LES TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE A L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

DURRIEU (Josette)

RAPPORT D'INFORMATION 436 (98-99) - délégation française à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Table des matières




N° 436

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 1999

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la session ordinaire 1998 de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement ,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénateur.

(1) Cette délégation était composée en 1998 de : MM. Nicolas About, Michel Alloncle, Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Pierre Jeambrun, Jean-François Le Grand, membres titulaires : MM. James Bordas Marcel Debarge, Jacques Legendre, Edouard Le Jeune, François Lesein, Serge Vinçon, membres suppléants. Au 20 octobre 1998 : MM. Nicolas About, Marcel Debarge, Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Jean-François Le Grand, Lucien Neuwirh membres titulaires : MM. James Bordas, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, membres suppléants.

Conseil de l'Europe.

INTRODUCTION

Le présent rapport retrace les travaux de l'Assemblée du Conseil de l'Europe au cours de sa session de 1998 dont les quatre parties se sont tenues à Strasbourg, respectivement du 26 au 30 janvier, du 20 au 24 avril, du 22 au 26 juin et, enfin, du 21 au 25 septembre, ainsi que les travaux des réunions groupées de commission, qui se sont tenues à Lisbonne les 25 et 26 mai.

Il récapitule les activités des membres de la Délégation française, en particulier leurs interventions dans les débats inscrits à l'ordre du jour des quatre parties de cette session 1998, et présente un bref résumé des rapports.

En annexe, figure la liste de tous les textes adoptés pendant la session de 1998.

*

* *

Cette introduction a pour objet de rappeler, d'une part, l'évolution de la composition de la Délégation française pendant la session de 1998 et, d'autre part, l'évolution générale de l'Organisation.

A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À L'ASSEMBLÉE DU CONSEIL DE L'EUROPE DURANT LA SESSION DE 1998

La délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, identique, comprend vingt-quatre députés (douze titulaires, douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires, six suppléants). L'Assemblée nationale renouvelle ses délégués après chaque élection législative générale et le Sénat après chaque renouvellement triennal. En outre, des remplacements peuvent intervenir entre ces dates, notamment pour cause de démission d'un délégué. La présente section a pour objet de retracer la composition de la délégation au cours de l'année 1998 et ses évolutions.

1. Représentants de l'Assemblée nationale en 1998

Au nombre de 24 , les représentants de l'Assemblée nationale durant l'année 1998 auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe étaient :

Délégués titulaires (12) : MM. Jacques BAUMEL (RPR), Jean BRIANE (UDF), Claude EVIN (Soc), Raymond FORNI (Soc), Guy LENGAGNE (RCV), Martin MALVY (Soc), Jean-François MATTEI (UDF), Gilbert MITTERRAND (Soc), Henri NALLET (Soc), Jean-Claude SANDRIER (Com.), Bernard SCHREINER (RPR) et Jean VALLEIX (RPR).

Délégués suppléants (12) : MM. Claude BIRRAUX (UDF), Paul DHAILLE (Soc), Mme Laurence DUMONT (Soc), MM. Charles EHRMANN (UDF), Maxime GREMETZ (Com.), Michel HUNAULT (RPR), Georges LEMOINE (Soc), Jean-Pierre MICHEL (RCV), Jean-Claude MIGNON (RPR), Mme Yvette ROUDY (Soc), MM. Philippe SÉGUIN (RPR) et Kofi YAMGNANE (Soc).

Le 21 septembre 1998, M. Armand JUNG (Soc) a remplacé M. Martin MALVY (Soc), démissionnaire.

Enfin, le 5 novembre 1998, MM. Jean-Marie BOCKEL (Soc) et Jean-Marie LE GUEN (Soc) ont été désignés en remplacement de MM. Raymond FORNI (Soc) et Kofi YAMGNANE, démissionnaires.

La délégation se présente alors ainsi :

Délégués titulaires (12) : MM. Jacques BAUMEL (RPR), Jean BRIANE (UDF), Claude EVIN (Soc), Armand JUNG (Soc), Guy LENGAGNE (RCV), Jean-François MATTEI (DL), Gilbert MITTERRAND (Soc), Henri NALLET (Soc), Mme Yvette ROUDY (Soc), MM. Jean-Claude SANDRIER (Com.), Bernard SCHREINER (RPR), Jean VALLEIX (RPR).

Délégués suppléants (12) : MM. Claude BIRRAUX (UDF), Jean-Marie BOCKEL (Soc), Paul DHAILLE (Soc), Mme Laurence DUMONT (Soc), MM. Charles EHRMANN (DL), Maxime GREMETZ (Com.), Michel HUNAULT (RPR), Jean-Marie LE GUEN (Soc), Georges LEMOINE (Soc), Jean-Pierre MICHEL (RCV), Jean-Claude MIGNON (RPR), Philippe SEGUIN (RPR).

2. Représentants du Sénat en 1998

Les 12 représentants du Sénat en 1998 étaient :

Délégués titulaires (6) : MM. Nicolas ABOUT (Ap. RI), Michel ALLONCLE (RPR), Mme Josette DURRIEU (Soc), MM. Daniel HOEFFEL (UC), Pierre JEAMBRUN (RDSE), Jean-François LE GRAND (RPR).

Délégués suppléants (6) : MM. James BORDAS (RI), Marcel DEBARGE (Soc), Jacques LEGENDRE (RPR), Edouard LE JEUNE (UC), François LESEIN (RDSE), Serge VINÇON (RPR).

A la suite du renouvellement triennal du 27 septembre 1998, le Sénat a désigné le 20 octobre 1998, une nouvelle délégation :

Délégués titulaires (6) : MM. Nicolas ABOUT (Ap. RI), Marcel DEBARGE (Soc), Mme Josette DURRIEU (Soc), MM. Daniel HOEFFEL (UC), Jean-François LE GRAND (RPR), Lucien NEUWIRTH (RPR).

Délégués suppléants (6) : MM. James BORDAS (RI), Jean-Guy BRANGER (UC), Michel DREYFUS-SCHMIDT (Soc), Daniel GOULET (RPR), Jacques LEGENDRE (RPR), Mme Danièle POURTAUD (Soc).Bureau de la délégation en 1998


- Présidente :

Mme Josette DURRIEU

Sénateur

(Soc)

 
 
 
 

- Premier Vice-Président :

M. Bernard SCHREINER

Député

(RPR)

 
 
 
 

- Vice-Présidents :

M. Pierre JEAMBRUN

Sénateur

(RDSE)

 

M. Georges LEMOINE

Député

(Soc)

 

M. Raymond FORNI

Député

(Soc)

 

M. Marcel DEBARGE

Sénateur

(Soc)

 

M. Jean-François MATTEI

Député

(UDF)

 
 
 
 

- Secrétaire Général :

M. Daniel HOEFFEL

Sénateur

(UC)

 
 
 
 

- Secrétaire Général
Adjoint :

M. Claude EVIN

Député

(Soc)

A la suite du renouvellement des délégués du Sénat, la Délégation s'est réunie le 27 octobre 1998 pour procéder à l'élection de son bureau, ainsi composé à la suite de cette réunion :


- Présidente :

Mme Josette DURRIEU

Sénateur

(Soc)

 
 
 
 

- Premier Vice-Président :

M. Bernard SCHREINER

Député

(RPR)

 
 
 
 

- Vice-Présidents :

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

(Soc)

 

M. Georges LEMOINE

Député

(Soc)

 

M. Raymond FORNI

Député

(Soc)

 

M. Marcel DEBARGE

Sénateur

(Soc)

 

M. Jean-François MATTEI

Député

(UDF)

 
 
 
 

- Secrétaire Général :

M. Daniel HOEFFEL

Sénateur

(UC)

 
 
 
 

- Secrétaire Général
Adjoint :

M. Claude EVIN

Député

(Soc)

*

* *

M. Raymond FORNI ayant démissionné de la Délégation, le Bureau a été renouvelé le 20 janvier 1999 et se trouve désormais ainsi composé :


- Présidente :

Mme Josette DURRIEU

Sénateur

(Soc)

 
 
 
 

- Premier Vice-Président :

M. Bernard SCHREINER

Député

(RPR)

 
 
 
 

- Vice-Présidents :

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

(Soc)

 

M. Georges LEMOINE

Député

(Soc)

 

M. Claude EVIN

Député

(Soc)

 

M. Marcel DEBARGE

Sénateur

(Soc)

 

M. Jean-François MATTEI

Député

(UDF)

 
 
 
 

- Secrétaire Général :

M. Daniel HOEFFEL

Sénateur

(UC)

 
 
 
 

- Secrétaire Général
Adjoint :

Mme Yvette ROUDY

Députée

(Soc)

B. COMPOSITION DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

1. Etats membres pléniers du Conseil de l'Europe

de 1949 à 1989

Plus ancienne organisation de coopération européenne, le Conseil de
l'Europe est fondé par le traité signé à Londres le 5 mai 1949, entre cinq pays : Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni - rejoints par le Danemark, l'Irlande, l'Italie, la Norvège et la Suède.

Les adhésions d'Etats de l'Europe occidentale se sont bientôt succédé : 1949-1950 - Grèce, Turquie ; 1950 - Islande ; 1951 République Fédérale d'Allemagne ; 1956 - Autriche ; 1961 - Chypre ; 1963 - Suisse ; 1965 - Malte ; 1976 - Portugal ; 1977 - Espagne ; 1978 - Liechtenstein ; 1988 - Saint-Marin ; 1989 - Finlande.

de 1989 à fin 1998

Si la réunion des Etats d'Europe occidentale est à peu près parachevée en 1989 avec l'adhésion de la Finlande (Andorre n'a pu adhérer qu'en 1994, après une réforme constitutionnelle), l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe anticipait sur l'union de tout le continent en créant le statut d'" invité spécial " proposé dès le 11 mai 1989 à quelques pays d'Europe centrale et orientale afin d'associer, sans voix délibérative, des délégations de leurs parlements aux travaux d'une Assemblée creuset du modèle démocratique paneuropéen.

Réservé aux Etats qui " appliquent et mettent en oeuvre l'Acte final d'Helsinki du 1er août 1975 et les instruments adoptés au cours des conférences de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) ainsi que les deux pactes internationaux des Nations unies du 16 octobre 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels " selon les résolutions 917 du 11 mai 1989 et 920 du 5 juillet 1989, le statut d'invité spécial fut conféré à des délégations des Parlements de quatre Etats qui étaient alors l'URSS, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la République socialiste fédérale de Yougoslavie, dès le 8 juin 1989.

Bientôt étendu aux Parlements de la plupart des Etats d'Europe centrale et orientale, au fur et à mesure de la formulation de leurs demandes et de leurs progrès démocratiques, ce statut a peu à peu fait place à des adhésions formelles dès lors que le Comité des Ministres et les commissions compétentes de l'Assemblée ont pu constater l'établissement des principales règles de l'Etat de droit et par conséquent le respect des dispositions du statut du Conseil de l'Europe, dans les différents Etats candidats.

Ainsi sont devenus membres pléniers du Conseil de l'Europe les Etats suivants : 1990 - Hongrie - Pologne ; 1991 - République fédérative tchèque et slovaque (dissoute le 31.12.92) ; 1992 - Bulgarie ; 1993 - Estonie - Lituanie - Slovénie - République tchèque - République slovaque - Roumanie ; 1994 - Andorre ; 1995 - Lettonie - Moldova - Albanie - Ukraine - Ex-République yougoslave de Macédoine ; 1996 - Russie - Croatie.

Les délégués des Etats membres pléniers siégeant à l'Assemblée parlementaire étaient, au 1er janvier 1998 , au nombre statutaire de 286 titulaires et autant de suppléants.

2. Parlements bénéficiant du statut d'" invité spécial " à l'Assemblée au 1er janvier 1998

Arménie (4 sièges)

Azerbaïdjan (6 sièges)

Biélorussie (suspendue depuis le 13 janvier 1997)

Bosnie-Herzégovine (5 sièges)

Géorgie (5 sièges)

(Le statut d'invité spécial ne comporte pas de délégués suppléants).

3. Evolution au cours de l'année 1998

L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Bosnie-Herzégovine ont formulé des demandes d'adhésion à titre de membre plénier de l'Organisation, qui suivent la procédure d'examen par les commissions compétentes de l'Assemblée parlementaire.

La demande de la Géorgie a abouti et cet Etat est devenu le quarante et unième membre du Conseil de l'Europe le 27 avril 1999.

4. Etats bénéficiant des différents statuts d'observateur

Observateur permanent auprès de l'Assemblée

Dès 1961, le Règlement de l'Assemblée a été modifié pour instituer une nouvelle disposition (article 53 devenu l'article 55) qui prévoyait la possibilité d'admettre des représentants d'Etats non membres du Conseil de l'Europe, à titre d'" Observateurs permanents ", sans droit de parole (sauf autorisation du Président de l'Assemblée) et sans droit de vote. Ce statut fut conféré à la Knesset , Parlement de l'Etat d'Israël dès 1957. Le nombre des délégués est actuellement de trois titulaires et trois suppléants.

Observateurs auprès du Conseil de l'Europe

Par une Résolution du 14 mai 1993, le Comité des Ministres créait à son tour un statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe. C'est ainsi que le statut d'Observateur auprès de l'Organisation a été successivement conféré aux Etats suivants :

- les Etats-Unis d'Amérique (1995),

- le Canada (1996),

- le Japon (1996).

*

* *

La Résolution du Comité des Ministres prévoit que " le statut d'observateur ne donne le droit d'être représenté ni au Comité des Ministres, ni à l'Assemblée parlementaire, sauf décision spéciale de l'un ou de l'autre de ces organes en ce qui le concerne ".

Si ni les Etats-Unis, ni le Japon ne semblent avoir demandé à assister aux travaux de l'Assemblée parlementaire, en revanche, le Parlement Canadien a obtenu, par une Résolution de l'Assemblée du 28 mai 1997, une invitation comme observateur permanent et délègue 6 membres à l'Assemblée.

Ainsi, à la fin de 1998, le Conseil de l'Europe comptait 40 Etats membres pléniers (1( * )) et 3 Etats observateurs. L'Assemblée parlementaire comptait, quant à elle, 286 délégués titulaires (1) (et autant de suppléants) représentant les Parlements des 40 Etats membres, tandis que les Parlements de 4 Etats (2( * )) bénéficiaient du statut d'Invité spécial à l'Assemblée parlementaire dont les délégations comptaient, au total, 20 membres (2) , avec voix consultative , le statut d' Observateur associant de même aux travaux de l'Assemblée, des délégations parlementaires de deux Etats comptant 9 membres titulaires au total, toujours avec voix consultative .

LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE
DU CONSEIL DE L'EUROPE
PENDANT LA SESSION DE 1998

I. LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 26 au 30 janvier 1998)

1. Introduction

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est réunie à Strasbourg du 26 au 30 janvier 1998 (première partie de la session ordinaire de 1998).

Après avoir entendu le discours du Président d'âge M. Charles EHRMANN , député (UDF) l'Assemblée a procédé au renouvellement de son Bureau. Mme Leni FISCHER (Allemagne, CDU-CSU) seule candidate, a été réélue Présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) des Hautes-Pyrénées, a été élue Vice-Présidente de l'Assemblée au titre de la France.

Au cours de cette session, se sont adressées à l'Assemblée les personnalités suivantes :

- M. Petre ROMAN , Président du Sénat de Roumanie,

- M. Hans van den BROEK , membre de la Commission européenne, qui a répondu à une question de M. Jacques BAUMEL , député (RPR).

La communication du Comité des Ministres a été présentée par M. Werner HOYER , ministre délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne, Président en exercice, qui a répondu à des questions de M. Jean VALLEIX , député (RPR), de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc), et de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC).

L'Assemblée parlementaire a délibéré des questions suivantes :

- la mise en place par l'Ukraine d'un moratoire sur les exécutions capitales ou l'abolition de la peine de mort (rapport 7994) ; intervention de M. Raymond FORNI , député (Soc) ; adoption de la Directive n° 538.

L'Assemblée avait auparavant ratifié les pouvoirs de la délégation ukrainienne qui avaient fait l'objet d'une contestation pour cette même question.

- la création d'une Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes dont Mme Yvette ROUDY , députée (Soc) a été élue Présidente de cette nouvelle commission. L'Assemblée a adopté la Directive n° 537 présentée par M. Bernard SCHREINER , député (RPR).

- le suivi du 2ème Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe ; (rapport 7968) ; interventions de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc), Présidente de la délégation française, et de M. Bernard SCHREINER , député (RPR), premier Vice-Président de la délégation française ; adoption à l'unanimité de la recommandation n° 1352.

- l'accès des minorités à l'enseignement supérieur ; (rapport 7888) ; adoption de la recommandation n° 1353 ;

- les développements récents en République fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la région des Balkans ; (rapport 7986) ; explications de vote de M. Jacques BAUMEL , député (RPR) ; adoption de la Résolution n° 1146.

- l'avenir de la Charte sociale européenne ; (rapport 7980) ; adoption de la recommandation n° 1354 et de la Directive n° 539.

- la lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la cohésion sociale en Europe ; (rapport 7981) ; interventions de MM. Claude BIRRAUX , député (UDF), et Paul DHAILLE , député (Soc) ; adoption de la recommandation n° 1355.

- la criminalité des affaires : une menace pour l'Europe ; (rapport 7971) ; interventions de MM. Claude BIRRAUX , député (UDF), et Bernard SCHREINER , député (RPR) ; adoption de la Résolution n° 1147 et de la Directive n° 540.

- les activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) 1994-1997 ; (rapport 7972), le débat étant introduit par une allocution de Mme Sadako OGATA , Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; adoption de la recommandation n° 1356.

- Bosnie et Herzégovine : le retour des réfugiés et des personnes déplacées ; (rapport 7973) ; adoption de la recommandation n° 1357.

En outre, l'Assemblée, sur proposition de plusieurs délégués, notamment français, a décidé, lors de l'adoption de son calendrier, de tenir un débat d'urgence sur la situation en Algérie ; M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UDF), intervenant pour soutenir cette proposition. Lors du débat qui s'engage sur le rapport 7997, sont intervenus MM. Jacques BAUMEL , député (RPR), et Jean-Pierre MICHEL , député (RCV) ; adoption de la recommandation n° 1358.

- la nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale ; (rapport 7976) ; intervention de M. Bernard SCHREINER , député (RPR) ; adoption de la résolution n° 1148 et de la directive n° 541.

- le développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire ; (rapport 7977) ; intervention de M. Jean BRIANE , député (UDF) ; adoption de la résolution n° 1149 et de la recommandation n° 1359.

Au cours de cette session, l'Assemblée a procédé à l'élection des juges à la nouvelle Cour européenne des Droits de l'Homme ; M. Jean-Paul COSTA, Conseiller d'Etat, a été élu juge au titre de la France, réunissant le plus grand nombre de suffrages, soit 206 voix sur 232 suffrages exprimés.

Lors du renouvellement du Bureau des commissions de l'Assemblée parlementaire, la France a obtenu deux présidences et une vice-présidence :

- M. Bernard SCHREINER , député (RPR) a été élu Président de la Commission du budget et du programme de travail intergouvernemental ;

- M. Jean BRIANE , député (UDF) a été élu Président de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux ;

- M. Claude BIRRAUX , député (UDF), a été élu Vice-Président de la Commission de la Science et de la Technologie.

Enfin, le 26 janvier, Mme Josette DURRIEU , Présidente, et la délégation, ont salué la mémoire de M. Pierre CROZE , sénateur (RI) des Français établis hors de France, qui fut membre de la délégation du Sénat aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO ; Mme Josette DURRIEU et la délégation ont également transmis un télégramme de sympathie à leur collègue, M. Nicolas ABOUT , sénateur (app. R.I.) des Yvelines, maire de Montigny-le-Bretonneux, à l'adresse des familles des victimes de l'avalanche des Orres survenue le 23 janvier 1998.

2. Discours de M. Charles EHRMANN, député (UDF), à l'ouverture de la session de 1998 (Lundi 26 janvier)

A l'ouverture de la session annuelle de 1998, M. Charles EHRMANN, député (UDF) , a prononcé, en sa qualité de doyen d'âge, l'allocution suivante :

" En application de l'article 32 du Statut et des articles 1er et 5 du Règlement, je déclare ouverte la session ordinaire de 1998 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Mesdames, Messieurs, j'ai l'honneur, une nouvelle fois, de prendre la parole devant vous en tant que doyen. C'est un privilège redoutable car, si l'âge est synonyme d'expérience et de sagesse, aujourd'hui la jeunesse est très pressée et, les mass media s'intéressant surtout à ce qui ne va pas, à ce qui est anormal, l'impression générale est celle d'un monde de mécontents, même dans les Etats providence, ce qui favorise les partis extrêmes, cela présente aussi un danger pour la démocratie, d'autant que le monde des paysans, facteur d'équilibre psychologique et politique, est en chute libre et que les populations s'agglutinent dans les villes où les banlieues explosives semblent peu à peu l'emporter, malgré les efforts de certains Etats pour créer une civilisation des villes.

En tant que petit-fils d'un Alsacien qui a quitté sa province après la guerre de 1870 pour rester Français ; en tant que fils d'un père tué durant la guerre de 1914-1918, à l'âge de 23 ans, laissant une veuve de 19 ans avec pour toute fortune 75 francs, c'est-à-dire le salaire pendant quinze jours de l'ouvrier mineur qu'était mon père ; en tant que combattant de la guerre 1939-1945 qui pensait se faire tuer vingt-cinq ans après son père, comme tant d'Allemands et tant de Français dans les siècles passés - puisque vingt-trois guerres avaient eu lieu entre la France et l'Allemagne depuis le début du XVI e siècle soit une guerre tout les vingt ans - pour toutes ces raisons, je suis devenu Européen, c'est-à-dire partisan de la fin des guerres entre la France et l'Allemagne.

Tout ce qui peut séparer la France et l'Allemagne me fait mal. Je suis devenu Européen aussi parce que, professeur d'histoire, j'ai compris que la France de Louis XIV et de Napoléon, c'était fini. J'ai compris que l'avenir de mon pays était dans l'Europe, une Europe certes ruinée par tant de guerres mais qui pouvait, si elle était unie, créer un ensemble politique, militaire, social, capable de tenir tête aux grands Etats qui se partageaient le monde. Au nom de tout cela, en Européen convaincu, je désire rendre hommage au Conseil de l'Europe.

Créé en mars 1949 par dix Etats de l'Europe occidentale pour défendre les droits de l'homme, établir la démocratie et l'économie de marché, ce Conseil s'est ouvert à quarante Etats, dont dix-sept après la chute du mur de Berlin. Après soixante-dix ans de communisme, dix-sept Etats rejoignaient le camp de la démocratie. Dans ces pays, le Conseil de l'Europe a peu à peu réussi - avec des échecs, provisoires, je le souhaite - à aider les minorités à obtenir des élections libres, des alternances de majorité qui sont autant de preuves de l'existence de la démocratie.

La Russie elle-même, qui n'avait connu que les tsars et le communisme, mais jamais la démocratie, est entrée au Conseil en 1996 et les Etats-Unis ont obtenu la même année un statut d'observateur. D'autres Etats attendent: la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Bosnie et Herzégovine. Sept cent cinquante, huit cents millions de personnes - toute l'Europe moins trois ou quatre Etats, et bien au-delà - sont ainsi concernées.

Ce Conseil de l'Europe, trop peu connu, a été mis en valeur cependant lors du deuxième Sommet. Réuni à Strasbourg en octobre 1997, à la demande de sa Présidente, Mme Leni Fischer à laquelle je tiens à rendre un hommage particulier, il a, sous la présidence de la France, réuni vingt-neuf chefs d'Etat et quinze Premiers ministres. Un troisième sommet fêtera, en 1999, le cinquantenaire du Conseil de l'Europe. Je suis donc fier d'appartenir à ce Conseil depuis cinq ans.

Cela étant, j'émettrai quelques réserves, me souvenant de ce que disait Beaumarchais, écrivain français de la fin du XVIII e siècle: "Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur". Notre Présidente, Mme Leni Fischer, ajoute : " La famille du Conseil de l'Europe doit être capable de dire la vérité même si celle-ci blesse parfois ".

Le premier reproche que j'adresse au Conseil de l'Europe est de s'être précipité, ce qui est humain, au nom de la morale et de la démocratie, pour accueillir dix-sept nouveaux Etats sans obtenir de ressources supplémentaires. Il faut donc vivre avec environ un milliard de francs pour quarante Etats alors que l'Union Européenne dispose de 485 milliards pour quinze Etats. Evidemment, les objectifs ne sont pas les mêmes, mais l'écart est trop grand.

Le Conseil de l'Europe qui travaille beaucoup manque de moyens de communication et d'exécution ; son travail est souvent ignoré. Je vous en donne deux exemples: à l'unanimité, le Conseil de l'Europe interdit les mines anti-personnel, mais les parlements des quarante Etats l'ignorent et vont commencer un débat à ce sujet ; le professeur Mattéi parlant à la délégation française, a dit que: le Conseil de l'Europe avait condamné le clonage humain. Pourquoi les parlements nationaux vont-ils en discuter sans le rappeler ?

J'ajoute un autre reproche. Vous vous intéressez beaucoup à l'Europe centrale et orientale. Certes ce matin encore, à la réunion du groupe libéral à laquelle j'assistais, j'étais ému de voir que les Balkans de 1998 ressemblaient étrangement aux Balkans de 1914. Nous disions, dans ma jeunesse, que les Balkans étaient " la poudrière de l'Europe ". J'ai la tristesse de vous avouer que j'avais ce matin, en écoutant mes amis, la même impression. Néanmoins cette préoccupation vous empêche de vous occuper suffisamment de l'Europe méditerranéenne. Vous n'êtes pas les seuls : nous le reprochons aussi à l'Union européenne.

Depuis la disparition du communisme, c'est par les Balkans que peut venir le danger pour l'Europe. Vous parlez aussi du drame algérien, mais pas assez selon la délégation française. On oublie qu'il est lié à l'islamisme terroriste. Que les verrous actuels que sont le Maroc, la Tunisie, l'Egypte, la Turquie sautent, et c'est alors l'islamisme terroriste qui risque de s'étendre de l'Atlantique à la Caspienne et au-delà, aidé par des groupes terroristes à l'intérieur de l'Europe.

Le Conseil de l'Europe oublie trop aussi - pardon de ces reproches qui me viennent du fond du coeur - que dans l'économie mondiale actuelle, tout ce qui se passe dans un autre continent peut influencer le reste du monde, donc vous. En Asie par exemple des centaines de milliards de dollars ont dû être injectés en Indonésie, en Corée du Sud, au Japon pour remédier à une crise qui rappelle à ceux qui ont mon âge, la crise de 1929.

Certes, le Fonds monétaire international, le FMI, et huit grandes puissances dont les Etats-Unis ont des moyens qui n'existaient pas alors: mais pourraient-ils recommencer plusieurs fois s'il le fallait ? De toute façon, l'économie des Quarante subira un ralentissement de 0,5 à 1 % qui gênera l'évolution sociale nécessaire.

D'autres faits me frappent.

Vous parlez de la drogue, mais n'ai-je pas lu que des centaines de milliards de francs étaient blanchis chaque année par des banques insuffisamment surveillées, que la mafia contrôlait de plus en plus de pans de la société de certains Etats, où l'on commençait à dire que la drogue n'était pas plus dangereuse que le tabac ou l'alcool, comme s'il fallait oublier qu'on meurt d'une overdose à moins de trente ans, ce qui n'est pas le cas avec le tabac et l'alcool et que aujourd'hui, la drogue atteint une bonne partie de la jeunesse ? Il n'est pas un lycée, pas une faculté en France qui n'ait pas sa section de drogués!

Un autre problème devrait occuper terriblement le Conseil de l'Europe, comme il obsède l'Europe des Quinze: celui du chômage: l'Union européenne compte 18,5 millions de chômeurs dans , mais combien y en a-t-il dans l'Europe des Quarante ? Le problème est de donner du travail aux chômeurs sinon ils se dirigeront vers l'extrême droite ou l'extrême gauche et les démocraties succomberont sous leurs assauts conjugués comme cela est arrivé dans l'Allemagne pré-hitlérienne où six millions de chômeurs ont amené au pouvoir Hitler.

Ne suffirait-il pas, face au monde étatique ou capitaliste des grandes entreprises de donner les moyens fiscaux aux PME. Il y en a dix-huit millions dans l'Europe des Quinze, d'embaucher un ouvrier, un seul, pour arriver à un chômage qui rappelle celui des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne ?

Puisque l'on m'a recommandé d'être court, j'en viens au plus grave problème pour l'avenir du Conseil de l'Europe - mais toutes nos institutions sont liées, celui posé par la quinzaine d'Etats qui veulent entrer dans l'Union européenne. L'idéal serait évidemment d'élargir celle-ci à tous les pays européens du Conseil de l'Europe qui le souhaitent, le Parlement européen s'est d'ailleurs prononcé en ce sens. Il est légitime, certes, que des pays auxquels on a appris la démocratie et qui font eux-mêmes de gros efforts pour se convertir à l'économie de marché - efforts qu'ils devront d'ailleurs continuer - veuillent entrer dans l'Europe des Quinze pour obtenir des aides importantes, qu'il faudra bien leur donner, car la liberté avec le ventre vide conduit à la dictature fasciste et ou communiste.

Déjà, dans mon discours de janvier 1996, je vous avais dit que cette année là serait une année critique. En effet comment élargir à vingt-cinq, vingt-six ou vingt-sept Etats, voire davantage, l'Union européenne sans refaire les institutions qui, conçues pour six, se révèlent obsolètes pour quinze ? Qu'en seraient-elles alors pour vingt-cinq ou vingt-six membres ? Cela reviendrait à créer une grande zone européenne de libre échange en laissant subsister une Europe politique divisée, donc faible, face à de grandes puissances.

Or ce problème n'est pas résolu. Il n'est pas question d'oublier tout ce que l'Union européenne des Quinze a fait, je veux dire cinquante deux années de paix entre la France et l'Allemagne: un développement économique extraordinaire - l'Union est la première puissance économique du monde! - un pouvoir d'achat multiplié par trois en francs constants pour 130 millions de travailleurs à côté des 18 millions de chômeurs, des Etats qui, grâce à leur fortune, sont devenus des Etats providence.

A cette Europe des Quinze, je crois profondément, avec la venue de l'euro, de 1999 à 2002, qui procurera 150 à 180 milliards d'économies ou de richesses dans le non-change des monnaies nationales, qui évitera aussi les crises dues à l'instabilité des monnaies, comme celle de 1995 - en deux ans, elle avait entraîné la disparition de 1 500 000 emplois dans l'Europe des Quinze et une baisse de 2 % du PNB. Eh bien, l'Europe des Quinze, géant économique, se renforcera avec l'euro et pourra tenir tête au monde du dollar! Car il faut que vous sachiez que 70 % des transactions commerciales se font à l'heure actuelle en dollars.

Néanmoins, cette Europe des Quinze, et c'est notre tristesse, reste un nain politique, une puce politique et militaire qui, malgré l'UEO n'arrive à résoudre ses problèmes extérieurs - je pense à la Yougoslavie - qu'en faisant appel aux Etats-Unis, à l'OTAN, voire à l'ONU.

C'est pourquoi certains Etats se demandent s'il ne serait pas préférable de refaire de nouvelles institutions avant d'élargir l'Union européenne afin de créer une Europe politique, militaire et sociale solide. Ces mêmes craintifs - France, Italie, Belgique - voient avec effroi que l'Allemagne de l'Ouest a dépensé plus de 3 000 milliards de francs de 1989 à 1997 pour l'Allemagne de l'Est, c'est-à-dire deux fois le budget annuel de la France sans que les résultats soient définitifs, puisque l'Allemagne de l'Est connaît un chômage de 19,9 % alors qu'en Allemagne de l'Ouest il n'est que de 9,9 %.

Les difficultés sont encore accrues par le fait que l'Allemagne et les Pays-Bas, qui paient évidemment beaucoup, demandent une diminution de leur contribution, que les grands bénéficiaires des fonds structurels de l'Est ne veulent pas perdre une partie de ce qu'ils ont au bénéfice de vos Etats et que les Quinze ne veulent pas accroître leur participation au fonds au budget général qui est de 1,27 % du PNB.

En conclusion, les Etats dont je parle craignent que l'Europe des Quinze n'ait pas les moyens financiers suffisants pour accueillir, dans un premier temps, les six - Pologne, République tchèque, Hongrie, Slovénie, Estonie et Chypre - et les amener à son niveau de vie. Devant cette situation très difficile, l'Allemagne, suivie par la majorité de l'Union européenne, a décidé de négocier avec les six en espérant mener en même temps une négociation sur les institutions. La France et la Belgique pensent qu'on ne le peut pas, que cela est impossible et qu'il faut d'abord revoir nos institutions. Voilà le drame que nous vivons.

Puissent les délégations des quarante Etats du Conseil de l'Europe en s'accrochant aux problèmes que j'ai évoqués, et je prie de m'excuser si j'ai blessé quelqu'un d'entre vous, trouver le second souffle dont l'Europe entière a besoin. Tel est le voeu le plus ardent de votre doyen qui croit en une Europe politique, militaire, économique, sociale, maîtresse de son destin face aux grands empires qui existent ou vont se créer dans le monde. "

3. Situation en Algérie - Demandes de discussion selon la procédure d'urgence - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 26 janvier)

L'Assemblée doit étudier trois demandes de discussion selon la procédure d'urgence, qui ont été déposées conformément à l'article 48 du Règlement.

La dernière demande concerne la situation en Algérie.

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) intervient pour défendre sa demande de tenue de débat selon la procédure d'urgence :

" Je souhaite qu'un débat d'urgence sur la situation en Algérie puisse avoir lieu demain, en fin d'après-midi, en lieu et place du débat prévu sur les droits des appelés. Plusieurs arguments militent en faveur d'une telle demande.

Les événements qui se déroulent aux portes de l'Europe ne sauraient laisser indifférent le Conseil de l'Europe. L'Algérie est à nos portes. Ce qui touche aux droits et à la vie des hommes - et les massacres qui y ont lieu quotidiennement nous le rappellent - concerne l'Europe. Nous avons entendu dans cette maison, en 1996, l'appel des femmes d'Algérie. Cet appel, plus que jamais, retentit à nos oreilles. Pouvons-nous y rester insensibles ?

De plus, le Conseil de l'Europe doit-il laisser à d'autres institutions européennes le soin de se préoccuper d'un problème de cette nature, alors qu'il doit très directement se sentir concerné ? Il y va de son autorité, de son rayonnement et de sa raison. C'est la raison pour laquelle je crois justifié, en mon âme et conscience, de souhaiter qu'un échange de vues puisse avoir lieu sur les événements d'Algérie au cours de la présente session. "

L'Assemblée étudie alors la demande de discussion selon la procédure d'urgence sur la situation en Algérie. Elle rappelle que le Bureau, qui a longuement examiné cette demande lors de sa réunion du 19 janvier, a émis un avis défavorable à la tenue d'un débat selon la procédure d'urgence. Le Bureau a publié une déclaration sur la situation en Algérie et la Présidente, Mme Fischer a d'ores et déjà entrepris d'établir un certain nombre de contacts tant avec les médias qu'avec les organisations féminines.

Après consultation, la demande de procédure d'urgence est adoptée et le renvoi pour rapport de la question de la situation en Algérie à la commission des questions politiques est adopté.

4. Rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente (Lundi 26 janvier)

Selon le rapporteur, il est très facile de présenter ce rapport d'activité au nom du Bureau : c'est, pour l'essentiel, l'histoire des quatre derniers mois -le terme étant entendu non seulement au sens narratif, mais aussi au sens politique. Le Conseil de l'Europe a vécu des moments historiques. Après le deuxième Sommet, tant l'Assemblée que les gouvernements semblent déterminés à réformer le Conseil de l'Europe et à jeter de nouvelles bases pour l'avenir. C'est assurément ce qui ressort de la décision du Comité des Ministres de créer, avec l'accord de l'Assemblée, un Comité des sages composé de cinq éminentes personnalités européennes, auquel seront invités à participer cinq représentants d'autres institutions européennes, l'OSCE et l'Union européenne, notamment.

Ce Comité des sages sera présidé par M. Mario Soares, ancien Président de la République portugaise. Cette nomination constitue une garantie pour l'avenir du continent tout entier ainsi que pour cette institution. En effet, on peut espérer que, d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, des propositions claires auront été élaborées pour assurer l'avenir de l'Organisation. Mais il ne s'agit pas uniquement de cette institution, la question revêt un caractère éminemment politique et concerne l'avenir de tout le système des organisations paneuropéennes.

De l'avis du rapporteur, depuis le deuxième Sommet, la coopération entre les différentes institutions paneuropéennes a gagné en dynamisme. On a l'impression que, tout comme le Conseil de l'Europe, les autres institutions européennes sont prêtes à élaborer des propositions pour l'avenir de l'Europe.

Enfin le rapporteur est convaincu que ce qui marquera cette partie de session, c'est que tous les débats qui y seront menés revêtiront un caractère décisif pour les grands problèmes d'actualité, non seulement dans l'Europe des Quarante, mais sur le continent tout entier.

A l'issue de la discussion, acte est donné du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente, document 7978 et addendums , et des textes adoptés par la Commission Permanente le 7 novembre .

5. Création d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis (Lundi 26 janvier)

L'Assemblée estime que l'égalité des chances pour les femmes et les hommes est une condition nécessaire à la démocratie véritable.

C'est pourquoi, elle décide de créer une Commission permanente sur le sujet, qui remplacera la commission ad hoc du Bureau sur l'égalité des sexes instaurée en 1993 et aura un mandat plus étendu que celle-ci. Elle devra mener des travaux concrets afin d'influencer véritablement les politiques ou les législations en matière d'égalité.

La commission sera composée de 45 membres (et 45 suppléants).

M. Bernard SCHREINER, député (RPR), intervient alors dans le débat en qualité de rapporteur pour avis de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental :

" Si nous présentons cette directive au nom de la commission du budget, ce n'est absolument pas pour entraver le bon fonctionnement de la nouvelle commission dont notre Assemblée vient de décider la création. Notre souci est d'entrer dans le cadre budgétaire établi pour l'année 1998 afin que nous n'engagions pas de dépenses supplémentaires inconsidérées et que le Bureau puisse fixer les dates et lieux de réunion tout en respectant les masses budgétaires.

C'est une question de rationalité pour le bon fonctionnement de la nouvelle commission. "

Au terme de ce débat, la résolution 1144 contenue dans le document 7890, amendée est adoptée, ainsi que la directive 537 contenue dans le document 7924.

6. Avenir de la Charte sociale européenne (Lundi 26 janvier)

Ce texte est le support de lancement d'une campagne en vue de persuader tous les Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la Charte sociale européenne.

Conçue comme un traité jumeau de la Convention européenne des Droits de l'Homme relatif aux droits économiques et sociaux, la Charte de 1961 n'a été ratifiée que par 21 des 40 Etats membres du Conseil. La nouvelle Charte sociale révisée de 1996 - qui met à jour l'instrument original - n'a encore été ratifiée par aucun Etat (9 pays l'ont signée).

A une époque où la planète est transformée par la mondialisation économique, l'évolution des structures du travail et les changements démographiques, on ressent le besoin d'un organe de défense des droits sociaux qui soit le pendant du système de suivi des droits de l'homme. Le rapport invite à la mise en place d'un mécanisme plus ferme d'ici le 50 e anniversaire du Conseil de l'Europe, en 1999. Il faut donner à la Charte sociale le même statut qu'à la Convention européenne des Droits de l'Homme, de telle sorte que le Comité d'experts indépendants présentement chargé de vérifier le respect par les Etats de leurs engagements devienne une véritable Cour européenne des droits sociaux. L'Assemblée demande également un système plus clair, plus transparent et plus rapide pour le contrôle du respect des droits économiques et sociaux par les divers pays.

A l'issue du débat, la recommandation 1354 et la directive 539, figurant dans le rapport 7980, sont adoptées.

7. Ukraine - Intervention de M. Raymond FORNI, député (Soc) (Mardi 27 janvier)

Le 29 janvier 1997, l'Assemblée a examiné l'engagement souscrit par l'Ukraine lors de son adhésion au Conseil de l'Europe de mettre en place un moratoire sur les exécutions, ayant reçu des informations officielles sur la poursuite des exécutions dans le pays. Dans sa Résolution 1112 (1997), l'Assemblée avertissait les autorités ukrainiennes " qu'elle prendrait toutes les mesures nécessaires pour veiller au respect des engagements contractés ", y compris, si cela était nécessaire, la non ratification des pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne à sa prochaine session de janvier 1998.

Le Rapporteur a été chargé de vérifier si les dispositions de la Résolution 1112 (1997) avaient été satisfaites. A Kiev, elle a reçu des informations officielles du Vice-Ministre de l'Intérieur, selon lesquelles 13 exécutions avaient eu lieu entre le 1er janvier et le 11 mars 1997 (ce qui porte le bilan officiel pour 1996 et 1997 à 180 exécutions). Etant donné que toute information relative aux exécutions est considérée secret d'Etat en Ukraine, le Rapporteur ne s'est vu communiquer que des informations fragmentaires : elle n'est donc pas certaine qu'il existe réellement un moratoire sur les exécutions en Ukraine.

La délégation parlementaire ukrainienne a déjà été avertie par l'Assemblée par trois fois depuis plus de deux ans des conséquences qu'aurait toute nouvelle violation de l'engagement de mettre en place un moratoire sur les exécutions le 9 novembre 1995, et notamment la violation de la Résolution 1112 (1997).

Le présent rapport propose donc, en l'absence de toute notification officielle par le Président de la République et le Président du Parlement d'Ukraine, informant le Conseil de l'Europe de la mise en place d'un moratoire de jure sur les exécutions, que l'Assemblée décide de ne pas valider les pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne.

Les pouvoirs de la délégation ne pourront être validés ultérieurement que lorsque les autorités ukrainiennes auront fourni la preuve documentée et irréfragable qu'un moratoire sur les exécutions a été mis en place en Ukraine.

M. Raymond FORNI, député (Soc) intervient dans le débat en ces termes :

" Je n'ai rien de commun avec l'orateur précédent, je suis gêné d'intervenir après lui, car les raisons de ma position sont fondamentalement différentes de celles de M. Jirinovski.

Permettez-moi d'abord de rendre hommage au rapport courageux, lucide et impartial de Mme Wohlwend. En dépit des entraves, des mensonges, des tergiversations ukrainiennes, notre collègue est allée jusqu'au bout de sa recherche. Ses doutes, ses craintes, ses indignations, nous les faisons nôtres. Je suis un peu triste que certains d'entre nous, maniant la langue de bois ou le langage diplomatique de salon, se contentent aujourd'hui d'un constat, certes douloureux à leurs yeux, sans aller jusqu'à ce qui paraît évident. Pourtant, une sanction doit être prise et la non-ratification des pouvoirs est la seule qui vaille en l'état de notre règlement. Cette non-ratification qui n'exclut pas l'Ukraine mais la sanctionne pour un manquement grave doit être décidée aujourd'hui par le Conseil de l'Europe.

Dans la construction des nations, dans la construction de l'Europe, il a toujours été admis que les traités internationaux ont valeur supérieure aux normes nationales. Violer ces traités, que nul ne vous obligeait à signer, que nul ne vous contraignait à ratifier, c'est prendre évidemment le risque de se mettre au ban des nations. L'Ukraine a pris ce risque ; elle doit assumer son choix. Savoir si l'on est pour ou contre la peine de mort n'est pas la question. Ce qui est en cause c'est la promesse donnée et la parole trahie.

Du rapport que nous avons examiné, nous devons déduire à l'évidence que l'Ukraine fait fi de ses engagements internationaux. Il faut donc lui rappeler que l'adhésion au Conseil de l'Europe n'a pas seulement pour but de faire bénéficier de droits: elle impose aussi le respect d'un certain nombre de devoirs. D'autant que, et Mme Wohlwend le rappelle, des avertissements nombreux ont été délivrés à trois reprises au moins et des mises en garde solennelles ont été signifiées! Elles n'auront servi à rien, sauf à démontrer que, de son propre chef, de sa propre volonté, l'Ukraine se place délibérément en dehors des institutions internationales.

A partir de ce constat, quelle attitude pouvons-nous, devons-nous adopter ? Trois attitudes sont possibles: ne rien faire, différer notre décision ou prendre précisément la décision qui s'impose.

Ne rien faire, si ce n'est renvoyer à une autre instance, en cherchant d'autres solutions, telle l'élection des juges qui est en cours ? Comme si c'était encore possible! Ce serait, à mes yeux, faire preuve non seulement de légèreté, mais aussi de lâcheté en refusant tout simplement de décider, en prenant le risque d'enfoncer un peu plus notre assemblée parlementaire dans les sables mouvants de l'indifférence. Ce serait, selon moi, porter un coup de plus, un coup qui risquerait, si l'on n'y prenait garde, d'être mortel, à terme, pour une institution dont le rôle, la place, la fonction, l'essence même sont la défense des droits de l'homme. Nous participerions à un plan diabolique - certains l'évoquent - qui viserait, ni plus, ni moins, à rayer le Conseil de l'Europe de la liste des institutions européennes qui pèsent et qui comptent. Je ne saurais, nous ne saurions, bien entendu, mêler notre voix à celles-là !

Différer notre décision, en laissant une dernière chance ? Cette chance, depuis deux ans, nous l'avons offerte à de nombreuses reprises ; Nous avons même proposé l'aide du Conseil de l'Europe pour aller dans le sens imposé à l'Ukraine, choisi par l'Ukraine au moment de son adhésion. Cette chance, elle ne l'a pas saisie. Pis, elle a été méprisée, balayée par des autorités d'Etat dont l'indignité n'a d'égale que l'art de l'esquive. Il n'est plus possible de se laisser bafouer, plus possible d'être passifs.

C'est pourquoi, la troisième solution, selon moi, est celle qui s'impose: suspendre en refusant de ratifier les pouvoirs de la délégation ukrainienne. La sagesse impose ce choix, c'est la dignité dont doit faire preuve notre Assemblée.

Telle est, mes chers collègues, la position qui est la mienne. Au moment où nous allons nous prononcer, je pense que chacun aura à coeur d'harmoniser à la fois le droit et la morale. Je remercie Mme Wohlwend de nous avoir indiqué la route. "

A l'issue du débat, les conclusions figurant dans le rapport 7993 sont adoptées et les pouvoirs de la délégation ukrainienne sont ratifiés.

Après amendements, la résolution 1145 ainsi que la directive 538 figurant dans le rapport 7974 sont adoptées.

8. Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997) - Interventions de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis, et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 27 janvier)

L'Assemblée se félicite des résultats du deuxième Sommet. Selon le rapporteur cet événement a eu lieu au bon moment et a donné un nouveau souffle politique au Conseil de l'Europe.

Les premiers exemples de mise en oeuvre rapide des mesures préconisées par le Sommet sont encourageants. Toutefois, son succès définitif dépendra des suites données aux décisions prises par les Chefs d'Etat et de gouvernement. L'Assemblée devrait rester étroitement associée au suivi.

Les propositions additionnelles faites durant le Sommet devraient être également prises en compte.

Les parlements nationaux devraient contribuer activement à la mise en oeuvre des décisions prises lors du Sommet.

Enfin, des ressources appropriées doivent être mises à la disposition de l'Organisation pour lui permettre de mettre en oeuvre, de façon responsable, les tâches et priorités définies par le Sommet.

M. Bernard SCHREINER, député (RPR) , intervient au nom de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental pour présenter sa contribution :

" Je tiens d'abord à remercier et à féliciter le président Miguel Angel Martínez pour son excellent rapport auquel la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental a souscrit entièrement.

La commission se félicite également des résultats du sommet qui a pu avoir lieu grâce à l'initiative de la Présidente de l'Assemblée, Mme Leni Fischer, et qui a pu être concrétisé par la volonté du Président de la République française, M. Jacques Chirac.

Comme le souligne très justement le rapport de M. Martínez, la présence au plus haut niveau des chefs d'Etats et de gouvernements des quarante pays membres a souligné de manière incontestable l'importance historique de cet événement.

La commission du budget et du programme de travail intergouvernemental entend saluer l'initiative du Comité des Ministres de créer un Comité des sages en vue d'élaborer, entre autres, des propositions sur le plan structurel de l'Organisation. Notre Assemblée parlementaire participera également aux travaux de ce Comité, puisque nous y serons représentés par notre Présidente, Mme Fischer, et que notre Greffier, M. Haller, prendra également part à ses travaux.

La commission souhaite cependant appeler l'attention de l'Assemblée et, par la même occasion, du Comité des sages sur un aspect qui lui semble particulièrement important.

Comme l'avait fait très justement remarquer, en septembre dernier, notre collègue, M. Schieder, lors du débat sur le rapport de M. Martínez relatif aux compétences budgétaires et administratives de l'Assemblée, si le Conseil de l'Europe devait être candidat à l'adhésion, sa candidature ne serait pas recevable et il n'obtiendrait que le statut d'invité spécial, puisque l'on jugerait sa démocratie parlementaire insuffisamment développée pour lui donner le statut d'Etat membre.

Dans ce contexte, la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental souhaiterait que le Comité des sages suive l'idée de mon prédécesseur, Sir Keith Speed, c'est-à-dire qu'il faudrait distinguer clairement dans nos textes fondamentaux les trois fonctions de notre Organisation:

- premièrement, la fonction intergouvernementale, comprenant le Comité des Ministres et les activités intergouvernementales ;

- deuxièmement, la fonction judiciaire, avec la Cour unique qui fonctionnera officiellement à partir de novembre 1998 ;

- troisièmement, la fonction parlementaire avec l'Assemblée parlementaire devenue, au cours des dernières années, un organe politique clé de l'institution et qui, comme je l'ai dit, doit recevoir tous les attributs qui lui reviennent dans tout système démocratique digne de ce nom, notamment en matière budgétaire.

Je souligne que cette demande avait déjà été faite dans la Recommandation 1250 en 1994 où il avait été proposé, entre autres, d'établir une structure permettant de respecter les compétences et l'autonomie des organes concernés. Cette proposition me paraît logique. En effet, une telle structure, similaire à celle de l'Union européenne, donnera plus de force et de crédibilité à l'Organisation. Enfin, elle permettra à l'Assemblée d'exercer pleinement les pouvoirs qui lui reviennent. Ce sera également l'occasion de modifier sur le plan statutaire le libellé de son nom, puisque, dans les textes officiels, elle figure toujours sous le titre d'Assemblée consultative. Cette dénomination pourrait être dorénavant " Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ".

Telle sera la contribution de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental. "

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) intervient à son tour en ces termes :

" Le Conseil de l'Europe a 50 ans et quarante -Etats membres et nous posons encore ou de nouveau ces deux questions: d'abord quel est son rôle et sa place dans la construction européenne, car ce deuxième Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement a mis en place un Comité de suivi et un Comité des sages pour réfléchir et proposer ? Ensuite, quel rôle peut-il jouer, car le deuxième Sommet a défini un plan d'action ?

Le Conseil de l'Europe est une institution paneuropéenne au profil flou, mal défini, par sa nature et son évolution, par la naissance d'autres institutions qui se positionnent en concurrence ou en complémentarité, mais dont on n'a pas bien défini le domaine de compétences.

