II. LA PROFESSIONNALISATION DU SERVICE DE SANTE : DES INCERTITUDES SUR LE RECRUTEMENT DE MEDECINS D'ACTIVE
Comme
pour l'ensemble des composantes du ministère de la Défense, la
professionnalisation entraîne dans le service de santé des
armées une mutation importante. Il s'agit de s'adapter à la
suppression du service national, dans le cadre d'une importante
réduction de format, mais avec l'impératif de recruter des
personnels aptes à occuper certaines fonctions jusqu'alors remplies par
les appelés.
La première caractéristique du service de santé est que
cette transformation affectera d'abord son encadrement, c'est-à-dire les
personnels officiers
et singulièrement les
médecins
, dont une forte proportion était pourvue par le
contingent. C'est dans ce domaine, crucial pour le service de santé,
qu'apparaissent les principales difficultés du processus de
professionnalisation.
Autre sujet de préoccupation, qui lui n'est pas propre au service de
santé, le
niveau des effectifs de personnels civils
réalisés demeure très inférieur aux postes
budgétaires, ce qui entraîne des difficultés pour les
hôpitaux où ces personnels jouent un rôle déterminant.
Enfin, la professionnalisation sera l'occasion d'une refonte, dans le sens de
l'harmonisation et de l'unification, des statuts, aujourd'hui très
divers, des personnels paramédicaux des armées.
A. LA PROBLEMATIQUE DE LA PROFESSIONNALISATION DU SERVICE DE SANTE
Il est bon de rappeler succinctement les données de la mise en oeuvre de la professionnalisation dans le service de santé, qui découlent du rôle joué jusqu'à présent par les appelés dans le fonctionnement de ce service et des options retenues pour son futur format.
1. L'apport considérable des appelés dans le fonctionnement du service de santé.
Si une
part importante de l'activité du service de santé était
tournée vers le contingent (sélection, suivi médical), on
peut dire à l'inverse que le
contingent fournissait un apport
considérable au fonctionnement du service de santé
, celui-ci
utilisant, dans des emplois correspondant à leur qualification civile,
de nombreux appelés.
Cet apport du contingent pouvait se mesurer à la fois à la
proportion d'appelés
occupant certains emplois et à la
qualification
même de ces emplois, qui illustrait leur
caractère essentiel pour le service de santé.
Ainsi, pour l'année 1995,
27% des médecins des armées
provenaient
du contingent
. La proportion montait à
63% des
pharmaciens
, à
75% des vétérinaires
et
à
92 % des chirurgiens-dentistes
. Elle était de 18% pour
les officiers des cadres techniques et administratifs.
Au total,
38% des officiers du service de santé des armées
appartenaient au contingent
, un peu plus de la moitié d'entre eux
étant affectés dans les forces.
Pour des raisons identiques, le service de santé utilisait un
grand
nombre d'appelés disposant d'une formation paramédicale
. Les
appelés fournissaient 15% des infirmiers, 25% des laborantins, 30% des
prothésistes, 51% des kinésithérapeutes et la
totalité des opticiens.
Le service de santé disposait en outre de scientifiques du contingent
employés comme chercheurs dans ses laboratoires ou comme informaticiens.
Enfin, beaucoup d'appelés ne disposant pas de formation médicale
ou paramédicale contribuaient significativement au fonctionnement des
hôpitaux ou à certaines fonctions de soutien logistique des
établissements.
Il faut par ailleurs relever que les professionnels de santé qui, au
sortir de leurs études, accomplissaient automatiquement leur service
national dans le service de santé, constituaient pour ce dernier la
source d'une
réserve
nombreuse puisqu'en 1995, on comptait 34 000
réservistes, dont près de 20 000 médecins.
Ces quelques chiffres donnent la mesure du rôle que jouaient, à
tous les échelons, et surtout dans les emplois les plus qualifiés
du service de santé, les appelés du contingent.
2. Les effectifs du service de santé en 2002
La
professionnalisation des armées permet une
réduction
générale des effectifs
du service de santé qui
passeront de 18 451 hommes en 1996 à 13 743 en 2002 (cf Annexe I).
