C. LE MANQUE DE RÈGLES DU JEU
•
Votre rapporteur s'interroge sur les
critères
qui ont
présidé à la répartition des engagements de l'Etat
entre les régions.
La circulaire du Premier ministre du 31 juillet 1998 indiquait à ce
sujet : "
le cadrage financier des prochains contrats de plan sera dans
un premier temps fonction de la situation générale des
indicateurs établis par l'INSEE, ainsi que des inégalités
de satisfaction des besoins, notamment en termes de services rendus aux
populations. Dans un second temps, il prendra en compte l'état et le
contenu des projets de pays et d'agglomération et le degré
d'engagement de la Région en faveur des priorités de l'Etat,
notamment exprimées par les schémas de services
collectifs
".
Pour sa part, la circulaire de la ministre de l'Aménagement du
Territoire et de l'Environnement en date du 1
er
juillet 1998
précisait que "
les enveloppes financières seront l'objet
d'un arbitrage ultérieur au vu de la richesse de la région, de
son niveau de chômage, de l'importance de ses problèmes
d'exclusion et des difficultés particulières que présente
son territoire du point de vue de l'environnement. Cet arbitrage s'appuiera et
accompagnera, en second lieu, les démarches et les dynamiques de
développement ou de conversion engagées par la Région, ses
agglomérations
et ses pays, en prenant en considération
l'effort prévu ou engagé par les acteurs locaux
".
Ces critères de répartition n'étaient
pas
identiques
d'une circulaire à l'autre. Par exemple, seule la
circulaire de la ministre de l'Aménagement du territoire et de
l'Environnement évoquait les
" difficultés
particulières du territoire du point de vue de
l'environnement
" parmi les critères de répartition.
Inversement, la circulaire du Premier ministre était la seule à
retenir "
le degré d'engagement de la Région en faveur
des priorités de l'Etat
".
Cette
ambiguïté
n'a pas été dissipée
par la suite, de sorte que l'on ne peut entièrement s'expliquer la
répartition des crédits de l'Etat finalement annoncée par
le CIADT du 23 novembre 1999 (cf. tableau ci-après) et notamment
caractérisée par un rééquilibrage au profit des
régions les plus riches : l'enveloppe annuelle par habitant
allouée aux dix Régions les plus riches en termes de PIB par
habitant augmente en moyenne de 20 %, tandis que celle allouée aux
dix régions les plus pauvres, hors Corse, n'augmente que de 1 %
seulement.
LA
RÉPARTITION RÉGIONALE DES ENVELOPPES DE L'ETAT
POUR LES QUATRIÈMES CONTRATS DE PLAN (2000-2006)
|
Rang de la région pour le PIB par habitant (1) |
Groupe
pour les contrats de plan
|
Montant en francs par habitant et par an
pour
|
Montant en francs par habitant et par an
pour
|
Evolution
|
Languedoc-Roussillon |
22 |
2 |
280,5 |
282 |
+ 0,7 |
Corse |
21 |
3 |
615 |
910 |
+ 48,0 |
Limousin |
20 |
1 |
406,5 |
432 |
+ 6,4 |
Poitou-Charentes |
19 |
1 |
267 |
280 |
+ 4,8 |
Auvergne |
18 |
1 |
313 |
292 |
- 6,8 |
Picardie |
17 |
2 |
227 |
231 |
+ 2,3 |
Bretagne |
16 |
1 |
298,5 |
293 |
- 1,9 |
Nord-Pas-de-Calais |
15 |
1 |
350 |
360 |
+ 2,8 |
Midi-Pyrénées |
14 |
3 |
295,5 |
314 |
+ 6,2 |
Lorraine |
13 |
1 |
328 |
332 |
+ 1,1 |
Bourgogne |
12 |
2 |
227,5 |
219 |
- 3,7 |
Basse-Normandie |
11 |
2 |
343 |
356 |
+ 3,7 |
Aquitaine |
10 |
2 |
182 |
233 |
+ 28,2 |
Pays de la Loire |
9 |
2 |
158 |
202 |
+ 27,9 |
Franche-Comté |
8 |
3 |
270,5 |
282 |
+ 4,3 |
Centre |
7 |
3 |
166 |
211 |
+ 27 |
Provence-Alpes
|
6 |
3 |
162 |
233 |
+ 43,6 |
Champagne-Ardenne |
5 |
2 |
237 |
257 |
+ 8,2 |
Rhône-Alpes |
4 |
3 |
161 |
211 |
+ 31 |
Haute-Normandie |
3 |
2 |
216 |
262 |
+ 21,4 |
Alsace |
2 |
3 |
245,5 |
246 |
+ 0,2 |
Ile-de-France |
1 |
4 |
173 |
198 |
+ 14 |
Métropole (3) |
|
|
229 |
256 |
+ 11,8 |
1.
Chiffres disponibles à l'été 1998 : INSEE
Première n° 602, août 1998, PIB de 1994.
2. Sur six ans, y compris les programmes d'accélération
complémentaires.
3. Hors programmes interrégionaux.
Source : DATAR, INSEE, Les Echos.
Les attentes des Régions en matière de
transparence
n'ont
donc pas été satisfaites.
Au contraire, la répartition établie lors du CIADT a
été largement vidée de son sens par l'annonce concomitante
du cofinancement par l'Etat de plusieurs grands projets d'infrastructure, hors
contrats de plan, pour un montant total d'une vingtaine de milliards de francs,
et au bénéfice notamment de l'Ile-de-France.
• Par ailleurs, la procédure est de plus en plus
éloignée de son support législatif : les circulaires
relatives aux quatrièmes contrats de plan ne font quasiment plus
référence aux dispositions de la
loi du 29 janvier 1982
sur les contrats de plan Etat-Régions. Pourtant, cette loi n'a
été ni abrogée, ni réformée.
Plus généralement, il n'y a eu ni discussion au Parlement, ni
débat public, ni précisions de la part du Gouvernement sur la
nature des contrats de plan Etat-Régions et notamment sur la
portée des engagements inscrits dans les contrats de plan.
Compte tenu de l'expérience des troisièmes contrats de plan, dont
les engagements n'ont pas été tenus, certaines Régions
s'interrogent ainsi sur la signification des contrats qu'elles ont
été conduites à co-signer et plus particulièrement
sur les obligations réciproques des parties
182(
*
)
.
Au total, un peu plus d'un an après la publication de son rapport
à la ministre de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement, M. Jacques CHEREQUE soulignait son inquiétude
devant l'absence de
règles du jeu
183(
*
)
.