Pour une Union véritable

M. Michal MIASKIEWICZ
Représentant de l'Assemblée européenne des Jeunes

Le danger des murs
Les murs du passé

Le Mur de Berlin, qui est évoqué dans l'intitulé de la séance de ce matin, est un de symboles les plus manifestes et les plus mornes de l'histoire. Cependant, il n'est pas seul à représenter le totalitarisme, la domination. Le Rideau de fer, que Churchill décrivit à Fulton (Missouri, USA) en 1946 et la barrière du chantier naval de Gdansk, que Lech Walesa escalada en 1980 pour sonner le début de la dissolution du communisme, sont autant d'incarnations de ce fameux Mur, qui tomba à Berlin en 1989.

Lorsque je suis né il y a 18 ans, Gdansk, ville hanséatique qui avait vu naître Hevelius, Fahrenheit et Schopenhauer, figurait encore parmi ces villes situées « de l'autre côté du Mur », où la liberté était une invention bourgeoise, où l'égalité obéissait à la règle d'Orwell, « Nous sommes tous égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres », où la fraternité n'avait de sens que dans le contexte de « Big Brother ». Mon côté du Mur n'était pas bardé de graffitis bariolés mais gris et menaçant. Si je suis devant vous aujourd'hui, c'est grâce non seulement à l'invitation que j'ai reçue, dont je suis sincèrement reconnaissant, mais également grâce à un heureux jugement de l'histoire.

Les spectres de l'avenir

Il est peut-être surprenant d'entendre ces mots de la bouche d'un jeune homme dont la seule expérience vécue du communisme se résume, je l'avoue, à plusieurs heures passées dans des files d'attente pour obtenir du sucre. Mais mes propos trouvent leur justification dans deux faits. Tout d'abord, je suis un Européen d'Europe centrale et, de même que mes concitoyens, j'apporte à la nouvelle Europe la conscience de l'histoire et l'expérience du totalitarisme. Ayant réussi à abattre ce mur qui a divisé l'Europe pendant 45 ans, nous, Européens, ne devons pas laisser s'ériger de nouveaux murs. Certains diront que le modèle bipolaire est révolu, qu'il est inconcevable que se bâtisse un nouveau mur.

Je leur répondrai que les murs n'ont pas besoin d'être des structures physiques à deux dimensions pour créer l'oppression et être à l'origine de l'exclusion. Aujourd'hui, il est légitime de craindre qu'un nouveau mur s'érige entre les bénéficiaires d'une part et les victimes d'autre part de la transformation qui s'est opérée dans certains pays post-communistes. Si la modernisation de l'Ukraine continue d'être aussi lente, si les principes des accords de Schengen sont appliqués en Pologne avec autant d'intransigeance que dans d'autres pays, la séparation autrefois dessinée par l'Elbe se déplacera vers la Bug, qui dessine la frontière orientale de la Pologne. J'aimerais me concentrer sur le deuxième danger, le danger économique. Faut-il reculer devant l'élargissement sous prétexte que la suppression des frontières économiques et politiques entre Etats membres entraîne fatalement le renforcement des frontières de l'Union européenne et, donc, d'un nouvel enfermement ? Ce serait absurde. Le seul élément nécessaire pour empêcher la naissance de nouvelles divisions en Europe est celui qui joue un si grand rôle dans l'histoire politique et intellectuelle de mon pays depuis vingt ans : la solidarité. L'Europe occidentale ne peut se permettre de rester une île où règne la légalité, la sécurité et la prospérité au milieu de l'océan de l'instabilité, de la pauvreté et du désespoir, même si je n'ai la prétention de lui indiquer comment elle doit faire pour éviter cette réalité.

Le rôle du Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe doit être fondé sur le principe de la solidarité. Si l'Union européenne parvient à devenir synonyme de parfaite intégration des Etats, elle s'imposera d'elle-même. Il ne fait aucun doute que je suis conquis par l'idée d'une intégration européenne à la fois économique, politique et militaire. Je soutiens ardemment cette Europe, qui saura se tailler une place sur le marché international, qui sera fondé sur le respect des cultures qui la constituent, qui s'appuiera à la fois sur le passé et le présent. Il n'en reste pas moins que l'Europe ne pourra pas accueillir tous les pays dont les citoyens se sentent pourtant membres de la famille européenne. Ce sentiment d'appartenance est particulièrement manifeste dans plusieurs pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est.

