2. L'action du FMI est contrainte par une obligation de prudence...

L'action du FMI est contrainte par une obligation de prudence dans l'appréciation des situations financières des pays et par rapport aux signaux qu'il est susceptible de délivrer aux marchés financiers. Lorsque le FMI considère qu'une crise va survenir, celle-ci ne se produit pas nécessairement. Cependant, il doit veiller, en émettant ses avertissements, à ne pas aggraver la situation qu'il dénonce, en confirmant les doutes et les réserves des marchés financiers. Ce risque d'" anticipation autoréalisatrice " constitue une limite constante à l'action du FMI, qui risque de jouer le rôle d'un " pompier pyromane ", qui allumerait le feu en tentant d'éteindre les braises des déséquilibres en formation. L'économiste Jeffrey Sachs, très critique de l'action du FMI en Asie, rappellait ainsi en 1998 : " On compare parfois cette institution [le FMI] à une compagnie de pompiers. Moi elle me fait plutôt penser à une personne qui crierait au feu dans un théatre. Elle a vu quelques flammèches qui pourraient se transformer en incendie - pour le moment, ce ne sont que des petits problèmes structurels -, mais elle ne trouve rien de mieux à faire que de donner l'alerte en hurlant " Au feu ! au feu ! ". Résultat : c'est la panique ! Croyez-moi : en Asie, le FMI n'a pas aidé à restaurer la confiance ! au contraire, il a suscité un mouvement de défiance chez les investisseurs qui se sont tous dit : Si le FMI est là, mieux vaut s'en aller. ".

Le rôle du FMI dans la surveillance des économies et la prévention des crises est rendu particulièrement délicat par l'influence de ses appréciations sur les anticipations des marchés financiers. Les critiques portent donc aussi bien sur l'absence de signaux d'alarme délivrés par l'institution, que sur l'effet dévastateur que peuvent avoir ceux-ci sur les pays en situation de fragilité.

3. ...et par la mise en oeuvre des politiques d'ajustement par les gouvernements nationaux

Lors de leur audition par le groupe de travail, le 18 mai 1999 24( * ) , MM. Stanley Fischer et Jean-Claude Milleron ont indiqué les limites de l'action du FMI dans la prévention des crises, liées notamment à l'action des gouvernements compte tenu du respect du principe de souveraineté des Etats. Les crises financières peuvent avoir une origine politique, qu'il n'est pas facile de prévoir. De plus, le FMI n'est pas toujours écouté par les gouvernements lorsqu'il émet des avertissements quant à la possibilité ou à l'imminence d'une crise.

L'action du FMI est ainsi fortement dépendante de la volonté politique des gouvernements des pays qui subissent une situation de crise, et ce, à toutes les étapes de son intervention. Le FMI ne peut agir que quand les gouvernements en font la demande. Or, ceux-ci ne font souvent appel au FMI que lorsque la situation apparaît impossible à maîtriser sans un soutien financier important. A propos de la crise en Asie, Michel Camdessus rappelait ainsi en 1998 que " la surprise n'a pas été moindre pour les pays eux-mêmes que pour les opérateurs sur les marchés. Quelque peu grisés par de longues années de succès, ils en ont ignoré les prémisses autant que les avertissements qui leur venaient de l'extérieur. Ce syndrome du déni est pour beaucoup dans l'ampleur des sinistres auxquels il leur a fallu faire face quand ils se sont enfin décidé - trop tard ! - chacun à leur tour, à appeler à l'aide le FMI et la communauté internationale . " 25( * ) Or, le FMI ne dispose pas de la même vitesse de réaction que les marchés financiers, du fait de son statut d'institution internationale.

L'action du FMI est également limitée par la mise en oeuvre par les Etats des réformes nécessaires à la résorption de leurs déséquilibres financiers. En effet, il ne peut se substituer à l'action de l'administration, notamment dans le domaine fiscal, et ne peut contrôler sur le terrain les engagements pris par les gouvernements. Enfin, il reste tributaire, à l'ensemble des stades de son intervention, de l'information qui lui est communiquée par les autorités nationales.

Une des clés de la résolution des crises financières est l'implication du secteur privé. Or, le FMI ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte à l'égard du secteur privé, et ne peut que s'en remettre aux gouvernements des Etats pour mettre en oeuvre les conditions de sortie de crise. Il ne peut contraindre, par exemple, les banques et établissements de crédit à maintenir leurs fonds dans un pays. De plus, ses interventions peuvent emporter des effets pervers et renforcer les déséquilibres : dès lors que les interventions du FMI sont anticipées par les marchés financiers, ceux-ci sont incités à sous-évaluer le risque des placements, et à renforcer ainsi les facteurs même qui justifient son intervention . Les modalités d'action du FMI ont été critiquée après la crise asiatique, les soutiens financiers aux pays en difficulté servant essentiellement à rembourser les capitaux privés, et incitant ceux-ci à des prises de risque excessives dans les pays émergents.

Enfin, l'analyse des situations économiques et les interventions financières du FMI ne prennent pas nécessairement en compte la dimension systémique des problèmes, car elle s'effectue pays par pays.

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