14. Les cultures minoritaires ouraliennes en danger (Vendredi 25 septembre)
Préoccupée par le rythme de disparition des
langues
minoritaires en Europe, la Commission de la Culture et de l'Education s'est
penchée, après la langue Rom, le Yiddish et l'Aroumain, sur la
situation d'une vingtaine de langues ouraliennes dont l'origine remonte
à 6000 ans et qui sont parlées par 23 millions de personnes dans
le monde.
Selon le rapport, un recensement réalisé en 1989 fait ressortir
que 3,3 millions de citoyens de la Fédération de Russie
parlent encore une douzaine de ces langues, ainsi que d'autres minorités
en Norvège, en Suède, en Finlande, en Estonie et en Lettonie.
Toutefois, l'ensemble des langues ouraliennes, à l'exception du
hongrois, du finnois, et de l'estonien sont menacées d'extinction
à des degrés divers.
Se référant au cas des Samis de Norvège, premier peuple
ayant réussi au cours des trois dernières décennies
à inverser la tendance à l'appauvrissement du patrimoine
européen en se battant pour l'épanouissement de leur culture et
de leur littérature, le rapporteur propose un certain nombre de mesures
pour revitaliser les langues ouraliennes.
Le projet du texte de résolution note en particulier qu'en
Fédération de Russie, de nouvelles lois soutiennent le maintien
des langues nationales mais ne prévoient pas les moyens
économiques nécessaires à l'application de ces
dispositions. Il propose que le Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe aide les pays -dont la Russie- où vivent les minorités
linguistiques du groupe ouralien. Les efforts, souligne-t-il, devraient porter
sur l'enseignement dans la langue maternelle dès l'école
primaire, tant dans les villes que dans les campagnes. Cet enseignement exigera
la formation des enseignants ainsi que la production d'outils
pédagogiques. La résolution préconise également la
promotion de journaux ou d'émissions de radio et de
télévision dans les langues minoritaires, ainsi que
l'échange de personnels et d'étudiants entre les régions
ouraliennes.
A l'issue des débats,
la résolution 1171 figurant dans le
rapport 8126 est adoptée, amendée.
15. Situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise - Intervention de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Vendredi 25 septembre)
Ce
rapport examine la situation de la population francophone dans les six communes
" à facilités " de la périphérie
bruxelloise. Ces communes situées en Flandre, mais comportant une large
proportion, voire une majorité, d'habitants francophones, sont le point
de mire d'un conflit linguistique ancien en Belgique, qui - cette fois-ci -
semble avoir été provoqué par la tendance accrue du
Gouvernement flamand à restreindre autant que la législation le
lui permet le recours à ces facilités pour les Francophones, afin
d'accentuer le caractère flamand et néerlandophone de la
région. Cette tendance du Gouvernement flamand semble elle-même
être due à ce qui est considéré à l'origine
comme une " francisation " de la périphérie
bruxelloise, une crainte à laquelle certains responsables politiques
francophones ont probablement contribuée.
L'Assemblée parlementaire considère que ce conflit linguistique
en Belgique ne peut être résolu que si toutes les parties
intéressées (et surtout les responsables politiques) font preuve
de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de
souplesse pour promouvoir une cohabitation paisible des différents
groupes linguistiques, et s'abstiennent d'attiser ou d'utiliser ces conflits
à des fins politiques.
L'Assemblée recommande à toutes les parties concernées -
le Gouvernement flamand, les habitants francophones de la
périphérie bruxelloise (et en particulier leurs
représentants politiques) et le Gouvernement belge - de promouvoir une
cohabitation paisible entre les communautés linguistiques. Ces
propositions incluent, entre autres, l'introduction graduelle du bilinguisme en
Belgique, la possibilité d'utiliser les instruments de la
démocratie directe pour consulter les citoyens sur une éventuelle
renégociation du compromis linguistique belge, et la signature et la
ratification de la Convention-cadre européenne relative à la
protection des minorités nationales.
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR)
, prend la parole en ces
termes :
" La Belgique est compliquée, très compliquée,
même pour moi qui suis l'élu d'un département
français tout proche, frontalier : le Nord. Il convient donc de
féliciter M. Columberg d'avoir su, au sein de la complexité,
distinguer l'essentiel et apporter des réponses claires.