La fermeture de 9 centres hospitaliers, la dissolution de nombreuses
unités des trois armées et l'arrêt de la conscription qui
supposait la vérification de l'aptitude des futurs appelés et une
charge importante de suivi médical, sont autant de facteurs qui
autorisaient une telle réduction de format.
Cette diminution des effectifs résulte essentiellement de l'arrêt
du service national, les appelés du contingent étant près
de 5 000 en 1996.
Les effectifs d'
officiers
ne diminueront que d'une quarantaine de postes
(3 405 contre 3 447), étant précisé que plus d'une
centaine de postes de médecins seront néanmoins
créées. En effet, la priorité donnée à la
projection impose un renforcement de la présence médicale au sein
des unités les plus concernées par les opérations
extérieures.
Les effectifs des
sous-officiers
augmenteront de plus de 150 postes
(3 958 contre 3798), alors que 240 postes de militaires du rang seront
créés, ainsi que 239 postes de volontaires.
Le nombre de
personnels civils
diminuera d'environ 350 postes
(5 901 contre 6 253), ces derniers continuant néanmoins à
représenter une part très importante des effectifs du service de
santé (43 % au total), surtout dans les hôpitaux.
3. Les grands axes de la gestion des ressources humaines dans le cadre la professionnalisation
On
observe tout d'abord que les personnels militaires du service de santé
ont relativement peu bénéficié des mesures d'incitation au
départ, peu de catégories étant réellement
touchées par des déflations d'effectifs.
Plus important a été le recours aux
mesures de
dégagement des cadres pour les personnels civils
, en particulier
dans des hôpitaux dont la fermeture a été
décidée. Ces départs conséquents de personnels
civils durant les deux premières années de la
professionnalisation ont d'ailleurs entraîné des
difficultés dans la mesure où, parallèlement, les
recrutements par voie externe de personnels civils destinés à
occuper ces emplois vacants ont été sévèrement
limités.
S'agissant des
effectifs officiers
, la réduction du dispositif
hospitalier permettra une diminution de nombre de pharmaciens, d'officiers des
corps techniques et administratifs et des militaires infirmiers et techniciens
des hôpitaux des armées (MITHA) officiers.
En revanche, la disparition des appelés nécessitera le
recrutement de vétérinaires
(82 postes en 2002 contre 48
en 1996), la
création d'un corps de chirurgiens-dentistes
et le
recrutement de médecins
, dont les effectifs passeront de 2303 en
1996 à 2411 en 2002.
En ce qui concerne les
vétérinaires
, dont le rôle en
matière de surveillance sanitaire (contrôle alimentaire) est
important, le recrutement initial sera augmenté alors qu'un recrutement
sous statut d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA)
permettra de satisfaire les besoins complémentaires.
On compte actuellement 26
chirurgiens-dentistes
d'active,
rattachés au statut de pharmacien. La création d'un corps de
chirurgiens-dentistes est prévue par le projet de loi sur les
réserves, adopté par le Sénat il y a quelque semaines. Les
chirurgiens-dentistes actuellement en service pourront, s'ils le souhaitent,
intégrer ce nouveau statut qui accueillera également les
dentistes recrutés directement dans le secteur civil et les futurs
dentistes recrutés en cours d'études par le service de
santé.
S'agissant des
médecins
, le nombre de postes ouverts en
début d'études a été augmenté, mais les
effets de cette mesure ne se ressentiront qu'à moyen terme, si bien
qu'un recrutement complémentaire de médecins déjà
diplômés est indispensable.
En ce qui concerne les
MITHA
, le recrutement s'effectue sur titres, le
service de santé disposant de listes d'attentes fournies, même si
certaines spécialités recherchées dans le secteur civil,
telles que l'anesthésie réanimation, sont plus difficiles
à pourvoir.
Enfin, 240 engagés volontaires de l'armée de terre
(EVAT)
seront recrutés par le service de santé et affectés
à son budget, pour des emplois de brancardiers secouristes ou de
conducteurs, l'armée de terre disposant pour sa part, dans ses propres
effectifs, de près de 2000 EVAT dans le domaine des
spécialités santé.
