D. LUTTER CONTRE LA CRIMINALITÉ FINANCIÈRE
La lutte
contre la criminalité financière internationale est devenue un
sujet central des réunions inter-gouvernementales traitant de la
stabilité du système financier international. Les propositions se
multiplient à ce sujet, particulièrement provenant de la France.
La pression sur les Etats délinquants ou accommodants à
l'égard de la délinquance financière augmente, notamment
de la part des Etats-Unis.
Le groupe de travail n'a pas la prétention d'émettre des
propositions définitives sur ce sujet préoccupant. Il tient
toutefois à donner quelques conseils au gouvernement français et
aux négociateurs internationaux à ce sujet.
1. Deux préalables indispensables
Deux
conseils initiaux paraissent pouvoir être formulés :
il faut, en premier lieu, choisir le
bon niveau de décision
pour une lutte concertée des Etats contre la criminalité
financière. L'ONU d'une part et l'OMC d'autre part semblent constituer
ce bon niveau.
La France a fait neuf propositions pour lutter contre les paradis bancaires et
fiscaux. Mais elle les a exprimées au FMI et au G 7. L'OCDE est
également un lieu traditionnel de débats à ce sujet.
Or, de deux choses l'une : ou bien les pays industriels sont
décidés à mener des
opérations militaires de
police internationale
contre les Etats ou gouvernements délinquants,
et ils peuvent décider entre eux ce qu'il convient de faire. Ou bien, et
c'est le plus probable, ils n'y sont pas disposés, et alors il est
indispensable
d'associer étroitement ces territoires à la
lutte contre les flux financiers criminels
. Délivrer des
"oukazes"
serait inefficace. Il conviendrait de réunir
un
groupe
ad hoc
, où seraient convenablement
représentés les centres
offshore
ainsi que les Etats
souffrant de criminalité à grande échelle,
dans une
négociation où leurs intérêts seraient
préservés
.
L'Organisation des Nations-Unies
serait
probablement le niveau adapté de décision. Par ailleurs,
l'OMC
est directement concernée puisque l'opacité de
certains territoires crée de réelles distorsions
préjudiciables à la liberté des échanges et
à la bonne organisation du commerce mondial. L'organisation de
Genève pourrait utilement participer à l'émergence de
nouvelles normes en la matière. Votre groupe de travail estime donc
qu'une première négociation au sein de l'ONU devrait ouvrir la
voie à la définition de règles et de procédures,
notamment juridictionnelles, au sein de l'OMC.
Il paraît également important de distinguer le traitement
des fonds d'origine criminelle de celui des fonds qui proviennent d'une
activité licite
. Autrement dit, il ne faut pas considérer le
blanchiment
et la
corruption
d'un côté, et
l'évasion fiscale
de l'autre, comme étant des
fléaux de même gravité. L'OCDE serait sur le point de
considérer la fraude fiscale comme un crime grave en lui-même.
Cela paraît aller un peu vite en besogne, d'autant que le degré de
sévérité des règles fiscales varie beaucoup dans le
monde : de la concurrence fiscale à la fraude fiscale, il existe
une large marge d'appréciation. Les pays industriels doivent laisser aux
paradis fiscaux le bénéfice d'une fiscalité
légère : ils ont le droit d'avoir fait ce choix. En
échange d'une relation tolérante dans ce domaine, au moins dans
un premier temps, il pourra être exigé de la part de ces Etats une
vigilance accrue contre les fonds d'origine criminelle, ainsi que davantage de
coopération dans les échanges d'information.