LES TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE A L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE
DURRIEU (Josette)
RAPPORT D'INFORMATION 436 (98-99) - délégation française à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Table des matières
- INTRODUCTION
-
LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE
DU CONSEIL DE L'EUROPE
PENDANT LA SESSION DE 1998-
I. LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du
26 au 30 janvier 1998)
- 1. Introduction
- 2. Discours de M. Charles EHRMANN, député (UDF), à l'ouverture de la session de 1998 (Lundi 26 janvier)
- 3. Situation en Algérie - Demandes de discussion selon la procédure d'urgence - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 26 janvier)
- 4. Rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente (Lundi 26 janvier)
- 5. Création d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis (Lundi 26 janvier)
- 6. Avenir de la Charte sociale européenne (Lundi 26 janvier)
- 7. Ukraine - Intervention de M. Raymond FORNI, député (Soc) (Mardi 27 janvier)
- 8. Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997) - Interventions de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis, et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 27 janvier)
- 9. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Interventions de M. Jean VALLEIX, député (RPR), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 27 janvier)
- 10. Accès des minorités à l'enseignement supérieur (Mardi 27 janvier)
- 11. Développements récents en République fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la région des Balkans - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 28 janvier)
- 12. Lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la cohésion sociale en Europe - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 28 janvier)
- 13. Criminalité des affaires : une menace pour l'Europe - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR) et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mercredi 28 janvier)
- 14. Activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) 1994-1997 (Jeudi 29 janvier)
- 15. Bosnie et Herzégovine : retour des réfugiés et des personnes déplacées (Jeudi 29 janvier)
- 16. Exposé de M. Hans VAN DEN BROEK, membre de la Commission européenne - Question de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 29 janvier)
- 17. Situation en Algérie - Interventions de MM. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), Jacques BAUMEL, député (RPR), et Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) (Jeudi 29 janvier)
- 18. Nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Vendredi 30 janvier)
- 19. Développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire (Vendredi 30 janvier)
-
II. LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du
20 au 24 avril 1998)
- 1. Introduction
- 2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente - Rapport de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Lundi 20 avril)
- 3. Fonctionnement démocratique des parlements nationaux (Mardi 21 avril)
- 4. Relations avec l'Union européenne - Suites du sommet d'Amsterdam - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)
- 5. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)
- 6. Evolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998) - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 21 avril)
- 7. Réforme des Nations unies - Intervention de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 22 avril)
- 8. Derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et situation au Kosovo - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 22 avril)
- 9. Dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), Paul DHAILLE, député (Soc), Claude EVIN, député (Soc), et Jean BRIANE, député (UDF) (Mercredi 22 avril)
- 10. Activités de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1994-1997 - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Jeudi 23 avril)
- 11. Situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du processus de paix au Proche-Orient - Interventions de MM. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV), et Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 23 avril)
- 12. Mauvais traitements infligés aux enfants - Rapport de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Jeudi 23 avril)
- 13. Projet de convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal (Jeudi 23 avril)
- 14. Gestion des déchets radioactifs - Interventions de MM. François LESEIN, sénateur (RDSE), et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Vendredi 24 avril)
- III. LES RÉUNIONS GROUPÉES DE COMMISSIONS (LISBONNE - du 25 au 26 mai 1998)
-
IV. LA TROISIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG
- du 22 au 26 juin 1998)
- 1. Introduction
- 2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 22 juin)
- 3. Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 22 juin)
- 4. Economie japonaise dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 23 juin)
- 5. Activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour 1997 - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 juin)
- 6. Projet de convention pénale sur la corruption - Intervention de M. Michel HUNAULT, député (RPR) (Mardi 23 juin)
- 7. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) et de Mme Josette DURRIEU, Sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
- 8. Exposé de M. Bronislaw GEREMEK, ministre des Affaires étrangères de Pologne, président en exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) - Interventions de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
- 9. Accord sur l'Irlande du nord (Mercredi 24 juin)
- 10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
- 11. Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak - Intervention de Mme Laurence DUMONT, députée (Soc) (Jeudi 25 juin)
- 12. Fonds de développement social du Conseil de l'Europe : activités et perspectives - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 25 juin)
- 13. Instruction élémentaire en science et en technologie (Jeudi 25 juin)
- 14. Droit au respect de la vie privée - Interventions de MM. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), rapporteur pour avis, et Bernard SCHREINER, député (RPR) (Vendredi 26 juin)
-
V. LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG -
du 21 au 25 septembre 1998)
- 1. Introduction
- 2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 21 septembre)
- 3. Respect des obligations et engagements de la Bulgarie (Lundi 21 septembre)
- 4. Droits de l'Homme des appelés (Mardi 22 septembre)
- 5. Communication du Comité des ministres - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mardi 22 septembre)
- 6. Politique générale - Le Conseil de l'Europe et l'OSCE - Interventions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 22 septembre)
- 7. Elaboration d'un code de conduite européen sur les ventes d'armes - Intervention de M. François LESEIN, sénateur (RDSE) (Mercredi 23 septembre)
- 8. OCDE et économie mondiale - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 23 septembre)
- 9. Diversification linguistique - Rapport de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mercredi 23 septembre)
- 10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)
- 11. Exposé de M. Ugo Mifsud BONNICI, Président de Malte - Question de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)
- 12. Derniers développements en Albanie (Jeudi 24 septembre)
- 13. Politique maritime européenne - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 24 septembre)
- 14. Les cultures minoritaires ouraliennes en danger (Vendredi 25 septembre)
- 15. Situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise - Intervention de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Vendredi 25 septembre)
-
I. LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du
26 au 30 janvier 1998)
- A N N E X E
-
LISTE DES TEXTES ADOPTES
AU COURS DE LA SESSION DE 1998
N°
436
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la session ordinaire 1998 de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement ,
Par Mme
Josette DURRIEU,
Sénateur.
(1)
Cette délégation était composée en 1998
de :
MM. Nicolas About, Michel Alloncle, Mme Josette Durrieu, MM.
Daniel Hoeffel, Pierre Jeambrun, Jean-François Le Grand,
membres
titulaires :
MM. James Bordas Marcel Debarge, Jacques Legendre,
Edouard Le Jeune, François Lesein, Serge Vinçon,
membres
suppléants. Au 20 octobre 1998 :
MM. Nicolas About, Marcel
Debarge, Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Jean-François Le
Grand, Lucien Neuwirh
membres titulaires :
MM. James Bordas,
Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jacques Legendre, Mme
Danièle Pourtaud,
membres suppléants.
Conseil de l'Europe. |
INTRODUCTION
Le
présent rapport retrace les travaux de l'Assemblée du Conseil de
l'Europe au cours de sa session de 1998 dont les quatre parties se sont tenues
à Strasbourg, respectivement du 26 au 30 janvier, du 20 au 24 avril, du
22 au 26 juin et, enfin, du 21 au 25 septembre, ainsi que les travaux des
réunions groupées de commission, qui se sont tenues à
Lisbonne les 25 et 26 mai.
Il récapitule
les activités des membres de la
Délégation française,
en particulier leurs
interventions dans les débats inscrits à l'ordre du jour des
quatre parties de cette session 1998, et présente un bref
résumé des rapports.
En
annexe,
figure la
liste de tous les textes adoptés
pendant la session de 1998.
*
* *
Cette introduction a pour objet de rappeler, d'une part, l'évolution de la composition de la Délégation française pendant la session de 1998 et, d'autre part, l'évolution générale de l'Organisation.
A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À L'ASSEMBLÉE DU CONSEIL DE L'EUROPE DURANT LA SESSION DE 1998
La délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, identique, comprend vingt-quatre députés (douze titulaires, douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires, six suppléants). L'Assemblée nationale renouvelle ses délégués après chaque élection législative générale et le Sénat après chaque renouvellement triennal. En outre, des remplacements peuvent intervenir entre ces dates, notamment pour cause de démission d'un délégué. La présente section a pour objet de retracer la composition de la délégation au cours de l'année 1998 et ses évolutions.
1. Représentants de l'Assemblée nationale en 1998
Au
nombre de
24
, les représentants de l'Assemblée nationale
durant l'année 1998 auprès de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe étaient :
Délégués titulaires (12)
: MM. Jacques BAUMEL
(RPR), Jean BRIANE (UDF), Claude EVIN (Soc), Raymond FORNI (Soc),
Guy LENGAGNE (RCV), Martin MALVY (Soc), Jean-François MATTEI (UDF),
Gilbert MITTERRAND (Soc), Henri NALLET (Soc), Jean-Claude SANDRIER (Com.),
Bernard SCHREINER (RPR) et Jean VALLEIX (RPR).
Délégués suppléants (12)
: MM. Claude
BIRRAUX (UDF), Paul DHAILLE (Soc), Mme Laurence DUMONT (Soc), MM. Charles
EHRMANN (UDF), Maxime GREMETZ (Com.), Michel HUNAULT (RPR), Georges LEMOINE
(Soc), Jean-Pierre MICHEL (RCV), Jean-Claude MIGNON (RPR), Mme Yvette ROUDY
(Soc), MM. Philippe SÉGUIN (RPR) et Kofi YAMGNANE (Soc).
Le 21 septembre 1998, M. Armand JUNG (Soc) a remplacé M. Martin MALVY
(Soc), démissionnaire.
Enfin, le 5 novembre 1998, MM. Jean-Marie BOCKEL (Soc) et Jean-Marie LE GUEN
(Soc) ont été désignés en remplacement de MM.
Raymond FORNI (Soc) et Kofi YAMGNANE, démissionnaires.
La délégation se présente alors ainsi :
Délégués titulaires (12)
: MM. Jacques BAUMEL
(RPR), Jean BRIANE (UDF), Claude EVIN (Soc), Armand JUNG (Soc), Guy
LENGAGNE (RCV), Jean-François MATTEI (DL), Gilbert MITTERRAND (Soc),
Henri NALLET (Soc), Mme Yvette ROUDY (Soc), MM. Jean-Claude SANDRIER
(Com.), Bernard SCHREINER (RPR), Jean VALLEIX (RPR).
Délégués suppléants (12)
: MM. Claude
BIRRAUX (UDF), Jean-Marie BOCKEL (Soc), Paul DHAILLE (Soc), Mme Laurence DUMONT
(Soc), MM. Charles EHRMANN (DL), Maxime GREMETZ (Com.), Michel HUNAULT (RPR),
Jean-Marie LE GUEN (Soc), Georges LEMOINE (Soc), Jean-Pierre MICHEL (RCV),
Jean-Claude MIGNON (RPR), Philippe SEGUIN (RPR).
2. Représentants du Sénat en 1998
Les
12
représentants du Sénat en 1998 étaient :
Délégués titulaires (6)
: MM. Nicolas ABOUT (Ap.
RI), Michel ALLONCLE (RPR), Mme Josette DURRIEU (Soc), MM. Daniel HOEFFEL
(UC), Pierre JEAMBRUN (RDSE), Jean-François LE GRAND (RPR).
Délégués suppléants (6)
: MM. James BORDAS
(RI), Marcel DEBARGE (Soc), Jacques LEGENDRE (RPR), Edouard LE JEUNE (UC),
François LESEIN (RDSE), Serge VINÇON (RPR).
A la suite du renouvellement triennal du 27 septembre 1998, le Sénat a
désigné le 20 octobre 1998, une nouvelle
délégation :
Délégués titulaires (6)
: MM. Nicolas ABOUT
(Ap. RI), Marcel DEBARGE (Soc), Mme Josette DURRIEU (Soc), MM. Daniel HOEFFEL
(UC), Jean-François LE GRAND (RPR), Lucien NEUWIRTH (RPR).
Délégués suppléants (6)
: MM. James
BORDAS (RI), Jean-Guy BRANGER (UC), Michel DREYFUS-SCHMIDT (Soc), Daniel GOULET
(RPR), Jacques LEGENDRE (RPR), Mme Danièle POURTAUD (Soc).Bureau de la
délégation en 1998
- Présidente : |
Mme Josette DURRIEU |
Sénateur |
(Soc) |
|
|
|
|
- Premier Vice-Président : |
M. Bernard SCHREINER |
Député |
(RPR) |
|
|
|
|
- Vice-Présidents : |
M. Pierre JEAMBRUN |
Sénateur |
(RDSE) |
|
M. Georges LEMOINE |
Député |
(Soc) |
|
M. Raymond FORNI |
Député |
(Soc) |
|
M. Marcel DEBARGE |
Sénateur |
(Soc) |
|
M. Jean-François MATTEI |
Député |
(UDF) |
|
|
|
|
- Secrétaire Général : |
M. Daniel HOEFFEL |
Sénateur |
(UC) |
|
|
|
|
-
Secrétaire Général
|
M. Claude EVIN |
Député |
(Soc) |
A la suite du renouvellement des délégués du Sénat, la Délégation s'est réunie le 27 octobre 1998 pour procéder à l'élection de son bureau, ainsi composé à la suite de cette réunion :
- Présidente : |
Mme Josette DURRIEU |
Sénateur |
(Soc) |
|
|
|
|
- Premier Vice-Président : |
M. Bernard SCHREINER |
Député |
(RPR) |
|
|
|
|
- Vice-Présidents : |
M. Michel DREYFUS-SCHMIDT |
Sénateur |
(Soc) |
|
M. Georges LEMOINE |
Député |
(Soc) |
|
M. Raymond FORNI |
Député |
(Soc) |
|
M. Marcel DEBARGE |
Sénateur |
(Soc) |
|
M. Jean-François MATTEI |
Député |
(UDF) |
|
|
|
|
- Secrétaire Général : |
M. Daniel HOEFFEL |
Sénateur |
(UC) |
|
|
|
|
-
Secrétaire Général
|
M. Claude EVIN |
Député |
(Soc) |
*
* *
M. Raymond FORNI ayant démissionné de la Délégation, le Bureau a été renouvelé le 20 janvier 1999 et se trouve désormais ainsi composé :
- Présidente : |
Mme Josette DURRIEU |
Sénateur |
(Soc) |
|
|
|
|
- Premier Vice-Président : |
M. Bernard SCHREINER |
Député |
(RPR) |
|
|
|
|
- Vice-Présidents : |
M. Michel DREYFUS-SCHMIDT |
Sénateur |
(Soc) |
|
M. Georges LEMOINE |
Député |
(Soc) |
|
M. Claude EVIN |
Député |
(Soc) |
|
M. Marcel DEBARGE |
Sénateur |
(Soc) |
|
M. Jean-François MATTEI |
Député |
(UDF) |
|
|
|
|
- Secrétaire Général : |
M. Daniel HOEFFEL |
Sénateur |
(UC) |
|
|
|
|
-
Secrétaire Général
|
Mme Yvette ROUDY |
Députée |
(Soc) |
B. COMPOSITION DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE
1. Etats membres pléniers du Conseil de l'Europe
•
de 1949 à 1989
Plus ancienne organisation de coopération européenne, le Conseil
de
l'Europe est fondé par le traité signé à
Londres le 5 mai 1949, entre cinq pays : Belgique, France, Luxembourg,
Pays-Bas, Royaume-Uni - rejoints par le Danemark, l'Irlande, l'Italie, la
Norvège et la Suède.
Les adhésions d'Etats de l'Europe occidentale se sont bientôt
succédé : 1949-1950 - Grèce, Turquie ; 1950 -
Islande ; 1951 République Fédérale d'Allemagne ; 1956 -
Autriche ; 1961 - Chypre ; 1963 - Suisse ; 1965 - Malte ; 1976 - Portugal ;
1977 - Espagne ; 1978 - Liechtenstein ; 1988 - Saint-Marin ; 1989 - Finlande.
•
de 1989 à fin 1998
Si la réunion des Etats d'Europe occidentale est à peu
près parachevée en 1989 avec l'adhésion de la Finlande
(Andorre n'a pu adhérer qu'en 1994, après une réforme
constitutionnelle), l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
anticipait sur l'union de tout le continent en créant le statut
d'"
invité spécial
" proposé dès
le 11 mai 1989 à quelques pays d'Europe centrale et orientale afin
d'associer, sans voix délibérative, des délégations
de leurs parlements aux travaux d'une Assemblée creuset du modèle
démocratique paneuropéen.
Réservé aux Etats qui " appliquent et mettent en oeuvre
l'Acte final d'Helsinki du 1er août 1975 et les instruments
adoptés au cours des conférences de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe (CSCE) ainsi que les
deux pactes internationaux des Nations unies du 16 octobre 1966 relatifs
aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et
culturels " selon les résolutions 917 du 11 mai 1989 et 920 du
5 juillet 1989, le statut d'invité spécial fut
conféré à des délégations des Parlements de
quatre Etats qui étaient alors l'URSS, la Pologne, la
Tchécoslovaquie et la République socialiste
fédérale de Yougoslavie, dès le 8 juin 1989.
Bientôt étendu aux Parlements de la plupart des Etats d'Europe
centrale et orientale, au fur et à mesure de la formulation de leurs
demandes et de leurs progrès démocratiques, ce statut a peu
à peu fait place à des adhésions formelles dès lors
que le Comité des Ministres et les commissions compétentes de
l'Assemblée ont pu constater l'établissement des principales
règles de l'Etat de droit et par conséquent le respect des
dispositions du statut du Conseil de l'Europe, dans les différents Etats
candidats.
Ainsi sont devenus membres pléniers du Conseil de l'Europe les Etats
suivants : 1990 - Hongrie - Pologne ;
1991 - République
fédérative tchèque et slovaque (dissoute le
31.12.92)
; 1992 - Bulgarie ; 1993 - Estonie - Lituanie -
Slovénie - République tchèque - République slovaque
- Roumanie ; 1994 - Andorre ; 1995 - Lettonie - Moldova - Albanie - Ukraine -
Ex-République yougoslave de Macédoine ; 1996 - Russie -
Croatie.
Les délégués des Etats membres pléniers
siégeant à l'Assemblée parlementaire étaient,
au
1er janvier 1998
, au nombre statutaire de 286 titulaires et autant de
suppléants.
2. Parlements bénéficiant du statut d'" invité spécial " à l'Assemblée au 1er janvier 1998
Arménie (4 sièges)
Azerbaïdjan (6 sièges)
Biélorussie (suspendue depuis le 13 janvier 1997)
Bosnie-Herzégovine (5 sièges)
Géorgie (5 sièges)
(Le statut d'invité spécial ne comporte pas de
délégués suppléants).
3. Evolution au cours de l'année 1998
L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la
Bosnie-Herzégovine
ont formulé des demandes d'adhésion à titre de membre
plénier de l'Organisation, qui suivent la procédure d'examen par
les commissions compétentes de l'Assemblée parlementaire.
La demande de la Géorgie a abouti et cet Etat est devenu le
quarante
et unième membre
du Conseil de l'Europe le 27 avril 1999.
4. Etats bénéficiant des différents statuts d'observateur
•
Observateur permanent auprès de l'Assemblée
Dès 1961, le Règlement de l'Assemblée a été
modifié pour instituer une nouvelle disposition (article 53 devenu
l'article 55) qui prévoyait la possibilité d'admettre des
représentants d'Etats non membres du Conseil de l'Europe, à titre
d'" Observateurs permanents ", sans droit de parole (sauf
autorisation du Président de l'Assemblée) et sans droit de vote.
Ce statut fut conféré à la
Knesset
, Parlement de
l'Etat
d'Israël
dès 1957. Le nombre des
délégués est actuellement de
trois
titulaires et
trois suppléants.
•
Observateurs auprès du Conseil de l'Europe
Par une Résolution du 14 mai 1993, le Comité des Ministres
créait à son tour un statut d'observateur auprès du
Conseil de l'Europe. C'est ainsi que le statut d'Observateur auprès de
l'Organisation a été successivement conféré aux
Etats suivants :
- les Etats-Unis d'Amérique (1995),
- le Canada (1996),
- le Japon (1996).
*
* *
La
Résolution du Comité des Ministres prévoit que " le
statut d'observateur
ne donne le droit d'être représenté
ni au Comité des Ministres, ni à l'Assemblée
parlementaire, sauf décision spéciale de l'un ou de l'autre de
ces organes en ce qui le concerne ".
Si ni les Etats-Unis, ni le Japon ne semblent avoir demandé à
assister aux travaux de l'Assemblée parlementaire, en revanche, le
Parlement Canadien a obtenu, par une Résolution de l'Assemblée du
28 mai 1997, une invitation comme observateur permanent et
délègue
6 membres
à l'Assemblée.
Ainsi, à la fin de 1998,
le Conseil de l'Europe
comptait
40
Etats
membres pléniers
(1(
*
))
et 3 Etats observateurs. L'Assemblée
parlementaire
comptait, quant à elle,
286
délégués
titulaires
(1)
(et autant de
suppléants) représentant
les Parlements des 40 Etats
membres, tandis que les
Parlements de 4 Etats
(2(
*
))
bénéficiaient du statut
d'Invité spécial
à l'Assemblée parlementaire
dont les délégations comptaient, au total,
20 membres
(2)
,
avec voix consultative
, le statut d'
Observateur
associant de même aux travaux de l'Assemblée, des
délégations parlementaires de
deux Etats
comptant
9
membres titulaires au total, toujours avec
voix
consultative
.
LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE
DU CONSEIL DE
L'EUROPE
PENDANT LA SESSION DE 1998
I. LA PREMIERE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 26 au 30 janvier 1998)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 26 au 30 janvier 1998 (première
partie de la session ordinaire de 1998).
Après avoir entendu le discours du Président d'âge
M. Charles EHRMANN
, député (UDF) l'Assemblée a
procédé au renouvellement de son Bureau.
Mme Leni
FISCHER
(Allemagne, CDU-CSU) seule candidate, a été
réélue Présidente de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe.
Mme Josette DURRIEU,
sénateur (Soc)
des
Hautes-Pyrénées, a été élue
Vice-Présidente de l'Assemblée au titre de la France.
Au cours de cette session, se sont adressées à l'Assemblée
les personnalités suivantes :
-
M. Petre ROMAN
, Président du Sénat de Roumanie,
-
M. Hans van den BROEK
, membre de la Commission européenne,
qui a répondu à une question de
M. Jacques BAUMEL
,
député (RPR).
La communication du Comité des Ministres a été
présentée par
M. Werner HOYER
, ministre
délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne,
Président en exercice, qui a répondu à des questions de
M. Jean VALLEIX
, député (RPR), de
Mme Josette
DURRIEU
, sénateur (Soc), et de
M. Daniel HOEFFEL
,
sénateur (UC).
L'Assemblée parlementaire a délibéré des questions suivantes :
- la mise en place par l'Ukraine d'un moratoire sur les
exécutions capitales ou l'abolition de la peine de mort (rapport 7994) ;
intervention de
M. Raymond FORNI
, député (Soc) ;
adoption de la Directive n° 538.
