cet héritage.
Les héritiers seraient donc peut-être conduits à refuser l'héritage, qui
serait dès lors transféré à l'Etat, lequel, comme chacun le sait, n'assume
jamais aucune dette. Voilà qui serait paradoxal !
C'est donc à juste titre que M. Dreyfus-Schmidt a considéré que l'amendement
que j'ai défendu était plus adapté, puisqu'il faisait référence à la situation
patrimoniale des conjoints et non pas aux ressources des héritiers. On ne sait
jamais, ils peuvent être tous milliardaires !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
C'est rare !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je crois que nous sommes tous d'accord.
Si j'ai bien compris, et je lui en suis très reconnaissant, Mme le garde des
sceaux a bien voulu dire que notre sous-amendement n° 16 n'était pas du tout
contraire à l'amendement n° 13, le Gouvernement s'en est en effet remis à la
sagesse du Sénat sur ce texte.
Voilà qui revient à reconnaître - j'attire l'attention de M. le rapporteur sur
ce point - que nos points de vue ne sont pas contraires, même si nous proposons
des systèmes différents.
Le Gouvernement propose : pas de transmission, mais versement d'une pension
alimentaire. Nous, nous proposons une transmission, mais avec révision
possible. En fait, les uns et les autres, nous cherchons à trouver un point
d'équilibre. C'est ce qui explique que le Gouvernement s'en soit rapporté à la
sagesse du Sénat sur notre sous-amendement.
Madame le garde des sceaux, je vous dois une explication : M. le rapporteur
nous ayant dit ce matin que notre sous-amendement n° 16 lui paraissait
irrecevable parce que contraire à l'amendement n° 13...
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Ce qui n'est pas complètement faux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... - je lui ai répondu, comme vous, que ce n'était pas exact. Mais je me suis
aussi permis de suggérer que la commission, qui, elle, peut toujours déposer
des amendements, ce que nous ne pouvons pas faire, en dépose un proposant que,
dans l'article 276-2 qui dispose qu'« à la mort de l'époux débiteur, la charge
de la rente passe à ses héritiers », il soit ajouté « sans préjudice de
l'application de l'article 273 », c'est-à-dire qu'en effet la révision soit
possible également au profit des héritiers.
En fait, vous avez parfaitement compris, mon cher collègue Nicolas About, que,
du moment que les héritiers sont débiteurs comme l'était leur auteur, il est
normal que, comme lui, ils puissent faire état de leur propre situation ou de
celle du créancier.
Madame le garde des sceaux, dans notre esprit, le texte proposé maintenant par
la commission - sur notre suggestion, je l'avoue - revient très exactement à
l'amendement n° 13 assorti du sous-amendement n° 16 sur lequel vous avez bien
voulu vous en rapporter à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
bis.
(L'article 2
bis
est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 3 et 13 et le sous-amendement n° 16 n'ont
plus d'objet.
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 14, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 277 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 277. -
Indépendamment de l'hypothèque légale ou judiciaire, le
juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage, de donner caution
ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement a pour objet d'élargir les garanties
susceptibles d'être offertes pour assurer le paiement de la rente.
En effet, dans la mesure où le paiement de la prestation compensatoire est
soumis aux aléas de la solvabilité du débiteur, le code civil prévoit la
possibilité d'assortir le versement de la prestation compensatoire de
garanties.
Cependant, le code civil a limité ces garanties à certains types de sûreté
traditionnels : l'hypothèque, le gage ou la caution.
Aujourd'hui, nous savons que nous pouvons compléter cette liste avec d'autres
formes de garanties, notamment l'assurance, que la pratique a développées.
C'est pourquoi le Gouvernement propose d'inscrire expressément ces nouvelles
possibilités dans la loi par référence à une formule générique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Nous sommes favorables à cet amendement, qui vise à renforcer
les droits du créancier en élargissant les garanties susceptibles d'assurer le
paiement de la dette.
M.le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 2.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 757 A du code général des impôts est complété par la
phrase suivante :
« Dans ce dernier cas, l'abattement prévu à l'article 779 est doublé. »
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souhaite le retrait de cet article 3.
La commission propose, en effet, dans cet article, de doubler le niveau de
l'abattement de 330 000 francs prévu à l'article 779 du code général des impôts
pour les droits de mutation à titre gratuit applicables aux versements en
capital entre époux, lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un d'eux.
