INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Doté d'effectifs modestes au regard de l'ensemble des personnels du
ministère de la défense et peu concerné par les grands
programmes d'équipements militaires, le service de santé des
armées a rarement l'occasion de figurer au premier rang des questions
relatives à nos armées.
La commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées a toutefois jugé utile de procéder, de
manière plus approfondie qu'il n'est possible de le faire lors de
l'examen des crédits de la Défense, à une analyse des
missions et de l'organisation de ce service de soutien à la fois
indispensable à l'activité des forces armées et en pleine
évolution.
L'objet de ce rapport d'information est triple :
- mieux comprendre les missions du service de santé, désormais
prioritairement orientées vers le soutien des forces projetées,
et leurs conséquences sur l'organisation et le fonctionnement de ce
service, qui apparaît plus que jamais comme une composante essentielle
des opérations extérieures,
- dresser un bilan, à mi-parcours, de la professionnalisation du service
de santé, qui pose des problèmes particuliers compte tenu du
rôle qu'y jouaient les médecins appelés,
- enfin, analyser la profonde réorganisation du secteur hospitalier
militaire qui s'ouvre désormais davantage au service public et
contribue, par les ressources externes qu'il génère, à une
part prépondérante du financement du service.
Au travers de ces trois aspects, on constatera que le service de santé
participe, comme cela est normal, à une transformation commune à
l'ensemble des forces armées mais aussi que cette mutation comporte de
multiples spécificités ou originalités qui méritent
d'être relevées.
I. LES MISSIONS DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : LA PLACE ACCRUE DU SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES PROJETÉES
Si le
soutien médical et sanitaire du combattant a toujours constitué
la raison d'être essentielle du service de santé des
armées, cette fonction, concrètement mise en oeuvre lorsqu'une
opération militaire est engagée, est elle-même
englobée dans un ensemble beaucoup plus vaste de missions comportant non
seulement les soins aux personnels des armées en temps de paix mais
aussi des actions de sélection, de prévention et de recherche.
Cette mission première apparaît avec d'autant plus de force
aujourd'hui que l'action du service de santé des armées s'inscrit
dans un
contexte doublement différent
de celui des trente
dernières années :
- le passage à l'armée professionnelle et
l'abandon de la
conscription
font disparaître la charge considérable
liée à la sélection et au suivi médical des
appelés du contingent ;
- l'hypothèse d'un conflit majeur laisse place à celle beaucoup
plus tangible de
l'engagement sur des théâtres
extérieurs,
situation qui s'est présentée à de
multiplies reprises au cours des dernières années.
Sans amoindrir les autres fonctions du service de santé des
armées, lesquelles forment un tout cohérent, le
soutien
sanitaire des forces projetées
se voit néanmoins
reconnaître une priorité plus affirmée et
a largement
conditionné les grands principes de la réorganisation du
service.
Les conditions dans lesquelles ont pu être engagées, dans les
années récentes, les forces françaises, ont
démontré que
le service de santé constitue une
composante essentielle des opérations extérieures.
A. LE SOUTIEN DES FORCES PROJETÉES, MISSION PRIORITAIRE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Le
soutien des forces projetées apparaît clairement comme la mission
prioritaire du service de santé et se traduit par la mise en oeuvre d'un
concept d'emploi bien spécifique, privilégiant le soutien
médical au plus près du combattant.
Mais cet objectif ne saurait être mené à bien si
n'étaient pas correctement remplies, en amont, les autres missions du
service, qui garantissent la cohérence d'ensemble du soutien sanitaire
des armées.
1. Le soutien médical au plus près du combattant, spécificité du concept français de soutien sanitaire des forces en opérations
Le concept d'emploi du service de santé répond à une définition précise qui en fait l'originalité, au regard notamment des armées étrangères.
a) Le caractère interarmées du service de santé, originalité française
La
conception française du soutien sanitaire des forces se traduit tout
d'abord par l'existence d'un
service de santé couvrant toute la
chaîne de la prise en charge sanitaire du combattant,
de la
sélection et de la médecine préventive aux soins
immédiats et à l'hospitalisation, alors que d'autres pays, comme
le Royaume-Uni, s'appuient plus largement sur l'organisation civile de la
santé publique, réservant aux armées les aspects purement
militaires du soutien sanitaire.