L'identité européenne

Norman Davies en donne un témoignage dans son ouvrage L'Europe : une histoire . En 1923, un des premiers bâtiments de la Ligue pan-européenne, idée du comte Richard Coudenhove-Kalergi, s'ouvrait à Tallinn, la capitale de la Lettonie. Une plaque en bronze fut accrochée à la porte principale portant la mention suivante : PANEUROPA UNION ESTONIA. Dix-sept ans plus tard, lorsque l'Armée Rouge envahit la Lettonie, les membres de la Ligue cachèrent la plaque. En 1992, lorsque Otto von Habsburg, membre du Parlement européen, vint en visite en Lettonie, ses hôtes sortirent la plaque de sa cachette et la lui présentèrent. Symbole des aspirations secrètes des Lettons, elle avait été dissimulée pendant 50 ans.

Lorsque l'on demanda à l'évêque Tadeusz Pieronek, membre de l'épiscopat de Pologne, pourquoi il était favorable à l'Europe, il répondit : « Parce que l'Europe est ma terre. Elle est dépositaire de mes croyances, qu'on a voulu m'arracher. Elle est ma civilisation ». A ma grande joie, la Pologne et la Lettonie doivent devenir membres de l'Union européenne d'ici quelques années. Néanmoins, même si tous les pays candidats à l'heure actuelle étaient intégrés à l'Union, elle ne compterait toujours que 22 membres. Le Conseil de l'Europe compte deux fois plus de membres, la seule condition d'entrée étant le respect des droits de l'homme et de la démocratie.

Une mission humaine

De toute évidence, le Conseil de l'Europe joue un rôle primordial. Il permet à ses membres de participer à une communauté européenne basée sur la civilisation et ses valeurs fondamentales. De même qu'il est à juste raison impossible de définir l'Europe en une seule formule, il est impossible de décrire les valeurs fondatrices de cette Europe. Il suffit de rappeler qu'elles représentent tout ce pourquoi le Conseil de l'Europe a lutté pendant 50 ans : les droits de l'homme, l'Etat de droit, la diversité culturelle, le droit à sa terre natale, en sont les exemples les plus importants. Malgré ses nombreuses réussites, le Conseil a été accusé de céder à la bureaucratie, d'être trop lent à prendre des décisions et de manquer de volonté dans l'application de ses décisions. Le président de la République française a contredit ces critiques en disant : «Entre un sommet inutile et un sommet utile, il y a une révolution ». Je partage cet avis.

Je crois que le Conseil de l'Europe mérite le titre de conscience de l'Europe. Or on ne peut avoir la conscience nette que si on n'admet aucune exception. Conscients de cela, les membres du Conseil sont en train d'élaborer des instruments qui pourraient définir les normes législatives pour toute l'Europe, non pas de l'Atlantique à l'Oder, mais de l'Atlantique à l'Oural. Les défis nouveaux continuent de surgir. Les Balkans et le Caucase ont été divisés par la construction de nouveaux murs faits de peur et de haine. Tant que le Conseil de l'Europe se donnera pour mission d'oeuvrer pour la destruction de ces murs en Europe, son existence sera justifiée et ses actions dignes d'éloges.

La contribution de la jeunesse

En tant que jeune homme, il est normal que je m'interroge et que je sois interrogé sur le rôle de la jeunesse européenne dans la création de ce continent qui se veut sans murs. Avant de pouvoir répondre à cette question, il faut s'entendre sur ce que nous entendons par « Europe-Unie ». Aucune affirmation ne me paraît plus vraie et plus poignante que celle de Jean Monnet lorsqu'il fut questionné sur les objectifs de l'Europe. Il répondit : « Il ne s'agit pas de créer une coalition d'Etats, mais d'unir des individus ». La communauté européenne n'aura pas de légitimité tant qu'elle restera le fruit des résolutions du Conseil de l'Europe ou des directives de la Commission européenne. Elle doit être proclamée par les Européens eux-mêmes, une fois que ceux-ci auront décidé d'en devenir les patriotes. Non seulement ce type de patriotisme européen n'empêche pas les appartenances régionales ou nationales, mais il en dépend.

Les sociologues affirment que, plus l'on est jeune, plus il est facile d'accepter ce patriotisme stratifié. Pour toucher les jeunes d'aujourd'hui, il faut faire en sorte que l'Europe ne reste pas un ensemble d'institutions bureaucratiques, dont les initiatives, aussi louables qu'elles soient, restent inaccessibles pour l'individu moyen. Le Conseil de l'Europe est conscient de cet impératif et se mobilise, à travers sa Direction de la Jeunesse et ses Centres pour la Jeunesse à Strasbourg et à Budapest, pour former la prochaine génération de dirigeants politiques, dont la mission sera de continuer à « unir les Européens ».

