II. UNE RÉFORME ENGAGÉE MAIS QUI EST LOIN D'ÊTRE ACHEVÉE

Lorsque votre rapporteur a commencé sa mission, le conseil d'administration de l'Office, encouragé par le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, avait chargé son directeur général, de mettre en oeuvre une réforme du service central et des établissements afin de doter l'ONAC d'une gestion moderne et efficace.

Votre rapporteur a pu constater les progrès réalisés en un an. Ainsi, des décisions courageuses ont été prises en ce qui concerne les maisons de retraite tandis que la prise en charge par les écoles de rééducation professionnelle de la réinsertion des militaires de carrière justifie leur maintien dans le champ de compétence de l'ONAC.

Toutefois, la réforme de l'Office est loin d'achevée.

A. LES ACTIONS DÉJÀ RÉALISÉES

A la fin de l'année 1997, le conseil d'administration de l'ONAC a demandé au directeur général d'engager une réforme de l'Office afin de sortir de la crise financière dans laquelle il était plongé depuis 1994 et d'améliorer la gestion de l'établissement public.

Trois axes d'action ont alors été dégagés qui visaient l'organisation générale, les maisons de retraite et les écoles de rééducation professionnelle.

1. L'organisation générale

Plusieurs mesures ont d'abord été prises pour rétablir l'équilibre budgétaire.

D'une part, des économies ont été recherchées en matière de fonctionnement courant. Ainsi, en ce qui concerne les locaux des services de proximité, un bilan a été dressé de la situation de chaque service et des possibilités de relogement à des conditions plus avantageuses.

D'autre part, l'Office national des anciens combattants a entrepris certaines réformes visant à moderniser sa gestion.

Ainsi, un budget par " pôle de responsabilité " a été mis en place en 1997, distinguant le service central, les services départementaux et les établissements pour gérer les engagements et les délégations de crédits et, en conséquence, améliorer la transparence du budget de l'Office.

Par ailleurs, un poste de contrôleur de gestion a été créé afin de procéder à une analyse des coûts de chaque " pôle de responsabilité ", de définir des indicateurs de gestion et de procéder au suivi des dépenses.

En outre, un effort de formation a été entrepris en direction des directeurs des maisons de retraite et des écoles de rééducation professionnelle.

Enfin, l'ONAC a lancé une politique de promotion de l'oeuvre nationale du Bleuet de France. Cette institution regroupe les activités de l'association du Bleuet de France et du Comité du souvenir et des manifestations nationales. Le Bleuet trouve ses origines dans la guerre de 1914-1918. Il était fabriqué par les mutilés de guerre. Le produit de sa vente permettait de financer des actions sociales en faveur des anciens combattants.

Aujourd'hui, les recettes du Bleuet sont les produits des collectes et des ventes organisées le 11 novembre et le 8 mai. Toutefois, l'éloignement des conflits et l'urbanisation ont conduit à un plafonnement des recettes autour de 6,5 millions de francs. Or, compte tenu du contexte économique et social, les besoins en crédits d'action sociale pour les anciens combattants croissent. C'est la raison pour laquelle l'ONAC a pris des initiatives afin de renforcer la notoriété de l'oeuvre nationale du Bleuet.

Ainsi, les plus hautes autorités de l'Etat ont été sensibilisées et ont décidé de montrer l'exemple en arborant le Bleuet à la boutonnière dans les cérémonies officielles chaque 8 mai et 11 novembre.

Par ailleurs, cette oeuvre nationale a été autorisée par décret à percevoir les produits de la vente de publications consacrées à la promotion et à l'illustration des valeurs civiques et morales attachées au Bleuet de France, ainsi que ceux résultant de la commercialisation de produits portant la marque du Bleuet de France.

2. Les maisons de retraite

Les causes du déficit structurel des maisons de retraite gérées par l'Office national des anciens combattants sont connues depuis longtemps. Le rapport du centre international de recherche et d'études de la vie sociale de 1993, la note de la Cour des comptes de 1994, la note d'étude du contrôle général des armées de 1997 portent tous sur la gestion des maisons de retraite et les causes de leur déficit.

