C. DES SOLUTIONS GLOBALES UTOPIQUES

1. Le mirage de la taxe " Tobin " sur les mouvements de capitaux

L'idée d'une taxe universelle sur les mouvements de capitaux a été développée en 1978 par l'économiste et prix Nobel (1981) américain James Tobin, qui estimait nécessaire de mettre un grain de sable dans les rouages du système monétaire international. Cette taxe porterait sur toutes les opérations de change privées, avec un faible taux, afin de ne pas affecter les mouvements de capitaux à long terme. En revanche, une telle taxe devrait dissuader et freiner les transactions spéculatives, puisque les fréquents aller et retour des capitaux entraîneraient un surcoût important. L'idée de James Tobin devait permettre, en réduisant les mouvements de capitaux spéculatifs qui profitent des écarts de taux d'intérêts réels, de redonner une marge de manoeuvre aux politiques monétaires nationales, et d'assurer une plus grande stabilité du processus de formation des prix sur les marchés financiers. Le produit de cette taxe serait consacré à l'aide publique au développement.

La crise asiatique a renforcé la conviction des personnes qui soulignaient les effets pervers de la mondialisation, et, en particulier, de la libéralisation des mouvements de capitaux. La multiplication des instruments financiers permettant de prendre des positions à terme sur le marché des changes au cours de la dernière décennie a nourri la spéculation, en particulier sur le marché des changes, entraînant une plus grande volatilité et une plus grande fragilité des monnaies.

Ce constat, ainsi que la redistribution du produit de la taxe sur les mouvements de capitaux en faveur des pays en voie de développement, suscite désormais l'intérêt, sinon l'adhésion d'une partie de la classe politique française. L'idée paraît en effet généreuse et séduisante par sa simplicité. Il convient cependant d'en évaluer la faisabilité d'une part, et l'efficacité d'autre part. En effet, une telle taxe, souvent présentée comme un remède miracle aux excès des marchés par ses promoteurs, doit être évoquée comme une utopie et ne tient pas compte de la complexité des mécanismes financiers.

a) L'impossibilité de mettre en oeuvre une taxe sur les mouvements de capitaux, ou la contrainte d'universalité

Lionel Jospin s'était déclaré favorable à une taxe sur les mouvements de capitaux avant d'être nommé premier ministre. Il a cependant abandonné cette idée depuis : dans sa réponse à une question du député Jean-Claude Lefort, publiée au Journal officiel le 1 er mars 1999, le gouvernement a fourni les indications suivantes : " Il serait inexact (...) de considérer que tous les mouvements de capitaux internationaux, fussent-ils spéculatifs et/ou n'ayant pas pour objet de servir l'intérêt général, ont des effets nocifs. (...) La taxe Tobin paraît cependant, dans l'état actuel du débat international, notamment en raison de la vive opposition des Etats-Unis, impossible à mettre en place au niveau mondial. Or, l'idée ne vaudrait que si elle était appliquée partout, faute de quoi elle serait inefficace . ". Le gouvernement expose donc de manière claire les obstacles comme les limites d'une taxe Tobin.

Au cours de son audition par le groupe de travail, M. Christian de Boissieu a souligné l'impossibilité d'une application universelle de la taxe Tobin. En effet, les pays qui n'adhéreraient pas à la convention instituant une telle taxe (ce qui est inévitable, compte tenu de l'avantage inhérent à un tel comportement de " passager clandestin ") constitueraient de fait des places offshore vis-à-vis des pays partie prenante à la convention. Une taxe sur les mouvements de capitaux limitée à quelques pays, même à un très grand nombre d'entre-eux, ne provoquerait sans doute qu'un déplacement des transactions vers les autres pays. Le développement des transactions via le réseau internet faciliterait de surcroît le contournement d'une telle taxe.

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