2. Les éléments d'un premier bilan
Paradoxalement, et en dépit d'une progression sensible à partir de 1986, la succession des initiatives législatives en faveur de l'actionnariat salarié n'a pas permis d'assurer un développement durable de celui-ci en France. A cet égard, il est frappant de constater le décalage entre le succès croissant de l'épargne salariale et la progression plus lente de l'actionnariat salarié.
a) Le succès des dispositifs d'épargne salariale
L'épargne salariale a connu un développement
certain,
accéléré depuis 1986. Mais la croissance des
différentes formes de participation financière a
été relativement différenciée. Alors que la
participation aux résultats semble avoir atteint une certaine
maturité, l'intéressement continue de se développer tandis
que les PEE progressent rapidement.
•
La montée en puissance de la participation aux
résultats
Véritable droit sur les bénéfices dégagés au
cours de l'exercice, mais accessible seulement après une durée
d'immobilisation de cinq ans, la participation est un système
légal qui s'applique même en l'absence de convention ou d'accord
collectif pour les entreprises de 50 salariés et plus dégageant
un résultat suffisant. Elle reste facultative pour les entreprises de
moins de 50 salariés.
De 8.414 entreprises ayant un accord en 1972, la participation concerne en 1997
18.951 entreprises. Parallèlement, le nombre de salariés couverts
est passé de 3,6 à 4,9 millions de 1972 à 1997.
Le tableau ci-dessous témoigne de la montée en puissance de la
participation ces dernières années.
Participation
|
Au titre de 1997 |
Au titre de 1996 |
Au titre de 1995 |
Au titre de 1994 |
Au titre de 1993 |
Nombre d'entreprises ayant un accord |
18.951 |
17.623 |
16.902 |
17.504 |
15.130 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un accord |
4.947.874 |
4.792.415 |
4.601.770 |
4.719.191 |
4.495.664 |
Nombre d'entreprises ayant distribué |
11.283 |
10.627 |
10.160 |
9.557 |
8.883 |
Nombre de salariés des entreprises ayant distribué |
3.185.970 |
3.014.604 |
2.873.609 |
2.550.813 |
2.659.956 |
Nombre de bénéficiaires |
3.377.880 |
3.201.723 |
3.027.170 |
2.675.941 |
2.727.055 |
Réserve spéciale de participation (en francs) |
20.624.111.558 |
17.303.958.373 |
17.670.949.720 |
14.986.504.669 |
15.906.911.815 |
Prime moyenne par bénéficiaire (en francs) |
6.106 |
5.405 |
5.837 |
5.600 |
5.833 |
Source : MES-DARES, PIPA
•
La progression continue de l'intéressement
L'intéressement, qui a un caractère collectif et
aléatoire, est un système facultatif qui permet à toute
entreprise qui le souhaite d'associer ses salariés, par voie d'accord
collectif, à ses résultats ou à l'accroissement de sa
productivité. Les sommes sont immédiatement disponibles ou
peuvent être placées sur un PEE si l'accord le prévoit.
Le nombre d'accords d'intéressement a très fortement
progressé, notamment depuis 1986. En 1985, on comptait 1.303 accords
d'intéressement en vigueur. 401.000 salariés étaient alors
couverts par un tel type d'accord. En 1997, 14.629 entreprises comptant
3.035.000 salariés étaient couvertes par un accord
d'intéressement, sa diffusion s'accélérant dans les PME.
Intéressement
|
Au titre de 1997 |
Au titre de 1996 |
Au titre de 1995 |
Au titre de 1994 |
Au titre de 1993 |
Nombre d'entreprises ayant un accord |
14.629 |
13.866 |
12.291 |
11.166 |
9.744 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un accord |
3.035.379 |
3.013.021 |
2.773.199 |
2.604.364 |
2.498.040 |
Nombre d'entreprises ayant versé |
10.653 |
10.070 |
9.160 |
7.903 |
6.820 |
Nombre de salariés des entreprises ayant versé |
2.408.404 |
2.33.415 |
2.246.079 |
18.311.728 |
1.896.327 |
Nombre de bénéficiaires |
2.465.803 |
2.372.145 |
2.254.138 |
1.811.640 |
1.854.989 |
Montant total de l'intéressement (en francs) |
13.923.781.787 |
12.501.872.905 |
10.641.425.258 |
8.142.988.381 |
7.959.906.905 |
Prime moyenne par bénéficiaire (en francs) |
5.647 |
5.270 |
4.721 |
4.495 |
4.291 |
Source : MES-DARES, PIPA
•
L'essor rapide des PEE depuis 1986
Parallèlement, la diffusion des PEE se poursuit à un rythme
soutenu. Alors qu'il n'existait en 1979 que 750 PEE, il y en avait 5.745 en
1993 et 8.702 en 1997. Plus de 2,8 millions de salariés travaillent
désormais dans des entreprises ayant mis en place des PEE. Les sommes
versées sur les PEE ont plus que doublées entre 1993 et 1997.
