B. LA BANQUE MONDIALE : UNE COORDINATION INSUFFISANTE AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS
Le système de Bretton Woods était conçu de manière complémentaire. Alors que le Fonds monétaire international devait traiter les questions de balance des paiements et assurer leur équilibre, la Banque mondiale se voyait confier la responsabilité de la reconstruction et du développement. D'une certaine manière, elle aidait les pays à se développer, réduisait la pauvreté dans le monde et accordait des crédits aux pays membres du FMI. Parallèlement, des banques régionales spécialisées ont vu le jour, en Amérique (la Banque interaméricaine du développement - BID), en Asie (la Banque asiatique de développement) et en Afrique (la Banque africaine de développement). Celles-ci ont le même objectif de développement économique, dans leur zone.
Repères chronologiques sur la Banque mondiale
1944 |
Création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), siège à Washington |
1946 |
Première assemblée générale de la banque à Savannah |
1952 |
Entrée du Japon et de l'Allemagne |
1955 |
Création de l'Institut de développement économique |
1956 |
Création de la Société financière internationale (SFI) |
1960 |
Création de l'Association internationale de développement (AID) |
1966 |
Création du Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements |
1988 |
Création de l'Agence multilatérale de garantie des investissements |
1990 |
Création du Fonds pour l'environnement mondial |
1992 |
La Suisse, la Russie ainsi que 12 républiques de l'ex-URSS deviennent membres de la Banque mondiale |
1994 |
177 Etats-membres |
En
réalité, le FMI et la Banque mondiale se sont longtemps
développés selon des logiques indépendantes. Le premier a
mis en place ses propres instruments financiers tandis que la seconde
développait ses modèles économiques sur des
hypothèses différentes de celles utilisées par le Fonds.
Des dysfonctionnements forts ont existé et peuvent demeurer. Le premier
réside dans le maintien, à un niveau très important,
d'aides sous forme de prêts d'ajustement structurel de la Banque mondiale
dont on ne voit pas toujours ce qui les distingue des actions du FMI. Ceci est
d'autant plus source d'inefficacité quand ils interviennent dans le
secteur financier, domaine de compétences partagées. Le second
renvoie à la possibilité de divergences de diagnostic ou de
conditionnalité (FMI et Banque mondiale ne s'entendaient pas, par
exemple, sur le rythme de privatisation de la société ivoirienne
de raffinage en Côte d'Ivoire). Le troisième est la persistance de
zones d'incertitude, comme en témoigne l'impossibilité pour les
responsables de la Banque africaine de développement de définir
précisément à votre rapporteur la notion de " bonne
gouvernance " pourtant quotidiennement utilisée. Par ailleurs, ces
institutions ont pu apparaître parfois comme bien trop
cloisonnées, la Banque mondiale ne s'ouvrant pas aux questions de
surveillance bancaire et le FMI restant réticent à sortir des
concepts de stabilisation macro-économique pour entrer dans une logique
de développement
29(
*
)
.
Souvent, la Banque mondiale a pu considérer que le FMI proposait des
solutions qui l'impliquaient sans pour autant l'associer à leur
élaboration.
Le
chevauchement des interventions des institutions de Bretton
Woods :
l'exemple du Centrafique
" Jeune Afrique économie :
Quel est
l'état de vos relations avec les bailleurs de fonds, notamment le Fonds
monétaire international et la Banque mondiale ?
Anicet Georges Dologuélé
*
: Nous avons
signé, en juin 1998, un accord pour une Facilité d'ajustement
structurel renforcée (FASR) avec le FMI. Si le premier
décaissement a bien été versé, le deuxième,
qui devait intervenir au mois de décembre 1998, n'a pas eu lieu. De
fait, les élections législatives ont entraîné des
dysfonctionnements de l'économie et nous n'avons pas pu conclure
" la revue à mi-parcours " avec le FMI. Une mission du Fonds
s'est rendue en Centrafrique, en février 1999, et cet examen a
été conclu à la fin du mois d'avril. Dans la
foulée, le deuxième décaissement devrait intervenir au
mois de juin.