Il faut, à l'évidence, réformer et recentrer le Conseil de l'Europe qui est une organisation interétatique, composée d'élus, parlementaires dans leurs Etats, représentants directs de la souveraineté nationale, et ici nous n'assumons qu'un exercice paralégislatif de la démocratie,

L'Assemblée émet des avis, des recommandations, des résolutions, des directives, mais rien ne s'impose aux Etats membres. Elle n'est consultée par le Comité des Ministres qu'éventuellement et souvent informée des décisions prises a posteriori.

Positions politiques curieusement réussies et consenties ici à des parlementaires à part entière devant qui dans la plupart des Etats membres les ministres sont responsables.

La situation du Parlement européen était identique à l'origine. Il faut redéfinir le rôle politique de cette assemblée multinationale et sa relation avec Comité des Ministres, un Comité des Ministres fantôme ! Qui l'a rencontré dans son ensemble ?

Il est pratiquement visible une heure par session en la personne du ministre des Affaires étrangères, ou de son ministre délégué ou simplement du secrétaire en fonction. Il est enveloppé, dans son secret, qu'il faudra bien lever, si l'on veut que les choses changent !

Tout semble mis en oeuvre pour que cette Assemblée soit privée partiellement de la fonction politique essentielle et inhérente aux principes fondateurs. Quel paradoxe en ce lieu qui prétend défendre partout, voire enseigner ailleurs, les principes fondamentaux de la démocratie. Il faut réformer... ajoutons à tout cela le fait que cette Assemblée n'a pas de moyens financiers et ne vote même pas son propre budget de fonctionnement. Voilà une Assemblée structurellement privée de tous les moyens d'exister, et pourtant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe existe et fait un travail immense. Nous sommes là pour témoigner, parlementaires de tous les pays ! Dotés de pouvoirs et d'autorité, détenteurs d'une parcelle de souveraineté nationale, nous sommes investis d'une autorité nationale morale forte et d'une dimension universelle. Défendre les droits de l'homme et la démocratie au Kosovo, en Turquie, mais aussi en Algérie ! Nous sommes détenteurs d'informations et de connaissances sur l'ensemble des quarante-cinq Etats d'Europe, immenses, irremplaçables, accumulés par tous, dans tous les pays. Qu'en faisons-nous ?

Découvrir et accompagner une assistance technique, des accords partiels importants: par exemple la " Pharmacopée européennes, des conventions (Convention européenne des Droits de l'Homme, Convention sur la biomédecine, Protocole additionnel à cette convention portant interdiction du clonage d'êtres humains). Qu'avons-nous le droit de revendiquer ? Plus de fonctions politiques, plus de moyens. une reconnaissance de notre compétence et d'une expertise évidente et éminente. Alors, qu'elle soit reconnue à l'occasion de l'élargissement de l'Union européenne. La conférence européenne qui a été mise en place doit établir avec le Conseil de l'Europe une relation privilégiée et immédiate.

Les débats vont s'engager entre les Quinze, ici représentés, et les onze postulants qui sont également ici. Saisissons-nous de ce problème immédiat. Il décidera définitivement de la place du Conseil de l'Europe dans l'espace européen. "

Au terme du débat, la recommandation 1352, amendée, figurant dans le rapport 7968 est adoptée.

9. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Interventions de M. Jean VALLEIX, député (RPR), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 27 janvier)

S'adressant à M. Werner HOYER, ministre délégué aux Affaires étrangères de l'Allemagne, représentant du Président en exercice du Comité des Ministres qui présente devant l'Assemblée l'objectif principal de la présidence allemande, à savoir la mise en oeuvre rapide des résultats du deuxième sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe, M. Jean VALLEIX, député (RPR), pose la question suivante :

" Considérant que la conférence européenne organisée par l'Union européenne, afin d'établir un dialogue permanent avec les pays candidats à l'adhésion, va prochainement se tenir,

demande au Président du Comité des Ministres si le Comité des Ministres a engagé des démarches afin que le Conseil de l'Europe soit associé aux travaux de cette Conférence compte tenu de l'expérience qui est la sienne dans le domaine de la démocratie et de l'état de droit dans les pays d'Europe centrale et orientale. "

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), demande à son tour au Président du Comité des Ministres :

" Comment il envisage d'organiser la participation du Conseil de l'Europe, compte tenu de ses domaines d'expertise, à la Conférence européenne prévue dans le cadre de " l'Agenda 2000 " pour préparer l'adhésion des pays d'Europe centrale à l'Union européenne. "

M. Werner HOYER répond en ces termes aux orateurs :

" Le Conseil européen a fixé le nombre des participants à la première phase de la conférence européenne. Il comprend les quinze membres de l'Union européenne, les dix candidats à l'adhésion d'Europe centrale et orientale, ainsi que Chypre et la Turquie. Il sera précisé en temps utile si le cercle des participants pourra être ou non élargi.

Pour ce qui est des relations avec la Turquie, je crois qu'il ne m'appartient pas de suggérer aux parlementaires ce qu'ils doivent faire. Mais je suis un fervent partisan du dialogue soit au niveau ministériel, soit au niveau parlementaire. Le Conseil de l'Europe constitue un excellent forum pour le dialogue et les Etats membres, dont la Turquie, en font un bon usage. La multiplication des contacts, officiels ou non, ne peut que rapprocher les Etats, surtout dans les moments difficiles.

En septembre dernier, mon prédécesseur français, M. le ministre Moscovici, a présidé la dixième réunion "quadripartite" réunissant les présidences ministérielles respectives, notre Secrétaire Général et le Président de la Commission européenne. A cette occasion, les participants ont examiné la question d'un renforcement de la coordination entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne dans des situations de crise, notamment en Albanie, en Bosnie et Herzégovine, et au Bélarus, les moyens de renforcer la coopération en matière d'assistance aux pays d'Europe centrale et orientale, en étudiant les projets en cours de réalisation conjointe et les perspectives de nouveaux programmes communs.

Il existe donc une étroite coopération en matière d'évaluation des situations dans tous les pays concernés.

La présidence allemande, qui approuve totalement cette évolution, examine actuellement avec la présidence britannique de l'Union la possibilité de tenir la prochaine réunion à haut niveau de ce type dans les deux mois a venir. Cette solution nous paraît particulièrement souhaitable dans la mesure où le Comité des Ministres, lors de sa 101 e session en novembre dernier, a souligné l'importance, pour la mise en oeuvre des résultats du deuxième Sommet, de la coopération avec les organisations européennes et les autres organisations internationales. Cela s'applique bien évidemment à l'Union européenne. "

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) intervient de nouveau dans le débat :

" Ma question est identique à celle de l'orateur précédent. Je vais malgré tout la poser, monsieur le ministre, pour vous montrer à quel point notre souci est grand. Effectivement, notre Assemblée détient dans le domaine de l'expertise une compétence évidente et reconnue. On comprend mal, même si l'initiative est française, qu'une conférence soit mise en place: il me semble que pour gérer les problèmes de l'élargissement, les deux partenaires essentiels sont l'Union européenne qui va recevoir les nouveaux membres et le Conseil de l'Europe qui va voir un certain nombre de ses membres ainsi transférés.

Je voudrais instamment que vous nous répondiez sur le partenariat privilégié qui peut s'instaurer afin que la compétence du Conseil de l'Europe, qui est évidente, soit réellement reconnue. Notre devenir dépend de votre réponse. "

M. Werner HOYER formule la réponse suivante :

" Je ne puis vous donner une réponse définitive dès à présent, car - il faut savoir être réaliste, et nous le sommes - le concept de cette conférence européenne est encore très flou. L'idée en a été émise au Sommet de Luxembourg au cours d'une importante phase préparatoire à l'élargissement.

Beaucoup de ceux qui y ont travaillé l'ont fait dans un but très précis. Reste à savoir - et il s'agit là d'un facteur déterminant - si nos amis turcs parviendront à trouver dans les pourparlers de Luxembourg des éléments d'orientation positifs et constructifs. Nous l'espérons. Il ne fait toutefois aucun doute que la position de la Turquie aura une influence décisive sur les chances de succès de cette conférence européenne.

Il ne s'agira pas, bien entendu, de dupliquer les travaux menés dans cette éminente Assemblée. C'est pourquoi il faut élaborer une procédure qui permettra de faire profiter la conférence européenne des impulsions émanant, par exemple, du Conseil de l'Europe. Non pas dès sa première réunion en mars prochain, mais à partir des réunions suivantes, lorsque nous aurons des raisons d'y voir une institution prometteuse, tournée vers l'avenir - ce dont on ne saurait préjuger en l'état actuel des choses.

Pour l'instant, je préférerais ne pas trop m'avancer. Les membres de l'Assemblée parlementaire peuvent s'ils le souhaitent, faire part de leurs idées, mais je leur demanderais pour l'instant de ne pas programmer l'organisation d'une mégaconférence, à laquelle pourraient demander à participer d'autres grandes organisations internationales, dont certaines présentent, en ce qui concerne leurs Etats membres, des similitudes avec la future Union européenne. "

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) intervient alors et demande au Président du Comité des Ministres :

" Quelles sont les initiatives qu'il considère devoir être prises par le Conseil de l'Europe pour amener l'Algérie à rompre avec la spirale de la violence et trouver le chemin d'une réconciliation durable qui ne peut passer que par un dialogue entre les différents groupes qui acceptent les règles démocratiques, le respect des droits de l'homme et des principes de l'Etat de droit. "

M. Werner HOYER répond en ces termes :

" Le Président en exercice du Comité des Ministres, M. Kinkel, a été sensible au soutien exprimé au sein de la commission des questions politiques à Bonn, il y a deux semaines, puis par le Bureau, à l'initiative prise par l'Union européenne, à laquelle il a déjà été fait référence. Le Comité des Ministres n'a pas encore examiné la situation en Algérie, mais il est prêt à accorder toute son attention aux propositions qui émergeront du débat d'urgence organisé par l'Assemblée, jeudi, sur la situation en Algérie. Vous aurez deviné de mes remarques précédentes que le Gouvernement allemand et moi-même en particulier sommes très concernés par cette question. Pardonnez-moi, pour cette légère infraction au Règlement de l'Assemblée, dans cette session de questions-réponses. "

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), pose une question supplémentaire :

" J'approuve totalement l'esprit de la réponse que vous avez fournie à la question précédente. A présent, la grande difficulté consiste à traduire nos intentions dans les faits. Puisse, dans le cadre des initiatives à intervenir, le Conseil de l'Europe ne pas rester à l'écart. C'est en ce sens qu'il n'est probablement pas inutile que, jeudi, notre assemblée puisse débattre de ce problème. "

M. Werner HOYER conclut de la façon suivante :

" Merci beaucoup. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai accueilli avec d'autant plus de satisfaction votre décision de tenir ce débat durant la présente session, que le débat public mené en Europe semble orienté dans la mauvaise direction. Nous avons affaire à un développement du terrorisme dans un pays dont les problèmes ont, comme je l'ai déjà indiqué, des causes très profondes. Nous avons affaire au développement d'un terrorisme qui a, entre autres, pour objectif de déstabiliser les structures démocratiques qui se mettent lentement en place. C'est peut-être pourquoi nous avons quelquefois du mal à établir une distinction entre les terroristes et les victimes, entre ceux qui tuent et ceux qui sont tués. Cela fait aussi partie du débat qui doit se tenir ici. Je vous remercie d'en avoir pris l'initiative. "

10. Accès des minorités à l'enseignement supérieur (Mardi 27 janvier)

Le rapport appelle les gouvernements à réexaminer leurs politiques de l'éducation en vue de faciliter l'accès des minorités nationales à l'enseignement supérieur.

Malgré l'absence de données sur ce sujet, il est clair que ces groupes sont souvent sous-représentés dans l'enseignement supérieur. Au nombre des facteurs contribuant à cette situation figurent notamment des problèmes socio-économiques, le coût des études, l'absence d'un enseignement primaire et secondaire adapté, et parfois l'opposition politique.

Le rapport esquisse une série de principes qui devraient être pris en compte par l'ensemble des 47 gouvernements de la Convention culturelle européenne signataires (en plus des 40 pays membres du Conseil de l'Europe, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Bélarus, la Bosnie et Herzégovine, la Géorgie, le Saint-Siège et Monaco ont adhéré à la Convention) pour la révision de leurs politiques en matière d'éducation :

- reconnaissance de la liberté fondamentale de s'engager dans des activités d'enseignement supérieur et de créer des institutions à cette fin ;

- possibilités pour chacun d'étudier sa propre langue et sa propre culture au niveau de l'université ;

- enseignement public dispensé aux minorités linguistiques dans leur propre langue afin de les préparer à l'enseignement supérieur ;

- recours maximal aux nouvelles technologies de l'information ;

- inclusion de cours spéciaux sur les langues et cultures minoritaires dans les programmes des institutions de formation des enseignants ;

- octroi de bonifications, dans les examens d'entrée, aux candidats dont la langue maternelle est différente de celle utilisée dans l'examen.

A l'issue du débat, la recommandation 1353, amendée, figurant dans le rapport 7888, est adoptée.

11. Développements récents en République fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la région des Balkans - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 28 janvier)

Les développements récents en République Fédérale de Yougoslavie - en particulier la détérioration de la situation au Kosovo et les tensions entre la Serbie et le Monténégro - risquent d'avoir de graves implications pour la stabilité de la région des Balkans.

Seule l'introduction immédiate de réformes constitutionnelles et législatives démocratiques, garantissant, en particulier, la liberté de la presse, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la protection des droits de l'homme et des minorités, ainsi qu'une attitude démocratique des dirigeants politiques, permettra à la RFY de rejoindre la famille européenne. De telles réformes constituent en outre le seul moyen d'empêcher les extrémistes de dominer la scène politique.

L'Assemblée condamne la répression de la population ethnique albanaise du Kosovo. Elle demande le rétablissement immédiat et total des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle attend des représentants politiques de la communauté albanaise du Kosovo qu'ils refusent et condamnent immédiatement et sans réserve tout recours à la violence pour résoudre le conflit avec les autorités de la RFY.

Elle appelle l'Albanie à user de son influence auprès de la communauté albanaise du Kosovo afin de soutenir une résolution pacifique du conflit et se déclare prête à apporter son aide dans les contacts entre les représentants des autorités de la RFY et de la communauté albanaise du Kosovo.

L'Assemblée estime que, jusqu'à présent, la RFY n'a pas respecté pleinement ses obligations au titre de l'Accord de Paix de Dayton. Elle attend du gouvernement de la RFY qu'il use de son influence auprès des dirigeants serbes de Bosnie afin que ceux-ci coopèrent pleinement au processus de paix, rendent l'Accord sur les relations parallèles spéciales avec la Republika Srpska conforme à l'Accord de paix de Dayton et procèdent à l'arrestation immédiate, en vue de les livrer à la justice, de toutes les personnes situées sur le territoire de la RFY qui sont inculpées de crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Elle soutient les initiatives récemment prises pour créer des contacts régionaux multilatéraux (sommet des Balkans, Initiative pour la coopération du sud-est de l'Europe et Initiative centre-européenne).

L'Union européenne, les Etats-Unis d'Amérique et les autres Etats concernés devraient s'entendre sur une approche commune concernant l'application du " mur extérieur " de sanctions et l'utilisation d'incitations économiques.

L'Assemblée appelle les gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe de la région à respecter les obligations et engagements qu'implique leur appartenance à l'Organisation.

Il faudrait que le Conseil de l'Europe serve davantage de cadre politique de discussion sur la stabilité et la coopération dans la région.

A l'issue du débat, la résolution 1146, contenue dans le rapport 7896, amendée, est adoptée.

M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
s'exprime alors en ces termes pour expliquer son vote :

" Mon explication de vote sera très brève: j'ai voté pour le projet de résolution de M. Bársony. Je le précise parce qu'aucun orateur français n'a pu s'exprimer dans ce débat. Au nom des parlementaires français, j'apporte notre soutien au texte de la commission. Il fallait le dire.

Ce débat est très important car, contrairement à ce qu'a dit M. Vrettos, la situation est explosive dans ce pays. Les renseignements à ce sujet sont extrêmement préoccupants. Il ne faudrait pas qu'une fois encore l'Europe ou le Conseil de l'Europe interviennent trop tard, alors que la tragédie aurait déjà commencé. Dans un souci préventif, il est bon de discuter de ce problème aujourd'hui, le débat est très intéressant par sa diversité. D'une part, il a présenté la défense des droits de l'homme, de la démocratie, de l'avenir pacifique et de stabilité dans cette région. D'autre part, nous avons aussi entendu des orateurs qui se sont voulus porte-parole du maintien de la situation, d'un statu quo reposant, en tout cas pour ce qui concerne le Kosovo, sur la persistance d'un régime policier et militaire inadmissible.

Dès lors, les affaires sont claires! Un certain nombre de parlementaires, dans cette Assemblée, préfèrent l'idéologie partisane et le soutien de certains régimes à la défense des droits de l'homme et à la défense de la liberté des peuples et de la démocratie.

En conclusion, je souhaite que ce débat et le document que nous venons d'approuver ne restent pas sans lendemain. Il est nécessaire que nous assurions un suivi, comme le disait notre collègue tout à l'heure, afin de n'avoir pas le sentiment de pratiquer la politique de l'autruche. Je propose donc que soit créée une sous-commission ad hoc au sein de la commission des questions politiques du Conseil de l'Europe. "

12. Lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la cohésion sociale en Europe - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 28 janvier)

Des millions de personnes à travers l'Europe se trouvent privées de leurs droits fondamentaux au travail, à la santé et à un mode de vie décent par la montée de la pauvreté, le chômage et le manque de qualifications. C'est ce qu'explique le rapport.

L'exclusion sociale atteint des proportions critiques dans tous les pays d'Europe et pourrait menacer la cohésion sociale si des mesures appropriées ne sont pas prises. Selon les estimations de l'Union européenne, les quinze Etats membres comptaient en 1996 31 millions de personnes bénéficiant d'allocations d'aide sociale, 18 millions de prestataires d'une allocation de chômage, 35 % de foyers vivant sous le seuil de pauvreté et environ 3 millions de sans-abri. La situation est tout aussi alarmante dans les pays d'Europe centrale et orientale: en Hongrie, près de 10 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et ce serait le cas de quelque 70 millions de personnes en Russie.

Le rapport appuie le projet du Conseil de l'Europe sur la dignité humaine et l'exclusion sociale, lancé en 1995 et que viendra compléter une conférence de suivi prévue en mai 1998 dans la capitale finlandaise, Helsinki.

Il invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:

- à accorder un statut égal aux droits sociaux et aux droits de l'homme ;

- à revoir les politiques sociales afin qu'elles ciblent les catégories les plus défavorisées d'une manière efficace et équilibrée ;

- à prendre des mesures pour réduire la pauvreté parmi les populations à haut risque ;

- à faciliter la réinsertion des groupes marginalisés par la mise en place de campagnes contre l'illettrisme et de programmes de recyclage ;

- à faire évoluer les politiques de l'urbanisme et de l'habitat de façon à éviter la création de ghettos et à favoriser la réalisation de programmes de logements de qualité et à coût réduit ;

- à mettre sur pied des actions de formation et d'éducation ;

- à assurer des soins médicaux gratuits aux personnes démunies et à lancer des programmes de lutte contre les maladies ;

- à fournir à ces personnes une assistance juridique gratuite et à créer des services de consultation juridique pour les exclus.

Le rapport invite également le Comité des Ministres à créer un Observatoire de la cohésion sociale en Europe, à collecter informations et statistiques et à fournir aux pays des avis d'experts et une assistance technique.

M. Claude BIRRAUX, député (Soc) s'exprime alors de la façon suivante :

" Je veux d'abord féliciter notre rapporteur pour son excellent rapport complet et équilibré.

Depuis quelques années, la notion de cohésion sociale est entrée dans le débat politique sans être jamais définie. Discours, débats, revues, se font l'écho d'une "cohésion sociale menacée", dont les conséquences les plus graves se nomment fracture sociale, rupture, exclusion. A cette situation complexe, le politique essaie d'apporter les solutions adéquates.

L'exclusion recouvre des réalités très différentes, rendant plus complexes les solutions à proposer. Les causes sont différentes mais, bien souvent, un enchaînement précipite les gens dans une spirale descendante. On trouve aujourd'hui les exclus de l'emploi, du logement, des soins de santé indispensables, les exclus de la société technologique, les exclus du savoir, de la culture...

Il est vrai que le dénominateur commun à ces "exclusions" s'appelle souvent le chômage et plus encore le chômage de longue durée, mettant en exergue l'effacement des solidarités traditionnelles, en particulier familiales. Autrefois, la famille élargie aux grands parents, aux oncles et tantes, était un lieu de solidarité et permettait souvent le règlement des conflits.

Aujourd'hui, l'instabilité économique, comme cause principale d'exclusion, tend à faire de chacun un exclu potentiel, accroissant le sentiment d'insécurité de nos concitoyens et rendant ainsi encore plus urgente la mise en place de dispositifs. L'urgence est plus grande encore si l'on pense que l'amélioration de la situation économique ne suffira pas à faire décroître le nombre des exclus, rendant par là même ce phénomène de moins en moins transitoire.

En Europe, la mondialisation de l'économie vécue par les démocraties à l'Ouest et l'effondrement des régimes communistes à l'Est ont rendu insuffisants ou inexistants les systèmes de protection sociale. Face à cette situation, il est urgent de mettre en place dans chaque Etat des dispositifs visant à renforcer la cohésion sociale.

J'approuve pleinement le projet de recommandation du rapporteur qui invite les Etats à promouvoir des politiques de prévention de la pauvreté et d'insertion.

Prévenir : il s'agit de rompre le cercle vicieux qui fait que ce qui doit être considéré comme un accident de l'existence, la perte d'un emploi, la maladie, l'échec scolaire, ne devienne en réalité un pas certain, irréversible vers la marginalisation. Je pense en particulier à des mesures permettant de prévenir les expulsions de logements. Prévenir, c'est aussi penser un urbanisme à taille humaine, avec un environnement de qualité, social ou culturel, afin que l'on ne revoie plus ces concentrations de populations qui conduisent au ghetto.

Réinsérer : il s'agit de rompre avec une politique exclusive de minima sociaux et d'assistance donnant certes bonne conscience mais qui omet l'objectif primordial, celui de l'insertion, qui rende au citoyen conscience de son utilité économique et de son rôle social. Il convient pour cela de rendre effectifs les droits fondamentaux et non pas de créer un " droit pour les pauvres ". Réinsérer celui qui est resté sur le bord du chemin passe en effet par le retour à une vie normale.

C'est pourquoi, exercer son droit de vote, ester en justice, accéder aux soins sont autant de droits que tout citoyen, indépendamment de ses revenus, doit pouvoir exercer. Il est inadmissible que la tuberculose, maladie d'un autre temps, réapparaisse aujourd'hui. La cohésion de nos sociétés passe par la participation de tous les citoyens, pauvres, riches, chômeurs et salariés aux décisions.

Réinsérer passe aussi et surtout par le retour à une activité professionnelle. Je pense en particulier aux jeunes qui commencent leur vie d'adultes bien souvent dans la rue.

Le droit à la formation est fondamental. Il me semble primordial de mettre en oeuvre des parcours de formation et de suivi pour les jeunes peu ou pas qualifiés. La formation initiale est importante, mais l'évolution des technologies est tellement rapide qu'une formation continue doit pouvoir permettre une adaptation à l'évolution des métiers tout au long de la vie active. Par ailleurs, avec l'irruption des nouvelles technologies, prenons garde à ce que d'autres exclusions ne viennent s'ajouter.

C'est pourquoi il est tellement important que l'initiation et la formation à la maîtrise de ces technologies soient dispensées dans toutes les écoles, comme l'a rappelé notre Assemblée dans les rapports concernant les nouvelles technologies de communication et d'information.

C'est en définitive en garantissant l'égalité réelle des chances à tous les citoyens, en particulier aux jeunes, que nous préviendrons l'exclusion et que nous conforterons le socle de notre démocratie. "

M. Paul DHAILLE, député (Soc) intervient en ces termes :

" Dans le préambule de la Constitution de 1946, les parlementaires français écrivaient que: " chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions et de ses croyances ", et plus loin, ils allaient encore plus avant en proclamant: " Tout être humain, qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".

Cette belle formule pourrait résumer à elle seule notre rapport d'aujourd'hui. Mais la première sur le droit au travail est plus belle encore, rédigée qu'elle est au lendemain de la guerre où la nation avait eu besoin de tous ses citoyens quelle que soit leur origine, leur condition sociale ou leur place dans la société. La solidarité nationale transcendait alors les classes sociales et l'heure était à l'égalité et à la fraternité universelles.

Le rapport présenté qui constate la situation dramatique dans laquelle se trouvent beaucoup de nos concitoyens marque bien le recul considérable qui a marqué, en cinquante ans nos sociétés. Nous sommes passés de l'idée formidablement généreuse du droit au travail à un politique défensive, même si elle est nécessaire, de lutte contre l'exclusion.

L'exclusion sociale est devenue une donnée acceptée, subie, je dirais même voulue par certains, du fonctionnement économique de nos sociétés. Ainsi, beaucoup de pays développés ou ayant adopté le modèle libéral de développement fonctionnent avec un "volant" d'exclus qui apparaissent consubstantiels à leurs pratiques économiques. On laisse alors à l'Etat le rôle de réguler la solidarité sociale quand ce n'est pas à la charité individuelle ou associative. L'appareil économique considère alors qu'il n'a aucune responsabilité dans l'équilibre social et démocratique du pays. Peut-on licencier pendant la journée et rentrer le soir chez soi en espérant que l'on vivra dans un cadre parfaitement sûr et tranquille. Oui, répondent certains pays où l'on rentre à son domicile complètement sécurisé et isolé de l'extérieur comme le château fort au Moyen Age. Nous devons répondre au contraire que ce n'est pas le modèle de développement que nous voulons à moins de revenir aux distributions frumentaires de la Rome antique.

Aujourd'hui, faute de mieux, il nous faut revenir à ce qui constitue le minimum garanti à un citoyen par la collectivité pour qu'il ne soit pas exclu de la communauté économique sociale et démocratique.

En premier lieu, il s'agit du droit au logement. En 1990, par loi, dite loi Besson, la France proclamait "garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant pour s'y maintenir". Ce droit au logement s'étend bien sûr aux différents moyens de mener une vie décente, l'eau, le chauffage, l'éclairage... Mais il est bien évident qu'une telle politique ne doit pas déboucher sur un politique de ghetto rassemblant dans des ensembles dépendant de la seule politique sociale de l'Etat, nos concitoyens qui sont exclus du monde du travail. La mixité sociale de l'urbanisme doit être un des moyens privilégiés de lutte contre l'exclusion et pour la cohésion sociale. Faire cohabiter dans les même immeubles et les mêmes quartiers ceux qui connaissent des difficultés et ceux qui normalement insérés dans la société apparaît comme la réponse la plus efficace au problème de l'exclusion. Les combattre demeure du pouvoir législatif et réglementaire des Etats et de leur collectivités locales.

Pour le reste, nos concitoyens marginalisés ont tendance à s'exclure eux-mêmes de la vie culturelle ou démocratique L'exclusion économique les conduit à se considérer "hors de la société" et de ses mécanismes associatifs et politiques.

Ces comportements peuvent être passifs comme la non-participation aux élections ou le refus d'engagement dans les associations ou actifs allant même jusqu'à la violence ou le choix de l'extrémisme politique. Il est évident que dans ces domaines les réponses institutionnelles sont impuissantes. La participation à la vie culturelle ou démocratique ne se décrète pas. A moins de mesures contraignantes comme le vote obligatoire, il me semble que nous devrions poursuivre notre réflexion. En effet, l'évolution économique dominante me paraît devoir créer de plus en plus d'exclus, et, à moins d'un infléchissement extraordinaire de la pensée économique dominante qui reconnaîtrait sa responsabilité sociale, je pense que nous n'avons pas fini de parler de ce problème. "

Au terme du débat, la recommandation 1355, figurant dans le rapport 7881, amendée, est adoptée.

13. Criminalité des affaires : une menace pour l'Europe - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR) et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mercredi 28 janvier)

Le crime économique, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent, la corruption et la fraude fiscale - phénomènes nullement nouveaux - ont pris aujourd'hui une ampleur qui menace la stabilité économique et sociale, et même la démocratie et l'Etat de droit, au niveau régional, national et international. Le crime économique organisé a une portée mondiale ; cherchant à acquérir le contrôle du territoire sur lequel il opère, il " investit " dans la violence et la corruption et ne représente pas un moindre danger pour la société que la délinquance classique. De récentes études du FMI évaluent les gains annuels provenant des activités criminelles, sur l'ensemble du globe, à 500 milliards de dollars (près de 2 % du PNB mondial), le montant de l'argent blanchi étant plus important encore.

Le rapport analyse la nature et les formes du crime économique, de la corruption et du blanchiment d'argent et examine l'action du Conseil de l'Europe et les autres mesures internationales prises à l'encontre de ces phénomènes. Etant donné la dimension planétaire de la criminalité économique, toute stratégie de lutte, pour être efficace, doit être élaborée et mise en oeuvre par la voie d'une coopération internationale, fondée sur une diversité d'instruments (d'investigation et législatifs) de prévention et de répression adoptés au niveau international et appliqués au niveau national.

L'auteur suggère des mesures pour renforcer la coopération, notamment grâce au Groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC), au Comité d'experts sur les aspects de droit pénal et les aspects criminologiques du crime organisé (PC-CO) du Conseil de l'Europe, ainsi qu'au Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) et autres organes européens et internationaux. Les législations nationales doivent être renforcées, et les textes internationaux existants, notamment ceux élaborés au sein du Conseil de l'Europe, devraient être signés et ratifiés. Le rapport accorde une attention particulière au projet " Octopus " Conseil de l'Europe/Commission européenne contre le crime organisé et la corruption dans les pays en transition, actuellement mis en oeuvre dans 16 Etats d'Europe centrale et orientale. Il recommande que l'Assemblée réexamine régulièrement la situation à travers ses commissions des questions économiques et du développement, ainsi que des questions juridiques et des droits de l'homme.

M. Bernard SCHREINER, député (RPR) intervient dans le débat en ces termes :

" J'approuve tout à fait les observations de notre rapporteur et je considère que nous sommes pleinement dans notre rôle en tenant un débat sur ce qui est peut-être le principal péril pour nos démocraties, même s'il demeure largement ignoré, péril peut-être plus grave encore que le terrorisme, avec lequel la criminalité financière entretient d'ailleurs des liens très étroits.

Je centrerai mon propos sur ce qu'on appelle couramment " l'argent de la drogue ". Sans doute avons-nous pris l'habitude de considérer que certains Etats lointains sont gangrenés par les sommes considérables que produit le trafic de stupéfiants. Mais je voudrais que nous nous interrogions sur le circuit des profits engendrés par le trafic de drogue au sein des Etats européens.

J'approuve évidemment toutes les propositions contenues dans le projet de résolution, regrettant cependant qu'il n'ait pas pris la forme d'un projet de recommandation adressé à nos gouvernements. En effet, seuls ces derniers sont en mesure d'agir pour adapter les législations nationales aux excellentes propositions de notre rapporteur.

Je m'interroge seulement à propos d'une démarche qui vise la répression du blanchiment d'argent provenant de trafics illicites, alors même que certains Etats européens continuent de pratiquer une politique de tolérance, voire de légalisation, de l'usage et même du commerce de stupéfiants.

Ces Etats et des lobbies nous accusent souvent d'entretenir des préjugés et de refuser une approche moderne et libérale de la toxicomanie. J'ai pourtant conservé le document capital que nous avait adressé et distribué ici même le Gouvernement suédois faisant état du revirement de sa législation après une expérience de libéralisation dont les résultats avaient été jugés catastrophiques. En effet, libéraliser l'usage et le commerce des stupéfiants tout en réprimant le blanchiment de l'argent, c'est s'arrêter en chemin ou plutôt mener une politique incohérente.

Plusieurs raisons me poussent à demander cette politique cohérente: la tolérance a toujours eu pour résultat, et c'est d'ailleurs logique, l'augmentation de la consommation et donc du trafic. On sait que certains mouvements terroristes se financent essentiellement par le trafic de drogue. Beaucoup de filières d'immigration clandestine ont recours également au trafic de drogue pour se financer.

On ne doit pas tirer argument de la difficulté de la répression pour légaliser ces trafics mais au contraire, viser à mieux les détecter pour les anéantir. Personne ne propose de légaliser le vol parce que certains voleurs échappent aux gendarmes !

Je souhaiterais donc que notre Assemblée prenne l'initiative d'une invitation adressée à l'ensemble de nos Etats membres d'avoir à conduire une politique cohérente comportant deux volets indissociables : d'une part, bien sûr, comme le suggère la résolution, organiser la répression du recyclage d'argent sale ; d'autre part, organiser aussi la répression de la formation de ces profits illicites en recherchant les filières d'où ils proviennent.

Je demande donc, dans un objectif à la fois d'efficacité et de cohérence politique, que notre Assemblée suive les enseignements de l'expérience suédoise et dise clairement que la commercialisation et l'usage de stupéfiants doivent être réprimés.

Cette coordination se justifie au niveau de toute l'Europe afin que l'existence de zones "moins disantes" en termes de répression ne fragilise l'application de toutes les législations nationales, encourageant un narcotourisme aujourd'hui florissant.

Je souhaite cette coordination aussi pour des raisons morales : quelle crédibilité pourrions-nous avoir vis-à-vis de la jeunesse si nous proposions la répression de la circulation d'argent sale sans nous attaquer à la source des profits illicites.

Contrairement à certaines modes, je crois que la jeunesse n'a pas besoin de joueurs de flûte mais au contraire, d'adultes qui la conduisent sur le chemin d'un épanouissement qui ne va pas sans effort sur soi-même. "

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) prend à son tour la parole :

" Je félicite Mme Degn pour la qualité de son rapport, détaillé et complet.

Je commencerai par rappeler que derrière le large éventail des activités criminelles, la criminalité des affaires renvoie à deux fléaux majeurs de notre époque, la drogue et le tourisme sexuel. Ces deux fléaux ont pour principales victimes les jeunes. Je me demande même si légaliser la drogue ou sa consommation ne revient pas à légaliser les trafiquants et les producteurs.

Le blanchiment de l'argent sale, sous ses différentes formes -placement, c'est-à-dire conversion sous d'autre forme des espèces issues des activités frauduleuses, empilage, c'est-à-dire dissimulation de l'origine des ressources par des opérations complexes et opaques, ou intégration, c'est-à-dire fusion des fonds d'origine illicite avec des fonds d'origine licite, blanchiment accompagné ou non de phénomènes de corruption- peut déstabiliser notre démocratie, régime politique que nous défendons tous, certaines organisations criminelles finissant par devenir un Etat dans l'Etat ou infiltrant les Etats.

Il est, par conséquent, de notre devoir de tout mettre en oeuvre dans la lutte contre la criminalité des affaires. Le Conseil de l'Europe a déjà joué un rôle pionnier dans ce domaine pour sensibiliser les Etats. Je pense, en particulier, à la convention du 8 novembre 1990, relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime.

Il appartient dès lors à chaque Etat signataire de transposer cette convention par l'adoption d'une législation nationale. Par la loi du 13 mai 1996, la France l'a fait en instituant le délit général de blanchiment du produit des crimes et délits. Délit général, ce qui signifie que le législateur français a opté pour une définition extensive en ne limitant pas le champ d'application de ce délit aux produits de certaines infractions comme la convention lui en laissait le choix. Voilà qui me semble aller dans le bon sens. C'est en effet en s'attaquant aux profits de leurs activités que l'on peut, je pense, combattre efficacement les trafiquants.

En outre, le législateur français a établi, avec la loi du 13 mai 1996, deux autres délits. Il s'agit, d'une part, du délit de non-justification de ses ressources au regard de son niveau de vie par une personne ayant des relations avec un trafiquant de drogue ; d'autre part, du délit de provocation d'un mineur au trafic de drogue. Cette dernière disposition vise à rendre également responsable le trafiquant qui s'abrite derrière le mineur.

Mme le rapporteur a souligné dans son rapport la nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres. Je tiens à mentionner, sur ce point, la convention sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales. Cet accord a été élaboré le 20 novembre dernier par vingt-neuf pays membres de l'OCDE et cinq pays non membres. Cette convention oblige les Etats signataires à lutter contre la corruption active, quelle que soit la nationalité des fonctionnaires corrompus. Elle prescrit aux Etats signataires de ne pas se laisser influencer par des considérations d'ordre diplomatique ou économique nationale dans la mise en oeuvre des poursuites. Elle définit les modalités d'une entraide judiciaire plus importante et facilite les procédures d'extradition.

Je conclurai, en mettant l'accent sur un dernier point. La coopération internationale est devenue plus nécessaire que jamais. L'électronique et les nouvelles technologies d'information et de communication ayant accru la rapidité des transactions financières, les techniques de blanchiment via plusieurs pays sont plus difficiles à déceler.

Cette coopération doit être intense, loyale. Elle présuppose un accord des Etats pour augmenter leur vigilance vis-à-vis des paradis fiscaux et substituer la transparence des transactions au secret, y compris bancaire, et pour ceux qui s'en glorifient pour leurs propres activités, et avoir une lecture commune des procédures, ainsi qu'une volonté politique sans faille pour poursuivre tous les acteurs et commanditaires, quelle que soit leur place dans la chaîne criminelle. "

A l'issue du débat, la résolution 1147 et la directive 540, figurant dans le rapport 7971, sont adoptées à l'unanimité.

14. Activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) 1994-1997 (Jeudi 29 janvier)

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime qu'il s'occupe de 23 millions de réfugiés, de demandeurs d'asile, de personnes déplacées sur le plan interne, des populations affectées par la guerre, de victimes d'expulsions de masse, de rapatriés, d'apatrides et de demandeurs d'asile à travers le monde. Le budget annuel de l'Organisation s'élève à quelque 1,2 milliards de dollars.

Le rapport est axé essentiellement sur l'aire géographique du Conseil de l'Europe mais décrit aussi la crise des réfugiés dans la région des Grands Lacs d'Afrique pour démontrer le genre de problèmes que rencontre le HCR dans des situations de conflit. Le rapporteur rend hommage au Haut Commissaire, Mme Sadako OGATA, et à ses collaborateurs pour leur travail remarquable, difficile et souvent dangereux. Il en appelle au Comité des Ministres afin qu'il incite les Etats membres du Conseil de l'Europe à assurer leur soutien aussi bien politique que financier au HRC et à promouvoir une politique d'ensemble pour la région européenne en matière de réfugiés, qui s'attaque aux causes profondes de la migration forcée. Il demande également aux Etats membres de ne pas compromettre leur niveau de protection des réfugiés et demandeurs d'asile, traditionnellement libéral et humanitaire. Le rapporteur souligne par ailleurs la coopération accrue entre le HCR et le Conseil de l'Europe.

La recommandation 1356 figurant dans le document 7972, amendée, est adoptée à l'unanimité.

15. Bosnie et Herzégovine : retour des réfugiés et des personnes déplacées (Jeudi 29 janvier)

Le conflit en Bosnie et Herzégovine a conduit au déplacement interne et externe d'environ 2,2 millions de personnes. L'Accord de Dayton, conclu le 21 novembre 1995, stipule dans son Annexe 7 que tous ces réfugiés et personnes déplacées ont le droit de retourner dans leurs foyers d'origine. Les chiffres actuels des retours pour 1996 et 1997 se situent en dessous des prévisions : 689 000 réfugiés et 866 000 personnes déplacées attendent toujours une solution durable. Le rapport évalue les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des mesures contenues dans l'Annexe 7 et cherche à identifier les principaux obstacles au retour. Le projet de recommandation propose des mesures concrètes à prendre en vue d'accélérer tout le processus.

Le rapporteur se félicite des efforts faits par la communauté internationale, et en particulier par le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), en faveur de la reconstruction en Bosnie et Herzégovine.

Au terme du débat, la recommandation 1357, contenue dans le rapport 7973, est adoptée, amendée.

16. Exposé de M. Hans VAN DEN BROEK, membre de la Commission européenne - Question de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 29 janvier)

M. Hans VAN DEN BROEK, membre de la Commission européenne, souligne que dans sa résolution 1347 adoptée en novembre 1997, l'Assemblée demande à l'Union européenne de veiller à ce que les procédures choisies pour venir à bout de l'immense défi que représente son élargissement ne créent pas de nouvelles divisions en Europe, ni entre les candidats eux-mêmes, ni entre ceux-ci et ses partenaires plus éloignés d'Europe orientale.

Tel est le sujet que développe M. Hans VAN DEN BROEK devant les parlementaires et aux questions desquels il se prête.

M. Jacques BAUMEL, député (RPR) pose la question suivante :

" Le Traité d'Amsterdam a prévu de privilégier l'élargissement avant l'approfondissement des institutions. Il est évident qu'on ne peut pas gouverner l'Europe à trente ou à vingt-cinq avec les mêmes institutions qu'à quinze. On n'imagine pas le lancement d'Ariane 5 avec le matériel d'Ariane 3 ou d'Ariane 4. Comment est-il envisagé de rattraper d'urgence cette lacune en réexaminant les problèmes du rôle et du nombre des commissaires. de la pondération des voix et, d'une façon plus précise, de l'équilibre des pouvoirs afin de renforcer les institutions européennes dans le cadre de l'élargissement ? "

M. Hans VAN DEN BROEK, commissaire européen, lui répond en ces termes :

" Le débat sur l'élargissement, mais avant tout sur le renforcement, de l'Union européenne n'est pas nouveau. Ces questions ont été longuement examinées lors des discussions préalables au Traité d'Amsterdam qui se sont terminées en juin dernier. Mais à trois heures et demie du matin, les chefs de gouvernement ont constaté qu'il n'avaient pas achevé le travail de réforme qui avait pour objet de préparer l'Union européenne à son élargissement. Ils s'étaient probablement laissé aller à l'idée confortable qu'il se passerait encore quelques années avant l'adhésion du premier pays associé et que d'autres occasions ne manqueraient pas de se présenter pour réexaminer la question. Ce genre d'attitude n'est pas une exception en politique. En juillet, au moment de la publication de son Agenda 2000, la Commission a demandé que les insuffisances actuelles soient corrigées avant la première phase d'élargissement. A notre avis, il y aurait donc lieu de penser qu'on organisera, au tournant du siècle, une nouvelle conférence intergouvernementale consacrée à ces questions institutionnelles.

Les annexes du Traité d'Amsterdam prévoient deux séries de réformes institutionnelles. L'annexe 1 concerne la pondération des voix et le nombre des commissaires, qui devraient être modifiés avant l'adhésion des premiers nouveaux Etats membres. annexe 2 a trait à la fonction et au rôle des institutions de l'Union, qui devraient être entièrement revus avant l'adhésion du sixième candidat. Nos chefs de gouvernements ont donc décidé de procéder en deux étapes. Mais nous, nous insistons pour que les réformes soient achevées vers la fin du siècle, avant l'adhésion du premier pays membre. Cela n'a rien d'étonnant. Nous estimons que la prise de décision est déjà assez compliquée à quinze et qu'il ne faut pas attendre d'être vingt pour se prononcer sur ces importantes questions. Je répondrai à l'honorable parlementaire que la Commission partage le point de vue de ceux qui nous incitent à accélérer les réformes institutionnelles. "

17. Situation en Algérie - Interventions de MM. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), Jacques BAUMEL, député (RPR), et Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) (Jeudi 29 janvier)

Le rapporteur indique que ce débat fait écho au sentiment d'indignation, d'horreur et d'impuissance auquel chacun des membres de cette Assemblée est en proie face aux atrocités qui continuent de se produire, non pas dans quelque contrée lointaine de la brousse africaine, mais dans un pays qui, autrefois. faisait presque partie de l'Europe civilisée.

Lorsque, il y a six ans, les généraux algériens annulèrent les élections démocratiques, nombreux étaient ceux qui, dans les capitales européennes, avaient, sans l'exprimer, été soulagés de voir qu'on avait pu prévenir une écrasante victoire du FIS - Front islamique du salut - et l'instauration probable d'un régime intégriste radical dans un pays de la rive sud de la Méditerranée. Depuis lors, en Algérie - et c'est toujours le cas pendant une guerre civile - les innocents - hommes, femmes et enfants - paient de leur vie la suspension du processus démocratique. Depuis lors, le mouvement intégriste, trompé devant les urnes, a recours à des méthodes de plus en plus violentes et de plus en plus extrêmes devant lesquelles le régime militaire laïc apparaît impuissant. Depuis lors, le Groupement islamique armé (GIA) apparemment un rejeton du FIS, a revendiqué des attentats contre des écoles et des civils, alors que le gouvernement accuse les terroristes intégristes de toute une série de violations de droits de l'homme et autres atrocités telles que massacres, tortures et meurtres de journalistes et d'artistes de variétés fort populaires.

Depuis que le GIA a dramatiquement étendu sa campagne de terreur en 1994, les choses, en Algérie, ne sont plus ce qu'elles semblent être. Des organisations de droits de l'homme, des journalistes et des diplomates ont constaté un certain nombre d'ambiguïtés pour ce qui concerne cette liste accablante de méfaits.

Si les coupables sont toujours les intégristes, pourquoi des massacres se produisent-ils dans des zones où ils bénéficient traditionnellement d'un fort soutien ? Pourquoi, malgré la présence de forces de sécurité, a-t-on été incapable de prévenir ces massacres et de protéger convenablement la population? Pourquoi, malgré la régularité des attaques, personne n'a-t-il été arrêté par les autorités ? Selon certains diplomates algériens ayant abandonné leur poste et certains journalistes locaux et étrangers, également en fuite, le gouvernement serait impliqué dans ces actes barbares ; mais pourquoi souhaiterait-il massacrer de la sorte sa population ? Et à quelle fin ?

Face à toutes ces interrogations, une chose cependant est claire pour l'Europe. Quel qu'en soit les responsables, ces actes de barbarie constituent une menace directe pour la paix et la stabilité de la région méditerranéenne, et certainement aussi pour les pays du Conseil de l'Europe.

La commission des questions politiques a présenté aujourd'hui un projet de résolution qui contient un certain nombre de propositions sur la manière dont le Conseil de l'Europe peut venir en aide au peuple algérien. Outre qu'il réaffirme le soutien du Conseil aux initiatives de l'Union européenne et sa sympathie envers le peuple algérien, le projet de résolution souligne que l'islam, qui prône clairement la tolérance, ne doit pas être condamné en raison d'abus grossiers commis en son nom. La résolution invite également les dirigeants politiques et religieux des Etats islamiques à contribuer à la fourniture d'aide humanitaire ainsi qu'aux efforts déployés par la communauté internationale en vue d'une résolution pacifique.

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) fait les observations suivantes :

" En abordant aujourd'hui la situation en Algérie, le Conseil de l'Europe reste fidèle à sa mission. En acceptant, en 1996, de rencontrer une délégation des femmes d'Algérie, nous respections alors la vocation de notre institution. Elles en appelaient à notre écoute, à notre solidarité.

Deux ans après, ces mêmes sentiments doivent nous animer. Ce qui se passe aux portes de l'Europe, et c'est le cas de l'Algérie, concerne l'Europe, ses peuples, ses parlements, ses gouvernements. Nous ne pouvons pas être insensibles aux massacres qui, depuis des années, mais surtout depuis quelques semaines, concernent des hommes, des femmes, des enfants sans défense. Le Conseil de l'Europe, garant des droits de l'homme, a le devoir de s'exprimer lorsque la vie et les droits de l'homme sont menacés dans notre voisinage immédiat, avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter pour les pays membres du Conseil de l'Europe et pour la stabilité de l'ensemble de la région méditerranéenne.

Nous n'avons pas les moyens d'analyser avec précision le contexte dans lequel se déroulent les événements, de savoir quelles sont les forces qui agissent avec une telle cruauté, de détecter les raisons pour lesquelles les populations visées sont sans défense, de connaître la stratégie de ceux qui commettent les actes terroristes.

Par ailleurs, nous ne pouvons ni ne devons nous immiscer dans les affaires intérieures de l'Algérie, mais nous avons - et c'est l'avis de notre groupe du PPE - un triple devoir.

Le premier est d'exprimer notre solidarité, celle des peuples d'Europe à l'égard du peuple algérien. Marquer cette solidarité peut paraître symbolique, mais devons-nous pour autant donner le sentiment au peuple algérien que nous sommes insensibles à ses souffrances ?

Nous avons aussi le devoir de condamner le terrorisme sous toutes ses formes et quelles qu'en soient les motivations. Là encore, cet appel peut paraître platonique à certains, mais le silence ne risque-t-il pas d'apparaître coupable ou complaisant ?

Nous devons enfin encourager et stimuler le recours au dialogue, dialogue entre toutes les forces politiques de l'Algérie qui rejettent le recours à la violence ; dialogue entre les responsables algériens et les institutions internationales.

L'Union européenne a déjà pris une initiative en envoyant la troïka à Alger. Le Parlement européen envoie une délégation à Alger dans quelques jours. Il serait opportun que les Nations unies puissent apprécier la situation. Nous approuvons de telles initiatives et il est opportun que le Conseil de l'Europe y trouve une place conforme à sa vocation. Cela peut, par exemple, se traduire - et je suis d'accord avec le rapporteur - par l'ouverture d'un dialogue avec le Parlement algérien. Toutes ces initiatives doivent se concrétiser dans un esprit d'étroite concertation entre les institutions concernées. Nous rejoignons en cela les propositions réalistes de notre rapporteur.

Pour toutes ces raisons, il nous a paru indispensable de ne pas nous draper dans le mutisme. Nous sommes dans notre rôle en disant clairement ce que notre conscience nous dicte.

Si les résultats des premières initiatives peuvent sembler décevants, ce n'est pas une raison suffisante pour que le Conseil de l'Europe, incarnation des droits de l'homme, se borne à observer. Si nous voulons rester l'institution respectée et l'autorité morale reconnue que nous sommes, alors nous devons, chaque fois que l'actualité l'exige, faire entendre notre voix.

Puisse la voix du Conseil de l'Europe, avec beaucoup d'autres, être entendue en Algérie, contribuer à faire revenir l'espérance chez le peuple algérien et, avec elle, l'apaisement et la paix sur les marches du Sud de l'Europe ! "

M. Jacques BAUMEL, député (RPR) intervient à son tour en ces termes :

" Le philosophe français André Glucksmann qui vient de passer quinze jours en Algérie a déclaré : "J'ai entrebâillé les portes de l'enfer. En Algérie, j'ai pleuré aux portes du XXI e siècle." Comment le Conseil de l'Europe pourrait-il rester silencieux et indifférent devant une pareille tragédie ?

Il ne suffit pas de parler dans cette enceinte. C'est pourquoi tout en appuyant pleinement le projet qui nous est soumis, je dis qu'il faut prendre des initiatives concrètes. En ce sens, le déplacement de la troïka européenne à Alger constitue une avancée intéressante ; pour la première fois, les autorités algériennes se sont prêtées à une initiative de la communauté internationale sans y voir une volonté d'ingérence. C'est un progrès, mais il faut aller plus loin et ne pas se contenter de quelques discours éloquents sur les malheureux femmes et enfants assassinés, étranglés ou éviscérés.

Quelles sont les possibilités ?

