CHAPITRE III :
LES PROPOSITIONS POUR AMÉLIORER LA
RÉGULATION MONÉTAIRE ET FINANCIÈRE
INTERNATIONALE
Le
nombre impressionnant d'organismes, de groupes de travail, d'instances de
réflexion, permanentes ou
ad hoc
, qui se sont penchés sur
l'avenir du système monétaire et financier international, permet
de disposer aujourd'hui d'une abondante documentation et de propositions
très riches et très diverses.
Finalement, l'obstacle le plus grand dans cette réforme du régime
né après la seconde guerre mondiale réside moins dans la
connaissance des phénomènes ou dans la recherche de solutions que
dans la détermination des instances appropriées pour prendre les
décisions requises. En 1945, la puissance économique et
financière était centralisée en Amérique du Nord.
La négociation collective sur le système de Bretton Woods fut
grandement facilitée par la présence d'une économie et
d'une monnaie dominantes et l'absence quasi-totale (la BRI faisant exception)
d'institutions internationales compétentes dans le domaine
économique et financier. Près de soixante ans plus tard, la
planète économique et financière a éclaté,
les instances de décision se sont multipliées et les
intérêts ne convergent plus nécessairement. Il paraît
ainsi inenvisageable de reproduire une conférence mondiale du type de
celle de Bretton Woods. Le nouveau système monétaire et financier
international sera le fruit de concertations diverses et non pas d'un
traité unique.
Dans cet horizon morcelé, de nombreuses propositions se font cependant
jour, sur lesquelles votre groupe de travail tenté d'émettre un
avis éclairé par les missions et entretiens qu'il a
réalisés dans le monde entier, avant d'ouvrir ses propres pistes
de réflexion.
I. LES PROPOSITIONS EXTÉRIEURES
" Nous savons quelles réformes doivent être accomplies. Bien sûr, il faut d'abord mettre en oeuvre de bonnes politiques économiques dans chacun de nos Etats. C'est un préalable. Mais il faut aussi renforcer les obligations des Etats et des institutions financières internationales en matière de transparence. Il faut accroître nos capacités de prévention des crises. Il faut adopter un vrai `code de la route' pour la circulation des capitaux, un code qui s'applique à tous, y compris aux fonds d'investissement spéculatifs et aux centres " offshore ". Il faut mieux associer le secteur privé à la solution des crises. Il faut identifier et définir le rôle du `prêteur en dernier ressort' du système financier international. " Par ces quelques phrases, le président de la République, M. Jacques Chirac, résumait l'ensemble des propositions de réforme du système monétaire et financier international, le 18 février 1999 à l'occasion de sa visite aux institutions de Bretton Woods. Elles prennent trois directions : une refonte des organismes multilatéraux, une amélioration de la supervision et une accentuation de la lutte contre les circuits financiers parallèles. On peut y ajouter la question de la dette des pays les plus pauvres.
A. RÉFORMER LES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS
1. L'initiative française : leur conférer davantage de légitimité politique
La
principale proposition française vis-à-vis des institutions de
Bretton Woods, formulée au sommet du G 7 de Birmingham en juin 1998,
réside dans le voeu de voir leur légitimité politique
renforcée (l'
accountability
). Ce procès en
légitimité recouvre deux volets : le niveau de
représentation des Etats aux instances de direction et le mode de
représentation des pays les plus pauvres.
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international devraient agir en
fonction des décisions de leurs actionnaires, c'est-à-dire des
Etats. Or force est de constater qu'aujourd'hui les instances de direction ne
se réunissent jamais à un niveau politique et toujours à
un niveau technique. Alors que les statuts du Fonds en prévoient la
possibilité, il n'y a jamais eu de réunion du comité
intérimaire du FMI au niveau ministériel. La France a donc
proposé de réformer cette instance et de prévoir des
réunions régulières des ministres compétents avec
pouvoir de décision
42(
*
)
.
Elle a également suggéré d'étendre cette
réforme au comité de développement de la Banque mondiale.
A côté des conseils d'administration, les ministres donneraient
ainsi les impulsions nécessaires et assureraient le contrôle
démocratique des décisions.
Par ailleurs, le président Chirac a indiqué le souhait de la
France de voir mieux associés les pays les plus pauvres à la
prise de décision. Ainsi qu'il l'écrivait au président
Clinton le 24 septembre 1998 :
" Nous devons associer plus
étroitement les pays en transition, les pays émergents et les
pays en développement à nos travaux. La crise financière
actuelle montre que nous avons besoin aujourd'hui d'un dialogue approfondi
entre tous, ainsi que d`un mécanisme de prise de décision qui
donne aux marchés des signaux politiques forts et manifestes
d'adhésion universelle à un système ouvert et sans
exclusive. "
Il n'est qu'à citer le mécanisme
extrêmement complexe de représentation des Etats auprès de
la Banque mondiale. Si les grands Etats possèdent chacun un
administrateur (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine,
Fédération de Russie), les autres sont regroupés en
circonscriptions élisant chacune un administrateur. Le continent
africain élargi aux îles de l'océan indien ne dispose ainsi
que de deux sièges ! L'administrateur élu par les Pays-Bas
représente aussi la Géorgie (et inversement puisqu'il y a
rotation), celui de la Belgique, la Turquie, celui de l'Algérie vote en
même temps au nom du Pakistan, ou encore celui de la Suisse pour la
République kirghize. Il y a là un véritable défaut
de représentation du Tiers monde qui altère l'appropriation,
chère aux dirigeants de la Banque mondiale, par les Etats
" bénéficiaires " des mesures proposées.