L'Assemblée avait auparavant ratifié les pouvoirs de la
délégation ukrainienne qui avaient fait l'objet d'une
contestation pour cette même question.
- la création d'une Commission sur l'égalité des
chances pour les femmes et les hommes dont
Mme Yvette ROUDY
,
députée (Soc) a été élue Présidente
de cette nouvelle commission. L'Assemblée a adopté la Directive
n° 537 présentée par
M. Bernard SCHREINER
,
député (RPR).
- le suivi du 2ème Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement du
Conseil de l'Europe ; (rapport 7968) ; interventions de
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc), Présidente de la
délégation française, et de
M. Bernard
SCHREINER
, député (RPR), premier Vice-Président de la
délégation française ; adoption à
l'unanimité de la recommandation n° 1352.
- l'accès des minorités à l'enseignement
supérieur ; (rapport 7888) ; adoption de la recommandation n°
1353 ;
- les développements récents en République
fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la
région des Balkans ; (rapport 7986) ; explications de vote de
M. Jacques BAUMEL
, député (RPR) ; adoption de la
Résolution n° 1146.
- l'avenir de la Charte sociale européenne ; (rapport 7980) ;
adoption de la recommandation n° 1354 et de la Directive n° 539.
- la lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la
cohésion sociale en Europe ; (rapport 7981) ; interventions de
MM. Claude BIRRAUX
, député (UDF), et
Paul
DHAILLE
, député (Soc) ; adoption de la recommandation n°
1355.
- la criminalité des affaires : une menace pour l'Europe ; (rapport
7971) ; interventions de
MM. Claude BIRRAUX
,
député (UDF), et
Bernard SCHREINER
,
député (RPR) ; adoption de la Résolution n°
1147 et de la Directive n° 540.
- les activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés (HCR) 1994-1997 ; (rapport 7972), le débat
étant introduit par une allocution de
Mme Sadako OGATA
,
Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; adoption
de la recommandation n° 1356.
- Bosnie et Herzégovine : le retour des réfugiés et
des personnes déplacées ; (rapport 7973) ; adoption de la
recommandation n° 1357.
En outre, l'Assemblée, sur proposition de plusieurs
délégués, notamment français, a
décidé, lors de l'adoption de son calendrier, de tenir un
débat d'urgence sur la situation en Algérie ;
M. Daniel
HOEFFEL
, sénateur (UDF), intervenant pour soutenir cette
proposition. Lors du débat qui s'engage sur le rapport 7997, sont
intervenus
MM. Jacques BAUMEL
, député (RPR), et
Jean-Pierre MICHEL
, député (RCV) ; adoption de la
recommandation n° 1358.
- la nécessité d'accélérer le
développement du tourisme en Europe centrale et orientale ;
(rapport 7976) ; intervention de
M. Bernard SCHREINER
,
député (RPR) ; adoption de la résolution n° 1148 et
de la directive n° 541.
- le développement durable des bassins de la mer
Méditerranée et de la mer Noire ; (rapport 7977) ;
intervention de
M. Jean BRIANE
, député (UDF) ;
adoption de la résolution n° 1149 et de la recommandation n°
1359.
Au cours de cette session, l'Assemblée a procédé à
l'élection des juges à la nouvelle Cour européenne des
Droits de l'Homme ; M. Jean-Paul COSTA, Conseiller d'Etat, a
été élu juge au titre de la France, réunissant le
plus grand nombre de suffrages, soit 206 voix sur 232 suffrages
exprimés.
Lors du renouvellement du Bureau des commissions de l'Assemblée
parlementaire, la France a obtenu deux présidences et une
vice-présidence :
-
M. Bernard SCHREINER
, député (RPR) a
été élu Président de la Commission du budget et du
programme de travail intergouvernemental ;
-
M. Jean BRIANE
, député (UDF) a
été élu Président de la Commission de
l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux ;
-
M. Claude BIRRAUX
, député (UDF), a
été élu Vice-Président de la Commission de la
Science et de la Technologie.
Enfin, le 26 janvier,
Mme Josette DURRIEU
, Présidente, et la
délégation, ont salué la mémoire de
M. Pierre CROZE
, sénateur (RI) des Français
établis hors de France, qui fut membre de la délégation du
Sénat aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO ;
Mme Josette DURRIEU
et la délégation ont
également transmis un télégramme de sympathie à
leur collègue,
M. Nicolas ABOUT
, sénateur
(app. R.I.) des Yvelines, maire de Montigny-le-Bretonneux, à
l'adresse des familles des victimes de l'avalanche des Orres survenue le 23
janvier 1998.
2. Discours de M. Charles EHRMANN, député (UDF), à l'ouverture de la session de 1998 (Lundi 26 janvier)
A
l'ouverture de la session annuelle de 1998,
M. Charles EHRMANN,
député (UDF)
, a prononcé, en sa qualité de
doyen d'âge, l'allocution suivante :
" En application de l'article 32 du Statut et des articles 1er et 5 du
Règlement, je déclare ouverte la session ordinaire de 1998 de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Mesdames, Messieurs, j'ai l'honneur, une nouvelle fois, de prendre la parole
devant vous en tant que doyen. C'est un privilège redoutable car, si
l'âge est synonyme d'expérience et de sagesse, aujourd'hui la
jeunesse est très pressée et, les mass media s'intéressant
surtout à ce qui ne va pas, à ce qui est anormal, l'impression
générale est celle d'un monde de mécontents, même
dans les Etats providence, ce qui favorise les partis extrêmes, cela
présente aussi un danger pour la démocratie, d'autant que le
monde des paysans, facteur d'équilibre psychologique et politique, est
en chute libre et que les populations s'agglutinent dans les villes où
les banlieues explosives semblent peu à peu l'emporter, malgré
les efforts de certains Etats pour créer une civilisation des villes.
En tant que petit-fils d'un Alsacien qui a quitté sa province
après la guerre de 1870 pour rester Français ; en tant que
fils d'un père tué durant la guerre de 1914-1918, à
l'âge de 23 ans, laissant une veuve de 19 ans avec pour toute fortune
75 francs, c'est-à-dire le salaire pendant quinze jours de
l'ouvrier mineur qu'était mon père ; en tant que combattant
de la guerre 1939-1945 qui pensait se faire tuer vingt-cinq ans après
son père, comme tant d'Allemands et tant de Français dans les
siècles passés - puisque vingt-trois guerres avaient eu lieu
entre la France et l'Allemagne depuis le début du XVI
e
siècle soit une guerre tout les vingt ans - pour toutes ces
raisons, je suis devenu Européen, c'est-à-dire partisan de la fin
des guerres entre la France et l'Allemagne.
Tout ce qui peut séparer la France et l'Allemagne me fait mal. Je suis
devenu Européen aussi parce que, professeur d'histoire, j'ai compris que
la France de Louis XIV et de Napoléon, c'était fini. J'ai compris
que l'avenir de mon pays était dans l'Europe, une Europe certes
ruinée par tant de guerres mais qui pouvait, si elle était unie,
créer un ensemble politique, militaire, social, capable de tenir
tête aux grands Etats qui se partageaient le monde. Au nom de tout cela,
en Européen convaincu, je désire rendre hommage au Conseil de
l'Europe.
Créé en mars 1949 par dix Etats de l'Europe occidentale pour
défendre les droits de l'homme, établir la démocratie et
l'économie de marché, ce Conseil s'est ouvert à
quarante Etats, dont dix-sept après la chute du mur de Berlin.
Après soixante-dix ans de communisme, dix-sept Etats rejoignaient le
camp de la démocratie. Dans ces pays, le Conseil de l'Europe a peu
à peu réussi - avec des échecs, provisoires, je le
souhaite - à aider les minorités à obtenir des
élections libres, des alternances de majorité qui sont autant de
preuves de l'existence de la démocratie.
La Russie elle-même, qui n'avait connu que les tsars et le communisme,
mais jamais la démocratie, est entrée au Conseil en 1996 et les
Etats-Unis ont obtenu la même année un statut d'observateur.
D'autres Etats attendent: la Géorgie, l'Azerbaïdjan,
l'Arménie et la Bosnie et Herzégovine. Sept cent cinquante, huit
cents millions de personnes - toute l'Europe moins trois ou quatre Etats,
et bien au-delà - sont ainsi concernées.
Ce Conseil de l'Europe, trop peu connu, a été mis en valeur
cependant lors du deuxième Sommet. Réuni à Strasbourg en
octobre 1997, à la demande de sa Présidente,
Mme Leni Fischer à laquelle je tiens à rendre un
hommage particulier, il a, sous la présidence de la France, réuni
vingt-neuf chefs d'Etat et quinze Premiers ministres. Un troisième
sommet fêtera, en 1999, le cinquantenaire du Conseil de l'Europe. Je suis
donc fier d'appartenir à ce Conseil depuis cinq ans.
Cela étant, j'émettrai quelques réserves, me souvenant de
ce que disait Beaumarchais, écrivain français de la fin du
XVIII
e
siècle: "Sans la liberté de blâmer, il
n'est point d'éloge flatteur". Notre Présidente, Mme Leni
Fischer, ajoute : " La famille du Conseil de l'Europe doit être
capable de dire la vérité même si celle-ci blesse
parfois ".
Le premier reproche que j'adresse au Conseil de l'Europe est de s'être
précipité, ce qui est humain, au nom de la morale et de la
démocratie, pour accueillir dix-sept nouveaux Etats sans obtenir de
ressources supplémentaires. Il faut donc vivre avec environ un milliard
de francs pour quarante Etats alors que l'Union Européenne dispose
de 485 milliards pour quinze Etats. Evidemment, les objectifs ne sont
pas les mêmes, mais l'écart est trop grand.
Le Conseil de l'Europe qui travaille beaucoup manque de moyens de communication
et d'exécution ; son travail est souvent ignoré. Je vous en
donne deux exemples: à l'unanimité, le Conseil de l'Europe
interdit les mines anti-personnel, mais les parlements des quarante Etats
l'ignorent et vont commencer un débat à ce sujet ; le
professeur Mattéi parlant à la délégation
française, a dit que: le Conseil de l'Europe avait condamné le
clonage humain. Pourquoi les parlements nationaux vont-ils en discuter sans le
rappeler ?
J'ajoute un autre reproche. Vous vous intéressez beaucoup à
l'Europe centrale et orientale. Certes ce matin encore, à la
réunion du groupe libéral à laquelle j'assistais,
j'étais ému de voir que les Balkans de 1998 ressemblaient
étrangement aux Balkans de 1914. Nous disions, dans ma jeunesse, que les
Balkans étaient " la poudrière de l'Europe ". J'ai la
tristesse de vous avouer que j'avais ce matin, en écoutant mes amis, la
même impression. Néanmoins cette préoccupation vous
empêche de vous occuper suffisamment de l'Europe
méditerranéenne. Vous n'êtes pas les seuls : nous le
reprochons aussi à l'Union européenne.
Depuis la disparition du communisme, c'est par les Balkans que peut venir le
danger pour l'Europe. Vous parlez aussi du drame algérien, mais pas
assez selon la délégation française. On oublie qu'il est
lié à l'islamisme terroriste. Que les verrous actuels que sont le
Maroc, la Tunisie, l'Egypte, la Turquie sautent, et c'est alors l'islamisme
terroriste qui risque de s'étendre de l'Atlantique à la Caspienne
et au-delà, aidé par des groupes terroristes à
l'intérieur de l'Europe.
Le Conseil de l'Europe oublie trop aussi - pardon de ces reproches qui me
viennent du fond du coeur - que dans l'économie mondiale actuelle, tout
ce qui se passe dans un autre continent peut influencer le reste du monde, donc
vous. En Asie par exemple des centaines de milliards de dollars ont dû
être injectés en Indonésie, en Corée du Sud, au
Japon pour remédier à une crise qui rappelle à ceux qui
ont mon âge, la crise de 1929.
Certes, le Fonds monétaire international, le FMI, et huit grandes
puissances dont les Etats-Unis ont des moyens qui n'existaient pas alors: mais
pourraient-ils recommencer plusieurs fois s'il le fallait ? De toute
façon, l'économie des Quarante subira un ralentissement de 0,5
à 1 % qui gênera l'évolution sociale
nécessaire.
D'autres faits me frappent.
Vous parlez de la drogue, mais n'ai-je pas lu que des centaines de milliards de
francs étaient blanchis chaque année par des banques
insuffisamment surveillées, que la mafia contrôlait de plus en
plus de pans de la société de certains Etats, où l'on
commençait à dire que la drogue n'était pas plus
dangereuse que le tabac ou l'alcool, comme s'il fallait oublier qu'on meurt
d'une overdose à moins de trente ans, ce qui n'est pas le cas avec le
tabac et l'alcool et que aujourd'hui, la drogue atteint une bonne partie de la
jeunesse ? Il n'est pas un lycée, pas une faculté en France
qui n'ait pas sa section de drogués!
Un autre problème devrait occuper terriblement le Conseil de l'Europe,
comme il obsède l'Europe des Quinze: celui du chômage: l'Union
européenne compte 18,5 millions de chômeurs dans , mais combien y
en a-t-il dans l'Europe des Quarante ? Le problème est de donner du
travail aux chômeurs sinon ils se dirigeront vers l'extrême droite
ou l'extrême gauche et les démocraties succomberont sous leurs
assauts conjugués comme cela est arrivé dans l'Allemagne
pré-hitlérienne où six millions de chômeurs ont
amené au pouvoir Hitler.
Ne suffirait-il pas, face au monde étatique ou capitaliste des grandes
entreprises de donner les moyens fiscaux aux PME. Il y en a dix-huit millions
dans l'Europe des Quinze, d'embaucher un ouvrier, un seul, pour arriver
à un chômage qui rappelle celui des Etats-Unis ou de la
Grande-Bretagne ?
Puisque l'on m'a recommandé d'être court, j'en viens au plus grave
problème pour l'avenir du Conseil de l'Europe - mais toutes nos
institutions sont liées, celui posé par la quinzaine d'Etats qui
veulent entrer dans l'Union européenne. L'idéal serait
évidemment d'élargir celle-ci à tous les pays
européens du Conseil de l'Europe qui le souhaitent, le Parlement
européen s'est d'ailleurs prononcé en ce sens. Il est
légitime, certes, que des pays auxquels on a appris la démocratie
et qui font eux-mêmes de gros efforts pour se convertir à
l'économie de marché - efforts qu'ils devront d'ailleurs
continuer - veuillent entrer dans l'Europe des Quinze pour obtenir des aides
importantes, qu'il faudra bien leur donner, car la liberté avec le
ventre vide conduit à la dictature fasciste et ou communiste.
Déjà, dans mon discours de janvier 1996, je vous avais dit que
cette année là serait une année critique. En effet comment
élargir à vingt-cinq, vingt-six ou vingt-sept Etats, voire
davantage, l'Union européenne sans refaire les institutions qui,
conçues pour six, se révèlent obsolètes pour
quinze ? Qu'en seraient-elles alors pour vingt-cinq ou vingt-six
membres ? Cela reviendrait à créer une grande zone
européenne de libre échange en laissant subsister une Europe
politique divisée, donc faible, face à de grandes puissances.
Or ce problème n'est pas résolu. Il n'est pas question d'oublier
tout ce que l'Union européenne des Quinze a fait, je veux dire cinquante
deux années de paix entre la France et l'Allemagne: un
développement économique extraordinaire - l'Union est la
première puissance économique du monde! - un pouvoir d'achat
multiplié par trois en francs constants pour 130 millions de
travailleurs à côté des 18 millions de chômeurs, des
Etats qui, grâce à leur fortune, sont devenus des Etats providence.
A cette Europe des Quinze, je crois profondément, avec la venue de
l'euro, de 1999 à 2002, qui procurera 150 à 180 milliards
d'économies ou de richesses dans le non-change des monnaies nationales,
qui évitera aussi les crises dues à l'instabilité des
monnaies, comme celle de 1995 - en deux ans, elle avait entraîné
la disparition de 1 500 000 emplois dans l'Europe des Quinze et une
baisse de 2 % du PNB. Eh bien, l'Europe des Quinze, géant
économique, se renforcera avec l'euro et pourra tenir tête au
monde du dollar! Car il faut que vous sachiez que 70 % des transactions
commerciales se font à l'heure actuelle en dollars.
Néanmoins, cette Europe des Quinze, et c'est notre tristesse, reste un
nain politique, une puce politique et militaire qui, malgré l'UEO
n'arrive à résoudre ses problèmes extérieurs - je
pense à la Yougoslavie - qu'en faisant appel aux Etats-Unis, à
l'OTAN, voire à l'ONU.
C'est pourquoi certains Etats se demandent s'il ne serait pas
préférable de refaire de nouvelles institutions avant
d'élargir l'Union européenne afin de créer une Europe
politique, militaire et sociale solide. Ces mêmes craintifs - France,
Italie, Belgique - voient avec effroi que l'Allemagne de l'Ouest a
dépensé plus de 3 000 milliards de francs de 1989 à
1997 pour l'Allemagne de l'Est, c'est-à-dire deux fois le budget annuel
de la France sans que les résultats soient définitifs, puisque
l'Allemagne de l'Est connaît un chômage de 19,9 % alors qu'en
Allemagne de l'Ouest il n'est que de 9,9 %.
Les difficultés sont encore accrues par le fait que l'Allemagne et les
Pays-Bas, qui paient évidemment beaucoup, demandent une diminution de
leur contribution, que les grands bénéficiaires des fonds
structurels de l'Est ne veulent pas perdre une partie de ce qu'ils ont au
bénéfice de vos Etats et que les Quinze ne veulent pas
accroître leur participation au fonds au budget général qui
est de 1,27 % du PNB.
En conclusion, les Etats dont je parle craignent que l'Europe des Quinze n'ait
pas les moyens financiers suffisants pour accueillir, dans un premier temps,
les six - Pologne, République tchèque, Hongrie,
Slovénie, Estonie et Chypre - et les amener à son niveau de
vie. Devant cette situation très difficile, l'Allemagne, suivie par la
majorité de l'Union européenne, a décidé de
négocier avec les six en espérant mener en même temps une
négociation sur les institutions. La France et la Belgique pensent qu'on
ne le peut pas, que cela est impossible et qu'il faut d'abord revoir nos
institutions. Voilà le drame que nous vivons.
Puissent les délégations des quarante Etats du Conseil de
l'Europe en s'accrochant aux problèmes que j'ai évoqués,
et je prie de m'excuser si j'ai blessé quelqu'un d'entre vous, trouver
le second souffle dont l'Europe entière a besoin. Tel est le voeu le
plus ardent de votre doyen qui croit en une Europe politique, militaire,
économique, sociale, maîtresse de son destin face aux grands
empires qui existent ou vont se créer dans le monde. "
3. Situation en Algérie - Demandes de discussion selon la procédure d'urgence - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 26 janvier)
L'Assemblée doit étudier trois demandes de
discussion
selon la procédure d'urgence, qui ont été
déposées conformément à l'article 48 du
Règlement.
La dernière demande concerne la situation en Algérie.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
intervient pour défendre
sa demande de tenue de débat selon la procédure d'urgence :
" Je souhaite qu'un débat d'urgence sur la situation en
Algérie puisse avoir lieu demain, en fin d'après-midi, en lieu et
place du débat prévu sur les droits des appelés. Plusieurs
arguments militent en faveur d'une telle demande.
Les événements qui se déroulent aux portes de l'Europe ne
sauraient laisser indifférent le Conseil de l'Europe. L'Algérie
est à nos portes. Ce qui touche aux droits et à la vie des hommes
- et les massacres qui y ont lieu quotidiennement nous le rappellent - concerne
l'Europe. Nous avons entendu dans cette maison, en 1996, l'appel des femmes
d'Algérie. Cet appel, plus que jamais, retentit à nos oreilles.
Pouvons-nous y rester insensibles ?
De plus, le Conseil de l'Europe doit-il laisser à d'autres institutions
européennes le soin de se préoccuper d'un problème de
cette nature, alors qu'il doit très directement se sentir
concerné ? Il y va de son autorité, de son rayonnement et de
sa raison. C'est la raison pour laquelle je crois justifié, en mon
âme et conscience, de souhaiter qu'un échange de vues puisse avoir
lieu sur les événements d'Algérie au cours de la
présente session. "
L'Assemblée étudie alors la demande de discussion selon la
procédure d'urgence sur la situation en Algérie. Elle rappelle
que le Bureau, qui a longuement examiné cette demande lors de sa
réunion du 19 janvier, a émis un avis défavorable
à la tenue d'un débat selon la procédure d'urgence. Le
Bureau a publié une déclaration sur la situation en
Algérie et la Présidente, Mme Fischer a d'ores et
déjà entrepris d'établir un certain nombre de contacts
tant avec les médias qu'avec les organisations féminines.
Après consultation,
la demande de procédure d'urgence est
adoptée et le renvoi pour rapport de la question de la situation en
Algérie à la commission des questions politiques est
adopté.
4. Rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente (Lundi 26 janvier)
Selon le
rapporteur, il est très facile de présenter ce rapport
d'activité au nom du Bureau : c'est, pour l'essentiel, l'histoire
des quatre derniers mois -le terme étant entendu non seulement au sens
narratif, mais aussi au sens politique. Le Conseil de l'Europe a vécu
des moments historiques. Après le deuxième Sommet, tant
l'Assemblée que les gouvernements semblent déterminés
à réformer le Conseil de l'Europe et à jeter de nouvelles
bases pour l'avenir. C'est assurément ce qui ressort de la
décision du Comité des Ministres de créer, avec l'accord
de l'Assemblée, un Comité des sages composé de cinq
éminentes personnalités européennes, auquel seront
invités à participer cinq représentants d'autres
institutions européennes, l'OSCE et l'Union européenne, notamment.
Ce Comité des sages sera présidé par M. Mario Soares,
ancien Président de la République portugaise. Cette nomination
constitue une garantie pour l'avenir du continent tout entier ainsi que pour
cette institution. En effet, on peut espérer que, d'ici à la fin
de l'année ou au début de l'année prochaine, des
propositions claires auront été élaborées pour
assurer l'avenir de l'Organisation. Mais il ne s'agit pas uniquement de cette
institution, la question revêt un caractère éminemment
politique et concerne l'avenir de tout le système des organisations
paneuropéennes.
De l'avis du rapporteur, depuis le deuxième Sommet, la
coopération entre les différentes institutions
paneuropéennes a gagné en dynamisme. On a l'impression que, tout
comme le Conseil de l'Europe, les autres institutions européennes sont
prêtes à élaborer des propositions pour l'avenir de
l'Europe.
Enfin le rapporteur est convaincu que ce qui marquera cette partie de session,
c'est que tous les débats qui y seront menés revêtiront un
caractère décisif pour les grands problèmes
d'actualité, non seulement dans l'Europe des Quarante, mais sur le
continent tout entier.
