C. AMÉLIORER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU CONTRÔLE EXTERNE

Le développement de règles prudentielles internationales appelle, malgré l'essor souhaitable des procédures de contrôle interne, des vérifications extérieures de leur bonne application.

En principe, il appartient à chaque Etat de mettre en oeuvre les contrôles de cette sorte les plus efficaces possibles. Cette attribution de compétence de principe ne signifie pas pour autant que le renforcement du contrôle externe puisse être entrepris sans considération pour des initiatives internationales qui apparaissent aujourd'hui nécessaires à sa pleine efficacité.


Une première considération pratique s'impose. Le développement des institutions de contrôle externe est, à l'image du développement économique, fort inégal selon les nations. Cette inégalité contraste avec l'homogéneité plus grande du processus d'intégration à l'économie mondiale. Les pays les plus en avance en matière d'infrastructures économiques doivent assumer la responsabilité d'apporter efficacement leur assistance aux pays moins développés. L'Union européenne l'a bien compris, mais pas très bien fait, dans le cadre des programmes PHARE et TACIS. Le Comité de Bâle a, lui aussi, saisi l'importance de l'enjeu et sa mission même consiste à établir les bases de bonnes pratiques. Mais il y a plus qu'un pas entre la définition de principes et l'appropriation concrète de ces principes par tous.

Il convient donc d'abord de reconnaître toute l'importance qu'il y a à promouvoir les efforts d'assistance en direction des organes de contrôle externe qui en éprouvent le besoin.

Le deuxième aspect fondamental du sujet consiste à recommander de remédier aux cloisonnements nés des superpositions actuellement à l'oeuvre entre organes nationaux de contrôle.


L'internationalisation des acteurs de marchés et le caractère transnational de leurs engagements offrent sous cet angle un contraste avec le " localisme " des instances de contrôle. Il est indispensable d'y remédier en instaurant des processus organisés de coopération entre contrôleurs. Des accords existent en la matière mais ils ne sont ni systématisés ni véritablement contrôlés. Il importe donc d'étendre le réseau de ces accords. Il convient aussi d'envisager l'opportunité de leur conférer une certaine solennité. Il existe des précédents, en matière fiscale notamment avec les conventions fiscales internationales dont certaines clauses concernent les questions d'assistance administrative. Ces conventions passées entre Etats obéissent à un modèle-type dit " modèle de l'OCDE ". Elles impliquent des Etats dont les administrations fiscales connaissent des statuts très variées, certaines étatiques, d'autres fédérales, d'autres encore relevant du système de l'Agence, c'est à dire indépendantes de l'Etat.

Il serait souhaitable d'appliquer cette formule liant les Etats en matière d'assistance et de coopération internationale entre superviseurs financiers.

Dans cette perspective, il peut sembler utile de se doter d'un arbitre international en mesure de régler les litiges que pourrait faire naître l'application pratique de ces conventions.


Cette recommandation paraît s'imposer face aux dysfonctionnements observés dans le déroulement des procédures de coopération, y compris en Europe, qui ont souvent été rapportés à votre groupe de travail.

L'internationalisation du contrôle demande des initiatives complémentaires. Il faut à ce sujet aborder la question fréquemment débattue de l'instauration d'un organe de contrôle international.

Selon certains, la mondialisation monétaire et financière devrait donner naissance un organe international de contrôle. Le FMI ne joue-t-il d'ailleurs pas ce rôle à l'égard des Etats ?

Cette idée, sous des dehors séduisants, manque singulièrement de réalisme. Sans même insister sur les abandons de souveraineté que sa mise en oeuvre supposerait, il convient de mettre en évidence deux objections fortes. La première consiste à faire valoir qu'à défaut d'un droit prudentiel universel, l'on voit mal à quelles normes un tel organe pourrait se référer.

S'il devait s'appuyer sur les règles édictées par la communauté internationale qui jusqu'à présent n'ont pas de valeur normative et revêtent un caractère minimal, le régulateur international userait d'un " droit mou ", souvent en retrait par rapport aux règles en vigueur dans les Etats. S'il devait se référer à ces dernières, il lui faudrait appliquer un droit très hétérogène sanctionnant ici ce qui serait ailleurs autorisé. En toute hypothèse, il faudrait à ce superviseur des moyens considérables représentant au minimum le regroupement des moyens existants aux niveaux nationaux.

