b) Les effets pervers d'une taxe " aveugle " sur les mouvements de capitaux
Les
effets pervers de la création d'une taxe sur les mouvements de capitaux
ne sont pas à négliger. En effet, la spéculation constitue
un acte utile pour le développement des échanges internationaux.
Le spéculateur s'engage à acheter ou à vendre à
terme un bien pour une valeur déterminée, en cherchant soit
à se mettre à l'abri des variations des cours, soit à
s'enrichir en profitant de ces variations.
Un contrat à terme s'analyse comme un transfert de risque de celui qui
veut se couvrir vers celui qui accepte de couvrir ce risque contre
rémunération. Ces contrats permettant aux exportateurs et aux
importateurs de s'assurer contre les variations des cours des devises, la
création d'une taxe sur les mouvements de capitaux entraînerait un
renchérissement du coût de la couverture des risques, et serait
donc dommageable aux échanges de biens. Lors de son audition par le
groupe de travail, M. Christian de Boissieu a souligné
l'impossibilité de distinguer les opérations purement
spéculatives des opérations financières liées au
commerce international, ce qui constitue un obstacle sérieux à
l'établissement d'une taxe sur les mouvements de capitaux.
La taxe Tobin pourrait également avoir des effets contraires à
ceux recherchés. En effet, en renchérissant le coût des
transactions sur les marchés des changes, elle limiterait la
diversification internationale des risques des institutions financières,
et pourrait donc entraîner une plus grande vulnérabilité de
l'épargne investie à l'étranger. La taxe frapperait
essentiellement les mouvements de capitaux spéculatifs sur le
marché des changes, généralement motivés par des
variations très faibles des parités entre les monnaies. Or, il
convient de rappeler que la volatilité quotidienne provoquée par
ces transactions ne constitue pas un danger pour l'économie
réelle. L'ampleur de cette spéculation peut, au contraire, avoir
un effet stabilisateur sur les marchés, car l'équilibre
découle des anticipations des différents acteurs,
généralement fondées sur la faible probabilité d'un
retournement soudain du marché. En réduisant le nombre de
transactions et la liquidité des marchés financiers, la taxe
Tobin pourrait accroître l'ampleur des variations des prix et
l'instabilité des marchés. M. Jean-Pierre Landau illustre cette
idée en rappelant que "
le jet d'une pierre dans un grand lac
produit des remous invisibles ; dans une petite mare, il provoque des
vagues de grande ampleur.
".
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*
)
La volatilité excessive des marchés est celle qui entraîne
des fluctuations importantes des taux de change, ou qui conduit à des
taux de change sans rapport avec les données fondamentales de
l'économie réelle. Compte tenu de l'ampleur des gains provenant
à de tels écarts, cette volatilité, qui n'est pas
liée fondamentalement au volume ou à la durée de placement
des capitaux, ne pourrait pas être contenue par l'instauration d'une taxe.
Les principales crises financières qui justifient, aux yeux de ses
promoteurs, la création d'une taxe Tobin, ne seraient donc pas
empêchées par celle-ci, compte tenu de l'ampleur des
dévaluations qui ont eu lieu en Asie. On rappellera à cet
égard que les coûts de transaction n'ont jamais constitué
un rempart efficace aux maux de l'instabilité financière
internationale.
Enfin, une moindre liquidité des marchés
pourrait, en amplifiant les mouvements de panique, accroître au contraire
les risques systémiques.