A l'issue de la discussion,
acte est donné du rapport
d'activité du Bureau et de la Commission permanente, document 7978 et
addendums
, et des textes adoptés par la Commission Permanente le
7 novembre
.
5. Création d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis (Lundi 26 janvier)
L'Assemblée estime que l'égalité des
chances
pour les femmes et les hommes est une condition nécessaire à la
démocratie véritable.
C'est pourquoi, elle décide de créer une Commission permanente
sur le sujet, qui remplacera la commission ad hoc du Bureau sur
l'égalité des sexes instaurée en 1993 et aura un mandat
plus étendu que celle-ci. Elle devra mener des travaux concrets afin
d'influencer véritablement les politiques ou les législations en
matière d'égalité.
La commission sera composée de 45 membres (et 45 suppléants).
M. Bernard SCHREINER, député (RPR),
intervient alors dans
le débat en qualité de rapporteur pour avis de la commission du
budget et du programme de travail intergouvernemental :
" Si nous présentons cette directive au nom de la commission du
budget, ce n'est absolument pas pour entraver le bon fonctionnement de la
nouvelle commission dont notre Assemblée vient de décider la
création. Notre souci est d'entrer dans le cadre budgétaire
établi pour l'année 1998 afin que nous n'engagions pas de
dépenses supplémentaires inconsidérées et que le
Bureau puisse fixer les dates et lieux de réunion tout en respectant les
masses budgétaires.
C'est une question de rationalité pour le bon fonctionnement de la
nouvelle commission. "
Au terme de ce débat,
la résolution 1144 contenue dans le
document 7890, amendée est adoptée, ainsi que la directive 537
contenue dans le document 7924.
6. Avenir de la Charte sociale européenne (Lundi 26 janvier)
Ce texte
est le support de lancement d'une campagne en vue de persuader tous les Etats
membres du Conseil de l'Europe de ratifier la Charte sociale européenne.
Conçue comme un traité jumeau de la Convention européenne
des Droits de l'Homme relatif aux droits économiques et sociaux, la
Charte de 1961 n'a été ratifiée que par 21 des 40 Etats
membres du Conseil. La nouvelle Charte sociale révisée de 1996 -
qui met à jour l'instrument original - n'a encore été
ratifiée par aucun Etat (9 pays l'ont signée).
A une époque où la planète est transformée par la
mondialisation économique, l'évolution des structures du travail
et les changements démographiques, on ressent le besoin d'un organe de
défense des droits sociaux qui soit le pendant du système de
suivi des droits de l'homme. Le rapport invite à la mise en place d'un
mécanisme plus ferme d'ici le 50
e
anniversaire du
Conseil de l'Europe, en 1999. Il faut donner à la Charte sociale le
même statut qu'à la Convention européenne des Droits de
l'Homme, de telle sorte que le Comité d'experts indépendants
présentement chargé de vérifier le respect par les Etats
de leurs engagements devienne une véritable Cour européenne des
droits sociaux. L'Assemblée demande également un système
plus clair, plus transparent et plus rapide pour le contrôle du respect
des droits économiques et sociaux par les divers pays.
A l'issue du débat,
la recommandation 1354 et la directive 539,
figurant dans le rapport 7980, sont adoptées.
7. Ukraine - Intervention de M. Raymond FORNI, député (Soc) (Mardi 27 janvier)
Le 29
janvier 1997, l'Assemblée a examiné l'engagement souscrit par
l'Ukraine lors de son adhésion au Conseil de l'Europe de mettre en place
un moratoire sur les exécutions, ayant reçu des informations
officielles sur la poursuite des exécutions dans le pays. Dans sa
Résolution 1112 (1997), l'Assemblée avertissait les
autorités ukrainiennes " qu'elle prendrait toutes les mesures
nécessaires pour veiller au respect des engagements
contractés ", y compris, si cela était nécessaire, la
non ratification des pouvoirs de la délégation parlementaire
ukrainienne à sa prochaine session de janvier 1998.
Le Rapporteur a été chargé de vérifier si les
dispositions de la Résolution 1112 (1997) avaient été
satisfaites. A Kiev, elle a reçu des informations officielles du
Vice-Ministre de l'Intérieur, selon lesquelles 13 exécutions
avaient eu lieu entre le 1er janvier et le 11 mars 1997 (ce qui porte le bilan
officiel pour 1996 et 1997 à 180 exécutions). Etant donné
que toute information relative aux exécutions est
considérée secret d'Etat en Ukraine, le Rapporteur ne s'est vu
communiquer que des informations fragmentaires : elle n'est donc pas
certaine qu'il existe réellement un moratoire sur les exécutions
en Ukraine.
La délégation parlementaire ukrainienne a déjà
été avertie par l'Assemblée par trois fois depuis plus de
deux ans des conséquences qu'aurait toute nouvelle violation de
l'engagement de mettre en place un moratoire sur les exécutions le 9
novembre 1995, et notamment la violation de la Résolution 1112
(1997).
Le présent rapport propose donc, en l'absence de toute notification
officielle par le Président de la République et le
Président du Parlement d'Ukraine, informant le Conseil de l'Europe de la
mise en place d'un moratoire
de jure
sur les exécutions, que
l'Assemblée décide de ne pas valider les pouvoirs de la
délégation parlementaire ukrainienne.
Les pouvoirs de la délégation ne pourront être
validés ultérieurement que lorsque les autorités
ukrainiennes auront fourni la preuve documentée et irréfragable
qu'un moratoire sur les exécutions a été mis en place en
Ukraine.
M. Raymond FORNI, député (Soc)
intervient dans le
débat en ces termes :
" Je n'ai rien de commun avec l'orateur précédent, je suis
gêné d'intervenir après lui, car les raisons de ma position
sont fondamentalement différentes de celles de M. Jirinovski.
Permettez-moi d'abord de rendre hommage au rapport courageux, lucide et
impartial de Mme Wohlwend. En dépit des entraves, des mensonges, des
tergiversations ukrainiennes, notre collègue est allée jusqu'au
bout de sa recherche. Ses doutes, ses craintes, ses indignations, nous les
faisons nôtres. Je suis un peu triste que certains d'entre nous, maniant
la langue de bois ou le langage diplomatique de salon, se contentent
aujourd'hui d'un constat, certes douloureux à leurs yeux, sans aller
jusqu'à ce qui paraît évident. Pourtant, une sanction doit
être prise et la non-ratification des pouvoirs est la seule qui vaille en
l'état de notre règlement. Cette non-ratification qui n'exclut
pas l'Ukraine mais la sanctionne pour un manquement grave doit être
décidée aujourd'hui par le Conseil de l'Europe.
Dans la construction des nations, dans la construction de l'Europe, il a
toujours été admis que les traités internationaux ont
valeur supérieure aux normes nationales. Violer ces traités, que
nul ne vous obligeait à signer, que nul ne vous contraignait à
ratifier, c'est prendre évidemment le risque de se mettre au ban des
nations. L'Ukraine a pris ce risque ; elle doit assumer son choix. Savoir
si l'on est pour ou contre la peine de mort n'est pas la question. Ce qui est
en cause c'est la promesse donnée et la parole trahie.
Du rapport que nous avons examiné, nous devons déduire à
l'évidence que l'Ukraine fait fi de ses engagements internationaux. Il
faut donc lui rappeler que l'adhésion au Conseil de l'Europe n'a pas
seulement pour but de faire bénéficier de droits: elle impose
aussi le respect d'un certain nombre de devoirs. D'autant que, et Mme Wohlwend
le rappelle, des avertissements nombreux ont été
délivrés à trois reprises au moins et des mises en garde
solennelles ont été signifiées! Elles n'auront servi
à rien, sauf à démontrer que, de son propre chef, de sa
propre volonté, l'Ukraine se place délibérément en
dehors des institutions internationales.
A partir de ce constat, quelle attitude pouvons-nous, devons-nous
adopter ? Trois attitudes sont possibles: ne rien faire, différer
notre décision ou prendre précisément la décision
qui s'impose.
Ne rien faire, si ce n'est renvoyer à une autre instance, en cherchant
d'autres solutions, telle l'élection des juges qui est en cours ?
Comme si c'était encore possible! Ce serait, à mes yeux, faire
preuve non seulement de légèreté, mais aussi de
lâcheté en refusant tout simplement de décider, en prenant
le risque d'enfoncer un peu plus notre assemblée parlementaire dans les
sables mouvants de l'indifférence. Ce serait, selon moi, porter un coup
de plus, un coup qui risquerait, si l'on n'y prenait garde, d'être
mortel, à terme, pour une institution dont le rôle, la place, la
fonction, l'essence même sont la défense des droits de l'homme.
Nous participerions à un plan diabolique - certains l'évoquent -
qui viserait, ni plus, ni moins, à rayer le Conseil de l'Europe de la
liste des institutions européennes qui pèsent et qui comptent. Je
ne saurais, nous ne saurions, bien entendu, mêler notre voix à
celles-là !
Différer notre décision, en laissant une dernière
chance ? Cette chance, depuis deux ans, nous l'avons offerte à
de nombreuses reprises ; Nous avons même proposé l'aide du
Conseil de l'Europe pour aller dans le sens imposé à l'Ukraine,
choisi par l'Ukraine au moment de son adhésion. Cette chance, elle ne
l'a pas saisie. Pis, elle a été méprisée,
balayée par des autorités d'Etat dont l'indignité n'a
d'égale que l'art de l'esquive. Il n'est plus possible de se laisser
bafouer, plus possible d'être passifs.
C'est pourquoi, la troisième solution, selon moi, est celle qui
s'impose: suspendre en refusant de ratifier les pouvoirs de la
délégation ukrainienne. La sagesse impose ce choix, c'est la
dignité dont doit faire preuve notre Assemblée.
Telle est, mes chers collègues, la position qui est la mienne. Au moment
où nous allons nous prononcer, je pense que chacun aura à coeur
d'harmoniser à la fois le droit et la morale. Je remercie
Mme Wohlwend de nous avoir indiqué la route. "
A l'issue du débat,
les conclusions figurant dans le rapport 7993
sont adoptées et les pouvoirs de la délégation ukrainienne
sont ratifiés.
Après amendements, la résolution 1145 ainsi que la directive 538
figurant dans le rapport 7974 sont adoptées.
8. Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997) - Interventions de M. Bernard SCHREINER, député (RPR), rapporteur pour avis, et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 27 janvier)
L'Assemblée se félicite des résultats du
deuxième Sommet. Selon le rapporteur cet événement a eu
lieu au bon moment et a donné un nouveau souffle politique au Conseil de
l'Europe.
Les premiers exemples de mise en oeuvre rapide des mesures
préconisées par le Sommet sont encourageants. Toutefois, son
succès définitif dépendra des suites données aux
décisions prises par les Chefs d'Etat et de gouvernement.
L'Assemblée devrait rester étroitement associée au suivi.
Les propositions additionnelles faites durant le Sommet devraient être
également prises en compte.
Les parlements nationaux devraient contribuer activement à la mise en
oeuvre des décisions prises lors du Sommet.
Enfin, des ressources appropriées doivent être mises à la
disposition de l'Organisation pour lui permettre de mettre en oeuvre, de
façon responsable, les tâches et priorités définies
par le Sommet.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, intervient au nom de
la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental pour
présenter sa contribution :
" Je tiens d'abord à remercier et à féliciter le
président Miguel Angel Martínez pour son excellent
rapport auquel la commission du budget et du programme de travail
intergouvernemental a souscrit entièrement.
La commission se félicite également des résultats du
sommet qui a pu avoir lieu grâce à l'initiative de la
Présidente de l'Assemblée, Mme Leni Fischer, et qui a pu
être concrétisé par la volonté du Président
de la République française, M. Jacques Chirac.
Comme le souligne très justement le rapport de M. Martínez,
la présence au plus haut niveau des chefs d'Etats et de gouvernements
des quarante pays membres a souligné de manière incontestable
l'importance historique de cet événement.
La commission du budget et du programme de travail intergouvernemental entend
saluer l'initiative du Comité des Ministres de créer un
Comité des sages en vue d'élaborer, entre autres, des
propositions sur le plan structurel de l'Organisation. Notre Assemblée
parlementaire participera également aux travaux de ce Comité,
puisque nous y serons représentés par notre Présidente,
Mme Fischer, et que notre Greffier, M. Haller, prendra
également part à ses travaux.
La commission souhaite cependant appeler l'attention de l'Assemblée et,
par la même occasion, du Comité des sages sur un aspect qui lui
semble particulièrement important.
Comme l'avait fait très justement remarquer, en septembre dernier, notre
collègue, M. Schieder, lors du débat sur le rapport de
M. Martínez relatif aux compétences budgétaires et
administratives de l'Assemblée, si le Conseil de l'Europe devait
être candidat à l'adhésion, sa candidature ne serait pas
recevable et il n'obtiendrait que le statut d'invité spécial,
puisque l'on jugerait sa démocratie parlementaire insuffisamment
développée pour lui donner le statut d'Etat membre.
Dans ce contexte, la commission du budget et du programme de travail
intergouvernemental souhaiterait que le Comité des sages suive
l'idée de mon prédécesseur, Sir Keith Speed,
c'est-à-dire qu'il faudrait distinguer clairement dans nos textes
fondamentaux les trois fonctions de notre Organisation:
- premièrement, la fonction intergouvernementale, comprenant le
Comité des Ministres et les activités intergouvernementales ;
- deuxièmement, la fonction judiciaire, avec la Cour unique qui
fonctionnera officiellement à partir de novembre 1998 ;
- troisièmement, la fonction parlementaire avec l'Assemblée
parlementaire devenue, au cours des dernières années, un organe
politique clé de l'institution et qui, comme je l'ai dit, doit recevoir
tous les attributs qui lui reviennent dans tout système
démocratique digne de ce nom, notamment en matière
budgétaire.
Je souligne que cette demande avait déjà été faite
dans la Recommandation 1250 en 1994 où il avait été
proposé, entre autres, d'établir une structure permettant de
respecter les compétences et l'autonomie des organes concernés.
Cette proposition me paraît logique. En effet, une telle structure,
similaire à celle de l'Union européenne, donnera plus de force et
de crédibilité à l'Organisation. Enfin, elle permettra
à l'Assemblée d'exercer pleinement les pouvoirs qui lui
reviennent. Ce sera également l'occasion de modifier sur le plan
statutaire le libellé de son nom, puisque, dans les textes officiels,
elle figure toujours sous le titre d'Assemblée consultative. Cette
dénomination pourrait être dorénavant
" Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ".
Telle sera la contribution de la commission du budget et du programme de
travail intergouvernemental. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
intervient à son tour
en ces termes :
" Le Conseil de l'Europe a 50 ans et quarante -Etats membres et nous
posons encore ou de nouveau ces deux questions: d'abord quel est son rôle
et sa place dans la construction européenne, car ce deuxième
Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement a mis en place un Comité de
suivi et un Comité des sages pour réfléchir et
proposer ? Ensuite, quel rôle peut-il jouer, car le deuxième
Sommet a défini un plan d'action ?
Le Conseil de l'Europe est une institution paneuropéenne au profil flou,
mal défini, par sa nature et son évolution, par la naissance
d'autres institutions qui se positionnent en concurrence ou en
complémentarité, mais dont on n'a pas bien défini le
domaine de compétences.
Il faut, à l'évidence, réformer et recentrer le Conseil de
l'Europe qui est une organisation interétatique, composée
d'élus, parlementaires dans leurs Etats, représentants directs de
la souveraineté nationale, et ici nous n'assumons qu'un exercice
paralégislatif de la démocratie,
L'Assemblée émet des avis, des recommandations, des
résolutions, des directives, mais rien ne s'impose aux Etats membres.
Elle n'est consultée par le Comité des Ministres
qu'éventuellement et souvent informée des décisions prises
a posteriori.
Positions politiques curieusement réussies et consenties ici à
des parlementaires à part entière devant qui dans la plupart des
Etats membres les ministres sont responsables.
La situation du Parlement européen était identique à
l'origine. Il faut redéfinir le rôle politique de cette
assemblée multinationale et sa relation avec Comité des
Ministres, un Comité des Ministres fantôme ! Qui l'a
rencontré dans son ensemble ?
Il est pratiquement visible une heure par session en la personne du ministre
des Affaires étrangères, ou de son ministre
délégué ou simplement du secrétaire en fonction.
Il est enveloppé, dans son secret, qu'il faudra bien lever, si l'on veut
que les choses changent !
Tout semble mis en oeuvre pour que cette Assemblée soit privée
partiellement de la fonction politique essentielle et inhérente aux
principes fondateurs. Quel paradoxe en ce lieu qui prétend
défendre partout, voire enseigner ailleurs, les principes fondamentaux
de la démocratie. Il faut réformer... ajoutons à tout cela
le fait que cette Assemblée n'a pas de moyens financiers et ne vote
même pas son propre budget de fonctionnement. Voilà une
Assemblée structurellement privée de tous les moyens d'exister,
et pourtant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe existe et
fait un travail immense. Nous sommes là pour témoigner,
parlementaires de tous les pays ! Dotés de pouvoirs et
d'autorité, détenteurs d'une parcelle de souveraineté
nationale, nous sommes investis d'une autorité nationale morale forte et
d'une dimension universelle. Défendre les droits de l'homme et la
démocratie au Kosovo, en Turquie, mais aussi en Algérie !
Nous sommes détenteurs d'informations et de connaissances sur l'ensemble
des quarante-cinq Etats d'Europe, immenses, irremplaçables,
accumulés par tous, dans tous les pays. Qu'en faisons-nous ?
Découvrir et accompagner une assistance technique, des accords partiels
importants: par exemple la " Pharmacopée européennes, des
conventions (Convention européenne des Droits de l'Homme, Convention sur
la biomédecine, Protocole additionnel à cette convention portant
interdiction du clonage d'êtres humains). Qu'avons-nous le droit de
revendiquer ? Plus de fonctions politiques, plus de moyens. une
reconnaissance de notre compétence et d'une expertise évidente et
éminente. Alors, qu'elle soit reconnue à l'occasion de
l'élargissement de l'Union européenne. La conférence
européenne qui a été mise en place doit établir
avec le Conseil de l'Europe une relation privilégiée et
immédiate.
Les débats vont s'engager entre les Quinze, ici
représentés, et les onze postulants qui sont également
ici. Saisissons-nous de ce problème immédiat. Il décidera
définitivement de la place du Conseil de l'Europe dans l'espace
européen. "
Au terme du débat,
la recommandation 1352, amendée, figurant
dans le rapport 7968 est adoptée.
9. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Interventions de M. Jean VALLEIX, député (RPR), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 27 janvier)
S'adressant à M. Werner HOYER, ministre
délégué aux Affaires étrangères de
l'Allemagne, représentant du Président en exercice du
Comité des Ministres qui présente devant l'Assemblée
l'objectif principal de la présidence allemande, à savoir la mise
en oeuvre rapide des résultats du deuxième sommet des Chefs
d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe,
M. Jean VALLEIX,
député (RPR),
pose la question suivante :
" Considérant que la conférence européenne
organisée par l'Union européenne, afin d'établir un
dialogue permanent avec les pays candidats à l'adhésion, va
prochainement se tenir,
demande au Président du Comité des Ministres si le Comité
des Ministres a engagé des démarches afin que le Conseil de
l'Europe soit associé aux travaux de cette Conférence compte tenu
de l'expérience qui est la sienne dans le domaine de la
démocratie et de l'état de droit dans les pays d'Europe centrale
et orientale. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc),
demande à son tour au
Président du Comité des Ministres :
" Comment il envisage d'organiser la participation du Conseil de l'Europe,
compte tenu de ses domaines d'expertise, à la Conférence
européenne prévue dans le cadre de " l'Agenda 2000 "
pour préparer l'adhésion des pays d'Europe centrale à
l'Union européenne. "
M. Werner HOYER répond en ces termes aux orateurs :
" Le Conseil européen a fixé le nombre des participants
à la première phase de la conférence européenne. Il
comprend les quinze membres de l'Union européenne, les dix candidats
à l'adhésion d'Europe centrale et orientale, ainsi que Chypre et
la Turquie. Il sera précisé en temps utile si le cercle des
participants pourra être ou non élargi.
Pour ce qui est des relations avec la Turquie, je crois qu'il ne m'appartient
pas de suggérer aux parlementaires ce qu'ils doivent faire. Mais je suis
un fervent partisan du dialogue soit au niveau ministériel, soit au
niveau parlementaire. Le Conseil de l'Europe constitue un excellent forum pour
le dialogue et les Etats membres, dont la Turquie, en font un bon usage. La
multiplication des contacts, officiels ou non, ne peut que rapprocher les
Etats, surtout dans les moments difficiles.
En septembre dernier, mon prédécesseur français,
M. le ministre Moscovici, a présidé la dixième
réunion "quadripartite" réunissant les présidences
ministérielles respectives, notre Secrétaire
Général et le Président de la Commission
européenne. A cette occasion, les participants ont examiné la
question d'un renforcement de la coordination entre le Conseil de l'Europe et
l'Union européenne dans des situations de crise, notamment en Albanie,
en Bosnie et Herzégovine, et au Bélarus, les moyens de renforcer
la coopération en matière d'assistance aux pays d'Europe centrale
et orientale, en étudiant les projets en cours de réalisation
conjointe et les perspectives de nouveaux programmes communs.
Il existe donc une étroite coopération en matière
d'évaluation des situations dans tous les pays concernés.
La présidence allemande, qui approuve totalement cette évolution,
examine actuellement avec la présidence britannique de l'Union la
possibilité de tenir la prochaine réunion à haut niveau de
ce type dans les deux mois a venir. Cette solution nous paraît
particulièrement souhaitable dans la mesure où le Comité
des Ministres, lors de sa 101
e
session en novembre dernier, a
souligné l'importance, pour la mise en oeuvre des résultats du
deuxième Sommet, de la coopération avec les organisations
européennes et les autres organisations internationales. Cela s'applique
bien évidemment à l'Union européenne. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
intervient de nouveau dans le
débat :
" Ma question est identique à celle de l'orateur
précédent. Je vais malgré tout la poser, monsieur le
ministre, pour vous montrer à quel point notre souci est grand.
Effectivement, notre Assemblée détient dans le domaine de
l'expertise une compétence évidente et reconnue. On comprend mal,
même si l'initiative est française, qu'une conférence soit
mise en place: il me semble que pour gérer les problèmes de
l'élargissement, les deux partenaires essentiels sont l'Union
européenne qui va recevoir les nouveaux membres et le Conseil de
l'Europe qui va voir un certain nombre de ses membres ainsi
transférés.
Je voudrais instamment que vous nous répondiez sur le partenariat
privilégié qui peut s'instaurer afin que la compétence du
Conseil de l'Europe, qui est évidente, soit réellement reconnue.