Le Gouvernement n'est pas favorable au relèvement du seuil d'exonération du
droit de mutation. En effet, il comporte des inconvénients que je dois
souligner. Une femme héritant des biens propres de son mari et ayant des droits
de mutation à acquitter ne manquerait pas d'observer qu'en cas de divorce ces
mêmes biens auraient pu lui être transmis en franchise de droits.
Par ailleurs, chez certains contribuables fortunés, le divorce pourrait
devenir un moyen de transférer tout ou partie de leurs biens propres en
franchise de droits.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Il s'agit du double, seulement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela fait tout de même 660 000 francs, ce qui n'est pas
rien !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Mais si !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela dépend par rapport à qui !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Pensez à ceux qui paient l'ISF !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le dispositif actuel permet de traiter les
contribuables divorcés d'une façon qui ne les avantage pas par rapport aux
autres contribuables.
En outre, la mesure proposée ne manquerait pas de susciter des demandes
reconventionnelles concernant notamment les transmissions par décès de biens
propres au profit du conjoint survivant, et un relèvement corollaire de
l'abattement en faveur des descendants du défunt, dont le coût budgétaire
serait très important. Le relèvement de 330 000 francs à 500 000 francs pour
les conjoints survivants coûterait 500 millions de francs à l'Etat, et le même
relèvement appliqué aux descendants coûterait 3,5 milliards de francs.
Enfin, la disposition que vous proposez dans votre texte accentuerait la
distorsion de traitement des époux selon que le conjoint recevra des biens
propres ou des biens de communauté.
C'est pour ces raisons que je vous demande de retirer cette disposition, à
laquelle pourrait être opposable l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de Mme le garde des sceaux
?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Le Gouvernement nous indique que l'article 40 serait
peut-être applicable.
Tout d'abord, je relève que les chiffres, qui, en l'occurrence, ne viennent
pas de la Chancellerie, sont toujours grossis quand il s'agit d'avantages
fiscaux et diminués quand il s'agit d'économies pour l'Etat. Je ne suis donc
pas sûr que ces 3,5 milliards de francs représentent bien le coût de la
disposition que nous proposons.
Je note par ailleurs que les dispositions de cet article éviteraient des
contentieux supplémentaires, et donc entraîneraient des économies pour la
justice, ce qui est tout à fait important.
Enfin, comme vous-même, madame le garde des sceaux, nous souhaitons les uns et
les autres favoriser le versement d'un capital. Or il est évident que, dans un
certain nombre de cas, l'absence d'abattement entraîne la préférence pour une
rente.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas retirer l'article 3.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je vais donner une indication supplémentaire qui
convaincra peut-être M. Hyest.
Un vrai problème se pose, si l'article 3 est retiré, je chercherai une
solution qui réponde à votre souci mais qui soit moins pénalisante pour les
finances publiques. Ce ne doit pas être impossible !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Compte tenu des engagements du Gouvernement, au nom de la
commission, je retire l'article 3.
M. le président.
L'article 3 est retiré.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je vais présenter une remarque très brève et
qui n'est pas directement liée au dispositif même du texte. Je note, à titre
tout à fait accessoire, que Mme le garde des sceaux n'a pas hésité à évoquer
l'article 40 lorsqu'elle s'est trouvée confrontée aux conséquences financières
et pécuniaires d'un certain nombre de dispositions civiles nouvelles.
Si à l'avenir des dispositions civiles nouvelles nous sont proposées, nous ne
manquerons pas de nous interroger sur leurs conséquences financières.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - La révision des rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la
présente loi peut être demandée dans les conditions prévues aux articles 1er à
3. » -
(Adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
La commission propose de rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi : «
Proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de
divorce. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est donc ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Dreyfus-Schmidt pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon
explication d'un vote positif du groupe socialiste sera brève.
Je remercie le Gouvernement d'avoir parfaitement compris qu'il convenait de ne
pas atteindre la discussion de certains textes pour traiter de problèmes qu'il
est urgent de résoudre.
Nous remercions le Gouvernement d'avoir accepté la discussion de ces
propositions de loi dans lesquelles nous avons cherché à atteindre, les uns et
les autres, un équilibre entre l'existence de la notion de prestation
compensatoire et les inconvénients résultant de l'application de la loi de 1975
qui l'a instituée.