Elle se caractérise également par le
caractère
interarmées
de ce service, situation qui est loin d'être
généralisée dans les armées
étrangères. L'armée américaine compte ainsi un
service de santé propre à chacune des quatre armées
(terre, air, mer et marines), l'armée allemande ayant elle aussi un
service de santé dans chaque arme, une branche interarmées
couvrant les missions communes telles que le secteur hospitalier, la formation
ou le ravitaillement.
Instituée en 1948 avec la création d'une direction unique
couvrant les services de santé des armées de terre, de l'air et
de la marine, l'interarmisation du service est devenue définitive en
France en 1962, avec le rattachement à cette direction de
l'administration du service de santé des troupes de marine.
Sans que soient remises en cause les spécificités des modes
d'exercice dans chacune des armées où les personnels de
santé sont appelés à servir, ce caractère
interarmées garantit une certaine cohérence des actions du
service de santé, de la formation initiale des personnels à la
mise en oeuvre du soutien médical sur les théâtres
d'opérations.
Il est en totale harmonie avec les conditions d'emploi des forces, elles aussi
de plus en plus soumises au cadre interarmées et conditionne
l'efficacité du service, puisque la chaîne continue allant du
ramassage des blessés à leur traitement définitif en
métropole fait appel aux moyens des trois armées. Il se traduit
par le rattachement en propre au service de santé des corps d'officiers
correspondants -médecins, dentistes, pharmaciens,
vétérinaires-, ceux-ci étant placés pour emploi,
par le service, dans une armée d'affectation. Dans la même
logique, l'unification en cours des statuts des personnels paramédicaux
des armées accentuera le caractère interarmées du
service.
b) Un concept d'emploi fondé sur une assistance médicale au plus près du combat
Par
opposition aux Anglo-saxons qui privilégient la rapidité de
l'évacuation médicalisée sur des formations plus
importantes, le concept français place l'équipe chirurgicale au
plus près du blessé.
Conçu pour apporter aux combattants une qualité de prise en
charge médicale aussi proche que possible de celle garantie au quotidien
sur le territoire national, le soutien des forces en opération a pour
objectif d'empêcher toute mort indue mais également
d'éviter au maximum les pertes fonctionnelles
irrémédiables et de limiter les séquelles des blessures.
Il repose sur une médecine et une chirurgie d'urgence, pratiquées
dans les premières heures qui suivent la blessure. La
proximité de ce soutien
est considérée comme un
facteur essentiel du moral du combattant
.
Ce concept s'appuie sur
deux principes fondamentaux
:
- la
médicalisation et la réanimation-chirurgicalisation de
l'avant
qui impliquent de porter au plus près du combattant les
moyens mobiles, performants et adaptés aux conditions de l'engagement,
- la systématisation des
évacuations sanitaires
précoces
vers les hôpitaux de traitement définitif,
essentiellement par voie aérienne.
Il suppose :
- la présence,
au sein des unités de combat,
d'équipes sanitaires
composées de médecins et de
personnels paramédicaux formés à la prise en charge de
polytraumatisés et disposant de moyens mobiles, adaptés et
performants, servis par des personnels habitués à l'urgence et
entraînés aux conditions les plus difficiles,
- la présence, au plus près des unités de combat, de
structures légères
permettant le traitement des
extrêmes urgences
par des anesthésistes réanimateurs et
des chirurgiens formés à la polyvalence de la réanimation
et de la chirurgie de guerre et entraînés à agir dans des
situations extrêmes, ces antennes chirurgicales pouvant être
confortées par d'autres spécialistes assurant la qualité
du conditionnement médico-chirurgical des blessés et permettant
leur évacuation dans de bonnes conditions en évitant les
aggravations secondaires ou les pertes fonctionnelles majeures,
- des
moyens d'évacuation sanitaire
précoce,
généralement par voie aérienne, afin de libérer les
capacités des formations sanitaires de campagne et de garantir un
traitement définitif dans les conditions les plus favorables, ces moyens
d'évacuation devant bien entendu comporter une assistance
médicale constante.
Il faut ajouter que la protection sanitaire opérationnelle ne saurait se
limiter à la seule phase des combats. En amont, elle exige la
connaissance et la mise à jour constante des données
épidémiologiques des différents théâtres
d'opérations envisageables et l'identification des risques particuliers.
Elle se prolonge par la mise en oeuvre des mesures d'hygiène
générale et de prophylaxie adaptées aux conditions
d'engagement.