Le service de santé proposera également des emplois de
volontaires (239 postes en 2002) dans le secteur de la recherche
(" thésards ") et de l'informatique ou pour occuper des
emplois tels que brancardiers secouristes, aide de secrétariat,
conducteurs, agents d'exploitation ou de maintenance des techniques de
l'informatique.
Enfin, au terme de la réorganisation des réserves, la future
réserve opérationnelle du service de santé comptera 7000
hommes comprenant 25% d'officiers (dont 1250 médecins), 40% de
personnels paramédicaux et 35% de militaires du rang à
compétence technique sanitaire. Elle aura vocation à remplacer ou
renforcer le personnel d'active engagé dans des opérations
extérieures et à apporter ponctuellement des compétences
non réalisées par le cadre d'active sur un théâtre
d'opérations ou sur le territoire national.
B. LES DIFFICULTÉS DU RECRUTEMENT DE MÉDECINS : UNE INTERROGATION MAJEURE POUR LE SERVICE DE SANTÉ
Compte tenu de la durée de formation des médecins, seul un recrutement immédiat de médecins déjà formés pouvait permettre de réaliser l'augmentation des effectifs de médecins prévue entre 1997 et 2002. Ce recrutement complémentaire rencontre de sérieux obstacles qui pourraient provoquer, si la tendance ne s'inverse pas, un fort déficit de médecins au sein des armées.
1. La nécessité d'un recrutement complémentaire
La
" maquette " établie par le service de santé des
armées à l'échéance 2002 prévoit une
augmentation des effectifs de médecins d'active, qui passeront de 2303
en 1996 à 2411 en 2002, soit une
création nette de 108
postes.
Pour atteindre cet objectif, deux paramètres devaient être pris en
compte :
- d'une part, la
pyramide des effectifs de médecins en
activité
, caractérisée par un certain vieillissement
du corps consécutif à la forte diminution du recrutement initial
dans les années 1980 ; la structure de cette pyramide provoquera
très rapidement une
accélération des départs en
retraite dans les prochaines années
,
- d'autre part, le
délai de 9 ans
qui s'écoule entre les
décisions relatives au nombre de places offertes en recrutement initial
et leur traduction concrète par l'arrivée de médecins
diplômés aptes à exercer leurs fonctions.
En d'autres termes, le service de santé doit faire face à un
double impératif
:
-
faire face au départ de médecins
des classes d'âge
nombreuses,
- pourvoir, d'ici 2002, les
108 postes supplémentaires
prévus par la loi de programmation.
Les prospectives effectuées en 1996 avaient démontré
l'ampleur de la
politique de recrutement de médecins
à
mettre en oeuvre. En l'absence d'infléchissement de cette politique,
c'est à dire en maintenant les bases sur lesquelles elle était
menée avant 1996, le seul effet de la démographie des
médecins militaires aurait conduit à une diminution de l'ordre de
200 du nombre de médecins de 1996 à 2002 et de près de 300
de 2002 à 2015, alors que parallèlement, les effectifs
budgétaires devront être augmentés de 100 postes.
C'est pour faire face à cette situation que
deux orientations
avaient été définies :
- la poursuite du
renforcement du recrutement initial
,
- une
vigoureuse augmentation du recrutement complémentaire
de
médecins déjà formés.
Le
recrutement initial
s'effectue par les deux écoles du service
de santé de Lyon-Bron et de Bordeaux sur concours ouverts aux titulaires
du baccalauréat. Cette voie demeure la
filière de formation
privilégiée
du service de santé car outre une
formation identique à celle des médecins civils, elle permet une
instruction militaire et une formation complémentaire spécifique
à la médecine d'armée.
Le
flux de recrutement initial
de médecins des armées a
connu au cours des dernières décennies d'importantes
fluctuations, puisqu'il avait atteint un " pic " de près de
180 étudiants par an à la fin des années 1960 et au
début des années 1970, avant de revenir aux alentours de 120
étudiants par an, puis de chuter à 80 étudiants par an
vers la fin des années 1980. Ces variations se répercutent bien
entendu, avec un effet décalé dans le temps, sur la pyramide du
corps des médecins des armées.