J'ai toujours pensé que le système de la pension alimentaire était très bon,
sauf à le modifier pour permettre la condamnation à une pension alimentaire, à
une partie ayant les torts. On nous oppose que cela donnerait plus de travail
aux juges. Si c'est vrai, c'est évidemment ennuyeux ; mais, après tout, les
juges sont là pour rendre des jugements.
Nous avons abouti, je le crois, à une cote mal taillée. Nous verrons quel sera
l'avis de l'Assemblée nationale.
Je voudrais revenir sur l'article 4, sur lequel nous sommes passés très
rapidement mais qui, pourtant, peut poser problème.
En effet, en prévoyant que poura être demandée, dans les conditions de la
nouvelle loi, la révision des prestations compensatoires fixées antérieurement,
on risque de perturber gravement la vie de personnes qui se sont organisées en
se basant sur le fait qu'elles avaient des droits acquis.
Je le précise pour la suite de la discussion : le problème n'est pas aussi
simple qu'apparemment le Sénat vient de le considérer en acceptant sans aucune
discussion cet article 4 !
Cela dit, nous avons encore du travail à faire sur ce texte et j'espère que
nous le ferons rapidement, afin que la loi puisse s'appliquer sans retard.
M. Emmanuel Hamel.
Espérons-le !
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame le ministre, je vous remercie d'avoir accepté de débattre de ce sujet
délicat qui figure parmi les questions les plus difficiles et qui méritait
effectivement un examen rapide.
Mes chers collègues, je ne peux tout de même pas dire que je suis pleinement
satisfait, et je prie le Sénat de bien vouloir excuser le travail que nous lui
avons, mon collègue Robert Pagès et moi-même, imposé sur cette prestation
compensatoire, tellement j'ai le sentiment que nous nous sommes battus pour
faire du sur place !
Néanmoins, il est vrai que la réussite est belle, et je vous remercie, madame
le ministre, d'avoir permis que la révision devienne possible.
Je garde beaucoup de regrets de voir que la transmissibilité est maintenue,
c'est-à-dire qu'on préfère l'équité dans la guerre à l'équité dans la paix. Mme
le ministre avait pourtant proposé un certain nombre d'amendements qui, à mon
avis, étaient de nature à apporter la paix et l'équité. Malheureusement, nous
avons trop souvent préféré le conflit, que nous nous devions peut-être
d'éviter, car c'est cela qu'attendent toutes ces familles, tous ces ménages «
recombinés ».
On oublie un peu trop que si, dans nos régions, un couple sur deux se défait,
il y a d'autres couples qui se « recombinent » !
M. Emmanuel Hamel.
Qui se reconstituent, plutôt que « se recombinent » !
M. Nicolas About.
Qui se reconstituent, si vous le voulez !
Or, ce sont les mêmes personnes ! Il n'y a pas, parmi ceux qui se retrouvent,
d'un côté que des mauvais et, de l'autre, que des bons ! Nous devrions donc
avoir une attidue plus ouverte à l'égard de tous, en considérant qu'en traitant
les uns on traite aussi les autres.
J'espère que l'examen de ce texte en deuxième lecture permettra de revenir sur
certains points.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Le groupe de l'Union centriste votera les conclusions du rapport de la
commission, mais il le fera avec un certain sentiment d'insatisfaction, car ce
texte est tout de même loin d'être véritablement au point.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr - certains l'ont fait observer - que nous ayons
eu raison d'isoler ainsi - excusez-moi, monsieur About, monsieur Pagès - et
donc de traiter à part le problème de la révision de la prestation
compensatoire. On s'aperçoit qu'il s'agit d'une démarche assez aléatoire, même
si elle est peut-être nécessaire par rapport à une certaine jurisprudence, et
c'est regrettable. Une réflexion d'ensemble aurait été nécessaire.
Ayant vécu de très près la loi de 1975, je me demande même si cette notion de
prestation compensatoire, qui avait sa raison d'être à l'époque, se justifie
encore actuellement. Il serait intéressant d'avoir une réflexion approfondie
sur le divorce et sur ses conséquences, car le monde a beaucoup changé depuis
lors en ce qui concerne les couples, pour ne pas parler du reste.
Sur le fond, je suis de ceux qui pensent que l'obligation est transmissible.
C'est d'autant plus évident que, normalement, elle est en capital. Il serait
extrêmement curieux que, ses modalités changeant, elle change elle-même de
nature, en quelque sorte ! D'ailleurs, cela ne me paraît pas possible puisque
nous souhaitons, pour rendre les choses plus faciles sur le plan fiscal,
qu'elle s'exécute en priorité en capital.