2. La cohérence d'ensemble des missions du service de santé
Pour
primordiale qu'elle soit, la mission de soutien des forces projetées ne
saurait être menée à bien si les autres fonctions du
service de santé étaient négligées ou
insuffisamment prises en compte.
Elle s'appuie bien sûr sur le
secteur hospitalier militaire
qui
doit entretenir le personnel hautement spécialisé capable de
participer au soutien des opérations extérieures.
Elle suppose qu'une attention particulière soit accordée à
la
sélection médicale des engagés
, au
contrôle périodique de leurs aptitudes et à la mise en
oeuvre d'une
prévention générale
, dans le cadre
d'une démarche globale centrée sur la garantie permanente de la
qualité des forces disponibles.
La
formation
, initiale ou continue, et les actions d'entraînement
et de préparation des personnels du service de santé doit elle
aussi être adaptée aux missions, en particulier aux pratiques de
prise en charge des urgences traumatiques.
Le
ravitaillement sanitaire
doit garantir les approvisionnements en
médicaments, en articles pharmaceutiques et en matériels
techniques indispensables au soutien opérationnel.
Enfin, la
recherche médicale de défense
menée dans
les centres et instituts spécialisés du service de santé
constitue un
apport essentiel au
renforcement de la capacité
opérationnelle des combattants
, que ce soit par la connaissance des
maladies infectieuses, des pathologies tropicales, des effets des armes
conventionnelles, nucléaires, bactériologiques ou chimiques ou
des effets psychologiques du combat, ou par la participation aux travaux
ergonomiques préalables à la définition des
systèmes d'armes.
B. UNE RÉORGANISATION ORIENTÉE SUR LE SOUTIEN DES FORCES
Le caractère prioritaire du soutien sanitaire des forces projetées a largement servi de base à la redéfinition du service de santé, qu'il s'agisse de son organisation et de ses personnels ou de ses moyens opérationnels.
1. Un format conditionné par les exigences du soutien des forces
Dans le
cadre de la loi de programmation 1997-2002, le service de santé des
armées a été dimensionné de manière à
permettre le
soutien sanitaire
simultané d'une force terrestre
de 30.000 hommes
,
d'une base
aérienne projetée
et
d'un groupe aéronaval
sur un théâtre principal,
alors que sur un second théâtre, un groupement de forces plus
limité pourra être engagé.
La satisfaction de ce besoin a directement conditionné le format du
service de santé, ses effectifs et la dimension de son parc hospitalier.
En ce qui concerne le
soutien sanitaire intégré aux
armées,
les effectifs ont été fixés selon les
critères suivants :
- pour
l'armée de terre,
un renforcement des services
médicaux d'unités afin de parvenir,
dans les régiments
projetables
, à
un
médecin par
compagnie,
c'est-à-dire quatre médecins par régiment, ce chiffre,
déterminé dans la perspective de la projection, tenant compte des
périodes d'activité sur le théâtre, de la
nécessité de maintenir une présence médicale en
base arrière, des périodes de récupération, des
congés réglementaires et des temps de formation continue,
- pour
l'armée de l'air
, un effectif de 3 à 5
médecins par base selon leur importance et leurs charges
spécifiques (aptitude du personnel navigant, sécurité des
vols, médicalisation des évacuations sanitaires par voie
aérienne),
- pour la
Marine
, des effectifs médicaux tenant compte des
conditions d'isolement du soutien médical en mer.
Le
dispositif hospitalier
se trouve, quant à lui,
entièrement dimensionné de manière à garantir une
activité suffisante pour entretenir le
nombre d'équipes
chirurgicales nécessaires au soutien des forces projetées
.
Déjà diminué depuis le début des années
1980, le dispositif hospitalier militaire, héritage de l'histoire et des
besoins propres à l'armée de conscription, restait
surdimensionné et risquait de conduire à une sous-activité
des équipes chirurgicales, incompatible avec leur maintien au plus haut
niveau de compétence technique.
Aussi a-t-il été
prévu de fermer, de 1997 à 2002, 9 centres hospitaliers des
armées de métropole, et de ramener de 5.600 à 3.200 le
nombre de lits, en resserrant le dispositif sur les 9 hôpitaux
d'instruction des armées (HIA)
.
