RÉSUMÉ
Aux
termes de l'article 11 de la loi du 29 juillet 1982, "
le contrat de
plan conclu entre l'Etat et la Région définit les actions que
l'Etat et la Région s'engagent à mener conjointement par voie
contractuelle pendant la durée du plan
".
Les contrats de plan Etat-région constituent ainsi le cadre dans lequel
se dessinent de nombreux projets qui agissent directement sur la qualité
de vie de nos concitoyens. La négociation des contrats de plan est donc
devenue un événement essentiel de la vie administrative et
politique locale.
Cependant, la procédure de contrat de plan Etat-Région est
complexe, instable et relativement méconnue. En outre, les
troisièmes contrats de plan Etat-Régions demeureront
inachevés, de sorte que la procédure de contrat de plan a
essuyé un feu nourri de critiques.
C'est dans ce contexte que la Délégation du Sénat à
la Planification a décidé la réalisation du présent
rapport d'information sur les contrats de plan Etat-Régions 1994-1999.
Ce travail part d'une double interrogation : quelles sont aujourd'hui les
appréciations et les aspirations des principaux partenaires de la
contractualisation ? Par ailleurs, dès lors que la plupart des
dépenses contractualisées auraient été
effectuées quoi qu'il advienne, qu'est ce que la procédure de
contrat de plan Etat-région change pour la décision et la
dépense publiques ?
Pour y répondre, des questionnaires détaillés ont
été adressés à l'ensemble des ministères
concernés par la contractualisation, aux Régions
métropolitaines, ainsi qu'à la DATAR et au Commissariat
général du Plan.
Dix-sept Régions métropolitaines sur vingt-deux y ont
répondu, ainsi que tous les ministres interrogés, sauf le
ministre de l'Education nationale et de la Recherche et la secrétaire
d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat. Ces réponses
constituent un matériau original d'une ampleur inédite - plus de
600 pages - dont les principaux extraits sont reproduits au fil du rapport.
Les quatre premiers chapitres du rapport analysent successivement les
modalités de préparation et de négociation des
troisièmes contrats de plan, puis leur contenu, enfin leur suivi et leur
exécution.
CHAPITRE I :
LA PRÉPARATION DES
TROISIÈMES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS
La
procédure des troisièmes contrats de plan fut très
éloignée des dispositions de la loi du 29 juillet 1982, rendue de
fait obsolète.
Fixées unilatéralement par l'Etat par voie de circulaires, les
modalités de préparation des troisièmes contrats de plan
devaient être à la fois déconcentrées et
partenariales, et s'inscrivaient dans le cadre d'un discours mobilisateur sur
l'Etat-Stratège.
En fait, si la concertation approfondie et l'élaboration d'une
"
stratégie de l'Etat en région
" ont
constitué de réels progrès, la préparation des
contrats de plan par l'Etat s'est heurtée au cloisonnement des
administrations et à l'insuffisance de la déconcentration.
En revanche, même si elles se sont concertées de manière
parfois trop formelle avec les autres collectivités locales et avec les
Conseils économiques et sociaux régionaux, les Régions ont
engagé une véritable réflexion stratégique et
prospective, ce qui explique qu'elles s'attendaient à ce que leurs
propositions soient convenablement prises en compte dans les contrats de plan.
CHAPITRE II :
LA NÉGOCIATION DES
TROISIÈMES
CONTRATS DE PLAN
Mais la
négociation des troisièmes contrats de plan fut
précipitée et inégale : les Régions se sont
heurtées au principe du noyau dur retenu par l'Etat, aux clefs de
financement fixées par le ministère de l'Equipement, à la
volonté des administrations centrales d'imposer leurs propres
procédures, au refus de l'Etat de contractualiser des politiques
expérimentales ou des actions qui relevaient des compétences des
Régions, voire à "
la mise aux enchères de ses
crédits
" par l'Etat.
Les ministères estiment dans l'ensemble que ce
déséquilibre de la négociation est légitime :
garant de l'intérêt général, de l'unité de la
Nation et de l'équilibre du territoire, l'Etat disposerait d'une
rationalité supérieure et devrait jouer un rôle
régulateur.
Pour leur part, les Régions voient donc ces négociations
biaisées, qui les conduisent à financer des politiques qu'elles
n'ont pas choisies, une atteinte aux principes de la décentralisation.
Il en résulte des conflits et des frustrations, nourris par le flou
législatif qui entoure la procédure, ainsi que par l'ambivalence
des contrats de plan : à la fois technique budgétaire et
acte politique, à la fois précis et très larges, les
contrats de plan français apparaissent d'ailleurs singuliers par rapport
aux démarches contractuelles mises en oeuvre dans les autres pays
européens.
