2. Améliorer la transparence des acteurs privés et l'information des marchés
La transparence de l'information constitue un facteur essentiel d'une meilleure régulation financière internationale. La crise asiatique souligne que les objectifs et les résultats des politiques économiques menées par les pays doivent être connus et diffusés, afin d'identifier et de traiter les facteurs potentiels de crise avant qu'il ne soit trop tard. En particulier, la crise a mis en évidence les déficiences de l'accès à l'information liée aux activités des banques centrales et des autres acteurs sur le marché des changes.
a) Une meilleure information pourrait prévenir l'amplification des déséquilibres engendrée par les marchés financiers
Michel
Camdessus considère que "
c'est en veillant à
l'élaboration rapide d'informations précises, à leur
diffusion et à la meilleure information possible des gouvernements, des
marchés et de l'ensemble des acteurs sur les objectifs et les
résultats des politiques économiques que l'on aura les meilleures
chances de résorber avant qu'ils ne s'aggravent les facteurs potentiels
de crises et de réduire les phénomènes grégaires
d'engouement ou de retraits frileux dont l'on connaît mieux aujourd'hui
le coût
"
50(
*
)
.
Une diffusion de manière continue des informations sur les prises de
position des acteurs et la liquidité des marchés réduirait
le risque de " mauvaises surprises " qui conduit à des
réactions excessives de la part des marchés financiers.
L'amélioration de la transparence et la réduction des
coûts d'accès à l'information a un effet positif sur la
rationalité des décisions des acteurs et la bonne gestion des
crises
. En effet, les anticipations des spéculateurs peuvent
être modifiées par toute information jugée pertinente par
eux. Par conséquent, le nombre et la qualité des signaux
perçus par les agents a une influence certaine sur le lissage de leurs
anticipations. Cependant, il convient de rappeler que le risque d'un mauvais
usage de l'information demeurerait présent, ainsi que le montre la phase
qui a précédé l'éclatement de la crise en Asie,
alors que les déficits des transactions courantes des pays
étaient connus des acteurs du marché.
Les progrès effectués vers une meilleure collecte et une plus
large diffusion des informations doivent être soulignés. Le
bulletin du FMI du 15 février 1999 indiquait que "
le FMI
doit apprendre à mieux connaître les marchés
". Le
fonds a mis en place une norme spéciale de diffusion des données
(NSDD) pour les pays qui satisfont déjà à une norme
élevée de qualité des données, et un système
général de diffusion des données (SGDD) afin
d'améliorer la qualité des données dans tous les pays
membres, et a accru la transparence des conseils qu'il donne aux gouvernements.
Ce système devrait permettre la constitution de données
statistiques complètes et accessibles, et inciter à
améliorer la qualité des données. On rappellera à
cet égard que les données communiquées au FMI sur les
réserves de change se sont révélées fausses pour
certains pays asiatiques.
L'amélioration de la transparence des
emprunteurs doit être complétée par une meilleure
connaissance de la part des acteurs sur les marchés financiers des
positions prises par les autres participants, appréciées sur une
base agrégée.
Les gouverneurs du G 10 ont demandé à un groupe de travail
d'identifier les informations statistiques qui pourraient permettre aux
marchés de mieux évaluer les positions prises par les
autorités sur le marché des changes, ainsi que les
modalités de diffusion de ces informations. Le rapport
" Brockmeijer ", issu des travaux de ce groupe, souligne qu'il
conviendrait de prendre en compte l'ensemble des acteurs nationaux susceptibles
de prendre part à une action de défense de la monnaie en cas de
crise. Cependant, les comptes publics ne permettent pas de mesurer l'ensemble
des risques de marché, comme l'a montré la crise asiatique. Le
rapport propose donc la mise en oeuvre de méthodes permettant aux
banques centrales de collecter de manière régulière et
coordonnée des statistiques sur les marchés dérivés
afin d'en améliorer la transparence. L'harmonisation des principes
comptables constitue un préalable indispensable à une meilleure
transparence des produits dérivés. Le Groupe des Trente
(G 30) et le Comité de Bâle ont publié des rapports
concluant à la nécessité de présenter de
manière plus transparente les opérations dérivées
et, en particulier, la compensation de ces opérations et ses effets sur
le calcul des ratios de solvabilité. En effet, la diffusion des
informations relatives aux positions prises par les fonds d'investissement
à fort effet de levier pourrait permettre de prévenir les risques
systémiques que ces fonds sont susceptibles de susciter.
L'amélioration de l'information des marchés devrait permettre une
correction rapide et moins violente des politiques insoutenables et limiter les
effets de contagion de ces ajustements. Pour atteindre cet objectif, il
convient cependant d'établir des modalités de diffusion des
données à la fois fréquentes et suffisamment proches des
phénomènes de marchés afin d'éviter les ajustements
violents provoqués par une information imparfaite qui
déclencherait le retournement soudain des anticipations sur les
marchés.
Une périodicité mensuelle, voire hebdomadaire
pourrait être adoptée, dès lors que les pays disposent des
outils statistiques appropriés.
Une plus grande information des marchés limite la latitude d'action des
autorités nationales pour " contrer " les marchés
financiers. Le risque existe donc qu'une publication intégrale des
informations transmises par les pays conduise ceux-ci à ne pas
dévoiler totalement leur situation, afin de conserver la
confidentialité de certaines données sensibles dans les domaines
financier et économique.
Le choix de la transparence implique une
acceptation égale de la contrainte décidée pour l'ensemble
des pays, c'est-à-dire l'expression d'une préférence pour
une volatilité maîtrisée par rapport à l'incertitude
qui peut permettre d'afficher une solidité artificielle, mais est
également à l'origine d'ajustements violents lorsque le masque
tombe.