II. L'AUTOSATISFACTION DES MINISTÈRES
A la fin
du questionnaire adressé à l'ensemble des ministères
concernés par les contrats de plan Etat-Région, votre rapporteur
leur demandait "
dans quelle mesure la procédure
d'élaboration de la quatrième génération de
contrats de plan Etat-Régions répond-elle aux observations
précédentes sur la troisième génération de
contrats de plan Etat-Régions ?
"
A cette question, la plupart des ministères ont apporté des
réponses très
optimistes
. Le plus souvent, ces
réponses soulignent ainsi les
améliorations
apportées à la procédure. Elles dessinent d'ailleurs
en
creux
les défauts des troisièmes contrats de plan, au point
de contredire parfois les assertions lénifiantes avancées en
réponse aux questions précédentes.
Les extraits les plus significatifs de ces réponses sont reproduits
ci-après, par ordre d'importance des enveloppes
ministérielles
179(
*
)
concernées :
• Selon le ministère de
l'Equipement
, des
Transports
et du
Logement
(46 % des engagements de l'Etat lors
des contrats de plan 1994-1999, 36 % de la première enveloppe Etat des
contrats 2000-2006), "
par rapport aux dispositions de la
troisième génération de contrats de plan, la
procédure en cours pour la quatrième génération se
traduit par les
améliorations
suivantes :
- un affichage des politiques de l'Etat plus global et plus
cohérent
, qu'il s'agisse de la politique mutimodale de transport
ou des politiques urbaines ;
- une méthode d'élaboration mieux
déconcentrée
, avec l'établissement par les
directions régionales de l'équipement des rapports d'orientations
multimodaux et la démarche des diagnostics et des projets
d'agglomération ;
- une répartition des enveloppes entre les régions plus proche de
l'appréciation des
besoins
réels restant à
satisfaire ;
- la mise en place de procédures de
suivi
des contrats dès
l'origine des plans.
"
• L'encadré ci-après reproduit les réponses du
ministère de
l'Education nationale
et de la
Recherche
(17
% des engagements de l'Etat lors des contrats de plan 1994-1999, 18 % de la
première enveloppe Etat des contrats 2000-2006) :
LES RÉPONSES DU MINISTÈRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE AU QUESTIONNAIRE DU SÉNAT.
En
dépit de relances répétées, le ministère de
l'Education nationale et de la Recherche s'est
refusé
de
répondre au questionnaire de votre rapporteur.
Il s'agit là du seul ministère de plein exercice qui se soit
refusé à cet exercice d'information du Parlement, en violation
des dispositions expresses de la loi du 29 janvier 1982 portant réforme
de la planification.
Il est vrai que le ministère de l'Education nationale et de la Recherche
n'a pas non plus respecté les règles du jeu de la
procédure des contrats de plan, notamment en ayant souvent
refusé
toute véritable
négociation
pour les
quatrièmes contrats de plan.
• Pour sa part, le ministère de
l'Agriculture et de la
Pêche
(9 % des engagements de l'Etat lors des contrats de plan
1994-1999, 9 % de la première enveloppe Etat des contrats 2000-2006),
indique :
"
Pour la période 2000-2006, le ministère
a défini une
stratégie claire
dès le
départ, qui a constitué une référence pour tous les
partenaires au cours de l'exercice qui aura au total une durée de
près de deux ans.
L'élaboration de cette stratégie a permis notamment de recentrer
la contractualisation sur une
logique de projet
par rapport aux
précédentes générations.
La déclinaison de cette stratégie a été suivie de
façon fine par des
échanges
réguliers entre le
niveau central, les services déconcentrés et les SGAR.
Il n'a pas eu à ce jour de véritable exercice
d'évaluation
des actions conduites dans les contrats de plan
successifs. Le ministère souhaite améliorer cette situation et
prévoit un dispositif spécifique en cours d'élaboration et
qui sera mis en cohérence si besoin avec la procédure
prévue par le Commissariat général du Plan
. "
En réponse à d'autres questions de votre rapporteur, le
ministère de l'Agriculture et de la Pêche avait également
évoqué d'autres avancées de la procédure
d'élaboration des quatrièmes contrats de plan Etat-Région.