Il a par ailleurs adopté la résolution 1152 (1998), qui indique que : « Les jeunes sont l'avenir de l'Europe et constitue un moteur de changement positif. Aussi sont-ils des partenaires essentiels pour le Conseil de l'Europe ". La première Assemblée des Jeunes, qui s'est tenue au Palais de l'Europe à Strasbourg en avril a donné une confirmation éclatante de la volonté du Conseil de l'Europe d'associer les jeunes à sa mission. Cette assemblée, qui réunissait 286 jeunes issus de quarante et un pays européens, avait été conçue selon le modèle de l'Assemblée parlementaire. Elle a traité trois questions choisies au préalable par les membres, mais a également manifesté son indépendance, son sens de la solidarité et sa volonté d'agir en organisant un débat improvisé sur la situation au Kosovo et en adoptant des propositions de résolutions, préparées sur place par les membres. L'Assemblée fut un succès retentissant. Cette assemblée supranationale est la seule constituée par des jeunes à posséder ce caractère pan-européen, à donner l'occasion de manier les outils de la démocratie et à cultiver tant de nouvelles amitiés, basées non pas sur une coïncidence de naissance dans un lieu géographique, mais sur le partage des passions et des convictions.

Mesdames et Messieurs, depuis la clôture de cette Assemblée des jeunes, moi-même et plusieurs autres membres de l'Assemblée tentons de faire connaître son principe ainsi que la mission du Conseil de l'Europe. La force de notre engagement n'est pas difficile à comprendre à l'heure où 83 % des membres de l'Assemblée des Jeunes affirment que les jeunes d'aujourd'hui ne font plus confiance aux hommes politiques ni aux institutions. Le rôle positif que nous avons joué et que nous continuerons de jouer est la preuve que l'Europe a besoin de ses jeunes. Si le Conseil de l'Europe décidait de reconduire cette initiative sous quelque forme que ce soit, il rassemblerait et contribuerait à former près de 300 jeunes convaincus de l'importance de l'Europe. Je suis convaincu que cela embellirait l'image du Conseil de l'Europe et, qui plus est, favoriserait la construction de cette Europe sans murs, que nous nous sommes engagés à créer.

Mme Josette DURRIEU, Présidente de la Délégation française à l'Assemblée du Conseil de l'Europe :

Merci de cette excellente initiative. Vous nous avez fait part de votre enthousiasme. Vous avez exprimé un certain scepticisme vis-à-vis de la politique. Je crois que vous avez tort, mais vous avez le temps de changer d'avis ! Vous avez exprimé tout votre patriotisme européen. Vous avez eu une très belle formule : « Nous voulons unir les peuples et non pas seulement les pays ».

Allocution de M. Pierre MOSCOVICI
Ministre délégué aux Affaires européennes

Je suis honoré et heureux d'avoir été invité à clôturer la première partie de ce colloque. Je tiens à saluer tout particulièrement Josette Durrieu pour cette initiative tout à fait opportune.

Cette année est celle du cinquantième anniversaire du Conseil de l'Europe. Elle a fait l'objet de célébrations organisées à Strasbourg, à Londres et à Budapest il y a quelques mois, à la date anniversaire de la création, le 5 mai 1949, du Conseil de l'Europe. J'étais moi-même à Budapest à cette occasion pour signer la Charte des langues et cultures régionales dont on sait le succès relatif qu'elle a connu dans notre pays. J'ai pu constater à Budapest la volonté unanime des dirigeants européens de participer activement à cette deuxième jeunesse de l'Europe. La délégation française a souhaité à son tour commémorer le cinquantième anniversaire de cette organisation pour en dresser un bilan, mais surtout pour dégager des pistes de réflexion pour l'avenir. De même, c'est l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui avait pris l'initiative de proposer à la France, en 1997, d'organiser un deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement au moment où notre pays exerçait la présidence de l'Organisation. Il lui avait paru opportun de donner un nouvel élan à l'action du Conseil de l'Europe alors que la fin de la guerre froide, marquée par l'élargissement de votre Organisation, lui conférait une dimension paneuropéenne nouvelle et qu'il convenait de redéfinir ses objectifs.

