3. Les défaillances des incitations de marché
A
défaut d'espérer des gains systémiques d'une réelle
autodiscipline des intervenants financiers, l'on pourrait attendre des
incitations du marché une stabilisation du système.
Tel serait le cas si le marché devait spontanément imposer des
primes aux intervenants dénués d'organes de contrôle
interne.
Or, rien ne permet d'affirmer qu'il le fasse systématiquement.
En réalité, l'une des leçons majeures des crises
asiatiques, mais aussi de la crise russe par exemple, est
précisément l'incapacité de nombreux opérateurs de
marché à percevoir finement les risques et, en
conséquence, à faire varier leurs comportements en fonction de
leur évolution.
C'est vrai pour les prêteurs
puisque ce n'est ainsi qu'au cours du
quatrième trimestre 1997, et donc bien après le début de
la crise, que les marges sur la dette des pays émergents se sont
fortement élargies.
Mais c'est aussi vrai pour les agences de notation
qui ont
révisé tardivement leurs évaluations restant, par exemple,
insensibles dans leurs estimations du risque de change à l'explosion de
l'endettement extérieur à court terme des pays émergents.
Cette absence de capacité des incitations de marché à
intervenir à bonne date se double d'ailleurs de la question de savoir si
leur déclenchement est susceptible d'amener les stabilisations
nécessaires.
Pour les évolutions de marché postérieures à la
survenance des crises
, au vu des expériences asiatiques, la plupart
des commentateurs s'accordent à reconnaître une certaine forme de
surréaction des opérateurs et particulièrement des agences
de notation. Les primes exigées ont alors tendance à
s'accroître brutalement sans considération pour les conditions
dans lesquelles la crise est gérée par les autorités, ces
évolutions compliquant d'ailleurs leur tâche.
La capacité d'évolutions de marché antérieures
aux crises à les prévenir est, quant à elle, on l'a vu,
plus théorique.
Sous cet angle, on est d'abord conduit à
envisager la probabilité d'apparition de telles réactions chez
les prêteurs compte tenu des conditions actuelles de fonctionnement du
système financier international.
L'existence d'un fort risque d'irresponsabilité, la course à la
performance entre des opérateurs aux comportements mimétiques,
les stratégies fondées sur des anticipations
autoréalisatrices, les phénomènes de concurrence
axés sur l'exploitation des situations respectives
d'intermédiaires de plus en plus concentrés, ces nombreux
facteurs conduisent à douter de la capacité des marchés
à s'autoréguler par les réactions des prêteurs
suffisamment précoces et adaptées à l'évaluation
des risques.
Ces facteurs et les risques qui en découlent sont accentués par
des caractéristiques concrètes propres aux emprunteurs. A
supposer même que ceux-ci doivent supporter une tension de leurs
conditions de financement, les insuffisances structurelles observées
dans nombre de pays débiteurs peuvent faire obstacle à une
adaptation convenable de leurs comportements financiers.
Tel est manifestement le cas, s'agissant des emprunteurs publics, de la Russie,
les gouvernements russes ayant paru totalement insensibles au durcissement des
conditions de marché imposées à l'Etat russe.
S'agissant des emprunteurs privés appartenant aux secteurs bancaires ou
productifs, il n'est pas utile de s'appesantir longuement sur les profonds
défauts structurels de la gestion des entreprises asiatiques.
Une conséquence forte de ces développements s'impose : il
est essentiel de restaurer les conditions d'un meilleur fonctionnement des
marchés.