C. S'ATTAQUER AUX ZONES D'OMBRE

Les flux d'argent sale, les zones de non droit bancaire et financier, les paradis fiscaux, les centres off-shore constituent autant de facteurs d'instabilité et de risque. Les études réalisées au niveau international estiment que le blanchiment d'argent représente chaque année entre 2 % et 5 % du PIB mondial. Les récentes affaires mises au jour confirment l'urgente nécessité de renforcer les moyens de lutte existants et la coopération internationale pour une plus grande efficacité.

L'émergence d'une volonté politique internationale de lutter contre le blanchiment est apparue à la fin des années 1980 avec la déclaration de principes du Comité de Bâle, la création du Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI) et les 40 recommandations de ce dernier. Aujourd'hui, la communauté financière internationale prend conscience de l'ampleur de ce fléau. Un nouveau pas a été franchi au printemps, avec l'adoption par la commission des Nations-Unies pour la prévention du crime et la justice pénale (Vienne, mai 1999) des " recommandations de Bercy " mises au point par les experts de 42 pays et 12 organisations internationales en avril 1999. Cette démarche est relayée par les travaux engagés au sein du GAFI et au sein du Forum de stabilité financière.

La France a voulu apparaître en pointe sur cette question et a formulé devant le G 7 et le FMI, en septembre 1999, des propositions précises, animées par la volonté de construire une régulation internationale à la mesure de la globalisation, ce qui implique une lutte implacable contre la criminalité financière, notamment contre le blanchiment des capitaux. Pour cela, une coordination forte des États est nécessaire pour que l'économie fonctionne de manière efficace et juste. Ces neuf propositions visent ainsi à lutter contre les paradis bancaires et fiscaux, notamment contre le blanchiment des capitaux.

1. L'intégration dans les normes anti-blanchiment recommandées au niveau international, notamment par les institutions financières internationales et par le GAFI, de l'interdiction de formes juridiques mal ou non réglementées ( trusts, international business corporations , sociétés écrans) 47( * ) .

2. Le renforcement des législations anti-blanchiment en élargissant le champ de l'incrimination pénale et de la déclaration de soupçons à tous les crimes et délits graves, y compris la corruption, et en associant toutes les professions d'intermédiaires à la lutte contre le blanchiment (y compris les intermédiaires non financiers : conseils juridiques, agents immobiliers, casinos, etc.).

3. L'établissement rapide par le GAFI et les autorités prudentielles d'une liste des États et territoires non coopératifs (sur la base de critères objectifs : absence de qualification pénale du blanchiment ; droit commercial opaque, ne permettant pas l'identification des ayants-droit ; normes de supervision financière déficientes, voire inexistantes ; moyens administratifs et judiciaires insuffisants ; défaut ou insuffisance de coopération judiciaire, etc.).

4. Une pression constante (notamment par une coopération technique) pour que ces États et territoires se mettent aux normes internationales dans un calendrier strict et la levée automatique du secret bancaire dans les investigations et procédures judiciaires.

5. Une coopération renforcée entre les services chargés de la lutte contre le blanchiment, avec étude de pistes nouvelles telles que, par exemple, la création d'un mécanisme de signalement international permettant aux services concernés de demander aux autorités judiciaires de leur pays le blocage simultané des comptes détenus par la personne soupçonnée.

6. Une mobilisation accrue des institutions financières internationales dans la lutte contre le blanchiment : en les dotant d'une " charte de gouvernance " appliquée dans l'examen de la situation des pays et conditionnant des concours financiers (règles minimales de lutte contre le blanchiment, interdiction de l'utilisation de centres off-shore par les entités publiques de pays bénéficiant d'une aide, audits indépendants des secteurs sensibles, mise en place de systèmes efficaces et de règles de transparence dans le domaine budgétaire et du change) ; et en améliorant la coordination de l'action de ces institutions (création au FMI d'un département chargé de la gouvernance, échange d'informations systématique entre les institutions de Bretton Woods et l'Union européenne).

7. Des encouragements et injonctions dans le cadre des organismes multilatéraux (institutions de Bretton Woods, GAFI, Union européenne) et des relations bilatérales (sujet inscrit à l'ordre du jour de toutes les visites bilatérales).

8. Une interruption des flux financiers publics en direction des États ou territoires figurant sur la liste établie par le GAFI et les autorités prudentielles, s'ils refusent de renforcer leur législation ou d'améliorer leur niveau de coopération internationale.

9. Sous l'égide des autorités prudentielles pouvant agir à l'égard des intermédiaires financiers, des mesures de restriction des mouvements de capitaux avec les centres off-shore , partielles ou totales, temporaires ou définitives.

Pour aboutir sur tous ces sujets, la France a proposé la tenue de réunions conjointes des ministres des finances, de la justice et de l'intérieur, dans le cadre du G 7/G 8, de l'Union européenne et du FMI.

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