Le Conseil de l'Europe a été conçu au lendemain de la seconde guerre mondiale pour ancrer la démocratie en Europe sur des bases solides. L'élargissement de son assise géographique après 1989 a renouvelé pour le Conseil de l'Europe l'obligation de relever le défi de la démocratisation. C'est dans ce contexte que le sommet de Strasbourg a donné l'occasion d'en rappeler les principes et les valeurs : renforcement de la démocratie, respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit, cohésion sociale et culturelle... Il convient de s'appuyer sur ces principes, qui font la cohésion européenne, pour construire l'avenir du continent. Demain comme aujourd'hui, le Conseil de l'Europe apportera une contribution déterminante au grand projet que constitue la réunification de notre continent dans la démocratie et dans la paix. Le Conseil peut participer à la naissance d'une conscience européenne dont il est lui-même la manifestation.

Vous le savez, les interrogations sur le sens de la construction européenne, et donc sur notre identité, se multiplient. Elles tiennent aux ruptures qui sont intervenues au cours de la dernière décennie, ruptures créatrices, en particulier la chute du Mur de Berlin qui a rendu possible la perspective de l'Europe réunifiée. L'avènement de l'euro marque pour sa part l'aboutissement d'une phase de la construction européenne démarrée dans les années 50, mais également la nécessité de passer à une phase plus politique. Nous avons besoin, dans cette période charnière, de tout ce qui peut nous faire passer d'une simple identité européenne commune à une véritable conscience européenne, c'est-à-dire la nécessité ressentie par chacun d'entre nous de faire l'Europe.

Cette conscience est au confluent de deux notions qui sont au coeur du Conseil de l'Europe : la volonté de paix sur le continent, apparue après la première guerre mondiale, et l'exigence démocratique qui domine les lendemains de la seconde guerre mondiale. C'est bien sur ces deux piliers que nous souhaitons construire l'Europe de demain, dans laquelle les citoyens élisent - et je souhaiterais qu'ils le fassent avec plus d'enthousiasme - leurs députés européens, acceptent ou refusent par référendum les traités. Cette Europe ne peut se faire sans le consentement et l'adhésion des peuples.

Nous avons le devoir, nous responsables politiques, de faire vivre et de renforcer encore la conscience européenne de nos concitoyens. C'est en ce sens que nous avons voulu réorienter la construction européenne. Il s'agit d'abord de réussir la réunification du continent. La France a toujours considéré que la vocation des institutions européennes était de rassembler l'ensemble des pays et des peuples du continent. La construction européenne n'était jusqu'à ces dernières années que la résultante de la division de l'Europe engendrée par la guerre froide. Elle n'a jamais été le produit conscient de je ne sais quelle conception élitiste réservée à la moitié occidentale de notre continent. Le Conseil de l'Europe, en accueillant dès le début des années 90 nos voisins de l'Europe centrale et orientale, a montré la voie : celle qui nous conduira d'ici une dizaine d'années à une nouvelle Union européenne, qui pourrait compter une trentaine d'Etat, voire plus. Je n'irais pour ma part pas jusqu'à la quarantaine, mais c'est là un autre débat.

Il s'agit ensuite de bâtir une véritable Europe citoyenne à laquelle chacun puisse s'identifier et dont chacun puisse se sentir acteur. L'indifférence constatées lors des dernières élections du Parlement européen, même si ses causes sont complexes et différentes pour chaque pays, a montré l'ampleur du sentiment d'étrangeté que ressentent encore nombre de citoyens face au phénomène européen. Nous avons le devoir absolu d'y répondre. La construction européenne ne doit plus être l'oeuvre de quelques uns pour quelques autres. Elle doit s'appuyer sur le sentiment partagé entre tous les citoyens d'un progrès possible grâce à l'Europe. Aucune avancée ne se fera en Europe sans l'adhésion des peuples.

C'est pourquoi les énergies de tous seront nécessaires si on veut faire progresser l'Europe dans ce sens. Le Conseil de l'Europe, par son rôle de laboratoire de l'Europe unie et démocratique, par la force intégratrice que représente la Cour européenne des droits de l'homme, par son souci d'associer les pouvoirs locaux à son action, doit prendre une part active à cette construction.

Le sommet de Strasbourg a tracé des axes d'action prioritaires dans le domaine des droits de l'Homme, de la cohésion démocratique et de la sécurité du citoyen, de la cohésion sociale, de la qualité de la vie et enfin de la cohésion culturelle et du pluralisme des cultures. Le Conseil doit maintenant se concentrer sur ces actions car il ne peut être question de faire tout et partout, ne serait-ce que pour des raisons de moyens. Ensuite, il faut s'en tenir à la vocation propre du Conseil de l'Europe et respecter l'architecture articulant l'action de plusieurs institutions européennes.