Tout d'abord, il faut savoir, ce que la plupart des délégués ignorent, que l'Algérie est un immense territoire cinq fois plus grand que la France, et qu'il n'a une armée que de cent vingt mille soldats pour plusieurs dizaines de milliers de hameaux sans défense. Le terrorisme algérien est passé de la capitale et de l'attaque des hautes personnalités politiques du pays à des agressions contre de malheureux paysans et contre des familles de la campagne.

Devant cette véritable "kaboulisation" du conflit, que peut-on faire ? J'appuie totalement les propositions de notre collègue M. Atkinson. A ce sujet, je regrette beaucoup que notre éminent collègue M. Zhirinovsky ne soit plus dans la salle, car je lui aurais dit qu'il n'est pas de bon procédé démocratique de s'attaquer personnellement à un rapporteur de notre Assemblée. Nous ne sommes pas à la Douma. Comme nous avons une expérience démocratique plus grande que lui, nous pouvons lui conseiller de se comporter de façon plus polie dans une assemblée démocratique parlementaire.

Je veux confirmer la proposition d'établir un dialogue plus permanent entre les députés de l'Assemblée populaire algérienne - elle est ce qu'elle est, mais elle existe - et les parlementaires du Conseil de l'Europe. J'irai même jusqu'à proposer, étant donné la gravité du problème, s'il n'est pas résolu dans quelques semaines, comme on peut le craindre, d'envisager la constitution d'une commission ad hoc pour l'Algérie au sein du Conseil de l'Europe. Après tout, nous sommes considérablement concernés par les problèmes de l'Algérie, à tous points de vue.

En tout cas, il importe d'appuyer le projet de résolution qui nous est présenté, en envisageant une concertation plus étroite entre les Etats membres de l'Union européenne. Il n'est pas normal qu'existent entre nos Etats des différences de comportements vis-à-vis de telle ou telle organisation terroriste ou de tel ou tel dirigeant terroriste qui, en Europe, constitue les bases arrières de l'action de l'Algérie dans le pays.

Je pense, en outre, qu'il convient d'établir un dialogue politique avec l'ensemble des représentants qualifiés de la population algérienne. Il faut également encourager les autorités algériennes, sans s'ingérer dans leurs problèmes intérieurs, à poursuivre un projet d'ouverture politique et de réformes nécessaire. Nous devons exprimer notre solidarité envers la population en prévoyant des contacts entre certains représentants de la société algérienne - société terriblement endolorie et meurtrie - et des représentants de nos sociétés, aussi bien sur le plan professionnel que sur les plans culturels ou économiques.

Enfin, il convient d'agir d'une façon extrêmement rigoureuse contre tout ce qui concerne le trafic d'armes clandestin et le soutien à une entreprise qui n'a plus rien à voir avec l'islam.

Je constate que, par le truchement de la Ligue arabe et de l'Union parlementaire arabe, l'Algérie vient étrangement, dans une conférence à Téhéran, de recevoir le soutien de tous les pays arabes qui ont dénoncé le terrorisme en général, qu'il ne faut pas confondre avec le véritable visage de l'islam. "

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) prend alors la parole :

" Je me félicite que notre Assemblée ait inscrit ce débat en urgence et je remercie la commission, et particulièrement son rapporteur, M. Atkinson, qui, dans un temps limité, nous a fourni une base de discussion.

Même si notre compétence est limitée pour un pays extérieur au Conseil de l'Europe - l'Algérie n'est pas membre de notre Conseil - la situation dans ce pays a néanmoins des répercussions sur l'ensemble du bassin méditerranéen, sur tous les pays européens où la religion musulmane est bien représentée et dans lesquels des dérives intégristes peuvent survenir, enfin, sur nos Etats européens eux-mêmes qui ont sur leur sol, pour des raisons historiques, une forte communauté originaire d'Algérie. C'est le cas de la France.

Ceux qui, comme moi, dans leur jeunesse, ont milité pour la décolonisation et la dépendance de l'Algérie ont le droit de dire aujourd'hui leur déception et leur profonde tristesse devant la situation actuelle. Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire acte d'ingérence dans les affaires intérieures algériennes mais, avant tout, de dénoncer l'horreur de ces massacres où la sauvagerie dépasse l'imaginable. Nous devons dire aussi notre compassion, notre solidarité avec le peuple algérien qui souffre, ainsi que notre émotion devant les victimes innocentes et leurs proches.

Nos Etats doivent donc prendre des dispositions pour accueillir plus largement ceux qui, ne supportant plus la vie en Algérie et fuyant le danger, viennent frapper à nos portes. La France, d'ailleurs, est en train de modifier sa législation afin que l'asile politique soit accordé aux "combattants de la liberté" et non plus seulement aux victimes de la violence étatique. La réglementation relative aux visas de court séjour, devrait également, dans nos différents Etats membres, être aménagée afin de permettre aux Algériens une évasion souvent indispensable à leur équilibre.

Le Gouvernement algérien a entrepris un processus de reconstruction institutionnelle depuis 1995. Ce processus s'est achevé à la fin de l'année dernière, avec l'élection du Sénat. Les institutions élues sont en place. Bien sûr, on pourrait souhaiter une meilleure démocratie, mais je crois qu'il ne faut pas juger de la démocratie dans les autres pays, un peu à la légère ! Il faut que ces institutions vivent et fassent progresser la démocratie en Algérie.

Et les Etats de l'Europe, tout comme notre Assemblée, doivent encourager les efforts d'ouverture et de réforme politique, économique et sociale qui ont eu lieu en Algérie. Ces réformes doivent permettre de trouver une solution politique et démocratique à la crise actuelle.

Les Etats européens doivent aider l'Algérie dans sa lutte contre le terrorisme. Ils doivent interdire toute activité politique, toute expression publique sur leur sol, à ceux qui se réclament de formations qui aident ou encouragent le terrorisme, notamment les membres du Font islamique du Salut.

Le déplacement de la " troïka européenne " à Alger constitue une avancée. Ce dialogue doit être préservé et les membres de l'Union Européenne doivent poursuivre les négociations sur l'accord d'association qui a débuté en mars 1997 et qui doit être rapidement parachevé, quels que puissent être encore les obstacles qui subsistent.

Mais, en contrepartie, le Gouvernement algérien doit accepter la transparence, afin que nous soyons mieux à même de comprendre ce qui se passe dans son pays. Il ne doit pas se retrancher dans une réaction orgueilleuse. Il doit accepter la coopération, la discussion et l'aide humanitaire que les différents Etats membres proposent pour soulager le peuple algérien, victime du terrorisme.

Le débat que nous avons aujourd'hui, Monsieur le Président, mes chers collègues, coïncide avec la fête qui, pour les Musulmans, marque la fin de la période de pénitence, la fin du Ramadan.

Je souhaite que, pendant cette période, chacune et chacun, en Algérie et ailleurs, ait pu faire un retour sur soi-même comme le suppose cette période de jeûne pour mesurer ses responsabilités et qu'une période de paix et d'espoir s'ouvre enfin pour le peuple algérien. "

Au cours de l'examen du projet de résolution, un amendement tend, après le paragraphe 3, à insérer un nouveau paragraphe ainsi rédigé :

" L'Assemblée demande expressément aux gouvernements des pays membres du Conseil de l'Europe d'admettre les demandeurs d'asile en provenance de l'Algérie au bénéfice du statut de victime de violence et de suspendre le renvoi jusqu'à ce qu'une solution ait été apportée au conflit qui déchire ce pays. "

Son auteur, Mme VERMOT-MANGOLD, intervient pour défendre l'amendement en ces termes :

" Je souhaiterais l'inclusion d'un nouveau paragraphe visant à accorder aux réfugiés algériens, dont le nombre ne cesse d'augmenter dans tous les pays membres, le statut de victime de violence et de ne pas les refouler pour le moment. En d'autres termes, il s'agit d'introduire dans la présente résolution la notion de suspension des renvois. "

Prenant alors la parole contre cet amendement, M. Jacques BAUMEL, député (RPR) formule les observations suivantes :

" Je comprends, certes, la signification de cet amendement, mais il soulève quelques difficultés, notamment pour un pays comme la France qui compte un million et demi d'Algériens sur son territoire.

Si nous suivions cet amendement, la France, qui reçoit le plus grand nombre d'Algériens, risquerait d'en voir arriver plusieurs centaines de milliers en plus, car ils sont tous victimes du terrorisme et de la situation.

C'est la raison pour laquelle je me permets de demander à notre collègue de se rallier au texte de notre rapporteur : il me paraît plus précis et mieux répondre à la situation. Nous devons faire très attention à ne pas ouvrir inconsidérément des frontières à une grande catégorie de personnes. Nous ne cherchons évidemment pas à abriter sur les territoires des Etats membres du Conseil de l'Europe des personnes contribuant à maintenir le terrorisme en Algérie, ce qui est tout à fait différent.

C'est pourquoi, pour ma part, je ne saurais approuver l'amendement présenté. "

A la suite de cette intervention, l'amendement est adopté par l'Assemblée.

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) et Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , présentent sur le projet de résolution un amendement demandant au gouvernement algérien d'accepter l'assistance humanitaire et par conséquent ils proposent la suppression des mots suivants :

" ainsi qu'un soutien dans la lutte contre le terrorisme. "

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) défend cet amendement en ces termes :

" Cet amendement est destiné à clarifier la rédaction. En effet, on demande au Gouvernement algérien d'"accepter l'assistance humanitaire internationale, ainsi qu'un soutien dans la lutte contre le terrorisme". Or on ne saurait mettre ces deux notions sur le même plan, car si le Gouvernement algérien n'accepte pas actuellement l'aide humanitaire il réclame qu'on l'aide à lutter contre le terrorisme.

C'est pourquoi je propose de supprimer ici l'idée d'un soutien dans la lutte contre le terrorisme et d'en faire état plus loin. Je constate que ma proposition rejoint l'amendement n° 4 de M. Atkinson, lequel pourrait venir à la suite de mon amendement n° 3.

En résumé, il s'agit uniquement d'un amendement rédactionnel et de clarification du texte. Il ne me paraît pas logique, je le répète, de mettre sur le même plan les deux notions qui figurent dans cette phrase. "

Cet amendement n'est pas retenu par la commission.

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) intervient une nouvelle fois pour défendre son amendement :

" Je regrette que la commission ne comprenne pas ce qu'écrire et lire veulent dire.

Le texte est d'un illogisme total puisque le Gouvernement algérien refuse l'aide humanitaire. Si mon amendement n'est pas adopté, je voterai contre le projet de résolution. "

L'amendement n'est pas adopté.

Un second amendement au projet de résolution est alors présenté par M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) et Mme Josette DURRIEU, sénateur, (Soc) visant à ajouter les termes suivants :

" et l'acceptation de la règle démocratique" à la suite de la phrase demandant au gouvernement algérien de " nouer un authentique dialogue politique avec toutes les forces politiques prêtes à accepter, comme condition préalable à des négociations directes, le rejet de la violence ".

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) défend l'amendement en ces termes :

" Lorsqu'on dit qu'il faut demander au Gouvernement algérien de réunir tout le monde autour d'une table, sous réserve que les partis acceptent le rejet de la violence, il convient de préciser que c'est dans "l'acceptation de la règle démocratique". Car les partis islamistes, notamment le Front islamique du salut, prônent la charia qui, à mon sens, n'est pas une règle démocratique. "

Après avis favorable de la commission, la résolution contenue dans le document 7997, ainsi amendée, est adoptée et devient la recommandation 1358.

18. Nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Vendredi 30 janvier)

Selon le rapporteur, grâce à la richesse de leur patrimoine architectural, de leurs magnifiques sites naturels, de leurs passés et de leurs traditions, les pays d'Europe centrale et orientale sont tous potentiellement en mesure d'attirer un grand nombre de touristes. Cependant, cette partie de notre continent est restée, pour l'essentiel, fermée au tourisme international pendant la période de la Guerre froide : avant 1989, le niveau de développement du tourisme est resté identique à celui de l'entre-deux guerres, alors que l'Europe occidentale a pris de l'avance, devenant l'une des premières destinations touristiques du monde.

La situation a changé après la chute du Mur de Berlin. Aujourd'hui, 52 millions de touristes en moyenne se rendent chaque année en Europe centrale et orientale. Le World Travel and Tourism Council estime que le développement du tourisme pourrait créer jusqu'à 7,4 millions d'emplois dans les pays de la région au cours de la prochaine décennie, soit entre 7 et 11 % de leur PIB. Malgré cela, en 1996, les recettes du tourisme dans la région n'ont totalisé que 27,4 milliards de dollars US - contre 214,5 milliards de dollars pour l'ensemble du continent.

Le rapport explore les possibilités de promouvoir et de développer le tourisme dans les pays d'Europe centrale et orientale, signalant que l'on ne peut pas traiter cette question en faisant abstraction du processus général de transformation économique, politique et sociale. Les gouvernements nationaux devraient prendre des mesures pour mettre en place les infrastructures de transport et de communication nécessaires, restaurer et préserver le patrimoine culturel et instaurer un climat d'affaires ainsi qu'un cadre juridique propres à favoriser le tourisme. L'auteur du rapport invite l'Europe tout entière à soutenir un tel développement.

M. Bernard SCHREINER, député (RPR) intervient dans le débat en ces termes :

" Permettez-moi d'abord de féliciter chaleureusement notre collègue Mme tepová pour son excellent rapport. Nous disposons là d'un très bon document contenant de nombreuses informations et observations pertinentes.

Je sais par ailleurs que la commission des questions économiques et du développement a débattu de ce thème lors de sa dernière session à Prague et le débat d'aujourd'hui est pour nous l'occasion d'approfondir la réflexion.

En effet, le développement du tourisme constitue un défi majeur à l'aube du prochain millénaire. L'allongement de la durée de la vie donc du temps de loisir dans les pays développés, l'émergence attendue dans les prochaines décennies de flux touristiques très importants notamment en provenance d'Asie, mais aussi d'autres pays anciennement en voie de développement, nous imposent des politiques de nature à faire face à cet accroissement prévisible de la population touristique.

Nous avons donc tout intérêt à faire du tourisme une priorité, car il s'agit, comme cela a été dit, d'un secteur fortement créateur d'emplois qui, par ailleurs, incite à la conservation du patrimoine et à la sauvegarde de l'environnement.

C'est dire l'intérêt de ce rapport qui appelle fort justement notre attention sur l'immense capital historique dont disposent les pays d'Europe centrale et orientale dans le domaine de l'architecture, de la culture et des arts.

Il est vrai qu'après des décennies de fermeture aux échanges, ces pays sont aujourd'hui dans une phase de rattrapage accéléré. Nous devons donc les aider à faire du tourisme un secteur clé du développement de leur économie générale.

Les progrès sont déjà sensibles. Si je prends, par exemple, la République tchèque, pays cher à notre rapporteur, j'observe que le nombre de visiteurs de ce pays est passé de 36 millions de personnes en 1990 à 110 millions en 1996 et que les recettes du tourisme représentent 6 % du produit intérieur brut. Des évolutions semblables, plus ou moins importantes selon les cas - nous ne devons pas oublier l'attraction particulière de Prague - peuvent être relevées dans d'autres pays de la région. On redécouvre donc les trésors de ces pays qui se situent, rappelons-le, au coeur de l'Europe et de son histoire.

Pour assurer le développement durable de ce tourisme renaissant, nous devons encourager : d'abord, une répartition plus égale des visiteurs entre les capitales et l'intérieur des pays, où beaucoup de choses restent à découvrir - notre collègue russe y a fait allusion ; ensuite, la mise en place d'instruments statistiques performants facilitant l'élaboration de politiques touristiques globales et cohérentes ; enfin, l'adoption de financements adaptés, qu'il s'agisse de la fiscalité, qui doit être suffisamment attractive, ou des aides financières de l'Etat et des institutions européennes et internationales.

Il convient également de diversifier au maximum l'offre touristique afin de l'adapter aux différentes catégories de personnes qui voyagent désormais : jeunes, hommes d'affaires, personnes âgées, etc. Cela concernera le tourisme culturel, sportif et particulièrement le tourisme en milieu rural, qui connaît dans toute l'Europe un développement rapide en raison de son coût moins élevé.

Ces orientations ne concernent pas seulement les pays d'Europe centrale et orientale, mais également les autres pays européens, où beaucoup de progrès restent à accomplir. Il serait d'ailleurs judicieux que les pays disposant d'une grande tradition touristique puissent faire bénéficier de leur expérience ceux qui en sont actuellement au stade de l'élaboration d'une politique de développement touristique.

Un séminaire consacré à cette question pourrait être utilement organisé dans le cadre du Conseil de l'Europe.

En conclusion, je pense que ce débat doit nous inciter à aller plus loin dans la réflexion sur le développement du tourisme et je souhaite que l'on envisage la création d'une sous-commission du tourisme au sein de la commission des questions économiques et du développement. D'ailleurs, la commission de la culture et de l'éducation et la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux seraient également concernées.

Telles sont, Madame la Présidente, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler en remerciant une nouvelle fois la commission pour son excellent travail. "

La résolution 1148 ainsi que la directive 541 figurant dans le rapport 7976 sont adoptées à l'unanimité.

19. Développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire (Vendredi 30 janvier)

Le rapporteur met l'accent sur les liens étroits qui existent entre la Méditerranée et la Mer Noire pour demander au Conseil de l'Europe une approche globale dans la région afin de contribuer à son développement durable. Le rapport fait état du rapide processus de dégradation dont souffre la Mer Noire qui risque d'avoir des conséquences graves également sur la Méditerranée. Compte tenu de cet état de choses, M. Recoder demande au Comité des Ministres de lancer une " Année pour la Protection de la Méditerranée et de la Mer Noire ".

Dans le cas particulier de la Méditerranée, le rapporteur estime nécessaire une plus grande coopération entre le nord et le sud pour couvrir des aspects comme les droits de l'homme, la démocratie et les migrations. Pour encourager ce dialogue, il propose, d'une part, la création d'un bureau du Centre Nord-Sud à Limassol (Chypre) et, d'autre part, que l'Assemblée parlementaire renforce sa coopération avec l'Union Inter-Parlementaire et l'Assemblée Parlementaire pour la Coopération Economique de la Mer Noire. Il recommande aussi de développer les relations entre les Parlements des pays de la rive sud et l'Assemblée parlementaire.

A l'issue du débat, la résolution 1149 ainsi que la recommandation 1359 figurant dans le rapport 7977, amendées, sont adoptées.

II. LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 20 au 24 avril 1998)

1. Introduction

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est réunie à Strasbourg du 20 au 24 avril 1998 pour la deuxième partie de la session ordinaire de 1998.

Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des exposés de :

- M. Radu VASILE , Premier ministre de Roumanie,

- M. Ivan KOSTOV , Premier ministre de Bulgarie.

La communication du Comité des Ministres a été présentée par M. Helmut SCHÄFER , ministre délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne, représentant la Présidence en exercice ; il a répondu aux questions de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc), de M. Jean VALLEIX , député (RPR), et de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC).

L'Assemblée parlementaire a débattu des questions suivantes :

- fonctionnement démocratique des parlements ; rapport 7961 ; adoption de la Directive n° 542 ;

- relations avec l'Union européenne : suites du Sommet d'Amsterdam : rapport 8051 ; intervention de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC) ; adoption de la recommandation n° 1365 ;

- évolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998) : rapport 8057 ; intervention de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) ; adoption de la recommandation n° 1366 ;

- réforme des Nations unies : rapport 8052 ; intervention de M. Jean VALLEIX , député (RPR) ; adoption de la recommandation n° 1367 ;

- débat d'urgence à la demande notamment de Mme Josette DURRIEU , Présidente de la délégation française sur les derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et la situation au Kosovo, rapport (doc 8082) de M. Andras BARSONY (Hongrie) ; interventions de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) et de M. Jacques BAUMEL , député (RPR) ; adoption de la recommandation n° 1368 ;

- dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement : rapport 8015 ; interventions de MM. Claude BIRRAUX, Jean BRIANE , députés (UDF) Claude EVIN et Paul DHAILLE , députés (Soc) ; adoption de la recommandation n° 1369 ;

- activités de l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM) : rapport 8053 ; intervention de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC) ; adoption de la recommandation n° 1370 ;

- situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du processus de paix au Proche-Orient : rapport 8042 ; interventions de M M. Jean-Pierre MICHEL , député (Soc) et Jean BRIANE , député (UDF) ; adoption de la résolution n° 1156 ;

- mauvais traitements infligés aux enfants, rapport 8041 de M. Nicolas ABOUT , sénateur (Ap. RI) ; intervention de M. Claude BIRRAUX , député (UDF) ; adoption de la Directive n° 543 ;

- avis sur le projet de Convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal : rapport (doc 8056) ; adoption du projet d'Avis n° 204 ;

- gestion des déchets radioactifs : rapport 8054 ; interventions de M. François LESEIN , sénateur (RDSE), M. Claude BIRRAUX , député (UDF) ; adoption de la résolution

Au cours de cette session, l'Assemblée a procédé à l'élection des juges de la nouvelle Cour européenne des Droits de l'Homme.

2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente - Rapport de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Lundi 20 avril)

Présentant son rapport (8058), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , formule les observations suivantes :

" Depuis la session de janvier dernier, les activités du Bureau et de la Commission Permanente ont été très denses, notamment dans des domaines politiques forts. C'est à vous, Madame la Présidente, que nous devons adresser des félicitations, ainsi qu'aux greffiers de cette Assemblée et à l'ensemble de vos collaborateurs.

Premier point, la République fédérale de Yougoslavie et le problème du Kosovo, qui sera d'ailleurs l'objet d'un débat d'urgence.

Nous voulons vous remercier, Madame la Présidente, pour la rapidité de la réaction et pour la pertinence de l'action. Vous vous êtes rendue sur le terrain entre le 12 et le 14 mars dernier et vous avez affirmé, par conséquent, le rôle politique de notre Assemblée dans cet espace des Balkans gros de beaucoup de menaces et de risques.

Par la suite, le problème du Kosovo a fait l'objet d'un débat d'urgence à la Commission Permanente et il y aura aussi un débat d'urgence ici, devant l'Assemblée parlementaire, mercredi prochain.

Autre point politique, dans trois états, les élections se sont traduites pour nous par une même présence de nos observateurs en Arménie, en Moldova, et en Ukraine. Les rapporteurs feront état de leurs conclusions.

Se posait en Ukraine, le problème de la peine de mort et des exécutions capitales, Résolution n° 1145. Il a donné lieu à un débat au sein du Bureau et à une action courageuse et louable de la délégation parlementaire de l'Ukraine au Conseil de l'Europe - nous les en remercions et les en félicitons. Peut-être est-ce le fruit de cette démarche initiatique, dont parlait tout à l'heure le Premier ministre de Roumanie, mais les parlementaires d'Ukraine sont intervenus à la Rada et auprès du Président Kouchma. Répondant à nos souhaits, ils ont demandé la suppression de la confidentialité en ce qui concerne les exécutions.

Le résultat ? Le ministre de la justice d'Ukraine vous a envoyé la liste des personnes condamnées à mort et exécutées le 9 novembre 1995 jusqu'au 31 mars 1998. Par ailleurs, vous avez été informée que le ministre de la Justice avait levé le secret sur les données relatives à la peine de mort. Cette décision a été entérinée le 11 mars 1998 par la commission d'Etat sur les secrets d'Etat. Par décret, a été modifié le code des informations "secret d'Etat" en Ukraine.

Il reste, bien sûr, à ratifier en Ukraine le Protocole n° 6 de la Convention européenne sur les droits de l'homme concernant l'abolition de la peine de mort et son remplacement par l'emprisonnement à vie. Nous faisons confiance aux parlementaires ukrainiens de cette Assemblée pour pousser encore leur démarche et faire en sorte que cette demande expresse en direction de l'Ukraine soit suivie rapidement des décisions que nous attendons.

Enfin, le jeune Etat de Bosnie et Herzégovine a demandé son adhésion au Conseil de l'Europe. Le Bureau a pris la décision d'ouvrir la procédure d'adhésion.

Madame la Présidente, comme vous l'avez demandé, tels sont, brièvement exposés, les points essentiels du rapport d'activité que le débat devrait enrichir. "

Au terme du débat qui a suivi, Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , reprend la parole, en sa qualité de rapporteur de la Commission :

" Je conclurai ces débats sur trois points, et ce ne sera pas tellement facile.

D'abord, pour répondre à l'intervention sur le Kosovo de notre collègue M. Pollo, je précise qu'un débat d'urgence sur le sujet aura lieu mercredi. Il interviendra donc après un débat d'urgence qui s'est déroulé au sein de la Commission Permanente. Nous pouvons être satisfaits du fait que le Bureau ait décidé de ce débat. Ce dernier était vraiment nécessaire car il est évident que dans cette zone l'engrenage pourrait être fatal et la menace est grande.

Notre collègue M. Pollo réclame une position ferme de l'Assemblée et un message fort. Je ne doute pas que ceux-ci seront donnés mercredi.

En ce qui concerne les élections en Ukraine, en Arménie et en Moldova dont nous n'avons pas pu entendre le rapport, ma collègue vient de répondre sur l'Ukraine. Sur l'Arménie, je dirai donc à M. Volcic que toutes les observations qu'il a pu faire en tant que rapporteur, étaient absolument nécessaires. Elles seront prises en compte dans le dossier d'instruction de la demande d'adhésion de l'Arménie puisque la vérification d'une élection est un passage obligé avant que ne soit donnée toute approbation d'adhésion.

Nous prenons en compte le fait que M. Igitian souhaite une coordination intense des efforts afin qu'une meilleure loi électorale puisse enfin instaurer dans ce pays un véritable Etat de droit.

J'en viens aux trois interventions de mes collègues russes. Madame la Présidente, vous avez en partie répondu à M. Zhebrovsky. Lorsqu'il dit que le Conseil de l'Europe devrait prendre les bonnes décisions au bon moment, j'ai envie de lui répondre que la bonne décision au bon moment a été celle de l'adoption favorable de l'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe.

M. Glotov a évoqué le problème de la Lettonie. Réponse a déjà été apportée, puisque le Bureau a traité de cette question ce matin et a décidé d'envoyer les rapporteurs de la commission de suivi en Lettonie.

En ce qui concerne le Bélarus, Mme la Présidente m'autorisera certainement à dire que l'on attend encore des évolutions positives qui pourraient être autant de signaux modifiant la position du Conseil de l'Europe.

Monsieur Lukin, vous avez formulé - et c'est tant mieux, nous sommes là pour cela - un certain nombre de conseils à l'attention du Conseil de l'Europe et de son Bureau.

Je vous rappelle que la Russie a une place au Bureau et je crois qu'elle prend et doit prendre toute sa place pour que des inflexions puissent être données.

Vous demandez que l'on procède parfois différemment. Vous avez probablement raison. Vous demandez que certains processus soient accélérés. Vous avez probablement raison aussi. Je vous signale toutefois que la demande d'adhésion de la République fédérale de Yougoslavie vient à peine d'intervenir.

A propos de l'analyse des résultats faite par les observateurs qui vont dans les différents pays, je pense que ces observateurs sont ces parlementaires, vos collègues, c'est-à-dire des gens avisés, qui ont l'habitude de vivre ces élections à la fois de l'intérieur et de l'extérieur : par conséquent, ils ont un regard que l'on peut toujours affiner et un jugement qui, nous le souhaitons, est objectif mais qui peut toujours être amélioré.

En ce qui concerne les systèmes électoraux, il est évident que nous ne nous acheminons pas vers une uniformisation des systèmes électoraux à travers les quarante pays d'Europe. Nous demandons qu'il existe un respect fondamental d'un certain nombre de principes très clairs. Cela est essentiel et constitue le tronc commun de tous ces systèmes.

Mme la Présidente ayant répondu à M. Korakas, qui a répondu aux Russes et posé un certain nombre de problèmes, je dirai pour conclure que le travail qui nous mène vers une démocratie, qui ne sera jamais parfaite, restera toujours long et difficile et, lorsque nous pensons avoir atteint un certain seuil, nous constatons que le travail n'est jamais achevé et qu'il faut sans cesse le poursuivre. "

Acte est donné du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente, figurant dans le rapport 8058 et addendums, ainsi que des textes adoptés par la Commission permanente le 18 mars 1998.

3. Fonctionnement démocratique des parlements nationaux (Mardi 21 avril)

L'importance croissante de l'exécutif dans la plupart des pays européens se fait au détriment du rôle du parlement. Pour renforcer ce rôle, le rapporteur Hans Helmut Moser (Autriche, LDR) propose de créer un statut de l'opposition et de réduire au minimum, voire de supprimer, le cumul de mandats. Il invite aussi les parlements nationaux à renforcer, dans le cadre de la construction européenne, leur rôle comme interlocuteurs des autorités locales, internationales ou supranationales.

Par ailleurs, le faible taux de participation aux élections démontre un certain scepticisme des citoyens quant au fonctionnement de la démocratie. Contre cet état de choses, le rapporteur propose de renforcer les liens entre citoyens et parlements, notamment par le recours à des référendums et par l'amélioration des systèmes électoraux.

La résolution 1154, ainsi que la directive 542 figurant dans le rapport 7961, sont adoptées, amendées.

4. Relations avec l'Union européenne - Suites du sommet d'Amsterdam - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)

Le Traité d'Amsterdam attribue à l'Union européenne des compétences dans les secteurs faisant partie du domaine d'excellence du Conseil de l'Europe. Il convient donc de renforcer la coopération entre les deux institutions, alors que l'Union est sur le point de s'élargir à des pays déjà membres du Conseil de l'Europe.

Afin d'éviter un double standard normatif, l'Union européenne devrait adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme lorsqu'elle aura acquis la personnalité juridique internationale.

Pour la même raison, elle devrait adhérer à la Convention culturelle européenne, à la Charte Sociale européenne et à toutes les conventions relatives à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale.

La possibilité de l'adhésion de l'Union en tant que telle au Conseil de l'Europe devrait être examinée.

Il faudrait, par ailleurs, renforcer le lien entre le dialogue politique au Conseil de l'Europe et la Politique Extérieure et de Sécurité Commune (PESC) de l'Union.

Vu son rôle dans la préparation politique et juridique des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne, le Conseil de l'Europe devrait être invité à participer à la Conférence européenne qui rassemble les " Quinze " et onze pays candidats.

L'Assemblée devrait intensifier sa coopération avec le Parlement européen, les deux organes parlementaires devant eux-mêmes participer aux réunions de coordination entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne (" réunions quadripartites ").

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , intervient dans le débat en ces termes :

" Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue M. Woltjer pour son excellent rapport et le remercier des propositions concrètes et précises qu'il y a présentées.

L'architecture de l'unité de notre continent, tel est le sujet dont nous débattons à nouveau aujourd'hui et qui nous occupera sans doute longtemps encore. Convaincu de l'absolue nécessité de la construction d'une Europe politique, j'évoquerai brièvement trois des aspects présentés par ce rapport.

En premier lieu, je parlerai du renforcement concret de la coopération entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Il est indispensable que le Conseil de l'Europe participe effectivement à la Conférence européenne et, en particulier, que le Président de l'Assemblée parlementaire y soit convié. Il n'est pas pensable que, lorsqu'il s'agit de décider de problèmes d'intérêt commun, le Conseil de l'Europe soit absent du débat. C'est une question d'efficacité, de coordination et de lisibilité de l'Europe. Le Président de l'Assemblée parlementaire doit être présent aux réunions quadripartites.

Le deuxième aspect concerne la prise en considération par l'Union européenne de l'expérience du Conseil de l'Europe dans toute une série de domaines, tels les droits de l'homme, la protection du patrimoine culturel, la charte sociale, mais aussi la coopération judiciaire et policière.

Dans la plupart de ces domaines, l'action doit être menée à l'échelle de tout le continent. Le cadre du Conseil de l'Europe est le plus approprié et il faut éviter les doublons ; il ne faut pas que trop de structures s'occupent des mêmes choses et que l'on fasse abstraction des acquis du Conseil de l'Europe.

Le point le plus problématique me semble cependant être à cet égard l'adhésion de l'Union européenne en tant que telle au Conseil de l'Europe et à ses principales conventions relatives aux droits de l'homme. Outre la difficulté liée à l'absence actuelle de personnalité juridique de l'Union européenne, cette proposition soulève des difficultés politiques et juridiques sérieuses. Au demeurant, à l'heure actuelle, la protection des droits de l'homme dans l'Union européenne est assurée soit par chacun des pays adhérant déjà à la Convention, soit par les traités régissant l'Union européenne qui la prévoient déjà.

La troisième observation concerne les dispositions du rapport relatives à l'élargissement de l'Union européenne. C'est probablement à son propos que la coopération plus étroite entre Union européenne et Conseil de l'Europe sera de plus en plus indispensable.

Si l'élargissement doit se dérouler dans des conditions d'efficacité et d'harmonie maximales, il faut une meilleure concertation. Depuis de longues années, le Conseil de l'Europe joue un rôle important dans la préparation juridique et politique des pays candidats à une adhésion à l'Union européenne. L'élargissement de l'Union passe par l'adhésion préalable au Conseil de l'Europe. C'est un stade intermédiaire essentiel. Il est dès lors impensable que n'existent pas de liens permanents et forts entre l'Union et le Conseil.

L'unité de toute l'Europe est la réalité d'aujourd'hui et de demain ; c'est le Conseil de l'Europe qui l'incarne, et doit l'incarner sans complexe. Dans cette grande Europe, il y a une Europe plus intégrée, qui s'étendra étape par étape. C'est l'Union européenne qui en sera l'expression. Cela implique une coopération réelle entre les deux. Le problème n'est donc pas seulement d'ordre technique. Il y va surtout de la réussite à la fois de l'élargissement et de l'approfondissement de l'Europe. "

A l'issue du débat, la recommandation 1365, figurant dans le rapport 8051, est adoptée.

5. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)

M. Helmut SCHAEFER, ministre délégué aux Affaires étrangères de l'Allemagne, représentant du Président en exercice du Comité des Ministres, souligne dans son propos introductif combien le Comité des Ministres attache de prix aux échanges avec l'Assemblée parlementaire. Celle-ci constitue le deuxième pilier du Conseil de l'Europe et apporte d'importantes contributions à la consolidation de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme en Europe.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , pose à M. SCHAEFER la question suivante :

" Considérant que le Conseil de l'Europe joue un rôle important dans la préparation politique et juridique des pays candidats à l'adhésion à l'Union Européenne, et qu'il serait donc particulièrement utile que le Conseil de l'Europe puisse être invité à participer à la Conférence européenne,

Demande au Président du Comité des Ministres s'il est en mesure de soutenir cette proposition dans les instances compétentes de l'Union européenne. "

M. Jean VALLEIX, député (RPR) , interroge à son tour le représentant du Président du Comité des ministres :

" Considérant que le Conseil de l'Europe est la conscience de notre continent, notamment pour les droits de l'homme et la dignité humaine, en ce qui concerne la démocratie, et qu'il est, en quelque sorte, l'âme de l'Europe,

Demande au Président du Comité des Ministres si, dès lors, il ne serait pas de bon sens qu'il soit associé au Conseil de l'Union européenne et peut-être demain au Conseil de l'Euro. "

M. Helmut SCHAEFER, ministre délégué aux Affaires étrangères de l'Allemagne, au nom du Président en exercice du Comité des Ministres, leur répond en ces termes :

" La onzième réunion quadripartite s'est tenue à Strasbourg le 1 er avril dernier sur proposition du Royaume-Uni qui assurait la présidence du Conseil de l'Union européenne. Permettez-moi d'appeler l'attention des parlementaires sur le communiqué de presse commun diffusé à cette occasion. Il en est question dans le rapport statutaire qui vous est soumis.

Permettez-moi aussi d'attirer votre attention sur la réponse à la Recommandation n° 1347 de l'Assemblée relative à l'élargissement de l'Union européenne que le Comité des Ministres a adoptée la semaine dernière.

Les participants à la réunion quadripartite ont examiné en détail le processus d'élargissement de l'Union européenne décidé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Luxembourg en décembre 1997.

Les participants ont insisté sur l'importance de respecter les engagements pris par les pays membres du Conseil de l'Europe, notamment en ce qui concerne la défense des droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit. Les représentants de l'Union européenne ont rappelé que ces engagements étaient également importants dans le contexte des critères politiques pour l'adhésion à l'Union européenne établis dans les conclusions du Conseil européen de Copenhague. Ces engagements étaient aussi pertinents au regard des relations de l'Union européenne avec les autres Etats européens.

Le Comité des Ministres se félicite des relations toujours plus étroites maintenues entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. La participation du commissaire Van den Broek à la partie de session de cette Assemblée en janvier dernier en est un exemple ; la participation régulière de la Commission européenne aux réunions du Comité des Ministres au niveau ministériel et à celui des Délégués, ainsi qu'au niveau des organes subsidiaires du Comité, en est un autre.

Le Comité des Ministres ne juge pas utile pour le moment de formaliser davantage la participation mutuelle aux instruments et instances respectifs. Il estime toutefois qu'il est important de conserver le rythme bisannuel actuel des réunions quadripartites à haut niveau afin de maintenir l'impulsion politique imprimée à la coopération.

Il est important, également, de poursuivre avec succès le développement des programmes conjoints. "

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , pose alors la question suivante : il demande au Président du Comité des Ministres si le Comité des Ministres entend mieux associer l'Assemblée parlementaire à la mise en oeuvre des décisions prises lors du deuxième Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe, en particulier lorsque certaines des mesures envisagées par le Plan d'action résultent d'initiatives provenant de l'Assemblée elle-même, comme par exemple le renforcement de la protection des enfants.

M. Helmut SCHAEFER lui répond ainsi :

" La préoccupation à l'égard de la protection des enfants, mise en avant dans le plan d'action du deuxième Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, est prise très au sérieux par le Comité des Ministres.

Le lancement d'un programme pour l'enfance est prévu lors de la 102 e session ministérielle. L'initiative de la présidence allemande de donner suite au congrès mondial de 1996 contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales coïncide avec l'un des trois piliers du programme. Cette conférence aura lieu la semaine prochaine à Strasbourg, M. le ministre Kinkel y participera en sa qualité de Président du Comité des Ministres.

Le groupe de rapporteurs du Comité des Ministres sur les questions sociales et de santé, et celui sur la coopération juridique ont tenu une réunion jointe pour envisager une stratégie du Conseil de l'Europe pour l'enfance.

Parmi les propositions actuellement étudiées de près figure un comité de liaison européen pour l'enfance. S'il est créé, ce comité, résultat de la Recommandation 1286 de l'Assemblée, permettra d'assurer une coordination efficace des activités des organisations internationales et non gouvernementales actives dans le domaine de l'enfance. Le projet de mandat prévoit la participation active de l'Assemblée parlementaire à ce comité de liaison. "

6. Evolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998) - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 21 avril)

Selon le rapporteur, il est possible, une année après l'entrée en fonction de la Commission du suivi, de faire le bilan des travaux effectués par les quelque 65 parlementaires chargés de contrôler le respect des obligations et engagements souscrits par les Etats membres au moment de leur adhésion au Conseil de l'Europe.

Celui-ci souligne que la Commission a mené à leur terme les procédures sur la République tchèque et la Lituanie ; elles se sont conclues par des débats en séance plénière et par l'adoption de résolutions.

Il rappelle que pour 10 autres pays -Albanie, Bulgarie, Croatie, Lettonie, Moldova, Russie, Slovaquie, " l'ex-République Yougoslave de Macédoine ", Turquie, Ukraine-, les procédures sont en cours, à des stades divers.

Enfin, en ce qui concerne la Grèce, il note que la Commission a été consultée sur l'ouverture d'une procédure à propos de la situation de la minorité musulmane en Thrace occidentale.

Le projet de résolution souligne la volonté de la Commission d'appréhender les problèmes des pays "suivis" de manière durable, non conflictuelle et de les assister en tenant compte du contexte géopolitique et des préoccupations internes des pays. Le texte insiste par ailleurs sur la mise en place d'un dialogue confidentiel avec la délégation nationale de chaque pays concerné.

Enfin le rapporteur note la nécessité de renforcer la coopération et le dialogue avec le Comité des Ministres et demande que le suivi des obligations et engagements figure régulièrement à l'ordre du jour des rencontres entre parlementaires et délégués des Ministres.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , intervient dans le débat en ces termes :

" Je remercie notre rapporteur, le président de la commission du monitoring, pour le travail réalisé dans le cadre de cette commission depuis un an. J'aurais voulu ne pas répéter ce qui a déjà été dit, mais nous sommes tous amenés à nous répéter dans cette discussion.

Sans revenir sur les principes fondamentaux de notre Organisation, le Conseil de l'Europe, fort bien décrits par les orateurs, je me bornerai à rappeler que leur respect constitue l'essentiel de l'engagement pris au moment de l'adhésion par tous les Etats, anciens ou nouveaux, engagement pris, je le souligne, en toute liberté et en connaissance de cause.

En conséquence, le non-respect de ces principes et de ces engagements, dans le cas de "ruptures persistantes", comme il est dit dans le texte, donne lieu ou peut donner lieu à des sanctions, parmi lesquelles la non-ratification des pouvoirs d'une délégation ou leur ratification conditionnelle. Tel a été le débat ouvert lors de la session précédente à propos de la délégation ukrainienne.

Cela peut donner déboucher aussi sur une recommandation au Comité des Ministres pour l'engagement d'une action appropriée, notamment pour une éventuelle exclusion dans le cadre de programmes d'assistance. Tout cela peut être connu par qui le veut.

Revenons-en à l'objet du suivi dévolu à cette commission, qui, dans le fond, s'est substituée à l'ancienne commission des pays non membres dont elle est le prolongement naturel.

Ainsi, le suivi a naturellement touché les derniers pays à adhérer, les dix qui constituent la liste actuelle. La démarche consistait à dire qu'il s'agissait du moyen de continuer à les accompagner, de stimuler et de guider la consolidation de la marche de ces pays vers la démocratie selon une logique de persuasion -le mot est bon- voire de recommandation.

Toutefois, cette procédure, bonne et nécessaire, est mal vécue par les dix pays qui la subissent actuellement. Pourtant elle doit être maintenue, mais, pour sortir d'un dilemme, il faut l'élargir. Or il n'y a pas le choix : si on l'élargit, c'est à tous les pays membres, c'est à dire aux quarante. C'est une évidence.

Je rappelle, au cas où certains auraient tendance à vouloir l'ignorer, que les anciens membres sont soumis à une certaine forme de contrôle, entre autres celui de la Cour européenne des Droits de l'Homme, à sa juridiction et à sa jurisprudence qui s'imposent à tous, donc aux pays anciens aussi.

Il y a également le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les délégués qu'il envoie auprès des pays membres effectuent des visites sans complaisance, que ce soit en France, en Grande Bretagne, en Allemagne, ou ailleurs.

Le contrôle existe donc également pour les autres.

Pour terminer, je rappelle à la lumière de ce que nous venons d'entendre, notamment au travers des propos du ministre des Affaires étrangères allemand, représentant le Président du Comité des Ministres, qu'un suivi est exercé également par le Comité des Ministres, même s'il joue d'une façon différente, ce qui est sûrement une bonne chose. Son cadre n'est pas géographique, mais plutôt thématique. Si j'ai bien compris, les thèmes retenus sont le développement de la démocratie locale, la liberté de la presse, la réforme du pouvoir judiciaire.

Nous devons donc aussi sortir du cadre géographique pour nous acheminer vers une démarche thématique.

Je propose donc que l'on y réfléchisse. Pour le moment, je vois six thèmes qui impliquent tous les autres : la démocratie pluraliste, le système judiciaire et le respect de la loi, la propriété -et non pas le droit à la propriété- l'exercice de la liberté, les minorités -non pas le droit des minorités- et les zones de conflits.

Madame la Présidente, nous avons à définir une démarche nouvelle, faite de confiance réciproque et d'égalité de traitement, d'égalité de chances pour tous. Je ne sais pas si nous sommes à la fin d'une "période romantique" comme l'a dit Mme Poptodorova mais nous tendons toujours vers un idéal quelle que soit la dureté du réel. "

A l'issue du débat, la résolution 1155, amendée, ainsi que la recommandation 1366, toutes deux figurant dans le rapport 8057, sont adoptées à l'unanimité.

7. Réforme des Nations unies - Intervention de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 22 avril)

Le rapport étudie l'ensemble des réformes structurelles " Rénover l'Organisation des Nations unies : un programme de réformes " que le Secrétaire général de l'ONU a proposé en juillet 1997. Le rapport passe également en revue la réforme proposée du Conseil de sécurité de l'ONU, qui pour l'heure n'a guère avancé.

Le Rapporteur recommande que les représentants des parlements nationaux soient davantage impliqués dans le fonctionnement de l'ONU et fait des recommandations spécifiques à cet égard. Il se propose également en faveur de la mise en place d'un tribunal pénal international dont il prône l'indépendance juridique et financière.

Le Rapporteur souligne que la réforme de l'ONU offre l'occasion de consolider la coopération avec le Conseil de l'Europe, qui s'est vu accorder le statut d'observateur auprès de l'ONU en octobre 1989. Cette coopération revêt une importance particulière avec la participation grandissante de l'ONU aux missions de maintien de la paix, humanitaires et autres dans la région couverte par le Conseil de l'Europe. Le rapport observe qu'un dialogue régulier s'est instauré entre les deux organisations sous la forme de réunions tripartites de haut niveau (auxquelles participe aussi l'OSCE)  ; sept réunions de ce type ont déjà eu lieu depuis 1993. Il propose que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe soit associée à ces réunions.

L'auteur conclut qu'il faut soutenir la réforme en cours à l'ONU et qu'il faudrait réformer le Conseil de sécurité afin de rendre cet organe plus transparent, plus démocratique et plus représentatif de la composition des Nations unies. L'expérience spécifique du Conseil de l'Europe en matière de promotion de la sécurité démocratique lui donne les qualités nécessaires pour être considéré comme une organisation régionale pour la prévention des conflits au sens du chapitre VIII de la Charte des Nations unies, et le Comité des Ministres devrait étudier les possibilités de renforcer sa coopération avec les Nations unies.

M. Jean VALLEIX, député, (RPR) , prend la parole en ces termes dans le débat :

" Il est évident que nous avons pris connaissance avec beaucoup d'attention de l'excellent rapport de Mme Severinsen sur la réforme des Nations unies, et nous partageons l'essentiel de ses observations. Le Conseil de l'Europe doit en effet soutenir la réforme des Nations unies engagée par le Secrétaire général M. Kofi Annan, dont chacun a pu apprécier le rôle dans la récente crise irakienne.

Il est vrai aussi que tous les pays sans exception se doivent d'acquitter leur cotisation, y compris les grands pays, si nous voulons que l'ONU devienne un instrument efficace, doté des moyens nécessaires pour accomplir ses missions.

Je suis également d'avis, madame le rapporteur, que le rôle des parlements nationaux doit être renforcé au sein de l'Assemblée générale des Nations unies. Cela nous invite à une réflexion sur l'évolution de l'Union européenne, également indispensable, mais sans faire disparaître le rôle de nos parlements nationaux. Enfin, tous les efforts doivent être accomplis en vue d'aboutir à l'instauration d'un tribunal pénal international permanent.

La modernisation de l'ONU, qui est en cours, doit être l'occasion de mettre à jour les relations entre cette institution mondiale et le Conseil de l'Europe. Je m'associe d'ailleurs aux réflexions exprimées par les précédents intervenants. Il serait notamment opportun de donner un contenu plus concret au statut d'observateur dont bénéficie le Conseil de l'Europe auprès de l'Assemblée générale des Nations unies.

Faut-il pour autant, et c'est mon interrogation principale, aller encore plus loin, comme le suggère le rapporteur et demander que le Conseil de l'Europe soit reconnu comme organisation régionale au titre du chapitre VIII de la Charte des Nations unies sur la base de sa contribution à la sécurité démocratique en Europe ? A cet égard, mes chers collègues, vous me permettrez de formuler quelques réserves.

D'abord, j'observe, une fois de plus, la confusion croissante qui s'instaure entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE. L'OSCE est une organisation régionale des Nations unies mais son rôle est différent. Elle a pour rôle la prévention des conflits et la gestion des crises et c'est dans le cadre bien spécifique de cette mission que l'OSCE peut avoir besoin, le cas échéant, d'un mandat du Conseil de sécurité de l'Onu. Or tel n'est nullement le cas du Conseil de l'Europe, qui a trop tendance à parler de sécurité, ce qui entretient des ambiguïtés.

Il est pour le moins surprenant d'affirmer, comme il est dit dans le résumé introductif du rapport, que le Conseil de l'Europe a pour mission la prévention des conflits. S'il l'a, c'est sur un terme de principe et de réflexion concernant les droits de l'homme aussi bien que le respect de la dignité humaine.

Par ailleurs, si le Conseil de l'Europe se place ainsi, qu'on le veuille ou non, sous la tutelle des Nations unies, nous pourrions nous voir opposer par certains Etats, dont nous retardons l'adhésion au nom de nos principes, d'autres principes plus universellement reconnus au nom du réalisme politique. J'y vois donc des sources de conflit.

Une telle transformation de la nature même du Conseil de l'Europe me paraît inopportune et je crois bien davantage à un renforcement de la coordination entre la " concertation à quarante " sur les droits de l'homme et l'Assemblée générale de l'ONU qui, en effet, sur des thèmes " transversaux " comme la peine de mort, peut exercer ses réflexions propres. Sachons en effet distinguer la mission particulière du Conseil de l'Europe.

En conclusion, je crains que, par certains aspects, nous nous engagions dans un suivisme institutionnel trop poussé. Je préférerais que nous nous affirmions davantage comme entité et que nous traitions de moins en moins du rôle spécifique que devrait assumer le Conseil de l'Europe dans la construction européenne. Or force est de constater que le plus clair de nos débats est trop consacré au statut que nous pourrions avoir au regard des autres organisations internationales. Ainsi que cela a été rappelé, il ne faut pas confondre les Nations unies et leur mission gouvernementale, si je puis dire, avec notre mission de représentation de nos parlements.

L'essentiel est la relance de l'union politique de l'Europe, question fondamentale. Elle doit être la première mission fondamentale du Conseil de l'Europe qui doit éviter de consacrer ses ordres du jour à des réflexions sur sa place par rapport à d'autres organisations. Certes, cette analyse intéressante doit être poursuivie, mais, de grâce, maintenons bien l'originalité de notre Conseil de l'Europe qui n'est pas qu'une structure régionale des Nations unies. "

Au terme du débat, la recommandation 1367, figurant dans le rapport 8052, est adoptée, amendée.

8. Derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et situation au Kosovo - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 22 avril)

Selon le rapporteur, cette année sera probablement unique dans les annales de l'Assemblée parlementaire qui aura consacré tant de temps à traiter la même question ou presque : la Yougoslavie, la crise dans la région et les répercussions de la crise.

En janvier, lors de l'adoption de la précédente résolution sur cette question, la situation n'était pas sans espoir, tout en restant très dangereuse. En janvier, il a été clairement dit : cette organisation européenne, le Conseil de l'Europe, garde un siège libre pour chaque pays européen, y compris la République fédérale de Yougoslavie.

Il a été dit aussi -non moins clairement- que ces pays pouvaient rejoindre les rangs du Conseil de l'Europe à la condition de remplir les obligations et les engagements spécifiques requis.

Que s'est-il passé d'important depuis mars, depuis l'adoption d'un projet de recommandation par la Commission permanente agissant au nom de l'Assemblée ? Tout d'abord, la table des négociations à Pritina attend toujours les négociateurs. La question concerne la communauté internationale et la population de la Yougoslavie.