Si, de plus, monsieur About, elle peut s'exécuter sous la forme d'une rente,
qui n'est que subsidiaire par rapport à la forme en capital, permettez-moi de
vous dire qu'elle doit forcément être transmissible, sinon on sortirait de la
logique et ce serait grave !
Je m'interroge sur le sens que nous avons donné à la révision à l'article 273.
M. About va très loin dans ses réflexions - cela n'a pas été relevé tout à
l'heure - quand il dit qu'il comprend la révision dans tous les sens du terme,
c'est-à-dire que le débiteur d'hier pourrait devenir demain créancier ! Telle
était bien votre pensée, monsieur About ?
M. Nicolas About.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon.
J'ose vous dire qu'elle est un peu ahurissante !
M. Nicolas About.
Pourquoi ?
M. Pierre Fauchon.
Parce que vous passez allègrement de la notion de
quantum
d'une
obligation à la notion de principe d'une obligation. Or figurez-vous que ce
sont deux choses totalement différentes !
On peut discuter et réviser les
quanta,
mais de là à modifier le
principe d'une obligation ! Car dans le principe d'une obligation, la question
est de savoir qui est le créancier, qui est le débiteur et quelle est la cause
de l'obligation. Ces modalités doivent être précisées au moment du divorce, qui
fait l'objet d'une voie de recours, sinon vous créez une instabilité dans les
relations, et tout notre système juridique...
(M. Nicolas About
proteste.)
Monsieur About, j'espère que je ne vous fais pas trop de peine en tenant
ces propos, mais votre façon de m'interrompre continuellement me brouille
quelque peu l'esprit, excusez-moi de vous le dire. Laissez-moi conserver le fil
de ma pensée, vous serez bien aimable !
Je tiens à vous le dire : autant je conçois bien que l'on envisage de modifier
les modalités de cette obligation après qu'elle a été consacrée par le divorce,
autant je pense qu'on ne peut pas modifier l'obligation elle-même ! Je vous
demande d'y réfléchir encore une fois : vous créeriez une instabilité tout à
fait invraisemblable !
En effet, les créanciers d'hier pourraient, quinze ans ou vingt ans après, se
prétendre débiteurs compte tenu de l'évolution de la situation, et inversement
!
C'est véritablement tout à fait impossible ! Je tenais à le dire à titre
personnel pour répondre à votre propos sur ce point.
La rédaction à laquelle je souscris et que nous allons voter précise que -
c'est l'article 273 - la rente « ne peut être révisée qu'en cas de changement
substantiel dans les ressources ou les besoins des parties ».
Il est vrai que cela peut aller très loin ! Comme vous le faisiez observer
tout à l'heure non sans quelque raison, me semble-t-il, si les héritiers, qui
ont par ailleurs d'autres biens pour telle ou telle raison, se trouvent
soudain, à l'occasion d'une succession, en possession d'un avoir considérable,
que va devenir la prestation compensatoire ? Le rapporteur dénie une telle
hypothèse mais, d'après notre texte, on peut se poser la question ! En effet,
la rédaction permet toutes les possibilités en fonction des besoins des
parties.
Comme à l'accoutumée, vous avez posé là un vrai problème auquel il serait
peut-être bon de réfléchir !
Sous ces réserves, le groupe de l'Union centriste votera le texte qui nous est
proposé.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte.
Il a bien conscience qu'un certain nombre de questions se posent encore, mais
il y avait urgence et les lettres, les témoignages que nous recevons, comme les
articles qui sont parus, montrent bien qu'il ne s'agissait pas d'un faux
problème.
Peut-être sommes-nous un peu en avance ? Peut-être aurait-il fallu poser le
problème à l'occasion d'un texte plus vaste ? Nous avons malgré tout fait du
bon travail, et je forme des voeux pour que la navette l'améliore encore.
M. Louis Althapé.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Althapé.
M. Louis Althapé.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, certains
d'entre nous jugeaient plus satisfaisant de joindre l'examen de ces
propositions de loi à un futur texte issu, par exemple, des travaux de la
conférence de la famille ou des propositions de réforme de la procédure civile
élaborées à partir du rapport de M. le président Jean-Marie Coulon.