Sachant que rien ne permet d'imaginer une telle architecture applicable, et outre que les avantages d'un tel système sont introuvables, il faut faire le constat de ses inconvénients. Le contrôle prudentiel de droit commun doit en effet demeurer proche des réalités économiques et financières sur lesquelles il s'exerce. C'est une des leçons des crises que l'éloignement des centres de décisions par rapport à ces réalités constitue un handicap majeur dans l'appréciation des risques. Il ne faut pas transposer ce handicap au niveau des contrôleurs.

C'est un tel argument qui milite pour le maintien, dans un ensemble régional aussi cohérent que l'Union européenne, des responsabilités et compétences des contrôleurs nationaux.

Est-ce à dire qu'il n'y ait pas de place pour un échelon international de contrôle ? La réponse à cette interrogation est bien sûr négative.

Au cours de ses entretiens, le groupe de travail a acquis la conviction que l'instauration d'une coopération même améliorée entre les superviseurs nationaux ne pouvait pas constituer l'unique réponse aux incohérences issues de l'éclatement et de la superposition des compétences nationales.

Il faut en premier lieu résoudre les problèmes posés par le contrôle des groupes multinationaux.

Pour ces groupes, il serait d'abord souhaitable de généraliser le recours à la formule d'un partage formalisé des responsabilités entre autorités nationales de contrôle à l'image de celle mise en place par le " memorandum of understanding " entre la Commission bancaire française et la Commission bancaire et financière belge à propos du groupe Dexia. Il s'agit en l'espèce de désigner un responsable principal de la supervision (" lead supervisor ") et d'organiser les coopérations nécessaires. Un tel aménagement constitue l'une des formes que peut revêtir une coopération internationale satisfaisante entre contrôleurs nationaux. Bien adapté à des groupes peu disséminés, il l'est sans doute moins pour des entités à dimension internationale plus développée. Toutefois, il pourrait être fructueux d'envisager sa généralisation à toutes les très grandes institutions bancaires internationales.

L'amélioration de l'organisation et du fonctionnement du contrôle externe devra être complétée par la mise en oeuvre d'un contrôle des contrôleurs externes.

L'on sait que le développement souhaité des contrôles internes s'accompagne d'une exigence d'un contrôle externe effectif de ce type d'évaluation. " Mutatis mutandis ", un monde financier globalisé où le contrôle externe reste exercé dans le cadre de compétences nationales appelle une évaluation et un contrôle internationaux de la façon dont elles sont concrètement exercées.

L'Union européenne offre une illustration grandeur nature de la justesse d'une telle recommandation.

Les conditions dans lesquelles y sont exercés les contrôles externes varient considérablement, à tel point que plusieurs des interlocuteurs du groupe de travail ont pu évoquer l'existence de problèmes de distorsion de concurrence entre systèmes bancaires nés de cette hétérogénéité des pratiques.

Ce dernier constat s'il devait être vérifié poserait en soi un grave problème. Mais, en dehors même de cette hypothèse, il n'est pas douteux que la solidarité monétaire entre les pays de l'Union européenne ne saurait se satisfaire d'une divergence des pratiques de contrôle bancaire tant la solidité d'une monnaie dépend de celle du système bancaire.

L'on a exposé les motifs pour lesquels la substitution d'un organe central de supervision bancaire au réseau décentralisé actuellement en place n'était pas souhaitable. Mais les défauts d'organisation observés ne doivent pas perdurer pour autant.

La Banque des règlements internationaux a entrepris une évaluation des contrôleurs nationaux dont la Commission bancaire. Il serait souhaitable que, compte tenu de ses missions, la Banque centrale européenne (BCE) se voie doter des moyens nécessaires à une telle évaluation qu'elle devrait conduire de manière systématique et régulière.

Un système analogue de supervision des superviseurs devrait être mis en place au niveau international, c'est-à-dire à celui du FMI.

Il convient d'ajouter qu'il serait souhaitable que de telles supervisions s'appliquent également à l'égard des autres métiers financiers et qu'une réelle coopération se noue entre les différents organes en charge de ces différentes missions.

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