Deux obstacles empêchent une gestion équilibrée des maisons de retraite :

- les prix de journée ne couvrent pas les coûts de fonctionnement ;

- les retards accumulés en matière d'investissement sont tels qu'ils ne peuvent plus être comblés aujourd'hui : 360 millions de francs seraient nécessaires pour rénover entièrement le parc des maisons de retraite de l'ONAC.

Toute stratégie visant le retour à l'équilibre financier doit donc intégrer ces contraintes.

En conséquence, l'ONAC doit non seulement parvenir à une gestion équilibrée de ses maisons de retraite en bénéficiant des dispositifs de droit commun (aide sociale départementale, forfaits soins de l'assurance maladie), mais également dresser un état des lieux de son parc et concentrer ses efforts sur les établissements les mieux placés .

Ce constat n'est pas récent. Ainsi, lorsque les crédits visant à financer des travaux de rénovation dans les maisons de retraite avaient fait l'objet d'un arbitrage, il avait été décidé que 20 millions de francs seraient débloqués pour le budget 1996. En contrepartie, l'ONAC devait s'engager à restructurer son parc. Or, aucune mesure n'a été prise dans ce sens jusqu'à l'adoption de la loi instituant la prestation spécifique dépendance. L'ONAC se contentait de rechercher des financements de droit commun sans qu'aucune réflexion officielle ne soit lancée sur l'avenir du parc des maisons de retraite.

Avec la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997, les maisons de retraite de l'Office sont contraintes de s'intégrer dans les dispositifs de droit commun et de signer les conventions tripartites prévues si elles veulent continuer à héberger des personnes âgées dépendantes. En outre, grâce à ces conventions, elles n'auront plus à prendre en charge le coût de la médicalisation et de la dépendance ainsi que l'aide sociale pour les plus démunis.

Toutefois, pour satisfaire aux obligations réglementaires et aux conditions nécessaires pour passer convention avec les conseils généraux et l'autorité assurant le financement de la médicalisation, un énorme effort d'investissement est indispensable, qui dépasse les moyens financiers de l'Office national des anciens combattants. Celui-ci a donc dû se résoudre à dresser un état des lieux sur son patrimoine immobilier et à envisager la fermeture de certains établissements trop vétustes .

Une première fermeture a eu lieu en 1998 et concernait la maison de retraite de la Pomme à Marseille. Toutefois, la rencontre de votre rapporteur avec la responsable des maisons de retraite à l'ONAC en octobre 1998 avait laissé penser qu'il s'agissait d'une exception. Aucune autre fermeture n'avait alors été évoquée.

Aussi a-t-il été étonné lorsque, prévoyant de visiter la maison de retraite de Montpellier en mars 1999, il a appris que cette dernière était fermée. Lors de sa dernière visite à l'administration centrale de l'Office en septembre 1999, il lui a été fait part de trois nouvelles fermetures : Villiers le Sec, Ville Lebrun et Bouleville.

Ces décisions soudaines de fermeture sont la résultante de plusieurs facteurs .

D'une part, certaines commissions départementales de sécurité avaient notifié un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation. D'autre part, un rapport avait été remis au secrétaire d'Etat aux anciens combattants le 30 mars 1999 sur la situation des maisons de retraite. Pour chaque établissement, un examen précis de son état était présenté et une solution suggérée.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette prise de conscience par l'Office de l'urgence d'entreprendre une réflexion d'ensemble sur son parc de maisons de retraite.

En effet, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa monographie sur le budget des anciens combattants 10( * ) , " la nature immobilière de certains établissements ne permet pas le développement de la médicalisation pour les personnes âgées de plus en plus dépendantes ". En cédant ces bâtiments, l'Office pourrait affecter les ressources ainsi dégagées à la réalisation d'investissements dans les maisons de retraite viables.

3. Les écoles de rééducation professionnelle

Comme votre rapporteur l'a montré précédemment, les écoles de rééducation ne sont pas en déficit, mais la réglementation comptable à laquelle est soumis l'Office en tant qu'établissement public, la " M-9 ", qui impose l'annualité budgétaire, ne permet pas d'appréhender leur situation financière.

En conséquence, sauf à faire adopter aux écoles la réglementation comptable à laquelle sont soumis les établissements hospitaliers et médico-sociaux (la " M-21 "), peu de réformes sont envisageables pour éviter que la situation financière des écoles de rééducation professionnelle doive être étudiée sur trois ans.