Cependant, notre commission des lois a eu parfaitement raison d'estimer que
les difficultés concrètes d'application de la loi de 1975 justifiaient que le
législateur se prononce rapidement sur les problèmes soulevés par la prestation
compensatoire en cas de divorce, sans attendre une réforme d'ensemble du
divorce.
En effet, la loi de 1975 s'est révélée inadaptée, tant à l'évolution de notre
société qu'à l'instabilité en matière d'emploi provoquée par la crise.
Aussi, notre groupe approuve le dispositif retenu par le Sénat, qui vise,
d'une part, à confirmer le principe d'un versement en capital, à défaut duquel
la rente devrait être fixée par rapport à ce qu'aurait dû être le capital, et,
d'autre part, à autoriser la révision de la rente en cas de changement
substantiel dans la situation des parties.
Notre groupe votera donc ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
M. Emmanuel Maurel.
Les grands sujets valent de grands scrutins !
(Sourires.)
M. le président.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
77:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
Le Sénat a adopté à l'unanimité.
7
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a
présenté une candidature pour la commission des finances, du contrôle
budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M.
Jean-Pierre Camoin, membre de la commission des finances, du contrôle
budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M.
Maurice Schumann, décédé.
8
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'interdiction
complète des essais nucléaires.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 304, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord international de
1995 sur le caoutchouc naturel (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 305, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Barnier une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives
89/48/CEE et 92/51/CEE concernant le système général de reconnaissance des
qualifications professionnelles et complétant les directives concernant les
professions d'infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l'art
dentaire, de vétérinaire, de sage-femme, d'architecte, de pharmacien et de
médecin (n° E-994).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 317, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale,
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (n°
286, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 306 et distribué.
J'ai reçu de M. Alphonse Arzel un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 100,
1997-1998) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. François Autain, Marc Massion et Henri
Weber et la proposition de résolution (n° 164, 1997-1998) présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement par MM. Louis Minetti,
Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer,
Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et
Mme Odette Terrade sur :
- la proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement 3094/95
et prorogeant les dispositions pertinentes de la septième directive du Conseil
concernant les aides à la construction navale ;
- la proposition de règlement (CE) du Conseil établissant de nouvelles règles
pour les aides à la construction navale (n° E-936).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 307 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Huchon un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 298,
1997-1998) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
MM. Jacques Genton et Georges Othily sur :
- la proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n°
404/93 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de
la banane ;
- la recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à négocier
un accord avec les pays ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes
pour la répartition des contingents tarifaires et de la quantité ACP
traditionnelle (n° E-1004).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 308 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport supplémentaire fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de loi de M. Nicolas About, tendant à modifier les
dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire en cas de
divorce (n° 151, 1996-1997) ;
- et la proposition de loi de MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM.
Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade relative à
l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 400,
1996-1997).
Le rapport supplémentaire sera imprimé sous le numéro 309 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi modifié par l'Assemblée
nationale, en deuxième lecture, portant réforme de la réglementation comptable
et adaptation du régime de la publicité foncière (n° 241, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 310 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt un rapport fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Michel
Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à
compléter l'article L. 30 du code électoral relatif à l'inscription sur les
listes électorales en dehors des périodes de révision (n° 13, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 311 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt un rapport fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et les membres
du groupe socialiste et apparentés tendant à préciser le mode de calcul de la
durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure
pénale (n° 55, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 312 et distribué.
J'ai reçu de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de
loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la république fédérative du Brésil (n° 204, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous numéro 313 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Alloncle un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la république
d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°
231, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 314 et distribué.
J'ai reçu de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 258,
1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 315 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Biarnès un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord
international de 1995 sur le caoutchouc naturel (ensemble trois annexes) (n°
305, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 316 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 26 février 1998 :
A dix heures :
Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 222, 1997-1998),
modifiée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à
l'homme.
Rapport (n° 263, 1997-1998) de M. Claude Huriet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation
relatif à la réduction du temps de travail (n° 286, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale, le
lundi 2 mars 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements, le mardi 3 mars 1998, à dix-sept
heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 257 rectifié,
1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Michel Moreigne et plusieurs de ses collègues
visant à étendre aux centres de santé gérés par la Mutualité sociale agricole
la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale (n°
43, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Georges Mouly et plusieurs de ses collègues
visant à étendre aux centres de soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale
agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité
sociale (n° 377, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements, le mercredi 4 mars 1998, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 303, 1997-1998) sur la
proposition de loi de M. Jean Delaneau et plusieurs de ses collègues visant à
élargir les possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des
départements (n° 250, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements, le mercredi 4 mars 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Bernard Barbier, sénateur de la Côte-d'Or, survenu le 25 février 1998.