Votre commission observe que les entreprises pratiquent de plus en plus un
abondement complémentaire aux versements volontaires des
salariés. En 1997, l'abondement des entreprises représentait 3,6
milliards de francs, contre 1,7 milliard en 1993.
Plan d'épargne entreprise
|
1997 |
1996 |
1995 |
1994 |
1993 |
Nombre d'entreprises possédant un PEE |
8.702 |
7.422 |
7.124 |
6.529 |
5.745 |
Nombre de salariés des entreprises ayant un PEE |
2.852.828 |
2.767.155 |
2.757.053 |
2.534.632 |
2.479.999 |
Nombre d'entreprises ayant reçu un versement |
5.776 |
5.307 |
4.730 |
4.190 |
3.739 |
Nombre de salariés des entreprises ayant reçu un versement |
2.403.834 |
2.395.576 |
2.331.759 |
2.023.634 |
2.043.686 |
Nombre d'épargnants |
1.356.348 |
1.229.019 |
1.072.653 |
1.056.426 |
1.360.879 |
Montant (en francs) des sommes versées provenant |
19.345.343.958 |
12.722.267.629 |
10.457.786.662 |
9.550.318.348 |
8.819.181.238 |
- intéressement |
4.129.346.335 |
3.451.049.175 |
2.791.749.184 |
2.346.323.732 |
2.185.517.881 |
- participation |
4.175.488.084 |
3.496.672.523 |
2.882.887.212 |
3.009.941.766 |
2.563.248.520 |
- versements volontaires |
7.306.702.741 |
3.548.860.645 |
2.827.998.912 |
2.570.117.216 |
2.393.169.576 |
- abondement de l'entreprise |
3.619.879.593 |
2.154.476.653 |
1.917.866.228 |
1.637.497.043 |
1.669.219.322 |
Montant moyen du dépôt par épargnant (en francs) |
14.283 |
10.352 |
9.749 |
9.040 |
6.481 |
Source : MES-DARES, PIPA
b) Le bilan en demi-teinte de l'actionnariat salarié
En
dépit d'une attention législative continue, les différents
textes en faveur de l'actionnariat salarié n'ont connu pour la plupart
qu'un succès mitigé. Ils n'ont en effet pas permis d'assurer un
développement stable de l'actionnariat salarié. Certains ont
même pu évoquer un "
ossuaire
législatif
".
7(
*
)
Si cette expression est à l'évidence excessive, il n'en reste pas
moins que le cadre législatif n'a pas permis, jusqu'à ces
dernières années, à0 l'actionnariat salarié de
s'implanter durablement dans les entreprises. En réalité, la
sédimentation des différents dispositifs législatifs s'est
traduite par des répercussions variables, mais globalement assez
modestes :
- l'échec des dispositifs spécifiques ;
- les effets mitigés des privatisations ;
- les difficultés de l'actionnariat dans le cadre de la
participation ;
- la portée restreinte des plans d'option sur actions et des RES.
•
L'échec des dispositifs spécifiques
Les dispositifs spécifiques mis en place dans les années 1970
pour développer l'actionnariat des salariés n'ont pas connu le
succès escompté ni dans le secteur public, ni dans le secteur
privé.
Dans le
secteur public
, l'expérience a été un
échec. Chez Renault, la loi du 2 janvier 1970 a permis la distribution
gratuite d'actions. Mais, en dépit d'un certain succès initial,
cette expérience s'est heurtée aux réticences du personnel
et la fermeture du marché secondaire de ces titres (les actions
n'étaient cessibles qu'à l'Etat) a finalement condamné
cette expérience. Dans les banques et les assurances, la loi du 4
janvier 1973 a permis la distribution gratuite de 5 % du capital, mais les
cessions onéreuses n'ont eu que peu de succès (1 % du capital a
été ainsi distribué). Enfin, la loi du 4 janvier 1973 sur
la SNIAS et la SNECMA est restée lettre morte, les décrets
d'application n'ayant jamais été publiés. De toutes
façons, la politique de privatisation mise en place à partir de
1986 a rendu caduc cet actionnariat spécifique.