CHAPITRE III :
LE CONTENU DES TROISIÈMES
CONTRATS
DE PLAN
L'analyse comparative de la rédaction des
troisièmes
contrats de plan montre ainsi que toutes les Régions n'y attachaient pas
la même signification, certaines y voyant plutôt un documentation
politique, d'autres plutôt un acte juridique.
Ces contrats de plan agrégeaient en outre des dispositions
hétéroclites, au risque d'un saupoudrage de crédits et
d'un affaiblissement de la notion de projet, et au point que les engagements
financiers inscrits dans les contrats étaient parfois flous.
Ces engagements financiers (164 milliards de francs au total),
caractérisés par la part croissante et désormais
prépondérante des collectivités locales, ne rendaient
d'ailleurs pas bien compte de la mobilisation des collectivités
infrarégionales, notamment des Départements et des Villes.
Néanmoins, ces engagements financiers ne doivent pas être
surestimés. Ils représentaient en effet moins de 1 % des
dépenses annuelles de l'Etat et moins de 20 % de celles des
Régions.
Certaines Régions estimeraient d'ailleurs pertinente l'extension du
champ de la contractualisation, sur la base du volontariat, à l'ensemble
des infrastructures de transports ou à certains services publics, pour
autant que cette mesure ne conduise pas à de nouveaux transferts de
charges au détriment des collectivités locales.
CHAPITRE IV :
LE SUIVI ET L'EXÉCUTION DES
TROISIÈMES CONTRATS DE PLAN
Alors
même que de nombreux rapports antérieurs avaient jugé
indispensable l'amélioration du suivi des contrats de plan, les
troisièmes contrats de plan se sont encore caractérisés
par un suivi physique très inégal, et par un suivi financier
très approximatif, de sorte que les conditions d'exécution des
contrats ne seront jamais connues avec précision.
Il est néanmoins établi que l'Etat fut un partenaire doublement
défaillant : mauvais payeur, l'Etat a souvent mis en place ses
crédits avec retard ; en outre, malgré un allongement
unilatéral d'un an de la durée d'exécution des contrats
(1994-1999, au lieu de 1994-1998), l'Etat n'aura pas respecté l'ensemble
de ses engagements.
Au total, le rapport montre que l'Etat n'aura accompli qu'environ 75 % de
l'effort annuel auquel il s'était librement engagé. Cette
défaillance sans précédent de l'Etat, qui s'explique pour
l'essentiel par une conjoncture budgétaire dégradée et par
des engagements financiers jugés "
peu soutenables
"
par la Direction du Budget, soulève la question de la portée
juridique des contrats de plan, à laquelle l'analyse
détaillée du droit positif n'apporte pas de réponse
claire : les contrats de plan apparaissent comme une notion " en
manque de droit ".
Les trois chapitres suivants examinent successivement l'impact de la
procédure de contrat de plan sur la décision publique, sur la
dépense publique et sur l'évaluation des politiques publiques.
CHAPITRE V :
LES CONTRATS DE PLAN TRANSFORMENT LA
DÉCISION PUBLIQUE
La
procédure de contrat de plan a accompagné le développement
des Régions, en stimulant leur expertise, en asseyant leur
légitimité et en développant l'identité du
territoire régional.
Par ailleurs, les contrats de plan Etat-Régions constituent
a
priori
un symbole, une vitrine et un levier pour la lente modernisation de
l'Etat. Cependant, même si la procédure des troisièmes
contrats de plan a indéniablement accru la concertation entre les
services de l'Etat et même si elle a favorisé le
décloisonnement de l'Etat vis-à-vis des acteurs locaux, la
coordination interministérielle des contrats de plan demeure
insuffisante, et la procédure n'a guère d'effet
d'entraînement sur la déconcentration.
Par ailleurs insuffisamment articulés avec les fonds structurels
européens, les troisièmes contrats de plan Etat-Régions
n'ont donc favorisé qu'une cohérence limitée de l'action
publique.
Enfin, même si la procédure est source de
prévisibilité pour les dépenses publiques, et pourrait,
selon si, elle pourrait dessiner peu à peu une répartition
nouvelle des responsabilités dans certains champs de compétence
entre l'Etat et les collectivités locales, les contrats de plan
favorisent aussi l'opacité des dépenses publiques. En
particulier, la multiplication des " financements croisés "
induits par les contrats de plan pourrait diluer les responsabilités
publiques.
CHAPITRE VI :
LES TROISIÈMES CONTRATS DE PLAN
ET
LA DÉPENSE PUBLIQUE
Le
rapport montre que la procédure de contrat de plan Etat-Régions
exerce trois types d'effets sur la dépense publique.
En premier lieu, cette procédure tendrait toutes choses égales
par ailleurs à accroître le niveau des dépenses publiques,
tout en en modifiant leur répartition au profit des dépenses
d'investissement, notamment en matière d'infrastructures
routières.