2. La nécessité de moyens adaptés aux conditions de l'engagement
La
recherche de la plus grande efficacité dans la mise en oeuvre du soutien
sanitaire des forces projetées a conduit à l'acquisition de trois
types de moyens, garants de la mobilité et donc de la performance de ce
soutien :
- des
véhicules de l'avant blindés (VAB) sanitaires
,
capables de suivre le combattant partout où il se trouve et d'assurer la
sécurité du ramassage,
- des
hélicoptères sanitaires
indispensables à
l'évacuation rapide vers les antennes chirurgicales et, au-delà,
des
aéronefs médicalisés
pour le rapatriement en
métropole,
- des
éléments techniques modulaires,
aéromobiles
et transportables, sur lesquels reposent les capacités de
réanimation et de traitement médical de l'avant. Fabriqués
par GIAT-Industries, ces abris modulaires ou " shelters " font partie
d'un programme de 58 modules dont une large partie a d'ores et
déjà été livrée. Ce programme permettra de
disposer de 10 sections de triage modulaire, composées de 4
éléments, et de 2 sections chirurgicales modulaires
composées de 8 éléments.
Ces moyens sont mis en oeuvre notamment par l'armée de terre qui, outre
les postes de secours, peut déployer
5 antennes
chirurgicales
et
deux hôpitaux mobiles de campagne
,
structures sous tentes ou hébergées dans les infrastructures
disponibles sur le théâtre, auxquels s'ajoutent les
nouveaux
équipements modulaires
qui, une fois assemblés dans la
configuration la plus adaptée à la situation, offrent des
conditions de traitement comparables à celles d'un hôpital de
l'infrastructure.
L'armée de terre dispose, avec le
1
er
Régiment médical
, créé en 1992 et
stationné à Metz, d'une formation originale et jusqu'à il
y a peu unique en son genre, dont l'encadrement est constitué
d'officiers du service de santé des armées.
Le 1
er
Régiment médical a pour mission de participer
au soutien médical d'une force projetée et de mettre en oeuvre
l'ensemble des fonctions opérationnelles du service de santé,
depuis les postes de secours au niveau des zones de contact, jusqu'au
structures de traitement en zone arrière. Il dispose de quatre
compagnies spécialisées qui assurent le ramassage, le triage et
la décontamination médicale NBC, l'évacuation
routière, le traitement chirurgical des urgences absolues, soit sous
tentes, soit dans des locaux aménagés, soit dans les
éléments techniques modulaires, et enfin, le ravitaillement
sanitaire.
Il dispose de plusieurs VAB sanitaires et de 8 éléments
techniques modulaires, dont 4 ont été déployés
à Mostar en ex-Yougoslavie.
Un
second régiment
comparable est en cours de constitution
à La Valbonne, près de Lyon, à partir des bataillons
médicaux transférés de Mourmelon et de Vannes. Il
regroupera à terme quatre bataillons médicaux.
L'
armée de l'air
dispose pour sa part de 20 équipes de
convoyage, équipées de lots permettant chacun le transport de 30
blessés, et de trois groupes de transit sanitaire aérien,
structures légères nécessitant le soutien de 70 personnels
environ et configurées pour permettre la mise en condition d'un volume
de 120 blessés par jour.
La
Marine
, outre les installations médicales au sein de chaque
bâtiment, dispose d'
équipements chirurgicaux
au sein des
unités les plus importantes (porte-avions,
porte-hélicoptères, transports de chalands de
débarquement, gros bâtiments de soutien) destinés tant
à ses personnels qu'aux forces embarquées pour une
opération amphibie ou aux ressortissants évacués dans le
cadre d'opérations extérieures. En complément de ces
moyens fixes, elle peut également mettre en oeuvre un
élément chirurgical embarqué.
C. LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES, COMPOSANTE ESSENTIELLE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
Au cours de la dernière décennie, le service de santé a pris une part importante aux opérations extérieures, son rôle ne se limitant pas au soutien des forces et s'étendant aux actions humanitaires. Cette participation a permis de démontrer la pertinence et l'efficacité de la conception française du soutien médico-chirurgical. Elle entraîne cependant de lourdes conséquences sur le fonctionnement du service.
1. Opérations extérieures et actions humanitaires
L'expérience des opérations extérieures
récentes démontre que l'action humanitaire n'est jamais
totalement absente des missions du service de santé, même lorsque
celles-ci ont principalement pour objet le soutien des forces. Ainsi, dans les
opérations de rétablissement de la paix, les moyens
médicaux destinés en priorité au soutien des forces
françaises sont très souvent employés pour les
actions
humanitaires d'accompagnement
au profit des populations locales :
consultations, soins, interventions chirurgicales, fourniture de
médicaments et d'articles pharmaceutiques, évacuation de malades
et de blessés. Il s'agit d'une tradition forte du service qu'il
convenait de souligner.