Je connais les demandes, en termes de moyens, dont vous vous faites régulièrement l'écho et je les comprends. Mais les orientations fixées par le sommet ne consistent pas à augmenter le budget parallèlement à la progression des activités. Vous n'ignorez pas qu'une augmentation considérable du budget a eu lieu ces dernières années : il est passé de quatre cent trente-deux millions de francs à plus d'un milliard pour l'année 2000 : c'est une belle augmentation que peu de budgets ont connue. Elle est due à l'arrivée de nouvelles démocraties. Mais puisque la quasi totalité des démocraties du continent ont rejoint l'organisation, il n'y a plus aujourd'hui de raison de poursuivre l'accroissement du budget à ce rythme. Aucun de nos principaux partenaires, figurant comme nous parmi les grands contributeurs de l'organisation (la contribution de la France représente 13 % du budget ordinaire), n'est disposé à enfreindre la règle de la croissance zéro que nous avons décidé d'adopter. C'est en restant à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire constante que le Conseil doit recentrer son activité autour des axes budgétaires qu'il a lui-même définis. La réforme qui se mettra éventuellement en place doit être comprise et appliquée, s'attacher à rationaliser les activités, à restructurer le dispositif, à redéployer les moyens, y compris humains, dans les directions indiquées par le sommet. C'est je crois la condition de l'efficacité de votre institution.

Je sais que ce travail est difficile car il exige rigueur et discipline. Il faudra faire des choix et se résigner à supprimer certaines activités pour en dynamiser d'autres. C'est indispensable si l'on ne veut pas que l'action du Conseil de l'Europe se banalise dans un espace où existent de nombreuses institutions complémentaires. Je suis aussi convaincu qu'une fois son rôle et sa place précisément délimités, c'est-à-dire confortés, le Conseil de l'Europe devra encore renforcer ses relations avec les autres institutions, à savoir l'Union européenne et l'OSCE. La mise en oeuvre de programmes communs combinant l'expertise du Conseil de l'Europe et les moyens de l'Union européenne a facilité le développement global et harmonieux du continent et notamment celui des nouvelles démocraties appelées à rejoindre l'Union. J'ai bon espoir que dans quelques jours, à Helsinki, l'Union européenne décide l'ouverture de négociations avec six nouveaux pays : les cinq qui n'avaient pas pu ouvrir les négociations à Luxembourg ainsi que Malte. Je salue l'arrivée prochaine dans ces négociations de la Bulgarie et de la Roumanie, à laquelle la France est particulièrement attachée. Le statut de candidat devrait également être reconnu à la Turquie. Nous le souhaitons, tout en restant très exigeants sur les conditions d'une adhésion éventuelle de ce pays.

Le rapprochement est aussi souhaitable avec l'OSCE car la paix et la sécurité ne sauraient être décrétées en Europe sans les fondements démocratiques qu'il appartient au Conseil de l'Europe de fortifier. Cette action en profondeur du Conseil de l'Europe présente sans doute l'inconvénient de ne pas être très médiatique. On ne lui prête pas souvent une attention suffisante ; C'est pourquoi il nous incombe à nous, gouvernements des Etats membres, mais aussi à vous, de veiller ensemble au respect des règles du jeu que je viens de rappeler de façon à ce que le Conseil de l'Europe puisse aborder le XXIème siècle avec toute l'efficacité nécessaire.

L'universitaire Paul Hazard a écrit en conclusion de son ouvrage sur la conscience européenne : « Qu'est-ce que l'Europe ? C'est une pensée qui ne se contente jamais. » Je souhaite, en renouvelant toute mon estime pour l'oeuvre accomplie au Conseil de l'Europe, qu'il poursuive son ambition pour le siècle prochain, sans jamais s'en contenter, pour le bien de l'Europe.

Mme Josette DURRIEU, Présidente de la Délégation française à l'Assemblée du Conseil de l'Europe :

Nous avons le sentiment qu'un problème majeur se pose. L'Europe se fait, c'est évident. Mais si nous avons tous réclamé, y compris les jeunes, que l'adhésion des peuples se fasse envers une identité européenne fortement voulue, en complémentarité avec les identités nationales, nous avons le sentiment qu'aujourd'hui, les identités locales et régionales s'affirment plus vite que l'appartenance à une identité européenne. Nous pensons qu'il y a là un danger. C'est le coeur du débat que nous voulons engager cet après-midi.

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