En second lieu, la procédure de contrat de plan Etat-Régions a
entraîné des transferts de charges très importants au
détriment des collectivités locales. En effet, l'Etat se sert des
contrats de plan pour faire financer ses propres projets par les
collectivités locales, voire pour leur imposer des politiques de son
choix. Au total, la procédure permet à l'Etat de décider
beaucoup plus qu'il ne paie.
Enfin, si les troisièmes contrats de plan ont peut-être
favorisé une meilleure redistribution infrarégionale des
dépenses publiques, ils ont aussi conduit à une redistribution
aveugle entre les régions, faute de critères de
répartition clairs et respectés.
Au total, le sentiment des partenaires quant à l'efficacité
globale de la procédure est mitigé, et l'on ne peut que regretter
que l'Etat ait écarté par avance toute étude de
l'efficacité globale des dépenses contractualisées.
CHAPITRE VII :
LES CONTRATS DE PLAN ET L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
La
procédure des troisièmes contrats de plan a néanmoins
favorisé et organisé l'évaluation de certaines actions
contractualisées.
Ces évaluations, qui ont donné lieu à une mobilisation
inégale et à des travaux de qualité variable, peuvent
apparaître décevantes, puisque leurs résultats, souvent de
faible portée, ont été peu diffusés et ont
été peu utilisés pour la préparation des nouveaux
contrats de plan.
Cela s'explique notamment par le caractère quasi expérimental de
la démarche et par un contexte difficile, caractérisé par
le flou des objectifs des troisièmes contrats de plan, par un calendrier
très serré, par le manque d'offre d'expertise, par les lacunes du
suivi des contrats et parfois par des réticences culturelles.
Il semble malgré cela que le dispositif d'évaluation introduit
dans les troisièmes contrats de plan ait contribué à la
diffusion d'une culture partagée de l'évaluation : la
démarche est donc à consolider.
Le dernier chapitre et la conclusion se demandent dans quelle mesure la
procédure d'élaboration des nouveaux contrats de plan (2000-2006)
a tiré les leçons de la génération
précédente, puis formulent des préconisations.
CHAPITRE VIII :
LES MÊMES ÉCUEILS POUR
LES
CONTRATS DE PLAN (2000-2006) ?
Les
circulaires relatives à l'élaboration des quatrièmes
contrats de plan (2000-2006) semblaient répondre aux observations
précédentes et aux attentes exprimées par les
collectivités locales. En effet, elles annonçaient une
procédure d'élaboration des nouveaux contrats de plan plus
rationnelle, plus cohérente, plus ouverte aux choix locaux, et
susceptible d'améliorer l'exécution, le suivi et
l'évaluation des contrats.
Pourtant, l'autosatisfaction qui ressort des réponses des
ministères contraste singulièrement avec la déception des
Régions : malgré des avancées, la procédure
d'élaboration des nouveaux contrats de plan s'est
caractérisée selon elles par un calendrier bousculé, par
une logique (re)centralisatrice et budgétaire, et surtout par le manque
de règles du jeu.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a pu être avancé, les
engagements annuels initiaux de l'Etat contenus dans la quatrième
génération des contrats de plan, mesurés en francs
constants, traduisent un net recul par rapport à la troisième
génération. Néanmoins, compte tenu de l'étiage
atteint sur la période 1997-1999 par les dépenses
contractualisées de l'Etat, l'Etat devra considérablement
accroître son effort financier pour respecter ses nouveaux engagements.
Il s'agit là peut-être là d'un pari sur la conjoncture des
six prochaines années.
CONCLUSION ET PRINCIPALES PRÉCONISATIONS
La
procédure de contrat de plan, qui constitue
a priori
un gage de
qualité de l'action administrative, a donc été
dévoyée par l'Etat. Celui-ci l'a utilisée comme un moyen
pour conserver certaines prérogatives et pour imposer des concours
financiers aux collectivités locales. Ce triste constat explique que les
Régions saluent l'intérêt de principe de la démarche
contractuelle, mais en déplorent les modalités.
Enfants de la décentralisation, qui rendait nécessaire un
instrument de gestion des interdépendances entre des
collectivités publiques autonomes, les contrats de plan sont devenus des
enfants parricides.
Le rapport appelle dès lors à un vaste débat parlementaire
pour préciser les règles du jeu contractuel et pour
réformer les dispositions obsolètes de la loi du 29 juillet 1982
relatives aux contrats de plan.
Par ailleurs, l'Etat doit engager un mouvement de vigoureuse
déconcentration, afin que les collectivités locales disposent de
réels partenaires.
Enfin, le rapport estime éminemment souhaitable que les contrats de plan
deviennent le cadre privilégié de mise en oeuvre du triptyque
expérimentation - évaluation - généralisation, tant
pour les politiques publiques, que pour la répartition des
compétences entre les collectivités publiques.