4. Pour une conception globale de l'annulation de la dette

La question de l'annulation de la dette des pays les plus pauvres apparaît délicate aux yeux de votre groupe de travail. En effet, elle revêt d'abord des aspects moraux. L'annulation représente ainsi un bel exemple d'aléa moral où la communauté internationale paie pour des Etats qui ont mal utilisé l'argent prêté, voire qui l'ont détourné aux fins personnelles de leurs dirigeants. Cependant, les responsabilités sont aussi partagées dans la mesure où les prêteurs n'ont pas toujours contrôlé efficacement l'utilisation des concours attribués, ou n'ont pas toujours su les assortir d'une aide précise aux réformes structurelles sans lesquelles tout argent supplémentaire ne sert qu'à prolonger les erreurs passées. L'annulation, par ailleurs, fait intervenir des acteurs très différents : institutions financières internationales, banques régionales de développement, Etats (prêts bilatéraux), acteurs privés (créances privées). Même si des instances de concertation existent, aucun organisme n'est en mesure de décider d'une annulation générale, de ses conditions et du partage de son financement. Enfin, la dette des pays les plus pauvres ne peut être séparée de la question plus globale du développement : l'annulation doit servir au développement. Mais l'apport financier qu'elle représente (sous forme d'intérêts en moins à verser et de capital à ne pas rembourser) ne servira à rien s'il ne s'accompagne de plans précis de réformes dont le respect sera effectivement contrôlé.

Les initiatives du G 7 s'inscrivent toutes dans cette optique : respect par les bailleurs bilatéraux des conditions posées par les institutions de Bretton Woods, recherche d'un meilleur suivi et d'un meilleur contrôle des programmes d'accompagnement, etc.

Votre groupe de travail approuve ces orientations. Ainsi, il ne conteste pas la définition par les institutions de Bretton Woods du champ de l'annulation, des critères et des bénéficiaires de celle-ci, même si ces conditions mériteraient parfois d'être assouplies. Il souhaiterait néanmoins voir plus affirmés certains principes :

• il ne doit jamais y avoir d'annulation totale de la dette d'un pays ; en raison de l'aléa moral, une part doit être maintenue, dût-elle rester très faible (5 à 10 %) ;

• les programmes mis en place doivent se faire avec l'accord du pays sur des contrôles extrêmement précis de leur respect ;

• ils ne peuvent laisser de côté la composante sociale, notamment en matière d'éducation, de santé et de pouvoir d'achat ;

• ils doivent tendre vers une meilleure insertion des Etats dans les transactions internationales ;

• ils doivent prendre en compte la question des taux de change et de la sécurité juridique et financière des investissements.

L'annulation ne peut cependant être séparée de la réforme des institutions de Bretton Woods. La souveraineté sera d'autant mieux respectée qu'elles auront gagné en légitimité politique et en représentativité des pays les plus pauvres. L'appropriation mais aussi le contrôle seront facilités par la présence permanente d'équipes remplaçant la déplorable impression fournie par le débarquement des membres des missions de reviews . La composante sociale sera d'autant mieux prise en compte que le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement se seront entendues sur le partage de leurs rôles et la coordination de leurs interventions.

Bref, l'annulation de la dette des pays les plus pauvres représente certainement un enjeu moral pour les créanciers. Votre groupe de travail estime que ce serait une erreur de vouloir annuler pour annuler et de séparer ce geste de la réforme d'ensemble du système financier et monétaire international. Tant que cette dernière ne se mettra pas en place, il y aura tout lieu de penser que les sommes consacrées à l'annulation et l'aléa moral qui en résultera ne se traduiront que bien peu en termes de développement, de réduction de la pauvreté et d'amélioration du bien-être des populations.

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