Notre devenir dépend de votre réponse. "
M. Werner HOYER formule la réponse suivante :
" Je ne puis vous donner une réponse définitive dès
à présent, car - il faut savoir être réaliste, et
nous le sommes - le concept de cette conférence européenne est
encore très flou. L'idée en a été émise au
Sommet de Luxembourg au cours d'une importante phase préparatoire
à l'élargissement.
Beaucoup de ceux qui y ont travaillé l'ont fait dans un but très
précis. Reste à savoir - et il s'agit là d'un facteur
déterminant - si nos amis turcs parviendront à trouver dans les
pourparlers de Luxembourg des éléments d'orientation positifs et
constructifs. Nous l'espérons. Il ne fait toutefois aucun doute que la
position de la Turquie aura une influence décisive sur les chances de
succès de cette conférence européenne.
Il ne s'agira pas, bien entendu, de dupliquer les travaux menés dans
cette éminente Assemblée. C'est pourquoi il faut élaborer
une procédure qui permettra de faire profiter la conférence
européenne des impulsions émanant, par exemple, du Conseil de
l'Europe. Non pas dès sa première réunion en mars
prochain, mais à partir des réunions suivantes, lorsque nous
aurons des raisons d'y voir une institution prometteuse, tournée vers
l'avenir - ce dont on ne saurait préjuger en l'état actuel des
choses.
Pour l'instant, je préférerais ne pas trop m'avancer. Les membres
de l'Assemblée parlementaire peuvent s'ils le souhaitent, faire part de
leurs idées, mais je leur demanderais pour l'instant de ne pas
programmer l'organisation d'une mégaconférence, à laquelle
pourraient demander à participer d'autres grandes organisations
internationales, dont certaines présentent, en ce qui concerne leurs
Etats membres, des similitudes avec la future Union européenne. "
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
intervient alors et demande au
Président du Comité des Ministres :
" Quelles sont les initiatives qu'il considère devoir être
prises par le Conseil de l'Europe pour amener l'Algérie à rompre
avec la spirale de la violence et trouver le chemin d'une réconciliation
durable qui ne peut passer que par un dialogue entre les différents
groupes qui acceptent les règles démocratiques, le respect des
droits de l'homme et des principes de l'Etat de droit. "
M. Werner HOYER répond en ces termes :
" Le Président en exercice du Comité des Ministres,
M. Kinkel, a été sensible au soutien exprimé au sein
de la commission des questions politiques à Bonn, il y a deux semaines,
puis par le Bureau, à l'initiative prise par l'Union européenne,
à laquelle il a déjà été fait
référence. Le Comité des Ministres n'a pas encore
examiné la situation en Algérie, mais il est prêt à
accorder toute son attention aux propositions qui émergeront du
débat d'urgence organisé par l'Assemblée, jeudi, sur la
situation en Algérie. Vous aurez deviné de mes remarques
précédentes que le Gouvernement allemand et moi-même en
particulier sommes très concernés par cette question.
Pardonnez-moi, pour cette légère infraction au Règlement
de l'Assemblée, dans cette session de questions-réponses. "
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC),
pose une question
supplémentaire :
" J'approuve totalement l'esprit de la réponse que vous avez
fournie à la question précédente. A présent, la
grande difficulté consiste à traduire nos intentions dans les
faits. Puisse, dans le cadre des initiatives à intervenir, le Conseil de
l'Europe ne pas rester à l'écart. C'est en ce sens qu'il n'est
probablement pas inutile que, jeudi, notre assemblée puisse
débattre de ce problème. "
M. Werner HOYER conclut de la façon suivante :
" Merci beaucoup. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai accueilli
avec d'autant plus de satisfaction votre décision de tenir ce
débat durant la présente session, que le débat public
mené en Europe semble orienté dans la mauvaise direction. Nous
avons affaire à un développement du terrorisme dans un pays dont
les problèmes ont, comme je l'ai déjà indiqué, des
causes très profondes. Nous avons affaire au développement d'un
terrorisme qui a, entre autres, pour objectif de déstabiliser les
structures démocratiques qui se mettent lentement en place. C'est
peut-être pourquoi nous avons quelquefois du mal à établir
une distinction entre les terroristes et les victimes, entre ceux qui tuent et
ceux qui sont tués. Cela fait aussi partie du débat qui doit se
tenir ici. Je vous remercie d'en avoir pris l'initiative. "
10. Accès des minorités à l'enseignement supérieur (Mardi 27 janvier)
Le
rapport appelle les gouvernements à réexaminer leurs politiques
de l'éducation en vue de faciliter l'accès des minorités
nationales à l'enseignement supérieur.
Malgré l'absence de données sur ce sujet, il est clair que ces
groupes sont souvent sous-représentés dans l'enseignement
supérieur. Au nombre des facteurs contribuant à cette situation
figurent notamment des problèmes socio-économiques, le coût
des études, l'absence d'un enseignement primaire et secondaire
adapté, et parfois l'opposition politique.
Le rapport esquisse une série de principes qui devraient être pris
en compte par l'ensemble des 47 gouvernements de la Convention culturelle
européenne signataires (en plus des 40 pays membres du Conseil de
l'Europe, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Bélarus, la Bosnie et
Herzégovine, la Géorgie, le Saint-Siège et Monaco ont
adhéré à la Convention) pour la révision de leurs
politiques en matière d'éducation :
- reconnaissance de la liberté fondamentale de s'engager dans des
activités d'enseignement supérieur et de créer des
institutions à cette fin ;
- possibilités pour chacun d'étudier sa propre langue et sa
propre culture au niveau de l'université ;
- enseignement public dispensé aux minorités linguistiques
dans leur propre langue afin de les préparer à l'enseignement
supérieur ;
- recours maximal aux nouvelles technologies de l'information ;
- inclusion de cours spéciaux sur les langues et cultures
minoritaires dans les programmes des institutions de formation des
enseignants ;
- octroi de bonifications, dans les examens d'entrée, aux candidats
dont la langue maternelle est différente de celle utilisée dans
l'examen.
A l'issue du débat,
la recommandation 1353, amendée, figurant
dans le rapport 7888, est adoptée.
11. Développements récents en République fédérale de Yougoslavie et leurs implications pour la région des Balkans - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 28 janvier)
Les
développements récents en République
Fédérale de Yougoslavie - en particulier la
détérioration de la situation au Kosovo et les tensions entre la
Serbie et le Monténégro - risquent d'avoir de graves implications
pour la stabilité de la région des Balkans.
Seule l'introduction immédiate de réformes constitutionnelles et
législatives démocratiques, garantissant, en particulier, la
liberté de la presse, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la
protection des droits de l'homme et des minorités, ainsi qu'une attitude
démocratique des dirigeants politiques, permettra à la RFY de
rejoindre la famille européenne. De telles réformes constituent
en outre le seul moyen d'empêcher les extrémistes de dominer la
scène politique.
L'Assemblée condamne la répression de la population ethnique
albanaise du Kosovo. Elle demande le rétablissement immédiat et
total des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle attend
des représentants politiques de la communauté albanaise du Kosovo
qu'ils refusent et condamnent immédiatement et sans réserve tout
recours à la violence pour résoudre le conflit avec les
autorités de la RFY.
Elle appelle l'Albanie à user de son influence auprès de la
communauté albanaise du Kosovo afin de soutenir une résolution
pacifique du conflit et se déclare prête à apporter son
aide dans les contacts entre les représentants des autorités de
la RFY et de la communauté albanaise du Kosovo.
L'Assemblée estime que, jusqu'à présent, la RFY n'a pas
respecté pleinement ses obligations au titre de l'Accord de Paix de
Dayton. Elle attend du gouvernement de la RFY qu'il use de son influence
auprès des dirigeants serbes de Bosnie afin que ceux-ci coopèrent
pleinement au processus de paix, rendent l'Accord sur les relations
parallèles spéciales avec la Republika Srpska conforme à
l'Accord de paix de Dayton et procèdent à l'arrestation
immédiate, en vue de les livrer à la justice, de toutes les
personnes situées sur le territoire de la RFY qui sont inculpées
de crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie.
Elle soutient les initiatives récemment prises pour créer des
contacts régionaux multilatéraux (sommet des Balkans, Initiative
pour la coopération du sud-est de l'Europe et Initiative
centre-européenne).
L'Union européenne, les Etats-Unis d'Amérique et les autres Etats
concernés devraient s'entendre sur une approche commune concernant
l'application du " mur extérieur " de sanctions et
l'utilisation d'incitations économiques.
L'Assemblée appelle les gouvernements des Etats membres du Conseil de
l'Europe de la région à respecter les obligations et engagements
qu'implique leur appartenance à l'Organisation.
Il faudrait que le Conseil de l'Europe serve davantage de cadre politique de
discussion sur la stabilité et la coopération dans la
région.
A l'issue du débat,
la résolution 1146, contenue dans le
rapport 7896, amendée, est adoptée.
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
s'exprime alors en ces termes
pour expliquer son vote :
" Mon explication de vote sera très brève: j'ai voté
pour le projet de résolution de M. Bársony. Je le
précise parce qu'aucun orateur français n'a pu s'exprimer dans ce
débat. Au nom des parlementaires français, j'apporte notre
soutien au texte de la commission. Il fallait le dire.
Ce débat est très important car, contrairement à ce qu'a
dit M. Vrettos, la situation est explosive dans ce pays. Les
renseignements à ce sujet sont extrêmement préoccupants. Il
ne faudrait pas qu'une fois encore l'Europe ou le Conseil de l'Europe
interviennent trop tard, alors que la tragédie aurait déjà
commencé. Dans un souci préventif, il est bon de discuter de ce
problème aujourd'hui, le débat est très intéressant
par sa diversité. D'une part, il a présenté la
défense des droits de l'homme, de la démocratie, de l'avenir
pacifique et de stabilité dans cette région. D'autre part, nous
avons aussi entendu des orateurs qui se sont voulus porte-parole du maintien de
la situation, d'un statu quo reposant, en tout cas pour ce qui concerne le
Kosovo, sur la persistance d'un régime policier et militaire
inadmissible.
Dès lors, les affaires sont claires! Un certain nombre de
parlementaires, dans cette Assemblée, préfèrent
l'idéologie partisane et le soutien de certains régimes à
la défense des droits de l'homme et à la défense de la
liberté des peuples et de la démocratie.
En conclusion, je souhaite que ce débat et le document que nous venons
d'approuver ne restent pas sans lendemain. Il est nécessaire que nous
assurions un suivi, comme le disait notre collègue tout à
l'heure, afin de n'avoir pas le sentiment de pratiquer la politique de
l'autruche. Je propose donc que soit créée une sous-commission
ad hoc
au sein de la commission des questions politiques du Conseil de
l'Europe. "
12. Lutte contre l'exclusion sociale et renforcement de la cohésion sociale en Europe - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 28 janvier)
Des
millions de personnes à travers l'Europe se trouvent privées de
leurs droits fondamentaux au travail, à la santé et à un
mode de vie décent par la montée de la pauvreté, le
chômage et le manque de qualifications. C'est ce qu'explique le rapport.
L'exclusion sociale atteint des proportions critiques dans tous les pays
d'Europe et pourrait menacer la cohésion sociale si des mesures
appropriées ne sont pas prises. Selon les estimations de
l'Union européenne, les quinze Etats membres comptaient en 1996
31 millions de personnes bénéficiant d'allocations d'aide
sociale, 18 millions de prestataires d'une allocation de chômage,
35 % de foyers vivant sous le seuil de pauvreté et environ
3 millions de sans-abri. La situation est tout aussi alarmante dans les
pays d'Europe centrale et orientale: en Hongrie, près de 10 % de la
population vit sous le seuil de pauvreté, et ce serait le cas de quelque
70 millions de personnes en Russie.
Le rapport appuie le projet du Conseil de l'Europe sur la dignité
humaine et l'exclusion sociale, lancé en 1995 et que viendra
compléter une conférence de suivi prévue en mai 1998 dans
la capitale finlandaise, Helsinki.
Il invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:
- à accorder un statut égal aux droits sociaux et aux droits
de l'homme ;
- à revoir les politiques sociales afin qu'elles ciblent les
catégories les plus défavorisées d'une manière
efficace et équilibrée ;
- à prendre des mesures pour réduire la pauvreté
parmi les populations à haut risque ;
- à faciliter la réinsertion des groupes marginalisés
par la mise en place de campagnes contre l'illettrisme et de programmes de
recyclage ;
- à faire évoluer les politiques de l'urbanisme et de
l'habitat de façon à éviter la création de ghettos
et à favoriser la réalisation de programmes de logements de
qualité et à coût réduit ;
- à mettre sur pied des actions de formation et
d'éducation ;
- à assurer des soins médicaux gratuits aux personnes
démunies et à lancer des programmes de lutte contre les
maladies ;
- à fournir à ces personnes une assistance juridique
gratuite et à créer des services de consultation juridique pour
les exclus.
Le rapport invite également le Comité des Ministres à
créer un Observatoire de la cohésion sociale en Europe, à
collecter informations et statistiques et à fournir aux pays des avis
d'experts et une assistance technique.
M. Claude BIRRAUX, député (Soc)
s'exprime alors de la
façon suivante :
" Je veux d'abord féliciter notre rapporteur pour son excellent
rapport complet et équilibré.
Depuis quelques années, la notion de cohésion sociale est
entrée dans le débat politique sans être jamais
définie. Discours, débats, revues, se font l'écho d'une
"cohésion sociale menacée", dont les conséquences les plus
graves se nomment fracture sociale, rupture, exclusion. A cette situation
complexe, le politique essaie d'apporter les solutions adéquates.
L'exclusion recouvre des réalités très différentes,
rendant plus complexes les solutions à proposer. Les causes sont
différentes mais, bien souvent, un enchaînement précipite
les gens dans une spirale descendante. On trouve aujourd'hui les exclus de
l'emploi, du logement, des soins de santé indispensables, les exclus de
la société technologique, les exclus du savoir, de la culture...
Il est vrai que le dénominateur commun à ces "exclusions"
s'appelle souvent le chômage et plus encore le chômage de longue
durée, mettant en exergue l'effacement des solidarités
traditionnelles, en particulier familiales. Autrefois, la famille
élargie aux grands parents, aux oncles et tantes, était un lieu
de solidarité et permettait souvent le règlement des conflits.
Aujourd'hui, l'instabilité économique, comme cause principale
d'exclusion, tend à faire de chacun un exclu potentiel, accroissant le
sentiment d'insécurité de nos concitoyens et rendant ainsi encore
plus urgente la mise en place de dispositifs. L'urgence est plus grande encore
si l'on pense que l'amélioration de la situation économique ne
suffira pas à faire décroître le nombre des exclus, rendant
par là même ce phénomène de moins en moins
transitoire.
En Europe, la mondialisation de l'économie vécue par les
démocraties à l'Ouest et l'effondrement des régimes
communistes à l'Est ont rendu insuffisants ou inexistants les
systèmes de protection sociale. Face à cette situation, il est
urgent de mettre en place dans chaque Etat des dispositifs visant à
renforcer la cohésion sociale.
J'approuve pleinement le projet de recommandation du rapporteur qui invite les
Etats à promouvoir des politiques de prévention de la
pauvreté et d'insertion.
Prévenir : il s'agit de rompre le cercle vicieux qui fait que ce
qui doit être considéré comme un accident de l'existence,
la perte d'un emploi, la maladie, l'échec scolaire, ne devienne en
réalité un pas certain, irréversible vers la
marginalisation. Je pense en particulier à des mesures permettant de
prévenir les expulsions de logements. Prévenir, c'est aussi
penser un urbanisme à taille humaine, avec un environnement de
qualité, social ou culturel, afin que l'on ne revoie plus ces
concentrations de populations qui conduisent au ghetto.
Réinsérer : il s'agit de rompre avec une politique exclusive
de minima sociaux et d'assistance donnant certes bonne conscience mais qui omet
l'objectif primordial, celui de l'insertion, qui rende au citoyen conscience de
son utilité économique et de son rôle social. Il convient
pour cela de rendre effectifs les droits fondamentaux et non pas de
créer un " droit pour les pauvres ". Réinsérer
celui qui est resté sur le bord du chemin passe en effet par le retour
à une vie normale.
C'est pourquoi, exercer son droit de vote, ester en justice, accéder aux
soins sont autant de droits que tout citoyen, indépendamment de ses
revenus, doit pouvoir exercer. Il est inadmissible que la tuberculose, maladie
d'un autre temps, réapparaisse aujourd'hui. La cohésion de nos
sociétés passe par la participation de tous les citoyens,
pauvres, riches, chômeurs et salariés aux décisions.
Réinsérer passe aussi et surtout par le retour à une
activité professionnelle. Je pense en particulier aux jeunes qui
commencent leur vie d'adultes bien souvent dans la rue.
Le droit à la formation est fondamental. Il me semble primordial de
mettre en oeuvre des parcours de formation et de suivi pour les jeunes peu ou
pas qualifiés. La formation initiale est importante, mais
l'évolution des technologies est tellement rapide qu'une formation
continue doit pouvoir permettre une adaptation à l'évolution des
métiers tout au long de la vie active. Par ailleurs, avec l'irruption
des nouvelles technologies, prenons garde à ce que d'autres exclusions
ne viennent s'ajouter.
C'est pourquoi il est tellement important que l'initiation et la formation
à la maîtrise de ces technologies soient dispensées dans
toutes les écoles, comme l'a rappelé notre Assemblée dans
les rapports concernant les nouvelles technologies de communication et
d'information.
C'est en définitive en garantissant l'égalité
réelle des chances à tous les citoyens, en particulier aux
jeunes, que nous préviendrons l'exclusion et que nous conforterons le
socle de notre démocratie. "
M. Paul DHAILLE, député (Soc)
intervient en ces
termes :
" Dans le préambule de la Constitution de 1946, les parlementaires
français écrivaient que: " chacun a le devoir de travailler
et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé dans
son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions et de ses
croyances ", et plus loin, ils allaient encore plus avant en proclamant:
" Tout être humain, qui en raison de son âge, de son
état physique ou mental, de la situation économique, se trouve
dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la
collectivité des moyens convenables d'existence ".
Cette belle formule pourrait résumer à elle seule notre rapport
d'aujourd'hui. Mais la première sur le droit au travail est plus belle
encore, rédigée qu'elle est au lendemain de la guerre où
la nation avait eu besoin de tous ses citoyens quelle que soit leur origine,
leur condition sociale ou leur place dans la société. La
solidarité nationale transcendait alors les classes sociales et l'heure
était à l'égalité et à la fraternité
universelles.
Le rapport présenté qui constate la situation dramatique dans
laquelle se trouvent beaucoup de nos concitoyens marque bien le recul
considérable qui a marqué, en cinquante ans nos
sociétés. Nous sommes passés de l'idée
formidablement généreuse du droit au travail à un
politique défensive, même si elle est nécessaire, de lutte
contre l'exclusion.
L'exclusion sociale est devenue une donnée acceptée, subie, je
dirais même voulue par certains, du fonctionnement économique de
nos sociétés. Ainsi, beaucoup de pays développés ou
ayant adopté le modèle libéral de développement
fonctionnent avec un "volant" d'exclus qui apparaissent consubstantiels
à leurs pratiques économiques. On laisse alors à l'Etat le
rôle de réguler la solidarité sociale quand ce n'est pas
à la charité individuelle ou associative. L'appareil
économique considère alors qu'il n'a aucune responsabilité
dans l'équilibre social et démocratique du pays. Peut-on
licencier pendant la journée et rentrer le soir chez soi en
espérant que l'on vivra dans un cadre parfaitement sûr et
tranquille. Oui, répondent certains pays où l'on rentre à
son domicile complètement sécurisé et isolé de
l'extérieur comme le château fort au Moyen Age. Nous devons
répondre au contraire que ce n'est pas le modèle de
développement que nous voulons à moins de revenir aux
distributions frumentaires de la Rome antique.
Aujourd'hui, faute de mieux, il nous faut revenir à ce qui constitue le
minimum garanti à un citoyen par la collectivité pour qu'il ne
soit pas exclu de la communauté économique sociale et
démocratique.
En premier lieu, il s'agit du droit au logement. En 1990, par loi, dite loi
Besson, la France proclamait "garantir le droit au logement constitue un devoir
de solidarité pour l'ensemble de la nation. Toute personne ou famille
éprouvant des difficultés particulières en raison
notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence
a droit à une aide de la collectivité pour accéder
à un logement décent et indépendant pour s'y maintenir".
Ce droit au logement s'étend bien sûr aux différents moyens
de mener une vie décente, l'eau, le chauffage, l'éclairage...
Mais il est bien évident qu'une telle politique ne doit pas
déboucher sur un politique de ghetto rassemblant dans des ensembles
dépendant de la seule politique sociale de l'Etat, nos concitoyens qui
sont exclus du monde du travail. La mixité sociale de l'urbanisme doit
être un des moyens privilégiés de lutte contre l'exclusion
et pour la cohésion sociale. Faire cohabiter dans les même
immeubles et les mêmes quartiers ceux qui connaissent des
difficultés et ceux qui normalement insérés dans la
société apparaît comme la réponse la plus efficace
au problème de l'exclusion. Les combattre demeure du pouvoir
législatif et réglementaire des Etats et de leur
collectivités locales.
Pour le reste, nos concitoyens marginalisés ont tendance à
s'exclure eux-mêmes de la vie culturelle ou démocratique
L'exclusion économique les conduit à se considérer "hors
de la société" et de ses mécanismes associatifs et
politiques.
Ces comportements peuvent être passifs comme la non-participation aux
élections ou le refus d'engagement dans les associations ou actifs
allant même jusqu'à la violence ou le choix de l'extrémisme
politique. Il est évident que dans ces domaines les réponses
institutionnelles sont impuissantes. La participation à la vie
culturelle ou démocratique ne se décrète pas. A moins de
mesures contraignantes comme le vote obligatoire, il me semble que nous
devrions poursuivre notre réflexion. En effet, l'évolution
économique dominante me paraît devoir créer de plus en plus
d'exclus, et, à moins d'un infléchissement extraordinaire de la
pensée économique dominante qui reconnaîtrait sa
responsabilité sociale, je pense que nous n'avons pas fini de parler de
ce problème. "
Au terme du débat,
la recommandation 1355, figurant dans le rapport
7881, amendée, est adoptée.
13. Criminalité des affaires : une menace pour l'Europe - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR) et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mercredi 28 janvier)
Le crime
économique, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent, la corruption
et la fraude fiscale - phénomènes nullement nouveaux - ont pris
aujourd'hui une ampleur qui menace la stabilité économique et
sociale, et même la démocratie et l'Etat de droit, au niveau
régional, national et international. Le crime économique
organisé a une portée mondiale ; cherchant à
acquérir le contrôle du territoire sur lequel il opère, il
" investit " dans la violence et la corruption et ne
représente pas un moindre danger pour la société que la
délinquance classique. De récentes études du FMI
évaluent les gains annuels provenant des activités criminelles,
sur l'ensemble du globe, à 500 milliards de dollars (près de
2 % du PNB mondial), le montant de l'argent blanchi étant plus
important encore.
