D. DETTE PUBLIQUE ET DÉVELOPPEMENT : FAUT-IL ANNULER LA DETTE ?

" Là [à la bourse de Londres], le quaker traite avec l'anabaptiste,
le mahométan avec le papiste, et le nom d'infidèle
est réservé à celui qui ne paie pas ses dettes "


Voltaire , Sixième lettre anglaise

Ancienne (que l'on pense aux dettes interalliées de la première guerre mondiale, ou aux prêts anglais à l'Egypte à la fin du XIXème siècle), la question des dettes internationales a connu une actualité particulière en raison de la crise financière internationale. En effet, au nom de la solidarité internationale, les pays les plus pauvres ont demandé un effort supplémentaire en leur faveur sous forme d'allégement de leur dette. Le G 7 y a répondu en mettant en place plusieurs instruments (qui font suite aux précédents plans comme le plan Brady, l'initiative de Toronto et les décisions françaises comme celles de Libreville et de Dakar). Il convient cependant de s'interroger sur la pertinence des modalités retenues et sur la justification même de tels efforts.

1. De nombreuses initiatives déjà mises en oeuvre

A l'initiative de la France, le G 7 a décidé en juillet 1996 à Lyon d'un vaste plan destiné à permettre un traitement définitif de la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés. Cette proposition présente une double originalité : d'une part, constituer un effort massif et sans précédent ; d'autre part, inclure dans la négociation les créances détenues par les institutions financières internationales. Pour cette dernière raison, les pays du G 7 ont décidé de confier la mise en oeuvre de cette initiative aux institutions de Bretton Woods, en collaboration avec les autres réunions de créanciers (club de Paris et club de Londres notamment). Ce plan se fixait un objectif d'annulation de 80 % de la dette.

Il s'agit, d'après le Programme d'action pour résoudre les problèmes d'endettement des pays pauvres très endettés, de parvenir à un niveau d'endettement soutenable, d'assurer une participation de tous les créanciers sur la base d'un partage équitable du fardeau, de mettre en place un processus participatif et de permettre la prise en compte de critères sociaux.

Un pays peut bénéficier de cette initiative PPTE s'il est éligible aux seuls prêts concessionnels de l'Association internationale pour le développement, s'il a démontré son engagement sur la voie de l'ajustement structurel (il faut trois ans de politique d'ajustement pour lancer l'initiative qui s'achève après un nouveau délai de trois ans) et s'il connaît un niveau de dette considéré comme insoutenable (ratio dette / exportations supérieur à 200 % ou ratio dette / recettes gouvernementales supérieur à 280 %).

La Banque mondiale participe à cette initiative par le biais d'un fonds fiduciaire procédant à l'allégement des créances détenues par l'AID par le rachat et l'annulation ou par la prise en charge des intérêts. Le FMI a créé un fonds spécial des échéances dues par les pays débiteurs, alimenté par le fonds fiduciaire FASR - PPTE lui-même abondé par des contributions volontaires et par des réserves (ce fonds fiduciaire sert aussi à la bonification d'intérêts et peut accorder des dons, ce qui suscite la crainte d'une éviction). Cette mise en oeuvre se heurte cependant à un manque de ressources. Sept pays ont déjà commencé à bénéficier du programme, deux n'ont pas été retenus, et trois ont engagé les démarches préliminaires.

Devant ces retards, le sommet du G 7 de Cologne de juin 1999 a examiné une relance de l'initiative, sous l'impulsion une nouvelle fois de la France, selon le triple principe de la générosité, de la responsabilité et de l'équité. Il s'agit d'offrir un allégement accru, renforcé et accéléré de la dette grâce à la baisse des critères d'éligibilité (ratio dette / exportations passé à 150 % et ratio dette / recettes gouvernementales à 250 %), à la hausse des termes de l'allégement de 80 à 90 % et à l'instauration d'échéances plus rapprochées pour les étapes intermédiaires. Les pays qui ont engagé les politiques macro-économiques indispensables pour garantir leur développement futur en constituent les premiers bénéficiaires. L'effort représente un coût total de 65 milliards de dollars dont la moitié devrait revenir aux institutions internationales, déjà en peine de boucler le financement de leurs actions présentes (à noter que le FMI est autorisé à vendre une partie de ses réserves en or pour alimenter le fonds fiduciaire consacré aux pays les plus pauvres). Le G 7 a appelé à un partage équitable de cette charge. Déjà la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont commencé à appliquer les termes des recommandations du G 7, alors que le Congrès des Etats-Unis empêche toujours le versement de la part américaine du financement.

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