Dans le
secteur privé
, l'expérience n'a guère
été plus concluante.
Bien que prometteurs, les " plans d'actionnariat " institués
par la loi du 27 décembre 1973 n'ont pas connu des résultats
à la hauteur des espérances. Ainsi, dix ans après le vote
de la loi, seules 55 entreprises (y compris les filiales) avaient offert
à leurs salariés le bénéfice d'un plan
d'actionnariat. Et le pourcentage moyen de capital détenu atteignait
seulement 0,78 %. En outre, à partir de l'entrée en vigueur de
l'ordonnance du 21 octobre 1986, les PEE sont devenus plus attractifs que
les plans d'actionnariat comme supports de l'actionnariat salarié.
Ainsi, au 31 décembre 1989, il n'existait plus que 14 FCPE
gérant ces plans d'actionnariat. Depuis lors, ces plans sont
tombés en désuétude et aucune statistique n'est plus
publiée par la commission des opérations de bourse (COB) sur ces
plans d'actionnariat.
De la même manière, le régime des donations d'actions
prévu par la loi de finances pour 1977 est resté quasiment
inappliqué.
Enfin, la distribution gratuite d'actions en faveur des salariés
instituée par la loi du 24 octobre 1980 n'a été une
faculté que très peu utilisée. Applicable jusqu'au 31
décembre 1982, seules 350 sociétés auraient, selon une
étude de 1984 du ministère du travail, procédé
à une telle distribution. En outre, ces distributions n'ont pas
contribué à assurer un véritable actionnariat
salarié dans la mesure où les bénéficiaires ont,
pour la plupart, revendu leurs actions à l'expiration du délai de
blocage.
•
Les effets mitigés des privatisations
Les premières privatisations ont incontestablement constitué une
étape décisive dans le développement de l'actionnariat
salarié. Fortement attractives pour les salariés (10 % des titres
mis sur le marché sont réservés aux salariés avec
une décote pouvant atteindre 20 %, avec des délais de paiement et
avec la possibilité de distribution d'actions gratuites), les
privatisations ont massivement permis aux salariés de devenir
actionnaires de leurs entreprises. On estime généralement
qu'à cette occasion, entre 50 % et 80 % des salariés
concernés ont acquis des actions de leur entreprise dans ce cadre.
Toutefois, les privatisations n'ont bien souvent permis qu'un
développement transitoire de l'actionnariat salarié. On constate
en effet, sauf dans quelques sociétés privatisées menant
une politique active d'association de ses salariés, une dilution
progressive de la part du capital détenu par les salariés. Ainsi,
une étude de la Direction du Trésor sur les
sociétés qui ont fait l'objet d'une privatisation avec mise sur
le marché a souligné la fragilité de l'actionnariat
salarié issu des privatisations :
- dans 11 des 12 sociétés privatisées entre 1986 et
1988, la part du capital détenue par les salariés a
diminué, passant de 6,6 % en moyenne lors de la privatisation à
1,9 % au 31 décembre 1995. Dans la dernière
société, cette part est restée stable ;
- dans 3 des 4 sociétés privatisées en 1993 et 1994,
cette part est passée de 4,3 % en moyenne lors de la privatisation
à 3,1 % à la fin de 1995.
Cette évolution s'explique de deux manières.
D'une part, certains salariés ont en effet profité des conditions
incitatives des privatisations pour acquérir des titres de leur
entreprise et les revendre dès la fin de la période de blocage
(ou ultérieurement) pour réaliser une plus-value. Ils n'ont donc
pas tous souhaité s'inscrire dans une perspective d'actionnariat
à long terme.
D'autre part, on a pu constater un risque de dilution mécanique de
l'actionnariat salarié. Les salariés actionnaires ont en effet
tendance à ne pas exercer leur droit préférentiel de
souscription à l'occasion des augmentations de capital, celui-ci
n'étant pas assorti des mêmes incitations financières que
les opérations spécifiques d'actionnariat. En outre, les
opérations de capital des sociétés privatisées se
sont souvent traduites par une diminution de la part de capital détenue
par les salariés actionnaires, les fusions ou les acquisitions se
faisant souvent avec les sociétés à faible actionnariat
salarié.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les privatisations, si elles
ont pu développer ce type d'actionnariat, n'aient pas réussi
à le stabiliser dans toutes les sociétés
privatisées.