Depuis le début de la décennie, le nombre de places offertes au
concours d'entrée en écoles s'était
légèrement accru : 88 places en 1993, 93 places en 1994, 94
places en 1995 et 1996.
Un
relèvement très significatif
a été
opéré depuis le début de la réforme des
armées, les
places offertes
se montant à 115 en 1997,
120 en 1998 et 130 en 1999
. Il est toutefois difficile d'aller
très au-delà de ce nombre pour des raisons de qualité du
recrutement.
Soulignons une nouvelle fois que l'effet de ces mesures se ressentira à
partir de 2006, compte tenu de la durée des études
médicales.
Un bénéfice à échéance plus
rapprochée peut être attendu des recrutements par concours ouverts
aux étudiants ayant validé leur ler cycle (3
ème
année), ou leur 2
e
cycle (7
ème
année) des études médicales, mais les effectifs
concernés sont de l'ordre de la dizaine de recrutements par an seulement.
Pour assurer l'augmentation des postes budgétaires entre 1996 et 2002
tout en compensant les départs en retraite, il était donc
indispensable de s'appuyer sur un important
recrutement
complémentaire de médecins déjà formés
,
et donc pratiquement opérationnels. Il s'agit de médecins ayant
effectué leur service national et servant sous statut d'officier de
réserve en situation d'activité (ORSA), ou de médecins -
hommes ou femmes - ayant soutenu leur thèse et recrutés par
concours.
Pour s'approcher autant que possible de l'effectif en médecins
prévu pour 2002, ce recrutement complémentaire devait être
conséquent : 25 postes offerts en 1997, 40 en 1998, 45 en 1999 et,
en moyenne, entre 40 et 50 jusqu'en 2002.
Encore faut-il signaler que la réalisation de ces objectifs devait
permettre de compenser partiellement les effets négatifs de la
démographie médicale militaire, sans toutefois garantir un plein
effectif en médecins par rapport aux droits budgétaires
ouverts.
2. Les résultats décevants et préoccupants du recrutement complémentaire
Crucial
pour la réussite de la transition vers le nouveau modèle de
service de santé, le recrutement complémentaire a donné
des
résultats décevants et préoccupants
.
Si au cours de l'année 1997, 8 des 10 postes sous statut d'ORSA et la
totalité des 15 postes offerts à des médecins titulaires
de la thèse dans le cadre du recrutement dit
" latéral " ont pu être pourvus, la situation s'est
brutalement détériorée en 1998.
En effet, l'an passé, seuls 4 médecins diplômés de
3
ème
cycle ont été recrutés pour 25
postes offerts, et seuls 2 médecins ont été
recrutés sous statut d'ORSA pour 15 postes offerts.
Au total,
en 1998, sur 40 postes offerts
par ces deux voies de
recrutement complémentaire,
34 n'ont pas été
pourvus
, le taux de réalisation par rapport aux objectifs
étant donc de 15 % seulement.
En 1999, 45 postes sont offerts (15 sous statut d'ORSA et 30 pour
médecins titulaires de la thèse) et il y a tout lieu de penser
que les résultats ne seront pas significativement meilleurs qu'en 1998.
Face à cette situation quelque peu déconcertante, on peut se
poser
trois types de questions
:
- pourquoi les possibilités offertes par le service de santé
attirent-elles
si peu de candidatures
?
- quelle est la
qualité du recrutement
ayant pu néanmoins
être opéré ?
- quelles
mesures correctrices
peut-on envisager ?
L'
insuffisance de candidatures
amène à s'interroger sur
l'existence même, au sein des médecins civils, d'un vivier dans
lequel pourrait puiser le service de santé.
Cette insuffisance peut provenir de plusieurs causes : effet indirect du
numerus clausus qui a limité les effectifs d'étudiants en
médecine et donc le nombre de candidats potentiels, féminisation
des étudiants en médecine, les jeunes femmes étant a
priori moins attirées par une carrière dans les armées,
évolution de la démographie médicale, qui deviendrait plus
favorable pour les promotions de médecins les plus récentes, des
départs plus nombreux en retraite dans les cinq prochaines années
ouvrant des perspectives pour l'exercice libéral.