Le rapport analyse la nature et les formes du crime économique, de la
corruption et du blanchiment d'argent et examine l'action du Conseil de
l'Europe et les autres mesures internationales prises à l'encontre de
ces phénomènes. Etant donné la dimension planétaire
de la criminalité économique, toute stratégie de lutte,
pour être efficace, doit être élaborée et mise en
oeuvre par la voie d'une coopération internationale, fondée sur
une diversité d'instruments (d'investigation et législatifs) de
prévention et de répression adoptés au niveau
international et appliqués au niveau national.
L'auteur suggère des mesures pour renforcer la coopération,
notamment grâce au Groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC), au
Comité d'experts sur les aspects de droit pénal et les aspects
criminologiques du crime organisé (PC-CO) du Conseil de l'Europe, ainsi
qu'au Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI)
et autres organes européens et internationaux. Les législations
nationales doivent être renforcées, et les textes internationaux
existants, notamment ceux élaborés au sein du Conseil de
l'Europe, devraient être signés et ratifiés. Le rapport
accorde une attention particulière au projet " Octopus "
Conseil de l'Europe/Commission européenne contre le crime
organisé et la corruption dans les pays en transition, actuellement mis
en oeuvre dans 16 Etats d'Europe centrale et orientale. Il recommande que
l'Assemblée réexamine régulièrement la situation
à travers ses commissions des questions économiques et du
développement, ainsi que des questions juridiques et des droits de
l'homme.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
intervient dans le
débat en ces termes :
" J'approuve tout à fait les observations de notre rapporteur et je
considère que nous sommes pleinement dans notre rôle en tenant un
débat sur ce qui est peut-être le principal péril pour nos
démocraties, même s'il demeure largement ignoré,
péril peut-être plus grave encore que le terrorisme, avec lequel
la criminalité financière entretient d'ailleurs des liens
très étroits.
Je centrerai mon propos sur ce qu'on appelle couramment " l'argent de
la drogue ". Sans doute avons-nous pris l'habitude de considérer
que certains Etats lointains sont gangrenés par les sommes
considérables que produit le trafic de stupéfiants. Mais je
voudrais que nous nous interrogions sur le circuit des profits engendrés
par le trafic de drogue au sein des Etats européens.
J'approuve évidemment toutes les propositions contenues dans le projet
de résolution, regrettant cependant qu'il n'ait pas pris la forme d'un
projet de recommandation adressé à nos gouvernements. En effet,
seuls ces derniers sont en mesure d'agir pour adapter les législations
nationales aux excellentes propositions de notre rapporteur.
Je m'interroge seulement à propos d'une démarche qui vise la
répression du blanchiment d'argent provenant de trafics illicites, alors
même que certains Etats européens continuent de pratiquer une
politique de tolérance, voire de légalisation, de l'usage et
même du commerce de stupéfiants.
Ces Etats et des lobbies nous accusent souvent d'entretenir des
préjugés et de refuser une approche moderne et libérale de
la toxicomanie. J'ai pourtant conservé le document capital que nous
avait adressé et distribué ici même le Gouvernement
suédois faisant état du revirement de sa législation
après une expérience de libéralisation dont les
résultats avaient été jugés catastrophiques. En
effet, libéraliser l'usage et le commerce des stupéfiants tout en
réprimant le blanchiment de l'argent, c'est s'arrêter en chemin ou
plutôt mener une politique incohérente.
Plusieurs raisons me poussent à demander cette politique
cohérente: la tolérance a toujours eu pour résultat, et
c'est d'ailleurs logique, l'augmentation de la consommation et donc du trafic.
On sait que certains mouvements terroristes se financent essentiellement par le
trafic de drogue. Beaucoup de filières d'immigration clandestine ont
recours également au trafic de drogue pour se financer.
On ne doit pas tirer argument de la difficulté de la répression
pour légaliser ces trafics mais au contraire, viser à mieux les
détecter pour les anéantir. Personne ne propose de
légaliser le vol parce que certains voleurs échappent aux
gendarmes !
Je souhaiterais donc que notre Assemblée prenne l'initiative d'une
invitation adressée à l'ensemble de nos Etats membres d'avoir
à conduire une politique cohérente comportant deux volets
indissociables : d'une part, bien sûr, comme le suggère la
résolution, organiser la répression du recyclage d'argent
sale ; d'autre part, organiser aussi la répression de la formation
de ces profits illicites en recherchant les filières d'où ils
proviennent.
Je demande donc, dans un objectif à la fois d'efficacité et de
cohérence politique, que notre Assemblée suive les enseignements
de l'expérience suédoise et dise clairement que la
commercialisation et l'usage de stupéfiants doivent être
réprimés.
Cette coordination se justifie au niveau de toute l'Europe afin que l'existence
de zones "moins disantes" en termes de répression ne fragilise
l'application de toutes les législations nationales, encourageant un
narcotourisme aujourd'hui florissant.
Je souhaite cette coordination aussi pour des raisons morales : quelle
crédibilité pourrions-nous avoir vis-à-vis de la jeunesse
si nous proposions la répression de la circulation d'argent sale sans
nous attaquer à la source des profits illicites.
Contrairement à certaines modes, je crois que la jeunesse n'a pas besoin
de joueurs de flûte mais au contraire, d'adultes qui la conduisent sur le
chemin d'un épanouissement qui ne va pas sans effort sur
soi-même. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
prend à son
tour la parole :
" Je félicite Mme Degn pour la qualité de son rapport,
détaillé et complet.
Je commencerai par rappeler que derrière le large éventail des
activités criminelles, la criminalité des affaires renvoie
à deux fléaux majeurs de notre époque, la drogue et le
tourisme sexuel. Ces deux fléaux ont pour principales victimes les
jeunes. Je me demande même si légaliser la drogue ou sa
consommation ne revient pas à légaliser les trafiquants et les
producteurs.
Le blanchiment de l'argent sale, sous ses différentes formes -placement,
c'est-à-dire conversion sous d'autre forme des espèces issues des
activités frauduleuses, empilage, c'est-à-dire dissimulation de
l'origine des ressources par des opérations complexes et opaques, ou
intégration, c'est-à-dire fusion des fonds d'origine illicite
avec des fonds d'origine licite, blanchiment accompagné ou non de
phénomènes de corruption- peut déstabiliser notre
démocratie, régime politique que nous défendons tous,
certaines organisations criminelles finissant par devenir un Etat dans l'Etat
ou infiltrant les Etats.
Il est, par conséquent, de notre devoir de tout mettre en oeuvre dans la
lutte contre la criminalité des affaires. Le Conseil de l'Europe a
déjà joué un rôle pionnier dans ce domaine pour
sensibiliser les Etats. Je pense, en particulier, à la convention
du 8 novembre 1990, relative au blanchiment, au
dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits
du crime.
Il appartient dès lors à chaque Etat signataire de transposer
cette convention par l'adoption d'une législation nationale. Par la loi
du 13 mai 1996, la France l'a fait en instituant le délit
général de blanchiment du produit des crimes et délits.
Délit général, ce qui signifie que le législateur
français a opté pour une définition extensive en ne
limitant pas le champ d'application de ce délit aux produits de
certaines infractions comme la convention lui en laissait le choix.
Voilà qui me semble aller dans le bon sens. C'est en effet en
s'attaquant aux profits de leurs activités que l'on peut, je pense,
combattre efficacement les trafiquants.
En outre, le législateur français a établi, avec la loi du
13 mai 1996, deux autres délits. Il s'agit, d'une part, du
délit de non-justification de ses ressources au regard de son niveau de
vie par une personne ayant des relations avec un trafiquant de drogue ;
d'autre part, du délit de provocation d'un mineur au trafic de drogue.
Cette dernière disposition vise à rendre également
responsable le trafiquant qui s'abrite derrière le mineur.
Mme le rapporteur a souligné dans son rapport la nécessité
de renforcer la coopération entre les Etats membres. Je tiens à
mentionner, sur ce point, la convention sur la lutte contre la corruption dans
les transactions commerciales internationales. Cet accord a été
élaboré le 20 novembre dernier par vingt-neuf pays
membres de l'OCDE et cinq pays non membres. Cette convention oblige les
Etats signataires à lutter contre la corruption active, quelle que soit
la nationalité des fonctionnaires corrompus. Elle prescrit aux Etats
signataires de ne pas se laisser influencer par des considérations
d'ordre diplomatique ou économique nationale dans la mise en oeuvre des
poursuites. Elle définit les modalités d'une entraide judiciaire
plus importante et facilite les procédures d'extradition.
Je conclurai, en mettant l'accent sur un dernier point. La coopération
internationale est devenue plus nécessaire que jamais.
L'électronique et les nouvelles technologies d'information et de
communication ayant accru la rapidité des transactions
financières, les techniques de blanchiment via plusieurs pays sont plus
difficiles à déceler.
Cette coopération doit être intense, loyale. Elle
présuppose un accord des Etats pour augmenter leur vigilance
vis-à-vis des paradis fiscaux et substituer la transparence des
transactions au secret, y compris bancaire, et pour ceux qui s'en glorifient
pour leurs propres activités, et avoir une lecture commune des
procédures, ainsi qu'une volonté politique sans faille pour
poursuivre tous les acteurs et commanditaires, quelle que soit leur place dans
la chaîne criminelle. "
A l'issue du débat,
la résolution 1147 et la directive 540,
figurant dans le rapport 7971, sont adoptées à
l'unanimité.
14. Activités du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) 1994-1997 (Jeudi 29 janvier)
Le Haut
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime qu'il
s'occupe de 23 millions de réfugiés, de demandeurs d'asile,
de personnes déplacées sur le plan interne, des populations
affectées par la guerre, de victimes d'expulsions de masse, de
rapatriés, d'apatrides et de demandeurs d'asile à travers le
monde. Le budget annuel de l'Organisation s'élève à
quelque 1,2 milliards de dollars.
Le rapport est axé essentiellement sur l'aire géographique du
Conseil de l'Europe mais décrit aussi la crise des
réfugiés dans la région des Grands Lacs d'Afrique pour
démontrer le genre de problèmes que rencontre le HCR dans des
situations de conflit. Le rapporteur rend hommage au Haut Commissaire,
Mme Sadako OGATA, et à ses collaborateurs pour leur travail
remarquable, difficile et souvent dangereux. Il en appelle au Comité des
Ministres afin qu'il incite les Etats membres du Conseil de l'Europe à
assurer leur soutien aussi bien politique que financier au HRC et à
promouvoir une politique d'ensemble pour la région européenne en
matière de réfugiés, qui s'attaque aux causes profondes de
la migration forcée. Il demande également aux Etats membres de ne
pas compromettre leur niveau de protection des réfugiés et
demandeurs d'asile, traditionnellement libéral et humanitaire. Le
rapporteur souligne par ailleurs la coopération accrue entre le HCR et
le Conseil de l'Europe.
La recommandation 1356 figurant dans le document 7972, amendée, est
adoptée à l'unanimité.
15. Bosnie et Herzégovine : retour des réfugiés et des personnes déplacées (Jeudi 29 janvier)
Le
conflit en Bosnie et Herzégovine a conduit au déplacement interne
et externe d'environ 2,2 millions de personnes. L'Accord de Dayton, conclu
le 21 novembre 1995, stipule dans son Annexe 7 que tous ces
réfugiés et personnes déplacées ont le droit de
retourner dans leurs foyers d'origine. Les chiffres actuels des retours pour
1996 et 1997 se situent en dessous des prévisions : 689 000
réfugiés et 866 000 personnes déplacées
attendent toujours une solution durable. Le rapport évalue les
progrès réalisés dans la mise en oeuvre des mesures
contenues dans l'Annexe 7 et cherche à identifier les principaux
obstacles au retour. Le projet de recommandation propose des mesures
concrètes à prendre en vue d'accélérer tout le
processus.
Le rapporteur se félicite des efforts faits par la communauté
internationale, et en particulier par le Haut Commissariat des Nations unies
pour les Réfugiés (HCR), en faveur de la reconstruction en Bosnie
et Herzégovine.
Au terme du débat,
la recommandation 1357, contenue dans le rapport
7973, est adoptée, amendée.
16. Exposé de M. Hans VAN DEN BROEK, membre de la Commission européenne - Question de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 29 janvier)
M. Hans
VAN DEN BROEK, membre de la Commission européenne, souligne que dans sa
résolution 1347 adoptée en novembre 1997, l'Assemblée
demande à l'Union européenne de veiller à ce que les
procédures choisies pour venir à bout de l'immense défi
que représente son élargissement ne créent pas de
nouvelles divisions en Europe, ni entre les candidats eux-mêmes, ni entre
ceux-ci et ses partenaires plus éloignés d'Europe orientale.
Tel est le sujet que développe M. Hans VAN DEN BROEK devant les
parlementaires et aux questions desquels il se prête.
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
pose la question
suivante :
" Le Traité d'Amsterdam a prévu de privilégier
l'élargissement avant l'approfondissement des institutions. Il est
évident qu'on ne peut pas gouverner l'Europe à trente ou à
vingt-cinq avec les mêmes institutions qu'à quinze. On n'imagine
pas le lancement d'Ariane 5 avec le matériel d'Ariane 3 ou d'Ariane 4.
Comment est-il envisagé de rattraper d'urgence cette lacune en
réexaminant les problèmes du rôle et du nombre des
commissaires. de la pondération des voix et, d'une façon plus
précise, de l'équilibre des pouvoirs afin de renforcer les
institutions européennes dans le cadre de
l'élargissement ? "
M. Hans VAN DEN BROEK, commissaire européen, lui répond en ces
termes :
" Le débat sur l'élargissement, mais avant tout sur le
renforcement, de l'Union européenne n'est pas nouveau. Ces questions ont
été longuement examinées lors des discussions
préalables au Traité d'Amsterdam qui se sont terminées en
juin dernier. Mais à trois heures et demie du matin, les chefs de
gouvernement ont constaté qu'il n'avaient pas achevé le travail
de réforme qui avait pour objet de préparer l'Union
européenne à son élargissement. Ils s'étaient
probablement laissé aller à l'idée confortable qu'il se
passerait encore quelques années avant l'adhésion du premier pays
associé et que d'autres occasions ne manqueraient pas de se
présenter pour réexaminer la question. Ce genre d'attitude n'est
pas une exception en politique. En juillet, au moment de la publication de son
Agenda 2000, la Commission a demandé que les insuffisances actuelles
soient corrigées avant la première phase d'élargissement.
A notre avis, il y aurait donc lieu de penser qu'on organisera, au tournant du
siècle, une nouvelle conférence intergouvernementale
consacrée à ces questions institutionnelles.
Les annexes du Traité d'Amsterdam prévoient deux séries de
réformes institutionnelles. L'annexe 1 concerne la pondération
des voix et le nombre des commissaires, qui devraient être
modifiés avant l'adhésion des premiers nouveaux Etats membres.
annexe 2 a trait à la fonction et au rôle des institutions de
l'Union, qui devraient être entièrement revus avant
l'adhésion du sixième candidat. Nos chefs de gouvernements ont
donc décidé de procéder en deux étapes. Mais nous,
nous insistons pour que les réformes soient achevées vers la fin
du siècle, avant l'adhésion du premier pays membre. Cela n'a rien
d'étonnant. Nous estimons que la prise de décision est
déjà assez compliquée à quinze et qu'il ne faut pas
attendre d'être vingt pour se prononcer sur ces importantes questions. Je
répondrai à l'honorable parlementaire que la Commission partage
le point de vue de ceux qui nous incitent à accélérer les
réformes institutionnelles. "
17. Situation en Algérie - Interventions de MM. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), Jacques BAUMEL, député (RPR), et Jean-Pierre MICHEL, député (RCV) (Jeudi 29 janvier)
Le
rapporteur indique que ce débat fait écho au sentiment
d'indignation, d'horreur et d'impuissance auquel chacun des membres de cette
Assemblée est en proie face aux atrocités qui continuent de se
produire, non pas dans quelque contrée lointaine de la brousse
africaine, mais dans un pays qui, autrefois. faisait presque partie de l'Europe
civilisée.
Lorsque, il y a six ans, les généraux algériens
annulèrent les élections démocratiques, nombreux
étaient ceux qui, dans les capitales européennes, avaient, sans
l'exprimer, été soulagés de voir qu'on avait pu
prévenir une écrasante victoire du FIS - Front islamique du salut
- et l'instauration probable d'un régime intégriste radical dans
un pays de la rive sud de la Méditerranée. Depuis lors, en
Algérie - et c'est toujours le cas pendant une guerre civile - les
innocents - hommes, femmes et enfants - paient de leur vie la suspension du
processus démocratique. Depuis lors, le mouvement intégriste,
trompé devant les urnes, a recours à des méthodes de plus
en plus violentes et de plus en plus extrêmes devant lesquelles le
régime militaire laïc apparaît impuissant. Depuis lors, le
Groupement islamique armé (GIA) apparemment un rejeton du FIS, a
revendiqué des attentats contre des écoles et des civils, alors
que le gouvernement accuse les terroristes intégristes de toute une
série de violations de droits de l'homme et autres atrocités
telles que massacres, tortures et meurtres de journalistes et d'artistes de
variétés fort populaires.
Depuis que le GIA a dramatiquement étendu sa campagne de terreur en
1994, les choses, en Algérie, ne sont plus ce qu'elles semblent
être. Des organisations de droits de l'homme, des journalistes et des
diplomates ont constaté un certain nombre d'ambiguïtés pour
ce qui concerne cette liste accablante de méfaits.
Si les coupables sont toujours les intégristes, pourquoi des massacres
se produisent-ils dans des zones où ils bénéficient
traditionnellement d'un fort soutien ? Pourquoi, malgré la
présence de forces de sécurité, a-t-on été
incapable de prévenir ces massacres et de protéger convenablement
la population? Pourquoi, malgré la régularité des
attaques, personne n'a-t-il été arrêté par les
autorités ? Selon certains diplomates algériens ayant
abandonné leur poste et certains journalistes locaux et
étrangers, également en fuite, le gouvernement serait
impliqué dans ces actes barbares ; mais pourquoi souhaiterait-il
massacrer de la sorte sa population ? Et à quelle fin ?
Face à toutes ces interrogations, une chose cependant est claire pour
l'Europe. Quel qu'en soit les responsables, ces actes de barbarie constituent
une menace directe pour la paix et la stabilité de la région
méditerranéenne, et certainement aussi pour les pays du Conseil
de l'Europe.
La commission des questions politiques a présenté aujourd'hui un
projet de résolution qui contient un certain nombre de propositions sur
la manière dont le Conseil de l'Europe peut venir en aide au peuple
algérien. Outre qu'il réaffirme le soutien du Conseil aux
initiatives de l'Union européenne et sa sympathie envers le peuple
algérien, le projet de résolution souligne que l'islam, qui
prône clairement la tolérance, ne doit pas être
condamné en raison d'abus grossiers commis en son nom. La
résolution invite également les dirigeants politiques et
religieux des Etats islamiques à contribuer à la fourniture
d'aide humanitaire ainsi qu'aux efforts déployés par la
communauté internationale en vue d'une résolution pacifique.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
fait les observations
suivantes :
" En abordant aujourd'hui la situation en Algérie, le Conseil de
l'Europe reste fidèle à sa mission. En acceptant, en 1996,
de rencontrer une délégation des femmes d'Algérie, nous
respections alors la vocation de notre institution. Elles en appelaient
à notre écoute, à notre solidarité.
Deux ans après, ces mêmes sentiments doivent nous animer. Ce qui
se passe aux portes de l'Europe, et c'est le cas de l'Algérie, concerne
l'Europe, ses peuples, ses parlements, ses gouvernements. Nous ne pouvons pas
être insensibles aux massacres qui, depuis des années, mais
surtout depuis quelques semaines, concernent des hommes, des femmes, des
enfants sans défense. Le Conseil de l'Europe, garant des droits de
l'homme, a le devoir de s'exprimer lorsque la vie et les droits de l'homme sont
menacés dans notre voisinage immédiat, avec toutes les
conséquences qui peuvent en résulter pour les pays membres du
Conseil de l'Europe et pour la stabilité de l'ensemble de la
région méditerranéenne.
Nous n'avons pas les moyens d'analyser avec précision le contexte dans
lequel se déroulent les événements, de savoir quelles sont
les forces qui agissent avec une telle cruauté, de détecter les
raisons pour lesquelles les populations visées sont sans défense,
de connaître la stratégie de ceux qui commettent les actes
terroristes.
Par ailleurs, nous ne pouvons ni ne devons nous immiscer dans les affaires
intérieures de l'Algérie, mais nous avons - et c'est l'avis
de notre groupe du PPE - un triple devoir.
Le premier est d'exprimer notre solidarité, celle des peuples d'Europe
à l'égard du peuple algérien. Marquer cette
solidarité peut paraître symbolique, mais devons-nous pour autant
donner le sentiment au peuple algérien que nous sommes insensibles
à ses souffrances ?
Nous avons aussi le devoir de condamner le terrorisme sous toutes ses formes et
quelles qu'en soient les motivations. Là encore, cet appel peut
paraître platonique à certains, mais le silence ne risque-t-il pas
d'apparaître coupable ou complaisant ?
Nous devons enfin encourager et stimuler le recours au dialogue, dialogue entre
toutes les forces politiques de l'Algérie qui rejettent le recours
à la violence ; dialogue entre les responsables algériens et
les institutions internationales.
L'Union européenne a déjà pris une initiative en envoyant
la troïka à Alger. Le Parlement européen envoie une
délégation à Alger dans quelques jours. Il serait opportun
que les Nations unies puissent apprécier la situation. Nous approuvons
de telles initiatives et il est opportun que le Conseil de l'Europe y trouve
une place conforme à sa vocation. Cela peut, par exemple, se traduire
- et je suis d'accord avec le rapporteur - par l'ouverture d'un
dialogue avec le Parlement algérien. Toutes ces initiatives doivent se
concrétiser dans un esprit d'étroite concertation entre les
institutions concernées. Nous rejoignons en cela les propositions
réalistes de notre rapporteur.
Pour toutes ces raisons, il nous a paru indispensable de ne pas nous draper
dans le mutisme. Nous sommes dans notre rôle en disant clairement ce que
notre conscience nous dicte.
Si les résultats des premières initiatives peuvent sembler
décevants, ce n'est pas une raison suffisante pour que le Conseil de
l'Europe, incarnation des droits de l'homme, se borne à observer. Si
nous voulons rester l'institution respectée et l'autorité morale
reconnue que nous sommes, alors nous devons, chaque fois que l'actualité
l'exige, faire entendre notre voix.