Ainsi, "
pour la période 2000-2006, une
simulation
objective
, préalable aux discussions, a été
menée afin de tenter d'estimer le niveau des enveloppes
régionales ; des critères tels que le nombre relatif
d'exploitations agricoles ou d'entreprises de transformation, le revenu moyen,
le montant des aides versées au travers de la PAC, le nombre d'hectares
boisés ont été utilisés. La négociation qui
s'est déroulée ultérieurement a fait évoluer cette
répartition initiale, mais un certain
rééquilibrage
a été obtenu entre régions ; Pays de la Loire,
Poitou-Charentes, Basse-Normandie ont ainsi vu leurs dotations augmenter comme
cela en avait été l'objectif pour le ministère
".
Par ailleurs, pour éviter "
l'écueil
" d'une
logique de guichet et pour "
recentrer la contractualisation sur des
objectifs et des projets communs à l'Etat et à la
Région..., le nombre de
chapitres
budgétaires soumis
à la contractualisation a été
réduit
".
Enfin, "
pour ce qui concerne le ministère de l'Agriculture et
de la Pêche, les contrats de plan sont construits autour de deux
axes
prioritaires
: développement des activités et des
emplois, gestion durable des milieux. Des indications précises ont
été fournies aux préfets et aux services
déconcentrés quant au contenu de ces deux axes. Ainsi, les
actions développées autour de la valorisation qualitative des
produits, via les offices agricoles, ont été redéfinies de
façon à ce qu'elles soient mieux adaptées aux changements
importants donnés à la politique agricole (Contrats territoriaux
d'exploitation, notamment), d'une part, aux spécificités
régionales, d'autre part
. "
• S'agissant de la politique de la ville (4 % des engagements de l'Etat
lors des contrats de plan 1994-1999, 9 % de la première enveloppe
Etat des contrats 2000-2006), le ministère de la
Ville
a fait
part des intentions suivantes :
"
Grâce à l'effort fait depuis vingt ans par tous les
acteurs de la politique de la ville, les ambitions de cette politique sont
aujourd'hui largement partagées et les pratiques se sont
enrichies ; il convient cependant d'approfondir les principes de
globalité et de transversalité qui sont au coeur de cette
politique. Dans cette perspective, le Comité interministériel
à la ville (CIV) du 30 juin 1998 a décidé le lancement
anticipé de contrats dans seize agglomérations
sites
pilotes
afin d'expérimenter de nouvelles méthodes
partenariales d'élaboration et de management des projets avant la
définition et la mise en oeuvre des contrats de ville 2000-2006. Afin de
renouveler les méthodes de travail dans un souci de plus grande
efficacité, les sites pilotes privilégient les approches
suivantes :
- prendre en compte l'ensemble des enjeux de la crise urbaine, quelle que soit
leur échelle territoriale ; si la politique de la ville intervient
toujours fortement dans les quartiers difficiles, en faveur des personnes qui
en ont le plus besoin, il s'agira également de penser le
développement de la ville dans sa
globalité
pour enrayer
la dynamique de ségrégation urbaine
;
- placer au coeur de cette politique les
acteurs de terrain
; la
démarche privilégiera donc le projet élaboré
à l'échelon local ;
-
impliquer
les
habitants
, ...[qui]
doivent pouvoir
intervenir à tous les niveaux d'élaboration et de mise en oeuvre
du projet et suivre son évolution ;
- mieux
mobiliser
les services déconcentrés de
l'Etat... ;
- approfondir les
liens
entre les Départements, les
Régions et la politique de la ville.
Les démarches conduits à ce jour établissent
...
[notamment]
la nécessité de passer à une logique plus
ambitieuse s'attaquant aux mécanismes mêmes de
ségrégation, ... à l'échelle de
l'agglomération
.
Et les travaux conduits au plan local, ... mettent l'accent sur l'importance de
la question de la
mixité de l'habitat
. Ils permettent aussi de
repérer des enjeux qui n'avaient pas fait l'objet d'une prise en compte
suffisante dans les
précédents contrats
: la
santé, les transports, la prévention de la délinquance des
mineurs, la gestion urbaine de proximité ; ils soulignent la
nécessité d'appréhender de manière mieux
coordonnée et mieux adaptée les questions de l'accès
à l'emploi, du projet éducatif local, de l'intégration des
populations d'origine étrangère
".