MODIFICATION AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS
(41 membres au lieu de 42)
Supprimer le nom de M. Bernard Barbier.
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du mercredi 25 février 1998, le Sénat a nommé M. Jean-Pierre Camoin membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Maurice Schumann, décédé.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN
M. Jean-Marie Rausch a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 220
(1996-1997) de MM. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues tendant à
frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière
exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de
dommages liés à leur activité minière (en remplacement de M. Jean-Paul
Emin).
M. Jean-Marie Rausch a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 298
rectifiée (1996-1997) de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues
complétant le code minier (en remplacement de M. Jean-Paul Emin).
M. Philippe François a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 424
(1997-1998) de M. Michel Charasse relative à l'organisation de la chasse en
France.
M. Jean Huchon a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 298
(1997-1998) de MM. Jacques Genton et Georges Othily sur :
1. La proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n°
404/93 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de
la banane ;
2. La recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à
négocier un accord avec les pays ayant un intérêt substantiel à la fourniture
de bananes pour la répartition des contingents tarifaires et de la quantité ACP
traditionnelle (n° E 1004).
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 288 (1997-1998)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de
lettres).
M. Daniel Goulet a été nommé rapporteur du projet de loi n° 289 (1997-1998)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de l'Etat du Qatar sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une
annexe).
M. Jean Faure a été nommé rapporteur du projet de loi n° 304 (1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité
d'interdiction complète des essais nucléaires.
M. Pierre Biarnès a été nommé rapporteur du projet de loi n° 305 (1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord
international de 1995 sur le caoutchouc naturel (ensemble trois annexes).
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. André Jourdain a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 278 (1997-1998) de M. Alain Joyandet tendant à utiliser partiellement les cotisations d'assurance chômage dues par les employeurs au titre de l'article L. 351-3-1 du code du travail pour recruter des personnes visées par l'article L. 351-1 du code du travail.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À DEUX PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des affaires économiques a fixé au
mardi 3 mars 1998,
à
12
heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de
résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de règlement (CE) du Conseil
modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil portant organisation commune
des marchés dans le secteur de la banane, et sur la recommandation de décision
du Conseil autorisant la Commission à négocier un accord avec les pays ayant un
intérêt substantiel à la fourniture de bananes pour la répartition des
contingents tarifaires et de la quantité ACP traditionnelle (n° E 1004).
Le rapport n° 308 (1997-1998) de M. Jean Huchon sera mis en distribution le
jeudi 26 février 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des affaires économiques et seront examinés par la commission lors
de sa réunion du
mercredi 4 mars 1998.
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des affaires économiques a fixé au
mardi 3 mars 1998,
à
12
heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de
résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de règlement (CE) du Conseil
modifiant le règlement n° 3094/95 et prorogeant les dispositions pertinentes de
la septième directive du Conseil concernant les aides à la construction navale,
et sur la proposition de règlement (CE) du Conseil établissant de nouvelles
règles pour les aides à la construction navale (n° E 936).
Le rapport n° 307 (1997-1998) de M. Alphonse Arzel sera mis en distribution le
jeudi 26 février 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des affaires économiques et seront examinés par la commission lors
de sa réunion du
mercredi 4 mars 1998.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 25 février 1998
SCRUTIN (n° 76)
sur la motion n° 1, présentée par M. Christian Bonnet au nom de la commission
des lois, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la nationalité.
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 214 |
Contre : | 100 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
9. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein, Georges Mouly, Georges
Othily et Robert-Paul Vigouroux.
Abstention :
1. _ M. Pierre Jeambrun.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :
Pour :
55.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Pour :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Lylian Payet.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstention
M. Pierre Jeambrun.
N'a pas pris part au vote
M. Lylian Payet,
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 77)
sur les conclusions du rapport de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la
commission des lois, sur les propositions de loi de M. Nicolas About et de M.
Robert Pagès et plusieurs de ses collègues, relatives à la prestation
compensatoire en cas de divorce.
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Pour : | 315 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :
Pour :
55.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Pour :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Lylian Payet.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Serge Lagauche
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
N'a pas pris part au vote
M. Lylian Payet,
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
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