2. L'Etat finance une part minoritaire et décroissante des Contrats de plan Etat-Région, qui relèvent pourtant en majorité de ses compétences
On peut
rassembler ici les
constats
établis précédemment
par votre rapporteur :
- la part des collectivités locales dans les
engagements
inscrits
dans les contrats de plan augmente d'une génération de contrat
à l'autre. Cette part s'établissait ainsi à
53 %
des engagements cumulés des troisièmes contrats de plan ;
- compte tenu de la défaillance de l'Etat, la part des
collectivités locales dans
l'exécution
des contrats de
plan est très vraisemblablement supérieure ;
- d'autant plus que l'Etat, gestionnaire des programmes européens, a
parfois utilisé des
fonds communautaires
en substitution à
ses propres crédits ;
- en outre, l'Etat est
mauvais payeur
, c'est à dire qu'il
délègue ou mandate souvent ses crédits avec
retard
par rapport à ses partenaires. Or les engagements des contrats de plan
ne sont pas actualisés en fonction de l'évolution des prix. Ces
retards permettent donc à l'Etat de rogner un peu la valeur relative de
sa participation financière aux contrats de plan ;
- plus spécifiquement, dans le cas de la procédure
budgétaire " des
fonds de concours
" (cf.
encadré ci-après), les collectivités locales versent leurs
contributions (près de 39 milliards de francs sur la période
1994-1999) à l'Etat avant que celui-ci ne mette en place ses propres
crédits et ne paie les dépenses afférentes.
Durant ce délai, de l'ordre de plusieurs mois, voire dans certains cas
de plusieurs années, les collectivités locales concernées
financent la
trésorerie
de l'Etat. Compte tenu du niveau des taux
d'intérêt à court terme sur la période 1994-1999 -
en moyenne près de 4 ½ % - cet avantage de
trésorerie
n'est nullement négligeable : chaque mois d'avance équivaut
à un prélèvement de
150 millions de francs
sur les
collectivités locales au profit de l'Etat ;
LES FONDS DE CONCOURS ET LES CONTRATS DE PLAN
ETAT-RÉGION
Les
fonds de concours sont des fonds versés par des personnes morales ou
physiques pour concourir avec ceux de l'Etat à des dépenses
d'intérêt public.
Cette procédure constitue l'une des exceptions au principe
d'universalité budgétaire, puisque ces concours sont
affectés
par avance à des dépenses précises.
Dans le cadre des contrats de plan, cette procédure est ainsi
utilisée pour rassembler les cofinancements destinés à des
opérations d'investissement sous maîtrise d'ouvrage d'Etat.
Selon la Direction du Budget "
au titre des contrats de plan 1994-1999,
les fonds de concours des collectivités locales rattachés au
budget de l'Etat s'appliquent essentiellement à deux types de
dépenses
- les investissements routiers, pour plus de 38 milliards de francs ;
- l'aménagement du bassin parisien, pour 660 millions de
francs.
"
Au total, la procédure des fonds de concours s'appliquerait à
plus de 39 milliards de francs, soit près de
44 % des engagements
financiers des
collectivités locales
.
En fait, la procédure des fonds de concours fut aussi utilisée
pour d'autres opérations, notamment pour les investissements
contractualisés en matière d'enseignement supérieur ou de
recherche, dont 30 % à 60 % furent financés par les
collectivités locales, pour partie en maîtrise d'ouvrage, pour
partie sous la forme de fonds de concours.
Par exemple, en Poitou-Charentes, les domaines des troisièmes contrats
de plan concernés par des fonds de concours en provenance des
collectivités locales furent, selon la Région, les
suivants :
- routes nationales : 1 179 millions de francs ;
- enseignement supérieur : 385 millions de francs ;
- équipement de laboratoires : 148 millions de francs ;
- infrastructures ferroviaires : 136,5 millions de francs ;
- modernisation des installations du CREPS : 1,5 millions de francs.
Total : 1821,5 millions de francs, soit 60,2 % des engagements financiers
des collectivités locales.
Or la procédure de fonds de concours présente cette
particularité que les concours des partenaires de l'Etat sont
appelés avant ceux de l'Etat, et les tentatives entreprises dans
certaines régions pour limiter ce décalage et pour
accélérer la procédure n'ont guère
été concluantes.
Cette procédure constitue donc un facteur de
retard
pour la
réalisation concrète des projets contractualisés, mais
aussi une source de facilités de trésorerie pour l'Etat.
- par ailleurs l'Etat maître d'ouvrage a récupéré la
TVA
sur les grandes infrastructures de communication construites dans le
cadre des contrats de plan, pour un montant total de près d'une
dizaine de milliards de
francs
;
- plus généralement, compte tenu de la structure et du niveau des
ressources respectives de l'Etat et des collectivités locales,
l'effet de retour fiscal
des dépenses contractualisées est
proportionnellement bien plus élevé pour l'Etat que pour les
collectivités locales : 1 F de dépenses
contractualisées supplémentaires se traduit par un surcroît
de recettes plus important pour l'Etat que pour ces dernières.
Au total la part des collectivités locales dans les
dépenses
publiques
nettes
effectuées au titre des
troisièmes contrats de plan dépasse très largement le
niveau initial et officiel de 53 %.
Pourtant, les actions inscrites dans les troisièmes contrats de plan
relevaient très majoritairement des
compétences
strictes
de
l'Etat
: les engagements en faveur des grandes infrastructures,
de l'enseignement supérieur et de la recherche représentaient
à eux seuls près des deux tiers des engagements cumulés de
l'Etat et de la Région.
Il en découle à l'évidence que, dans le cadre des contrats
de plan, les collectivités locales ont globalement financé
l'exercice de ses compétences par l'Etat.
Dans certains cas paroxystiques, les collectivités locales ont
même
intégralement
pris en charge certaines
compétences de l'Etat.
En particulier, compte tenu des divers biais énoncés supra, les
opérations de réhabilitation du réseau routier national en
milieu urbain, qui relèvent de la stricte compétence de l'Etat,
mais que celui-ci ne finance qu'à hauteur de 27,5 %, ne lui
coûtent quasiment rien
ex ante
, et sont sans doute
financièrement avantageuses
ex post
, après effet de retour
fiscal. L'Etat a donc pu " gagner de l'argent " en exerçant
certaines de ses compétences.
Il s'agit bien là d'un
transfert de charges
au sens juridique du
terme, de nature à
biaiser
les décisions de l'Etat :
toutes choses égales par ailleurs, l'Etat devrait logiquement
préférer engager des opérations d'investissement qui ne
lui coûtent rien, plutôt que de soutenir des actions d'animation
des territoires.
Les administrations centrales contestent pourtant que les troisièmes
contrats de plan aient donné lieu à des
transferts de
charges
de l'Etat vers les collectivités territoriales.