Puisse la voix du Conseil de l'Europe, avec beaucoup d'autres, être
entendue en Algérie, contribuer à faire revenir
l'espérance chez le peuple algérien et, avec elle, l'apaisement
et la paix sur les marches du Sud de l'Europe ! "
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
intervient à son
tour en ces termes :
" Le philosophe français André Glucksmann qui vient de
passer quinze jours en Algérie a déclaré : "J'ai
entrebâillé les portes de l'enfer. En Algérie, j'ai
pleuré aux portes du XXI
e
siècle." Comment le Conseil
de l'Europe pourrait-il rester silencieux et indifférent devant une
pareille tragédie ?
Il ne suffit pas de parler dans cette enceinte. C'est pourquoi tout en appuyant
pleinement le projet qui nous est soumis, je dis qu'il faut prendre des
initiatives concrètes. En ce sens, le déplacement de la
troïka européenne à Alger constitue une avancée
intéressante ; pour la première fois, les autorités
algériennes se sont prêtées à une initiative de la
communauté internationale sans y voir une volonté
d'ingérence. C'est un progrès, mais il faut aller plus loin et ne
pas se contenter de quelques discours éloquents sur les malheureux
femmes et enfants assassinés, étranglés ou
éviscérés.
Quelles sont les possibilités ?
Tout d'abord, il faut savoir, ce que la plupart des
délégués ignorent, que l'Algérie est un immense
territoire cinq fois plus grand que la France, et qu'il n'a une armée
que de cent vingt mille soldats pour plusieurs dizaines de milliers
de hameaux sans défense. Le terrorisme algérien est passé
de la capitale et de l'attaque des hautes personnalités politiques du
pays à des agressions contre de malheureux paysans et contre des
familles de la campagne.
Devant cette véritable "kaboulisation" du conflit, que peut-on
faire ? J'appuie totalement les propositions de notre collègue M.
Atkinson. A ce sujet, je regrette beaucoup que notre éminent
collègue M. Zhirinovsky ne soit plus dans la salle, car je lui
aurais dit qu'il n'est pas de bon procédé démocratique de
s'attaquer personnellement à un rapporteur de notre Assemblée.
Nous ne sommes pas à la Douma. Comme nous avons une expérience
démocratique plus grande que lui, nous pouvons lui conseiller de se
comporter de façon plus polie dans une assemblée
démocratique parlementaire.
Je veux confirmer la proposition d'établir un dialogue plus permanent
entre les députés de l'Assemblée populaire
algérienne - elle est ce qu'elle est, mais elle existe - et les
parlementaires du Conseil de l'Europe. J'irai même jusqu'à
proposer, étant donné la gravité du problème, s'il
n'est pas résolu dans quelques semaines, comme on peut le craindre,
d'envisager la constitution d'une commission
ad hoc
pour
l'Algérie au sein du Conseil de l'Europe. Après tout, nous sommes
considérablement concernés par les problèmes de
l'Algérie, à tous points de vue.
En tout cas, il importe d'appuyer le projet de résolution qui nous est
présenté, en envisageant une concertation plus étroite
entre les Etats membres de l'Union européenne. Il n'est pas normal
qu'existent entre nos Etats des différences de comportements
vis-à-vis de telle ou telle organisation terroriste ou de tel ou tel
dirigeant terroriste qui, en Europe, constitue les bases arrières de
l'action de l'Algérie dans le pays.
Je pense, en outre, qu'il convient d'établir un dialogue politique avec
l'ensemble des représentants qualifiés de la population
algérienne. Il faut également encourager les autorités
algériennes, sans s'ingérer dans leurs problèmes
intérieurs, à poursuivre un projet d'ouverture politique et de
réformes nécessaire. Nous devons exprimer notre solidarité
envers la population en prévoyant des contacts entre certains
représentants de la société algérienne
- société terriblement endolorie et meurtrie - et des
représentants de nos sociétés, aussi bien sur le plan
professionnel que sur les plans culturels ou économiques.
Enfin, il convient d'agir d'une façon extrêmement rigoureuse
contre tout ce qui concerne le trafic d'armes clandestin et le soutien à
une entreprise qui n'a plus rien à voir avec l'islam.
Je constate que, par le truchement de la Ligue arabe et de l'Union
parlementaire arabe, l'Algérie vient étrangement, dans une
conférence à Téhéran, de recevoir le soutien de
tous les pays arabes qui ont dénoncé le terrorisme en
général, qu'il ne faut pas confondre avec le véritable
visage de l'islam. "
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
prend alors la
parole :
" Je me félicite que notre Assemblée ait inscrit ce
débat en urgence et je remercie la commission, et
particulièrement son rapporteur, M. Atkinson, qui, dans un temps
limité, nous a fourni une base de discussion.
Même si notre compétence est limitée pour un pays
extérieur au Conseil de l'Europe - l'Algérie n'est pas membre de
notre Conseil - la situation dans ce pays a néanmoins des
répercussions sur l'ensemble du bassin méditerranéen, sur
tous les pays européens où la religion musulmane est bien
représentée et dans lesquels des dérives
intégristes peuvent survenir, enfin, sur nos Etats européens
eux-mêmes qui ont sur leur sol, pour des raisons historiques, une forte
communauté originaire d'Algérie. C'est le cas de la France.
Ceux qui, comme moi, dans leur jeunesse, ont milité pour la
décolonisation et la dépendance de l'Algérie ont le droit
de dire aujourd'hui leur déception et leur profonde tristesse devant la
situation actuelle. Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire acte
d'ingérence dans les affaires intérieures algériennes
mais, avant tout, de dénoncer l'horreur de ces massacres où la
sauvagerie dépasse l'imaginable. Nous devons dire aussi notre
compassion, notre solidarité avec le peuple algérien qui souffre,
ainsi que notre émotion devant les victimes innocentes et leurs proches.
Nos Etats doivent donc prendre des dispositions pour accueillir plus largement
ceux qui, ne supportant plus la vie en Algérie et fuyant le danger,
viennent frapper à nos portes. La France, d'ailleurs, est en train de
modifier sa législation afin que l'asile politique soit accordé
aux "combattants de la liberté" et non plus seulement aux victimes de la
violence étatique. La réglementation relative aux visas de court
séjour, devrait également, dans nos différents Etats
membres, être aménagée afin de permettre aux
Algériens une évasion souvent indispensable à leur
équilibre.
Le Gouvernement algérien a entrepris un processus de reconstruction
institutionnelle depuis 1995. Ce processus s'est achevé à la fin
de l'année dernière, avec l'élection du Sénat. Les
institutions élues sont en place. Bien sûr, on pourrait souhaiter
une meilleure démocratie, mais je crois qu'il ne faut pas juger de la
démocratie dans les autres pays, un peu à la
légère ! Il faut que ces institutions vivent et fassent
progresser la démocratie en Algérie.
Et les Etats de l'Europe, tout comme notre Assemblée, doivent encourager
les efforts d'ouverture et de réforme politique, économique et
sociale qui ont eu lieu en Algérie. Ces réformes doivent
permettre de trouver une solution politique et démocratique à la
crise actuelle.
Les Etats européens doivent aider l'Algérie dans sa lutte contre
le terrorisme. Ils doivent interdire toute activité politique, toute
expression publique sur leur sol, à ceux qui se réclament de
formations qui aident ou encouragent le terrorisme, notamment les membres du
Font islamique du Salut.
Le déplacement de la "
troïka européenne
"
à Alger constitue une avancée. Ce dialogue doit être
préservé et les membres de l'Union Européenne doivent
poursuivre les négociations sur l'accord d'association qui a
débuté en mars 1997 et qui doit être rapidement
parachevé, quels que puissent être encore les obstacles qui
subsistent.
Mais, en contrepartie, le Gouvernement algérien doit accepter la
transparence, afin que nous soyons mieux à même de comprendre ce
qui se passe dans son pays. Il ne doit pas se retrancher dans une
réaction orgueilleuse. Il doit accepter la coopération, la
discussion et l'aide humanitaire que les différents Etats membres
proposent pour soulager le peuple algérien, victime du terrorisme.
Le débat que nous avons aujourd'hui, Monsieur le Président, mes
chers collègues, coïncide avec la fête qui, pour les
Musulmans, marque la fin de la période de pénitence, la fin du
Ramadan.
Je souhaite que, pendant cette période, chacune et chacun, en
Algérie et ailleurs, ait pu faire un retour sur soi-même comme le
suppose cette période de jeûne pour mesurer ses
responsabilités et qu'une période de paix et d'espoir s'ouvre
enfin pour le peuple algérien. "
Au cours de l'examen du projet de résolution, un amendement tend,
après le paragraphe 3, à insérer un nouveau paragraphe
ainsi rédigé :
" L'Assemblée demande expressément aux gouvernements des
pays membres du Conseil de l'Europe d'admettre les demandeurs d'asile en
provenance de l'Algérie au bénéfice du statut de victime
de violence et de suspendre le renvoi jusqu'à ce qu'une solution ait
été apportée au conflit qui déchire ce
pays. "
Son auteur, Mme VERMOT-MANGOLD, intervient pour défendre l'amendement en
ces termes :
" Je souhaiterais l'inclusion d'un nouveau paragraphe visant à
accorder aux réfugiés algériens, dont le nombre ne cesse
d'augmenter dans tous les pays membres, le statut de victime de violence et de
ne pas les refouler pour le moment. En d'autres termes, il s'agit d'introduire
dans la présente résolution la notion de suspension des
renvois. "
Prenant alors la parole contre cet amendement,
M. Jacques BAUMEL,
député (RPR)
formule les observations suivantes :
" Je comprends, certes, la signification de cet amendement, mais il
soulève quelques difficultés, notamment pour un pays comme la
France qui compte un million et demi d'Algériens sur son territoire.
Si nous suivions cet amendement, la France, qui reçoit le plus grand
nombre d'Algériens, risquerait d'en voir arriver plusieurs centaines de
milliers en plus, car ils sont tous victimes du terrorisme et de la situation.
C'est la raison pour laquelle je me permets de demander à notre
collègue de se rallier au texte de notre rapporteur : il me
paraît plus précis et mieux répondre à la situation.
Nous devons faire très attention à ne pas ouvrir
inconsidérément des frontières à une grande
catégorie de personnes. Nous ne cherchons évidemment pas à
abriter sur les territoires des Etats membres du Conseil de l'Europe des
personnes contribuant à maintenir le terrorisme en Algérie, ce
qui est tout à fait différent.
C'est pourquoi, pour ma part, je ne saurais approuver l'amendement
présenté. "
A la suite de cette intervention, l'amendement est adopté par
l'Assemblée.
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
et
Mme Josette
DURRIEU, sénateur (Soc)
,
présentent sur le projet de
résolution un amendement demandant au gouvernement algérien
d'accepter l'assistance humanitaire et par conséquent ils proposent la
suppression des mots suivants :
"
ainsi qu'un soutien dans la lutte contre le terrorisme.
"
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
défend cet
amendement en ces termes :
" Cet amendement est destiné à clarifier la
rédaction. En effet, on demande au Gouvernement algérien
d'"accepter l'assistance humanitaire internationale, ainsi qu'un soutien dans
la lutte contre le terrorisme". Or on ne saurait mettre ces deux notions sur le
même plan, car si le Gouvernement algérien n'accepte pas
actuellement l'aide humanitaire il réclame qu'on l'aide à lutter
contre le terrorisme.
C'est pourquoi je propose de supprimer ici l'idée d'un soutien dans la
lutte contre le terrorisme et d'en faire état plus loin. Je constate que
ma proposition rejoint l'amendement n° 4 de M. Atkinson,
lequel pourrait venir à la suite de mon amendement n° 3.
En résumé, il s'agit uniquement d'un amendement
rédactionnel et de clarification du texte. Il ne me paraît pas
logique, je le répète, de mettre sur le même plan les deux
notions qui figurent dans cette phrase. "
Cet amendement n'est pas retenu par la commission.
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
intervient une
nouvelle fois pour défendre son amendement :
" Je regrette que la commission ne comprenne pas ce qu'écrire et
lire veulent dire.
Le texte est d'un illogisme total puisque le Gouvernement algérien
refuse l'aide humanitaire. Si mon amendement n'est pas adopté, je
voterai contre le projet de résolution. "
L'amendement n'est pas adopté.
Un second amendement au projet de résolution est alors
présenté par
M. Jean-Pierre MICHEL, député
(RCV)
et
Mme Josette DURRIEU, sénateur, (Soc)
visant à ajouter les termes suivants :
" et l'acceptation de la règle démocratique"
à
la suite de la phrase demandant au gouvernement algérien de
"
nouer un authentique dialogue politique avec toutes les forces
politiques prêtes à accepter, comme condition préalable
à des négociations directes, le rejet de la violence
".
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
défend
l'amendement en ces termes :
" Lorsqu'on dit qu'il faut demander au Gouvernement algérien de
réunir tout le monde autour d'une table, sous réserve que les
partis acceptent le rejet de la violence, il convient de préciser que
c'est dans
"l'acceptation de la règle démocratique".
Car
les partis islamistes, notamment le Front islamique du salut, prônent la
charia qui, à mon sens, n'est pas une règle
démocratique. "
Après avis favorable de la commission,
la résolution contenue
dans le document 7997, ainsi amendée, est adoptée et devient la
recommandation 1358.
18. Nécessité d'accélérer le développement du tourisme en Europe centrale et orientale - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Vendredi 30 janvier)
Selon le
rapporteur, grâce à la richesse de leur patrimoine architectural,
de leurs magnifiques sites naturels, de leurs passés et de leurs
traditions, les pays d'Europe centrale et orientale sont tous potentiellement
en mesure d'attirer un grand nombre de touristes. Cependant, cette partie de
notre continent est restée, pour l'essentiel, fermée au tourisme
international pendant la période de la Guerre froide : avant 1989,
le niveau de développement du tourisme est resté identique
à celui de l'entre-deux guerres, alors que l'Europe occidentale a pris
de l'avance, devenant l'une des premières destinations touristiques du
monde.
La situation a changé après la chute du Mur de Berlin.
Aujourd'hui, 52 millions de touristes en moyenne se rendent chaque
année en Europe centrale et orientale. Le
World Travel and Tourism
Council
estime que le développement du tourisme pourrait
créer jusqu'à 7,4 millions d'emplois dans les pays de la
région au cours de la prochaine décennie, soit entre 7 et
11 % de leur PIB. Malgré cela, en 1996, les recettes du tourisme
dans la région n'ont totalisé que 27,4 milliards de dollars
US - contre 214,5 milliards de dollars pour l'ensemble du continent.
Le rapport explore les possibilités de promouvoir et de
développer le tourisme dans les pays d'Europe centrale et orientale,
signalant que l'on ne peut pas traiter cette question en faisant abstraction du
processus général de transformation économique, politique
et sociale. Les gouvernements nationaux devraient prendre des mesures pour
mettre en place les infrastructures de transport et de communication
nécessaires, restaurer et préserver le patrimoine culturel et
instaurer un climat d'affaires ainsi qu'un cadre juridique propres à
favoriser le tourisme. L'auteur du rapport invite l'Europe tout entière
à soutenir un tel développement.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
intervient dans le
débat en ces termes :
" Permettez-moi d'abord de féliciter chaleureusement notre
collègue Mme tepová pour son excellent rapport. Nous
disposons là d'un très bon document contenant de nombreuses
informations et observations pertinentes.
Je sais par ailleurs que la commission des questions économiques et du
développement a débattu de ce thème lors de sa
dernière session à Prague et le débat d'aujourd'hui est
pour nous l'occasion d'approfondir la réflexion.
En effet, le développement du tourisme constitue un défi majeur
à l'aube du prochain millénaire. L'allongement de la durée
de la vie donc du temps de loisir dans les pays développés,
l'émergence attendue dans les prochaines décennies de flux
touristiques très importants notamment en provenance d'Asie, mais aussi
d'autres pays anciennement en voie de développement, nous imposent des
politiques de nature à faire face à cet accroissement
prévisible de la population touristique.
Nous avons donc tout intérêt à faire du tourisme une
priorité, car il s'agit, comme cela a été dit, d'un
secteur fortement créateur d'emplois qui, par ailleurs, incite à
la conservation du patrimoine et à la sauvegarde de l'environnement.
C'est dire l'intérêt de ce rapport qui appelle fort justement
notre attention sur l'immense capital historique dont disposent les pays
d'Europe centrale et orientale dans le domaine de l'architecture, de la culture
et des arts.
Il est vrai qu'après des décennies de fermeture aux
échanges, ces pays sont aujourd'hui dans une phase de rattrapage
accéléré. Nous devons donc les aider à faire du
tourisme un secteur clé du développement de leur économie
générale.
Les progrès sont déjà sensibles. Si je prends, par
exemple, la République tchèque, pays cher à notre
rapporteur, j'observe que le nombre de visiteurs de ce pays est passé de
36 millions de personnes en 1990 à 110 millions en 1996 et que
les recettes du tourisme représentent 6 % du produit
intérieur brut. Des évolutions semblables, plus ou moins
importantes selon les cas - nous ne devons pas oublier l'attraction
particulière de Prague - peuvent être relevées dans
d'autres pays de la région. On redécouvre donc les trésors
de ces pays qui se situent, rappelons-le, au coeur de l'Europe et de son
histoire.
Pour assurer le développement durable de ce tourisme renaissant, nous
devons encourager : d'abord, une répartition plus égale des
visiteurs entre les capitales et l'intérieur des pays, où
beaucoup de choses restent à découvrir - notre
collègue russe y a fait allusion ; ensuite, la mise en place
d'instruments statistiques performants facilitant l'élaboration de
politiques touristiques globales et cohérentes ; enfin, l'adoption
de financements adaptés, qu'il s'agisse de la fiscalité, qui doit
être suffisamment attractive, ou des aides financières de l'Etat
et des institutions européennes et internationales.
Il convient également de diversifier au maximum l'offre touristique afin
de l'adapter aux différentes catégories de personnes qui voyagent
désormais : jeunes, hommes d'affaires, personnes
âgées, etc. Cela concernera le tourisme culturel, sportif et
particulièrement le tourisme en milieu rural, qui connaît dans
toute l'Europe un développement rapide en raison de son coût moins
élevé.
Ces orientations ne concernent pas seulement les pays d'Europe centrale et
orientale, mais également les autres pays européens, où
beaucoup de progrès restent à accomplir. Il serait d'ailleurs
judicieux que les pays disposant d'une grande tradition touristique puissent
faire bénéficier de leur expérience ceux qui en sont
actuellement au stade de l'élaboration d'une politique de
développement touristique.
Un séminaire consacré à cette question pourrait être
utilement organisé dans le cadre du Conseil de l'Europe.
En conclusion, je pense que ce débat doit nous inciter à aller
plus loin dans la réflexion sur le développement du tourisme et
je souhaite que l'on envisage la création d'une sous-commission du
tourisme au sein de la commission des questions économiques et du
développement. D'ailleurs, la commission de la culture et de
l'éducation et la commission de l'environnement, de l'aménagement
du territoire et des pouvoirs locaux seraient également
concernées.
Telles sont, Madame la Présidente, mes chers collègues, les
observations que je souhaitais formuler en remerciant une nouvelle fois la
commission pour son excellent travail. "
La résolution 1148 ainsi que la directive 541 figurant dans le
rapport 7976 sont adoptées à l'unanimité.
19. Développement durable des bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire (Vendredi 30 janvier)
Le
rapporteur met l'accent sur les liens étroits qui existent entre la
Méditerranée et la Mer Noire pour demander au Conseil de l'Europe
une approche globale dans la région afin de contribuer à son
développement durable. Le rapport fait état du rapide processus
de dégradation dont souffre la Mer Noire qui risque d'avoir des
conséquences graves également sur la Méditerranée.
Compte tenu de cet état de choses, M. Recoder demande au Comité
des Ministres de lancer une " Année pour la Protection de la
Méditerranée et de la Mer Noire ".
Dans le cas particulier de la Méditerranée, le rapporteur estime
nécessaire une plus grande coopération entre le nord et le sud
pour couvrir des aspects comme les droits de l'homme, la démocratie et
les migrations. Pour encourager ce dialogue, il propose, d'une part, la
création d'un bureau du Centre Nord-Sud à Limassol (Chypre) et,
d'autre part, que l'Assemblée parlementaire renforce sa
coopération avec l'Union Inter-Parlementaire et l'Assemblée
Parlementaire pour la Coopération Economique de la Mer Noire. Il
recommande aussi de développer les relations entre les Parlements des
pays de la rive sud et l'Assemblée parlementaire.
A l'issue du débat,
la résolution 1149 ainsi que la
recommandation 1359 figurant dans le rapport 7977, amendées, sont
adoptées.
II. LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 20 au 24 avril 1998)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 20 au 24 avril 1998 pour la
deuxième partie de la session ordinaire de 1998.
Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des exposés
de :
-
M. Radu VASILE
, Premier ministre de Roumanie,
-
M. Ivan KOSTOV
, Premier ministre de Bulgarie.
La communication du Comité des Ministres a été
présentée par
M. Helmut SCHÄFER
, ministre
délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne,
représentant la Présidence en exercice ; il a répondu
aux questions de
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc),
de
M. Jean VALLEIX
, député (RPR), et de
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC).
L'Assemblée parlementaire a débattu des questions suivantes :
- fonctionnement démocratique des parlements ; rapport 7961 ;
adoption de la Directive n° 542 ;
- relations avec l'Union européenne : suites du Sommet d'Amsterdam
: rapport 8051 ; intervention de
M. Daniel HOEFFEL
,
sénateur (UC) ; adoption de la recommandation n° 1365 ;
- évolution des procédures de suivi de l'Assemblée
(avril 1997-avril 1998) : rapport 8057 ; intervention de
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc) ; adoption de
la recommandation n° 1366 ;
- réforme des Nations unies : rapport 8052 ; intervention de
M. Jean VALLEIX
, député (RPR) ; adoption de la
recommandation n° 1367 ;
- débat d'urgence à la demande notamment de
Mme Josette DURRIEU
, Présidente de la
délégation française sur les derniers
développements en République fédérale de
Yougoslavie et la situation au Kosovo, rapport (doc 8082) de
M. Andras
BARSONY
(Hongrie) ; interventions de
Mme Josette DURRIEU
,
sénateur (Soc) et de
M. Jacques BAUMEL
, député
(RPR) ; adoption de la recommandation n° 1368 ;
- dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement :
rapport 8015 ; interventions de
MM. Claude BIRRAUX, Jean
BRIANE
, députés (UDF)
Claude EVIN
et
Paul
DHAILLE
, députés (Soc) ; adoption de la recommandation
n° 1369 ;
- activités de l'Organisation internationale pour les Migrations
(OIM) : rapport 8053 ; intervention de
M. Daniel HOEFFEL
,
sénateur (UC) ; adoption de la recommandation n° 1370 ;
- situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du
processus de paix au Proche-Orient : rapport 8042 ; interventions de
M
M. Jean-Pierre MICHEL
, député (Soc) et
Jean
BRIANE
, député (UDF) ; adoption de la résolution
n° 1156 ;
- mauvais traitements infligés aux enfants, rapport 8041 de
M. Nicolas ABOUT
, sénateur (Ap. RI) ; intervention de
M. Claude BIRRAUX
, député (UDF) ; adoption de la
Directive n° 543 ;
- avis sur le projet de Convention du Conseil de l'Europe sur la
protection de l'environnement par le droit pénal : rapport
(doc 8056) ; adoption du projet d'Avis n° 204 ;
- gestion des déchets radioactifs : rapport 8054 ;
interventions de
M. François LESEIN
, sénateur (RDSE),
M.
