CHAPITRE IV :
IMPÔT SUR LE REVENU ET FISCALITÉ SUR LES
REVENUS DE PLACEMENT
L'impôt sur le revenu occupe une place relativement
modeste
dans le système fiscal Français mais il est sans doute important
psychologiquement car le contribuable ressent directement le
prélèvement sur ses revenus. En cela, l'impôt sur le revenu
se distingue de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA dont
la charge fiscale peut être répercutée en partie par
l'intermédiaire des prix des biens et des facteurs sur d'autres agents
économiques. L'imposition des revenus et des patrimoines des personnes
obéit, dans tous les Etats membres, au principe de résidence : le
contribuable est soumis à la législation fiscale nationale de
l'Etat dans lequel il réside et tenu d'acquitter ses impôts dus
à ce titre, quelle que soit la provenance géographique de ses
revenus. Il n'y a dès lors aucun obstacle théorique à la
permanence de systèmes nationaux distincts et éventuellement
très disparates d'imposition des revenus, hormis les contraintes
naissant de la mobilité résidentielle des ménages. En
effet, en dépit de l'affirmation du principe de libre circulation des
personnes au sein de l'Union européenne et de la possibilité
théorique offerte à tous les citoyens de l'UE d'élire
résidence et d'exercer un emploi dans le pays membre de leur choix, la
mobilité résidentielle des personnes demeure faible parmi les
pays de l'Union ; et la persistance des obstacles culturels, linguistiques et
autres incite à prévoir qu'elle ne devrait pas s'accroître
considérablement pour la majorité de la population dans les
années qui viennent.
Certaines catégories sont, il est vrai, plus mobiles que les autres : ce
sont essentiellement les travailleurs les moins qualifiés, d'une part,
les cadres supérieurs, certains professionnels et titulaires de hauts
revenus, d'autre part. Mais ces catégories ont toujours
été relativement plus mobiles que les autres et ni
l'achèvement du marché unique ni la mise en oeuvre du
traité de Maastricht en la matière ne semblent devoir
s'accroître l'ampleur de ces phénomènes. En outre, la
mobilité résidentielle motivée par des facteurs fiscaux
apparaît aujourd'hui limitée aux franges frontalières des
Etats d'une part, aux titulaires de très hauts revenus ou patrimoines
mobiliers d'autre part. En revanche, les contraintes de mobilité sont
certainement plus fortes pour les revenus de l'épargne que pour les
revenus du travail. En règle générale la taxation dans le
pays de résidence des revenus de l'épargne
étrangère repose sur le principe de la déclaration
volontaire. Seuls les pays qui disposent d'un système complet
d'échange de renseignements peuvent repérer les sorties de
capitaux. Dans le cas contraire, ces revenus sont quasiment totalement
défiscalisés. D'où une incitation à placer à
l'étranger. Le processus d'harmonisation a été
relancé par la proposition de la Commission
42(
*
)
d'instaurer un taux de retenue
à la source minimum de 20 % sur les intérêts de
l'épargne ou de coopérer en échangeant des informations
avec les Etats membres sur les épargnants non résidents.
Après avoir présenté les caractéristiques de
l'impôt sur le revenu dans les quinze pays de l'UE, nous comparons la
pression fiscale et sociale pesant sur les revenus du travail des
ménages pour différents niveaux de revenu et situations
familiales. Nous consacrons la dernière partie du chapitre à la
fiscalité sur les revenus de l'épargne et au projet de directive
de la Commission.
I. LE POIDS DE L'IMPÔT SUR LE REVENU ET SES CARACTÉRISTIQUES DANS LES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE
L'impôt sur le revenu représentait en moyenne
dans les
pays de l'Union européenne 11,3% du PIB en 1996. Son importance a
nettement progressé en valeur relative depuis les années 60 : il
n'était alors que de 6 % du PIB. Cette évolution s'est surtout
manifestée dans les années 70 ; elle s'est ralentie dans les deux
dernières décennies.
Autour de cette moyenne, les situations sont très différentes
selon les Etats. Ainsi le poids de l'impôt sur le revenu dans le PIB se
situe dans une fourchette comprise entre 5 % en Grèce et 27,8% au
Danemark. Grosso modo, on peut distinguer trois types de pays selon que le
poids de l'impôt sur le revenu est supérieur, inférieur ou
dans la moyenne européenne.
La Belgique, le Danemark, la Finlande et la Suède ont un impôt
sur le revenu dont le poids est particulièrement important.
L'Allemagne, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni
se situent dans la moyenne européenne.
Le poids de l'impôt sur le revenu est particulièrement faible en
France, en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Autriche.
1. Le
poids de l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans les Etats de
l'UE
En % du PIB
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Allemagne |
10,10 |
10,40 |
10,91 |
10,58 |
10,39 |
10,70 |
9,4 |
Autriche |
8,59 |
9,10 |
9,25 |
9,39 |
8,49 |
8,85 |
9,2 |
Belgique |
14,13 |
13,70 |
13,90 |
13,64 |
14,50 |
14,62 |
14,3 |
Danemark |
25,61 |
26,10 |
26,38 |
26,44 |
27,73 |
27,56 |
27,8 |
Espagne |
7,48 |
8,10 |
8,43 |
8,40 |
8,14 |
8,09 |
7,7 |
Finlande |
17,49 |
17,40 |
18,33 |
16,24 |
17,42 |
16,19 |
16,9 |
France |
5,18 |
5,90 |
5,96 |
6,10 |
6,16 |
6,17 |
6,4 |
Grèce |
5,09 |
4,80 |
4,02 |
3,72 |
4,32 |
4,90 |
5,0 |
Irlande |
11,11 |
11,60 |
11,33 |
11,32 |
11,36 |
10,35 |
10,5 |
Italie |
10,29 |
10,50 |
11,28 |
11,87 |
10,59 |
10,81 |
10,8 |
Luxembourg |
10,21 |
9,10 |
9,00 |
9,13 |
9,54 |
9,37 |
9,8 |
Pays-Bas |
11,01 |
12,30 |
11,60 |
12,05 |
9,24 |
8,31 |
7,6 |
Portugal |
4,92 |
5,60 |
6,80 |
6,27 |
6,18 |
6,09 |
6,6 |
Royaume-Uni |
10,38 |
10,30 |
9,90 |
9,29 |
9,43 |
9,68 |
9,3 |
Suède |
21,41 |
18,00 |
17,98 |
18,28 |
18,66 |
17,53 |
18,4 |
Moyenne UE |
11,53 |
11,53 |
11,67 |
11,51 |
11,48 |
11,28 |
11,3 |
Source : Statistiques Recettes Publiques , OCDE 1998.
