C. LES INSUFFISANCES DU CONTRÔLE EXTÉRIEUR

La communauté financière internationale a largement reconnu les insuffisances du cadre des contrôles externes portant sur les agents financiers.

Ces insuffisances concernent un vaste ensemble de dispositifs prudentiels imposés aux intervenants.

Elles sont amplifiées par les problèmes d'organisation du contrôle externe qui n'a pas suffisamment engagé les adaptations que suppose la globalisation des marchés.

1. Des dispositifs prudentiels incomplets ou inadaptés

Avec l'exposé du renforcement des exigences imposées en matière de contrôle interne, l'on a déjà évoqué l'un des domaines de la réglementation prudentielle qui est apparu, à juste titre, comme insuffisamment développé. Mais d'autres sources d'insatisfaction doivent être mentionnées.

a) Les insuffisances du ratio Cooke

La première d'entre elle est relative à la couverture des engagements des banques par leurs fonds propres. Il existe en la matière une norme internationale depuis l'accord de Bâle de 1988 dénommée " ratio Cooke " du nom du président du Comité de Bâle sur la supervision bancaire de l'époque.

Initialement destiné à limiter l'exposition aux risques de crédit, puis amendé pour tenir compte des risques de marché, l'accord consiste à exiger que les engagements des banques ayant une activité internationale significative soient couverts par un minimum de fonds propres. Le ratio de couverture des risques est calculé en rapportant les éléments constitutifs des capitaux propres des intermédiaires à un encours d'engagements, lui-même calculé à partir de pondérations diverses des risques en fonction de leur nature. En bref, les différents types d'engagements sont accompagnés d'exigences variables de couverture. L'échelle des pondérations va de 0 % pour les engagements auprès des banques centrales des pays appartenant à l'OCDE à 100 pour les catégories d'engagements les plus risqués. En conséquence, le capital exigible pour la couverture des engagements varie, quatre catégories d'engagements étant distinguées et accompagnées des exigences de couverture suivantes : 0 ; 1,6 ; 4 et 8 % respectivement.

L'on ne peut que s'associer aux propos d'Alan Greenspan selon lequel le " provisionnement en capital constitue un sujet d'importance essentielle pour les banquiers, et leurs contreparties, mais aussi pour les régulateurs et les banques centrales dont la tâche est de s'assurer de la stabilité du système financier ".

L'on peut aussi partager le jugement du Comité de Bâle sur l'impact très positif du ratio Cooke sur la stabilité du système financier. Il est bien vrai que l'accord de 1988 a été suivi par des augmentations substantielles des capitaux propres des banques.

Il est également exact que le respect mondial du ratio Cooke a beaucoup progressé 37( * ) .

Cependant, il ne faut pas dissimuler les insuffisances de la norme prudentielle établie en matière de couverture des engagements par les fonds propres. Elles appellent des réformes qui seront examinées plus loin dans le présent rapport, et qui suscitent, on le verra, un vrai débat.

Il faut d'abord souligner que l'évolution de la norme est allée dans le sens d'une atténuation de sa rigueur qui, rétrospectivement, peut apparaître quelque peu hâtive
. C'est ainsi que le Comité de Bâle a pu accéder, en janvier 1996, aux demandes des établissements dotés de modèles d'estimations de risques de marché développés -demandes appuyées par leurs autorités de contrôle- de pouvoir respecter une norme dérogatoire revenant à opérer une réfaction de moitié par rapport aux risques calculés sur la base de l'approche standard. Cette décision témoigne d'ailleurs d'une orientation globale, sur laquelle on reviendra, tendant à substituer à des normes portant sur les risques eux-mêmes, des normes prudentielles fondées sur la capacité de chaque établissement à maîtriser ses risques.

Il faut aussi mettre en évidence les problèmes posés par l'adaptation de la norme de couverture à la sophistication des opérations financières des banques.

Les innovations financières ont, par exemple, engendré une diversification des sources de financement des établissements bancaires assimilées parfois à tort comme des fonds propres. Il en est allé ainsi par exemple pour des titres libellés le plus souvent en monnaie étrangère comportant de la part de leurs souscripteurs des engagements financiers conditionnels. Ces innovations ont conduit le Comité de Bâle à préciser les conditions à retenir pour déterminer les fonds propres des banques. 38( * )

Les innovations financières se sont également considérablement développées du côté des engagements. Elles offrent une large gamme d'opportunités pour échapper aux contraintes du ratio Cooke. Une pratique courante consiste par exemple à regrouper un ensemble de prêts pour les transformer en titres de créances cessibles à des investisseurs actifs sur le marché. La titrisation permet en effet aux banques de " formater " leurs engagements de telle sorte que leurs obligations d'immobilisation de capitaux propres soient minimisées au regard du ratio Cooke.

Cette véritable course entre les innovations financières et les garants de la règle de fonds propres témoigne peut être d'une certaine réticence des promoteurs des premières à se plier aux disciplines prudentielles, réticence compréhensible lorsque leurs défauts sont établis. Mais, elle constitue surtout un véritable défi pour les régulateurs.

Il faut aussi souligner que le ratio Cooke tel qu'il est aujourd'hui défini ne va pas sans poser de problèmes au regard de son objectif primordial qui est d'assurer la viabilité des banques.

Deux défauts majeurs doivent être distingués.

Il apparaît d'abord que l'application du ratio est susceptible de créer des coûts d'opportunité altérant la rentabilité des banques et de nature à limiter l'accès au crédit.
L'exigence formelle d'un ratio minimum de capital censé sécuriser différentes grandes catégories d'engagements constitue une approche quelque peu sommaire. A titre d'exemple, dans le mécanisme actuel, l'ensemble des prêts aux entreprises est affecté d'une exigence de couverture uniforme égale à 8 % des engagements. Or, il n'est pas douteux que ces prêts peuvent être très inégalement risqués, la solvabilité des emprunteurs pouvant varier considérablement. Le manque de prise en compte des probabilités inégales d'insolvabilité conduit ainsi à créer une aversion artificielle des banques pour des engagements rendus inutilement coûteux. Elle peut être à l'origine de coûts d'opportunité pour les banques, allant à l'encontre de l'objectif recherché de solidité financière, et créer des difficultés indues d'accès au crédit pour les entreprises.

Mais il apparaît également que l'insuffisante diversification des pondérations utilisées pour mesurer les risques conduit à mésestimer les dangers de certains engagements.

Tel est en particulier le cas des crédits souverains pour lesquels la règle de la pondération 0 des crédits consentis aux pays de l'OCDE a conduit à des traitements homogènes injustifiés des dettes souveraines de pays aussi différents que la Corée ou l'Allemagne. De la même manière, le traitement uniforme des entreprises est loin de refléter la réalité.

Il est donc tout à fait recommandable d'améliorer le dispositif de couverture des risques.

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