Claude BIRRAUX
, député (UDF) ;
adoption de la résolution
Au cours de cette session, l'Assemblée a procédé à
l'élection des juges de la nouvelle Cour européenne des Droits de
l'Homme.
2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente - Rapport de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Lundi 20 avril)
Présentant son rapport (8058),
Mme Josette DURRIEU,
sénateur (Soc)
, formule les observations suivantes
:
"
Depuis la session de janvier dernier, les activités du
Bureau et de la Commission Permanente ont été très denses,
notamment dans des domaines politiques forts. C'est à vous, Madame la
Présidente, que nous devons adresser des félicitations, ainsi
qu'aux greffiers de cette Assemblée et à l'ensemble de vos
collaborateurs.
Premier point, la République fédérale de Yougoslavie et le
problème du Kosovo, qui sera d'ailleurs l'objet d'un débat
d'urgence.
Nous voulons vous remercier, Madame la Présidente, pour la
rapidité de la réaction et pour la pertinence de l'action. Vous
vous êtes rendue sur le terrain entre le 12 et le 14 mars dernier et vous
avez affirmé, par conséquent, le rôle politique de notre
Assemblée dans cet espace des Balkans gros de beaucoup de menaces et de
risques.
Par la suite, le problème du Kosovo a fait l'objet d'un débat
d'urgence à la Commission Permanente et il y aura aussi un débat
d'urgence ici, devant l'Assemblée parlementaire, mercredi prochain.
Autre point politique, dans trois états, les élections se sont
traduites pour nous par une même présence de nos observateurs en
Arménie, en Moldova, et en Ukraine. Les rapporteurs feront état
de leurs conclusions.
Se posait en Ukraine, le problème de la peine de mort et des
exécutions capitales, Résolution n° 1145. Il a donné
lieu à un débat au sein du Bureau et à une action
courageuse et louable de la délégation parlementaire de l'Ukraine
au Conseil de l'Europe - nous les en remercions et les en félicitons.
Peut-être est-ce le fruit de cette démarche initiatique, dont
parlait tout à l'heure le Premier ministre de Roumanie, mais les
parlementaires d'Ukraine sont intervenus à la Rada et auprès du
Président Kouchma. Répondant à nos souhaits, ils ont
demandé la suppression de la confidentialité en ce qui concerne
les exécutions.
Le résultat ? Le ministre de la justice d'Ukraine vous a
envoyé la liste des personnes condamnées à mort et
exécutées le 9 novembre 1995 jusqu'au 31 mars 1998. Par ailleurs,
vous avez été informée que le ministre de la Justice avait
levé le secret sur les données relatives à la peine de
mort. Cette décision a été entérinée le 11
mars 1998 par la commission d'Etat sur les secrets d'Etat. Par décret, a
été modifié le code des informations "secret d'Etat" en
Ukraine.
Il reste, bien sûr, à ratifier en Ukraine le Protocole
n° 6 de la Convention européenne sur les droits de l'homme
concernant l'abolition de la peine de mort et son remplacement par
l'emprisonnement à vie. Nous faisons confiance aux parlementaires
ukrainiens de cette Assemblée pour pousser encore leur démarche
et faire en sorte que cette demande expresse en direction de l'Ukraine soit
suivie rapidement des décisions que nous attendons.
Enfin, le jeune Etat de Bosnie et Herzégovine a demandé son
adhésion au Conseil de l'Europe. Le Bureau a pris la décision
d'ouvrir la procédure d'adhésion.
Madame la Présidente, comme vous l'avez demandé, tels sont,
brièvement exposés, les points essentiels du rapport
d'activité que le débat devrait enrichir. "
Au terme du débat qui a suivi,
Mme Josette DURRIEU, sénateur
(Soc)
, reprend la parole, en sa qualité de rapporteur de la
Commission
:
" Je conclurai ces débats sur trois points, et ce ne sera pas
tellement facile.
D'abord, pour répondre à l'intervention sur le Kosovo de notre
collègue M. Pollo, je précise qu'un débat d'urgence
sur le sujet aura lieu mercredi. Il interviendra donc après un
débat d'urgence qui s'est déroulé au sein de la Commission
Permanente. Nous pouvons être satisfaits du fait que le Bureau ait
décidé de ce débat. Ce dernier était vraiment
nécessaire car il est évident que dans cette zone l'engrenage
pourrait être fatal et la menace est grande.
Notre collègue M. Pollo réclame une position ferme de
l'Assemblée et un message fort. Je ne doute pas que ceux-ci seront
donnés mercredi.
En ce qui concerne les élections en Ukraine, en Arménie et en
Moldova dont nous n'avons pas pu entendre le rapport, ma collègue vient
de répondre sur l'Ukraine. Sur l'Arménie, je dirai donc à
M. Volcic que toutes les observations qu'il a pu faire en tant que
rapporteur, étaient absolument nécessaires. Elles seront prises
en compte dans le dossier d'instruction de la demande d'adhésion de
l'Arménie puisque la vérification d'une élection est un
passage obligé avant que ne soit donnée toute approbation
d'adhésion.
Nous prenons en compte le fait que M. Igitian souhaite une coordination
intense des efforts afin qu'une meilleure loi électorale puisse enfin
instaurer dans ce pays un véritable Etat de droit.
J'en viens aux trois interventions de mes collègues russes.
Madame la Présidente, vous avez en partie répondu
à M. Zhebrovsky. Lorsqu'il dit que le Conseil de l'Europe devrait
prendre les bonnes décisions au bon moment, j'ai envie de lui
répondre que la bonne décision au bon moment a été
celle de l'adoption favorable de l'adhésion de la Russie au Conseil de
l'Europe.
M. Glotov a évoqué le problème de la Lettonie.
Réponse a déjà été apportée, puisque
le Bureau a traité de cette question ce matin et a décidé
d'envoyer les rapporteurs de la commission de suivi en Lettonie.
En ce qui concerne le Bélarus, Mme la Présidente
m'autorisera certainement à dire que l'on attend encore des
évolutions positives qui pourraient être autant de signaux
modifiant la position du Conseil de l'Europe.
Monsieur Lukin, vous avez formulé - et c'est tant mieux, nous
sommes là pour cela - un certain nombre de conseils à
l'attention du Conseil de l'Europe et de son Bureau.
Je vous rappelle que la Russie a une place au Bureau et je crois qu'elle prend
et doit prendre toute sa place pour que des inflexions puissent être
données.
Vous demandez que l'on procède parfois différemment. Vous avez
probablement raison. Vous demandez que certains processus soient
accélérés. Vous avez probablement raison aussi. Je vous
signale toutefois que la demande d'adhésion de la République
fédérale de Yougoslavie vient à peine d'intervenir.
A propos de l'analyse des résultats faite par les observateurs qui vont
dans les différents pays, je pense que ces observateurs sont ces
parlementaires, vos collègues, c'est-à-dire des gens
avisés, qui ont l'habitude de vivre ces élections à la
fois de l'intérieur et de l'extérieur : par
conséquent, ils ont un regard que l'on peut toujours affiner et un
jugement qui, nous le souhaitons, est objectif mais qui peut toujours
être amélioré.
En ce qui concerne les systèmes électoraux, il est évident
que nous ne nous acheminons pas vers une uniformisation des systèmes
électoraux à travers les quarante pays d'Europe. Nous demandons
qu'il existe un respect fondamental d'un certain nombre de principes
très clairs. Cela est essentiel et constitue le tronc commun de tous ces
systèmes.
Mme la Présidente ayant répondu à M. Korakas, qui a
répondu aux Russes et posé un certain nombre de problèmes,
je dirai pour conclure que le travail qui nous mène vers une
démocratie, qui ne sera jamais parfaite, restera toujours long et
difficile et, lorsque nous pensons avoir atteint un certain seuil, nous
constatons que le travail n'est jamais achevé et qu'il faut sans cesse
le poursuivre. "
Acte est donné du rapport d'activité du Bureau et de la
Commission permanente, figurant dans le rapport 8058 et addendums, ainsi que
des textes adoptés par la Commission permanente le 18 mars
1998.
3. Fonctionnement démocratique des parlements nationaux (Mardi 21 avril)
L'importance croissante de l'exécutif dans la plupart
des
pays européens se fait au détriment du rôle du parlement.
Pour renforcer ce rôle, le rapporteur Hans Helmut Moser (Autriche, LDR)
propose de créer un statut de l'opposition et de réduire au
minimum, voire de supprimer, le cumul de mandats. Il invite aussi les
parlements nationaux à renforcer, dans le cadre de la construction
européenne, leur rôle comme interlocuteurs des autorités
locales, internationales ou supranationales.
Par ailleurs, le faible taux de participation aux élections
démontre un certain scepticisme des citoyens quant au fonctionnement de
la démocratie. Contre cet état de choses, le rapporteur propose
de renforcer les liens entre citoyens et parlements, notamment par le recours
à des référendums et par l'amélioration des
systèmes électoraux.
La résolution 1154, ainsi que la directive 542 figurant dans le
rapport 7961, sont adoptées, amendées.
4. Relations avec l'Union européenne - Suites du sommet d'Amsterdam - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)
Le
Traité d'Amsterdam attribue à l'Union européenne des
compétences dans les secteurs faisant partie du domaine d'excellence du
Conseil de l'Europe. Il convient donc de renforcer la coopération entre
les deux institutions, alors que l'Union est sur le point de s'élargir
à des pays déjà membres du Conseil de l'Europe.
Afin d'éviter un double standard normatif, l'Union européenne
devrait adhérer à la Convention européenne des droits de
l'homme lorsqu'elle aura acquis la personnalité juridique internationale.
Pour la même raison, elle devrait adhérer à la Convention
culturelle européenne, à la Charte Sociale européenne et
à toutes les conventions relatives à la coopération
policière et à la coopération judiciaire en matière
pénale.
La possibilité de l'adhésion de l'Union en tant que telle au
Conseil de l'Europe devrait être examinée.
Il faudrait, par ailleurs, renforcer le lien entre le dialogue politique au
Conseil de l'Europe et la Politique Extérieure et de
Sécurité Commune (PESC) de l'Union.
Vu son rôle dans la préparation politique et juridique des pays
candidats à l'adhésion à l'Union européenne, le
Conseil de l'Europe devrait être invité à participer
à la Conférence européenne qui rassemble les
" Quinze " et onze pays candidats.
L'Assemblée devrait intensifier sa coopération avec le Parlement
européen, les deux organes parlementaires devant eux-mêmes
participer aux réunions de coordination entre le Conseil de l'Europe et
l'Union européenne (" réunions quadripartites ").
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le débat
en ces termes :
" Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue
M. Woltjer pour son excellent rapport et le remercier des propositions
concrètes et précises qu'il y a présentées.
L'architecture de l'unité de notre continent, tel est le sujet dont nous
débattons à nouveau aujourd'hui et qui nous occupera sans doute
longtemps encore. Convaincu de l'absolue nécessité de la
construction d'une Europe politique, j'évoquerai brièvement trois
des aspects présentés par ce rapport.
En premier lieu, je parlerai du renforcement concret de la coopération
entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Il est indispensable
que le Conseil de l'Europe participe effectivement à la
Conférence européenne et, en particulier, que le Président
de l'Assemblée parlementaire y soit convié. Il n'est pas pensable
que, lorsqu'il s'agit de décider de problèmes
d'intérêt commun, le Conseil de l'Europe soit absent du
débat. C'est une question d'efficacité, de coordination et de
lisibilité de l'Europe. Le Président de l'Assemblée
parlementaire doit être présent aux réunions quadripartites.
Le deuxième aspect concerne la prise en considération par l'Union
européenne de l'expérience du Conseil de l'Europe dans toute une
série de domaines, tels les droits de l'homme, la protection du
patrimoine culturel, la charte sociale, mais aussi la coopération
judiciaire et policière.
Dans la plupart de ces domaines, l'action doit être menée à
l'échelle de tout le continent. Le cadre du Conseil de l'Europe est le
plus approprié et il faut éviter les doublons ; il ne faut
pas que trop de structures s'occupent des mêmes choses et que l'on fasse
abstraction des acquis du Conseil de l'Europe.
Le point le plus problématique me semble cependant être à
cet égard l'adhésion de l'Union européenne en tant que
telle au Conseil de l'Europe et à ses principales conventions relatives
aux droits de l'homme. Outre la difficulté liée à
l'absence actuelle de personnalité juridique de l'Union
européenne, cette proposition soulève des difficultés
politiques et juridiques sérieuses. Au demeurant, à l'heure
actuelle, la protection des droits de l'homme dans l'Union européenne
est assurée soit par chacun des pays adhérant déjà
à la Convention, soit par les traités régissant l'Union
européenne qui la prévoient déjà.
La troisième observation concerne les dispositions du rapport relatives
à l'élargissement de l'Union européenne. C'est
probablement à son propos que la coopération plus étroite
entre Union européenne et Conseil de l'Europe sera de plus en plus
indispensable.
Si l'élargissement doit se dérouler dans des conditions
d'efficacité et d'harmonie maximales, il faut une meilleure
concertation. Depuis de longues années, le Conseil de l'Europe joue un
rôle important dans la préparation juridique et politique des pays
candidats à une adhésion à l'Union européenne.
L'élargissement de l'Union passe par l'adhésion préalable
au Conseil de l'Europe. C'est un stade intermédiaire essentiel. Il est
dès lors impensable que n'existent pas de liens permanents et forts
entre l'Union et le Conseil.
L'unité de toute l'Europe est la réalité d'aujourd'hui et
de demain ; c'est le Conseil de l'Europe qui l'incarne, et doit l'incarner
sans complexe. Dans cette grande Europe, il y a une Europe plus
intégrée, qui s'étendra étape par étape.
C'est l'Union européenne qui en sera l'expression. Cela implique une
coopération réelle entre les deux. Le problème n'est donc
pas seulement d'ordre technique. Il y va surtout de la réussite à
la fois de l'élargissement et de l'approfondissement de l'Europe. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1365, figurant dans le rapport
8051, est adoptée.
5. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mardi 21 avril)
M.
Helmut SCHAEFER, ministre délégué aux Affaires
étrangères de l'Allemagne, représentant du
Président en exercice du Comité des Ministres, souligne dans son
propos introductif combien le Comité des Ministres attache de prix aux
échanges avec l'Assemblée parlementaire. Celle-ci constitue le
deuxième pilier du Conseil de l'Europe et apporte d'importantes
contributions à la consolidation de la démocratie, de l'Etat de
droit et des droits de l'homme en Europe.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, pose à M.
SCHAEFER la question suivante :
" Considérant que le Conseil de l'Europe joue un rôle
important dans la préparation politique et juridique des pays candidats
à l'adhésion à l'Union Européenne, et qu'il serait
donc particulièrement utile que le Conseil de l'Europe puisse être
invité à participer à la Conférence
européenne,
Demande au Président du Comité des Ministres s'il est en mesure
de soutenir cette proposition dans les instances compétentes de l'Union
européenne. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, interroge à son
tour le représentant du Président du Comité des
ministres :
" Considérant que le Conseil de l'Europe est la conscience de notre
continent, notamment pour les droits de l'homme et la dignité humaine,
en ce qui concerne la démocratie, et qu'il est, en quelque sorte,
l'âme de l'Europe,
Demande au Président du Comité des Ministres si, dès lors,
il ne serait pas de bon sens qu'il soit associé au Conseil de l'Union
européenne et peut-être demain au Conseil de l'Euro. "
M. Helmut SCHAEFER, ministre délégué aux Affaires
étrangères de l'Allemagne, au nom du Président en exercice
du Comité des Ministres, leur répond en ces termes :
" La onzième réunion quadripartite s'est tenue à
Strasbourg le 1
er
avril dernier sur proposition du Royaume-Uni
qui assurait la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Permettez-moi d'appeler l'attention des parlementaires sur le communiqué
de presse commun diffusé à cette occasion. Il en est question
dans le rapport statutaire qui vous est soumis.
Permettez-moi aussi d'attirer votre attention sur la réponse à la
Recommandation n° 1347 de l'Assemblée relative à
l'élargissement de l'Union européenne que le Comité des
Ministres a adoptée la semaine dernière.
Les participants à la réunion quadripartite ont examiné en
détail le processus d'élargissement de l'Union européenne
décidé par les chefs d'Etat et de gouvernement à
Luxembourg en décembre 1997.
Les participants ont insisté sur l'importance de respecter les
engagements pris par les pays membres du Conseil de l'Europe, notamment en ce
qui concerne la défense des droits de l'homme, la démocratie et
l'Etat de droit. Les représentants de l'Union européenne ont
rappelé que ces engagements étaient également importants
dans le contexte des critères politiques pour l'adhésion à
l'Union européenne établis dans les conclusions du Conseil
européen de Copenhague. Ces engagements étaient aussi pertinents
au regard des relations de l'Union européenne avec les autres Etats
européens.
Le Comité des Ministres se félicite des relations toujours plus
étroites maintenues entre le Conseil de l'Europe et l'Union
européenne. La participation du commissaire Van den Broek à la
partie de session de cette Assemblée en janvier dernier en est un
exemple ; la participation régulière de la Commission
européenne aux réunions du Comité des Ministres au niveau
ministériel et à celui des Délégués, ainsi
qu'au niveau des organes subsidiaires du Comité, en est un autre.
Le Comité des Ministres ne juge pas utile pour le moment de formaliser
davantage la participation mutuelle aux instruments et instances respectifs. Il
estime toutefois qu'il est important de conserver le rythme bisannuel actuel
des réunions quadripartites à haut niveau afin de maintenir
l'impulsion politique imprimée à la coopération.
Il est important, également, de poursuivre avec succès le
développement des programmes conjoints. "
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, pose alors la question
suivante : il demande au Président du Comité des Ministres
si le Comité des Ministres entend mieux associer l'Assemblée
parlementaire à la mise en oeuvre des décisions prises lors du
deuxième Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de
l'Europe, en particulier lorsque certaines des mesures envisagées par le
Plan d'action résultent d'initiatives provenant de l'Assemblée
elle-même, comme par exemple le renforcement de la protection des enfants.
M. Helmut SCHAEFER lui répond ainsi :
" La préoccupation à l'égard de la protection des
enfants, mise en avant dans le plan d'action du deuxième Sommet des
chefs d'Etat et de gouvernement, est prise très au sérieux par le
Comité des Ministres.
Le lancement d'un programme pour l'enfance est prévu lors de la
102
e
session ministérielle. L'initiative de la
présidence allemande de donner suite au congrès mondial de 1996
contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales
coïncide avec l'un des trois piliers du programme. Cette conférence
aura lieu la semaine prochaine à Strasbourg, M. le ministre Kinkel
y participera en sa qualité de Président du Comité des
Ministres.
Le groupe de rapporteurs du Comité des Ministres sur les questions
sociales et de santé, et celui sur la coopération juridique ont
tenu une réunion jointe pour envisager une stratégie du Conseil
de l'Europe pour l'enfance.
Parmi les propositions actuellement étudiées de près
figure un comité de liaison européen pour l'enfance. S'il est
créé, ce comité, résultat de la
Recommandation 1286 de l'Assemblée, permettra d'assurer une
coordination efficace des activités des organisations internationales et
non gouvernementales actives dans le domaine de l'enfance. Le projet de mandat
prévoit la participation active de l'Assemblée parlementaire
à ce comité de liaison. "
6. Evolution des procédures de suivi de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998) - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 21 avril)
Selon le
rapporteur, il est possible, une année après l'entrée en
fonction de la Commission du suivi, de faire le bilan des travaux
effectués par les quelque 65 parlementaires chargés de
contrôler le respect des obligations et engagements souscrits par les
Etats membres au moment de leur adhésion au Conseil de l'Europe.
Celui-ci souligne que la Commission a mené à leur terme les
procédures sur la République tchèque et la Lituanie ;
elles se sont conclues par des débats en séance
plénière et par l'adoption de résolutions.
Il rappelle que pour 10 autres pays -Albanie, Bulgarie, Croatie, Lettonie,
Moldova, Russie, Slovaquie, " l'ex-République Yougoslave de
Macédoine ", Turquie, Ukraine-, les procédures sont en
cours, à des stades divers.
Enfin, en ce qui concerne la Grèce, il note que la Commission a
été consultée sur l'ouverture d'une procédure
à propos de la situation de la minorité musulmane en Thrace
occidentale.
Le projet de résolution souligne la volonté de la Commission
d'appréhender les problèmes des pays "suivis" de manière
durable, non conflictuelle et de les assister en tenant compte du contexte
géopolitique et des préoccupations internes des pays. Le texte
insiste par ailleurs sur la mise en place d'un dialogue confidentiel avec la
délégation nationale de chaque pays concerné.
Enfin le rapporteur note la nécessité de renforcer la
coopération et le dialogue avec le Comité des Ministres et
demande que le suivi des obligations et engagements figure
régulièrement à l'ordre du jour des rencontres entre
parlementaires et délégués des Ministres.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Je remercie notre rapporteur, le président de la commission du
monitoring, pour le travail réalisé dans le cadre de cette
commission depuis un an. J'aurais voulu ne pas répéter ce qui a
déjà été dit, mais nous sommes tous amenés
à nous répéter dans cette discussion.
Sans revenir sur les principes fondamentaux de notre Organisation, le Conseil
de l'Europe, fort bien décrits par les orateurs, je me bornerai à
rappeler que leur respect constitue l'essentiel de l'engagement pris au moment
de l'adhésion par tous les Etats, anciens ou nouveaux, engagement pris,
je le souligne, en toute liberté et en connaissance de cause.
En conséquence, le non-respect de ces principes et de ces engagements,
dans le cas de "ruptures persistantes", comme il est dit dans le texte, donne
lieu ou peut donner lieu à des sanctions, parmi lesquelles la
non-ratification des pouvoirs d'une délégation ou leur
ratification conditionnelle. Tel a été le débat ouvert
lors de la session précédente à propos de la
délégation ukrainienne.