Il faut également envisager des facteurs tenant aux conditions
d'exercice au sein des armées : contraintes liées à
la mobilité et aux affectations, réticences face à
l'exercice de la médecine d'unité et enfin moindre
attractivité des rémunérations par rapport à celles
espérées dans la médecine libérale.
La deuxième question tient à la
qualité du recrutement
complémentaire opéré
dans un tel contexte de faible
nombre de candidatures. Il est prématuré de tirer des conclusions
à cet égard mais on peut s'interroger sur le degré de
motivation des candidats et surtout sur la pérennité de leur
engagement envers l'institution militaire.
Enfin, on ne peut que souligner la difficulté d'apporter des
mesures
correctrices
à cette situation.
Le service de santé va bien entendu renforcer son effort de
communication dans les universités, directement auprès des
étudiants et par l'intermédiaire des doyens.
Votre rapporteur estime cependant que le ministère de la Défense
ne pourra se dispenser d'une
réflexion sur les soldes des
médecins des armées
, notamment en début de
carrière, sur lesquelles un effort mériterait sans doute
d'être opéré compte tenu de
l'importance de l'enjeu
pour l'ensemble des armées.
3. Vers une aggravation du déficit en médecins des armées ?
Le
niveau des effectifs réalisés en médecins des
armées est actuellement inférieur aux effectifs
budgétaires théoriques.
Ce " déficit " se concentre essentiellement
dans les
forces
où l'on pourrait compter, en 1999,
plus d'une centaine de
postes vacants
soit 10 % des effectifs de médecins.
L'armée de terre, qui emploie à elle seule près de la
moitié des médecins affectés dans les forces, illustre
cette situation. Sur ses 84 régiments, 40 devraient comporter 4
médecins en 2002, 42 devraient en avoir 3 et 2 en avoir seulement 2. En
1999, seuls 7 des 40 régiments prévus disposeront de 4
médecins et seuls 31 des 42 régiments prévus en
disposeront de 3. Au total, pour l'ensemble des régiments, le
déficit s'établirait à 15 % des effectifs de
médecins prévus pour 2002.
Cette insuffisance ne peut être compensée par un renfort
temporaire de médecins du contingent, ceux-ci étant
également en nombre inférieur à celui prévu, compte
tenu notamment des nouvelles possibilités de reports d'incorporation.
Si les résultats insuffisants du recrutement complémentaire se
confirmaient, le déficit s'accentuerait rapidement au cours des
prochaines années, conduisant à des tensions de plus en plus
fortes sur la gestion des médecins des armées, l'impact sur le
fonctionnement du service des prélèvements opérés
pour la participation aux opérations extérieures étant
appelé à devenir de plus en plus fort.
Ces tensions dans la gestion des effectifs médicaux pourraient
également se ressentir la filière de formation des
médecins spécialistes du service de santé, dans le cadre
du concours d'assistanat ouvert aux médecins des armées ayant
pratiqué trois ans dans les unités. D'ores et déjà,
certaines spécialités comme la chirurgie et la
réanimation, très directement concernées par les
opérations extérieures, nécessite un renforcement du
recrutement.
C. LES PERSONNELS PARAMEDICAUX ET DE SOUTIEN : RATIONALISATION DES STATUTS ET INCERTITUDES SUR LES EFFECTIFS DE PERSONNELS CIVILS
S'agissant des personnels non médicaux du service de santé, l'évolution récente se caractérise par un bilan contrasté. L'unification des statuts des personnels paramédicaux constitue incontestablement une avancée positive, alors que des incertitudes apparaissent sur le niveau des effectifs de personnels civils où l'on constate un important déficit par rapport aux postes budgétaires.
1. L'unification des statuts des personnels paramédicaux et la rationalisation des emplois
Le
personnel paramédical des armées relève actuellement d'une
mosaïque de statuts
: militaires infirmiers et techniciens des
hôpitaux des armées (MITHA), sous-officiers ou officiers mariniers
recrutés par leur armée d'appartenance, personnels civils
relevant du statut de fonctionnaire ou d'ouvrier d'Etat.