Y avait-il lieu de saisir le Conseil de l'Europe de la situation des
francophones de la périphérie bruxelloise ? La
réponse est : " oui ".
Bien sûr, et fort heureusement, la situation dans l'agglomération
bruxelloise n'a rien à voir avec ce que connaissent l'Albanie ou le
Kosovo ; elle est pourtant conflictuelle, passionnelle, et une partie de
la population risque d'y perdre des droits auxquels le Conseil de l'Europe est
attaché. C'est donc à juste titre que nous débattons
aujourd'hui.
Il est difficile, pour un Français, de prendre la parole dans ce
débat, car au départ, au siècle passé, il y a eu la
volonté de la population néerlandophone de Flandre de rendre
à sa langue maternelle sa place et sa dignité face à ce
qu'elle estimait être la domination hautaine des francophones.
Je respecte ce combat car, et je le rappelais ici même mercredi en
présentant l'avis sur la diversification linguistique, il est juste de
défendre sa langue maternelle. Mais ce combat a maintenant
triomphé et les temps ont changé.
Or les informations que nous donnent les élus francophones des communes
périphériques de Bruxelles et ce qui a été
constaté par notre rapporteur montrent qu'il y a effectivement remise en
cause des facilités consenties à la population francophone de
certaines communes, alors que cette population est parfois majoritaire, et cela
est ressenti comme une tracasserie et une injustice.
Plus grave encore, l'objectif semble bien de pousser à
l'intégration, mais aussi à l'assimilation pour éradiquer
à terme la présence francophone dans la périphérie
bruxelloise. Cette volonté paraît singulière quand on pense
qu'elle s'exerce à quelques kilomètres des bureaux de l'Union
européenne, par définition plurilingue et multiculturelle.
Dans son rapport, M. Columberg et la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme ont choisi de faire appel à tous les
responsables politiques concernés en leur recommandant de faire preuve
de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de
souplesse. Cet appel est bienvenu.
M. Columberg ne saisit pas le Comité des Ministres mais se limite
à faire des recommandations au Gouvernement flamand en lui demandant, en
particulier, de cesser d'essayer de réduire les facilités
linguistiques des six communes concernées et en excluant de recourir
à l'assimilation forcée, tout en recommandant aux habitants
francophones d'essayer de s'intégrer à la région dans
laquelle ils habitent. C'est une position de sagesse.
Quant au gouvernement belge, il se voit suggérer des pistes d'action
pour tenir compte de l'évolution provoquée par la construction
européenne.
Je ne suis pas persuadé de la pertinence de toutes les suggestions que
l'expérience suisse suggère à M. Columberg, mais je ne
crois pas nécessaire d'engager ici un débat, y compris à
coup d'amendements, sur ces suggestions puisqu'elles ne sont que des
suggestions et que c'est au Gouvernement belge d'en retenir ce qui est conforme
à l'esprit et à la lettre de la Constitution de ce pays.
J'approuve donc le rapport Columberg et je tire du débat quelques
leçons.
La passion, la fureur, conduit trop souvent à des actions
déraisonnables. Vouloir priver les francophones de leurs
facilités ne pourrait aboutir qu'à une crise et provoquerait de
nouvelles interpellations, y compris au niveau européen, et un mouvement
de solidarité car les francophones de l'agglomération bruxelloise
ne sont pas isolés. Wallons, Flamands et Bruxellois ont derrière
eux une longue tradition démocratique. Elle doit leur permettre de
préférer trouver par eux-mêmes une solution
équilibrée et qui privilégie la prise en compte des droits
individuels de chacun de leurs concitoyens.
Une solution raisonnable, équilibrée et d'avenir ne saurait
être trouvée dans l'enfermement de Bruxelles derrière une
muraille linguistique isolant la ville bilingue du monde francophone. C'est au
contraire dans le plurilinguisme et l'ouverture que l'agglomération
toute entière pourra jouer son rôle essentiel au sein de
l'Europe. "
Au terme du débat,
la résolution 1172, amendée,
figurant dans le rapport 8182 est adoptée.