Pour sa part, la Banque mondiale doit présenter devant son conseil
d'administration un programme de Crédit d'ajustement structurel (Cas).
La décision devrait être prise d'ici à la fin du mois de
juin. Comme nous sortons d'une période de crise, la Banque mondiale
propose de monter un programme post-conflit qui a l'avantage d'être moins
contraignant qu'un Programme d'ajustement structurel (Pas) classique. Le
décaissement est plus rapide et, entre deux décaissements, nous
ne sommes pas contraints de respecter certains critères de performance.
Cela permet de relancer la machine avant de pouvoir bénéficier de
programmes sectoriels bien précis.
La Banque africaine de développement (Bad) se situe à peu
près dans le même timing. Elle a effectué une mission en
mai 1999 pour localiser les projets à financer. L'arrêt des
décaissements de la Bad est lié essentiellement à des
retards que nous avons pris dans les échéances de remboursement.
Les décaissements du FMI et de la Banque mondiale devraient nous aider
à faire face à ces retards et donnent une bouffée
d'oxygène à l'économie du pays. Nos arriérés
de paiement, qui s'élevaient à 6 milliards de F CFA à
la fin de décembre 1998, se situent actuellement aux environs de 7
à 8 milliards. "
* alors Premier ministre de la République centrafricaine
Source :
Jeune Afrique économie
, 28 juin - 11 juillet 1999
Depuis , la crise asiatique et les débats auxquels elle a donné
lieu entre le FMI et la Banque mondiale, ces institutions ont
amélioré leur coordination. M. James Wolfensohn l'exprimait ainsi
le 21 janvier 1999 :
" Je suis convaincu que les rôles
respectifs de la BIRD et du FMI sont mieux harmonisés. D'une
façon générale, notre institution soeur est chargée
de la stabilisation macro-économique dans nos pays clients et du
contrôle à exercer. Quant à nous, nous sommes responsables
des aspects structurels et sociaux du développement. Ces deux
rôles ne sont manifestement pas dissociables et nous collaborons
très étroitement sur une base
journalière. "
30(
*
)
La Banque s'est ainsi
retrouvée, après de vives discussions, aux côtés du
Fonds dans la réflexion sur la crise asiatique et ces deux institutions
ont élaboré avec la Banque asiatique de développement le
plan de sauvetage mis en oeuvre dans cette région. De même, en
Amérique latine, la Banque, le Fonds et la BID ont défini de
manière conjointe les programmes de réformes économiques
structurelles nécessaires à la sortie de la crise.
La crise a permis de mettre en place des mécanismes de coordination et
de répartition des rôles entre les deux institutions. Elles se
sont accordées sur un partage des compétences en matière
financière, avec la création d'un comité de liaison
assurant une information régulière des activités de
chacune. Outre le développement des missions conjointes (les fameuses
reviews
), les institutions se sont accordées sur la
possibilité pour le dirigeant de chacune de participer pleinement aux
réunions du comité intérimaire (FMI) et du comité
de développement (Banque mondiale). Progressivement, une meilleure
coordination se met donc en place.
Le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de
développement ont ainsi des missions différentes mais sont
contraints d'agir de concert. Le Fonds délivre une aide
budgétaire globale à un Etat ; la Banque finance des
programmes d'amélioration des conditions de vie, de développement
des systèmes de santé et d'éducation ; les banques
régionales s'inscrivent dans une logique de projets, la plupart du temps
structurants pour l'espace régional. Cependant ces trois formes d'aide
interviennent dans un contexte commun et devraient donc découler d'un
diagnostic commun ; de même, elles supposent la réunion de
conditions dont les plus importantes (réformes structurelles, cadre
législatif, privatisations, blocage des salaires, abandon du soutien des
prix, réduction du nombre de fonctionnaires, etc.) font partie des
compétences communes aux trois institutions.