Le rapport souligne qu'on ne voit pas de différence en ce qui concerne l'empressement des deux parties à ouvrir la discussion, et que le principal problème réside dans les conditions. La communauté internationale et le Conseil de l'Europe ont clairement exprimé leur point de vue : des négociations sans conditions préalables.

Après l'effondrement de l'ex-République socialiste, la République fédérale de Yougoslavie a demandé à adhérer à l'Organisation en qualité de membre de plein droit. Une procédure est prévue pour tous les pays candidats et elle s'applique aussi à la République fédérale. Le rapporteur souhaite que le Conseil des Ministres accepte et que la réponse à cette candidature soit qu'il faut suivre la procédure normale.

Si la République fédérale de Yougoslavie est en voie de devenir membre du Conseil de l'Europe, celui-ci devrait avoir le privilège de participer aux négociations. Lorsqu'un pays est candidat à l'adhésion, il doit savoir que cette Organisation a certaines préoccupations communes, c'est-à-dire qu'elle a la responsabilité morale et politique de savoir ce qui se passe dans ce pays.

Il ne s'agit donc plus de savoir si le Conseil de l'Europe doit participer, mais de savoir quelle forme cette participation doit prendre.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , prend alors la parole en ces termes :

" A mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail. Comme beaucoup d'orateurs avant moi, je répète que le problème du Kosovo peut, à nouveau, embraser les Balkans. Dans ces conditions, il n'est plus, désormais, seulement interne à la République fédérale de Yougoslavie d'autant qu'il comporte des atteintes aux droits de l'homme, des risques pour la paix et pour l'Europe. Derrière le Kosovo, comme vient de le rappeler l'un des précédents orateurs, se profile la question albanaise car 7 millions d'Albanais sont répartis dans quatre pays.

Non, cette affaire n'est plus simplement serbe. Nous ne l'avons pas voulu, mais elle est aussi devenue la nôtre. C'est probablement la raison pour laquelle le débat a été ouvert, ici, aujourd'hui, et prend cette dimension. La question ne pourra être réglée que par des moyens politiques, par la voie pacifique, donc par le dialogue et la négociation. Un groupe de contact rassemblant six pays - la France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, la Russie et les Etats-Unis - s'est saisi du dossier. La Grèce, pays voisin également concerné, peut être un médiateur d'autant qu'elle assumera prochainement la présidence de l'Union européenne.

Je n'oublie pas que l'histoire du Kosovo est aussi celle de la Serbie. Oui, le Kosovo est une pièce centrale du patrimoine, de l'histoire et de la culture de la Serbie depuis le Moyen-Age, beaucoup d'intervenants l'ont rappelé. Il y a ainsi une référence mythique à ce que certains appellent " la Jérusalem de la Serbie ". Il ne peut donc pas y avoir de solution en dehors de la Serbie, partant pas d'indépendance. On doit cependant en trouver une à l'intérieur de la République fédérale de Yougoslavie, celle de l'autonomie. Sous quelle forme ? Je n'en sais rien. Ce sera l'objet de la négociation. Les accords de Dayton - cela aussi est déjà un peu de l'histoire - ont ignoré, voire oublié, ce problème. Nous devons le régler maintenant. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs.

Au centre de tout cela se trouve aujourd'hui un homme. Je suis française et la France est l'amie de la Serbie. La France et l'Allemagne ont demandé ce débat d'urgence. Je n'ai pas envie de pratiquer la langue de bois et je n'en ai pas l'habitude.

Je suis tout à fait prête à convenir que Miloevic, président de la République fédérale de Yougoslavie, a coopéré à la mise en oeuvre des accords de Dayton : c'était aussi son intérêt. Et Miloevic a contribué à stabiliser la république serbe de Bosnie et Herzégovine, c'est une réalité. Mais, enfin ! Le Kosovo est son cheval de bataille depuis longtemps, on peut dire depuis les années 80. Très souvent, cette affaire sert à " entretenir " voire à " récupérer " un nationalisme latent en Serbie - le nationalisme est latent chez tout peuple, le mien comme les autres. Il a mis en mouvement un engrenage redoutable, celui des nationalismes dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, il continue en se servant du même argument. Nous n'allons pas tomber dans ce piège et faire semblant d'être dupes.

Aujourd'hui, politiquement, en a-t-il besoin ? Je ne le sais pas. Le contexte change : le Monténégro prend ses distances, les critiques du Président sont sévères - ce sont même des condamnations. Je me pose une question, posez-vous la aussi : que reste-t-il du dogme fondateur de la République fédérale de Yougoslavie : " Tous les Serbes unis " ?

Pour conclure, je dirai que la Serbie est un peuple ami. Miloevic n'est pas naïf, il est plutôt cynique. Je dirais qu'il est cynique. Il ne comprend et ne respecte que les rapports de force. Soit, formulons fermement nos exigences : arrêt des violences -de part et d'autre- c'est vrai, retrait des forces spéciales serbes du Kosovo, dialogue sans conditions, tierce partie.

Que M. Miloevic tienne ses engagements pris devant les deux ministres des Affaires étrangères allemand et français il y a trois semaines : négociations en présence d'un représentant du Gouvernement de la Fédération yougoslave de Serbie, c'est-à-dire son représentant. Objectif : l'autonomie du Kosovo au sein de la République serbe. Autre objectif : l'intégration de la République fédérale de Yougoslavie au sein du Conseil de l'Europe.

Alors oui, nous aurons stabilisé la paix. "

M. Jacques BAUMEL, député (RPR) , intervient à son tour dans le débat :

" Je serai d'autant plus bref que la liste des orateurs est longue.

Je voudrais, d'une part, appuyer fermement la proposition de la commission des questions politiques, soutenue par le Bureau, d'inscrire ce débat sur le Kosovo aujourd'hui, et d'autre part, dire mon accord total avec l'excellent rapport de notre président et les amendements qui viennent d'être adoptés en commission.

Dans les couloirs et ailleurs, certains journalistes m'ont demandé pourquoi parler du Kosovo lors de cette session du Conseil de l'Europe ? Eh bien, parce que je pense que nous devons dégager un triple message.

Le premier, c'est que le Conseil de l'Europe apparaisse comme l'assemblée politique qui se préoccupe essentiellement de tout ce qui concerne le droit européen, les droits de l'homme, les libertés et le respect des populations. Nous avons, hélas, dans le passé, trop méconnu ce droit et nous gardons tous un souvenir amer des événements tragiques de Bosnie et Herzégovine. Dieu veuille que nous n'ayons pas la même responsabilité dans l'affaire du Kosovo ! Il vaut toujours mieux traiter ces problèmes avant qu'après.

Le deuxième est destiné aux populations du Kosovo pour leur montrer qu'elles ne sont pas isolées, seules, abandonnées du monde civilisé que, derrière les dramatiques événements qui ont coûté la vie à cent personnes innocentes, femmes et enfants, provoqués par les forces de police et les forces spéciales serbes, il y a la conscience européenne et la volonté de les aider par des voies pacifiques, en soutenant le dialogue et en présentant les propositions, comme le souhaite le groupe de contact.

Toutefois, j'aurais bien voulu entendre de la part de l'orateur qui m'a précédé, une réponse précise à ce groupe de contact qui a fixé au 29 avril prochain, la date limite d'attente des sanctions qui seraient prises si le régime de Belgrade ne répondait pas à sa demande unanime.

Le troisième message s'adresse à la population de Serbie. En effet, nous ne voulons pas assimiler des forces politiques, des intellectuels, des travailleurs et des paysans serbes à la politique particulière du régime de M. Miloevic. Nous ne voulons pas faire de mélange. Nous savons très bien qu'un très grand nombre de Serbes souhaitent la démocratie, dans leur pays comme ailleurs, notamment au Kosovo. Ce serait une tragique erreur que de faire un amalgame entre les forces de l'opposition, qui, malheureusement, se sont trop divisées et ont perdu leur crédibilité, et un régime d'autorité comme celui du Président Miloevic.

Nous avons donc eu raison d'ouvrir ce débat. Je pense qu'une grande majorité des parlementaires européens ici présents approuvera le rapport, qui est un témoignage et un élément important dans cette affaire.

Si, par malheur, le dialogue, les procédés démocratiques, l'accord entre les parties ne pouvaient aboutir, il faudrait non pas s'orienter vers des interventions à partir de telle ou telle volonté extérieure, mais essayer de trouver une solution entre Européens, sans attendre, comme toujours, la solution du grand pays extra-européen que sont les Etats-Unis. Ces problèmes, nous devons les traiter entre Européens. Il y va de notre efficacité et aussi de notre conscience. C'est la raison pour laquelle le débat d'aujourd'hui revêt une telle importance. Il fallait l'inscrire à notre ordre du jour.

Je remercie le président de la commission des questions politiques de nous avoir présenté, grâce à son rapport, un élément important dans ce débat qui nous étreint tous, qui nous concerne tous, car nous sommes tous sensibilisés, impliqués dans cette affaire. Par delà le Kosovo, c'est toute la région des Balkans qui est concernée, c'est le problème de la paix en Europe qui est posé. "

A l'issue du débat, la recommandation 1368, contenue dans le rapport n° 8082 est adoptée, avec amendements.

9. Dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), Paul DHAILLE, député (Soc), Claude EVIN, député (Soc), et Jean BRIANE, député (UDF) (Mercredi 22 avril)

Partant du constat que, malgré la prise de conscience des dangers de l'amiante dans les années 60 et les mesures prises, ceux-ci sont toujours présents, le rapport invite à une interdiction totale de son utilisation et à la recherche des produits de substitution.

Il préconise en outre, et entre autres :

- la mise en place de mesures sanitaires et sociales pour répondre à l'accroissement prévisible des maladies liées à l'amiante,

- une information et une protection médicale adéquate immédiate des travailleurs à risques,

- des politiques de réhabilitation de l'environnement.

En outre, le Rapporteur en appelle à la responsabilité des Etats membres pour empêcher l'exportation du problème vers les pays du Tiers Monde.

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , formule les observations suivantes :

" Je me réjouis que notre rapporteur M. Cox propose une recommandation forte : l'interdiction de l'utilisation de l'amiante dans les différents Etats membres, et je le félicite.

En effet, le caractère cancérigène de l'amiante, suspecté dans les années 30 et prouvé dans les années 60, est désormais admis et reconnu par tous. Néanmoins, l'amiante a été largement utilisé dans les années 50-80, en méconnaissant toutes ses conséquences sur la santé de l'homme.

Depuis vingt ans, la prise en compte du danger représenté par l'amiante a conduit les différents responsables gouvernementaux à diminuer régulièrement les valeurs limites d'exposition des travailleurs telles que les seuils limites d'empoussièrement sur les lieux de travail et l'interdiction du flocage.

Aujourd'hui, nous avons la certitude de l'effet cancérigène de l'amiante. Les effets pathogènes de l'amiante sont de trois ordres et liés à son inhalation : les asbestoses décrites dès 1907 par un inspecteur du travail français, le cancer du poumon et le mésothéliome, c'est-à-dire le cancer de la plèvre.

Les effets pathogènes sont liés au caractère indestructible des fibres, à leur dépôt dans le tissu pulmonaire et leur migration facile vers l'enveloppe du poumon. Il faut se souvenir qu'une fibre d'amiante est de 400 à 2 000 fois plus petite qu'un cheveu humain et n'est pas décelable à l'oeil nu.

C'est en 1955 que l'enquête épidémiologique de Richard Doll dans une usine textile d'Angleterre apporte la preuve du lien entre exposition à l'amiante et cancer du poumon. Pour le mésothéliome, c'est en 1960 que Wagner établit le lien entre l'amiante et cette maladie, à partir de cas de mineurs ayant travaillé dans une mine de crocidolite en Afrique du Sud. Toutes les études épidémiologiques ont confirmé sans équivoque le lien entre l'amiante et le cancer, ainsi qu'entre l'amiante et le mésothéliome, à forte dose.

Des incertitudes demeurent sur l'extrapolation aux faibles doses de la relation linéaire entre exposition et risque de cancer et sur l'existence ou non d'un seuil.

Une autre incertitude a trait aux différences à faire ou non entre les différents types d'amiante, en particulier une éventuelle moindre nocivité du chrysolite. Un rapport d'expertise collective d'un institut de recherche en santé médicale en France conclut au caractère cancérigène indiscutable pour toutes les fibres, y compris le chrysolite, même si la nocivité de ce dernier est moindre pour le mésothéliome.

Malgré ces incertitudes et ces doutes, il nous faut, avec le philosophe allemand Hans Jonas, renverser le principe cartésien : "dans le doute abstiens-toi" au profit du principe de précaution : "au moindre doute, décide". M. Cox a donc raison de proposer l'interdiction de l'amiante, comme d'autres pays l'ont déjà mise en oeuvre, notamment la France en juillet 1996.

On pourrait encore se demander si une utilisation contrôlée ne serait pas une étape moins drastique que l'interdiction totale. Un récent rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques montre l'échec total de cette voie.

J'aimerais ajouter deux commentaires.

Dans les mesures à court terme, il est proposé de "recenser les applications anciennes de l'amiante et interdire les nouvelles" cela me paraît certes nécessaire, mais insuffisant et pas assez fort. Ainsi formulée, cette proposition semble se satisfaire de la seule interdiction. Or la caractéristique principale des pathologies liées à l'amiante est leur très long temps de latence.

Il est indispensable d'établir un inventaire des bâtiments contenant de l'amiante, comme des matériaux en contenant. Selon l'état du matériau, après analyse, il convient de déterminer s'il existe un risque pour les populations ou les travailleurs exposés et si des travaux de désamiantage s'imposent. On quitte le domaine strict des travailleurs, mais si des enfants sont exposés dans une école, ils méritent une aussi grande attention.

Dès lors qu'une population aurait été exposée au risque amiante, d'une façon volontaire ou non, il faut mettre en place automatiquement un suivi médical. Pour cela, il faut recenser toutes les populations touchées et ce recensement va bien au-delà des seuls travailleurs de l'amiante.

L'interdiction de l'amiante est un signe fort que donne notre Assemblée, tant vers les gouvernants que vers le public. Les efforts des élus, pour garantir une santé publique satisfaisante, ne doivent pas s'arrêter là.

Il faut assumer le passé et le passif en mettant en oeuvre une politique de recensement des utilisations passées de l'amiante, de leur risque pour les travailleurs et les populations exposées, une politique de recensement des populations exposées et de leur suivi médical.

Enfin, les responsables politiques devront être très attentifs au problème des fibres de substitution, en mettant en place une réglementation stricte, voire coercitive, avant toute certitude sur l'innocuité de ces fibres.

D'une manière générale, il devient impératif de mettre en oeuvre des outils d'évaluation des risques pour mieux les gérer et s'en prévenir. "

M. Paul DHAILLE, député (Soc) , prend la parole en ces termes :

" Ce rapport sur les dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement, même s'il n'est pas le plus médiatique, est extrêmement important pour asseoir la crédibilité du Conseil de l'Europe auprès de nos concitoyens si sa diffusion est bien assurée auprès de nos gouvernements, de nos collègues parlementaires, auprès des associations de défense de l'environnement et surtout, auprès des syndicats et des organisations qui défendent les travailleurs victimes d'accidents ou de maladies du travail. Même s'il s'agit là d'un problème particulier, la valeur générale de notre démarche et de ce rapport risque de s'appliquer à d'autres matériaux, à d'autres produits naturels ou chimiques, à d'autres techniques dans les années à venir.

En effet, les progrès de la science peuvent mettre en évidence la nocivité de ces matériaux, de ces produits ou de ces techniques pour la santé publique ou l'environnement. Ainsi l'utilisation des hormones pour la croissance des animaux, la modification génétique des plantes, peuvent déjà poser des problèmes, tout au moins doivent-elles déjà poser des questions aux responsables politiques.

Ainsi le cas de l'amiante paraît tout a fait représentatif. Son caractère cancérogène, suspecté depuis les années 30 et prouvé depuis les années 60, est désormais admis et reconnu. Longtemps les intérêts économiques ont retardé la prise de conscience de ce caractère nocif pour la santé publique, mais les maladies dues à l'amiante (asbestoses, cancers du poumon, mésothéliomes), qui ont un temps de latence très long, pouvant aller jusqu'à quarante ans, frappent aujourd'hui un nombre croissant de travailleurs. Ainsi l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) chiffrait à 1 950 le nombre de décès liés à l'amiante en France en 1996. C'est aussi la date à laquelle a été prise la décision d'interdiction de fabrication, d'importation et de mise en vente de l'amiante dans notre pays. Avant cette date, l'amiante a été très largement utilisée, spécialement dans les années 1950-1980, et ce n'est que depuis vingt ans que la prise en compte du danger représenté par l'amiante a conduit les pouvoirs publics français à diminuer les valeurs limites d'exposition tolérées pour les travailleurs, jusqu'à l'interdiction définitive de 1996.

Cependant, on se rend compte que le cheminement a été très long, que de nombreux drames ont été provoqués pendant toutes ces années et que les conséquences perdureront encore longtemps.

Aujourd'hui, à la suite des dispositions communautaires, des mesures législatives et réglementaires prises par de nombreux pays, des avis de l'Organisation mondiale de la santé et du Bureau international du travail... et, bien sûr, de notre débat de ce jour, plus personne, patrons, ministres, parlementaires, fonctionnaires, ne peut dire qu'il n'était pas au courant du caractère cancérogène de l'amiante. Dans ces conditions, il est nécessaire de prendre des mesures et tout retard supplémentaire serait lourd de conséquences. Chacun est ainsi mis devant ses responsabilités.

Tout d'abord, l'adoption de ce rapport sera un moyen supplémentaire pour les travailleurs victimes de l'amiante de faire reconnaître la réalité des affections dont ils sont atteints et qui doivent être reconnus comme des maladies professionnelles ouvrant à des droits particuliers quant à la couverture des soins et à la réparation financière.

Mais au-delà des réponses à apporter à ces problèmes douloureux, il appartient à nos gouvernements et aux autorités locales de faire le recensement des bâtiments contenant de l'amiante. Il me semble que, conformément au principe de responsabilité, la liste de ces bâtiments doit être soumise aux assemblées délibérantes et portées à la connaissance de la population. Les opérations de "désamiantage" pourront alors être entreprises en veillant à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. Les équipes chargées de l'enlèvement de l'amiante et les procédures techniques devront répondre à des critères très stricts, car si l'amiante, par exemple, enrobé apparaît moins dangereux, dès qu'il retrouve une forme volatile, il retrouve aussi ses caractéristiques nocives.

J'apporterai donc mon appui à cet excellent rapport, qui poursuit une action intéressante de notre assemblée au service de nos concitoyens. C'est pourquoi, je souhaite que ce rapport connaisse une large publicité et que, en particulier, nous le diffusions sur le site Internet du professeur Claude Got, qui offre déjà un "corps" de texte d'environ 1200 pages sur ce sujet et des liens avec de nombreux autres sites consacrés à cette question. "

M. Claude EVIN, député (Soc) , intervient à son tour dans le débat :

" Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue Tom Cox pour le travail qu'il a réalisé autour de ce rapport : travail d'investigation des différents points de vue scientifiques et d'audition des différents acteurs concernés.

Le développement de l'utilisation de l'amiante a eu lieu dans une période où le progrès scientifique technologique et économique occultait souvent les effets nocifs de l'amiante sur la santé au travail, sur la santé publique et sur l'environnement. Or, la nocivité de l'amiante est connue depuis le début du siècle et son caractère cancérogène est aujourd'hui reconnu et confirmé.

L'amiante provoque des maladies extrêmement graves, essentiellement professionnelles  : asbestose, atteinte non cancéreuses de la plèvre, mésothéliome, c'est-à-dire des tumeurs malignes localisées au niveau de la plèvre et du péritoine.

Je voudrais rappeler que l'amiante a été classée cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dès 1977. Toutes les études épidémiologiques qui ont été réalisées auprès de cohortes de travailleurs exposés, professionnellement à des concentrations très élevées de fibre d'amiante ont montré que ces travailleurs avaient dix fois plus de risques que la population normale d'avoir un cancer du poumon et vingt fois plus de risque d'avoir un mésothéliome.

Certains veulent dissocier les différents amiantes quant aux risques qu'ils induisent. On sait aujourd'hui, et les études épidémiologiques le prouvent, que toutes ces fibres, quelle que soit leur origine, que ce soit des chrysotiles ou des amphiboles (c'est-à-dire de l'amiante brun ou bleu) provoquent des risques identiques de cancer du poumon.

Concernant le mésothéliome, les études montrent que les risques sont plus élevés pour des expositions aux amphiboles et aux mélanges d'amphiboles et de chrysotile que pour les expositions au chrysotile seul, mais une part de risque existe aussi pour le chrysotile.

Et même ceux qui, au sein de cette Assemblée défendent le chrysotile, reconnaissent de fait qu'il peut développer des états pathologiques. Ils nous disent en effet que, lorsqu'il est utilisé à faible dose, il ne provoque pas de pathologie, il reconnaissent donc qu'au-delà d'un certain seuil, il y a bien danger et chacun sait que l'argument sur l'importance des doses ne tient qu'au regard de la durée d'exposition. Si un travailleur est exposé pendant toute sa vie professionnelle à de faibles doses, il encourra des risques réels.

En tout état de cause, devant un débat qui existe entre experts, nous devons apprécier les décisions à prendre dans l'intérêt de la santé publique des travailleurs concernés, mais aussi de la population exposée, en fonction du principe de précaution.

Il ne s'agit bien évidemment pas de parvenir à un risque zéro. Le risque zéro n'existe pas.

L'enjeu de nos politiques de prévention est de réduire le risque. Même lorsque le risque zéro semble hors d'atteinte, nous devons tout faire pour tendre vers un risque acceptable. Le risque devient acceptable lorsqu'il est connu. Le risque est inacceptable lorsqu'on ne connaît pas la probabilité de son ampleur. Le risque est inéquitable et provoque une réaction sociale forte lorsqu'il expose plus particulièrement certaines catégories socio-professionnelles. Le risque amiante est devenu inacceptable, tout à la fois parce qu'on ne mesure pas totalement l'ampleur de ses conséquences sanitaires et parce qu'il atteint plus particulièrement certaines catégories sociales (ouvriers de la construction navale, métiers du bâtiment...).

Or, nous avons, sur les politiques suivies concernant le risque amiante, des expériences différentes dans nos différents pays. C'est ainsi que, par exemple, la France a pendant plusieurs années développé une politique d'utilisation contrôlée de l'amiante. On a pu mesurer aujourd'hui que cette politique est un échec, notamment parce qu'on a pu constater que le contrôle de cette utilisation est particulièrement difficile à gérer. Cette situation a conduit la France à décider, à compter du 1 er janvier 1997, à interdire la fabrication, l'importation et la mise en vente de produits contenant de l'amiante. Seules quelques dérogations très limitées ont été prévues pour certains produits, tels que les vêtements ignifugés utilisés par les pompiers.

Je pense que l'on doit aller dans chacun de nos pays européens vers une telle interdiction et, de ce point de vue, le projet de recommandation de Tom Cox aurait pu aller plus loin encore qu'il ne le fait. Tom Cox a souhaité affirmer des objectifs réalisables et je crois que c'est la sagesse.

Aux pays qui mettent en avant l'aspect économique du problème posé, je pense que nous devons rappeler que la santé des travailleurs ne peut passer après des intérêts économiques.

Certes, tout ne peut, sur ce plan, se régler en quelques mois, mais nous devons d'abord affirmer clairement les objectifs que nous poursuivons pour défendre les droits de l'homme, y compris sur le plan social, puis nous examinerons les moyens qu'il nous faudra collectivement mettre en oeuvre au niveau de l'ensemble de la communauté que nous formons pour nous aider mutuellement à atteindre nos objectifs.

Le rapport de Tom Cox fixe ces objectifs et trace ces moyens. Il mérite d'être largement approuvé. "

Sur le projet de recommandation, Mme Kulbaka (Fédération de Russie) intervient pour un rappel au règlement " considérant que la Commission a rejeté sans débat les trente amendements de la délégation russe, réitère sa demande de renvoi en commission. Cela permettrait un réexamen attentif, tant des données scientifiques que des éléments fournis par la Russie ".

Après avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille exprimé par son rapporteur, M. Thomas Cox, l'Assemblée rejette la demande de renvoi en commission.

Puis au cours de la discussion des amendements déposés par la Fédération de Russie, alors que celle-ci souhaite retenir la rédaction suivante d'un paragraphe du projet de recommandation :

" l'Assemblée a pris connaissance de la situation dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe concernant l'utilisation de l'amiante... ",

considérant qu'il n'a pas été tenu compte de l'expérience de la Russie qui fait pourtant partie du Conseil de l'Europe,

M. Jean BRIANE, député (UDF) , intervient de la façon suivante, contre l'amendement :

" Tout a été dit sur les dangers de l'amiante ! Au Conseil de l'Europe, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Nos collègues russes doivent accepter cette évidence ".

Rejeté par la Commission, l'amendement n'est pas adopté par l'Assemblée.

Au terme du débat, la recommandation 1369 figurant dans le rapport 8015 est adoptée, modifiée.

10. Activités de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1994-1997 - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Jeudi 23 avril)

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) s'efforce de fournir aux Etats ainsi qu'aux individus une assistance visant à assurer le bon déroulement des processus migratoires dans le monde entier, en partant du principe que les migrations représentent une force positive pour le développement social et économique.

Le rapporteur souligne tout particulièrement l'action de l'OIM dans la région de l'ancienne Yougoslavie où elle apporte, entre autres, une contribution très importante au rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées.

De même, les programmes de retour assurés par l'OIM offrent une solution digne aux milliers de migrants bloqués en Europe centrale et orientale.

Outre son action humanitaire en matière d'assistance directe aux migrants, l'OIM aide les pays intéressés à mettre en place des politiques et à développer le cadre institutionnel pour gérer les flux migratoires sur leurs territoires. Cette assistance est particulièrement importante dans les Etats de l'ex-Union soviétique qui font actuellement face à des migrations accrues de toutes sortes.

Vu les changements intervenus tant en Europe qu'ailleurs dans le monde, l'OIM a redéfini sa mission afin qu'elle corresponde mieux aux besoins actuels et s'est fixé des objectifs stratégiques dans le but de devenir la principale organisation mondiale pour les migrations d'ici à l'an 2000.

L'Assemblée considère que, suite à l'élargissement du Conseil de l'Europe ainsi qu'à une diversification des activités tant de l'OIM que du Conseil de l'Europe, le besoin d'une coopération accrue entre les deux Organisations va croissant.

Cette coopération plus étroite devrait prendre forme tant au niveau des Etats membres dont le plus grand nombre devraient devenir membres de l'OIM qu'au niveau des relations institutionnelles entre l'OIM et le Conseil de l'Europe.

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , intervient dans le débat de la façon suivante :

" Au nom de mon groupe, je tiens à féliciter notre collègue Mme Aguiar pour le rapport de qualité qu'elle nous présente et que nous approuvons, rapport inspiré par le souci de la dignité des personnes comme de la responsabilité politique.

Ces deux axes doivent d'ailleurs toujours guider notre action dans ce domaine particulièrement sensible en Europe. Le phénomène migratoire est, sans conteste, l'un des défis les plus difficiles qui se pose à l'Europe.

S'il s'agit d'un phénomène positif, comme le rappelle notre rapporteur, il est aussi, hélas, d'une certaine façon, le symptôme d'un échec : celui des migrants économiques qui fuient un insuffisant développement de leur pays d'origine ; celui des réfugiés qui fuient les guerres civiles ou des violations des droits de l'homme menaçant la liberté et jusqu'à la vie des personnes. Cela nous impose un devoir d'accueil.

Lorsque ces phénomènes se produisent dans une conjoncture marquée par un fort taux de chômage sur le continent européen, et lorsqu'on sait que la seule Union européenne compte cinq millions de ressortissants des douze pays méditerranéens non membres de l'Union européenne, on mesure l'ampleur du défi qui nous est lancé.

Le rapport de Mme Aguiar préconise un certain nombre de recommandations qui doivent permettre de relever ces défis, mais je n'insisterai que sur deux aspects.

Le premier concerne la nature des actions à entreprendre pour mieux maîtriser les flux migratoires.

Personne, au Conseil de l'Europe moins qu'ailleurs, ne peut nier la nécessité de veiller au respect des valeurs humanitaires lorsqu'il s'agit de migrants, de réfugiés, de personnes déplacées. Cependant, nous ne pouvons pas pour autant laisser se développer sans limite les migrations incontrôlées ou les migrations en situation irrégulière ou clandestine. Elles risquent de porter en elles les germes de réactions imprévisibles susceptibles de se retourner contre le principe même des migrations dont Mme Aguiar nous rappelle, à juste titre, qu'elles ont contribué à l'essor de l'Europe.

Nous approuvons la nécessité de donner la priorité aux actions d'information, aux actions de formation des hommes, aux programmes de réinstallation des réfugiés et à l'aide au retour des migrants. Chaque fois que l'OIM et l'Europe pourront contribuer au développement sur place dans les pays d'origine des migrants, ils oeuvreront pour la détente et la paix, mais aussi pour la dignité des personnes.

Le second aspect que je veux évoquer concerne la coopération entre toutes les institutions et structures concernées par les migrations.

L'OIM a acquis une bonne expérience et nous devons l'en remercier. Notre gratitude va vers son directeur général qui, avec conviction et énergie, mène son action. Pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés, il faut que la coopération entre tous les partenaires internationaux et les gouvernements nationaux soit accélérée et renforcée. Il y a des doubles emplois alors que les moyens financiers sont mesurés. Il faudra les éviter à l'avenir. Il est également indispensable d'harmoniser les législations et les politiques en Europe. Notre effort doit être collectif pour mettre au point une politique des migrations harmonieuse.

Il est nécessaire que le Conseil de l'Europe et son Fonds social jouent leur rôle et tout leur rôle non pas en s'occupant de ce que d'autres organisations savent faire, mais en permettant, grâce à leur expérience, la concrétisation des orientations que Mme Aguiar nous propose. Nos sociétés européennes sont très attentives à notre capacité de maîtriser les flux migratoires tout en veillant toujours au respect de la dignité. Au Conseil de l'Europe d'user de son influence et de son expérience pour y contribuer dans le respect des valeurs qui sont les nôtres. "

La recommandation 1370, figurant dans le rapport 8053, est adoptée à l'issue du débat, amendée.

11. Situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du processus de paix au Proche-Orient - Interventions de MM. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV), et Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 23 avril)

Selon le rapporteur, quelque 3.400.000 réfugiés sont enregistrés auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) chargé de satisfaire leurs besoins essentiels.

En attendant la fondation d'un Etat palestinien qui donnerait à certains réfugiés la possibilité d'exercer leur "droit au retour", M. Atkinson présente, dans son rapport, la base de choix suivants qui pourraient être proposés aux réfugiés, sous réserve des résultats des négociations entre Israël, l'Autorité palestinienne et les autres gouvernements concernés  :

- se réinstaller dans le nouvel Etat palestinien,

- rester dans le pays d'accueil en tant que titulaires de passeports palestiniens ayant droit à la propriété et au travail mais non à la citoyenneté,

- le cas échéant, obtenir la citoyenneté du pays d'accueil,

- se réinstaller dans d'autres pays extérieurs à la région en fonction des quotas qu'ils proposent,

- retourner, le cas échéant, dans les Etats du Golfe,

- retourner en Israël dans le cadre d'un regroupement familial à caractère humanitaire, suite à l'acceptation d'un quota par cet Etat.

Pour permettre aux réfugiés vivant dans les camps d'intégrer des logements permanents, le rapporteur propose la création d'un "Fonds pour le statut définitif des réfugiés et des personnes déplacées de Palestine" qui devrait financer cette réinstallation.

Il insiste enfin sur la nécessité de maintenir le mandat et les services de l'UNRWA jusqu'à ce que d'autres dispositions soient prises.

M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) , prend la parole en ces termes :

" Je remercie M. Atkinson de son excellent rapport, et je le remercie d'être allé sur place dans les territoires occupés, dans les pays de la zone, passant outre le refus de notre Bureau. Il n'est pas à l'honneur de notre Assemblée que le Bureau ait refusé d'accepter et de financer cette mission, qui lui aurait donné encore plus d'importance et d'indépendance.

La question des réfugiés de Palestine, question lancinante et récurrente, jamais réglée, est sans conteste une question humanitaire parce qu'elle concerne quatre millions de personnes, dont plus d'un million vivent dans des camps dans des conditions épouvantables.

Mais c'est avant tout une question politique qui doit être résolue politiquement. D'abord parce que de sa solution dépendent très certainement et très largement la fin du terrorisme et des actions d'Intifada. Ensuite, parce que les Palestiniens sont chez eux en Palestine. Ils y sont chez eux historiquement. Le droit doit suivre l'histoire : le peuple palestinien a donc le droit de revendiquer un Etat indépendant avec toutes les compétences qui s'y attachent. C'est une question préalable, oui, M. Atkinson a eu bien raison de le dire. Elle est le préalable à la solution des autres problèmes dont celui des réfugiés palestiniens qui se trouvent dans d'autres pays de la zone ou ailleurs.

Or, la création d'un Etat palestinien est aujourd'hui enrayée. Certes, la communauté internationale a beaucoup oeuvré en ce sens, les pays d'Europe, notamment la Norvège - j'ai été un peu étonné de l'intervention de notre collègue norvégien, mais toutes les idées peuvent s'exprimer, même les plus excessives - et les Etats-Unis d'Amérique. Aujourd'hui on le voit bien, le processus de paix est arrêté. Il ne faut plus parler des accords d'Oslo, c'est, à mon avis, une affaire enterrée.

Parce que, depuis 1996, le Gouvernement israélien mène sur le plan intérieur et international une politique hostile à la poursuite du processus de paix. Sur le plan intérieur, notre collègue vient de le dire aujourd'hui, cette politique n'arrête pas de mener des actions de provocation à l'égard des Palestiniens par l'extension des colonies de peuplement.

Aujourd'hui, la communauté internationale doit aller plus loin, ne pas se contenter de simples pressions diplomatiques. Il faudra en venir vraisemblablement à des sanctions économiques contre Israël : ce sera une façon de célébrer le cinquantième anniversaire de cet Etat qui ne comprend pas où est son intérêt et celui de la communauté internationale.

Enfin, notre Assemblée elle-même doit tout faire pour que le Conseil palestinien obtienne ici un statut d'observateur. Aujourd'hui, nous sommes dans un débat surréaliste. Les uns et les autres nous nous exprimons, nous entendons l'opinion d'un représentant d'Israël, mais nous n'entendons pas l'opinion d'un représentant du Conseil palestinien. Ce n'est pas une bonne manière de débattre. Le Bureau aurait eu toute latitude pour inviter à titre exceptionnel un représentant du Conseil palestinien et le laisser s'exprimer à cette tribune. Voilà qui aurait donné à nos débats un tour démocratique plus intéressant.

Le Conseil de l'Europe se targue d'être une Assemblée qui se préoccupe des droits de l'homme, de la démocratie. Mais la démocratie, les droits de l'homme c'est d'abord ici chez nous qu'ils doivent être appliqués ! Je regrette que dans ce débat ils ne l'aient pas été complètement. "

M. Jean BRIANE, député (UDF) , intervient à son tour :

" Je veux tout d'abord féliciter la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie et tout particulièrement son rapporteur, M. David Atkinson, de l'excellent rapport qui nous est présenté.

Tout a été dit sur ce drame du Proche-Orient, qui doit mobiliser notre attention durablement et pas seulement le temps d'un débat.

J'approuve le contenu du projet de résolution proposé et je ne ferai que quelques brefs commentaires.

Il est de la responsabilité de la communauté internationale d'apporter une solution durable au problème palestinien. Celle-ci s'est mobilisée pour qu'existe un Etat hébreu et pour que les Israéliens aient une patrie.

Aujourd'hui, la communauté internationale doit se mobiliser pour un Etat palestinien et pour que les Palestiniens aient, eux aussi, leur patrie.

C'est la condition " sine qua non " pour qu'une paix durable s'instaure dans cette contrée du monde.

J'ai connu, dans ma jeunesse, la période de la montée du nazisme. J'ai vécu en France, l'occupation de l'envahisseur nazi et sa détermination à écraser tous ceux qui osaient s'opposer à son sinistre projet. Je sais quels risques ont pris de nombreux Français et le courage dont ils ont fait preuve, quelquefois au péril de leur propre vie, pour éviter la déportation et l'extermination de Juifs.

Je ne puis admettre qu'aujourd'hui tout ne soit pas mis en oeuvre par la communauté internationale pour mettre fin au drame palestinien.

Le Conseil de l'Europe se doit d'apporter sa contribution à cette entreprise de paix. Israël doit comprendre que sa propre sécurité dépend de la solution du problème palestinien. "

Au terme du débat, la résolution 1156 figurant dans le rapport 8042, amendée, est adoptée.

12. Mauvais traitements infligés aux enfants - Rapport de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Jeudi 23 avril)

Le rapport de Nicolas ABOUT énonce les différentes formes de maltraitance des enfants dans le but de mettre en place, sur le plan européen, des moyens permettant de combattre ce phénomène à tous les niveaux.

La découverte d'un certain nombre de crimes, et le constat selon lequel l'exploitation et les abus sexuels ne connaissent pas de frontières, ont conduit à déployer en Europe de nouveaux efforts pour lutter contre divers aspects de ce problème - y compris la pédophilie, la prostitution, la pédopornographie, l'inceste et les autres abus au sein de la famille.

Le rapport condamne également la stérilisation abusive et la mutilation génitale des petites filles, et lance un appel en faveur de la mise à jour des réseaux mafieux qui s'adonnent au trafic de nouveau-nés et d'enfants en bas âge pour alimenter le marché international de l'adoption.

Le rapport préconise la mise en place d'un fichier international de personnes reconnues coupables d'infractions contre des mineurs. Ce fichier, qui serait tenu par la Cour européenne des Droits de l'Homme, viserait en particulier à éviter que des pédophiles potentiels trouvent un emploi lié à la garde et à l'éducation des enfants dans d'autres pays européens.

En même temps, le rapport invite les gouvernements :

- à établir des listes de pédophiles qui puissent être consultées par les autorités nationales et étrangères ;

- à normaliser les définitions de la pédophilie dans toute l'Europe et à criminaliser certains comportements pratiqués dans des sectes ou au sein de la famille ;

- à indiquer clairement que la prostitution de mineurs est toujours assimilable au viol ou aux sévices sexuels ;

- à s'en prendre au tourisme sexuel en organisant des conférences avec les pays concernés et en s'attachant à promouvoir la coopération des polices ;

- à traiter de façon adéquate les enfants victimes de mauvais traitements, afin qu'ils ne deviennent pas à leur tour auteurs d'abus semblables ;

- à placer ces enfants dans des familles, plutôt qu'en institution ;

- à mettre en place des lignes téléphoniques directes que les enfants puissent utiliser gratuitement pour obtenir de l'aide ;

- à faire en sorte que les procédures judiciaires ne soient pas traumatisantes compatissantes pour les victimes, et à modifier les délais de prescription, afin qu'un adulte puisse, le cas échéant, faire état de la maltraitance qu'il a subie lorsqu'il était enfant ;

- à améliorer la formation de tous ceux qui sont en contact professionnel avec des enfants (services de soins sociaux et de santé, médecins, police et tribunaux).

Présentant son rapport, au nom de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) , formule les observations suivantes :

" Selon un moraliste français, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère. Telle est l'optique dans laquelle je souhaiterais que nous abordions le débat sur le projet de recommandation visant à la prévention et à la répression des formes les plus graves des mauvais traitements à enfants.

Ces formes, si elles apparaissent très différentes les unes des autres -pédophilie, pornographie, prostitution, inceste, mutilations, maltraitance familiale, rapt en vue d'adoption- ont pourtant un trait commun ou plutôt une cause commune : l'enfant est toujours traité comme une marchandise.

Toute notre civilisation tend à la protection des plus vulnérables, je dirai même à la protection des faibles. Pour ma part, je vois dans la défense des plus vulnérables la première mission du législateur. Force est pourtant de constater que, à ce principe de notre civilisation européenne, s'opposent de plus en plus vivement certaines tendances du monde actuel.

D'abord, la mondialisation, la "globalisation", qui facilite les voyages, les communications, la circulation de toutes sortes d'informations, mais aussi la circulation d'argent sale, l'extension des activités mafieuses et l'affaiblissement des contrôles étatiques sur des comportements tenus pour contraires à l'ordre public.

Ensuite, la remise en cause des normes de comportement fondées sur des valeurs également partagées et la tendance à reconnaître l'individualisme comme manifestation ultime de la liberté.

En outre, la persistance paradoxale de relations archaïques de domination de l'adulte envers les enfants, des hommes envers les femmes, et notamment envers les fillettes.

Enfin, le choc d'immenses inégalités économiques, la richesse des uns facilitant toutes les formes d'exploitation de la misère des autres et en particulier l'utilisation des enfants comme une marchandise, sous forme de pédophilie, de pornographie ou de prostitution enfantine, jusqu'au rapt en vue d'adoption, après intervention d'intermédiaires plus ou moins mafieux.

Aussi vous proposerai-je, à partir de cette réaffirmation et du constat de l'augmentation préoccupante des atteintes graves à la personne des enfants, de recommander aux Etats membres d'adopter une dispositif cohérent. D'une part, ce dispositif s'appuie sur des travaux antérieurs de notre Assemblée, pour les regrouper et les compléter. D'autre part, le projet de recommandation recherche un équilibre entre deux attitudes complémentaires, la prévention et la répression des violences aux enfants. Enfin, notre recommandation innoverait par rapport, notamment, aux conventions des Droits de l'enfant, qu'il s'agisse de celles des Nations unies ou de celle du Conseil de l'Europe, qui ont trop tendance, à mes yeux, à traiter les enfants comme des petits adultes, qui seraient suffisamment protégés dès lors qu'ils pourraient plaider en justice contre ceux qui abusent d'eux.

Du fait même de sa faiblesse physique, de son discernement encore insuffisamment formé, et surtout de l'imbrication des liens affectifs ou de subordination avec les auteurs mêmes de violences, l'enfant doit bénéficier de protections particulières qui vont au-delà de simples extensions procédurales. Notre projet de recommandation énonce donc les différentes formes de violences contre lesquelles les enfants doivent être protégés par des législations expresses. Les paragraphes un à onze constituent une sorte de préambule qui justifie l'intervention de notre Assemblée. Les paragraphes suivants énumèrent les formes de violence contre lesquelles nous appelons les gouvernements du Conseil de l'Europe à lutter à la fois par la prévention et par la répression.

S'agissant de la pédophilie, la proposition vise à faire progresser l'harmonisation des qualifications juridiques et à développer le suivi médico-psychologique des délinquants.

Pour ce qui est des messages diffusés par voie électronique notamment sur le réseau Internet, l'Europe ne peut se contenter d'attendre l'interprétation que donnera la Cour suprême des Etats-Unis, à l'occasion d'un procès particulier, de l'étendue respective de la liberté d'expression, garantie par le premier amendement à la Constitution américaine, et de la répression des messages pédophiles. Le Conseil de l'Europe est le lieu approprié pour la définition d'une approche qui nous soit commune, en conformité avec un modèle européen humaniste.

Enfin, nous devons inviter nos gouvernement à être vigilants vis-à-vis de " communautés de vies " où certains " gourous ", sous couleur d'amour universel, abusent d'enfants, coupés de l'école comme des membres de leur famille non adeptes de la communauté, et donc doublement perturbés, privés de repères affectifs et sociaux.

En ce qui concerne l'exploitation pornographique d'enfants, le projet de recommandation propose l'harmonisation des qualifications juridiques et des régulations des messages électroniques. Je crois également que nous ne devons pas accepter la distinction spécieuse entre détention privée d'images pornographiques mettant en scène des mineurs et commerce de ces images. Celui qui visionne est nécessairement complice de la violence faite à l'enfant filmé. Les réseaux d'échanges privés rendent d'ailleurs sans portée juridique cette distinction, mais offrent une excuse commode aux consommateurs de pornographie enfantine. Comment prouver que des cassettes détenues par un particulier ont été réalisées par le détenteur lui-même, achetées ou échangées ? Le troc n'est-il pas la forme du commerce la plus primitive ?

Quant à la prostitution d'enfants, je voudrais que notre assemblée affirme nettement qu'il ne s'agit pas d'une modalité particulière d'exercice de la prostitution, activité par ailleurs tolérée, mais qu'il s'agit bien d'un viol quand un mineur est en cause et qu'il a subi une pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit. Je serais scandalisé si l'on considérait que la remise d'argent exonère le client - un violeur - de son crime.

Dans le cas de la prostitution enfantine, il convient de distinguer nettement entre l'attitude à tenir vis-à-vis des victimes, qui doivent être aidées et déculpabilisées, et vis-à-vis des clients et proxénètes où l'on doit être d'une grande sévérité. Cette sévérité se justifie par la gravité de l'atteinte à la santé des enfants comme à leur développement psychologique et social ; elle se justifie aussi par le cynisme de l'exploitation de populations réduites aux formes les plus extrêmes de la soumission. Les destinations du tourisme sexuel parlent d'elles-mêmes : jeunes marginaux des banlieues de certaines capitales européennes, "enfants des rues" d'Asie ou d'Amérique latine et, maintenant, jeunesse désocialisée par l'explosion démographique en Afrique noire.

J'en viens à l'inceste. Les conséquences de ce crime ne doivent pas être méconnues tant elles sont destructrices de la personnalité de l'enfant. L'essentiel est de développer la formation des personnels des services qui sont au contact des enfants, enseignants, infirmières, médecins... afin que tous soient à l'écoute des enfants et puissent détecter des atteintes souvent tenues secrètes. Mais il convient aussi de développer une formation spécifique des services de justice et de police.

Quelques mots sur les procédures pénales et les délais adaptés pour agir en justice. On a cherché, en France comme dans plusieurs pays, à adapter les interrogatoires par la police et la justice pour éviter, le plus possible, d'aggraver le traumatisme des enfants victimes. La présence de femmes dans ces services est un élément généralement sécurisant pour les enfants. De même, on devrait chercher à limiter au minimum la répétition du récit des faits, par exemple en enregistrant l'interrogatoire initial.

En matière de délai, et en complément de la convention du Conseil de l'Europe sur les droits des enfants, je suggère que soit rouvert, lorsque les jeunes victimes atteignent leur majorité, le droit de saisir la justice. Spécialement quand les violences s'exercent dans le cadre familial, ou avec la complicité de membres de la famille. Il faut absolument permettre aux victimes, devenues majeures, de demander une réparation au moins symbolique, malgré l'inertie de ceux qui auraient dû les protéger.

J'en reviens à un point capital à mes yeux, la coopération judiciaire pour sanctionner la récidive. Ce point, mes chers collègues, est l'une des innovations principales de notre proposition. Vous savez que la récidive, au sens légal, n'est actuellement constituée que si une personne a commis le même délit dans le même pays.

Nos concitoyens n'accepteront pas que l'Europe sans frontières soit l'Europe des criminels. Je propose donc que soit institué, auprès de notre Cour européenne des Droits de l'Homme et sous son contrôle, un registre dans lequel serait notifiée par les juridictions des différents Etats membres, toute condamnation prononcée en cas de violence à enfant. Bien entendu, les condamnations amnistiées au niveau national pourraient être, de même, radiées du registre commun.

En ce qui concerne les stérilisations abusives, sujet extrêmement délicat, le scandale soulevé récemment par des cas de stérilisations de personnes jugées déficientes, notamment sur le plan mental, pose un problème voisin de la Convention sur la biomédecine, et plus généralement, le problème du respect de l'intégrité physique des personnes incapables et du recueil de leur consentement.

C'est pourquoi, je vous propose une solution que je crois conforme à l'impératif primordial de respect de la personne, doublement faible, par son âge comme par son état physique ou mental, sans négliger les cas les plus délicats où la stérilisation est incontournable.

Un mot sur les pratiques discriminatoires affectant les jeunes filles. Constatées désormais dans la plupart des Etats européens avec l'installation durable de familles en provenance d'Afrique, les mutilations sexuelles imposées aux petites filles appellent la condamnation la plus nette. Certaines législations d'Etats européens et des commissions de l'Onu ont déjà assimilé ces pratiques aux "tortures et traitements barbares et inhumains" que notre Conseil de l'Europe a pour mission d'éliminer.

Le respect des traditions culturelles ne saurait prévaloir contre le droit fondamental à l'intégrité physique et à l'épanouissement personnel de ces jeunes filles. Notre Assemblée vient d'ailleurs d'affirmer son souci de la promotion des droits de la femme en créant une commission spécifique et ma proposition s'inscrit donc parfaitement dans ce sens.

Je propose aussi de lutter contre d'autres formes de discrimination affectant les jeunes filles comme l'"examen forcé de virginité"... "

M. Nicolas ABOUT conclut la présentation de son rapport en ces termes :

" Nous n'avons pas souvent l'occasion de parler d'un problème aussi grave qu'est celui des atteintes aux enfants, mais je vais écourter mon propos.

Je parlais donc des examens forcés de virginité qui malheureusement ont lieu aussi dans certains Etats siégeant ici au Conseil de l'Europe.

Nous évoquerons la maltraitance dans le cadre familial, les refus de soins indispensables et toutes les manoeuvres qui entourent l'adoption internationale et qui portent atteinte, à mon avis, aux droits de l'enfant puisque ces enfants font l'objet, comme je l'ai dit, quelquefois même de rapts.

Telles sont simplement, mes chers collègues, les observations que je voulais vous soumettre en attendant, bien entendu, vos contributions à la formulation définitive de ce projet de recommandation. "

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , intervient dans le débat de la façon suivante :

" Je tiens d'abord à féliciter notre collègue, M. Nicolas About, pour la qualité et l'exhaustivité de son rapport sur un sujet grave et malheureusement d'actualité.

Sujet tabou, la maltraitance est une réalité dans toutes les sociétés, elle touche tous les milieux, et l'on aperçoit à peine l'ampleur du problème. Il a fallu, en effet, attendre les années 70-80 pour que le voile se lève peu à peu, sous la pression des associations de lutte contre la maltraitance à enfants, sur ce drame et qu'il y ait une réelle prise de conscience de l'opinion publique pour décider de réprimer mais aussi de prévenir.

Ainsi, la France a lancé une campagne de prévention dont le titre était "En parler, c'est déjà agir", jusqu'à décréter la protection de l'enfance "grande cause nationale en 1997".

Au niveau international, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l'enfant, qui est venue poser un statut de l'enfant en abordant aussi bien les questions de statut personnel que les droits sociaux.

Evoquer la maltraitance renvoie immédiatement aux victimes d'abus sexuels, de viols, d'exploitation par la prostitution et la pornographie, sur lesquels les médias se focalisent par moments. La maltraitance couvre également les violences sexuelles, les violences physiques, les violences psychologiques et la négligence.

Mais comment ne pas penser aussi au travail des enfants, main-d'oeuvre silencieuse, exploitée dans des secteurs dangereux pour leur santé, comme les mines, les fabriques d'allumettes ?

Les enfants victimes de mauvais traitements en subissent les conséquences de manière durable et profonde dans leur vie psychologique et affective.

L'Organisation mondiale de la santé a distingué à ce sujet deux types d'effets.