La multiplicité de ces statuts pour des personnels exerçant des
fonctions comparables entraînait des
disparités
injustifiées
en matière de déroulement de
carrière ou de rémunération. Par ailleurs, les conditions
d'emploi de ces personnels paramédicaux, au regard notamment des
opérations extérieures, n'apparaissaient pas clairement.
Deux importantes refontes ont été engagées :
- l'unification des statuts des personnels paramédicaux militaires et la
création d'un statut du personnel paramédical civil,
- la rationalisation des emplois sur la base d'une priorité aux
militaires pour les emplois projetables et aux civils pour les emplois non
projetables.
L'unification des statuts des personnels paramédicaux militaires
s'effectue dans le cade du statut des MITHA, calqué sur celui de la
fonction publique hospitalière et répondant aux critères
de diplômes et de niveau de compétences techniques exigés
par le Code de la santé publique.
On rappellera que d'ores et déjà, les sous-officiers ou officiers
mariniers de la spécialité infirmier recrutés par les
armées et la gendarmerie bénéficient d'une formation
commune, au sein de l'Ecole du personnel paramédical des armées
(EPPA) de Toulon, créée en 1990 et conduisant au diplôme
d'Etat d'infirmier.
Les conditions de rattachement des sous-officiers et officiers mariniers
paramédicaux des armées et de la Gendarmerie au statut de MITHA
ont été arrêtées en 1997.
Pour des raisons budgétaires, les personnels déjà en poste
conserveront leur statut actuel de sous-officiers, seuls étant
intégrés au statut MITHA les " flux " de personnels
paramédicaux des armées sortant de l'EPPA ou renouvelant leur
contrat.
Ce rattachement a été engagé par la Gendarmerie en 1998 et
devrait prochainement être mis en oeuvre par les trois armées.
Parallèlement a été créé en 1998 un
nouveau statut des personnels paramédicaux civils des armées.
Ceux-ci étaient actuellement pour la plupart d'entre eux
rattachés au statut d'ouvrier d'Etat, peu adapté à
l'évolution des professions paramédicales. Le nouveau statut
crée cinq corps de fonctionnaires spécifiques pour les fonctions
paramédicales, inspirés, comme le statut de MITHA, des statuts de
la fonction publique hospitalière. Des recrutements sous ce nouveau
statut ont été engagés au début de l'année
1999 et les personnels en poste auront la possibilité d'opter pour le
nouveau statut de fonctionnaires ou d'ouvriers leur actuel statut d'ouvrier
d'Etat.
Au terme de cette importante refonte,
l'ensemble des personnels
paramédicaux des armées relèveront de deux statuts
très proches
, puisqu'inspirés de la fonction publique
hospitalière : le
statut de MITHA
, qui comprendra 29 corps,
pour les militaires, et le
statut de fonctionnaire
, qui comportera 5
corps, pour les civils.
Cette simplification, garante d'une qualification uniforme équivalente
à celle du secteur civil, permettra une plus grande cohérence des
conditions d'exercice des professions paramédicales dans le service de
santé.
Elle ira de pair avec une
rationalisation des emplois
paramédicaux
, ceux-ci étant répartis entre militaires
et civils
en fonction de leur vocation à être exercés en
opérations extérieures
.
Les principes retenus sont les suivants :
- les
personnels occupant des emplois non projetables
seront, à
terme,
recrutés uniquement sous statut civil
; il s'agira
des professions de rééducation (masseurs
kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes,
ergothérapeutes, diététiciens) ainsi que des
préparateurs en pharmacie,
- les
personnels projetables
, c'est-à-dire les infirmiers
soignants et spécialisés,
seront strictement recrutés
sous statut militaire
,
- d'autres emplois (aides soignants, manipulateurs d'électroradiologie
médicale, laborantin d'analyse médicale) seront occupés
soit par des militaires, pouvant être projetés, soit par des
personnels civils, non projetables, la proportion entre les deux
catégories étant fonction des besoins de la projection.
A travers ces réformes dont la mise en oeuvre va se poursuivre durant
plusieurs années, une importante adaptation des personnels
paramédicaux aux missions du service de santé est donc
engagée. Elle bénéficie d'un contexte favorable, puisque
ce dernier ne manque pas de candidatures pour les emplois paramédicaux
qu'il propose.