L'Office national des anciens combattants a pris une mesure qui redonne toute sa légitimité aux écoles de rééducation professionnelle : le 28 mars 1996, une convention cadre était signée avec le ministère de la défense pour une durée de cinq ans, permettant l'accueil des personnels de ce ministère dans les écoles de rééducation professionnelle .

Ces derniers bénéficient d'une prise en charge financière par le ministère de la défense, en matière de reconversion professionnelle, dont la durée ne peut excéder un an.

Chaque école a dû adapter son offre de formation à ce nouveau public. Ainsi, les équipes pédagogiques ont dû s'engager à présenter les stagiaires à un examen de l'Education nationale au bout d'un an au lieu de deux ans.

Sur la base des propositions faite par chaque école, une convention entre l'ONAC et le ministère de la défense a été signée le 14 janvier 1999. L'objectif est d'accueillir 50 militaires la première année.

Votre rapporteur salue cette entreprise qui devrait diminuer la dépendance financière des écoles de rééducation professionnelle vis-à-vis des DDASS et renforcer leurs liens avec le monde combattant
. Il rappelle toutefois que cette opération ne réussira que si les écoles arrivent à développer des relations fortes avec les services du ministère de la défense chargés de la reconversion des militaires. Un travail important de promotion des écoles doit donc être engagé alors même que le secteur de la réinsertion professionnelle est soumis à une très forte concurrence.

L'Office national des anciens combattants s'efforce également de trouver des financements complémentaires pour l'école de rééducation professionnelle de Béziers .

L'école de Béziers ne bénéficie pas d'agrément du ministère du travail et des affaires sociales pour organiser la rééducation professionnelle des travailleurs handicapés. C'est la raison pour laquelle cette école s'est spécialisée dans la formation des enfants de Français musulmans rapatriés d'une part et du personnel de l'Office d'autre part. Elle a également diversifié son public en offrant des formations ponctuelles au niveau local. Toutefois, la gestion de cet établissement est devenue déficitaire (5,3 millions de francs de déficit ont été constatés en 1998) car les sommes versées par la délégation aux rapatriés, pour financer la formation des enfants de Français musulmans, ne permet pas de couvrir l'ensemble des charges de fonctionnement de l'école.

En outre, cette dépendance financière vis-à-vis de la délégation aux rapatriés n'est pas sans inconvénient. En effet, le nombre d'enfants de Français musulmans rapatriés demandant une formation tend à diminuer. Ainsi, pour l'année scolaire 1999/2000, alors qu'il existe 53 agréments, l'école de Béziers n'a pu rassembler que 40 stagiaires.

Par ailleurs, si la convention entre l'ONAC et la délégation aux rapatriés a été reconduite cette année pour une formation de septembre 1999 à juin 2000 et pour une formation qualifiante de septembre à décembre 2000, aucune convention n'est prévue pour l'année 2001. Si d'autres sources de financement ne sont pas trouvées, l'école sera menacée de fermeture.

L'établissement a demandé l'agrément pour accueillir 49 stagiaires handicapés dans des formations diplômantes ou qualifiantes auprès du préfet de région. Les instances chargées de l'instruction du dossier ont émis un avis favorable, mais faute de crédits suffisants, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales refuse de donner son accord.

4. Des réformes qui s'intègrent dans la charte " un nouvel élan " pour l'ONAC

Comme votre rapporteur l'a déjà rappelé, dès sa nomination en tant que secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, M. Jean-Pierre Masseret, a engagé, en collaboration avec les plus grandes associations d'anciens combattants, une réflexion sur l'avenir de son département ministériel et sa nécessaire restructuration.

Parallèlement, l'Office national des anciens combattants s'est engagé dans une analyse prospective sur le devenir de cet établissement public dans un contexte en pleine évolution. Cette réflexion a conduit à l'élaboration d'une charte intitulée " un nouvel élan ", qui a pour ambition de garantir le rôle central de l'Office au service du monde combattant.

Un nouvel élan pour l'ONAC

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est un établissement public de l'Etat doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière.