D'abord, ceux liés aux traumatismes, qui se traduisent par des états de stress caractérisés par des symptômes d'anxiété. Ensuite, les effets sur le développement, caractérisés par une perte de l'attachement, une diminution de l'estime de soi et des relations interpersonnelles réduites.

Il me semble également fondamental de mentionner que les enfants victimes de mauvais traitements, de violences physiques ou sexuelles, risquent de se rendre par la suite coupables de violences similaires contre des enfants plus jeunes ou contre leurs propres enfants.

En France, un récent rapport public fait état, pour 1996, de 74 000 enfants en danger et d'une augmentation du nombre d'enfants victimes d'abus sexuels. Il est impératif d'agir. Pour ma part, je partage pleinement le projet de recommandation du rapporteur qui invite les Etats membres à adopter des mesures aussi bien préventives que répressives.

Prévention, tout d'abord, car c'est par une meilleure connaissance de la maltraitance que sera facilité le repérage d'enfants en danger, prévention que chacun doit exercer et pas seulement l'Etat. La loi française de 1989 associe prévention et répression et prévoit l'obligation de signalement, y compris par dérogation au secret professionnel.

C'est aussi par le biais de campagnes d'information que l'on peut sensibiliser les enfants et donner à l'enfant des moyens pour se protéger et faire respecter son intégrité, en lui apprenant par la parole et par l'image, le respect dû par les adultes à son propre corps et à celui des enfants qui l'entourent.

Je tiens aussi à citer la mise en place d'un numéro vert permettant aux enfants victimes ainsi qu'aux témoins de mauvais traitements d'appeler.

Le deuxième volet est la répression. Une loi est en cours d'examen en France, dont deux dispositions vont dans le sens des propositions de notre rapporteur. D'une part, il s'agit de l'institution d'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, dont le but est de prévenir la récidive. D'autre part, il est procédé, pour lutter contre le tourisme sexuel, à l'extension de l'application de la loi française pour l'ensemble des crimes et délits sexuels commis contre les mineurs à l'étranger par des Français.

Cela signifie que ce projet de loi étend la clause d'extraterritorialité aux agressions sexuelles contre un mineur de quinze ans et moins, à la corruption de mineurs, à la diffusion d'images pornographiques de mineurs, aux atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise commises sur des mineurs de 15 ans et moins, par des Français ou par des personnes résidant habituellement en France.

Face à l'immensité du drame, je souhaiterais conclure en rappelant les propos de Mme la secrétaire de la grande cause nationale qui nous concerne tous : " Si tout le monde bouge, ça bougera ". "

M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) , reprend alors la parole en ces termes :

" Je remercie les orateurs de leurs propos et je vais revenir peut-être sur certains points.

Mme Pozza Tasca a évoqué un divorce entre les textes et la réalité. Nous avons un devoir, c'est vrai, celui de tout faire pour précisément rapprocher, dans chacun de nos Etats, la réalité des textes. Notre collègue a fait aussi état du trafic d'enfants et du trafic d'organes vivants, un sujet effectivement dramatique que nous ne pouvons pas écarter. Nous y reviendrons certainement à l'occasion de l'examen à venir d'un texte sur l'adoption internationale.

Mme Fyfe a évoqué les problèmes de mutilation sexuelle et de pédophilie. Rappelons ce que les Canadiens aiment à dire : " pédophile un jour, pédophile toujours ! ". Il est vrai qu'il existe un fort taux de récidive et que nous devons tout faire pour tenir éloigner les pédophiles des emplois auprès des enfants.

Quant à ceux qui se livrent à des actes de mutilation sexuelle, il est nécessaire de les condamner à des peines fermes et non pas à des peines avec sursis, comme cela se produit même dans mon pays. A défaut, nous n'exprimerons jamais clairement la volonté de mettre fin à de tels actes.

Le témoignage de M. Maltsev sur ce qui se passe dans son pays, en particulier ces quatre millions d'enfants sans toit et la pauvreté contre laquelle il faut lutter, est extrêmement poignant.

Mme Gatterer a rappelé à juste titre que chacun peut être concerné par tous ces problèmes. Chaque enfant peut être victime des méfaits de la drogue, par exemple quel que soit son environnement. Il ne faut pas croire que cela se passe uniquement dans les milieux extrêmement défavorisés. N'oubliez pas les chiffres de l'OMS : un enfant sur 5 000 à 10 000 meurt chaque année de violences physiques. Au total 5 % à 10 % des adultes estiment avoir été victimes de violences physiques pendant leur enfance. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et nous rappellent que ne sont pas seules concernées les populations défavorisées.

Selon Mme Poptodorova, le Conseil de l'Europe devrait être associé à la défense de l'enfance. Je ne peux que partager ses propos. Elle s'est référée à juste titre, car c'est tellement facile, au slogan : "c'est la faute à la démocratie !" C'est pourquoi j'ai commencé en disant que la liberté opprime les faibles, qui sont protégés par la loi. Il est donc absolument nécessaire de légiférer et, comme notre collègue le rappelait en évoquant un texte examiné en deuxième lecture dans son pays, d'exercer une pression sur nos Etats et nos gouvernements pour que les textes soient votés.

Madame Loule, vous aviez évoqué à juste titre l'évolution de la notion de maltraitance. Il est de notre orgueil et de notre fierté de faire évoluer ce texte, particulièrement en Europe.

M. Claude BIRRAUX a rappelé le rôle des associations, des campagnes d'information, ainsi que le cycle de la violence qui doit certes être pris en considération : 15,8 % des enfants battus seront, un jour, inculpés pour un acte criminel. Ce constat doit nous inviter à beaucoup d'attention.

M. Ruffy est intervenu sur la négligence qui intervient, en effet, dans les récidives d'actes criminels pour tous les enfants soumis à des négligences alimentaires, de soins, d'éducation et de formation. En effet, 12,5 % d'entre eux retombent dans ce cycle.

Je conclurai sur un dernier point évoqué à l'instant par Mme Jones, celui de la crédibilité des dires de l'enfant. Sans verser dans la naïveté, il faut accorder de l'importance et surtout être attentif aux dires de l'enfant - depuis des siècles nous ne l'avons pas tellement été - sans pour autant condamner a priori l'adulte mis en accusation. Il s'agit donc d'une tâche, certes, difficile, mais incontournable. "

Sur le projet de recommandation, est déposé un amendement oral visant à remplacer dans la phrase suivante les mots : " selon le droit d'un certain nombre d'Etats membres, les délinquants ne sont considérés comme récidivistes que " par les mots " la quasi-totalité des ".

M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , prend alors la parole pour défendre l'amendement en ces termes :

" S'il est vrai que les juges tiennent compte des faits qui se sont produits dans les autres Etats, le fait ne saurait leur permettre d'établir la récidive. Le débat que j'ai pu avoir avec des magistrats français hier démontre qu'après avoir eu à connaître de ce qui s'est passé ailleurs, on ne peut pas pour autant qualifier la récidive, le droit ne le permet pas.

Pour tenir compte de la demande de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme nous avons donné un avis favorable, sous réserve de rappeler que la quasi-totalité des Etats membres ne permet pas la qualification de récidive. "

Cet amendement oral est adopté.

Sur un amendement suivant visant à dissocier le commerce et la possession, et donc à permettre, dans le cadre d'enquêtes, la possession d'images pornographiques d'enfants par des professionnels, tels des journalistes, sans que cela soit qualifié d'infraction pénale, M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , intervient alors :

" La commission est contre l'amendement, parce que l'argument professionnel ne tient pas. En tant que médecin, il est vrai que l'on peut être obligé de pratiquer sur des enfants des opérations ou des actes qui pourraient, s'ils étaient pratiqués par d'autres, être des atteintes à enfant, sur le plan sexuel ou autre.

L'argument du professionnalisme risque de permettre d'éviter de condamner des gens qui utilisent des images pour leur simple vice ou qui font commerce de ces images. Or cette distinction est fallacieuse car, après tout, celui qui visionne ces images avec un but de vice est bien complice de la violence faite à l'enfant filmé.

On nous invite souvent à comparer avec la drogue. Mais une telle comparaison n'est pas pertinente. Celui qui consomme de la drogue n'est, à la limite, complice que de la culture du chanvre ; celui qui visionne des images pornographiques, lui, est complice de violences commises contre un enfant ! Ce n'est pas du tout la même chose.

Il faut donc bien associer la détention au commerce et rappeler que, très souvent, les réseaux de pédophiles font des échanges de cassettes et donc du commerce au sens le plus primitif du terme ; c'est une sorte de troc. Il est indispensable de lier les deux. Il appartiendra aux juges, dans une gradation des peines, de punir peut-être différemment : mais ce sera le rôle du juge, en fonction des circonstances, de punir plus sévèrement peut-être ceux qui font commerce à grande échelle. "

L'amendement n'est pas adopté.

A un amendement qui vise à prendre en compte le consentement des mineurs au-delà d'un certain âge et à supprimer la référence au profit dans la prostitution enfantine, M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , répond : " l'avis de la Commission est défavorable, car il nous paraît très important, dans un premier temps, de réaffirmer qu'on n'a pas le droit de rapprocher la prostitution des mineurs d'une prostitution banale. La prostitution des mineurs est constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel. Cela nous paraît être un socle indispensable pour aborder les points suivants du texte. Faute de ce constat, tout le reste ne voudrait absolument rien dire. On ne peut limiter la discussion à la responsabilité des agences de voyage, établissements de prostitution ou organismes de tourisme.

Il est donc fondamental de garder l'expression "prostitution des mineurs de moins de 15 ans". C'est l'âge que nous avons retenu, sur le plan sexuel, lors d'un précédent débat : en dessous de 15 ans, en effet, il ne peut y avoir de consentement. Lorsque nous précisons que "l'enfant ne serait être tenu pour consentant", nous faisons référence à un vote précédent de notre Assemblée.

Nous demandons donc le rejet de cet amendement. "

Mis aux voix, l'amendement n'est pas adopté.

Enfin, M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , au nom de la Commission, accepte un amendement oral visant à substituer au terme " mineurs " les mots " de moins de 15 ans ". Il le défend en ces termes :

"  J'ai déjà défendu cet amendement. Notre Assemblée a déjà approuvé le principe selon lequel il ne saurait y avoir de consentement en dessous de 15 ans. "

L'amendement oral est adopté.

Puis, lors de l'examen d'un amendement relatif à la suppression d'un paragraphe " affirmant nettement que la prostitution de mineurs est toujours constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel... ", M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , au nom de la Commission, répond :

" Nous avons estimé que cet amendement tombait du fait du rejet du précédent. Nous pensons qu'il faut maintenir une telle disposition concernant les tenanciers, les agences de tourisme, par exemple.

De toute façon, si cet amendement ne tombait pas, la commission invite l'Assemblée à voter contre. "

L'amendement est rejeté.

Répondant, au nom de la Commission, à un amendement visant à supprimer le " délit de non-assistance à personne en danger à l'encontre des personnes ayant l'autorité parentale ", M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) , s'exprime en ces termes :

" La commission est contre. Sa rédaction note que, dans la quasi-totalité des législations nationales, sans pouvoir affirmer que c'est dans la totalité, il est effectivement très difficile de faire le point sur l'existence ou non de cette disposition dans l'ensemble des Etats constituant le Conseil de l'Europe.

Nous avons, nous, le sentiment que trop d'enfants meurent par refus de soins, par manque du respect de l'obligation alimentaire, par exemple. Nous souhaitons donc que soit réaffirmée la nécessité de poursuites à l'encontre de personnes ayant l'autorité parentale. Nous voulons donc le maintien de cette disposition. "

L'amendement n'est pas adopté.

Au terme du débat, la recommandation 1371 figurant dans le rapport 8041, telle qu'amendée, est adoptée .

La directive 543, amendée également, est adoptée à l'unanimité.

M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, ajoute quelques mots de conclusion :

" A mon tour, je remercie l'ensemble de mes collègues, en particulier, ceux de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme et Mme le rapporteur, Mme Plechatá, pour son travail ainsi que mes collègues de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille et notre présidente.

Merci à vous tous. C'est un sujet qui me tient beaucoup à coeur. "

13. Projet de convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal (Jeudi 23 avril)

Plusieurs textes de portée internationale ont été adoptés dans le passé par le Conseil de l'Europe pour protéger l'environnement, en particulier la Convention européenne sur la responsabilité civile résultant d'activités dangereuses pour l'environnement de 1994. Cependant, ni les réponses administratives aux violations de la loi (retrait du permis ou de la licence), ni les procédures civiles classiques ne garantissent une protection juridique réelle et préventive. D'où l'intérêt d'un instrument de droit pénal qui pourrait criminaliser et sanctionner (y compris par des peines de prison) les actes ou omissions graves portant atteinte à l'environnement et exercer des pressions décisives pour faire respecter la loi.

Tel est précisément l'objet du nouveau projet de convention qui qualifie le concept de responsabilité criminelle des personnes physiques et surtout des personnes morales, ce qui constitue l'une des dispositions centrales du projet. Précision importante : la responsabilité pénale d'une personne morale n'exclut pas les poursuites contre des personnes physiques.

D'après le rapport, le projet de convention constitue un excellent cadre dont pourront s'inspirer les législateurs pour l'élaboration de législations adéquates en matière pénale mais aussi les Etats membres dont la législation est déjà bien avancée, afin de la renforcer. L'Assemblée devrait par conséquent recommander au Comité des Ministres de l'adopter et de l'ouvrir à la signature des Etats.

Le rapport propose cependant quelques amendements dans un esprit constructif, qui visent en particulier les réserves. Il propose que leur nombre soit limité à deux par Etat contractant et que les réserves ne puissent avoir qu'une validité temporaire de 3 ans au maximum. Par ailleurs, aucune réserve ne devrait être autorisée quant à la responsabilité pénale des personnes morales.

A l'issue du débat, l'avis 204, figurant dans le rapport 8056, amendé, est adopté.

14. Gestion des déchets radioactifs - Interventions de MM. François LESEIN, sénateur (RDSE), et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Vendredi 24 avril)

Selon le rapporteur, la gestion des déchets radioactifs est un sujet important pour l'opinion publique et soulève un grand nombre de questions scientifiques, politiques et éthiques à l'échelle mondiale. Par ailleurs, la diffusion en grand nombre d'informations sur les déchets et la sécurité nucléaires est souvent biaisée par les préjugés contre l'énergie nucléaire en général, ce qui crée un double problème : les personnes mal informées se persuadent que les inconvénients de cette énergie dépassent les avantages, et ceux qui sont mieux informés sont tentés de croire que toutes les informations sur les risques potentiels sont fausses.

Laissant de côté les arguments pour et contre le recours à l'énergie nucléaire, le rapport part du constat que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe se trouvent devant des difficultés liées à l'existence de déchets radioactifs dont les sources se situent à l'intérieur et à l'extérieur de leurs frontières. Il examine les principes fondamentaux et les réglementations de sécurité concernant la gestion des déchets radioactifs et la protection de l'environnement, formulés par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur la manipulation, le transport et l'évacuation de ces déchets. Le rapport dresse également le tableau de la coopération internationale dans ce domaine et de la situation quant aux dispositions relatives à l'énergie nucléaire au niveau national, notamment en Europe centrale et orientale.

L'auteur conclut que, si la gestion des déchets radioactifs doit évidement faire l'objet de préoccupations scientifiques constantes et rigoureuses, les informations communiquées au public sur la question sont souvent inadéquates. Il présente ensuite des recommandations pour améliorer à la fois la gestion des déchets précités et la qualité de l'information publique en la matière.

M. François LESEIN, sénateur (RDSE) , intervient en ces termes dans le débat :

" Je félicite notre rapporteur M. Proke pour l'excellent document dont nous disposons grâce à lui. Il ne s'agit pas d'une concession à la politesse mais l'expression d'une réalité : le rapport est à la fois synthétique, extrêmement précis et les annexes, pour moi, inédites. C'est un rapport que je conserverai comme document de référence.

Je veux féliciter aussi notre rapporteur de l'esprit constructif avec lequel il a abordé une question qui suscite trop souvent des positions sommaires presque sectaires parfois, certains niant tout danger tandis que d'autres voudraient la fin immédiate de la production d'énergie nucléaire.

Le projet de résolution qui nous est soumis se situe exactement au niveau où nous pouvions le souhaiter de la part du Conseil de l'Europe : il s'agit de définir une éthique de la responsabilité en matière de gestion des déchets radioactifs, éthique commune à tout le vieux continent.

J'approuve également l'invitation adressée aux gouvernements de développer la coopération technique et scientifique. M. Staes vient d'insister lui aussi sur cette nécessité. Notre rapporteur décrit les différentes méthodes accessibles. Il n'est pas concevable que devant des risques évidemment transfrontières, les connaissances techniques et les avancées qui ne manqueront pas heureusement de se produire restent des monopoles nationaux.

Les études actuellement dispersées doivent faire l'objet de communications afin que le progrès technique se diffuse rapidement dans l'intérêt évident des populations de toute l'Europe et au-delà.

En revanche, la gestion des déchets radioactifs doit incomber aux Etats sur le territoire desquels ils ont été produits. Il serait particulièrement choquant que les Etats les plus développés qui produisent aussi le plus de déchets radioactifs, délocalisent le stockage à long terme en achetant une sorte de "droit à polluer" dans les pays en voie de développement ou encore dans certains Etats d'Europe centrale et orientale insuffisamment protecteurs de leur propre environnement. Il ne serait pas moins choquant de se servir des océans comme d'une poubelle. On vient d'en parler.

En évoquant l'éthique de responsabilité qui doit inspirer la gestion des déchets radioactifs, je pense, non seulement, à la responsabilité des pays développés vis-à-vis des autres, mais surtout à notre responsabilité commune vis-à-vis des générations futures. C'est dire l'importance de mettre en place à l'échelon européen une harmonisation des solutions retenues. C'est dire l'importance de la coopération afin de faire progresser les techniques assurant la gestion de ces déchets pleinement protectrice de la santé humaine et de l'environnement. C'est dire l'intérêt d'adopter le projet de résolution proposé par M. Proke ; c'est le voeu pressant du Groupe libéral au nom duquel je m'exprime. "

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , prend à son tour la parole :

" Je me réjouis que notre Assemblée puisse aborder le thème des déchets nucléaires à travers un rapport spécifique, plutôt qu'à travers un rapport fourre-tout qui aurait jeté la confusion.

J'approuve le rapporteur lorsqu'il écrit que ce rapport ne traite pas des arguments pour ou contre l'énergie nucléaire. Il donne néanmoins quelques chiffres intéressants auxquels je vous renvoie dans ce document.

L'effet de serre et les déchets radioactifs sont là, et nous devons faire avec. Il est de la responsabilité de la génération de ceux qui ont bénéficié des avantages de la production d'électricité nucléaire de faire face au problème de la gestion des déchets et de ne pas le laisser sur les bras des générations futures. C'est bien cette génération qui doit assumer. C'est un premier principe fort.

Il se complète d'une seconde affirmation, qui repose aussi sur la notion de responsabilité. Il n'est pas question de se débarrasser à bon compte de ce fardeau, en entreposant, sans précaution aucune, ces déchets dans le désert ou dans les pays du tiers monde qui, en échange de quelques pièces, ne se montreraient pas trop regardants sur la protection de leur environnement.

Chaque pays utilisateur doit résoudre lui-même le problème de la gestion de ses déchets. Ce principe de responsabilité se retrouve dans la loi française, loi Bataille, votée en 1991. Elle affirme que les déchets sont et demeurent propriété du producteur même lorsque ce dernier les confie à d'autres entreprises pour leur conditionnement ou leur gestion. La traçabilité doit être assurée en tout temps et en tout lieu, ce qui doit éviter la dispersion ou la dissémination incontrôlée.

Pendant longtemps et même encore de nos jours, dans certains pays, un débat a animé la communauté scientifique, celui des seuils d'exemption ou de libération et en particulier celui d'un seuil universel. La France n'a pas choisi cette voie, pourquoi ?

L'utilisation de l'énergie nucléaire demande tout au long de la chaîne, une attention et une vigilance à nulle autre pareille. Le danger de fixer ainsi des seuils universels est de voir des producteurs utiliser abusivement la dilution pour se débarrasser de déchets très toxiques, gênants : un seau ou deux dans un camion et finalement, les normes globales sont respectées.

Un autre danger de fixation de seuils universels concerne en particulier les ferrailles. Par dilution, on peut tout à fait obtenir un produit dont l'activité soit en dessous d'un seuil. Mais combien de personnes accepteront sans broncher que l'acier de leur voiture provienne de dilution de ferrailles radioactives ? Ne croyez pas que cette affirmation soit gratuite. Il est bon que vous sachiez que les ferrailles contaminées provenant du démantèlement du centre nucléaire militaire de Mururoa ont été achetées, en toute connaissance de leur état, par une entreprise australienne.

J'aimerais ajouter deux commentaires :

Je ne suis pas favorable à la création de dépôts internationaux de déchets nucléaires : c'est la responsabilité de chaque Etat d'avoir recours à l'énergie nucléaire. C'est sa responsabilité d'en assumer toutes les conséquences, y compris la gestion des déchets.

Le public a parfois quelques difficultés à comprendre ces notions nucléaires. Et lorsque j'entends certains orateurs, je sens qu'ils traquent le premier becquerel venu. Or, il faut savoir que chacun d'entre nous -les rapporteurs, les interprètes et moi-même qui vous parle- nous avons une "activité nucléaire" qui représente environ 6 à 7000 becquerels.

La plus grande transparence doit donc présider à la communication sur ce sujet.

Mais ce qui me paraît important, en particulier en relation avec cette échelle du temps, c'est qu'une coopération internationale intense se développe pour accélérer les recherches sur la transmutation des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue en déchets radioactifs à vie la plus courte possible, voire en déchets inertes.

Les expériences menées par le professeur Carlo Rubbia dans ce domaine sont encourageantes et doivent être poursuivies avec comme objectif la construction d'un pilote industriel. D'autres expériences conduites ailleurs doivent également se fédérer pour que ces initiatives augmentent leur efficacité.

Nous devons nous rappeler que dans les rapports concernant la sûreté en exploitation des centrales nucléaires, nous avons mis l'accent sur la culture de sûreté et l'esprit de responsabilité qui devait animer chacun des agents d'une centrale nucléaire.

Les phases ultérieures de l'exploitation, c'est-à-dire les différentes étapes de la gestion des déchets nucléaires demandent un esprit de responsabilité tout aussi grand. Responsabilité devant les générations futures et la qualité de l'environnement que nous allons leur léguer. Responsabilité de cette génération pour faire face à ce problème et tenter de le résoudre.

Puisse ce premier rapport de notre Assemblée sur ce sujet provoquer une prise de conscience de chacun des Etats, de chacun des acteurs et de chacun des citoyens. "

Sur le projet de résolution, quatre amendements ont été déposés par MM. OLRICH et Claude BIRRAUX, député (UDF) .

Le premier amendement rappelle les grands principes environnementaux concernant la question des déchets radioactifs énoncés dans les traités internationaux et les résolutions de l'ONU.

Un deuxième amendement vise à supprimer un paragraphe de la résolution qui doute des méthodes scientifiques traditionnelles pour résoudre le problème des déchets radioactifs.

Un troisième amendement propose de promouvoir le principe selon lequel c'est aux Etats producteurs de déchets radioactifs de veiller à la sûreté de leur stockage et de leur évacuation.

Enfin un dernier amendement demande le renforcement des mesures de sécurité concernant les déchets radioactifs et notamment de ne pas autoriser le stockage ou l'évacuation des déchets à proximité du milieu marin sans avoir la preuve que cela n'entraîne aucun risque pour la population ou le milieu marin.

S'exprimant alors au nom de la Commission de la science et de la technologie, M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , a donné par quatre fois un avis favorable et les amendements ont été adoptés.

Enfin, sur le projet de résolution, MM. OLRICH et BIRRAUX ont déposé de nouveaux amendements qui proposent " de prendre toutes les mesures possibles pour réduire le déversement de déchets radioactifs dans le milieu marin " et " de veiller à ce que le transport des déchets radioactifs par mer soit strictement limité et que la norme IMF soit la norme minimale " .

Après avis favorable de la Commission, ces amendements sont également adoptés.

La résolution 1157, contenue dans le rapport 8054, est adoptée, ainsi amendée, à l'unanimité.

III. LES RÉUNIONS GROUPÉES DE COMMISSIONS (LISBONNE - du 25 au 26 mai 1998)

Le Bureau de l'Assemblée ainsi que la Commission permanente et la Commission des Questions politiques de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se sont réunis à Lisbonne les 25 et 26 mai 1998. Les participants à ces réunions ont été accueillis au Parlement portugais par M. António ALMEIDA SANTOS , Président de l'Assemblée de la République du Portugal, et M. Alberto MARTINS , Président de la Délégation portugaise à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Le Bureau a notamment débattu (ainsi que la Commission politique) de la situation au Kosovo et des suites à donner à la Recommandation 1368 adoptée par l'Assemblée en avril dernier, Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) , MM. Jacques BAUMEL, député (RPR) , ainsi que Georges LEMOINE, député (Soc) intervenant dans ces débats. En outre, le Bureau a décidé de prolonger le mandat de l'actuel Secrétaire général du Conseil de l'Europe, M. Daniel TARSCHYS , jusqu'en septembre 1999.

La Commission permanente a adopté, en lieu et place de l'Assemblée plénière, les textes suivants :

- la Résolution 1158 (rapport 8044) sur les activités de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, modifiée par un amendement cosigné par Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , et M. Jean BRIANE, député (UDF) . M. Yves BERTHELOT , Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, a présenté les activités de cette Commission en introduction au débat ;

- la Recommandation 1373 (rapport 8097) sur la liberté de circulation et la délivrance de visas aux membres de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe ;

- la Recommandation 1374 (rapport 8066) sur la situation des femmes réfugiées en Europe, modifiée par trois amendements cosignés par Mmes Josette DURRIEU, sénateur (Soc) et Yvette ROUDY, députée (Soc) , qui ont été adoptés à l'unanimité ;

- la Recommandation 1372 (rapport 8001, avis 8095) visant à la ratification par les Etats membres du Conseil de l'Europe de la Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés. M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , est intervenu dans ce débat ;

- la Recommandation 1375 (rapport 8111) visant à la protection des collections accessoires contre le risque de dispersion ;

- les Avis 205 et 206 (rapport 8098) sur les budgets du Conseil de l'Europe pour les exercices 1998 et 1999 et les dépenses relatives à l'Assemblée pour l'exercice 1999. MM. Bernard SCHREINER, député (RPR), Marcel DEBARGE, sénateur (Soc), Daniel HOEFFEL, Sénateur (UC), Raymond FORNI, député (Soc) , ainsi que M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR) sont intervenus dans ce débat ;

- la Résolution 1159 (rapport 8096) sur la composition des groupes politiques de l'Assemblée ;

- la Résolution 1160 (rapport 8093) sur l'élection des Vice-Présidents de l'Assemblée ;

- la Résolution 1161 (rapport 8071) sur le processus de transition du secteur agricole dans les pays d'Europe centrale.

MM. Jacques BAUMEL, député (RPR) et Georges LEMOINE, député (Soc) , sont intervenus également lors de la réunion de la Commission des Questions politiques, qui a entendu une allocution de M. Jaime José MATOS GAMA , Ministre des Affaires étrangères du Portugal.

A l'occasion de ces réunions, les membres de la Délégation présents à Lisbonne, ont été accueillis par le Premier Ministre du Portugal M. António GUTERES , sur le site de l'exposition mondiale 1998, " les Océans, un patrimoine pour le futur ", et ont pu visiter notamment le pavillon du Portugal et le pavillon du Conseil de l'Europe.

IV. LA TROISIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 juin 1998)

1. Introduction

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est réunie à Strasbourg du 22 au 26 juin 1998 (troisième partie de la session ordinaire de 1998).

Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des allocutions de :

- Sa Majesté ALBERT II , roi des Belges,

- M. Michel CAMDESSUS , Directeur général du Fonds Monétaire International,

- M. Charles FRANK , Président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD),

- M. Bronislaw GEREMEK , Ministre des Affaires étrangères de Pologne, Président en exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)  qui a répondu aux questions de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) et de M. Jacques BAUMEL , député (RPR).

Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission Permanente (Rapport 8136 et addenda) a donné lieu à l'adoption des avis 205 et 206, des recommandations 1372 à 1375 et des résolutions 1158 à 1161.

La communication du Comité des Ministres a été présentée par M. Giorgios PAPANDREOU , Ministre-adjoint des Affaires étrangères de la Grèce, au nom du Président en exercice du Comité des Ministres (rapport 8137), qui a répondu aux questions de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC) et de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc).

L'Assemblée a en outre délibéré des rapports suivants :

- rapport d'information sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie (rapport 8127) ; intervention de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC) ;

- l'économie japonaise dans le contexte de l'Asie du sud-est et du monde (rapport 8043 révisé) ; intervention de M. Bernard SCHREINER , député (RPR) - résolution 1164 ;

- activités de la BERD pour 1997 (rapport 8132) ; intervention de M. Claude BIRRAUX , député (UDF) - résolution 1162 ;

- projet de convention pénale sur la corruption (rapport 8133) ; intervention de M. Michel HUNAULT , député (RPR) - avis 207 ;

- l'accord sur l'Irlande du Nord (rapport 8134) ; allocutions de M. Paul MURPHY , Secrétaire d'Etat du Royaume-Uni pour l'Irlande du Nord et de Mme Liz O'DONNELL , Secrétaire d'Etat de l'Irlande au département des Affaires étrangères - résolution 1163 ;

- crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie (rapport 8149 et avis 8150) ; intervention de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) - directive 544 et recommandation 1376 ;

- situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak (rapport 8131) ; intervention de Mme Laurence DUMONT , députée (Soc) - directive 545 ;

- fonds de Développement social du Conseil de l'Europe : activités et perspectives (rapport 8124 et avis 8128) ; intervention de M. Jean BRIANE , député (UDF) - recommandation 1378 ;

- instruction élémentaire en science et technologie (rapport 8122 et avis 8129) - directive 546 ;

- droit au respect de la vie privée (rapport 8130) ; l'avis (8146) de la commission des questions sociales est présenté par M. Gilbert MITTERRAND , député (Soc) - résolution 1165.

Au cours de cette session, M. Jacques WARIN , Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe, a offert un dîner aux Délégations française et roumaine, respectivement présidées par Mme Josette DURRIEU et M. Vasile LUPU , qui a permis aux membres des deux Délégations d'utiles échanges de vues.

2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 22 juin)

Selon le rapporteur, une fois de plus, il s'est passé beaucoup de choses depuis la dernière partie de session. Celle-ci commence par évoquer la réunion que la Commission permanente a tenue le 26 mai à Lisbonne où le Parlement portugais lui a réservé un accueil très chaleureux. Cette réunion a permis d'avoir un aperçu de la grandiose exposition universelle qui constitue le point fort de toute visite au Portugal cette année.

La Commission Permanente a tenu un long débat sur les questions budgétaires et elle a adopté plusieurs avis à cet égard. Le 6 mai, innovation importante eu égard au rôle que l'Assemblée peut jouer dans les débats sur les questions budgétaires du Conseil de l'Europe, une délégation de l'Assemblée a tenu, avec les délégués des Ministres, un échange de vue sur la fixation du plafond budgétaire pour 1999.

En ce qui concerne les questions politiques relatives aux Etats membres et non membres, l'attention s'est plus particulièrement portée sur la Lettonie et la République fédérale de Yougoslavie, et notamment sur la situation au Kosovo.

Pour ce qui est du Bélarus, le Bureau a demandé à M. Antretter de se rendre sur place pour examiner la situation et lui faire rapport. Cette décision a été prise en vue d'éviter d'éventuelles confusions avec la procédure d'adhésion pour laquelle des rapporteurs ont déjà été nommés.

Par ailleurs, une délégation de l'Assemblée s'est rendue au Kosovo et en République fédérale de Yougoslavie.

Quant à l'Albanie, elle reste bien entendu au nombre des préoccupations du Bureau qui a décidé d'envoyer une délégation à Tirana dans le cadre d'une nouvelle mission tripartite qui devrait se rendre sur place peu après la clôture de la présente partie de session.

Le rapport souligne, à la veille de 1999, que cette année marquera le 50e anniversaire du Conseil de l'Europe. Le Bureau a d'ores et déjà réservé la journée du 30 avril 1999 pour la tenue d'un débat avec les jeunes des Etats membres.

La conférence des Présidents de parlement tenue récemment en Suède a réuni non seulement les présidents, mais également les secrétaires généraux des parlements des quarante Etats membres du Conseil.

La discussion a essentiellement porté sur les défis à relever par les parlements nationaux dans une Europe démocratique qui s'élargit. Les participants ont convenu que ce thème était d'une grande pertinence pour tous les parlements nationaux et que l'Assemblée du Conseil de l'Europe serait le cadre approprié pour y donner suite.

A l'issue du débat, acte est donné du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente n° 8136 et addendum.

3. Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 22 juin)

Les rapporteurs notent que les progrès réalisés par la Russie sur la voie de l'Etat de droit et de la démocratie depuis plusieurs années sont indéniables. En témoignent les nombreuses élections pluralistes et démocratiques, sur le plan fédéral et régional, qui ont marqué le paysage politique russe ces dernières années. Le pluralisme politique, la liberté d'opinion et le passage à l'économie de marché sont en voie de réalisation, malgré des difficultés compréhensibles. La ratification par la Russie, le 5 mai 1998, de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la Convention contre la Torture et de la Charte européenne de l'Autonomie locale, constitue une étape historique de l'ancrage de cet immense pays dans le système des valeurs prônées par le Conseil de l'Europe. Le passage prochain de la responsabilité du système pénitentiaire au ministère de la Justice, l'entrée en vigueur du nouveau code civil et du nouveau code pénal et le respect, depuis août 1996, du moratoire présidentiel sur la peine de mort, constituent d'autres avancées essentielles.

Ils estiment toutefois que la poursuite de la procédure de suivi se justifie par le fait que la Russie doit faire encore des efforts pour honorer les obligations et engagements qu'elle a souscrits lors de son adhésion au Conseil de l'Europe, à savoir  :

- l'application de la législation sur l'ensemble du territoire ;

- le respect de la liberté de mouvement et du choix du lieu de résidence ;

- le respect des droits sociaux, notamment du paiement des salaires et des pensions, en conformité avec la Charte sociale européenne, que la Russie est invitée à ratifier prochainement ;

- l'abolition définitive de la peine de mort ;

- la levée des réserves à la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

- la mise en oeuvre de la liberté de religion ;

- l'adoption d'un code de procédure pénale, conforme aux normes européennes ;

- la réforme du ministère public  ;

- la réforme du système pénitentiaire, l'amélioration des conditions de détention et le recours accru aux peines non privatives de liberté ;

- la lutte contre les mauvais traitements des appelés et l'adoption d'une loi sur un service militaire de substitution ;

- la lutte contre la corruption et le crime organisé dans l'économie ;

- la réforme des services secrets en vue de supprimer le droit du Service fédéral de sécurité de mener des instructions judiciaires et de gérer ses propres centres de détention provisoire ;

- l'accélération des poursuites contre les coupables de violations des droits de l'homme durant le conflit de Tchétchénie et la recherche d'une solution politique du conflit ;

- le maintien de relations amicales avec les Etats voisins.

Les rapporteurs recommandent par ailleurs un renforcement des programmes de coopération avec la Russie, et notamment du programme joint Union Européenne-Conseil de l'Europe, en vue de consolider les structures fédérales et les mécanismes de protection des droits de l'homme, et de réformer le système juridique.

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) intervient dans le débat en ces termes :

" Il y a deux ans et demi une nette majorité de notre assemblée a admis la Russie comme membre du Conseil de l'Europe.

Nous l'avons fait en notre âme et conscience, à l'issue d'un large débat, marquant ainsi notre volonté commune de considérer la Russie comme une partie intégrante de l'Europe. C'était aussi un acte de confiance en la capacité de la Russie de se conformer aux droits et obligations qui sont ceux des pays membres du Conseil de l'Europe.

Le rapport d'information qui nous est présenté aujourd'hui, fait le point à ce sujet. Nous devons rendre hommage à nos collègues MM. Bindig et Muehlemann pour leur analyse approfondie de la situation et pour leur vision des perspectives d'évolution.

Notre groupe estime que tous les pays membres qui ont accepté de respecter les principes constituant le fondement de notre Organisation doivent évidemment s'y conformer. C'est une obligation qui s'impose à tous. Tous les membres du Conseil de l'Europe sont égaux et doivent être égaux face aux engagements qu'ils ont contractés ; égaux pour les droits, égaux pour les obligations.

Selon le rapport qui nous est présenté : " les progrès réalisés par la Russie sur la voie de l'Etat de droit et de la démocratie depuis plusieurs années sont indéniables ". Nous y souscrivons. Incontestablement, des signes concrets étayent ce constat : apparition du pluralisme politique et de la liberté d'opinion, ratification de la Convention européenne des Droits de l'Homme, entrée en vigueur d'un nouveau code civil et d'un nouveau code pénal, moratoire présidentiel sur la peine de mort, constituent autant d'indices et de décisions qui, allant dans la bonne direction, témoignent d'une volonté réelle des responsables de la Russie.

Cet effort doit être poursuivi et intensifié. Nous savons qu'il s'agit d'une action qui doit être placée sous le signe de la persévérance et de la continuité. Atteindre les objectifs fixés ne peut se faire qu'étape après étape et suppose une volonté sans faille de la part des responsables de la Russie tout entière, orientée vers la réforme.

Le rapport de MM. Bindig et Muehlemann énumère les domaines dans lesquels la nécessité des améliorations est la plus urgente. J'insisterai plus particulièrement sur cinq aspects : l'application des droits et obligations sur tout le territoire de la Russie, tâche dont nous mesurons l'ampleur car il faut que les décisions prises à Moscou s'appliquent partout ; répartition clarifiée des tâches entre le ministère de la Justice et celui de l'Intérieur, et renforcement du contrôle parlementaire ; mise en pratique de la Convention européenne des Droits de l'Homme pour qu'elle passe du stade de la ratification à celui de la concrétisation ; maintien de relations amicales avec tous les Etats voisins, nécessaire pour la préservation d'un climat de confiance en Europe orientale entre des pays désormais partenaires ; lutte contre la corruption et le crime organisé dans l'économie, dont la poursuite conditionne le passage à l'économie de marché.

Ce sont autant d'exemples qui montrent l'ampleur de la tâche. Dans cette mission les dirigeants russes ne doivent pas se sentir seuls. Ils ont besoin de notre compréhension et de notre solidarité. A cet égard, le Conseil de l'Europe, a un rôle considérable à jouer, à travers les missions de suivi, sans oublier qu'un rôle de conseil lui incombe pour permettre, en particulier, l'adaptation des institutions à la démocratie.

Il faut que le Conseil de l'Europe, et ce sera ma conclusion, se montre actif et volontariste dans sa mission consultative. Nous y trouverons l'occasion d'accélérer l'harmonisation des droits et obligations dans toute l'Europe, mais ce sera aussi une manière d'affirmer la capacité du Conseil de l'Europe à faire preuve d'une autorité accrue. "

La discussion n'a pas été suivie d'un vote, l'Assemblée s'étant contentée d'évaluer la situation en vue de nouveaux progrès ainsi que le veut la procédure de suivi.

4. Economie japonaise dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 23 juin)

Le rapporteur se félicite des efforts déployés par le Japon pour réformer son économie de manière à assurer une concurrence et une transparence plus grandes au plan national et à s'ouvrir davantage aux investissements étrangers et aux importations de biens et services. La faiblesse actuelle du yen rend ces efforts d'autant plus urgents.

Compte tenu de la crise que connaissent actuellement le Japon et l'Asie du Sud-Est dans son ensemble, M. Schwimmer considère que l'Europe devrait encourager ces efforts dans l'intérêt de la santé économique mondiale et resserrer aussi les liens avec le Japon, qui jouit du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe. Le rapport aborde également des problèmes tels que le vieillissement rapide de la population japonaise et les contraintes affectant le système financier du pays asiatique.

M. Bernard SCHREINER, député (RPR) prend la parole dans le débat de la façon suivante :

" Le Japon est aujourd'hui confronté à une récession sévère et, sans doute, à sa plus sérieuse crise économique depuis trente ans. Pourtant, son économie semblait s'être plutôt bien sortie d'une période de convalescence de 1995 au début de 1997, après le ralentissement des années 80.

Il s'avère même qu'une régression se dessine  : le PIB japonais a en effet reculé de 0,7 % de mars 1997 à avril 1998. Il s'agit de la première baisse de la croissance sur une année depuis 1974, lorsque ce pays - très démuni en ressources énergétiques - subissait le premier choc pétrolier.

Le contexte a toutefois totalement changé. La crise financière asiatique, ouverte en juillet 1997 après la dévaluation massive du baht thaïlandais et la contamination rapide à la quasi-totalité des économies de la zone - Philippines, Indonésie, Malaisie, Corée, Hong Kong, etc. - a servi de révélateur à la crise japonaise. A la fin du mois de novembre 1997, avec la mise en liquidation de Yamaichi, quatrième maison de titres du Japon, le pays enregistrait sa plus grande faillite financière depuis 1945.

Depuis lors, la quasi-totalité des indicateurs sont au rouge : la demande intérieure reste faible, la production industrielle continue de décroître, l'emploi s'est détérioré, la croissance des exportations s'essouffle alors que celles vers les autres pays asiatiques baissent très fortement.

Deux éléments forts expliquent cette situation.

En premier lieu, l'absence de réformes d'un système financier opaque et par certains aspects corrompu, a fait perdre la nécessaire confiance interne et externe envers les structures bancaires et boursières du pays.

En second lieu, cette déstabilisation profonde du système financier dans son ensemble a abouti à une accumulation sans précédent de créances douteuses, officiellement évaluées à 77 000 milliards de yens, soit 566 milliards de dollars, et dépassant probablement les 100 000 milliards de yens, selon maints experts. Le montant provisionné par les banques japonaises serait de 30 000 milliards de yens.

Cette situation n'a pas été sans conséquence sur le niveau des bourses asiatiques, très sensibles au degré de confiance que leur attribuent les opérateurs non résidents jusqu'alors très actifs et délibérément spéculatifs sur l'ensemble de ces places. La crise japonaise a également eu des conséquences au-delà de l'Asie, notamment sur les bourses émergentes d'Amérique latine et de Russie, elles aussi hautement spéculatives.

Par ailleurs, les exportations américaines vers le Japon s'inscrivent en baisse sensible -moins 8 milliards de dollars au premier semestre 1998- et chutent plus lourdement encore vers les autres pays d'Asie du Sud-Est  : moins 21 milliards de dollars pour la même période, dont près de deux tiers vers la Corée du Sud.

Au Japon, la presse et une large partie de l'opinion critiquent dorénavant de manière explicite l'attitude gouvernementale de relative passivité face à la crise. De même, la BOJ, Banque du Japon, appelle ouvertement de ses voeux des changements forts d'orientation car, à défaut, le pays entrerait durablement dans une spirale déflationniste.

La réforme du système financier, contrôle et réglementation, devrait être menée à bien, selon ces opinions, de même que la mise en oeuvre la plus immédiate possible de l'important plan de relance de 16 650 milliards de yens - 114 milliards de dollars - adopté fin avril et comprenant 12 300 milliards de yens d'engagements budgétaires nouveaux, ainsi que 4 000 milliards de réductions d'impôts.

A défaut de gestes publics forts, l'intervention concertée avec le Trésor américain pour contrer la chute du yen sur les marchés, telle qu'initiée le mardi 15 juin, ne réglera rien au fond : la méfiance ou la nervosité des marchés repartira immanquablement. S'agissant de l'Europe, c'est vrai à plus long terme avec l'euro, les effets de la crise japonaise restent incertains, exception faite des conséquences directes du recul de la demande extérieure de ce pays. Une certaine fuite des capitaux japonais, déjà perceptible, peut peut-être favoriser certaines places au-delà de Wall Street - Francfort, par exemple, ou Londres... - mais ce phénomène ne compensera certainement pas les pertes de marchés enregistrées par les Européens en Asie.

En tout état de cause, une implication européenne au sein du G7 reste indispensable pour la solution de la crise japonaise, car il convient d'éviter que ne s'instaure une concertation bilatérale unique entre les Etats-Unis et le Japon sur les voies et moyens de sortie de crise. "

A l'issue du débat, la résolution 1164 figurant dans le rapport 8043 est adoptée à l'unanimité.

5. Activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour 1997 - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 juin)

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui compte 60 membres, créée en 1991 pour faciliter la transition des pays d'Europe centrale et orientale vers l'économie de marché, continue d'étendre ses activités dans les 26 pays où elle opère. Après le doublement de sa base capitalistique, passée de 10 à 20 milliards d'ECU en 1997, la Banque a consenti pour un total de 2,3 milliards d'ECU de prêts cette année, et ce chiffre devrait se maintenir à ce niveau, voire augmenter en 1998.

Le rapport se penche sur trois importantes branches d'activité de la BERD : la privatisation et la restructuration des entreprises d'Europe centrale et orientale, les institutions financières dans les pays en transition, et l'agro-industrie. L'auteur relève que 80 % des prêts accordés en 1997 concernaient le secteur privé, ce qui a amené la part de celui-ci à 67 % des engagements cumulés de la Banque, tandis que la part des moyennes entreprises est passée de 15 % à 19 % du total des engagements. En 1997 aussi, 52 opérations financières ont été entreprises, pour une valeur de quelques 480 millions d'ECU, représentant environ 28 % du total des opérations. La Banque a financé des projets d'une valeur de 250 millions de dollars dans l'agro-industrie, surtout en Bulgarie, en Pologne, en Russie et en Ukraine ; cependant, les investissements dans ce secteur ne se sont pas traduits pour l'instant par une augmentation notable de leur part actuelle de 2 % du portefeuille total de la BERD.

Parmi les principaux problèmes soulignés par le rapporteur, on peut citer le fort endettement de nombreuses entreprises, la lenteur des réformes structurelles dans certains pays, accentuée par des interférences bureaucratiques, l'augmentation considérable de la pauvreté, ainsi que la corruption et la criminalité économique. En même temps, les forces du marché ont fait apparaître d'importantes transformations structurelles dans les entreprises d'Europe centrale et orientale, ouvrant la voie à davantage d'investissements étrangers. Le rapport est favorable au " principe de complémentarité " de la BERD, en vertu duquel les prêts accordés par la Banque sont destinés à compléter les autres investissements au lieu de les remplacer. L'auteur invite aussi à un ajustement de la politique commerciale de l'Union européenne afin d'étendre plus d'accords préférentiels aux pays d'Europe centrale et orientale, soulignant que le commerce est la clef du succès de la transition. Le rapport conclut en disant que la BERD a encore une mission importante à remplir en facilitant l'achèvement du processus de transition, tant par ses prêts que par son rôle de conseil.

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , intervient dans le débat en ces termes :

" La commission de la science et de la technologie accorde une attention particulière au compte de sûreté nucléaire géré par la Banque, ainsi qu'au Fonds pour le sarcophage de Tchernobyl. En effet, notre assemblée a adopté en 1992 et 1997 des rapports relatifs à la sûreté nucléaire dans les pays d'Europe centrale et orientale et a formulé des recommandations, dont une tendant à " augmenter d'une manière sensible les contributions financières volontaires au compte pour la société nucléaire de la BERD, afin qu'un nombre plus grand de projets spécifiques puissent être subventionnés par l'intermédiaire de la Banque.

Je voudrais d'emblée rappeler ici que le compte pour la sûreté nucléaire géré par la Banque est alimenté par des contributions volontaires des pays donateurs. Au 31 décembre 1997, quatorze pays, plus l'Union européenne, avaient annoncé pour 260,6 millions d'ECU de contribution.

Cela signifie qu'en aucun cas, l'aide à l'amélioration de la sûreté nucléaire ne se fait au détriment d'une quelconque action de la Banque. Je tenais à le rappeler car j'ai entendu par le passé, y compris dans cette enceinte, des propos totalement faux à ce sujet.

Les projets en cours concernent la Bulgarie, pour la centrale du Kozloduy et la Lituanie, avec l'accord signé en février 1994, pour la centrale d'Ignalina, projet en cours d'achèvement. J'ai pu personnellement me rendre compte des efforts déployés par la Lituanie pour mettre en oeuvre le programme d'amélioration.

Pour la Russie, les accords signés en 1995 concernent les centrales de Leningrad (Sosnovy-Bor de type RBMK), Novovoronezh, Kola. Il me semble que l'inertie de ce pays et de ses structures rend toute action bien difficile.

Pour l'Ukraine, le mémorandum signé le 20 décembre 1995 par ce pays, le G7 et l'Union européenne prévoit la fermeture de Tchernobyl d'ici à l'an 2000. Le projet signé avec la Banque en novembre 1996, d'une valeur de 118 millions d'ECU, consistera à préparer la fermeture des tranches 1, 2 et 3.

Le mémorandum prévoyait aussi l'achèvement des centrales de Rivné et de Khmelnitsky -des VVER 1000- aux normes occidentales. L'an dernier, la Banque avait brandi une étude dite at least cost pour ne pas entrer en matière, prétextant que cette étude lui était imposée par le G7. Plusieurs communiqués du G7, ultérieurs à notre débat de juin 1997, me laissent penser que le G7 pressait la Banque d'entrer en matière. Cette année, cet aspect du mémorandum n'est pas abordé par la Banque, me laissant dans l'incertitude sur cet aspect des procédures.

Par contre, un document du 31 mars de l'Union européenne laisse entrevoir la possibilité de financer l'achèvement de ces deux centrales par des prêts Euratom.

Pour la bonne information de notre Assemblée, j'ajoute que sur la période 1991-1997, les programmes européens Phare et Tacis ont engagé des opérations pour respectivement 150 millions d'ECU et 573 millions d'ECU. Pour l'exécution du plan d'action du G7, il est prévu, sur la période 1994-1996, 100 millions d'ECU.

Le plan d'action du G7 pour la fermeture de Tchernobyl a été complété, lors du Sommet de Denver en 1997, par la mise en place d'un mécanisme supplémentaire : le Fonds pour le sarcophage de Tchernobyl. Il est doté de 300 millions de dollars. Mais il faut savoir que la mise en oeuvre du plan d'exécution du sarcophage nécessitera huit à neuf ans et coûtera quelque 760 millions de dollars ce qui signifie que 60 % du financement n'est pas encore réuni.

A la lecture du rapport 1997 de la Banque, il n'apparaît pas de différend sur les procédures propres de l'institution. De deux choses l'une, ou bien lassés de mes critiques les rédacteurs ont préféré les passer sous silence ; ou bien les projets engagés étaient suffisamment prêts et bouclés et les différents intervenants ont trouvé chacun leur place, apportant une contribution positive dans l'action concrète. J'espère que c'est cette seconde version qui a prédominé, et si c'est le cas, je m'en réjouis.

Permettez-moi enfin d'insister sur la cohérence des choix. La sûreté nucléaire, le développement de la culture de sûreté doivent être une ligne de conduite unique et ferme.

Cela vaut pour la Banque, qui n'a pas réussi à mener à bout les opérations, très controversées ces derniers temps, comme celle de Mochovce en Slovaquie, faute d'une cohérence bien établie.

Cela vaut aussi pour les pays bénéficiaires, pour qui la mise en oeuvre d'un programme d'amélioration de la sûreté ne signifie pas que la sûreté est garantie à tout jamais, à un niveau maximum et qu'il n'y a plus de problème pour l'éternité. Il faudra arrêter les centrales qui sont actuellement en fonctionnement, et cela le plus vite possible. Il faut que ces pays l'aient bien en mémoire.