Le revenu des personnes physiques provient de différentes sources : revenus du travail, revenus mobiliers, revenus fonciers, transferts sociaux, etc. Dans chaque Etat, la législation fiscale détermine les revenus catégoriels qui constituent la base imposable au titre de l'impôt sur le revenu. De ce revenu brut imposable, sont déduits différents abattements pour obtenir le revenu net imposable. Rentre ensuite en ligne de compte l'unité de taxation qui peut être, selon les pays, l'individu ou le ménage. L'impôt est enfin calculé par application d'un barème au revenu net imposable, le contribuable pouvant, dans certains cas, bénéficier de déductions d'impôt appelées crédits d'impôt.
A. DÉTERMINATION DE LA BASE IMPOSABLE
Pour
chaque pays de l'Union européenne, le tableau 2 donne une idée
générale des différents revenus qui entrent dans la base
imposable. Il reprend les principales catégories de revenus : les
revenus professionnels, les revenus mobiliers, les revenus fonciers, les
revenus de remplacement (assurance chômage et pensions vieillesse), les
revenus de transfert (allocations familiales et aides sociales diverses) et les
revenus divers (pensions alimentaires et autres).
Les revenus des trois premières catégories (revenus
professionnels, revenus mobiliers et revenus fonciers) sont imposables dans
tous les pays de l'Union européenne. Cependant, dans certains pays, les
revenus mobiliers subissent un précompte qui est libératoire.
Dans ce cas, les revenus mobiliers ne sont pas inclus dans la base imposable.
On observe ça en Autriche, en Belgique, en France, en Grèce, en
Italie, au Portugal, en Finlande et en Suède pour les
intérêts et en Autriche, en Belgique, au Danemark et au Portugal
pour les dividendes
43(
*
)
. En
Belgique, les revenus fonciers font l'objet non seulement d'une imposition au
titre de l'impôt des personnes physiques, mais également d'une
taxation au précompte appelé précompte immobilier. Le
précompte immobilier est déterminé sur la base du revenu
cadastral, c'est-à-dire du " revenu moyen normal net d'une
année "
44(
*
)
. Il n'existe
pas de système équivalent dans les autres pays de l'Union
européenne.
Les différences de traitement fiscal des revenus dans les Etats membres
sont plus importantes lorsque l'on considère les revenus de remplacement
: si les pensions vieillesse sont imposables dans tous les pays de l'Union
européenne, en revanche, les allocations chômage ne sont pas
imposables dans trois pays (en Autriche, en Allemagne et au Portugal).
Les différences entre les Etats membres sont encore plus
marquées lorsque l'on considère les transferts sociaux : les
allocations familiales sont imposables dans seulement deux pays (en
Grèce et en Espagne) et les aides sociales dans six pays (Danemark,
Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Royaume-Uni). En ce qui concerne
les pensions alimentaires, elles sont imposables dans 10 Etats membres
(Belgique, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Pays-Bas,
Espagne, Suède, Royaume-Uni).
2. Détermination de la base imposable dans les pays de l'Union Européenne
Pays |
Revenus professionnels |
Revenus mobiliers |
Revenus immobiliers |
Revenus remplacements |
Transferts |
Revenus divers |
|||
|
|
|
|
Assurance
|
Pension |
Alloc. famil. |
Aide soc. |
Pensions aliment. |
Autres |
Allemagne |
oui |
oui |
oui |
|
oui |
|
|
oui |
oui |
Autriche |
oui |
oui * ** |
oui |
|
oui |
|
|
|
|
Belgique |
oui |
oui * ** |
oui |
oui |
oui |
|
|
oui |
oui |
Danemark |
oui |
oui** |
oui |
oui |
oui |
|
oui |
oui |
|
Espagne |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
Finlande |
oui |
oui* |
oui |
oui |
oui |
|
|
|
oui |
France |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
|
oui |
|
Grèce |
oui |
oui* |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
Irlande |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
|
oui |
|
Italie |
oui |
oui* |
oui |
oui |
oui |
|
|
|
|
Luxembourg |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
oui |
|
|
Pays-Bas |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
oui |
oui |
|
Portugal |
oui |
oui* ** |
oui |
|
oui |
|
|
|
|
Royaume-Uni |
oui |
oui |
oui |
oui |
oui |
|
oui |
oui |
|
Suède |
oui |
oui* |
oui |
oui |
oui |
|
|
oui |
oui |
* Retenue
à la source libératoire sur intérêts, ** retenue
à la source libératoire sur dividendes.
Source
:
A European benefit-tax model and social
integration
, Euromod (1997) et
systèmes de prestation et
incitation au travail
, OCDE, 1998.