2. Une forte proportion d'emplois de personnels civils non pourvus
La
situation des emplois devant être tenus par les personnels civils
constitue, pour l'ensemble des armées, l'une des inquiétudes
majeures du déroulement de la professionnalisation, un nombre important
de postes demeurant vacants.
La situation est particulièrement préoccupante dans le service de
santé, bien qu'elle résulte de facteurs parfois différents
de ceux qui ont joué dans les armées.
Rappelons tout d'abord qu'en raison de la réduction du format du service
de santé, le nombre de postes prévus pour les personnels civils
diminuera, passant de 6.253 en 1996 à 5.901 en 2002.
Le service de santé ne devait donc pas faire face, comme la Marine,
l'armée de l'air, l'armée de terre ou la gendarmerie, à
une importante augmentation en valeur absolue de ses effectifs civils.
Il a été en revanche confronté à la
nécessité de remplacer de nombreux départs de
personnels civils
liés à plusieurs
phénomènes :
- les
départs naturels en retraite
,
- les
départs vers le secteur civil
, qui ne sont pas rares dans
les emplois paramédicaux et surtout hospitaliers,
- des
départs conjoncturels provoqués par les
restructurations
, et en particulier les restructurations
hospitalières.
Rappelons en effet que 9 centres hospitaliers des armées doivent fermer
entre 1997 et 2002, ainsi que plusieurs organismes de soutien.
La première phase de restructurations (1997-1999) aura concerné
643 civils du service de santé. Seuls 161 d'entre eux ont rejoint un
autre établissement du service de santé alors que
parallèlement, 482 d'entre eux (75 %) quittaient le service, soit
pour un reclassement dans les armées, soit par cessation
d'activité.
Il s'agit donc d'une
perte très importante d'effectifs civils
alors que parallèlement, les possibilités de recrutement
étaient, comme pour l'ensemble des armées, très
sévèrement limitées.
Sur 1997 et 1998, les recrutements extérieurs se sont limités
à 143 civils, alors que 168 civils seulement ont rejoint le service de
santé après mutation en provenance de la DGA, des
états-majors ou des services communs.
Alors qu'au budget 1999 le service de santé disposait de 6.084 postes de
personnels civils, seuls 4.874 postes étaient effectivement pourvus au
ler mai 1999, soit un
déficit de 1.210 postes
représentant
près de 20 % des effectifs
budgétaires
.
Près de 240 recrutements externes ont été prévus en
1999, soit un niveau supérieur à celui des deux années
précédentes grâce notamment à la montée en
puissance du recrutement des personnels paramédicaux civils prévu
par le nouveau statut, mais compte tenu des faibles perspectives de mutations
internes au ministère de la Défense, cet effort sera insuffisant
pour résorber significativement un déficit qui, en fin
d'année 1999, demeurera vraisemblablement voisin de 15 % des postes
budgétaires.
La
seconde phase des restructurations
(2000-2002)
pourrait à
nouveau aggraver la situation
puisqu'avec la fermeture des centres
hospitaliers de Lorient, Chalons en Champagne et Lamalou les Bains en 2000,
Toulouse en 2001 et Cherbourg en 2002,
plus de 620 civils seront
concernés
avec le risque que, comme lors de la première
phase, seule une minorité d'entre eux demeurent dans le service de
santé.
A l'évidence, un tel déficit en personnels civils ne saurait
perdurer car il impose de
lourdes contraintes
,
particulièrement au sein des hôpitaux
. Il rend
l'activité de ces derniers beaucoup plus sensible aux
prélèvements en personnels militaires destinés aux
opérations extérieures et peut, dans certains cas, contraindre
des services à réduire leur activité, d'autant que se pose
un problème de respect des normes légales d'effectifs minimaux
par lits d'hospitalisation.
La résorption progressive du déficit nécessiterait un
allégement des contraintes imposées pour le recrutement
externe
avec une levée des interdictions d'embauche pour certaines
catégories d'ouvriers d'Etat et un élargissement du recrutement
de fonctionnaires paramédicaux.