Il est utile de rappeler que la sûreté est un combat de tous les instants et que le développement d'une culture de sûreté à tous les niveaux de la hiérarchie est aussi une mesure du changement d'échelle de valeurs pour les pays de l'ex-bloc communiste qui ont rejoint le bloc démocratique. "

Au terme du débat, la résolution 1162 figurant dans le rapport 8132 est adoptée à l'unanimité.

6. Projet de convention pénale sur la corruption - Intervention de M. Michel HUNAULT, député (RPR) (Mardi 23 juin)

Le projet de Convention pénale sur la corruption élaboré par le GMC (Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption) a été transmis à l'Assemblée parlementaire pour avis avant son adoption par le Comité des Ministres.

Au nombre des aspects positifs, le rapporteur de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme M. Jaume Bartumeu Cassany constate que ce texte couvre un champ très vaste (celle de l'Union européenne se limitant aux fonctionnaires des Communautés européennes et aux Etats membres de l'Union européenne et celle de l'OCDE à la corruption active dans les transactions commerciales).

Il souligne également l'intérêt particulier de ce texte dans le domaine de la coopération internationale  : la convention prévoit d'une part que les Etats fournissent spontanément aux autres Etats les informations en leur possession. D'autre part, elle comporte une forme de subsidiarité à cette coopération en ne s'appliquant que lorsqu'elle n'est pas organisée par les législations nationales ou d'autres accords (bilatéraux ou multilatéraux). Cette dernière disposition est essentielle pour faciliter la coopération internationale contre la corruption avec des Etats qui ne sont pas liés par d'autres instruments juridiques.

Le Rapporteur relève cependant que le texte comporte quelques points d'ombre qui risquent de le vider de sa substance. Notamment, le texte contient un nombre trop élevé de possibilités de réserves.

C'est pourquoi il est proposé à l'Assemblée de recommander au Comité des Ministres de l'amender et notamment  :

- de limiter le nombre de réserves possibles,

- d'exclure la possibilité de réserves pour les membres d'assemblées publiques nationales, les membres d'assemblées publiques étrangères et les membres d'assemblées internationales,

- que la responsabilité pénale des personnes morales soit engagée (art. 18)

- que l'Assemblée parlementaire soit associée au suivi de la mise en oeuvre de la Convention en siégeant au mécanisme prévu à cet effet (GRECO).

M. Michel HUNAULT, député (RPR) , formule les observations suivantes :

" Notre Assemblée est invitée à donner son approbation à ce très important rapport de convention pénale sur la corruption.

Nous savons combien la corruption a pris aujourd'hui une ampleur sans précédent. Rarement autant de responsables politiques ou du monde économique ont été mis en cause dans les " affaires ". La corruption constitue l'une des plus graves menaces en cette fin de siècle pour nos démocraties et représente un réel danger pour la stabilité de nos institutions.

Je veux d'abord saluer le contenu de ce projet de convention qui oblige chacune des parties à ériger en infractions pénales des pratiques aujourd'hui hélas fréquentes, mais fort condamnables. Il faut aussi être plus efficace, ce qui nécessite de prévoir l'incrimination coordonnée de ces infractions et, surtout, une coopération renforcée dans leur poursuite.

Je tiens à mettre l'accent sur les liens de la corruption avec le crime organisé et le blanchiment de l'argent. Je regrette solennellement que tous les pays membres de notre haute Assemblée n'aient pas à ce jour adopté dans leur législation interne, la précédente recommandation du Conseil de l'Europe qui les incitait à créer un véritable délit du blanchiment de l'argent. La France, pour sa part, l'a adoptée par une loi votée à l'unanimité le 2 mai 1996. Mais beaucoup de pays ne l'ont toujours pas fait à ce jour.

Or, pour être efficace, l'élaboration d'une politique pénale commune exige une coopération entre les autorités nationales. Il faut, pour ce faire, faciliter le travail des autorités chargées des investigations et de la poursuite des infractions pénales.

Le chapitre IV de la convention pénale rappelle aux parties à la convention la nécessité de coopérer, condition incontournable d'efficacité. Aucun pays ne devrait pouvoir invoquer le secret bancaire pour justifier son refus de toute opération prévue dans ce texte.

Il est nécessaire de faciliter la coopération des magistrats qui se heurtent trop souvent aux législations internes de chacun des Etats membres à l'heure de la mondialisation de l'économie et de transferts de capitaux dont l'origine est souvent mal connue.

Le projet de convention pénale sur la corruption, parce qu'il s'inscrit dans le cadre des actions menées par les organismes monétaires internationaux et d'autres organisations à l'échelon européen est un élément décisif de la lutte contre l'argent sale. J'aurais souhaité, pour ma part, qu'il s'accompagne d'un calendrier précis d'adoption au sein des législations de chacun des Etats membres de notre Assemblée.

Je considère que la lutte contre la corruption -ainsi que contre ses liens avec le crime organisé et le blanchiment de l'argent- est devenue une priorité et que la ratification de cette convention devrait être exigée de chacun des Etats membres au même titre que l'harmonisation des législations en matière des droits de l'homme.

Il me semble que notre Assemblée devrait demander au Comité des Ministres de donner des moyens accrus aux magistrats. Il faut, en effet, que soit renforcée la coopération judiciaire internationale, indispensable si l'on veut lutter efficacement contre la corruption. L'émergence d'institutions judiciaires européennes indépendantes doit être favorisée. Aujourd'hui, en effet, les législations nationales font trop souvent obstacle à l'efficacité de la coopération européenne. D'où ma suggestion de compléter l'article 29 du titre IV en suggérant la création d'un organisme constitué de magistrats européens spécialisés dans les affaires financières.

C'est l'honneur du Conseil de l'Europe que de se préoccuper de ce fléau de notre fin de siècle qu'est la corruption en lui donnant une définition commune et d'exprimer une volonté commune de la combattre efficacement.

Il reste à faire le plus difficile, comme l'a rappelé le rapporteur, appliquer cette convention pénale sur la corruption dont l'efficacité dépendra avant tout de la volonté affichée de chaque Etat membre pour faciliter son application !

En conclusion, je veux formuler une suggestion qui est aussi un voeu : notre Assemblée devrait chaque année inscrire à l'ordre du jour de ses travaux cet important dossier de la lutte contre la corruption afin d'évaluer l'efficacité de nos travaux et, surtout, de veiller à la bonne suite donnée aux recommandations. "

A l'issue du débat, l'avis 207 figurant dans le rapport 8133 est adopté.

7. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) et de Mme Josette DURRIEU, Sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)

A M. Giorgios PAPANDREOU, ministre adjoint des Affaires étrangères de la Grèce qui s'exprime au nom du Président en exercice du Comité des Ministres, M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , pose la question suivante :

" Considérant que le séminaire de La Haye, qui a réuni le 5 juin dernier des représentants de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, s'est prononcé contre toute fusion des deux organisations, mais pour une coopération comprenant notamment une meilleure formation réciproque.

Demande au Président du Comité des Ministres si l'heure n'est pas venue d'une prise en compte, par le Bureau international pour la démocratie et les droits de l'homme de l'OSCE, des programmes du Conseil de l'Europe pour l'assistance démocratique, au moins à l'égard de ses quarante Etats membres et des pays candidats, l'OSCE se focalisant plutôt sur les pays d'outre-Caucase ainsi que sur les missions spécifiques de prévention des crises et de réhabilitation. "

M. PAPANDREOU lui apporte la réponse suivante :

" Pour ce qui concerne les relations entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE, je remercie l'honorable parlementaire de sa question. Je n'ai pas pu participer au séminaire, mais j'y ai été représenté par M. Constas, Madame la Présidente, vous étiez présente en compagnie de plusieurs de vos collègues. Je tiens à remercier les Pays-Bas d'avoir organisé cette rencontre.

Les participants se sont clairement prononcés en faveur d'une coopération fondée sur un meilleur échange d'information plutôt que sur la stricte formalisation des relations entre les deux entités. Le secrétariat du Conseil de l'Europe et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE échangent leurs informations à l'occasion de leurs deux réunions annuelles de programmation. Pour le moment, toutefois, il me paraît difficile d'envisager une quelconque " répartition des tâches ", du moins en ce qui concerne les pays membres du Conseil de l'Europe et les pays candidats à l'adhésion. Cependant, les ministres des Affaires étrangères voudront certainement étudier de près le mandat du Bureau de Varsovie de l'OSCE lorsqu'ils se rencontreront à Oslo en novembre prochain. Pour ce qui est du Conseil de l'Europe, les Etats membres continueront certainement à appuyer les principales responsabilités du Conseil en matière de consolidation des institutions démocratiques, de protection des droits de l'homme et de prééminence du droit.

Le Président du Comité des Ministres compte parmi ceux qui reconnaissent qu'il appartient également à nos gouvernements respectifs d'assurer la coopération et la complémentarité des deux organisations. L'avis de M. Geremek, président en exercice de l'OSCE, sera intéressant à cet égard. Je pense que nos points de vue se rejoignent. "

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , ajoute alors ces quelques mots :

" Il y a suffisamment de problèmes en Europe pour que la volonté affichée de complémentarité soit recherchée avec vigueur et l'emporte sur les doubles emplois entre différentes organisations. "

A son tour, Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , interroge M. PAPANDREOU en ces termes :

" L'Assemblée a pris connaissance avec satisfaction de la décision prise par le Comité des Ministres en janvier 1998 en faveur de l'Organisation d'une Campagne sur l'interdépendance et la solidarité mondiales : l'Europe contre la pauvreté et l'exclusion sociale,

Considérant qu'une telle campagne peut contribuer de manière très importante à la sensibilisation de l'opinion publique et du monde politique à la nécessité d'établir des relations plus constructives et solidaires avec tous les peuples du monde afin de pouvoir faire face aux grands défis posés par le processus de la mondialisation et de réduire la pauvreté et l'exclusion tant dans le Nord que dans le Sud.

Demande au Président du Comité des Ministres s'il est prêt à soutenir cette campagne et à inviter ses collègues au sein du Comité des Ministres à donner un appui moral et pratique (y compris une aide financière) à l'organisation de cette campagne et si, en tant que ministre des Affaires étrangères grec, il est prêt à considérer avec bienveillance, une contribution de son pays à l'organisation de la campagne. "

Le représentant du Président du Comité des Ministres lui répond :

" Je partage tout à fait l'idée de l'honorable parlementaire selon laquelle la Campagne pour l'interdépendance et la solidarité mondiales permettra de sensibiliser beaucoup mieux l'opinion publique sur la nécessité de renforcer la solidarité, tant à l'intérieur de l'Europe que dans le cadre de nos relations avec les autres régions du monde, pour mieux combattre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Nous ne parviendrons à résoudre les graves problèmes de notre planète et à instaurer des relations internationales plus constructives que si nous comprenons mieux l'interdépendance de toutes les régions du monde. C'est pourquoi le Comité des Ministres se félicite de la proposition de l'Assemblée parlementaire tendant à l'organisation de cette campagne. Cependant, comme les dépenses correspondantes sont trop lourdes pour le budget du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres a invité les Etats membres à faire des contributions volontaires à ce projet. Certains Etats ont répondu à l'appel et je serais ravi que mes collègues du Comité des Ministres suivent leur exemple afin d'assurer la réussite de la campagne aussi bien en Europe qu'au niveau national. Je suis disposé pour ce qui concerne mon propre pays à explorer la possibilité d'une éventuelle contribution à l'organisation de la campagne.

En plus des programmes au niveau européen, la campagne permettra la tenue d'activités au sein des Etats membres. Il a été suggéré de créer des comités nationaux spécialement à cette fin. Je serais très heureux que les délégations nationales de cette honorable Assemblée prêtent leur concours à la concrétisation de cette idée. "

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , ajoute alors quelques mots :

" Si nous avons pris, avec le Comité des Ministres, la décision de lancer cette campagne, c'était pour affirmer un acte politique fort, qui suppose une volonté politique forte.

En l'état actuel des choses, nous avons quelques craintes, Monsieur le Ministre : il semble que l'organisation reste floue et que l'on ne se saisisse pas suffisamment, en termes d'organisation et de moyens, de la gestion de cette campagne. Malgré tout, elle donnera une image forte ou floue, selon le cas, de ce que nous voulons faire. C'est pourquoi j'en appelle à une organisation plus solide accompagnant une volonté effective. "

8. Exposé de M. Bronislaw GEREMEK, ministre des Affaires étrangères de Pologne, président en exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) - Interventions de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)

S'adressant à M. Bronislaw Geremek, Président en exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui examine devant l'Assemblée les possibilités d'améliorer la coordination des activités du Conseil de l'Europe et de l'OSCE sur le terrain, M. Jacques BAUMEL, député (RPR) , formule les observations suivantes :

" Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir délivré ce message d'une très haute qualité. Pour ce qui concerne le Kosovo, vous avez déjà répondu en grande partie. Mais je reviens d'une mission dans le Haut-Karabakh, où les situations sont très proches.

Je crois qu'il faut trouver une autre solution que l'indépendance ou le retour au statu quo . Il y a une voie nouvelle à chercher dans une sorte d'association interne accordant le maximum de pouvoirs intérieurs à une entité politique au sein d'un ensemble reconnu internationalement : c'est-à-dire la justice, l'administration, la langue, l'éducation, la police, tel que cela existe dans un certain nombre de pays en Europe ou dans le monde. Mais avec l'interdiction d'utiliser un certain nombre d'emblèmes internationaux comme la représentation à l'Onu ou une politique étrangère différente. A mon avis, tel est le sens dans lequel il faut aller.

Je crains que, comme vous l'avez signalé, lenteur et prudence soient malheureusement mauvaises conseillères. Il faut aller vite. Au Kosovo, les éléments les plus extrémistes sont en train de gagner au détriment des éléments les plus raisonnables. Il est indispensable que la communauté internationale agisse. Cette action doit passer notamment par un rapprochement marqué entre l'OSCE et le Conseil de l'Europe. Partout où nous pouvons agir ensemble, comme l'a déterminé le colloque récent de La Haye, c'est un élément très important.

Il ne faudrait pas, monsieur le président, que, dans cette affaire, on ait un peu la réaction historique de votre pays, quand on y disait : " Dieu est trop haut et la France est trop loin ".

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , pose à son tour la question suivante :

" M. le ministre a déjà répondu aux questions que je voulais poser. Je profite des quelques minutes qui me sont accordées pour le remercier de s'exprimer dans un français aussi pur et de mettre sa compétence à la disposition du Collège de France.

Ma question portait sur les compétences respectives de l'OSCE et du Conseil de l'Europe. Au lieu d'une nécessaire complémentarité, on constate aujourd'hui, sur le terrain, une concurrence qui ne me paraît pas être la meilleure démarche. Je pense à toutes les élections qui se déroulent actuellement. Pour le Conseil de l'Europe, l'élection est le contrôle qui permet l'adhésion. C'est donc une mission qui relève de sa compétence. Or, nous avons perdu dans ce domaine toute initiative et c'est dommage. "

M. GEREMEK lui répond alors :

" J'ai la volonté, pendant cette période où se déroulent plusieurs élections dans plusieurs pays, de fournir un bon exemple de la coopération entre une assemblée parlementaire et un organisme international.

Je suis persuadé, Madame, qu'il faut dans la pratique de l'observation, une coopération entre des parlementaires, donc des politiques par excellence, et des techniciens de la politique. C'est très utile quand on rencontre dans les missions des parlementaires et des organisateurs de la loi électorale. Cette année, lorsque j'ai eu l'occasion, j'ai demandé que le chef de la mission d'observation nommé soit un parlementaire. Néanmoins, il faut aussi des techniciens comme ceux dont nous disposons au sein de l'Odir. Le point le plus important c'est l'absence de compétition entre les deux. Pour cela, il suffit de bien informer les uns et les autres afin d'établir des missions communes. "

9. Accord sur l'Irlande du nord (Mercredi 24 juin)

Le rapport confirme le fait que l'Assemblée se félicite de l'Accord sur l'Irlande du Nord et du résultat positif du référendum de mai dernier. Il invite l'ensemble des partis politiques d'Irlande du Nord à coopérer en vue de la mise en oeuvre de l'accord, qui " offre une occasion exceptionnelle de parvenir à un règlement pacifique et durable " du conflit.

Un certain nombre d'éléments ayant contribué à la conclusion de l'accord sont jugés utiles pour la résolution d'autres conflits, sur le continent européen comme dans d'autres régions. Ces éléments sont les suivants :

- un médiateur international ;

- un ordre du jour non limitatif ;

- un délai consenti par tous ;

- des procédures convenues pour la libération conditionnelle des prisonniers ;

- l'incorporation de la Convention européenne des Droits de l'Homme dans le droit national ;

- l'implication de la communauté internationale dans l'application de l'accord.

Le rapport considère que l'acceptation de ces principes par toutes les parties impliquées dans d'autres conflits serait le signe d'une volonté politique de parvenir à un règlement pacifique.

A l'issue du débat, la résolution 1163 figurant dans le rapport 8134 est adoptée à l'unanimité.

10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)

Selon le rapport, de nombreux experts estiment que la situation politique en République fédérale de Yougoslavie et au Kosovo est devenue désespérément incontrôlable. Ce point de vue est partagé car le risque d'une escalade, et partant, d'une extension du conflit est effectivement grand. La communauté internationale n'est pas totalement étrangère à cet état de choses puisque, pendant trop longtemps, elle a fait l'impasse sur la question du Kosovo dans la politique qu'elle mène dans les Balkans. Aujourd'hui, la communauté internationale se dit déterminée à faire cesser immédiatement les hostilités, à endiguer le conflit et à rechercher une solution pacifique par la voie de négociations. La volonté d'agir existe, mais, pour l'instant, elle n'a encore esquissé que l'ébauche d'une stratégie politique. Il semble que la solution ne se trouve pas dans la sécession, mais dans l'octroi d'une autonomie aussi large que possible, tout en préservant l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie.

Pour parvenir à ses objectifs, la communauté internationale devra impérativement faire preuve de détermination et d'unité, et veiller à définir des mesures réalisables. Bien entendu, le Conseil de l'Europe doit s'associer à ces efforts. Mais il ne saurait se contenter d'identifier ce qui doit être fait et soutenir les autres Etats dans les actions qu'ils entreprendront ; la question relève en effet de ses compétences premières.

Ce conflit à long terme ne pourra être résolu qu'en instaurant une confiance durable et en encourageant la démocratie, le respect des droits de l'homme et la protection des minorités au Kosovo et en Yougoslavie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet de recommandation invite le Comité des Ministres à " élaborer des propositions concrètes pour une présence active continue ".

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , intervient dans le débat en ces termes :

" Pour commencer, une remarque d'ordre général ou, peut-être, de principe : nous sommes ici au Conseil de l'Europe, dans un temple de la démocratie, de l'Europe qui se fait.

Si M. Milosevic n'a pas le droit de se livrer à des provocations de tout genre dans son Etat, je ne crois pas que son représentant ait ici le droit de nous provoquer en son nom, comme il vient de le faire car je me suis sentie agressée par les propos qu'il vient de tenir.

Nous assistons au Kosovo à un remake du film bosniaque. C'est la même situation. Pas de responsable politique qui ne dise chaque jour que l'on ne tolérera pas au Kosovo ce qui s'est passé en Bosnie, que l'on ne répétera pas les mêmes erreurs. Pourtant, immanquablement, les mêmes choses se reproduisent : avec le même Milosevic dans le même rôle, avec les mêmes invitations, les mêmes divisions. Naturellement, l'escalade se poursuit rapidement et inexorablement.

Au Kosovo, le contexte régional est encore plus dangereux qu'en Bosnie. Quatre Etats sont concernés comme vous l'avez tous dit. La violence monte, et pour cause ! Nous mesurons maintenant les efforts vains d'un leader non violent, Rugova. Lorsque pacifiquement le message ne passe pas, de toute évidence, il ne reste plus que l'acte terroriste. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la Révolution française a inscrit dans un texte hautement symbolique que la lutte contre l'oppression était légitime à un certain moment. Je vous le dis, moi-même, fille de résistant et même de déporté : arrive un moment où l'acte terroriste est légitime, voire glorieux.

Alors oui, la tension monte, la situation se radicalise, les modérés sont en perte de vitesse. On ne peut plus parler dans ce pays sagement et raisonnablement d'autonomie. Même les plus modérés sont obligés aujourd'hui de revendiquer l'indépendance. Bientôt, des Albanais diront : " et un Etat albanais du Kosovo maintenant !

Est-il encore temps de faire quelque chose ? Quels sont les moyens ? Je suis désolée, mais ce sont les mêmes qu'en Bosnie. Certes, il faut des sanctions économiques, mais nous en connaissons tous les limites. Seulement voilà, c'est le blocus qui a conduit Milosevic à Dayton et les conséquences sont lourdes sur les populations, sur l'Etat, sur les Etats voisins, tels que la Bulgarie et la Roumanie. Alors, ne faisons rien ?

Quant à l'intervention militaire, j'en connais comme vous tous les obstacles. Montagneuse, la zone est encore plus difficile que la Bosnie et la cible n'est pas accessible.

Eh oui, toutes les objections sont pertinentes, et il faut vraiment, à certains moments, se " cramponner " pour écouter ici de tels propos. Si l'Onu ne délivre pas effectivement à un certain moment un message, c'est parce que la Russie ne l'aura pas voulu, alors que nos amis russes savent bien que leur complaisance peut devenir de la complicité si elle doit durer.

Toutes les objections, ont été surmontées pour la guerre du Golfe et pour la Bosnie. Les objections ne doivent pas servir d'alibi à l'inaction !

Alors, que reste-t-il à faire ? A vous entendre, on ne le sait... N'y aurait-il plus rien à faire ? Faut-il attendre, vingt ans, comme en Irlande pour parvenir à un processus de paix ? Je n'en ai pas envie !

Il est des individus - même Milosevic ! - qui ne comprennent qu'un langage ferme. Il existe une justice internationale ! Il est de la compétence du tribunal international, sur l'ensemble de l'ex-Yougoslavie, de porter un jugement sur Milosevic. Nul besoin d'instruire le dossier ! Le dossier est instruit : destruction de villages, massacre de populations, processus de " nettoyage " ethnique. Oui, le tribunal international peut intervenir en flagrant délit, au même titre qu'on juge en France des hooligans -certains séance tenante.

Vous nous demandez l'adhésion au Conseil de l'Europe ? Oui, nous voulons celle de la République serbe ! Mais à l'évidence le règlement du problème du Kosovo est un préalable car, je le répète, je me suis sentie agressée aujourd'hui. Il y va de notre responsabilité, voire de notre dignité. "

Au terme du débat, la recommandation 1376, contenue dans le rapport 8149, est adoptée, amendée, ainsi que la directive 544 figurant dans le même rapport.

11. Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak - Intervention de Mme Laurence DUMONT, députée (Soc) (Jeudi 25 juin)

Ce rapport s'efforce de comprendre les causes des importants déplacements de populations, essentiellement d'origine ethnique kurde, tant à l'intérieur qu'en provenance du nord de l'Irak et du sud-est de la Turquie, et d'évaluer leur situation et leurs besoins humanitaires.

Le rapporteur, Mme Vermot-Mangold souligne sa grande préoccupation face à la situation humanitaire précaire des populations d'origine kurde vivant dans ces régions. Dès lors, l'implication du Conseil de l'Europe et de toute autre Organisation internationale compétente est pleinement justifiée. Le Rapporteur constate que ce sont l'insécurité et les conditions économiques et sociales difficiles caractérisant ces régions qui ont entraîné les mouvements de population. Elle condamne les violences commises par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et exhorte cette organisation à cesser toutes activités armées. Elle prie le gouvernement turc de cesser l'utilisation des forces armées contre la population civile kurde et de se conformer pleinement aux principes de l'Organisation des " 40 ", en vue d'un dénouement pacifique du conflit dans lequel il est engagé dans le sud-est du pays. A cet égard, des mesures de confiance devraient être introduites dans le cadre des programmes du Conseil de l'Europe.

Par ailleurs, le rapport appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe à user de leur influence auprès de l'Union européenne afin qu'elle favorise le développement économique dans les provinces du sud-est de la Turquie et qu'elle intensifie l'aide humanitaire qu'elle fournit à la région nord de l'Irak. Le rapport demande une levée des sanctions contre l'Irak et une intensification des efforts de promotion de paix entre les parties conflictuelles dans cette région.

Enfin, le rapport invite le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à élaborer une série de mesures destinées à combattre les conditions qui favorisent les migrations clandestines sous toutes leurs formes.

Mme Laurence DUMONT, députée (Soc) , formule les observations suivantes :

" Je me félicite de l'inscription, enfin, de ce débat à l'ordre du jour de notre Assemblée. Si nous ne discutions pas ici, au Conseil de l'Europe, d'un tel sujet, alors que ce sujet relève de la vocation même de cette institution, où aurions-nous l'opportunité d'en débattre ?

Ce problème nous concerne à plusieurs titres.

Premièrement, comme le note le rapport, parce que " les migrations récentes ont montré que la question kurde n'est plus aujourd'hui un simple problème intérieur. Elle est devenue un problème international de droits de l'homme, qui concerne donc la communauté internationale ".

Deuxièmement, comme le dit Yasar Kemal, " parce que la démocratie est un tout. La démocratie doit être pour toute l'humanité. Et tous les véritables démocrates, peu importe où qu'ils soient, doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour aider ceux qui veulent aller vers la démocratie et ceux qui luttent pour elle ".

D'entrée de jeu, je préciserai que mes propos ne sauraient se limiter aux seuls " aspects humanitaires des déplacements de réfugiés kurdes dans le nord de l'Irak et le sud-est de la Turquie ". A ce propos d'ailleurs, j'ai trouvé le rapport quelque peu déséquilibré entre le titre et le contenu, puisque c'est bien plus de la Turquie qu'il s'agit dans ce rapport que de l'Irak.

Je me bornerai volontairement à la Turquie, puisque ce pays est membre de notre organisation, ce qui nous donne, même si ce n'est pas facile, la possibilité du dialogue. Et je ne me limiterai pas, disais-je, aux seuls aspects humanitaires, car je ne suis pas une responsable d'ONG et nous ne sommes pas non plus le conseil d'administration de Médecins sans frontières.

Je suis une politique, et c'est à ce titre que j'assume la responsabilité non pas de dire le droit, mais de dénoncer, en Turquie, des dérives graves, telles que les trois mille villages rasés ou incendiés, la persistance du système des gardes villageois, les soixante-sept journalistes muselés, les militants des droits de l'homme terrorisés et nos six collègues députés emprisonnés, tous problèmes majeurs qui sont à l'origine, d'une certaine façon, de conséquences humanitaires que nous pouvons certes déplorer, mais qui ne sont que la conséquence logique d'une situation politique donnée.

Je poserai un préalable important, parce que, comme je le disais, je ne m'attribue pas le privilège de dire le droit, seulement celui de raisonner dans le cadre d'un ordre international, qu'on pourrait certes souhaiter plus efficace, mais qui existe, celui des Nations unies.

Je m'inscris donc résolument, c'est le cas de le dire, dans la droite ligne de ce que la Résolution 688 de l'Onu préconisait pour l'Irak, à savoir le respect de l'intégrité territoriale d'une part, et des droits politiques de tous les citoyens, d'autre part, car cela est valable ailleurs qu'en Irak.

En Turquie ou ailleurs, c'est pour l'application de l'idée de cette résolution que je me bats. Rien que cette résolution, mais toute cette résolution : respect des frontières et droits des citoyens.

Nul ici n'envisage la remise en cause des frontières, en Turquie ou ailleurs ; beaucoup déplorent que les droits civils et politiques des Kurdes soient bafoués : le mot est impropre, car encore faudrait-il que ces droits aient existé. Ces droits n'existent pas.

Si notre institution a un sens, puisqu'elle n'a somme toute guère de puissance, elle se doit d'envoyer aujourd'hui, par ce débat, un message fort : pour dire la vocation européenne de la Turquie, déjà reconnue par sa présence au sein de cet hémicycle ; pour affirmer que la place de la Turquie est dans l'Union européenne, mais que cette intégration ne saurait être possible qu'à certaines conditions dont l'une est la reconnaissance de la question kurde, c'est à dire l'attribution aux Kurdes des droits civils et politiques élémentaires dans une grande démocratie.

Mes chers collègues, je souhaite vivement que notre débat d'aujourd'hui au Conseil de l'Europe, permette de faire entendre deux voix indissociables : la voix du coeur sur le respect des droits de l'homme, des droits politiques et culturels des peuples, qui plaide pour une solution politique et négociée de la question kurde ; et la voix de la raison qui plaide pour le développement d'initiatives fortes en faveur de la paix et de l'intégration, à terme, pleine et entière de la Turquie au sein de l'Union européenne. "

A l'issue du débat, la recommandation 1377 figurant dans le rapport 8131 est adoptée avec amendements, ainsi que la directive 545, également amendée.

12. Fonds de développement social du Conseil de l'Europe : activités et perspectives - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 25 juin)

Dans son rapport, M. Gross se félicite de l'adhésion de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale au Fonds de développement social, ces dernières années, ainsi que de l'augmentation substantielle de son activité (426 millions d'écus de projets approuvés en 1994 contre 2.153 millions en 1997). Cependant, le rapporteur constate qu'en 1996 et 1997, respectivement, seuls 0,94 % et 0,78 % des projets concernaient l'aide aux réfugiés et aux migrants, première priorité de l'action du Fonds.

Le Fonds doit faire face à un dilemme : de par sa vocation humanitaire et sociale, il doit soutenir des projets non lucratifs  ; mais en tant que banque, il doit veiller à sa santé financière pour ne pas mettre en danger sa crédibilité sur le marché des capitaux. En outre, s'il est vrai que son action s'oriente de plus en plus vers les pays d'Europe centrale et orientale, ceux-ci, déjà surendettés, hésitent à emprunter.

Pour faire face à ces défis, et pour augmenter la capacité d'action du Fonds, M. Gross propose aux 30 Etats membres du Fonds une série de mesures parmi lesquelles  :

- accroître le capital souscrit et libérer une proportion plus importante de celui-ci  ;

- donner leur garantie aux projets qui sont à réaliser dans un autre Etat européen non-membre dont la situation financière ne lui permet pas de garantir ces projets  ;

- contribuer au compte fiduciaire sélectif pour le soutien, par des subventions d'intérêts, des projets correspondant aux objectifs prioritaires du Fonds dans des régions particulièrement défavorisées  ;

- coopérer plus étroitement avec les organisations internationales humanitaires dans la préparation des projets ;

- utiliser les prêts du Fonds pour financer des projets d'aide à la population Rom/Tzigane  ;

- étudier la possibilité d'utiliser le financement du Fonds pour les programmes de déminage.

Au cours du débat, M. Jean BRIANE, député (UDF) intervient alors en ces termes :

" J'appartiens bien au Groupe du parti populaire européen, mais j'interviens surtout au nom de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux.

La commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux a toujours donné son soutien au Fonds de développement social du Conseil de l'Europe en attirant l'attention du Comité des Ministres et des pays membres sur les potentialités que l'unique instrument financier du Conseil de l'Europe peut apporter aux bénéficiaires, mais aussi à la coopération européenne.

Dès l'ouverture des pays d'Europe centrale et orientale, nous avons salué le fait que, dans l'éventail de ses interventions, le Fonds manifestait la volonté de consacrer une partie de ses interventions aux projets portant sur l'environnement.

A titre d'exemple, permettez-moi de rappeler que, lors de la mise en oeuvre en 1992 et 1993 du programme d'action sur la gestion des ressources en eau, les possibilités d'intervention du Fonds dans ce domaine avaient été exposées dans le cadre de différentes initiatives et avaient suscité beaucoup d'intérêt.

La commission a toujours été convaincue du fait que, même si la mission première du Conseil de l'Europe n'est pas d'intervenir financièrement en matière d'environnement, le financement par le Fonds de certains projets présentant des aspects environnementaux importants répond tout à fait aux finalités du Fonds, en apportant, dans le cadre d'une approche intégrée du développement, une contribution spécifique à des problèmes environnementaux.

Cela reste encore valable aujourd'hui, même dans le contexte de ce qui pourrait être un nouveau tournant des activités du Fonds qui semble appelé, d'une part, à revenir, tout au moins en partie, à sa mission première qui est celle d'aider le rétablissement des réfugiés et des personnes déplacées, et, d'autre part, à assumer un rôle en matière de cohésion sociale.

La commission partage l'avis de ceux qui pensent qu'il est opportun que le Fonds accorde une priorité à ces deux domaines, tout en notant avec satisfaction que l'on continue à reconnaître au Fonds une fonction dans le domaine de l'environnement.

La conclusion la plus sensée pour une organisation comme le Conseil de l'Europe, qui, contrairement à d'autres organisations, est doté de ce seul instrument d'intervention, nous semble être celle de veiller à ce que le Fonds réponde aux besoins prioritaires de ses membres et que, pour ce faire, il puisse bénéficier d'une certaine souplesse pour ce qui est des domaines d'intervention.

Cependant, après avoir pris connaissance de la situation financière particulièrement florissante, et sachant que 11 % seulement du capital social est libéré, on pourrait encourager le Fonds, c'est-à-dire ses pays membres, à en libérer une partie plus importante.

Mais, pour permettre au Fonds de développer ses activités, d'une part, et lui assurer un espace d'intervention uniforme, d'autre part, il est important que le nombre de pays membres du Conseil de l'Europe adhérant au Fonds augmente. Cela est particulièrement valable bien sûr pour les pays d'Europe centrale et orientale.

C'est à propos justement des besoins de ces pays en matière d'interventions ayant trait à des problèmes d'environnement et d'aménagement du territoire qu'il est important que le Fonds poursuive et développe ses interventions dans ce secteur.

Je ne saurais terminer sans remercier M. Gross pour la qualité de son rapport extrêmement clair et aussi pour le souci qu'il a exprimé en faveur d'actions dans le domaine environnemental.

La commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux ne peut que se rallier pleinement aux propos de M. le rapporteur et adopter sans réserve le texte que la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie nous soumet. "

A l'issue du débat, la recommandation 1378 figurant dans le rapport 8124 est adoptée avec amendements.

13. Instruction élémentaire en science et en technologie (Jeudi 25 juin)

Selon le rapporteur, la société moderne se caractérise, entre autres, par les nombreuses découvertes scientifiques et technologiques qui jouent un rôle de plus en plus important dans notre vie quotidienne et qui sont au coeur de multiples problèmes alimentant les débats actuels. C'est pourquoi une compréhension élémentaire de la science et de la technologie est devenue indispensable pour permettre aux citoyens de participer à la vie de la démocratie moderne ; la compétitivité de l'Europe dans un contexte de réseaux mondiaux dépendra de plus en plus de la formation scientifique et technique de ses citoyens. Ceux qui ne se seront pas adaptés au monde de l'informatique courront le risque de ne pas pouvoir trouver d'emploi ou de perdre celui qu'ils occupent.

Or, la situation actuelle est caractérisée dans beaucoup de pays par un manque de connaissances scientifiques et techniques, imputable à des lacunes dans le système scolaire. Le rapport examine, entre autres, des problèmes tels que l'insuffisance des compétences pédagogiques ou de la formation des enseignants, le caractère abscons des manuels scolaires, la pénurie d'équipements scolaires adéquats et l'incapacité à dispenser un enseignement scientifique et technique plus précoce, c'est-à-dire dès le stade de l'enseignement primaire (groupe d'âge des 8-9 ans). A cela s'ajoute le fait que l'enseignement scientifique et technique à l'école est souvent orienté vers les garçons et déterminé par des stéréotypes concernant le rôle des femmes dans la société et sur les lieux de travail. Etant donné que l'industrie et la technologie sont considérées comme les principales responsables d'un certain nombre de problèmes, notamment environnementaux, les écoles ont parfois tendance à transformer les expériences négatives enregistrées avec les nouvelles technologies en préjugés contre celles-ci. Le rapport s'intéresse également aux déséquilibres régionaux observés dans le domaine de l'éducation.

Le rapporteur recommande une liste de mesures tendant à promouvoir l'acquisition de connaissances scientifiques et techniques par des personnes représentatives de tous les groupes d'âge, tant dans le cadre de l'enseignement scolaire que de la formation extrascolaire. Elle souligne que le système éducatif dans son ensemble devra permettre de développer et d'actualiser les connaissances scientifiques et techniques jusqu'à un âge avancé ; et elle préconise l'instauration d'une étroite coopération entre l'industrie et l'enseignement général, professionnel et supérieur. Enfin, le rapport propose d'inclure l'enseignement de la science et de la technologie dans des disciplines telles que l'éducation civique, la sociologie, l'économie, la morale et l'enseignement religieux, et de faire en sorte que le système d'évaluation des élèves manifeste davantage le souci de les motiver pour qu'ils s'intéressent à la science et à la technologie. Le Conseil de l'Europe, par ses divers programmes d'éducation, devrait contribuer à la mise en oeuvre de telles mesures dans tous ses Etats membres.

Au terme du débat, la recommandation 1379, contenue dans le rapport 8122, est adoptée, amendée. Puis la directive 546, figurant dans le même rapport, est adoptée à l'unanimité.

14. Droit au respect de la vie privée - Interventions de MM. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), rapporteur pour avis, et Bernard SCHREINER, député (RPR)  (Vendredi 26 juin)

Quelques semaines après l'accident qui a coûté la vie à la Princesse de Galles, certaines voix se sont élevées pour demander un renforcement au niveau européen de la protection de la vie privée, notamment des personnes publiques, au moyen d'une nouvelle convention. D'autres cependant étaient d'avis que la vie privée était suffisamment protégée par les législations nationales et la Convention européenne des Droits de l'Homme et qu'il ne fallait pas porter atteinte à la liberté d'expression.

A la lumière de l'audition consacrée à ce thème en décembre 1997, le rapporteur arrive à la conclusion que la vie privée est protégée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non seulement contre l'ingérence des pouvoirs publics mais aussi contre celle des particuliers et des institutions privées. Il arrive cependant que ce droit se trouve en contradiction avec le droit à la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la Convention, comme l'un des fondements de la démocratie. Le problème se pose notamment lorsque des personnes publiques sont concernées.

La Recommandation a pour objectif de parvenir à un équilibre respectant à la fois le droit à la vie privée et la liberté d'expression en préconisant non seulement l'adoption d'une nouvelle Convention mais celle de lignes directrices.

M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), rapporteur pour avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille , fait les observations suivantes en présentant son rapport écrit :

" Le débat d'aujourd'hui n'est pas nouveau car, au cours de ces trente dernières années, il a mobilisé le Conseil de l'Europe à travers pas moins d'une vingtaine d'initiatives : Résolution 338 sur la législation sur la presse en 1967 ; Recommandation 509 sur les droits de l'homme et les réalisations scientifiques et technologiques modernes en 1968 ; Directive n° 283 sur la communication de masse et les droits de l'homme en 1969 ; Résolution 428 et Recommandation 582 sur le même sujet en 1970 ; Recommandation 963 sur les moyens éducatifs et culturels de lutte contre la violence en 1983 ; Résolution 1003 et Recommandation 1215 sur l'éthique du journalisme en 1993.

Le Conseil des ministres, pour sa part, a tenu sa quatrième Conférence des ministres de la Justice sur la législation sur la presse et en a fait sa Résolution 3 en 1966. En 1982, il établissait une Déclaration sur la liberté d'expression et d'information. En 1997, une convention était ouverte à la signature sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui touche au droit de la vie privée. Et, en 1998, il a inscrit dans son projet une ligne directrice sur la question de la protection des données dans les inforoutes, c'est-à-dire le problème d'Internet.

J'ajoute une Conférence nordique de juristes en 1967 à Stockholm sur le droit à la vie privée ; un colloque à Salzbourg en 1968 sur les moyens de communication de masse et sur les droits de l'homme ; et enfin un colloque en 1991 à Helsinki sur l'éthique du journalisme.

Vous me pardonnerez une telle énumération, mais, à elle seule, elle dit bien combien notre débat d'aujourd'hui n'est pas un débat de circonstance, un débat à chaud influencé par une émotion, bien légitime. C'est un débat mûri et approfondi qui prend acte des limites, du non-respect, voire des échecs de certaines dispositions précédentes, un débat qui constate que les techniques vont parfois plus vite que le droit et qui justifie le bien-fondé de notre démarche qui consiste à en tirer les conséquences par les propositions formulées.

Voilà qui fixe le cadre et l'objectif du rapport au fond de la Commission des affaires juridiques et des droits de l'homme et des propositions de M. Schwimmer, que j'approuve et que je soutiens, s'il n'est pas déséquilibré dans notre débat. J'eusse préféré qu'il débouchât également sur une recommandation, comme le préconise M. Atkinson.

Mes chers collègues, ce débat ne doit pas faire l'objet d'un faux procès ou d'amalgames, qu'aucun rapport ne propose. Ni le rapport de M. Schwimmer, ni ceux des autres commissions n'entendent limiter le droit existant, ils entendent lutter contre les abus du droit, qui sont donc " hors du droit ".

Il ne s'agit pas de restreindre le droit de l'information, mais de sanctionner le voyeurisme et le commerce qui font de l'intimité d'une personne humaine une valeur marchande.

Pour apporter la meilleure garantie, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille souhaite, par quelques amendements, rappeler le cadre juridique actuel et réaffirmer solennellement les principes et les valeurs qui guident et fondent la raison d'être de notre Assemblée en la matière.

C'est en l'absence de la réaffirmation de ces principes que se créent les confusions ou les interprétations hasardeuses, dommageables aussi bien pour le droit d'informer, que pour le droit au respect de la vie privée. Nous ne devons pas laisser ce flou. C'est extrêmement important car cela peut nous aider à sortir d'une autre question lancinante, voire dilatoire, prétexte à ne rien faire - ou si peu - qui est : " Mais qui juge si c'est une information ou un abus ? "

A cette question légitime, on doit d'abord répondre par une autre : " Qui que ce soit, cela ne peut se faire que par rapport à quoi ? " Voilà la grave question. Alors, il est primordial de réaffirmer ces principes comme autant de repères incontestables. Ce sont des droits qui ne sont pas absolus, pas hiérarchisés et pas discriminatoires. C'est écrit en toutes lettres dans notre Convention européenne des Droits de l'Homme.

Je le répète, réaffirmer ces principes c'est réaffirmer ces droits et non pas les restreindre. Les éclairer à la lumière des évolutions les plus récentes qui apparaissent dans les législations et les jurisprudences, y compris de la Cour européenne de justice, de façon de plus en plus convergente, mérite d'être repris dans nos travaux. Il en est ainsi de la notion " d'intérêt public légitime " qui justifie la presse d'information et d'investigation, mais protège la vie privée, non pas dans sa définition introuvable, mais dans la nature de son contenu. C'est ce que je vous propose par l'amendement n° 3 qui vient en soutien des points 10 et 11 du texte de M. Schwimmer.

C'est par rapport à ces principes réaffirmés et à cette notion d'intérêt public légitimes que les médias eux-mêmes jugeront d'abord ce qu'ils doivent ou non publier. Ils n'ont pas besoin d'autorisation dans ce cadre-là. Ils assument leur responsabilité, corollaire de leur liberté.

En cas de contestation, le juge qui sera saisi tranchera. En dehors du cadre de l'intérêt public légitime, les médias ne peuvent pas s'introduire dans la vie privée sans le consentement express de la personne qui reste seul juge de ce qu'elle accepte ou non de divulguer de sa vie privée qui n'a pas d'incidence sur sa vie publique.

Réaffirmer ces principes est essentiel. Mais leur donner une chance d'application ne l'est pas moins. Et, l'avez-vous remarqué, plus on avance dans cette voie plus les rangs s'éclaircissent. A la question : faut-il concilier vie privée et liberté d'expression ? Le " oui " est unanime. A la question : l'Assemblée a-t-elle conscience des dérapages d'une certaine presse, de certains médias ? Le " oui " devient quasi unanime, même chez les journalistes. Puisqu'un déséquilibre existe, faut-il y remédier ? Le oui devient " bien sûr, pourquoi pas ? " Faut-il faire des propositions ? On entend alors : " Ah non ! le moins possible. "

Par confusion, on affirme qu'il ne faut pas toucher au droit d'informer. Par hypocrisie, on nous dit que le droit de tout savoir c'est la démocratie, et que les gens aiment ça. Par accusation on nous dit que la censure est une initiative liberticide qui protège les hommes politiques véreux et leurs mensonges. Les principes étant réaffirmés, le rapport de M. Schwimmer établit les sanctions adaptées. Elles doivent être à la hauteur du but poursuivi, donc civiles, pénales et économiques. A défaut, l'économie dicte sa loi à la Loi et c'est à l'opposé de ce que l'on appelle un Etat de droit.

Le défaut de sanctions adaptées ménage ceux qui veulent à la fois ne pas connaître les règles, ne pas les appliquer, faire commerce de ce laxisme et fuir leurs responsabilités, donner des leçons de démocratie et de morale et en plus, passer pour des victimes. Les sanctionner ne remet en cause ni un droit, ni un équilibre car il s'agit de lutter contre un abus et de corriger un déséquilibre.

On pourra toujours tout dire sur la vie publique et sur les comportements publics et privés des personnes qui ne respectent pas les lois. On pourra toujours tout dire sur la vie privée qui présente un intérêt public légitime pour la société, sous réserve de s'exposer à en répondre sévèrement devant un juge. Mais on ne pourra s'introduire sans limites et sans autorisation dans la vie privée, dans tous les autres cas, sans être lourdement sanctionné.

Voilà mes chers collègues, la nature du rapport et des amendements que je vous propose. "

M. Bernard SCHREINER, député (RPR) , intervient dans le débat en ces termes :

" Je voudrais d'abord féliciter notre rapporteur, M. Walter Schwimmer, pour l'analyse approfondie qu'il nous donne de ce problème complexe.

Je voudrais dire également que j'approuve pleinement les propositions formulées par M. Staes au nom de la commission de la culture et de l'éducation.

Je crois, en effet, qu'il faut d'abord mettre l'accent sur la formation des journalistes et sur la généralisation d'un code de déontologie.

De même, l'éducation des enfants doit absolument s'élargir pour les préparer aux défis de la société dans laquelle ils vivront. Cette éducation doit comprendre plus que jamais la formation de l'esprit critique des jeunes, face aux sectes, à l'intégrisme, aux phénomènes de bandes violentes ou, et c'est notre sujet d'aujourd'hui, à la tentation de curiosité malsaine qu'exploite une certaine presse.

Notre rapporteur saisi au fond et nos rapporteurs pour avis mettent très justement en lumière qu'il existe potentiellement un conflit entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée que consacrent toutes les législations nationales et les grands textes de protection des droits de l'homme comme notre Convention européenne des Droits de l'Homme et, d'autre part, la liberté d'information, consubstantielle de la démocratie politique.

Pourquoi ces libertés bénéficient-elles d'un haut degré de protection ? Il faut sans doute rechercher les principes qui les fondent. Derrière la protection de la vie privée, c'est la dignité de la personne humaine qui est en jeu avec des droits aussi fondamentaux que le respect dû aux morts, le droit à son image d'une personne frappée par la maladie ou blessée dans un attentat, ou encore l'intimité des relations familiales.

De même, si la liberté de la presse prend rang parmi les libertés fondamentales, c'est parce qu'il n'y a pas de démocratie sans liberté d'information et libre critique, nourrissant le débat d'idées et le pluralisme des opinions.

Mais je voudrais souligner que la liberté de diffuser des informations ne tient pas seulement sa légitimité de ce rôle essentiel. Lorsqu'on s'en réclame pour violer le droit à l'intimité de la vie familiale ou transgresser le refus d'une personne de livrer une information ou une image d'elle relevant de la sphère privée, on admet un déséquilibre entre deux droits également garantis par notre Convention européenne des Droits de l'Homme.

Comme le fait très justement remarquer notre commission des questions sociales, de la santé et de la famille, ce déséquilibre est contraire à la Convention selon laquelle l'exercice d'un des droits reconnus ne peut aboutir à la négation d'un des autres droits qu'elle consacre. Ce déséquilibre n'est plus légitime lorsqu'il se produit au détriment d'une personne participant à la vie publique, puisque tous les textes de liberté publique et d'abord notre Convention européenne offrent leur garantie à " toute personne ". D'ailleurs, la Convention européenne des Droits de l'Homme prohibe toute discrimination dans l'exercice des droits reconnus.

Enfin, je voudrais souligner que nous ne pourrons pas indéfiniment perfectionner les instruments juridiques de protection des droits de l'homme au niveau national ou au niveau international tout en fermant les yeux sur l'extension mondiale d'une zone de non-droit, à savoir les nouvelles techniques de communication et d'information.

Que reste-t-il du droit de réponse, du droit de rectification, du droit à la protection de la vie privée, du droit même à réparation pécuniaire et surtout de la sanction des abus quand chacun peut diffuser en temps réel messages et photos diffamatoires ou clairement attentatoire aux droits garantis par la Convention européenne des Droits de l'Homme et les autres conventions ?

En adoptant, en avril dernier, la recommandation contre les mauvais traitements aux enfants, nous avons demandé l'élaboration par le Conseil de l'Europe d'une convention internationale prohibant la diffusion d'images de pornographie enfantine, d'offres pédophiles et autres usages illicites des nouvelles techniques de communication et d'information.

Je considère que c'est un texte général de régulation de ces nouveaux médias que nous devons élaborer, comportant notamment des règles garantissant le respect de la vie privée, la sanction des abus et des modes de réparation à la mesure, s'il se peut, des dommages causés.

Ce n'est pas une charte facultative et sans portée contraignante de déontologie qui peut répondre à ce nouveau défi. Si la presse écrite et même radiotélévisée peut sans doute se réformer elle même, Internet permet de causer de graves dommages. C'est pourquoi je considère qu'il nous faudra intervenir pour faire respecter les droits de l'homme. "

Sur le projet de résolution, neuf amendements ont été déposés par M. Gilbert MITTERRAND , au nom de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc) , intervient tout d'abord sur un amendement visant à rappeler que les personnes publiques doivent être conscientes que leur position dans la société les expose automatiquement à une pression élevée dans leur vie privée.

Souhaitant remplacer les termes " entraîne automatiquement " par les mots " risque de susciter ", il défend ainsi son amendement oral :

" La rédaction actuelle semble obliger les médias à s'intéresser automatiquement à la vie privée des personnes publiques. Et s'ils n'ont pas envie de le faire ? L'expression " entraîne automatiquement " peut laisser supposer que la pression sur la vie privée est légitime alors que notre débat a justement montré qu'elle n'était pas légitime. Il faut faire attention, elle peut l'être comme elle peut ne pas l'être.

On ne sait pas si la pression sur la vie privée est légitime ou non, fonction de l'intérêt public ou non. Le juge sera peut-être amené à décider. Il ne faut pas préjuger. Les deux mots " entraîne automatiquement " peuvent le laisser supposer. Je préfère donc que l'homme public soit conscient de sa position dans la société et qu'il sache en effet que cela peut susciter sur lui une pression accrue dans sa vie privée. Qu'il en soit conscient, certes, mais il ne faut pas aller au-delà ! "

L'amendement oral est adopté, après avis favorable de la Commission.

