b) Une pratique lacunaire du contrôle externe

En dépit de l'édiction de normes de bonnes pratiques de contrôle externe, les diagnostics convergent pour attribuer aux défaillances de la supervision externe une responsabilité importante dans les crises financières les plus récentes.

Le constat de la montée des risques pris par les établissements soumis à contrôle - il ne faut pas oublier que d'importants acteurs de marché échappent à tout contrôle - donne du crédit à ce diagnostic déjà posé en matière de contrôle interne.

Un diagnostic partagé ne signifie pas que les causes du mal soient identiques. Les motifs d'inertie des contrôles internes ont été exposés. Ils ne recouvrent pas ceux qui sont généralement identifiés comme source d'inefficacité des contrôles externes.

Pour l'essentiel, les explications avancées de ce dernier point de vue consistent à mettre en évidence le manque général de moyens conférés aux organes de contrôle, caractéristique particulièrement soulignée dans le cas des pays émergents.

Cette approche est illustrée par le rapport de l'OCDE de juin 1999 relevant que : " les organismes de contrôle avaient souvent des pouvoirs limités dans les économies émergentes, et les pénalités imposées en cas de non-respect de la réglementation étaient généralement peu élevées. Cette situation était due à plusieurs facteurs : le caractère informel des liens entre entreprises (notamment en Asie) et le flou qui entourait les droits de propriété, rendant difficile une estimation de l'importance des prêts à des entités apparentées ; des contraintes de ressources se traduisant par de rares inspections sur place et par un contrôle minime de l'évaluation des risques de crédit ; le poids limité des organismes de contrôle dans l'administration publique, par comparaison avec celui des organismes chargés de la politique à l'égard du secteur des entreprises ; le fait qu'il était difficile, sur le plan politique, d'amener les entreprises à constituer des provisions pour faire face à une modification éventuelle de la politique officielle (modification de la politique de taux de change annoncée, par exemple) ".

Mais, ce diagnostic ne semble pas devoir être réservé à la situation des pays émergents puisqu'aussi bien, les créances douteuses des banques localisées dans les pays avancés se sont elles aussi accumulées. D'ailleurs, dans son 68 ème rapport de juin 1998, la Banque des règlements internationaux n'exclut pas explicitement les organes de contrôle externe des pays avancés lorsqu'elle observe : " La prévention des crises exige, par-dessus tout, un système financier domestique solide. Alors que les principes de base de la supervision bancaire édictés par le Comité de Bâle fournissent un point d'appui crucial pour des améliorations en ce domaine, leur mise en oeuvre constitue un défi. Il y a actuellement dans les banques et dans les agences de supervision une grande pénurie de personnels qualifiés qui réclamera un effort de formation significatif exigeant de la durée et des ressources considérables. Une difficulté encore plus difficile devra être éliminée avec les résistances politiques de ceux qui ont jusqu'à présent bénéficié du système. "

A ces problèmes d'organisation qui, pour apparaître triviaux n'en sont pas moins très importants, il faut ajouter le constat d'une complexification considérable des missions de contrôle externe. Elle est elle-même due à la sophistication des flux financiers et des organisations des acteurs de marché.

Leur internationalisation constitue en soi un défi majeur pour des contrôleurs qui sont, eux, restés nationaux.

Les capacités des contrôleurs nationaux à accéder à toutes les données pertinentes s'en trouve réduite. Sans doute des obligations de consolidation comptable sont-elles posées ; sans doute des systèmes de coopération entre contrôleurs sont-ils institués ; sans doute des clauses de reconnaissance mutuelle entre contrôleurs sont-elles prévues. Pourtant, aucun de ces dispositifs ne peut garantir entièrement contre une mauvaise appréciation de la dimension internationale de l'activité d'un établissement soumis au contrôle d'une instance strictement nationale.

Les obligations de consolidation peuvent être contournées et les organes de contrôle, limités par le champ géographique de leurs compétences, sont mal à même d'en vérifier la bonne application. Les systèmes de coopération internationale entre contrôleurs sont inégalement efficaces, ne serait-ce que parce qu'aucune instance d'arbitrage n'existe réellement pour en assurer un fonctionnement harmonieux. La reconnaissance mutuelle entre contrôleurs est assise sur la fiction d'une homogénéité des pratiques et des exigences des contrôleurs.

Ces vulnérabilités sont amplifiées par la diversification des risques. Les acteurs se diversifient et certains échappent à tout contrôle, à l'image de certains hedge funds ou des opérateurs sur internet. Les produits financiers se multiplient et les contrôleurs sont mis en demeure de s'adapter aux progrès constants de l'ingéniérie financière. Les risques deviennent multiformes et appellent une diversification des compétences des contrôleurs qui ne doivent plus seulement maîtriser les savoirs bancaires et financiers, mais aussi les techniques de gestion et de management et les environnements juridiques. Un exemple parmi d'autres de ces risques juridiques peut être cité avec les déboires d'Altus - ex filiale du Crédit lyonnais - confronté à la législation californienne sur les banques et les assurances, déboires que la Commission bancaire n'avait, de toute évidence, pas les moyens de prévenir.

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