• Selon le ministère de
l'Emploi et de la
Solidarité
(8 % des engagements de l'Etat lors des contrats de
plan 1994-1999, dont 3 % pour le secteur santé-social, et 8 % de la
première enveloppe Etat des contrats 2000-2006, dont 3 % pour le
secteur santé-social), "
la procédure
d'élaboration des contrats de plan Etat-Région de
quatrième génération apporte des
améliorations
manifestes
par rapport à celle des contrats de plan
Etat-Régions de troisième génération, même si
une réserve générale doit être faite eu égard
à une mémoire insuffisamment conservée sur la
procédure qui s'est déroulée il a entre 7 et 9 ans :
- une meilleure adaptation aux
besoins locaux
;
- une meilleure articulation avec les programmes communautaires ;
- une plus grande
transversalité
des actions ;
- des projets plus
cohérents
et
viables
globalement parce
que recherchant une complémentarité des financements, entre
investissement et fonctionnement ;
- la mise en place d'un
suivi
et d'une évaluation plus
précis et plus fins
".
Par ailleurs, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité
souligne l'inflexion de ses actions au profit des
investissements
immatériels
et de
l'animation
des territoires :
"
les programmes régionaux de la santé, les observatoires
régionaux de la santé, les actions contractualisées au
titre des droits des femmes et l'approche globale en matière
d'égalité des chances entre les hommes et les femmes, les
investissements hospitaliers dans les DOM, les investissements dans la
formation des travailleurs sociaux, l'accroissement des capacités
d'accueil des structures médico-sociales particulièrement dans
les régions qui accusent un retard nuisant à
l'attractivité des territoires sont autant d'exemples forts d'une
animation des territoires, d'une prise en compte globale des problèmes
sanitaires et sociaux et de projets s'inscrivant largement dans une approche
territoriale et immatérielle
".
• Le secrétariat d'Etat à
l'Industrie
(5 % des
engagements de l'Etat lors des contrats de plan 1994-1999, 5 % de la
première enveloppe Etat des contrats 2000-2006) est plus laconique,
puisqu'il indique seulement avoir "
conservé la même
politique consistant à laisser une très large marge d'initiative
aux partenaires locaux
".
• De même, le ministère de
l'Environnement
(1,55 % des engagements de l'Etat lors des contrats de plan
1994-1999 ; 2,9 % de la première enveloppe Etat des contrats
2000-2006), indique seulement que la procédure d'élaboration des
quatrièmes contrats de plan Etat-Région répond aux
observations précédentes sur la troisième
génération de contrats de plan "
dans la mesure où
la part relative du ministère est plus forte
".
• Le ministère de la
Culture
(1,75 % des
engagements de l'Etat lors des contrats de plan 1994-1999 ; 2,2 % de
la première enveloppe Etat des contrats 2000-2006), est également
sybillin s'agissant des nouveaux contrats de plan : "
la
quatrième génération des contrats de plan a justement pour
objectif d'affiner le maillage des territoires tandis que notre pays a
pratiquement achevé son équipement culturel et artistique en
terme d'investissements. Cela implique également qu'un partage des
responsabilités puisse concernant le financement des activités
puisse s'engager, en particulier dans le prochain contrat de plan
".
• En revanche, le ministère de la
Jeunesse
et des
Sports
(0,18 % des engagements de l'Etat lors des contrats de
plan 1994-1999 ; 0,72 % de la première enveloppe Etat des
contrats 2000-2006) souligne l'amélioration de la
concertation
: "
la procédure mise en place pour la
quatrième génération a laissé une place beaucoup
plus importante à la concertation. Dès le début 1998, les
services régionaux ont participé aux groupes de travail mis en
place par les préfets de région. La définition des
priorités ministérielles s'est appuyée notamment sur les
besoins exprimés par les Régions...
".