Le service de santé est par ailleurs appelé à prendre une
part active à des opérations dont l'objectif humanitaire est
clairement affiché, mais impliquant également un contrôle
militaire de la zone d'intervention, par exemple, lors d'actions
d'évacuation de ressortissants français dans un pays en crise ou
lors d'opérations menées au profit de populations
réfugiées, comme en Somalie ou au Rwanda.
Enfin, le service de santé des armées est engagé dans des
actions à caractère purement humanitaire
pour des secours
d'urgence en cas de catastrophe naturelle ou des actions de prévention
ou de lutte contre les épidémies. Dans de tels cas, le service de
santé peut intervenir de façon autonome ou s'intégrer dans
un dispositif plus large faisant également appel aux moyens de
sécurité civile.
Les moyens sanitaires militaires permettant de participer à l'action de
la France au profit de populations victimes de catastrophes ou
d'endémie, sont regroupés au sein de la
Force d'assistance
humanitaire militaire d'intervention
rapide (FAHMIR
), qui dispose de
deux structures spécifiques :
- l'
élément médical militaire d'intervention
rapide
, formation sanitaire de campagne polyvalente et
aérotransportable, disposant d'une capacité hospitalière
de 100 lits et appuyée par une équipe de 75 personnes
désignées à l'avance et prêtes à partir dans
un délai de 24 heures,
- la
" Bioforce " militaire
, créée en 1983,
destinée à porter secours aux Etats confrontés à
une situation de crise ou de catastrophe épidémiologique en
identifiant la nature des problèmes et en procédant, le cas
échéant, aux vaccinations de masse nécessaires à la
protection des populations menacées d'épidémie.
2. La multiplication des opérations extérieures
La
dernière décennie a vu se multiplier les participations du
service de santé aux opérations extérieures.
S'agissant des
opérations à caractère militaire,
on
peut mentionner les interventions en Centrafrique (1981-1998), au Zaïre
(1994), au Rwanda (1994), en Somalie (1991-1994), en Arabie Saoudite
(1990-1991) ou au Cambodge (1991-1993). Sont toujours en cours :
l'opération Epervier au Tchad (depuis 1986), l'opération Iskoutir
à Djibouti (depuis 1993), le soutien au contingent français de la
Finul au Liban (depuis 1978), les opérations en Bosnie (depuis 1992) et,
depuis cette année, l'opération Trident en Macédoine et le
soutien de la
brigade française de la KFOR au Kosovo
.
Le service de santé a également participé à de
multiples
opérations
humanitaires
en Afrique
(Guinée, Mali, Niger, Tchad, Sao Tomé, Zaïre, Burundi,
Rwanda, Madagascar, Comores, Somalie, Ethiopie, Djibouti, Centrafrique) et en
Amérique latine (Bolivie, Pérou, Nicaragua). On mentionnera pour
1998 l'activation de la Bioforce militaire en prévention d'une
épidémie de choléra aux Comores et à la suite de
l'ouragan " Mitch " en Amérique centrale.
Cette participation aux opérations extérieures nécessite
une
moyenne
proche
de 300 personnels médicaux et
paramédicaux
au cours des deux dernières années. On
observe que durant la guerre du Golfe, la composante santé, avec 1200
personnels environ, représentait à peu près 10% de
l'effectif de la division Daguet, alors que pour les opérations plus
récentes,
le ratio n'excède pas 3% des effectifs soutenus
,
à la fois parce que les dispositifs mis en place ne sont pas
dimensionnés pour faire face à des pertes importantes, comme cela
avait été le cas durant la guerre du Golfe, et parce que la
coopération avec des armées étrangères, lors
d'opérations multinationales, permet des manoeuvres des économies
non négligeables. Un ratio supérieur, allant jusqu'à 5%,
peut toutefois être constaté en fonction des particularités
de l'opération telles que la distance, la multiplicité des
théâtres ou le type de menaces.
3. Les enseignements des opérations extérieures : la validité du concept français de soutien médical.
Le
principal enseignement positif tiré de la participation du service de
santé aux opérations extérieures est sans aucun doute la
validation de la conception du soutien médical
qui se traduit par
des
résultats exceptionnels
,
aucun blessé pris en
charge au niveau des antennes chirurgicales n'ayant succombé
.