L'amendement suivant, présenté par M. Gilbert MITTERRAND , propose de substituer à :

" c'est au nom du droit à la liberté d'expression "

les termes :

" c'est au nom d'une interprétation unilatérale du droit à la liberté d'expression ".

Il défend ainsi son amendement :

" Bien souvent, les médias commettent des atteintes aux droits, au respect de la vie privée, en fonction de leur propre interprétation unilatérale de la liberté d'expression, une interprétation qui n'est pas celle de l'immense majorité des journalistes.

Par cet amendement, il s'agit d'affirmer que nous ne commettons aucune confusion et que nos propositions dans ce projet de résolution ne visent que les agissements qui déshonorent le droit d'informer, des agissements que dénoncent les journalistes eux-mêmes. " A nous de balayer devant notre porte ! A nous de prouver à l'opinion publique qu'il reste encore un honneur du journalisme. " Ces propos sont du directeur de l'Agence France Presse. Lorsqu'un journaliste invoque un " droit d'information " alors que son objectif n'était que de servir quelques horreurs, la profession souhaite qu'une distinction soit établie dans l'utilisation de l'argument du " droit d'expression ". Car tous les journalistes ne s'y reconnaissent pas.

Notre amendement tend à donner raison aux journalistes qui souhaitent simplement que l'on puisse informer sur la chose publique quand celle-ci est malmenée ou dévoyée. Il serait vain de vouloir défendre l'indéfendable, les manquements à l'éthique, les dérapages, les erreurs ou les comportements de voyous. La grande majorité des journalistes condamne ces agissements.

Les propos que je viens de tenir reflètent ceux des journalistes du syndicat du livre, largement majoritaires dans la profession, en tout cas dans notre pays. Ils récusent le dilemme entre chasser le scoop ou disparaître. Le métier de journaliste ne peut s'exercer sans ces règles. Tous les journalistes réclament que soit évitée la confusion entre leur métier, leur honneur et ceux qui les déshonorent. "

L'amendement est adopté.

L'amendement suivant présenté par M. Gilbert MITTERRAND tend à remplacer un paragraphe du projet de résolution qui légitime la publication de faits de la vie privée des personnes publiques par l'intérêt qu'ils présentent pour les citoyens-électeurs, par un texte plus restrictif réaffirmant que

" les personnes participant à la vie publique bénéficient comme tout citoyen de la protection de leur vie privée... ".

Cet amendement est ainsi défendu par son auteur :

" Cet amendement n'est que la réaffirmation d'un principe fondamental contenu dans notre Convention européenne des Droits de l'Homme.

Il s'agit d'abord de réaffirmer le cadre. A défaut, nous serions ennuyés pour définir certaines notions plus difficiles et le contenu d'un cadre que nous essayons de contenir.

Le cadre est celui de notre Convention, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de principes affirmés et réaffirmés mais toujours bafoués. Si l'on se pose beaucoup de questions sur la définition de la notion d'" intérêt public légitime ", de limites entre vie publique et vie privée, le débat ne peut avoir lieu que dans le cadre de ce que nous autorisons dans nos conventions, pas au-delà.

C'est pourquoi avant d'aller plus loin, nous avons souhaité, au nom de la liberté d'expression, réaffirmer déjà le cadre afin de mettre hors du champ de notre débat tous ce qui n'en fait pas partie.

Je vous demande de nous encourager dans ce sens. C'est tout simplement la confirmation de nos travaux, y compris même de la jurisprudence européenne de la Cour de justice. C'est par anticipation ouvrir la discussion future dans un cadre bien compris et unanimement accepté par tous les pays qui ont signé cette convention. "

M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), complète alors son précédent amendement en introduisant la notion " d'intérêt public légitime " et le présente en ces termes :

" Cet amendement tendait à compléter le précédent. Le cadre une fois fixé, il fallait s'intéresser au contenu de la notion d'" intérêt public légitime " . Celle-ci doit sous-tendre toute notre réflexion, la nôtre certes, mais aussi celle des médias et de tous ceux qui sont impliqués dans ce débat.

Notre amendement vise à rassurer ceux qui craindraient que les crimes, les délits et tout comportement hors-la-loi commis par une personne dans sa vie privée ne soient à l'abri de toute information publique. Non, il n'est pas question que les crimes et délits restent cachés et ne soient pas rendus publics.

Une fois de plus, notre souci de protéger la vie publique n'a pas pour objet de protéger des hommes publics véreux. Que cela soit bien clair ! Seule la notion d'intérêt public légitime justifie une intrusion dans la vie privée, et cette notion ne souffre d'aucune discussion lorsqu'il s'agit d'infraction aux lois.

La comparaison de nos législations en Europe suppose quelques exercices difficiles, mais l'on observe des tendances. Par exemple, la notion d'intérêt public est dorénavant reprise dans le droit allemand. Il s'agit d'une notion connue : en cas de conflit entre la vie privée et la liberté de la presse, la jurisprudence arbitre en fonction de l'intérêt public, sauf pour la sphère intime qui bénéficie d'une protection absolue.

La Constitution est exactement la même depuis 1982 en Espagne : l'intérêt public justifie une intrusion dans la vie privée, mais l'intérêt public absent interdit que l'on aille plus loin dans la vie privée.

En Italie, en cas de conflit, on vérifie l'utilité sociale. Le Code de déontologie se réfère au caractère essentiel pour l'intérêt public.

Aux Etats-Unis, les tribunaux recherchent l'existence d'un lien logique entre le fait rapporté et l'intérêt public.

On comprend donc bien pourquoi il faut retenir la notion d'intérêt public qui est déjà utilement appliquée et il faut en faire une notion commune qui éclaire des principes que nous avons tant de mal par ailleurs à définir. "

Un nouvel amendement de M. Gilbert MITTERRAND vise à ajouter au texte, après le rappel " du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d'expression " , la phrase suivante :

" Ces droits ne sont ni absolus ni hiérarchisés entre eux, étant d'égale valeur ".

Il intervient de la façon suivante pour défendre son amendement :

" Que les droits dont nous parlons soient ni absolus ni hiérarchisés entre eux, puisqu'ils sont d'égale valeur, c'est ce que montre l'analyse juridique de tous nos textes. Le rapport de M. Schwimmer ou le mien, essaient de bien l'expliquer.

C'est l'essence même de notre Convention européenne des Droits de l'Homme qu'il s'agit de dégager ici, parce qu'elle est reprise dans les législations nationales qui ont intégré la Convention. Bien entendu, les pays qui ne l'ont pas encore fait, auront certainement quelque chose à dire. Mais le retard ne doit pas pénaliser ceux qui se sont mis à l'heure ! "

Après avis favorable de la commission, l'amendement est adopté.

L'amendement suivant tend à supprimer la proposition d'adoption d'une nouvelle convention du Conseil de l'Europe pour garantir le droit au respect de la vie privée.

M. Gilbert MITTERRAND le défend ainsi :

" L'amendement n° 5 prépare les deux suivants. L'objectif était l'ouverture d'un débat sur le point de savoir si nous devons accepter une résolution ou si nous devons aller vers une recommandation. Déposer ces amendements permet d'ouvrir le débat, ce que je souhaitais. Les deux suivants traduisent concrètement une évolution vers la recommandation. A cet instant, ce n'est pas l'amendement n° 5 qui a le plus de fond.

Beaucoup de représentants se sont exprimés sur le point de savoir s'il fallait faire évoluer notre législation ou pas, si le Conseil de l'Europe devait donner un souffle nouveau ou se borner à confirmer les textes existants en pensant qu'ils suffisent. Je partage en partie ce point de vue. Ils suffiraient certes, mais ils ne sont pas mis en oeuvre ! Voilà pourquoi il faut aller plus loin.

Pendant ce temps, le paysage bouge et les techniques évoluent. Nous aurons forcément des conventions à préparer, concernant Internet ou d'autres techniques, puisque le Comité des Ministres a déjà proposé une réflexion entre nous. Nous pourrions poser déjà la question dans ce débat, qui sera sûrement repris. Vous ne pourrez pas y échapper dans les années à venir. Si je soutiens mon amendement, c'est pour ouvrir une discussion. "

L'amendement suivant, présenté par M. Gilbert MITTERRAND , vise à " recommander au Comité des Ministres d'élaborer une convention permettant la reconnaissance réciproque des qualifications juridiques et organisant la coopération judiciaire dans la poursuite des atteintes aux droits garantis par la Convention européenne des Droits de l'Homme... " .

M. Gilbert MITTERRAND défend sa proposition en ces termes :

" Cet amendement, je le défendrai pour au moins avoir la politesse de répondre à une question posée par l'un de nos collègues, M. Jaskiernia, qui voulait comprendre exactement ce mot " convention ".

Ce mot veut simplement dire que, de toute façon, la portée juridique de ce que nous sommes en train de décider ne pourra pas rester en l'état. Il faudra aller plus loin avec un autre support, peut-être justement une nouvelle convention. On aurait pu avoir une recommandation, bien sûr. Mais beaucoup de textes à venir s'appelleront conventions, puisque, je le rappelle, le Comité des Ministres s'inquiète des répercussions des développements technologiques et d'Internet. Le Comité des Ministres propose de mieux protéger certains intérêts légitimes mis en cause.

Notre Assemblée pourrait dès aujourd'hui demander parmi les intérêts mis en cause : " Pouvez-vous étudier la question de la vie privée à l'intérieur de ces conventions ? " Tel est le sens de cette demande, et tel est le sens du mot convention.

De toute façon, nous aurons à défendre des intérêts légitimes contre un certain nombre de développements technologiques. Il y aura à coup sûr des conventions. Demandez dès aujourd'hui que la vie privée fasse partie des intérêts légitimes à défendre. C'est la seule raison de cet amendement. Je penche plutôt vers cette solution. "

Ces amendements, qui suscitent l'opposition de la commission juridique au nom d'une interprétation très libérale du droit d'investigation allant jusqu'à la dénégation du droit au respect de la vie privée des personnes publiques, ne sont pas retenus.

En revanche, un nouvel amendement, présenté par M. Gilbert MITTERRAND , tend à élargir la portée initiale du texte pour garantir l'intimité et la tranquillité normales de la vie privée en interdisant de suivre ou de pourchasser une personne pour la photographier, la filmer...

M. Gilbert MITTERRAND défend son amendement en ces termes :

" Cet amendement qui va tout à fait dans le sens du texte proposé par M. Schwimmer au paragraphe 14.v, tend tout simplement à préciser que l'interdiction de suivre ou de pourchasser une personne ne doit pas se limiter au seul cas où cette personne peut être effrayée ou blessée physiquement. L'interdiction doit jouer dans tous les cas, notamment chaque fois qu'il y a empêchement pour la personne de vivre en toute tranquillité. Toute personne a le droit, dans sa vie privée, de ne pas être dérangée.

L'interdiction ne doit donc pas s'appliquer uniquement aux cas où on suppose qu'un drame pourrait avoir lieu, avec des conséquences physiques graves, blessures ou mort de la personne pourchassée. La législation doit s'appliquer à tous les cas lorsque quelqu'un est photographié, filmé ou enregistré. "

L'amendement est alors adopté, avec avis favorable de la commission.

L'amendement suivant, présenté par M. Gilbert MITTERRAND , tend à prévoir des sanctions pénales en cas d'atteinte à la vie privée, de préjudice moral grave et de menaces pour la santé des personnes :

" Cet amendement tend à instaurer des sanctions pénales dans les cas les plus graves, en nombre limité, qui doivent d'ailleurs être prévus par les législations nationales.

Le droit européen et le droit comparé de nos différentes législations nous permettent de constater que la protection de la vie privée sur le plan civil est très éclatée, très diversifiée. Cette protection figure parfois dans la loi, mais elle est souvent d'origine jurisprudentielle. Le droit anglo-saxon, quant à lui, ne prévoit que rarement une législation répressive en matière d'atteinte à la vie privée. En revanche, sur le plan pénal, le paysage n'est pas aussi éclaté et les législations sont beaucoup plus homogènes. Notre amendement tend donc à mettre l'accent sur l'homogénéité qui prend corps sur le plan pénal. Il tend à la favoriser. Il est nécessaire pour aboutir à une protection plus homogène de la vie privée.

De plus, lorsqu'il s'agit d'atteinte à l'ordre public, seul le juge pénal doit pouvoir être saisi. Si des atteintes à la vie privée troublent la société, et non seulement l'individu, il faut qu'un juge pénal puisse intervenir. Un juge civil ne pourra jamais rendre un jugement disant que la société est mise en danger par le comportement de certains médias - des médias qui n'ont que le nom, pas la déontologie. "

Si cet amendement n'est pas adopté, la commission s'étant prononcée contre, il en va, en revanche, différemment du dernier amendement proposé par M. Gilbert MITTERRAND et qui tend à prévoir une action judiciaire d'urgence au bénéfice d'une personne qui a connaissance de l'imminence de la diffusion d'informations ou d'images concernant sa vie privée.

M. Gilbert MITTERRAND soutient ainsi son amendement :

" Il s'agit de se conformer à un adage qui doit exister dans toutes les langues utilisées ici : mieux vaut prévenir que guérir.

Dans certains cas, contrairement à ce que certains j'ai pu entendre de quelques uns en commission, il est possible d'empêcher l'irréparable avant qu'il ne soit commis. Il serait donc intéressant de pouvoir évacuer ces cas.

Par ailleurs, nous savons tous que certaines atteintes à la vie privée sont irréparables. Nous pouvons prévoir tout ce qu'on peut imaginer, des sanctions civiles, pénales, économiques, le dommage, le mal est fait, rien ne pourra le réparer. Même si de tels cas sont rares, la prévention est souhaitable.

Nous avons rejeté suffisamment d'amendements portant sur des questions marginales, pour nous arrêter maintenant sur une situation qui, pour exceptionnelle, n'en mérite pas moins que nous ouvrions les yeux sur elle. Nous devons prévoir qu'une personne menacée d'atteinte dans sa vie privée pourra, lorsqu'elle aura connaissance de l'imminence de la menace, saisir d'urgence le juge afin d'éviter que le mal ne soit fait. Cela n'empêchera nullement le juge du fond de se pencher sur l'affaire pour dire si oui ou non il y avait atteinte à la vie privée.

Il faut permettre de sauver, dans l'urgence, de telles situations, quand c'est encore possible. "

Malgré l'avis défavorable de la commission, l'amendement est alors adopté.

M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc) , intervient de nouveau dans le débat contre un amendement visant à encourager les médias à établir leurs propres directives et à créer un organe qui recevrait les plaintes pour atteinte à la vie privée :

" Encourager les médias à établir leurs propres directives en matière de publication ne me choque pas, car c'est la déontologie. Dans mon rapport je préconise que l'on aille dans ce sens.

Mais vraiment pourquoi créer " un organe " dont on ne sait rien ? Est-ce la législation qui doit déterminer sa composition ? On a rejeté beaucoup d'amendements tout à l'heure au nom d'un concept défini dans notre Assemblée qui ne permettrait pas d'aller aussi loin que les législations nationales. Je reprends ici le même argument.

Cet " organe " serait composé de personnes qui seraient à la fois juge et partie, et inclurait des représentants des médias eux-mêmes. On ne peut demander à des citoyens de s'adresser à un organe composé de journalistes pour se plaindre des agressions dont ils seraient les victimes de la part de ces derniers. Ce serait enlever son rôle au juge qui reste la seule garantie de nos sociétés démocratiques. Que les professionnels s'occupent de leur déontologie mais ne s'arrogent pas le droit de juger les autres ! "

L'amendement est adopté, avec avis favorable de la commission.

La résolution 1165, figurant dans le rapport 8130, ainsi amendée, est adoptée à l'issue du débat .

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient alors pour une explication de vote en ces termes :

" Je veux exprimer mes remerciements à notre rapporteur, M. Schwimmer, pour le travail considérable accompli, ainsi qu'aux trois rapporteurs pour avis, MM. Atkinson, Staes et Mitterrand. Leur tâche ne fut pas facile pour arriver à un texte équilibré entre le respect de la vie privée et la liberté d'expression. Le débat sur les amendements l'a d'ailleurs démontré. Ils y sont parvenus et nous leur devons une très grande reconnaissance.

Ce texte est une invitation aux gouvernements. Mais, nous le savons, les textes ne suffisent point. Il faut qu'à présent une volonté claire s'exprime de la part de tous les gouvernements. C'est aussi et surtout un appel à la conscience, au sens des responsabilités de tous, particulièrement des médias, des directeurs de publications comme des journalistes, mais aussi au nôtre, les politiques. Si le débat d'aujourd'hui, qui fut de qualité, nous permet de franchir une étape en ce sens, le Conseil de l'Europe, une fois de plus, aura fait oeuvre utile. Pour cela, nous pouvons être satisfaits ! "

V. LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 21 au 25 septembre 1998)

1. Introduction

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est réunie à Strasbourg du 21 au 25 septembre 1998 (quatrième partie de la session ordinaire de 1998).

Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des allocutions de :

- M. Peter WOLFF , Président du Parlement de la Principauté du Liechtenstein,

- M. José-Maria GIL ROBLES , Président du Parlement européen.

- M. Ugo Mifsud BONNICI , Président de Malte

Le rapport d'activité du Bureau (doc. 8195) a été présenté par M. DEMETRIOU (Grèce).

La communication du Comité des ministres a été présentée par M. Giorgos PAPANDREOU , ministre suppléant des Affaires étrangères de la Grèce (doc. 8181) ; question de Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) et de M. Jacques LEGENDRE , sénateur (RPR).

L'Assemblée a examiné les rapports suivants et adopté les recommandations et résolutions ci-après :

- respect des obligations et engagements de la Bulgarie (doc. 8180) ;

- droits de l'homme des appelés (doc. 7979) ; recommandation 1380 et résolution 1166.

- politique générale : Conseil de l'Europe et OSCE (docs 8187, 8201 et 8202) ; interventions de M. Daniel HOEFFEL , sénateur (UC) et Mme Josette DURRIEU , sénateur (Soc) ; recommandation n° 1381.

- élaboration d'un code de conduite européen sur les ventes d'armes (doc. 8188) ; intervention de M. François LESEIN , sénateur (RDSE) - recommandation 1382.

- OCDE et économie mondiale (doc. 8179) ; allocution de M. Donald JOHNSTON , Secrétaire général de l'OCDE ; interventions de MM. Jean VALLEIX , député (RPR), Claude BIRRAUX , député (UDF) et Paul DHAILLE , député (S) ; résolution 1167.

- diversification linguistique ; rapport (doc. 8173) présenté par M. Jacques LEGENDRE , sénateur (RPR) au nom de la commission de la culture et de l'éducation ; recommandation 1383.

- crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie (docs. 8204, 8205 et 8210) ; intervention de M. Jacques BAUMEL , député (RPR) - recommandations 1384 et 1385.

- derniers développements en Albanie (doc. 8208) - recommandation 1386.

- politique maritime européenne (docs. 8164, 8165, 8177 et 8206) - intervention de M. Jean BRIANE , député (UDF) - résolutions 1168, 1169 et 1170 - recommandations 1387 et 1388.

- cultures minoritaires ouraliennes en danger (doc. 8126) ; résolution 1171.

- situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise (doc. 8182) ; intervention de M. Jacques LEGENDRE , sénateur (RPR) ; résolution 1172.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se réunira à Strasbourg du 25 au 29 janvier 1999 (1ère partie de la session ordinaire de 1999).

2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 21 septembre)

Parmi les nombreuses décisions prises par le Bureau, celui-ci a décidé d'observer les élections en Bosnie et Herzégovine, en Slovaquie, dans l'" ex-République Yougoslave de Macédoine ", en Lettonie, en Albanie et en Azerbaïdjan. Compte tenu de l'importance croissante que prend l'observation des élections, le Bureau est d'avis que les rapports sur ces sujets soient soumis à l'examen de l'Assemblée, assortis éventuellement d'un projet de résolution ou de recommandation.

Par ailleurs, l'évolution préoccupante de la situation en Albanie a conduit le Bureau à envoyer M. Tarschys, Secrétaire général de l'Organisation en mission urgente et à organiser un débat d'urgence à ce propos au cours de la session plénière actuelle.

A l'issue du débat, acte est donné du rapport d'activité du Bureau figurant dans le rapport 8195 et addendum.

3. Respect des obligations et engagements de la Bulgarie (Lundi 21 septembre)

La Bulgarie a réalisé des progrès aux plans économique et politique note le rapport d'information sur le respect des obligations et engagements contractés par ce pays au moment de son adhésion au Conseil de l'Europe. Mais les deux rapporteurs se disent préoccupés par la situation dans les médias, la police, les prisons pour enfants et dans le domaine de l'autonomie locale.

Ils relèvent que :

Médias : le Conseil National de la Radio et de la Télévision est, selon l'opposition, composé de 6 membres proches du parti au pouvoir (UFD) et d'un membre proche de l'opposition (Gauche Démocratique), ce qui entrerait clairement en contradiction avec le caractère indépendant de cette institution. De nouvelles lois sur la radio et la télévision et sur les télécommunications devraient être adoptées en 1998 et il est à espérer, disent-ils, que l'Assemblée Nationale tiendra compte des observations des experts du Conseil de l'Europe.

Indépendance du pouvoir judiciaire : elle est garantie dans le principe mais les nouveaux projets d'amendement de la loi sur le système judiciaire sont matière à préoccupation.

Police : les violences policières sont dirigées en particulier contre des membres des communautés religieuses, les Roms et les enfants des rues. Selon certaines ONG, elles sont en augmentation.

Epuration : les renvois dans l'administration, le corps diplomatique et dans les collectivités locales semblent toujours être de nature politique.

Autonomie locale : la réforme radicale de la législation sur l'autonomie locale qui serait envisagée par les autorités, aux fins de mettre en place un système de nomination des maires et des gouverneurs régionaux, est assez préoccupante.

Prisons pour enfants : il en existe deux (une pour les garçons, une pour les filles) dont les conditions sont inacceptables.

Les parlementaires soulignent par ailleurs que certaines mesures prises ne s'appliquent pas encore ; Ainsi, la Cour Suprême de Cassation et la Cour Administrative Suprême sont en place, mais les Cours d'Appel ne fonctionnent pas. La Bulgarie a signé la Convention cadre pour la Protection des Minorités nationales, mais ne l'a pas encore ratifiée. La liberté de culte semble satisfaisante, mais l'obligation d'enregistrement des communautés religieuses est discutable.

Ils souhaitent que le Conseil de l'Europe soit invité à évaluer des projets de loi en cours, tels ceux sur les religions et la fonction publique. Ils proposent également que lors de l'adoption de nouvelles législations, les commentaires des experts du Conseil de l'Europe soient pris en compte.

Enfin, les rapporteurs estiment que le pouvoir en place devrait faire participer davantage les forces politiques d'opposition à ses efforts de réforme afin d'éviter l'émergence d'un profond clivage au sein de la société.

Au terme du débat, tenu sur un rapport d'information, conformément à la procédure de suivi, aucun vote n'a eu lieu.

4. Droits de l'Homme des appelés (Mardi 22 septembre)

Une audition, organisée par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme en juillet 1996 à Helsinki a montré qu'il existe des différences considérables entres les Etats membres au sujet du statut juridique des appelés et des droits dont ils bénéficient. Elle a révélé aussi que, dans plusieurs pays, les droits de l'homme des appelés sont limités d'une manière injustifiable.

C'est pourquoi le rapport élaboré par le socialiste néerlandais Erik Jurgens affirme que les appelés doivent bénéficier des mêmes droits et libertés et jouir de la même protection juridique que les citoyens ordinaires. Le rapporteur propose à l'Assemblée d'inviter les Etats membres à revoir leur législation nationale et leur pratique afin, notamment d'assurer la conformité des procédures devant les tribunaux militaires avec la Convention européenne des Droits de l'homme, de veiller à l'existence de voies de recours appropriées, à l'équité des procédures, à l'impartialité et à l'indépendance du tribunal ainsi qu'à la régularité de l'arrestation et de la détention éventuelles des appelés. Préoccupé par la crise économique en Asie et tout particulièrement au Japon, ainsi qu'en Russie, le rapporteur invite les institutions financières internationales ainsi que les pays membres de l'OCDE à soutenir les réformes politiques, économiques et sociales que doivent entreprendre ces pays. Le rapporteur se tourne également vers l'OCDE pour lui demander que, dans la définition finale de l'Accord multilatéral d'investissement (AMI), elle prenne mieux en compte les préoccupations nationales dans les domaines des normes sociales et de travail, l'environnement et les objectifs culturels nationaux. Dans la lutte contre le chômage, Terry Davis demande d'encourager des politiques permettant l'essor du secteur des services, davantage utilisateur de main-d'oeuvre.

Au terme du débat, la résolution 1166, amendée, figurant dans le rapport 7979, ainsi que la recommandation 1380, sont adoptées.

5. Communication du Comité des ministres - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mardi 22 septembre)

M. Giorgos PAPANDREOU, ministre suppléant des Affaires étrangères de la Grèce, s'adresse à l'Assemblée au nom du Président en exercice du Comité des ministres et attire l'attention sur la situation critique dans certains Etats membres, notamment l'Albanie, et la crise qui perdure en République fédérale de Yougoslavie et au Kosovo. Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), lui pose la question suivante :

" Dans la perspective de l'institution d'un commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, demande au Président du Comité des Ministres, comment s'articuleraient les procédures et les compétences de ce commissaire avec celles de la Cour européenne des Droits de l'Homme, désormais permanente, ainsi qu'avec le Comité de prévention de la torture et des traitements dégradants, et ne serait-il pas opportun de demander à la Cour unique et permanente des Droits de l'Homme un avis sur ce point, qui serait porté à la connaissance du Secrétaire Général, du Comité des Ministres et de l'Assemblée. "

M. PAPANDREOU lui répond en ces termes :

" En réponse à la question de Mme Durrieu,, je voudrais tout d'abord souligner que, de l'avis du Comité des ministres, le commissaire sera une institution non judiciaire dont la mission sera de promouvoir l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme et le respect qui leur est dû.

Dès le début de son examen de la proposition de créer cette institution, le Comité des ministres a toujours pensé que le commissaire devrait s'acquitter d'autres fonctions que celles déjà remplies par la Cour européenne des Droits de l'Homme, ou par les organes de contrôle relevant des instruments du Conseil de l'Europe concernant les droits de l'homme, tel que le Comité pour la prévention de la torture.

Le projet de mandat du commissaire envisagé, que le Comité des ministres a récemment communiqué à l'Assemblée parlementaire pour avis, confirme cette position et précise que le commissaire aux droits de l'homme devra respecter la compétence de la Cour et des autres organes de contrôle. Je voudrais renvoyer l'honorable membre, à ce propos, aux articles 2 et 4 du projet de mandat.

En ce qui concerne l'opportunité de demander l'avis de la nouvelle Cour européenne des Droits de l'Homme, je peux informer Mme Durrieu que cette question a déjà été soulevée au sein du Comité des ministres, et je ne suis pas en mesure de préjuger l'issue de nos discussions. Quoi qu'il en soit, il ne m'est pas difficile de vous donner le point de vue de la Grèce à ce sujet : le commissaire étant une institution non judiciaire, fonctionnant en respectant la compétence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, nous ne pensons pas vraiment que l'avis de cette Cour devrait être sollicité en l'espèce. Tout d'abord, la Cour n'est pas un organe subsidiaire du Comité des ministres, sa mission est de prononcer des arrêts, non de donner des avis dont le Comité peut très bien ne pas tenir compte. En outre, avant de demander un avis à la Cour, nous devrions être sûrs qu'elle est disposée à nous en fournir un. Nous ne souhaitons certainement pas avoir à faire face à un refus de la Cour. Le fait de formuler cette demande à la Cour équivaudrait, selon nous, à placer la Cour dans une position très embarrassante. Le rôle du Comité des ministres, par rapport à la Cour, est défini de manière claire et restrictive dans la Convention, article 54. Le Comité doit surveiller l'exécution des arrêts de la Cour sans lui demander des avis ou des conseils sur des questions nettement situées en dehors de son champ de compétence.

En conclusion, je voudrais souligner une fois encore l'importance que le Gouvernement grec attache à l'institution du commissaire européen aux droits de l'homme. Nous ferons le maximum en vue d'une adoption rapide des textes pertinents afin que le commissaire puisse être nommé dans un très proche avenir.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , pose alors une question supplémentaire :

" Monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas que la multiplicité des institutions chargées de préserver les droits de l'homme risque d'affaiblir l'efficacité de l'ensemble du système ? "

Le représentant du Comité des ministres formule la réponse suivante :

" Cela dépend du domaine dans lequel travaille chaque institution. Comme je l'ai déjà dit, le commissaire aux droits de l'homme ne sera pas un organe judiciaire ; il aura essentiellement un rôle d'éducation et pourra, entre autres, être appelé à prodiguer des conseils à différentes institutions, organisations, Etats, etc. Je pense qu'il est nécessaire de mettre en place un tel organe, car il viendra combler une véritable lacune dans le domaine de la protection des droits de l'homme en Europe. Personnellement, je suis convaincu qu'il faut résolument aller vers sa création. "

M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) , pose à son tour une question en ces termes :

" Considérant qu'il aurait créé une " antenne " de gestion des itinéraires culturels du Conseil de l'Europe hors du siège de notre Organisation à Strasbourg, demande au Président du Comité des ministres s'il peut lui préciser la base légale de cette localisation d'un organe du Conseil de l'Europe hors du siège statutaire et si la disponibilité prochaine des locaux précédemment occupés par le Parlement européen ne serait pas l'occasion de rationaliser la gestion administrative de l'Organisation en rassemblant tous les services à Strasbourg. "

M. PAPANDREOU lui répond :

" L'Institut européen des itinéraires culturels a été créé au Luxembourg à l'initiative du Gouvernement du grand-duché.

La Résolution (98) 4 sur les itinéraires culturels du Conseil de l'Europe, adoptée par le Comité des ministres le 17 mars 1998, définit un règlement -en tant que cadre de coopération formelle- pour la mise en oeuvre de cette activité, qui nécessite des ressources humaines et financières considérables, et autorise le Secrétaire général à signer un protocole d'accord avec le Gouvernement du grand-duché de Luxembourg, ainsi qu'un arrangement administratif avec le président de l'association " Institut européen des itinéraires culturels " dont le siège est à Luxembourg.

Cette activité est coordonnée pour le Conseil de l'Europe par l'Institut européen des itinéraires culturels. Il va sans dire que les instances compétentes du Conseil de l'Europe restent responsables pour l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de nouveaux thèmes dans le contexte du programme intergouvernemental d'activités géré par le Secrétariat.

Cette restructuration présente l'avantage pour le Conseil de l'Europe de développer un partenariat qui lui permet d'augmenter les ressources financières et humaines allouées à cette activité grâce à une importante contribution financière du grand-duché de Luxembourg.

Les Délégués des ministres examinent activement les besoins en locaux du Conseil de l'Europe et les effets de la mise en service prochaine du nouvel hémicycle du Parlement européen. "

6. Politique générale - Le Conseil de l'Europe et l'OSCE - Interventions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 22 septembre)

Les 40 Etats membres du Conseil de l'Europe appartiennent tous également à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) - et les deux Organisations partagent les mêmes principes et les objectifs de la stabilité et de la sécurité en Europe, fondés sur la démocratie et le respect des droits de l'homme, rappelle l'auteur du rapport, M. Peter Schieder.

Il s'agit néanmoins d'Organisations très différentes par leurs responsabilités, leurs structures, leurs outils et méthodes de travail - le Conseil de l'Europe étant une Organisation véritablement paneuropéenne et l'OSCE ayant un caractère transatlantique.

Le rapporteur s'interroge sur la manière dont les deux Organisations pourraient renforcer leur coopération et leur coordination, et propose la mise en commun de l'information et de la communication dans les situations d'urgence. Il appelle les gouvernements des Etats membres à faire en sorte d'éviter les doubles emplois, notamment dans les activités concernant les droits de l'homme.

M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) , intervient dans le débat de la façon suivante :

" La question des relations entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE, qui fait l'objet de l'excellent rapport de notre collègue M. Schieder, est particulièrement importante dans le contexte de clarification, qui apparaît indispensable, des compétences et des attributions des différentes institutions intervenant sur le continent européen.

Le rapport fournit une analyse pertinente des responsabilités, des structures et des méthodes des deux organisations qui ont des principes et des objectifs communs. Toutefois, ces deux institutions ont aussi, et cela vient d'être rappelé par notre collège M. Antretter, des traits distinctifs qui rendent illusoire la perspective d'une fusion.

Les différences entre les deux organisations apparaissent aussi bien dans l'approche des problèmes que dans les méthodes employées pour les résoudre.

L'OSCE privilégie une approche politique tant dans la prévention que dans la gestion des crises. Le Conseil de l'Europe, pour sa part, s'appuie sur des principes statutaires beaucoup plus stricts tant en ce qui concerne la démocratie, la prééminence du droit et des droits de l'homme, tout en disposant d'un système de protection juridique contraignant.

L'expression même de " dimension humaine ", qui recouvre à l'OSCE la question des droits de l'homme, marque bien la différence avec l'approche juridique du Conseil de l'Europe.

Il est néanmoins utile d'éviter les doubles emplois et de s'engager dans une meilleure coopération entre les deux organisations, sous réserve cependant que soient respectées les traditions et les méthodes de travail de chacune d'elles. Le rapporteur, notre collègue M. Schieder, en s'appuyant notamment sur les travaux du récent séminaire de La Haye, fait, à cet égard, des propositions constructives et nous devons l'en remercier.

Cependant, s'il est essentiel que le Conseil de l'Europe coopère avec l'OSCE pour tout ce qui concerne les problèmes pratiques et d'actualité, notamment l'observation des élections, il me semble que cette coopération devrait également être de règle pour quelques grands projets mis en oeuvre. On peut s'étonner, par exemple, qu'aucune information ne nous soit fournie sur l'état des travaux préparatoires à la Charte de sécurité européenne que prépare l'OSCE dans le cadre de l'élaboration d'un modèle de sécurité pour le XXI e siècle.

La mise en oeuvre d'une telle charte n'est pas une mince affaire. Or il ne semble pas que les lignes directrices relatives à ce document, adopté par le Conseil ministériel à Copenhague en décembre dernier, aient fait l'objet d'une diffusion au sein de notre Assemblée et d'ailleurs, le rapport de la commission politique n'en fait pas mention.

La Charte de sécurité européenne aura pourtant des conséquences pour le Conseil de l'Europe qui a lui-même élaboré le concept de sécurité démocratique lors du Sommet de Vienne de 1993. Le Conseil de l'Europe est-il régulièrement informé sur les travaux préparatoires à cette charte et dans l'affirmative, sous quelle forme ? Cette question n'est pas négligeable à nos yeux, car le renforcement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE doit concerner également les grandes orientations politiques.

J'observe d'ailleurs que nous n'avons guère d'informations sur les travaux de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, sur les résolutions qu'elle adopte lors de ses sessions annuelles et sur leur suivi. Aussi serait-il souhaitable que notre débat d'aujourd'hui permette d'engager une réflexion de fond sur les orientations de l'OSCE, sur les positions de ses organes exécutif et parlementaire et sur la manière dont elles s'articulent avec les propres objectifs du Conseil de l'Europe. Il y va de notre crédibilité, voire, à terme, de notre existence. "

Mme DURRIEU, sénateur (Soc) , prend la parole en ces termes :

" Il est évident que les orateurs précédents ont exprimé beaucoup d'interrogations, d'insatisfactions et de craintes au sujet du devenir du Conseil de l'Europe. Toutes les interventions font également apparaître des points communs démontrant que ces deux institutions sont différentes par leur nature, leurs missions et leurs moyens. Les deux sont donc nécessaires. Toutes les interventions, y compris la dernière de M. Antretter, disent non à la fusion, non à la dilution : pas d'opposition, pas de dépendance, mais le strict respect des deux institutions dans une action concertée et complémentaire.

Le Conseil de l'Europe, chacun le sait mais le répète, est la conscience morale de l'Europe, vous l'avez déclaré les uns et les autres, il a cinquante ans, une Europe qui regroupe quarante Etats, bientôt quarante-six. C'est la Grande Europe à laquelle faisait référence notre collègue géorgienne Lana Gogoberidze. C'est une institution strictement et totalement paneuropéenne, et cela est important. C'est le creuset dans lequel se forge la nouvelle Europe.

Le Conseil de l'Europe, constitué et animé par des parlementaires délégués par leurs parlements nationaux -ce qui lui donne une dimension très forte- entretient une relation permanente pendant quatre sessions au cours de l'année avec les responsables politiques de quarante Etats. D'où une situation exceptionnelle.

Le Conseil de l'Europe et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont acquis une connaissance profonde des quarante Etats membres avant et après l'adhésion, et la capacité d'expertise du Conseil de l'Europe est probablement incomparable, probablement aussi très mal utilisée. Le sera-t-elle seulement au moment de l'élargissement ?

L'Europe nouvelle, nous la voulons tous démocratique et pacifique. La démocratie, c'est le Conseil de l'Europe ; la paix, c'est l'OSCE. La démocratie, c'est le Conseil de l'Europe, parce que l'on sait très bien qu'il n'y a pas de démocratie sans respect des droits de l'homme et sans cohésion sociale. La démocratie, c'est l'affaire du Conseil de l'Europe. La paix, c'est l'OSCE. Les missions diplomatiques, la gestion des crises, la prévention des crises, les alertes rapides, la reconstruction après les conflits, la maîtrise des armements et du désarmement, c'est l'affaire de l'OSCE.

M'inscrivant dans cette logique et m'appuyant sur quelques exemples concrets, je constate que demain nous traiterons du désarmement, de l'élaboration d'un code de bonne conduite face au problème des ventes d'armes. Cela ne relève pas de notre compétence ! Cela relève de la compétence de l'OSCE. De ce débat, nous aurions donc pu nous dispenser, mais il est vrai que tout débat est enrichissant.

Mon collègue Hoeffel a fait référence à la Déclaration de Copenhague, dont il a dit que personne ne l'avait lue. J'ai sous les yeux cette déclaration de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE du 10 juillet 1998, et ce que j'y lis, au chapitre 3, me contrarie profondément. Il est question de démocratie, des droits de l'homme et de questions humanitaires, tous sujets qui relèvent de la stricte compétence du Conseil de l'Europe. Il s'agit vraiment là d'une extension indue des compétences de l'OSCE par rapport à celles du Conseil de l'Europe.

J'ai approfondi la lecture de ce texte. Au chapitre 3, qui compte vingt-neuf articles, il est fait très souvent référence au BIDDH et à ses efforts, que l'on invite à soutenir. Je me suis demandée ce qu'était le BIDDH, et je suis sûre que la plupart d'entre vous l'ignorent. J'ai découvert qu'il s'agit d'un organe de l'OSCE, strictement administratif, qui n'a aucune légitimité, mais semble quand même formuler des avis qui font la loi.

L'article 100 souligne qu'il faut prêter la plus grande attention aux droits fondamentaux des Rom, c'est-à-dire des Tsiganes. Je pense qu'il s'agit là encore d'un sujet qui concerne éminemment le Conseil de l'Europe.

A l'article 112, je constate qu'il est fait référence à l'Organisation et à l'observation des élections. Comme il en a déjà beaucoup été question, je me dispenserai d'allonger le débat, mais c'est aussi une mission essentielle du Conseil de l'Europe, pour au moins deux raisons. La première est que nous avons coopéré à la mise en place des textes fondamentaux, notamment la loi électorale, la seconde que nous avons obligation d'observer des élections libres avant l'adhésion d'un pays qui a posé sa candidature. L'observation d'une élection est donc l'aboutissement de la mission du Conseil de l'Europe. Il y a urgence. Vite, élaborons ensemble un document cadre commun et mettons en place un comité des programmes.

Très cordialement, mais très solennellement, je m'adresse à la Présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, Mme Degn, à Mme Fischer, Présidente de notre Assemblée, et à M. le président du Comité des sages et les invite à exercer les responsabilités que nous leur avons données. Il vous appartient d'agir tout de suite. Demain, il sera trop tard pour le Conseil de l'Europe ! "

A l'issue du débat, la recommandation 1381, figurant dans le rapport 8187, est adoptée, amendée.

7. Elaboration d'un code de conduite européen sur les ventes d'armes - Intervention de M. François LESEIN, sénateur (RDSE) (Mercredi 23 septembre)

Un contrôle efficace et global des transferts d'armes conventionnelles et de produits et technologies à double usage est indispensable pour assurer une stabilité démocratique durable en Europe.

Le code de conduite de l'Union Européenne en matière d'exportation d'armements, adopté récemment, vise à mettre en oeuvre des critères élevés pour les exportations d'armes des Etats membres de l'UE. Il contient huit critères, parmi lesquels figure le respect des droits de l'homme dans le pays de destination finale, à prendre en considération lors de la délivrance des autorisations d'exportations d'armes. Le Conseil de l'Europe se voit attribuer un rôle spécifique dans ce domaine.

Considérant qu'un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe sont de grands producteurs et exportateurs d'armes conventionnelles, il est essentiel que les principes et le dispositif du code de conduite de l'UE s'appliquent à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, de préférence sous la forme d'un code de conduite européen.

M. François LESEIN, sénateur (RDSE) , intervient dans le débat en ces termes :

" Je tiens à féliciter M. Pahor pour l'excellence de son rapport, auquel j'adhère pleinement.

Je pense, comme plusieurs de nos collègues, que le thème des ventes d'armes ne devrait pas figurer à l'ordre du jour de nos débats, car il relèverait plutôt de la compétence d'autres organisations, plus particulièrement formées en matière de défense. Aussi ne l'aborderai-je pas d'un point de vue général.

Les trafics d'armement nous intéressent, au Conseil de l'Europe, dans la mesure où ils entretiennent l'instabilité dans certains Etats européens, surtout dans des Etats membres de notre Organisation. Je veux parler de la Transnistrie où la 14 e armée russe reste implantée avec de nombreux armements.

Si je me réjouis de l'accord signé entre la Moldavie et la Fédération de Russie, le 21 juillet dernier, je suis inquiet sur sa mise en oeuvre. Dans quelle mesure les contrôles prévus sur les stocks d'armement peuvent-ils s'exercer ? Nous savons qu'il y a, non loin de cette région, des crises ouvertes. Je pense, en particulier, aux événements du Kosovo.

Il y a assurément de nombreux " clients " à la recherche d'approvisionnement en armes de guerre, y compris conventionnelles. On l'a dit ici.

Or, selon les données même de la partie russe, resteraient en Transnistrie des munitions GOFR pour plus de 42.000 tonnes, sans parler de munitions " non transportables ". S'agit-il de missiles ? Il se trouverait également dans cette région 119 tanks, 129 voitures blindées de l'avant, 129 systèmes d'artillerie et 7 hélicoptères.

Cette situation reste un danger pour la paix, pour les droits de l'homme et pour le respect territorial de la Moldavie. Elle conforte les autorités séparatistes de Tiraspol - l'histoire est connue - qui empêchent le fonctionnement normal des différentes commissions créées, notamment la commission mixte formée de représentants de la Fédération de Russie, de l'Ukraine, de l'OSCE et de la République moldave. Même si les armes sont russes, les autorités séparatistes de Tiraspol sont, me semble-t-il, encore plus responsables.

L'accord du 21 juillet ne pourra porter ses fruits que s'il est loyalement mis en oeuvre et si les mesures de contrôle sur les armements peuvent être appliquées avec toutes les garanties prévues.

S'agissant d'Etats membres du Conseil de l'Europe, nous souhaitons très vivement que ces mesures de confiance s'appliquent réellement, car la paix en dépend non seulement dans la région en cause, mais également dans d'autres régions en proie à des conflits ouverts particulièrement inquiétants.

Mes chers collègues, j'espère que vous souhaiterez avec moi l'adoption de ce code de conduite européen. Je vous remercie de vous associer au vote de la proposition qui nous est soumise par M. Pahor. "

A l'issue du débat, la recommandation 1382 figurant dans le rapport 8188 est adoptée.

8. OCDE et économie mondiale - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 23 septembre)

Préoccupé par la crise économique en Asie et tout particulièrement au Japon, ainsi qu'en Russie, le rapporteur invite les institutions financières internationales ainsi que les pays membres de l'OCDE à soutenir les réformes politiques, économiques et sociales que doivent entreprendre ces pays. Le rapporteur se tourne également vers l'OCDE pour lui demander que, dans la définition finale de l'Accord multilatéral d'investissement (AMI), elle prenne mieux en compte les préoccupations nationales dans les domaines des normes sociales et de travail, l'environnement et les objectifs culturels nationaux. Dans la lutte contre le chômage, le rapporteur demande d'encourager des politiques pouvant permettre l'essor du secteur des services, davantage utilisateur de main-d'oeuvre.

Le rapport sera débattu par l'Assemblée parlementaire élargie, composée de délégations des Etats membres de l'OCDE et du Conseil de l'Europe.

M. Jean VALLEIX, député (RPR) prend la parole dans le débat en ces termes :

" Ce débat sur l'OCDE et l'économie mondiale se déroule - on l'a parfaitement rappelé - dans un contexte de crise à l'échelle planétaire : crise des économies asiatiques, changement d'orientation en Russie, chute des cours dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine, fragilisation du leadership américain. Un tel contexte, tellement préoccupant, aurait mérité, à mon avis, un débat plus long, il aurait mérité plus que cette seule après-midi. Je regrette aussi ce " resserrement " du débat par égard à nos amis venus de continents lointains, de pays tels que le Japon, la Corée, le Canada, ou le Mexique.

Comment, mes chers collègues, pouvons-nous considérer, nous Européens, que l'euro peut nous tenir éventuellement, et souhaitons-le, à l'écart ? Certains, bien sûr, soulignent les capacités protectrices et stabilisatrices d'un euro qui n'est même pas encore en vigueur. Sommes-nous certains nous-mêmes, mes chers collègues, de la capacité de l'euro à protéger l'Europe dans la durée ?

Il serait intéressant que nous connaissions à cet égard le point de vue de l'OCDE et, Monsieur le Secrétaire général, vous avez bien voulu aborder certains de ces aspects.

La crise actuelle a, par ailleurs, montré les limites des politiques conduites par les grands organismes financiers mondiaux. La question a été posée aussi bien par notre rapporteur que par le Secrétaire général de l'OCDE : l'OCDE croit-elle toujours elle-même que les prescriptions monétaristes, et exclusivement monétaristes, sont bien le seul remède au développement des économies en transition ?

N'est-il pas préoccupant que le Congrès des Etats-Unis refuse d'accorder la dotation financière réclamée par le FMI ?

Monsieur le Secrétaire général, vous avez longuement développé la situation en Russie et il est tout à fait important que nous puissions en débattre - j'espère pas trop tard, en janvier prochain. Mais ces bouleversements remettront-ils en cause l'aide occidentale accordée à la Russie ? La question est posée.

On le voit, l'OCDE doit actuellement apporter toute sa capacité d'analyse et de conseil pour nous donner les meilleures solutions à la crise. Dans l'excellent rapport de notre collègue, Terry Davis, une large place est faite à la crise asiatique et notamment aux graves difficultés que connaît l'économie japonaise. Le relèvement du Japon qui, je le rappelle, est observateur au Conseil de l'Europe et partenaire régulier à nos travaux, est une priorité. Nous devons tout mettre en oeuvre pour aider à ce redressement. Le Japon non seulement joue un rôle décisif pour la stabilité de l'ensemble de la région d'Asie, mais il demeure la deuxième puissance économique mondiale.

De même, le problème n'a pas été évoqué, mais que sera la Chine demain ? Et quelles seront par conséquent ses capacités de croissance et de stabilité ou d'instabilité ?

Enfin, je pense que le moment est venu d'engager une réflexion, une réflexion à laquelle notre Assemblée doit être associée, sur l'évolution des marchés et des capitaux à l'échelle mondiale. Ce problème est bien posé aujourd'hui, il doit connaître des lendemains de travail entre nous.

Comme le souligne excellemment le projet de résolution, Monsieur le rapporteur, il est en effet urgent de mettre en place des normes comptables claires et des mesures de transparence afin d'aider les marchés mondiaux à mieux prévenir et gérer les crises.

S'agissant de l'Europe, parallèlement à cette régularisation nécessaire des flux monétaires, et à la mise en place de la monnaie unique, il est indispensable de renforcer la coordination de nos politiques économiques et sociales, de poursuivre résolument la lutte contre le chômage en respectant le rôle et la souveraineté des Etats, qui demeurent les seuls garants de la cohésion nationale.

Mes chers collègues, enfin, nous savons gré au rapporteur d'avoir porté un regard très ouvert sur le projet d'accord multilatéral pour les investissements (AMI), d'avoir insisté sur l'indispensable transparence des discussions sur le sujet et sur la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire. Nous lui savons gré d'avoir souligné en outre que la culture - il ne fait que reprendre la position du Canada, très ferme à cet égard - ne doit pas forcément tomber dans le cadre d'un tel accord, au contraire, un accord qui doit s'appuyer sur des aspects, des approches également sociales et humaines, sans envahir le domaine culturel qui reste le domaine de l'expression de chacun de nos Etats et de nos civilisations.

Voilà mes chers collègues, une manière de conclure sur l'aspect humain des choses. En effet, vous évoquiez, à l'instant, madame Lalonde, la nécessité de penser à l'homme et à la femme ordinaires. Je voudrais aussi que nous pensions à la capacité d'épanouissement que nous pouvons offrir à nos contemporains et à nos générations qui montent. Cette dimension humaine, très bien rappelée par le Secrétaire général de l'OCDE aussi bien que par notre rapporteur, vous me permettrez de la résumer aussi dans une formule de Charles de Gaulle : " La seule querelle qui vaille est celle de l'homme ". "

M. Claude BIRRAUX, député (UDF) , fait à son tour les observations suivantes :

" Je tiens tout d'abord à remercier et à féliciter M. Davis pour son rapport fort complet qui replace le sujet dans un cadre plus large, y compris en ce qui concerne les finalités mêmes du développement. Pour ma part, je souhaite mettre l'accent sur quelques points qui me semblent importants.

Ce rapport traite d'abord de la crise asiatique alors que l'actualité récente nous plonge déjà dans une autre, la crise russe. Marquant les limites du miracle asiatique, cette crise a pour caractéristique de ne pas être seulement économique et monétaire, mais elle est aussi une remise en cause d'un certain schéma sociopolitique où démocratie et développement économique ne font pas toujours bon ménage ; un rapide panorama de l'Asie nous renvoie à des régimes politiques allant des dictatures à des démocraties plus ou moins musclées, ou plus ou moins molles, et par là même toutes deux perméables à des intérêts privés.

La libéralisation récente des marchés, le développement des bourses se sont faits sans être accompagnés de contrôles suffisants. Cette insuffisance de réglementation dans un contexte de copinage et de népotisme ont facilité certaines pratiques fallacieuses : prêts douteux, ratios élevés d'engagements bancaires... Dès lors, fait nouveau dans ces sociétés, l'affaiblissement du contrôle de la puissance publique a conduit à une remise en cause des dirigeants. C'est pourquoi, je partage pleinement le projet de résolution qui rappelle que la prééminence du droit et la transparence sont des facteurs essentiels pour un développement économique durable.

Il y a un point sur lequel je souhaite également m'exprimer : l'accord multilatéral d'investissement. L'AMI, dans les négociations engagées sous l'égide de l'OCDE en février dernier, s'est soldé par un échec tant les divergences entre les participants étaient profondes.