• Enfin, le secrétariat d'Etat au
Tourisme
(0,34 % des engagements de l'Etat lors des contrats de plan
1994-1999 ; 0,57 % de la première enveloppe Etat des contrats
2000-2006) insiste sur l'amélioration du pilotage de la
procédure par l'administration centrale :
"
La préparation de la troisième génération
de contrats de plan avait principalement souffert d'une insuffisance
d'implication de l'administration centrale du tourisme, qui n'avait pas
considéré cet instrument de planification de la politique de
l'Etat comme un enjeu majeur. Il en a résulté un niveau
d'intervention global en retrait par rapport au poids réel du secteur du
tourisme dans l'économie nationale et dans l'emploi, et une dispersion
des interventions excessive où n'apparaissaient pas de grandes lignes
directrices cadrant l'ensemble des dispositifs élaborés et mis en
oeuvre au plan régional. Des thèmes aussi stratégiques
que, par exemple l'observation économique du tourisme, avaient
été négligés
.
Le secrétariat d'Etat au Tourisme a souhaité, contrairement
à la génération précédente, s'engager dans
une
démarche volontariste
pour la préparation de la
quatrième génération des contrats de plan, en prenant
appui sur la connaissance et l'expérience irremplaçable des
services déconcentrés, ..., en valorisant ce savoir, pour
réaliser un bilan critique des contrats de plan en cours
d'exécution, évaluer la pertinence du maintien d'une
contractualisation dans le secteur du tourisme et élaborer ainsi des
orientations cohérentes intégrant des éléments de
la politique nationale du tourisme aussi essentiels que la création
d'emplois, le droit aux vacances pour tous et le développement
durable... Cette démarche a été conçue non comme
une procédure fermée mais au contraire a été
accompagnée d'une méthode de travail faite d'écoute et de
concertation
avec l'ensemble des partenaires et composantes de ce
secteur, principalement au plan régional...
".
• Au total, la plupart des ministères sont donc
satisfaits
des conditions de préparation et d'élaboration des
quatrièmes contrats de plan dans leurs domaines respectifs, et ils
estiment que la procédure des contrats de plan 2000-2006 s'est
effectivement
caractérisée par :
- des
priorités
resserrées
, plus claires et
davantage tournées vers la création d'emploi et le
développement durable ;
- des
échanges
accrus entre les administrations centrales et les
services déconcentrés ;
- une démarche plus
cohérente
et plus rationnelle ;
- une
concertation
améliorée
et une meilleure prise
en compte des besoins, de sorte que la contractualisation recouvrirait
davantage une démarche de projet ;
- enfin, la mise en place d'un
suivi
plus précis et d'une
évaluation plus rationnelle.
Ainsi, selon le Commissariat général du Plan, [il]
"
serait excessif de considérer que la procédure
d'élaboration de la quatrième génération des
contrats Etat-Régions a totalement répondu aux observations
portées sur celle de la troisième génération.
Néanmoins, des
améliorations substantielles
ont
été apportées
".
• En particulier, le ministère de l'Intérieur estime que
"
le Gouvernement a pris en compte... les principales
observations
formulés par Monsieur
CHÉRÈQUE
sur l'élaboration de la troisième génération de
contrats de plan,[qui] portaient sur l'ouverture insuffisante de l'Etat aux
demandes des
Régions, sur le non respect des engagements de
l'Etat et sur la place trop importante donnée aux grands
équipements au détriment du développement local ".
En effet, selon le ministère de l'Intérieur et la DATAR :
- comme annoncé, les préfets ont eu la possibilité de
modifier plus ou moins 10 % des enveloppes ministérielles hors routes et
universités, et le contenu des enveloppes ministérielles a
été effectivement défini par les préfets
après négociation avec le Conseil régional. Selon le
ministère de l'intérieur, "
pour la période
2000-2006, la latitude des préfets a [donc] été encore
plus importante
"
.
Par ailleurs, les crédits de la
seconde enveloppe ont bien été principalement
réservés aux priorités que les Régions ont fait
prévaloir. La répartition et l'affectation des engagements de
l'Etat ont donc été davantage
négociés
et
reflètent plus les
choix régionaux
;
- pour prévenir les "
difficultés rencontrées par
l'Etat pour tenir ses
engagements
", les préfets
ont veillé à faire porter la négociation sur des projets
effectivement susceptibles d'être mis en oeuvre sur l'exercice du
contrat, et le suivi a été renforcé ;
- enfin, le "
Gouvernement s'est attaché à encourager le
développement local en proposant la mise en place du volet
territorial
".
La satisfaction des ministères contraste cependant avec la relative
déception
des
Régions
.