Il est le résultat de la fusion de trois établissements publics : l'Office national des pupilles de la nation, l'Office national des mutilés et l'Office national du combattant.

L'Office national des anciens combattants est, depuis l'origine, le grand service social du monde combattant. En associant, de manière paritaire, l'administration et les organisations représentatives des anciens combattants et victimes de guerre, il participe à la mise en oeuvre du droit à réparation, il développe le devoir de solidarité et le devoir de mémoire.

L'ONAC exprime la spécificité du monde combattant, son maintien modernisé est une nécessité dans la France d'aujourd'hui alors que les anciens combattants et victimes de guerre représentent encore, avec l'arrivée de nouvelles catégories (opérations en territoire étranger, victimes d'attentats terroristes) plusieurs millions de ressortissants.

En cette fin de XXème siècle, l'ONAC inscrit son action dans un contexte en pleine mutation.

La société, dont la majorité des classes d'âge est née après la fin de la seconde guerre mondiale, paraît moins sensible aux valeurs du monde combattant.

L'Etat et les collectivités publiques, qui font face à une forte demande de solidarité, sont tentés par des solutions globalisantes qui risquent de marginaliser l'imprescriptible droit à réparation.

Pourtant, devant ces mutations, l'ONAC dispose d'une série d'atouts et de moyens :

- un réseau de services de proximité adaptés au terrain assuré par des fonctionnaires compétents ;

- un mode de gestion paritaire qui donne au monde combattant sa juste place dans la gestion des dossiers qui le concerne ;

- une approche personnalisée du monde combattant s'accompagnant d'un traitement particulier en faveur des ressortissants les plus défavorisés ;

- une série d'établissements : maisons de retraite et écoles de rééducation professionnelles qui doivent être des outils dans une politique nouvelle ;

- un important réseau relationnel avec les préfectures, les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes sociaux et les associations.

Ce sont ces atouts et ces moyens qui permettront à l'ONAC de faire face aux mutations du temps présent.

L'ONAC développera trois ensembles essentiels d'activité.

Il sera, à l'échelon départemental, la structure d'accueil, d'écoute, de conseil et de rencontre pour l'ensemble des ressortissants du monde combattant.

Les services départementaux seront le lieu où chaque ressortissant sera accueilli, consulté, orienté et aidé dans ses demandes et démarches les plus diverses à finalité sociale, administrative, économique et culturelle.

Ils instruiront les demandes relatives à la reconnaissance des droits des anciens combattants et victimes de guerre. Les structures de gestion paritaire de ces droits seront remodelées et renforcées.

Un paritarisme accru assurera l'ensemble des actions de solidarité destinées aux ressortissants (prêts, secours...).

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sera également l'instrument qui permettra d'apporter un soutien actif aux ressortissants les plus âgés.

Les services départementaux oeuvreront, en liaison avec les services de l'Etat et des collectivités territoriales, pour favoriser le maintien à domicile des ressortissants concernés.

L'Etablissement public conservera la gestion d'un réseau de lits en maisons de retraite pour ses ressortissants. Ces lits, dont le nombre devra progressivement croître, seront répartis, soit dans des maisons appartenant à l'ONAC, soit dans d'autres maisons dans lesquelles l'Etablissement public aura par convention acquis la réservation prioritaire d'une série de lits.

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sera le socle sur lequel se construiront et se diffuseront les activités de mémoire des guerres et conflits contemporains dans les départements.

Le service chargé, au niveau national, de la mémoire, décidera de cette politique et les services départementaux seront l'instrument de sa mise en oeuvre locale.

La gestion paritaire de la politique de mémoire qui s'exprime au sein des commissions départementales pour l'information historique et pour la paix sera renforcée dans un sens qui favorisera l'adhésion et la participation, autour du monde combattant, des divers acteurs de la mémoire (enseignants, animateurs de musées, responsables d'associations culturelles...).

Les services départementaux interviendront, en étroite liaison avec les services compétents du ministère de la défense, pour affirmer et renforcer le lien entre l'armée et la nation.

Le lien entre l'armée et la nation est également à la base d'une ouverture des écoles de rééducation professionnelle aux militaires en voie de reclassement professionnel. Ces écoles continueront à être gérées par l'ONAC.

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