Ces résultats ont été obtenus :
- grâce à la généralisation de la
médicalisation de l'avant, les médecins d'unité ayant pu
assurer la survie des blessés par l'application immédiate des
techniques de réanimation,
- grâce au soutien chirurgical de proximité permettant, en
relais, de prodiguer une chirurgie immédiate de sauvetage au sein des
antennes chirurgicales,
- grâce aux évacuations sanitaires urgentes effectuées par
des équipes spécialisées intégrant au besoin des
réanimateurs.
La cohérence de l'action conduite par cette chaîne de soutien
médical repose sur la
présence
,
à chaque niveau
de commandement opérationnel
,
d'un adjoint santé
responsable du dispositif défini par la direction centrale du service et
son centre d'opérations, en liaison avec l'état-major des
armées.
La pratique a également démontré la capacité
d'adaptation du service de santé aux situations les plus diverses et
l'efficacité et la cohérence globale du concept d'emploi. Cette
faculté d'adaptation doit être particulièrement
soulignée, sur le plan technique, au niveau de
l'emploi
opérationnel des
éléments techniques modulaires
utilisés actuellement au sein de la compagnie chirurgicale mobile
déployée à Mostar en ex-Yougoslavie, qui permet
d'améliorer de manière très significative la
qualité du soutien médico-chirurgical.
Enfin, les opérations extérieures ont permis de développer
une utile coopération avec les armées étrangères,
en particulier, en ex-Yougoslavie, avec l'armée allemande, pour
développer l'aide mutuelle et la complémentarité des
moyens.
4. Une lourde contrainte pour le service de santé
La
plupart du temps déclenchées sur un préavis très
court, les opérations extérieures exigent une capacité de
réaction exceptionnellement rapide et une disponibilité accrue
des moyens sanitaires. Le dispositif de soutien médical doit être
suffisamment souple pour s'adapter aux conditions réelles du terrain,
souvent incertaines lors de la conception de l'opération. Enfin, il
nécessite d'importants moyens de transport logistique, notamment
aériens pour les évacuations et le ravitaillement sanitaires.
Mais surtout, le soutien opérationnel est assuré par
prélèvement de
personnels au sein des forces et des
hôpitaux des armées,
ce qui provoque des déficits
ponctuels. Ainsi, au cours de l'année 1998, un quart des sous-officiers
infirmiers de l'armée de terre se trouvaient en mission
extérieure. Dans les hôpitaux, les prélèvements de
chirurgiens et d'infirmiers se ressentent immédiatement sur le potentiel
chirurgical et imposent une réduction de l'activité.
Au vu des opérations extérieures récentes, on estime
qu'environ 10% des personnels militaires inscrits au budget du service de
santé sont désignés au cours d'une année pour
participer à une mission extérieure d'une durée moyenne de
quatre mois.
Les besoins en personnels lors des opérations extérieures ne se
limitent pas au seul soutien médical mais doivent intégrer
l'ensemble de la chaîne d'évacuation et de traitement des
blessés, le ravitaillement sanitaire, le volet médical de l'aide
humanitaire ou encore la présence de chirurgiens-dentistes et de
vétérinaires pour la surveillance des mesures d'hygiène
individuelle et collective.
D'une manière générale, le poids des opérations
extérieures est d'autant plus lourd que celles-ci sont dispersées
sur différents théâtres. La durée de
l'opération doit elle aussi être prise en compte, les
prélèvements de personnels affectés au sein des forces ou
des hôpitaux n'ayant pas le même impact selon qu'ils sont
limités dans le temps ou plus permanents, ce qui impose
l'organisation de relèves
.
Le
recours à des
réservistes,
soit directement dans
des formations sanitaires de campagne, soit en métropole pour remplacer
des personnels en opération, est parfois présenté comme un
moyen de réduire les déficits en personnels provoqués par
les opérations extérieures. Cette solution doit bien entendu
être encouragée, même si elle se heurte, en pratique,
à la grande difficulté pour des médecins du secteur civil
à abandonner ponctuellement leur clientèle libérale ou
hospitalière. Le recours aux réservistes ne paraît
réellement envisageable que pour des opérations inscrites dans la
durée, permettant une programmation des relèves connue
suffisamment à l'avance. Il n'en reste pas moins que la réserve
doit pouvoir fournir cet
apport indispensable
.