•
Les difficultés de l'actionnariat salarié dans
le cadre de la participation
L'épargne salariale peut constituer un moyen d'alimentation de
l'actionnariat de trois manières :
-
l'ordonnance du 7 janvier 1959
prévoyait que
l'intéressement pouvait prendre la forme d'une participation au
capital ;
-
l'ordonnance du 17 août 1967
autorise l'affectation des
sommes de la participation aux résultats dans l'acquisition d'actions de
l'entreprise ;
-
l'ordonnance du 21 octobre 1986
fait des PEE des
véritables plans d'actionnariat.
Pourtant l'épargne salariale a tardé à s'investir dans les
titres de l'entreprise.
S'agissant de
l'intéressement
, l'ordonnance du 21 octobre 1986 a
supprimé l'intéressement au capital alors que l'ordonnance du 7
janvier 1969 prévoyait la possibilité d'un intéressement
sous forme d'une attribution gratuite d'actions de l'entreprise. Cette
possibilité n'avait en effet guère été mise en
oeuvre du fait tant des réticences de l'employeur que des
salariés.
S'agissant de la
participation
, l'affectation de la participation aux
résultats à l'acquisition directe d'actions de l'entreprise n'a
jamais représenté que de l'ordre de 1 % de la réserve
spéciale de participation.
Modes d'affectation de la réserve spéciale de participation
en % |
1980 |
1981 |
1982 |
1993 |
1994 |
1996 |
1997 |
Compte courant bloqué |
58,8 |
56,1 |
56,8 |
47 |
50 |
44,3 |
35,0 |
Attribution directe d'actions de l'entreprise |
0,3 |
0,6 |
0,4 |
1 |
1 |
0,4 |
0,6 |
Investissement direct en actions de Sicav |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
1 |
0 |
0,5 |
0,5 |
Investissement en fonds commun de placement (FCPE) |
40,9 |
42,8 |
41,3 |
51 |
49 |
54,8 |
63,9 |
Source : Ministère du travail
Cette formule, qui paraissait la plus proche de l'esprit de l'ordonnance de
1967, n'a donc connu que peu de succès, essentiellement du fait d'une
certaine réticence des entreprises. Ainsi, en 1975, seules
25 entreprises avaient choisi ce mode d'affection de la participation.
Réformés par l'ordonnance du 21 octobre 1986, les
PEE
avaient vocation à devenir le support privilégié de
l'actionnariat salarié. D'une part, les sommes versées dans les
PEE peuvent être converties soit directement en titres de l'entreprise
(et donc en actions), soit en parts de FCPE (lesquels peuvent être
composés intégralement ou partiellement d'actions de
l'entreprise). D'autre part, l'ordonnance de 1986 prévoit la
possibilité de réserver les augmentations de capital aux seuls
adhérents du PEE à des conditions attractives.
Pour autant, les PEE n'ont eu qu'un effet relativement lent sur le
développement de l'actionnariat pour deux raisons :
- la montée en puissance des PEE s'est d'abord
réalisée à un rythme relativement lent jusqu'à ces
dernières années. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous,
en 1997 seules 8.702 entreprises avaient mis en place un PEE pour 1,3 million
de salariés épargnants.
|
94 |
95 |
96 |
97 |
Nombre d'entreprises ayant mis en place un PEE |
6.531 |
7.124 |
7.423 |
8.702 |
Nombre de salariés de ces entreprises (en millions) |
2,5 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
Nombre de salariés épargnants sur le PEE (en millions) |
1,1 |
1,1 |
1,2 |
1,3 |
Le
nombre potentiel d'actionnaires salariés par l'intermédiaire du
PEE reste donc limité.
- Les sommes placées sur les PEE n'ont été longtemps
que peu employées à l'acquisition d'actions de l'entreprise.
Ainsi, les FCPE qui regroupent la majeure partie des fonds investis dans les
PEE n'ont vu que récemment leur structure réorientée vers
les actions de l'entreprise : en 1988, les actions de l'entreprise ne
représentaient que 15 % de l'actif des FCPE, cette part atteignant 38 %
en 1998.
•
La logique particulière des plans d'options sur actions
et des RES
Les plans d'options sur actions et les RES avaient à l'origine vocation
à s'inscrire dans le cadre de la politique de participation.