Cet accord, qui a pour but d'assurer aux investisseurs des règles stables pour l'accès aux marchés tout en libéralisant les investissements, a suscité sur certains points des réactions hostiles. Dans mon pays, en France, des dispositions ont été critiquées sur tous les bords de l'échiquier politique, en particulier en ce qui concerne le domaine culturel et audiovisuel. Nombreux sont ceux qui ont plaidé pour ce qu'il est convenu d'appeler, depuis l'exclusion de l'audiovisuel de l'accord du GATT, " l'exception culturelle française et européenne ".

Je suis de ceux qui pensent que la culture n'est pas une marchandise comme les autres et accepter cet accord en l'état, c'est accepter le financement des oeuvres comme de simples investissements, oublier que la culture relève des intérêts d'une nation : il en va du respect de notre identité culturelle, du pluralisme culturel à l'échelle mondiale en équilibrant par des subventions la domination de certains pays.

Par ailleurs, tout accord sur l'investissement ne saurait s'abstraire ou se soustraire à une prise en compte de données sociales, des conditions de travail ou d'environnement. Ce n'est pas parce que certains pays tolèrent le travail des enfants, que l'interdire deviendrait discriminatoire pour l'investisseur. Il en est de même en ce qui concerne l'environnement et ce qui insupportable pour l'environnement de nos pays ne l'est pas moins pour celui d'autres pays.

M. le rapporteur a aussi abordé le non moins important problème du vieillissement des populations dans la zone OCDE. Par vieillissement de la population, on entend une baisse de la fécondité conjuguée à une diminution de la mortalité. Cette évolution démographique soulève de nombreux problèmes. Il y a l'avenir des régimes de retraite qui fonctionnent par répartition où les actifs d'aujourd'hui financent pour les retraités d'aujourd'hui et les actifs de demain financeront pour les actifs d'aujourd'hui. Le vieillissement de la population perturbe cette solidarité entre générations.

Le coût de la santé pose un autre problème qui risque de s'accroître alors que l'équilibre du budget social est déjà pour certains pays d'actualité.

Le vieillissement de la population entraîne en outre un problème qui me semble ne pas être le moindre : le dynamisme de l'économie. On peut en effet concevoir que la capacité d'innover, la réceptivité au changement sont plus fortes dans une population jeune que dans une population âgée.

Pour toutes ces raisons, il est urgent de mener une véritable politique familiale avec des mesures incitatives générales versées par l'Etat au motif qu'un enfant est un investissement pour la société tout entière. Un enfant, faut-il le rappeler, représente l'avenir de la société.

Enfin, les crises en Asie et en Russie, il est vrai quelque peu éclipsées dans les médias, en particulier outre-Atlantique, ,par les obsessions, que je qualifierai de pathologiques, d'un procureur américain, sont là pour rappeler que le développement économique durable ne se mesure pas uniquement à travers des grilles et des ratios, mais qu'il ne saurait ignorer ni les principes de la démocratie, l'Etat de droit et la transparence, ni les considérations sociales et environnementales. Mieux, il ne peut s'accroître pour lui-même, mais pour la société et au service des citoyens qui la composent. "

M. Paul DHAILLE, député (Soc) , s'exprime alors sur ce thème de la façon suivante :

" En ce qui concerne la situation économique mondiale, M. le rapporteur écrit qu'il a l'impression d'être un artiste qui s'efforce de peindre un soleil couchant : le temps de fixer sur sa toile et le soleil a déjà bougé dans le ciel ! L'image est jolie, mais elle est aussi dramatique pour de nombreux peuples de l'Asie, pour les pays émergents également et peut être demain pour les pays développés, sans parler des pays en voie de développement qui voient leurs efforts anéantis du fait des soubresauts de l'économie mondiale.

Pourtant le soleil n'a pas été toujours aussi changeant et l'on a voulu nous faire croire pendant des années qu'il était fixe, c'est-à-dire qu'il n'existait qu'une voie possible, qu'une solution, une seule, pour le développement économique mondial, l'économie de marché, la loi du marché sans contrôle, ni mesure, surtout de la part des Etats.

Le marché se régulait de lui-même, paraît-il, corrigeait ses propres excès de par ses propres mécanismes d'autocontrôle interne qui se créaient d'eux-mêmes. Les bons élèves de la classe étaient alors les pays d'Asie, les " dragons " petits et grands qui, à l'inverse de nos vieux pays industriels et des vieilles démocraties occidentales avaient su tout subordonner à leur puissance économique, en particulier les droits sociaux, la protection de leur environnement et, pour certains, les principes démocratiques. Les difficultés du Mexique avaient constitué une première alerte, mais ce pays n'appartenait pas à cette zone géographique asiatique et la secousse avait été limitée.

Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence : le modèle économique dominant est en crise. Née en Asie, la crise a gagné la Russie et un certain nombre de pays de l'ex-bloc soviétique. Elle menace maintenant les économies émergentes de l'Amérique du Sud et la croissance retrouvée dans les démocraties occidentales. La " bulle " financière a éclaté ; les bourses se sont effondrées ; les monnaies ont perdu une bonne partie de leurs valeurs et certains systèmes bancaires sont au bord de la faillite.

M. le rapporteur met bien en évidence les raisons de cet effondrement. En particulier, il ne peut y avoir de développement économique sans développement parallèle des droits sociaux, de la protection de l'environnement et, bien sûr, des mécanismes démocratiques.

Pourtant, dans un certain nombre d'organismes internationaux et de gouvernements, on ne semble pas prêt à tirer les leçons de cette crise et à remettre en cause les théories économiques. Ainsi, comme les médecins des comédies de Molière qui ne connaissent que les purges et les saignées ne se rendaient même pas compte que leurs remèdes tuaient plus sûrement le malade que la maladie, les solutions économiques relèvent toutes aujourd'hui de la pensée unique, sans interrogation sur ses conséquences.

Si parallèlement au développement économique, il n'y a pas de développement des droits et de la protection sociale ainsi que des principes démocratiques, les peuples seront tentés de se détourner vers des solutions simplistes et souvent totalitaires.

Lorsque vous nous dites qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, l'Europe ne s'est pas relevée seulement du fait du Plan Marshall ou de ses propres forces économiques, il ne faut pas oublier de rappeler qu'à cette époque, le bloc soviétique constituait une force en expansion sous la menace de laquelle les droits sociaux et démocratiques se sont développés de manière considérable. Les gouvernements, même les plus réactionnaires, et les puissances industrielles ont consenti des avancées sociales et des contreparties démocratiques importantes aux peuples, de peur de les voir séduits par les mirages du modèle soviétique.

Nos concitoyens veulent être heureux " ici et maintenant " et c'est dans l'équilibre entre l'économique, le social et le politique que se fonde le développement harmonieux des sociétés. Aujourd'hui l'économique semble avoir pris le pas sur tout le reste et un certain nombre d'experts ne s'interrogent même pas sur la pertinence de leurs méthodes et sur les mesures qu'ils préconisent. Autrefois, en Union soviétique, lorsque les résultats économiques n'étaient pas conformes au plan, on disait que la réalité avait tort et devait être changée. On sait ce qu'il en est advenu !

Aujourd'hui, avec la crise, certains pensent qu'ils ont toujours raison et que ce serait la réalité qui a tort ! La situation actuelle montre bien que le système financier international n'a plus qu'un rapport lointain avec la réalité de la production des biens et des services.

C'est ainsi qu'une grande entreprise française a vu le cours de ses actions chuter de près de 40 % parce que son bénéfice s'élevait seulement à 2,6 milliards de francs contre les 3,6 milliards de francs espérés. Quelle aurait été l'attitude de la Bourse si cette entreprise avait annoncé un déficit ? Mais quel effet aussi sur l'homme de la rue qui ne voit aucun rapport entre l'origine industrielle du résultat de la firme et la sanction financière subie par celle-ci !

Sur la base de ce que je viens de dire, permettez-moi d'aborder un point du rapport : les régimes de retraite à l'horizon 2005. A nouveau, il semble que la seule solution consiste à passer du régime des retraites par répartition au régime par capitalisation.

Cette théorie simple, pour ne pas dire simpliste, me semble mériter une discussion. Dans un souci de concision, je me limiterai à trois interrogations.

Cette modification ne va-t-elle pas apparaître à beaucoup de nos concitoyens -surtout les plus pauvres- comme une nouvelle régression dans leur protection sociale ? Ne vont-ils pas voir dans cette évolution le sacrifice des droits sociaux au bénéfice des intérêts financiers ?

Quelle est la sécurité des fonds de pension dans un monde en crise, sauf à demander une nouvelle fois aux Etats d'assumer les déficits éventuels ?

Quels seraient les effets sur l'économie mondiale d'un autre gonflement de la bulle financière par l'accroissement des capitaux spéculatifs ?

Pour ces raisons, je crois que nous devons nous méfier des solutions simples et toutes faites, séduisantes par ailleurs sous prétexte qu'elles appartiennent à la pensée économique dominante. Au contraire, le doute et la confrontation des idées me paraissent féconds et porteurs d'avenir. "

A l'issue du débat, la résolution 1167 amendée figurant dans le rapport 8179 est adoptée à l'unanimité.

9. Diversification linguistique - Rapport de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mercredi 23 septembre)

Le rapporteur propose une série de mesures pour lutter contre la désaffection des jeunes à l'égard des langues autres que l'anglais.

La diversité linguistique doit constituer une des priorités des politiques linguistiques dans les Etats membres, souligne le projet de recommandation. Des enquêtes comparatives menées à l'échelle européenne pourraient servir de base à leur élaboration.

Selon le rapporteur deux langues étrangères au moins devraient être parlées en fin de scolarité et les petits établissements qui ne peuvent pas dispenser les grandes langues européennes devraient avoir accès à l'enseignement à distance.

Le rapporteur propose de développer l'enseignement bilingue, de rendre obligatoires les séjours linguistiques, de privilégier l'expression orale et de recourir plus largement aux enseignants étrangers.

L'ensemble de ces mesures permettraient d'inverser la tendance actuelle et de promouvoir des grandes langues telles que le français, l'allemand, l'espagnol et l'italien aujourd'hui laissées pour compte par rapport à l'anglais.

Le rapporteur regrette la place minime accordée dans les cursus scolaires au russe, à l'arabe ou au chinois, parlées par des centaines millions de personnes.

Le projet de recommandation note enfin que l'Assemblée parlementaire souhaite s'associer à la préparation de l'Année européenne des langues, envisagée par le Conseil de la Coopération Culturelle pour 2001.

Présentant son rapport au nom de la Commission de la Culture et de l'éducation, M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR), formule les observations suivantes :

" Ce rapport entend témoigner d'un attachement très fort à la diversité linguistique de l'Europe qui constitue un riche patrimoine qu'il faut sauvegarder, car la pluralité des langues garantit la pluralité des cultures européennes.

Mais le nécessaire pluralisme linguistique se heurte au besoin d'un langage international de communication à l'heure de la mondialisation. C'est de nos jours l'anglais qui, pour l'essentiel, joue ce rôle.

La conciliation de ces deux impératifs : diversité linguistique et langage international de communication, suppose que chaque Etat élabore une politique cohérente d'apprentissage des langues.

Or un constat doit être fait : même quand ils ne le reconnaissent pas, de nombreux Etats concentrent leurs efforts sur la connaissance d'une seule langue étrangère, essentiellement l'anglais.

Sans doute répondent-ils ainsi au besoin de participer aux échanges mondiaux. Mais le risque existe, en Europe, de voir des Etats européens voisins perdre la capacité d'échanger et de dialoguer dans leurs langues respectives.

Concrètement, est-il raisonnable que la France laisse diminuer régulièrement le nombre de ses élèves et étudiants apprenant l'allemand, et que l'Allemagne fasse de même en ce qui concerne le français ?

Si les jeunes Tchèques n'apprennent plus l'allemand, ils devront lire Kafka en traduction. L'espagnol et le portugais donnent aussi accès à d'autre continents que l'Europe.

Le présent rapport a donc pour objectif de proposer des mesures conciliant la nécessité d'assurer les échanges internationaux avec la capacité laissée aux Etats européens de se comprendre, d'échanger, de dialoguer. La capacité aussi d'imaginer, de créer dans leurs langues respectives et dans tous les domaines - littérature, théâtre, cinéma - afin que vivent ces cultures singulières qui font la richesse de la civilisation commune.

Tout d'abord, le rapport se propose de fixer comme norme, outre la connaissance de la langue maternelle, l'acquisition d'une compétence satisfaisante dans au moins deux langues étrangères par l'ensemble des élèves en fin de scolarité.

Pour parvenir à cet objectif, il est demandé à l'Assemblée de recommander au Comité des Ministres de définir la diversification linguistique comme une priorité de la politique linguistique, en prescrivant au Comité directeur de la culture de procéder régulièrement à des enquêtes comparatives sur la diversification linguistique dans ses pays membres, et ce dès 1999 à l'occasion de la Conférence sur les politiques pour l'apprentissage des langues ; d'associer l'Assemblée parlementaire à la préparation de l'Année européenne des langues envisagée pour 2001 ; d'accélérer les travaux sur les " niveaux seuils ", le Cadre européen commun de référence et le Portfolio européen des langues et de poursuivre l'aide pour l'engagement d'experts en matière de politiques linguistiques nationales ; de s'assurer que les travaux entrepris au sein du CDCC dans le domaine de l'éducation tout au long de la vie et dans celui des nouvelles technologies comportent un volet linguistique.

Il est également proposé que l'Assemblée recommande au Comité des Ministres d'inviter les Etats membres à promouvoir des schémas linguistiques régionaux, établis en liaison avec les élus régionaux et les collectivités locales afin de recenser les potentialités linguistiques existantes et de développer l'enseignement des langues concernées, en prenant en compte la présence des groupes humains d'origine étrangère, les jumelages, les échanges et la proximité des pays étrangers ; à développer les accords de coopération linguistique entre régions frontalières ; à promouvoir l'enseignement à distance et à constituer des réseaux d'établissements pour assurer la diversité de l'offre linguistique ; à promouvoir et à développer les classes bilingues ; à étendre les formules de séjours linguistiques ; à recourir plus largement aux enseignants étrangers en développant des échanges massifs d'enseignants, assortis de garanties de carrière et de statut ; à veiller à la formation et au recrutement des professeurs de langues rares ou minoritaires ; à privilégier une pédagogie destinée à développer l'expression orale à l'aide des matériaux audiovisuels des médias interactifs ; à promouvoir un enseignement davantage centré sur la dimension culturelle et sociale des pays concernés.

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'unification linguistique est une tendance lourde. Elle peut donner l'impression d'aller dans le bon sens, celui de l'économie et des simplifications. Mais elle est réductrice et appauvrissante.

Ce rapport appelle donc à résister à cette tentation. Il y faudra du temps et une volonté politique. Je souhaite que cette volonté s'exprime aujourd'hui à l'Assemblée du Conseil de l'Europe. "

M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR), prend à nouveau la parole pour répondre en sa qualité de rapporteur aux différents orateurs :

" Monsieur Upton, il ne m'a pas échappé que le gaélique n'est pas une langue officielle de l'Union européenne, pour des raisons que j'ignore. Je crois que le Gouvernement irlandais ne l'avait pas exigé au départ, mais j'ignore la raison de fond.

J'ai bien noté aussi ce qu'a dit M. Kelemen András sur la situation en Hongrie. J'espère que ce rapport pourra contribuer à la définition de la stratégie hongroise dans le domaine linguistique. Nous avons souhaité débattre de ce sujet ici, afin précisément d'aider les Etats du Conseil de l'Europe à adapter leurs stratégies linguistiques.

J'ai bien noté ce qu'a dit Mme Isohookana-Asunmaa et je ne suis pas étonné de sa remarque. Ce n'est pas par hasard que sont utilisés les mots " langue maternelle " dans le rapport. Il est clair que la nécessité de connaître des langues étrangères ne doit jouer au détriment de la langue maternelle. Piétiner une langue maternelle est le plus sûr moyen de provoquer des réactions de rejet extrêmement fortes et justifiées. L'esprit de ce rapport tend d'abord au respect des langues maternelles. Qu'elles soient largement ou peu parlées, elles sont les langues du coeur. Il faut s'en souvenir, les respecter et leur permettre de s'exprimer.

Mme Kulbaka a rappelé l'importance de la langue russe. J'ai bien entendu aussi M. Zhebrovsky à ce sujet. Le russe subit actuellement, dans un ensemble de pays, une espèce de phénomène de rejet de caractère politique. Nous l'avons connu aussi pour le français à d'autres moments, notamment en Algérie, où l'on parle encore beaucoup le français, mais où celui-ci a parfois été rejeté, également pour des raisons politiques, car considéré comme la langue de l'ancien colonisateur. Il faut espérer qu'après un temps, on en revienne à comprendre l'importance de ces langues.

J'ai constaté avec regret que dans nos pays d'Europe occidentale, notamment en France, le russe n'était pas non plus suffisamment enseigné. En mentionnant deux langues, ce rapport tend à démontrer que la culture russe et la culture française, qui ont eu tant de liens communs, ne se comprendront encore bien que si suffisamment de Russes parlent le français et si suffisamment de Français parlent le russe. J'aurais pu prendre des exemples d'autres pays.

J'ai été également très sensible aux propos de M. Popescu, qu'il a, de plus, tenus, dans un excellent français. Je salue sa performance. Sociolinguiste, il a eu raison de rappeler qu'il fallait respecter les langues des minorités. Ce que je viens de dire va tout à fait dans son sens. Il ne s'agit pas de menacer d'assimilation ces minorités, ce n'est pas du tout l'esprit du rapport.

Mme Folco et Mme Lalonde ont chacune rappelé quelle était la politique canadienne dans le domaine des langues : la coexistence du français et de l'anglais, la nécessité de recourir à d'autres langues. La définition des classes bilingues dont a parlé Mme Lalonde n'est pas la même au Canada que dans d'autres pays. Les classes bilingues dont nous parlons ici sont une façon d'apprendre une langue étrangère à un jeune en n'y consacrant pas seulement le temps de l'étude de la langue, mais aussi celui d'autres matières.

Enfin, j'ai été très sensible à l'intervention de M. Pereira Marques sur l'importance de la langue portugaise. Nous savons bien, et je l'ai d'ailleurs mentionné dans le rapport, que le portugais est non seulement la langue du Portugal, mais aussi celle du Brésil. C'est une langue d'importance internationale qui, à ce titre, doit être enseignée dans nos pays européens du Conseil de l'Europe. "

A l'issue du débat, la recommandation 1383, amendée, figurant dans le rapport 8173 est adoptée à l'unanimité.

10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)

Le rapporteur espère que l'Assemblée enverra un signal fort aux populations de la région durement touchées par une guerre qui frise le terrorisme.

Outre un débat général, l'Assemblée a déjà consacré trois débats d'urgence au Kosovo, celui d'aujourd'hui est donc le quatrième. Les faits et la cause étant déjà bien connus, le rapport se contente de formuler quelques brèves recommandations ayant essentiellement pour objet d'inviter les quarante Etats membres à agir immédiatement, ce de façon unanime.

Depuis que ce conflit a éclaté, de nombreuses idées ont été formulées en vue de sa résolution, mais, jusqu'à présent, aucune d'entre elles n'a fait l'unanimité et l'Europe hésite toujours sur la voie à suivre pour y mettre fin.

Les recommandations portent sur trois points essentiels. En premier lieu, ce rapport appelle à un cessez-le-feu immédiat. En deuxième lieu, il demande le retrait de l'armée et des forces de sécurité serbes ainsi que le désarmement des groupes armés illégaux. En troisième lieu, enfin il réclame l'ouverture immédiate de négociations, de véritables négociations qui porteront sur l'avenir du Kosovo, qui devront englober la question du statut d'autonomie, ainsi que celles des droits de l'homme et de l'identité culturelle.

Selon le rapporteur, il ne suffit plus de parler. A présent, il faut agir pour conjurer une catastrophe qui risque d'avoir des conséquences encore plus dramatiques que celles de Bosnie et Herzégovine. En conclusion, il invite instamment les membres de l'Assemblée à prendre part à ce débat et à exiger des gouvernements membres qu'ils agissent immédiatement et de façon unanime.

M. Jacques BAUMEL, député (RPR) , intervient dans le débat en ces termes :

" J'ai sous les yeux quelques documents intéressants : d'une part, le compte rendu de la séance du Conseil de sécurité des Nations unies d'hier qui a adopté un texte d'une très grande importance et sur lequel nous devrions réfléchir, d'autre part, un grand quotidien dont le gros titre est : " La communauté internationale lance un nouvel avertissement à Slobodan Milosevic " et le sous-titre : " Les forces serbes poursuivent leurs opérations au Kosovo ".

Ces deux phrases résument parfaitement la situation. Toutes les larmes de crocodile répandues par certains de nos amis dans cette enceinte ou les appels plus ou moins théoriques n'ont malheureusement guère beaucoup d'efficacité. Face à cette situation, que devons-nous faire ?

Je tiens avant tout à féliciter l'auteur du rapport ainsi que le président de notre commission politique qui, avec une grande justesse de ton et une grande impartialité, présentent la situation et proposent les solutions possibles.

Nous sommes confrontés à une tragédie humanitaire. Et là, il ne suffit pas de pleurnicher ! Il faut le savoir aucun de nos Etats, à deux exceptions près, ne prend de dispositions pour aider les 280.000 réfugiés du Kosovo. Je dis bien : aucun de nos Etats ! Commençons donc par balayer devant notre porte en essayant d'apporter des solutions.

Nous sommes aussi dans une impasse politique. Il faut en sortir par des moyens pacifiques, en apportant des solutions politiques, et non par le maintien de la violence. Il ne faut donc pas ressortir, comme certains de nos collègues russes, la vieille histoire du Kosovo " terre sacrée de la Serbie ". Pourquoi ne pas reparler aussi de la Lotharingie créée par le petit-fils de Charlemagne et du duché de Bourgogne qui fut l'un des éléments fondamentaux de l'histoire de France ? Est-ce que nous ressortons ces vieux pans de l'Histoire ?

Aujourd'hui, le Kosovo est composé à 92 % de Kosovars et à quelque 5 ou 6 % de Serbes !

C'est clair. Aucun nettoyage ethnique ne peut changer cette situation, aucune violence, malgré les dégâts humanitaires, ne peut apporter une solution.

Je pense qu'il faut se montrer extrêmement ferme. Le Conseil de l'Europe a le devoir non seulement de voter quelques textes, mais aussi d'affirmer plus que jamais ses responsabilités européennes. C'est l'impuissance de l'Europe, ce sont ses divisions qui font qu'aujourd'hui pour le Kosovo, comme hier pour la Bosnie et demain ailleurs, nous sommes incapables de régler les problèmes sans faire appel à quelque puissance non européenne. Inutile de critiquer les Américains pour, quelques années plus tard, leur courir après pour régler des problèmes que nous aurons été incapables de régler nous-mêmes ?

Ce débat est important. Le rapport de notre ami le président de la commission politique, est un excellent document. L'ensemble de notre Assemblée doit l'approuver et le soutenir. Dans ce concert international, le Conseil de l'Europe doit marquer sa volonté de faire prévaloir une solution politique pour régler enfin pacifiquement le drame du Kosovo ".

Au terme du débat, la recommandation 1384, amendée, contenue dans le rapport 8204 est adoptée.

11. Exposé de M. Ugo Mifsud BONNICI, Président de Malte - Question de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)

S'adressant à M. Ugo Mifsud BONNICI qui résume lui-même son propos en ces termes : " En tant qu'Européens, nous sommes tenus de partager ; nous ne devons jamais nous retenir d'offrir notre aide, c'est là ma conviction. J'en appelle aujourd'hui au Conseil de l'Europe pour qu'il montre la voie à suivre pour partager toutes les connaissances et la sagesse que nous avons acquises ", M. Bernard SCHREINER, député (RPR), pose la question suivante :

" Monsieur le Président, malgré notre bonne volonté de partage, nous sommes confrontés en Europe au problème de l'immigration, et particulièrement à celui de l'immigration clandestine dont nos pays d'Europe occidentale souffrent tous. Votre pays connaît-il également cette situation ? D'où viennent les personnes que vous avez pu contrôler ? Quelle est leur origine géographique ? Quelle est l'importance de cette immigration ? Quelles mesures réglementaires, de contrôle de police et de douane mettez-vous en oeuvre pour lutter contre ce phénomène ? ".

M. Ugo Mifsud BONNICI, Président de Malte, lui apporte les éléments de réponse suivants :

" Très proche des Etats de la rive sud de la Méditerranée, qui sont des terres d'émigration, Malte est exposée à l'immigration. Nous sommes confrontés au problème de l'immigration en provenance de Tunisie et d'autres Etats voisins parce que, quand la mer est calme, il est très facile d'aborder nos côtes. La situation est la même pour certaines côtes italiennes, et notamment celles de l'île de Lampedusa.

Nos lois sur l'immigration sont très strictes - trop strictes même selon certains. Il faut tâcher de garder un certain équilibre. C'est quelquefois faire simplement preuve d'humanité que de venir en aide à ces pauvres gens qui sont venus chez nous sur des embarcations de fortune. Un rapatriement s'avère parfois extrêmement difficile, parce qu'ils n'ont pas de papiers et qu'il est presque impossible de savoir d'où ils viennent. Toutefois, mon pays s'est toujours montré extrêmement prudent à l'égard des personnes venant tant de l'est que du sud.

Il est facile de maintenir l'ordre dans un petit pays comme Malte. Le contrôle des côtes est assuré avec une extrême vigilance, notamment eu égard au trafic de drogue et autres activités illégales. Certaines personnes parviennent à entrer sur notre territoire, mais, je le répète, dans ce domaine. Malte fait montre d'une vigilance extrême. Etant donné la taille de l'île, tous les gouvernements successifs sont conscients du problème, d'autant que nous ne pouvons faire face à un accroissement de notre population.

Nous avons connu un certain nombre de problèmes, notamment avec des réfugiés en provenance de Bosnie et d'Albanie, ainsi qu'avec des réfugiés kurdes venant de Turquie. Nous avons pu les accueillir pour un temps, mais nous avons demandé à des pays plus grands - notamment aux Etats-Unis et au Canada - de prendre la relève. Ces réfugiés ne peuvent pas rester à Malte. L'île n'est pas un pays d'immigration. Certes, le taux de chômage y est très bas, mais elle ne pourrait faire face à un accroissement inconsidéré de sa population. Notre espace géographique est très restreint. C'est pourquoi nous restons très vigilants et, à Malte, on pourrait presque recenser les habitants chaque jour ".

12. Derniers développements en Albanie (Jeudi 24 septembre)

Selon le rapporteur, il est particulièrement désolant de retrouver le dossier de l'Albanie à l'ordre du jour. L'Assemblée a débattu maintes fois de cette question et il est peu probable qu'aujourd'hui ce soit la dernière. La situation est dramatique. Il règne en Albanie un climat de méfiance. L'insécurité y est préoccupante, la corruption, le trafic de drogue et la criminalité y connaissent un essor considérable. L'évolution de la situation dans ce pays est inacceptable pour les pays membres du Conseil de l'Europe, puisqu'elle est tout à fait contraire aux principes de l'institution.

L'Albanie a succombé à un effet de bipolarisation et, malgré tous les efforts de la communauté internationale, la situation ne cesse de s'aggraver. La communauté internationale n'est pas uniquement là pour fournir les moyens financiers et l'aide sous forme de " MAPE " ou des conseils, notamment dispensés par la Commission de Venise. L'aide accordée est conditionnelle, or les conditions fixées n'ont malheureusement pas été remplies. Le projet de recommandation est consacré à l'évolution dramatique récente. C'est pour cela que de débat d'urgence a lieu.

Pourtant la communauté internationale est prête à contribuer à la reconstruction du pays, aussi bien des points de vue financier et économique qu'institutionnel. Néanmoins, cela requiert un comportement responsable aussi bien de la part du Gouvernement albanais que de l'opposition.

La situation est explosive. C'est pour cela que le rapporteur demande au Gouvernement albanais de renoncer aux arrestations politiques, de respecter ou de rendre l'immunité parlementaire à tous les élus et de respecter les droits de l'opposition.

Les partis démocratiques doivent retourner au travail, le dialogue politique faisant partie des conditions minimales de fonctionnement d'une démocratie. Le Conseil de l'Europe doit exiger de tous, personnes et partis politiques sans distinction, le respect des règles démocratiques.

A l'issue du débat, la recommandation 1386 figurant dans le rapport 8208 est adoptée, amendée.

13. Politique maritime européenne - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 24 septembre)

La discussion commune porte sur trois rapports :

- Dans le premier rapport, " Enjeux futurs des sciences et de la technologie maritimes en Europe ", le rapporteur propose la création d'une Agence maritime européenne chargée de promouvoir la coopération entre les centres de recherche, les industries maritimes et les organes de décision politique. Cela pourrait se faire dans le cadre d'un accord partiel auquel pourraient participer les pays souhaitant intensifier leur coopération dans le domaine maritime. En effet, les enjeux posés par les océans sont nombreux et variés: énergies renouvelables, production d'eau douce, pêche et aquaculture, développement des zones côtières, systèmes de transport, gisements sous-marins de pétrole et de gaz... L'Europe dispose de nombreux atouts mais son potentiel est dispersé. Le Rapporteur considère qu'il est nécessaire de promouvoir la recherche et le développement technologiques dans ces domaines pour pouvoir formuler une politique maritime européenne globale et multidisciplinaire. Il considère également qu'il faut encourager l'éducation dans les disciplines de la mer et améliorer l'information donnée au public et au monde politique.

- Dans le deuxième rapport sur les océans -qui s'inscrit dans la contribution de l'Assemblée parlementaire à l'Année internationale des océans - le rapporteur évalue l'état actuel de l'environnement marin, tant en mer ouverte, où la situation globale est acceptable, que dans les zones littorales, où des menaces significatives (urbanisation accrue, déforestation) constituent un danger potentiel et réel, notamment pour les écosystèmes marins et côtiers.

Il estime que les trois quarts de la pollution des océans sont imputables à des activités terrestres, tandis que le transport maritime en génère environ 12% et les déversements 10%. 1 % de la pollution totale semble provenir de l'exploitation de minerais en haute mer, en particulier l'industrie pétrolière. On peut relever que le tiers de la pollution provenant d'activités terrestres est transporté vers les océans par le biais de l'atmosphère.

Le rapport analyse par ailleurs l'évolution récente du droit international en ce qui concerne la réglementation des mers et la prévention de leur pollution et propose un certain nombre de mesures qui pourraient aboutir à une meilleure protection de l'environnement marin. Entre autres, le Rapporteur propose une réflexion sur la mise en place d'une gestion intégrée des zones littorales et des fleuves qui débouchent dans celles-ci. En ce qui concerne le droit international, il préconise une meilleure application des traités existants et évalue les qualités et défauts du "Droit Souple" ("Soft law") par rapport aux traités internationaux contraignants, lesquels parfois peuvent se révéler trop onéreux à négocier et à gérer.

- Le troisième rapport qui porte sur l'exploitation durable des ressources biologiques marines, notamment halieutiques, est une préoccupation de longue date de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, lesdites ressources revêtant une importance primordiale pour la survie de l'humanité. Dans certains pays européens, 40 % de l'apport en protéines viennent de produits à base de poisson, qui représentent environ 15 % des dépenses alimentaires. On compte plus de 400 000 pêcheurs en Europe; puisque chaque emploi en mer génère au moins quatre postes sur la terre ferme, on peut dire que près de deux millions de personnes travaillent dans les divers secteurs des pêches.

Le rapport examine de près les politiques de gestion des pêches, soulignant que les ressources halieutiques sont autorenouvelables et que leur exploitation durable doit donc être l'objectif premier de ces politiques. L'auteur étudie les systèmes de conservation et de gestion des ressources biologiques marines, ainsi que les efforts pour renforcer la protection de l'environnement marin et la gestion des côtes. Il conclut que la surexploitation de nombreuses populations de poissons en Europe rend nécessaire des mesures pour améliorer les méthodes de prise, superviser l'effort de pêche et contrôler l'accès aux ressources marines.

Le rapport propose un certain nombre de mesures concernant la pêche à petite échelle, les zones économiques exclusives, la recherche en la matière, les système de quotas et les politiques d'aménagement des côtes. L'auteur préconise une approche intégrée de la gestion des ressources renouvelables, une coopération plus étroite entre instituts européens de recherche marine et entre Etats, et la mise en oeuvre effective des conventions internationales qui interdisent la pollution des mers. Il recommande de créer une Agence maritime européenne qui aiderait à mettre au point une vision cohérente de la politique européenne dans ce domaine

M. Jean BRIANE, député (UDF) , intervient dans le débat en ces termes :

" L'eau, c'est la vie, et nous devons aborder sa problématique de l'eau dans ses trois dimensions.

La première est la dimension planétaire : il existe un seul océan, nous rappelle la conférence mondiale indépendante des océans qui nous invite à une vision globale et planétaire.

La deuxième dimension est régionale : chaque mer est une partie de l'océan qui mérite attention, considération et protection.

La troisième est la dimension locale : elle suppose que chacun de nous ait le réflexe environnemental partout où l'eau est présente, partout où se manifeste cet élément, de la source au fleuve et du nuage à la nappe phréatique.

L'eau est probablement le plus grand défi du XXI e siècle pour l'humanité.

Le quart des habitants de la planète aujourd'hui ne dispose pas d'eau potable.

Il ne faut pas oublier non plus la relation entre l'élément eau et l'élément air, car c'est bien l'eau et l'oxygène de l'air qui nous permettent de vivre. Et l'on sait aussi, tous les rapports le disent, que l'essentiel de la pollution des océans provient des activités terrestres. A cet égard, l'exemple du Bassin méditerranéen-mer Noire est très significatif.

Les hommes ne seraient-ils donc pas capables de maîtriser les choses et seraient-ils en train de procéder à un suicide collectif ? Il nous faut apprendre à concilier l'exploitation durable des océans, notamment celle des ressources biologiques marines, et la nécessaire protection des océans, de l'eau.

Nous venons d'entendre dire que la vision de l'exploitation de la richesse des océans, par la pêche, par exemple, n'est pas la même selon que l'on est en Islande ou au Portugal. Je n'insisterai pas sur le sujet, mais il est évident que se pose-là un dilemme.

Aujourd'hui, nous sommes réunis au Conseil de l'Europe pour entendre les rapports de quatre commissions qui se sont mobilisées sur ce thème de l'eau et en abordent différents aspects. Je voudrais féliciter les rapporteurs pour le travail accompli et la qualité de leurs rapports. Je suis persuadé que cette session fera date pour l'avenir des océans, parce que les travaux du Conseil de l'Europe s'inscrivent dans une démarche plus générale qui semble se dessiner aujourd'hui. Ils s'inscrivent en fait dans le prolongement des travaux de la conférence dont je parlais tout à l'heure, la CMIO, qui a récemment rendu ses conclusions à Lisbonne. J'ai eu l'honneur d'y représenter le Conseil de l'Europe et de dire combien celui-ci était solidaire des travaux du CMIO et soutenait ses conclusions.

Cette conférence mondiale ne fut pas la seule. Il y a eu aussi la Conférence sur les océans qui s'est tenue à Paris le 19 mars dernier, organisée par le Conseil de l'Europe, un forum européen qui a eu lieu à Strasbourg en février sur le thème " L'eau, source de citoyenneté, de paix et de développement régional ". Il y a eu également la Conférence internationale de Paris, voulue par la Président de la République française, sur " L'eau et le développement durable " à laquelle quatre-vingt-six pays participaient. Là encore, j'ai eu l'honneur, en tant que président de la commission de l'environnement de représenter le Conseil de l'Europe. Enfin, je citerai pour mémoire la convention des Nations unies, déjà ancienne, que tous connaissent.

Nous devons faire en sorte de faire converger nos initiatives et nos efforts pour parvenir à une complémentarité des institutions et des moyens.

L'année 1998 a été l'année des océans. En témoigne également l'exposition universelle de Lisbonne portant sur le thème " Les océans : un patrimoine pour le futur ". Cette année aura permis une prise de conscience de l'enjeu que nous avons à relever et de sa dimension. J'aimerais que nous mettions en oeuvre les voies et moyens de relever le superbe défi qui s'offre à nous : le défi de l'eau. Ces travaux du Conseil de l'Europe y contribueront. "

A l'issue du débat, la résolution 1168 contenue dans le rapport 8164 est adoptée, amendée, ainsi que la recommandation 1387 qui est adoptée à l'unanimité.

Puis la résolution 1169, amendée, figurant dans le rapport 8177 est adoptée à l'unanimité ainsi que la recommandation 1388 également adoptée à l'unanimité.

Enfin, la résolution 1170 contenue dans le rapport 8165 est adoptée, avec amendements.

14. Les cultures minoritaires ouraliennes en danger (Vendredi 25 septembre)

Préoccupée par le rythme de disparition des langues minoritaires en Europe, la Commission de la Culture et de l'Education s'est penchée, après la langue Rom, le Yiddish et l'Aroumain, sur la situation d'une vingtaine de langues ouraliennes dont l'origine remonte à 6000 ans et qui sont parlées par 23 millions de personnes dans le monde.

Selon le rapport, un recensement réalisé en 1989 fait ressortir que 3,3 millions de citoyens de la Fédération de Russie parlent encore une douzaine de ces langues, ainsi que d'autres minorités en Norvège, en Suède, en Finlande, en Estonie et en Lettonie. Toutefois, l'ensemble des langues ouraliennes, à l'exception du hongrois, du finnois, et de l'estonien sont menacées d'extinction à des degrés divers.

Se référant au cas des Samis de Norvège, premier peuple ayant réussi au cours des trois dernières décennies à inverser la tendance à l'appauvrissement du patrimoine européen en se battant pour l'épanouissement de leur culture et de leur littérature, le rapporteur propose un certain nombre de mesures pour revitaliser les langues ouraliennes.

Le projet du texte de résolution note en particulier qu'en Fédération de Russie, de nouvelles lois soutiennent le maintien des langues nationales mais ne prévoient pas les moyens économiques nécessaires à l'application de ces dispositions. Il propose que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aide les pays -dont la Russie- où vivent les minorités linguistiques du groupe ouralien. Les efforts, souligne-t-il, devraient porter sur l'enseignement dans la langue maternelle dès l'école primaire, tant dans les villes que dans les campagnes. Cet enseignement exigera la formation des enseignants ainsi que la production d'outils pédagogiques. La résolution préconise également la promotion de journaux ou d'émissions de radio et de télévision dans les langues minoritaires, ainsi que l'échange de personnels et d'étudiants entre les régions ouraliennes.

A l'issue des débats, la résolution 1171 figurant dans le rapport 8126 est adoptée, amendée.

15. Situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise - Intervention de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Vendredi 25 septembre)

Ce rapport examine la situation de la population francophone dans les six communes " à facilités " de la périphérie bruxelloise. Ces communes situées en Flandre, mais comportant une large proportion, voire une majorité, d'habitants francophones, sont le point de mire d'un conflit linguistique ancien en Belgique, qui - cette fois-ci - semble avoir été provoqué par la tendance accrue du Gouvernement flamand à restreindre autant que la législation le lui permet le recours à ces facilités pour les Francophones, afin d'accentuer le caractère flamand et néerlandophone de la région. Cette tendance du Gouvernement flamand semble elle-même être due à ce qui est considéré à l'origine comme une " francisation " de la périphérie bruxelloise, une crainte à laquelle certains responsables politiques francophones ont probablement contribuée.

L'Assemblée parlementaire considère que ce conflit linguistique en Belgique ne peut être résolu que si toutes les parties intéressées (et surtout les responsables politiques) font preuve de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de souplesse pour promouvoir une cohabitation paisible des différents groupes linguistiques, et s'abstiennent d'attiser ou d'utiliser ces conflits à des fins politiques.

L'Assemblée recommande à toutes les parties concernées - le Gouvernement flamand, les habitants francophones de la périphérie bruxelloise (et en particulier leurs représentants politiques) et le Gouvernement belge - de promouvoir une cohabitation paisible entre les communautés linguistiques. Ces propositions incluent, entre autres, l'introduction graduelle du bilinguisme en Belgique, la possibilité d'utiliser les instruments de la démocratie directe pour consulter les citoyens sur une éventuelle renégociation du compromis linguistique belge, et la signature et la ratification de la Convention-cadre européenne relative à la protection des minorités nationales.

M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) , prend la parole en ces termes :

" La Belgique est compliquée, très compliquée, même pour moi qui suis l'élu d'un département français tout proche, frontalier : le Nord. Il convient donc de féliciter M. Columberg d'avoir su, au sein de la complexité, distinguer l'essentiel et apporter des réponses claires.

Y avait-il lieu de saisir le Conseil de l'Europe de la situation des francophones de la périphérie bruxelloise ? La réponse est : " oui ".

Bien sûr, et fort heureusement, la situation dans l'agglomération bruxelloise n'a rien à voir avec ce que connaissent l'Albanie ou le Kosovo ; elle est pourtant conflictuelle, passionnelle, et une partie de la population risque d'y perdre des droits auxquels le Conseil de l'Europe est attaché. C'est donc à juste titre que nous débattons aujourd'hui.

Il est difficile, pour un Français, de prendre la parole dans ce débat, car au départ, au siècle passé, il y a eu la volonté de la population néerlandophone de Flandre de rendre à sa langue maternelle sa place et sa dignité face à ce qu'elle estimait être la domination hautaine des francophones.

Je respecte ce combat car, et je le rappelais ici même mercredi en présentant l'avis sur la diversification linguistique, il est juste de défendre sa langue maternelle. Mais ce combat a maintenant triomphé et les temps ont changé.

Or les informations que nous donnent les élus francophones des communes périphériques de Bruxelles et ce qui a été constaté par notre rapporteur montrent qu'il y a effectivement remise en cause des facilités consenties à la population francophone de certaines communes, alors que cette population est parfois majoritaire, et cela est ressenti comme une tracasserie et une injustice.

Plus grave encore, l'objectif semble bien de pousser à l'intégration, mais aussi à l'assimilation pour éradiquer à terme la présence francophone dans la périphérie bruxelloise. Cette volonté paraît singulière quand on pense qu'elle s'exerce à quelques kilomètres des bureaux de l'Union européenne, par définition plurilingue et multiculturelle.

Dans son rapport, M. Columberg et la commission des questions juridiques et des droits de l'homme ont choisi de faire appel à tous les responsables politiques concernés en leur recommandant de faire preuve de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de souplesse. Cet appel est bienvenu.

M. Columberg ne saisit pas le Comité des Ministres mais se limite à faire des recommandations au Gouvernement flamand en lui demandant, en particulier, de cesser d'essayer de réduire les facilités linguistiques des six communes concernées et en excluant de recourir à l'assimilation forcée, tout en recommandant aux habitants francophones d'essayer de s'intégrer à la région dans laquelle ils habitent. C'est une position de sagesse.

Quant au gouvernement belge, il se voit suggérer des pistes d'action pour tenir compte de l'évolution provoquée par la construction européenne.

Je ne suis pas persuadé de la pertinence de toutes les suggestions que l'expérience suisse suggère à M. Columberg, mais je ne crois pas nécessaire d'engager ici un débat, y compris à coup d'amendements, sur ces suggestions puisqu'elles ne sont que des suggestions et que c'est au Gouvernement belge d'en retenir ce qui est conforme à l'esprit et à la lettre de la Constitution de ce pays. J'approuve donc le rapport Columberg et je tire du débat quelques leçons.

La passion, la fureur, conduit trop souvent à des actions déraisonnables. Vouloir priver les francophones de leurs facilités ne pourrait aboutir qu'à une crise et provoquerait de nouvelles interpellations, y compris au niveau européen, et un mouvement de solidarité car les francophones de l'agglomération bruxelloise ne sont pas isolés. Wallons, Flamands et Bruxellois ont derrière eux une longue tradition démocratique. Elle doit leur permettre de préférer trouver par eux-mêmes une solution équilibrée et qui privilégie la prise en compte des droits individuels de chacun de leurs concitoyens.

Une solution raisonnable, équilibrée et d'avenir ne saurait être trouvée dans l'enfermement de Bruxelles derrière une muraille linguistique isolant la ville bilingue du monde francophone. C'est au contraire dans le plurilinguisme et l'ouverture que l'agglomération toute entière pourra jouer son rôle essentiel au sein de l'Europe. "

Au terme du débat, la résolution 1172, amendée, figurant dans le rapport 8182 est adoptée.

A N N E X E
LISTE DES TEXTES ADOPTES
AU COURS DE LA SESSION DE 1998

Ces textes peuvent être obtenus auprès du Conseil de l'Europe.

Adresse postale :

Point I

Conseil de l'Europe

F-67075 Strasbourg Cedex

Tél. : (33) 03 88 41 20 33 ; Fax : (33) 03 88 41 27 45

E-Mail : information.point@seddoc.coe.fr

Le Conseil de l'Europe sur Internet :

http://www.coe.fr

PREMIERE PARTIE

(26-30 janvier)

Recommandation 1352 : 2 e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997)

Recommandation 1353 : Accès des minorités à l'enseignement supérieur

Recommandation 1354 : Avenir de la Charte sociale européenne

Recommandation 1355 : Lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la cohésion sociale en Europe

Recommandation 1356 : Activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) 1994-1997

Recommandation 1357 : Bosnie et Herzégovine : retour des réfugiés et des personnes déplacées

Recommandation 1358 : Situation en Algérie

Recommandation 1359 : Développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire

Recommandation 1360 : Crise au Kosovo

Recommandation 1361 : Modification de la procédure d'adoption des conventions du Conseil de l'Europe

Recommandation 1362 : Discrimination entre les femmes et les hommes pour le choix du nom de famille et la transmission du nom des parents aux enfants

Recommandation 1363 : Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe : activités récentes et propositions de réforme

Recommandation 1364 : Coopération européenne dans le domaine de la jeunesse et propositions récentes de changement de structures

Résolution 1144 : Création d'une commission de l'Assemblée sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Résolution 1145 : Exécutions en Ukraine

Résolution 1146 : Développements récents en République fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la région des Balkans

Résolution 1147 : Criminalité des affaires : une menace pour l'Europe

Résolution 1148 : Nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale

Résolution 1149 : Développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire

Résolution 1150 : Avant-projet de convention européenne du paysage

Résolution 1151 : Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe : activités récentes et propositions de réforme

Résolution 1152 : Coopération européenne dans le domaine de la jeunesse et récentes propositions de changement de structures

Résolution 1153 : Participation des présidents des groupes politiques aux réunions de la commission des questions politiques

Directive n° 537 : Création d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Directive n° 538 : Exécutions en Ukraine

Directive n° 539 : Suivi des engagements concernant les droits sociaux

Directive n° 540 : Criminalité des affaires : une menace pour l'Europe

Directive n° 541 : Nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale

DEUXIEME PARTIE

(20-24 avril)

Avis n° 204 : Projet de convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal

Avis n° 205 : Budgets du Conseil de l'Europe pour les exercices 1998 et 1999

Avis n° 206 : Dépenses relatives à l'Assemblée pour l'exercice 1999

Recommandation 1365 : Relations avec l'Union européenne (suite du Sommet d'Amsterdam de l'Union européenne)

Recommandation 1366 : Evolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998)

Recommandation 1367 : Réforme des Nations unies

Recommandation 1368 : Derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et situation au Kosovo

Recommandation 1369 : Dangers de l' amiante pour les travailleurs et l'environnement

Recommandation 1370 : Activités de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) 1994-1997

Recommandation 1371 : Mauvais traitements infligés aux enfants

Recommandation 1372 : Convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés

Recommandation 1373 : Liberté de circulation et délivrance de visas aux membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Recommandation 1374 : Situation des femmes réfugiées en Europe

Recommandation 1375 : Protection contre la dispersion des " collections accessoires "

Résolution 1154 : Fonctionnement démocratique des parlements nationaux

Résolution 1155 : Evolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998)

Résolution 1156 : Situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du processus de paix au Proche-Orient

Résolution 1157 : Gestion des déchets radioactifs

Résolution 1158 : Activités de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies

Résolution 1159 : Composition des groupes politiques à l'Assemblée

Résolution 1160 : Election des Vice-Présidents de l'Assemblée

Résolution 1161 : Processus de transition du secteur agricole dans les pays d'Europe centrale et orientale

Directive n° 542 : Fonctionnement démocratique des parlements nationaux

Directive n° 543 : Adoption internationale

TROISIEME PARTIE

(22-26 juin)

Avis n° 207 : Projet de convention pénale sur la corruption

Recommandation 1376 : Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie

Recommandation 1377 : Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak

Recommandation 1378 : Fonds de développement social du Conseil de l'Europe : activités et perspectives

Recommandation 1379 : Instruction élémentaire en science et en technologie

Résolution 1162 : Activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en 1997

Résolution 1163 : Accord sur l'Irlande du Nord

Résolution 1164 : Economie japonaise dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde

Résolution 1165 : Droit au respect de la vie privée

Directive n° 544 : Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie

Directive n° 545 : Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak

Directive n° 546 : Instruction élémentaire en science et en technologie

QUATRIEME PARTIE

(21-25 septembre)

Recommandation 1380 : Droits de l'homme des appelés

Recommandation 1381 : Politique générale : Conseil de l'Europe et OSCE

Recommandation 1382 : Elaboration d'un code de conduite européen sur les ventes d'armes

Recommandation 1383 : Diversification linguistique

Recommandation 1384 : Crise au Kosovo et situation dans la République fédérale de Yougoslavie

Recommandation 1385 : Situation des réfugiés , des demandeurs d'asile et des personnes déplacées du Kosovo

Recommandation 1386 : Derniers développements en Albanie

Recommandation 1387 : Enjeux futurs des sciences et de la technologie maritimes en Europe

Recommandation 1388 : Les océans : état de l'environnement marin et nouvelles tendances du droit international de la mer

Recommandation 1389 : Sécurité des consommateurs et qualité des produits alimentaires

Recommandation 1390 : Emissions de particules fines et santé humaine

Recommandation 1391 : Situation du régime des pensions du personnel du Conseil de l'Europe

Recommandation 1392 : Anciennes ambassades des Etats baltes sur le territoire de certains Etats membres du Conseil de l'Europe

Recommandation 1393 : Gestion et protection du paysage : une convention européenne

Résolution 1166 : Droits de l'homme des appelés

Résolution 1167 : OCDE et économie mondiale

Résolution 1168 : Enjeux futurs des sciences et de la technologie maritimes en Europe

Résolution 1169 : Les océans : état de l'environnement marin et nouvelles tendances du droit international de la mer

Résolution 1170 : Exploitation durable des ressources biologiques marines

Résolution 1171 : Cultures minoritaires ouraliennes en danger

Résolution 1172 : Situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise

Résolution 1173 : Association centro-européenne de libre-échange (ACELE)

Résolution 1174 : Développement économique au Proche-Orient et en Afrique du Nord

Résolution 1175 : Coopération en matière d'énergie dans la région de la mer Baltique

Résolution 1176 : Mandat des commissions de l'Assemblée



(1) Le 27 avril 1999, la Géorgie est devenue le quarante et unième Etat membre, représenté par cinq délégués titulaires et autant de suppléants, portant à deux cent quatre vingt onze l'effectif total de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

(2) Ce nombre est ramené à trois depuis l'adhésion de la Géorgie comme membre plénier, ce qui ramène le nombre des délégués des Etats invités spéciaux à quinze.



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