4. Le coût social des mesures d'ajustement prônées par le FMI constitue un dilemme majeur pour cette institution

Les politiques d'ajustement imposées par le FMI sont fondées de manière simple selon le schéma suivant : dans un premier temps, le volume des importations permettant de parvenir à un équilibre de la balance des paiements, compte tenu des perspectives d'exportation, est défini conjointement avec les autorités du pays sollicitant l'aide du FMI. Par la suite, ce volume d'importation définit, compte tenu de la propension à importer du pays et des prévisions de croissance, le niveau de consommation et des dépenses de l'Etat permettant d'atteindre l'équilibre de la balance des paiements. Les politiques d'ajustement prônées par le FMI impliquent donc une forte réduction des dépenses budgétaires et ont un effet récessif inévitable sur les économies des pays émergents confrontées à un problème de financement de leur balance des paiements.

Les préconisations de rigueur du FMI en matière de politique budgétaire et monétaire ont conduit en Asie notamment à une forte élévation du niveau des taux d'intérêt, qui a provoqué la faillite de nombreuses entreprises fortement endettées, et sont sans doute partiellement responsables des troubles politiques et sociaux en Indonésie. Selon Joseph Stiglitz, principal économiste de la Banque mondiale, le FMI aurait imposé une politique budgétaire et fiscale trop rigide et contraignante à l'ensemble des pays d'Asie en crise, alors que les politiques menées en la matière ne peuvent être tenues pour responsables de l'émergence de cette crise.

Lors de son audition par le groupe de travail, le 21 avril 1999 26( * ) , M. Jean-Pierre Landau a rappelé que le FMI avait donné l'impression, au cours de ses récentes interventions, qu'il était porteur de certaines valeurs, en particulier du modèle économique américain, jugé supérieur, et que ses actions consistaient à l'implanter au tréfonds des sociétés des Etats secourus. Or, ceci avait été très mal vécu par les Asiatiques.

Il convient de rappeler à cet égard que les Etats-Unis disposent de 17,87 % des quotes-parts du FMI, soit presque autant de droits de vote. Compte tenu des modalités de prise de décision au sein du FMI, qui suppose une majorité qualifiée correspondant à 85 % des droits de vote, les Etats-Unis disposent de fait d'un droit de veto sur les décisions du FMI. Les pays de la zone euro représentent, quant à eux, 22,66 % des quotes-parts. Cependant, leur influence est considérablement moindre que celle des Etats-Unis, du fait d'une insuffisante coordination entre les pays. Une révision de la formule de calcul des quotes-parts est actuellement étudiée par le FMI, afin d'accorder une plus large place aux pays émergents, probablement au détriment de l'Europe.

De nombreux hommes politiques et économistes ont souligné les effets désastreux des politiques macro-économiques imposées par le FMI sur les niveaux de vie des pays en voie de développement. La prise en compte de ces critiques a conduit le FMI à mener des politiques d'ajustement " à visage humain ", en élargissant la gamme des prêts accordés aux pays en voie de développement. Cet infléchissement de la politique du FMI a conduit celui-ci à s'intéresser davantage aux réformes structurelles et aux conséquences sociales des politiques d'ajustement mises en oeuvre dans ces pays.

L'élargissement du champ d'action du FMI l'a amené à interférer avec les compétences de la Banque mondiale, et à faire apparaître ces deux institutions comme concurrentes davantage que comme complémentaires. La Banque mondiale a en effet considéré que la FMI tendait à mettre en oeuvre des conditions qui entraient dans son champ de compétence, sans l'associer à leur définition.

M. Jean-Pierre Landau a évoqué, lors de son audition par le groupe de travail 27( * ) , les relations désastreuses entre le FMI et la Banque mondiale au cours de la crise asiatique, puisque le FMI mettait en cause les politiques économiques des pays atteints par la crise, tandis que la Banque mondiale tenait pour responsables les marchés financiers.

Le FMI a été accusé par de nombreux économistes et hommes politiques d'avoir fait preuve de " myopie " au cours des récentes crises. Lors de son audition par le groupe de travail 28( * ) , M. Christian de Boissieu a estimé que le FMI devrait se recentrer sur l'objectif qu'il lui était dévolu au moment de sa création, c'est-à-dire le financement des crises de paiement à court terme. Il a observé que le FMI impulsait des politiques structurelles, ce qui est du ressort de la Banque mondiale.

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