L'expérience a cependant montré qu'ils relevaient d'une logique
propre, en décalage avec l'idée d'association durable entre
capital et travail qui sous-tend l'actionnariat salarié.
Les
plans d'options sur actions
(ou stock options) s'écartent de
l'actionnariat salarié sur deux points :
- ils sont le plus souvent réservés aux cadres dirigeants et
non à l'ensemble du personnel.
Comme le remarquaient MM. Jean Arthuis, Paul Loridant et Philippe Marini dans
leur rapport sur les stock-options
8(
*
)
,
" en droit, les options
peuvent être attribuées aussi bien à l'ensemble des membres
du personnel salarié de la société qu'à une partie
d'entre eux seulement (art. 208-1 de la loi du 24 juillet 1966). Mais en
pratique, la grande majorité des plans d'options sur actions
effectivement mis en place ne concerne que les cadres dirigeants de la
société, salariés ou mandataires sociaux, et
éventuellement les cadres supérieurs ".
Cette analyse est d'ailleurs confirmée par la récente
enquête du magazine L'Expansion
9(
*
)
: seulement 1 % des 2,76 millions
de salariés des sociétés du CAC 40 en
bénéficient.
- ils ne permettent pas d'assurer un véritable actionnariat.
Certes, ils sont un moyen d'intéressement des
bénéficiaires à l'évolution des cours boursiers des
actions de la société. Mais ils ne peuvent constituer un
réel actionnariat dans la mesure où l'option n'est
généralement levée que pour permettre la vente du titre.
Ils n'assurent donc pas un actionnariat stable à l'entreprise.
Les plans d'options sur actions se présentent donc plus comme un
complément de rémunération des cadres dirigeants que comme
un moyen de participation de l'ensemble des salariés au capital de leur
entreprise.
Les
reprises d'entreprise par leurs salariés
, telles qu'elles ont
été pratiquées en France, s'éloignent
également de la conception participative de l'actionnariat
salarié, même si, dans de nombreux cas, elles ont pu être
une expérience réelle d'actionnariat.
La RES reste en effet un moyen très spécifique d'accéder
à l'actionnariat salarié dans des conditions très
particulières :
- la RES vise à favoriser la transmission et la survie des
entreprises, en l'absence de repreneur national, en permettant aux
salariés de devenir les propriétaires de leur entreprise. Il ne
s'agit donc pas d'une association à la croissance de l'entreprise, mais
d'une réponse particulière à un problème
spécifique.
- la RES, sauf exception, n'assure pas la stabilité de
l'actionnariat. Elle se présente en effet comme une mesure le plus
souvent transitoire, les entreprises n'ayant pas vocation à conserver
indéfiniment un actionnariat salarié majoritaire. Dès
lors, à la sortie de la RES, l'entreprise est cédée par
ses salariés à un autre repreneur. En moyenne, la RES dure une
dizaine d'années.
Le dispositif issu de la loi du 9 juillet 1984 a permis la réalisation
d'environ 500 RES entre 1984 et 1992, date à laquelle l'avantage fiscal
(crédit d'impôt au bénéfice de la holding) a
été supprimé. Le régime spécifique de la RES
a disparu le 31 décembre 1996.
*
* *
Bien que
constamment favorisé par le législateur depuis 1959,
l'actionnariat salarié a tardé à se développer en
France malgré l'accélération constatée depuis 1986.
Des dispositifs législatifs existaient, mais ils n'étaient
guère utilisés ou n'assuraient qu'imparfaitement la
stabilité de cet actionnariat.
Ce constat ne s'explique sans doute pas par la sédimentation de textes
rendant la réglementation complexe ou opaque, ou par l'insuffisance des
incitations fiscales et sociales. Il tient bien plus à une double
réticence des chefs d'entreprise et des salariés.
Les chefs d'entreprise voyaient certes dans l'actionnariat salarié un
moyen de cohésion sociale dans l'entreprise, mais accueillaient le plus
souvent avec scepticisme l'idée d'associer les salariés au
capital.
Les salariés rejoignaient les positions de leurs syndicats
représentatifs. Si la CFTC et la CGC se sont montrés favorables
depuis de nombreuses années à l'actionnariat salarié, les
autres centrales syndicales y étaient opposées, estimant qu'il ne
pouvait permettre ni une transformation profonde des rapports sociaux, ni la
mise en oeuvre du projet autogestionnaire.
Or, ce sont ces réticences qui sont en train de disparaître et qui
expliquent le renouveau actuel de l'actionnariat salarié.