Cela peut donner déboucher aussi sur une recommandation au Comité
des Ministres pour l'engagement d'une action appropriée, notamment pour
une éventuelle exclusion dans le cadre de programmes d'assistance. Tout
cela peut être connu par qui le veut.
Revenons-en à l'objet du suivi dévolu à cette commission,
qui, dans le fond, s'est substituée à l'ancienne commission des
pays non membres dont elle est le prolongement naturel.
Ainsi, le suivi a naturellement touché les derniers pays à
adhérer, les dix qui constituent la liste actuelle. La démarche
consistait à dire qu'il s'agissait du moyen de continuer à les
accompagner, de stimuler et de guider la consolidation de la marche de ces pays
vers la démocratie selon une logique de persuasion -le mot est bon-
voire de recommandation.
Toutefois, cette procédure, bonne et nécessaire, est mal
vécue par les dix pays qui la subissent actuellement. Pourtant elle doit
être maintenue, mais, pour sortir d'un dilemme, il faut l'élargir.
Or il n'y a pas le choix : si on l'élargit, c'est à tous les
pays membres, c'est à dire aux quarante. C'est une évidence.
Je rappelle, au cas où certains auraient tendance à vouloir
l'ignorer, que les anciens membres sont soumis à une certaine forme de
contrôle, entre autres celui de la Cour européenne des Droits de
l'Homme, à sa juridiction et à sa jurisprudence qui s'imposent
à tous, donc aux pays anciens aussi.
Il y a également le Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. Les délégués qu'il envoie auprès
des pays membres effectuent des visites sans complaisance, que ce soit en
France, en Grande Bretagne, en Allemagne, ou ailleurs.
Le contrôle existe donc également pour les autres.
Pour terminer, je rappelle à la lumière de ce que nous venons
d'entendre, notamment au travers des propos du ministre des Affaires
étrangères allemand, représentant le Président du
Comité des Ministres, qu'un suivi est exercé également par
le Comité des Ministres, même s'il joue d'une façon
différente, ce qui est sûrement une bonne chose. Son cadre n'est
pas géographique, mais plutôt thématique. Si j'ai bien
compris, les thèmes retenus sont le développement de la
démocratie locale, la liberté de la presse, la réforme du
pouvoir judiciaire.
Nous devons donc aussi sortir du cadre géographique pour nous acheminer
vers une démarche thématique.
Je propose donc que l'on y réfléchisse. Pour le moment, je vois
six thèmes qui impliquent tous les autres : la démocratie
pluraliste, le système judiciaire et le respect de la loi, la
propriété -et non pas le droit à la
propriété- l'exercice de la liberté, les minorités
-non pas le droit des minorités- et les zones de conflits.
Madame la Présidente, nous avons à définir une
démarche nouvelle, faite de confiance réciproque et
d'égalité de traitement, d'égalité de chances pour
tous. Je ne sais pas si nous sommes à la fin d'une "période
romantique" comme l'a dit Mme Poptodorova mais nous tendons toujours vers
un idéal quelle que soit la dureté du réel. "
A l'issue du débat,
la résolution 1155, amendée, ainsi
que la recommandation 1366, toutes deux figurant dans le rapport 8057, sont
adoptées à l'unanimité.
7. Réforme des Nations unies - Intervention de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 22 avril)
Le
rapport étudie l'ensemble des réformes structurelles
" Rénover l'Organisation des Nations unies : un programme de
réformes " que le Secrétaire général de l'ONU
a proposé en juillet 1997. Le rapport passe également en revue la
réforme proposée du Conseil de sécurité de l'ONU,
qui pour l'heure n'a guère avancé.
Le Rapporteur recommande que les représentants des parlements nationaux
soient davantage impliqués dans le fonctionnement de l'ONU et fait des
recommandations spécifiques à cet égard. Il se propose
également en faveur de la mise en place d'un tribunal pénal
international dont il prône l'indépendance juridique et
financière.
Le Rapporteur souligne que la réforme de l'ONU offre l'occasion de
consolider la coopération avec le Conseil de l'Europe, qui s'est vu
accorder le statut d'observateur auprès de l'ONU en octobre 1989. Cette
coopération revêt une importance particulière avec la
participation grandissante de l'ONU aux missions de maintien de la paix,
humanitaires et autres dans la région couverte par le Conseil de
l'Europe. Le rapport observe qu'un dialogue régulier s'est
instauré entre les deux organisations sous la forme de réunions
tripartites de haut niveau (auxquelles participe aussi l'OSCE) ; sept
réunions de ce type ont déjà eu lieu depuis 1993. Il
propose que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe soit
associée à ces réunions.
L'auteur conclut qu'il faut soutenir la réforme en cours à l'ONU
et qu'il faudrait réformer le Conseil de sécurité afin de
rendre cet organe plus transparent, plus démocratique et plus
représentatif de la composition des Nations unies. L'expérience
spécifique du Conseil de l'Europe en matière de promotion de la
sécurité démocratique lui donne les qualités
nécessaires pour être considéré comme une
organisation régionale pour la prévention des conflits au sens du
chapitre VIII de la Charte des Nations unies, et le Comité des
Ministres devrait étudier les possibilités de renforcer sa
coopération avec les Nations unies.
M. Jean VALLEIX, député, (RPR)
, prend la parole en
ces termes dans le débat :
" Il est évident que nous avons pris connaissance avec beaucoup
d'attention de l'excellent rapport de Mme Severinsen sur la réforme
des Nations unies, et nous partageons l'essentiel de ses observations. Le
Conseil de l'Europe doit en effet soutenir la réforme des Nations unies
engagée par le Secrétaire général M. Kofi Annan,
dont chacun a pu apprécier le rôle dans la récente crise
irakienne.
Il est vrai aussi que tous les pays sans exception se doivent d'acquitter leur
cotisation, y compris les grands pays, si nous voulons que l'ONU devienne un
instrument efficace, doté des moyens nécessaires pour accomplir
ses missions.
Je suis également d'avis, madame le rapporteur, que le rôle des
parlements nationaux doit être renforcé au sein de
l'Assemblée générale des Nations unies. Cela nous invite
à une réflexion sur l'évolution de l'Union
européenne, également indispensable, mais sans faire
disparaître le rôle de nos parlements nationaux. Enfin, tous les
efforts doivent être accomplis en vue d'aboutir à l'instauration
d'un tribunal pénal international permanent.
La modernisation de l'ONU, qui est en cours, doit être l'occasion de
mettre à jour les relations entre cette institution mondiale et le
Conseil de l'Europe. Je m'associe d'ailleurs aux réflexions
exprimées par les précédents intervenants. Il serait
notamment opportun de donner un contenu plus concret au statut d'observateur
dont bénéficie le Conseil de l'Europe auprès de
l'Assemblée générale des Nations unies.
Faut-il pour autant, et c'est mon interrogation principale, aller encore plus
loin, comme le suggère le rapporteur et demander que le Conseil de
l'Europe soit reconnu comme organisation régionale au titre du
chapitre VIII de la Charte des Nations unies sur la base de sa
contribution à la sécurité démocratique en
Europe ? A cet égard, mes chers collègues, vous me
permettrez de formuler quelques réserves.
D'abord, j'observe, une fois de plus, la confusion croissante qui s'instaure
entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE. L'OSCE est une organisation
régionale des Nations unies mais son rôle est différent.
Elle a pour rôle la prévention des conflits et la gestion des
crises et c'est dans le cadre bien spécifique de cette mission que
l'OSCE peut avoir besoin, le cas échéant, d'un mandat du Conseil
de sécurité de l'Onu. Or tel n'est nullement le cas du Conseil de
l'Europe, qui a trop tendance à parler de sécurité, ce qui
entretient des ambiguïtés.
Il est pour le moins surprenant d'affirmer, comme il est dit dans le
résumé introductif du rapport, que le Conseil de l'Europe a pour
mission la prévention des conflits. S'il l'a, c'est sur un terme de
principe et de réflexion concernant les droits de l'homme aussi bien que
le respect de la dignité humaine.
Par ailleurs, si le Conseil de l'Europe se place ainsi, qu'on le veuille ou
non, sous la tutelle des Nations unies, nous pourrions nous voir opposer par
certains Etats, dont nous retardons l'adhésion au nom de nos principes,
d'autres principes plus universellement reconnus au nom du réalisme
politique. J'y vois donc des sources de conflit.
Une telle transformation de la nature même du Conseil de l'Europe me
paraît inopportune et je crois bien davantage à un renforcement de
la coordination entre la " concertation à quarante " sur les
droits de l'homme et l'Assemblée générale de l'ONU qui, en
effet, sur des thèmes " transversaux " comme la peine de mort,
peut exercer ses réflexions propres. Sachons en effet distinguer la
mission particulière du Conseil de l'Europe.
En conclusion, je crains que, par certains aspects, nous nous engagions dans un
suivisme institutionnel trop poussé. Je préférerais que
nous nous affirmions davantage comme entité et que nous traitions de
moins en moins du rôle spécifique que devrait assumer le Conseil
de l'Europe dans la construction européenne. Or force est de constater
que le plus clair de nos débats est trop consacré au statut que
nous pourrions avoir au regard des autres organisations internationales. Ainsi
que cela a été rappelé, il ne faut pas confondre les
Nations unies et leur mission gouvernementale, si je puis dire, avec notre
mission de représentation de nos parlements.
L'essentiel est la relance de l'union politique de l'Europe, question
fondamentale. Elle doit être la première mission fondamentale du
Conseil de l'Europe qui doit éviter de consacrer ses ordres du jour
à des réflexions sur sa place par rapport à d'autres
organisations. Certes, cette analyse intéressante doit être
poursuivie, mais, de grâce, maintenons bien l'originalité de notre
Conseil de l'Europe qui n'est pas qu'une structure régionale des Nations
unies. "
Au terme du débat,
la recommandation 1367, figurant dans le rapport
8052, est adoptée, amendée.
8. Derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et situation au Kosovo - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 22 avril)
Selon le
rapporteur, cette année sera probablement unique dans les annales de
l'Assemblée parlementaire qui aura consacré tant de temps
à traiter la même question ou presque : la Yougoslavie, la
crise dans la région et les répercussions de la crise.
En janvier, lors de l'adoption de la précédente résolution
sur cette question, la situation n'était pas sans espoir, tout en
restant très dangereuse. En janvier, il a été clairement
dit : cette organisation européenne, le Conseil de l'Europe, garde
un siège libre pour chaque pays européen, y compris la
République fédérale de Yougoslavie.
Il a été dit aussi -non moins clairement- que ces pays pouvaient
rejoindre les rangs du Conseil de l'Europe à la condition de remplir les
obligations et les engagements spécifiques requis.
Que s'est-il passé d'important depuis mars, depuis l'adoption d'un
projet de recommandation par la Commission permanente agissant au nom de
l'Assemblée ? Tout d'abord, la table des négociations
à Pritina attend toujours les négociateurs. La question concerne
la communauté internationale et la population de la Yougoslavie.
Le rapport souligne qu'on ne voit pas de différence en ce qui concerne
l'empressement des deux parties à ouvrir la discussion, et que le
principal problème réside dans les conditions. La
communauté internationale et le Conseil de l'Europe ont clairement
exprimé leur point de vue : des négociations sans conditions
préalables.
Après l'effondrement de l'ex-République socialiste, la
République fédérale de Yougoslavie a demandé
à adhérer à l'Organisation en qualité de membre de
plein droit. Une procédure est prévue pour tous les pays
candidats et elle s'applique aussi à la République
fédérale. Le rapporteur souhaite que le Conseil des Ministres
accepte et que la réponse à cette candidature soit qu'il faut
suivre la procédure normale.
Si la République fédérale de Yougoslavie est en voie de
devenir membre du Conseil de l'Europe, celui-ci devrait avoir le
privilège de participer aux négociations. Lorsqu'un pays est
candidat à l'adhésion, il doit savoir que cette Organisation a
certaines préoccupations communes, c'est-à-dire qu'elle a la
responsabilité morale et politique de savoir ce qui se passe dans ce
pays.
Il ne s'agit donc plus de savoir si le Conseil de l'Europe doit participer,
mais de savoir quelle forme cette participation doit prendre.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, prend alors la parole en ces
termes :
" A mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail. Comme beaucoup
d'orateurs avant moi, je répète que le problème du Kosovo
peut, à nouveau, embraser les Balkans. Dans ces conditions, il n'est
plus, désormais, seulement interne à la République
fédérale de Yougoslavie d'autant qu'il comporte des atteintes aux
droits de l'homme, des risques pour la paix et pour l'Europe. Derrière
le Kosovo, comme vient de le rappeler l'un des précédents
orateurs, se profile la question albanaise car 7 millions d'Albanais
sont répartis dans quatre pays.
Non, cette affaire n'est plus simplement serbe. Nous ne l'avons pas voulu, mais
elle est aussi devenue la nôtre. C'est probablement la raison pour
laquelle le débat a été ouvert, ici, aujourd'hui, et prend
cette dimension. La question ne pourra être réglée que par
des moyens politiques, par la voie pacifique, donc par le dialogue et la
négociation. Un groupe de contact rassemblant six pays - la France,
l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, la Russie et les Etats-Unis - s'est saisi
du dossier. La Grèce, pays voisin également concerné, peut
être un médiateur d'autant qu'elle assumera prochainement la
présidence de l'Union européenne.
Je n'oublie pas que l'histoire du Kosovo est aussi celle de la Serbie. Oui, le
Kosovo est une pièce centrale du patrimoine, de l'histoire et de la
culture de la Serbie depuis le Moyen-Age, beaucoup d'intervenants l'ont
rappelé. Il y a ainsi une référence mythique à ce
que certains appellent " la Jérusalem de la Serbie ". Il ne
peut donc pas y avoir de solution en dehors de la Serbie, partant pas
d'indépendance. On doit cependant en trouver une à
l'intérieur de la République fédérale de
Yougoslavie, celle de l'autonomie. Sous quelle forme ? Je n'en sais rien.
Ce sera l'objet de la négociation. Les accords de Dayton - cela
aussi est déjà un peu de l'histoire - ont ignoré,
voire oublié, ce problème. Nous devons le régler
maintenant. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs.
Au centre de tout cela se trouve aujourd'hui un homme. Je suis française
et la France est l'amie de la Serbie. La France et l'Allemagne ont
demandé ce débat d'urgence. Je n'ai pas envie de pratiquer la
langue de bois et je n'en ai pas l'habitude.
Je suis tout à fait prête à convenir que Miloevic,
président de la République fédérale de Yougoslavie,
a coopéré à la mise en oeuvre des accords de Dayton :
c'était aussi son intérêt. Et Miloevic a contribué
à stabiliser la république serbe de Bosnie et Herzégovine,
c'est une réalité. Mais, enfin ! Le Kosovo est son cheval de
bataille depuis longtemps, on peut dire depuis les années 80.
Très souvent, cette affaire sert à " entretenir " voire
à " récupérer " un nationalisme latent en Serbie
- le nationalisme est latent chez tout peuple, le mien comme les autres. Il a
mis en mouvement un engrenage redoutable, celui des nationalismes dans
l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, il continue en se servant du
même argument. Nous n'allons pas tomber dans ce piège et faire
semblant d'être dupes.
Aujourd'hui, politiquement, en a-t-il besoin ? Je ne le sais pas. Le
contexte change : le Monténégro prend ses distances, les
critiques du Président sont sévères - ce sont même
des condamnations. Je me pose une question, posez-vous la aussi : que
reste-t-il du dogme fondateur de la République fédérale de
Yougoslavie : " Tous les Serbes unis " ?
Pour conclure, je dirai que la Serbie est un peuple ami. Miloevic n'est pas
naïf, il est plutôt cynique. Je dirais qu'il est cynique. Il ne
comprend et ne respecte que les rapports de force. Soit, formulons fermement
nos exigences : arrêt des violences -de part et d'autre- c'est vrai,
retrait des forces spéciales serbes du Kosovo, dialogue sans conditions,
tierce partie.
Que M. Miloevic tienne ses engagements pris devant les deux ministres des
Affaires étrangères allemand et français il y a trois
semaines : négociations en présence d'un représentant
du Gouvernement de la Fédération yougoslave de Serbie,
c'est-à-dire son représentant. Objectif : l'autonomie du
Kosovo au sein de la République serbe. Autre objectif :
l'intégration de la République fédérale de
Yougoslavie au sein du Conseil de l'Europe.
Alors oui, nous aurons stabilisé la paix. "
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
, intervient à son
tour dans le débat :
" Je serai d'autant plus bref que la liste des orateurs est longue.
Je voudrais, d'une part, appuyer fermement la proposition de la commission des
questions politiques, soutenue par le Bureau, d'inscrire ce débat sur le
Kosovo aujourd'hui, et d'autre part, dire mon accord total avec l'excellent
rapport de notre président et les amendements qui viennent d'être
adoptés en commission.
Dans les couloirs et ailleurs, certains journalistes m'ont demandé
pourquoi parler du Kosovo lors de cette session du Conseil de l'Europe ?
Eh bien, parce que je pense que nous devons dégager un triple message.
Le premier, c'est que le Conseil de l'Europe apparaisse comme
l'assemblée politique qui se préoccupe essentiellement de tout ce
qui concerne le droit européen, les droits de l'homme, les
libertés et le respect des populations. Nous avons, hélas, dans
le passé, trop méconnu ce droit et nous gardons tous un souvenir
amer des événements tragiques de Bosnie et Herzégovine.
Dieu veuille que nous n'ayons pas la même responsabilité dans
l'affaire du Kosovo ! Il vaut toujours mieux traiter ces problèmes
avant qu'après.
Le deuxième est destiné aux populations du Kosovo pour leur
montrer qu'elles ne sont pas isolées, seules, abandonnées du
monde civilisé que, derrière les dramatiques
événements qui ont coûté la vie à cent
personnes innocentes, femmes et enfants, provoqués par les forces de
police et les forces spéciales serbes, il y a la conscience
européenne et la volonté de les aider par des voies pacifiques,
en soutenant le dialogue et en présentant les propositions, comme le
souhaite le groupe de contact.
Toutefois, j'aurais bien voulu entendre de la part de l'orateur qui m'a
précédé, une réponse précise à ce
groupe de contact qui a fixé au 29 avril prochain, la date limite
d'attente des sanctions qui seraient prises si le régime de Belgrade ne
répondait pas à sa demande unanime.
Le troisième message s'adresse à la population de Serbie. En
effet, nous ne voulons pas assimiler des forces politiques, des intellectuels,
des travailleurs et des paysans serbes à la politique
particulière du régime de M. Miloevic. Nous ne voulons pas
faire de mélange. Nous savons très bien qu'un très grand
nombre de Serbes souhaitent la démocratie, dans leur pays comme
ailleurs, notamment au Kosovo. Ce serait une tragique erreur que de faire un
amalgame entre les forces de l'opposition, qui, malheureusement, se sont trop
divisées et ont perdu leur crédibilité, et un
régime d'autorité comme celui du Président Miloevic.
Nous avons donc eu raison d'ouvrir ce débat. Je pense qu'une grande
majorité des parlementaires européens ici présents
approuvera le rapport, qui est un témoignage et un élément
important dans cette affaire.
Si, par malheur, le dialogue, les procédés démocratiques,
l'accord entre les parties ne pouvaient aboutir, il faudrait non pas s'orienter
vers des interventions à partir de telle ou telle volonté
extérieure, mais essayer de trouver une solution entre Européens,
sans attendre, comme toujours, la solution du grand pays extra-européen
que sont les Etats-Unis. Ces problèmes, nous devons les traiter entre
Européens. Il y va de notre efficacité et aussi de notre
conscience. C'est la raison pour laquelle le débat d'aujourd'hui
revêt une telle importance. Il fallait l'inscrire à notre ordre du
jour.
Je remercie le président de la commission des questions politiques de
nous avoir présenté, grâce à son rapport, un
élément important dans ce débat qui nous étreint
tous, qui nous concerne tous, car nous sommes tous sensibilisés,
impliqués dans cette affaire. Par delà le Kosovo, c'est toute la
région des Balkans qui est concernée, c'est le problème de
la paix en Europe qui est posé. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1368, contenue dans le rapport
n° 8082 est adoptée, avec amendements.
9. Dangers de l'amiante pour les travailleurs et l'environnement - Interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), Paul DHAILLE, député (Soc), Claude EVIN, député (Soc), et Jean BRIANE, député (UDF) (Mercredi 22 avril)
Partant
du constat que, malgré la prise de conscience des dangers de l'amiante
dans les années 60 et les mesures prises, ceux-ci sont toujours
présents, le rapport invite à une interdiction totale de son
utilisation et à la recherche des produits de substitution.
Il préconise en outre, et entre autres :
- la mise en place de mesures sanitaires et sociales pour répondre
à l'accroissement prévisible des maladies liées à
l'amiante,
- une information et une protection médicale adéquate
immédiate des travailleurs à risques,
- des politiques de réhabilitation de l'environnement.
En outre, le Rapporteur en appelle à la responsabilité des Etats
membres pour empêcher l'exportation du problème vers les pays du
Tiers Monde.
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, formule les observations
suivantes :
" Je me réjouis que notre rapporteur M. Cox propose une
recommandation forte : l'interdiction de l'utilisation de l'amiante dans
les différents Etats membres, et je le félicite.
En effet, le caractère cancérigène de l'amiante,
suspecté dans les années 30 et prouvé dans les
années 60, est désormais admis et reconnu par
tous. Néanmoins, l'amiante a été largement
utilisé dans les années 50-80, en méconnaissant toutes ses
conséquences sur la santé de l'homme.
Depuis vingt ans, la prise en compte du danger représenté par
l'amiante a conduit les différents responsables gouvernementaux à
diminuer régulièrement les valeurs limites d'exposition des
travailleurs telles que les seuils limites d'empoussièrement sur les
lieux de travail et l'interdiction du flocage.
Aujourd'hui, nous avons la certitude de l'effet cancérigène de
l'amiante. Les effets pathogènes de l'amiante sont de trois ordres
et liés à son inhalation : les asbestoses décrites
dès 1907 par un inspecteur du travail français, le cancer du
poumon et le mésothéliome, c'est-à-dire le cancer de la
plèvre.
Les effets pathogènes sont liés au caractère
indestructible des fibres, à leur dépôt dans le tissu
pulmonaire et leur migration facile vers l'enveloppe du poumon. Il faut se
souvenir qu'une fibre d'amiante est de 400 à 2 000 fois plus petite
qu'un cheveu humain et n'est pas décelable à l'oeil nu.
C'est en 1955 que l'enquête épidémiologique de Richard Doll
dans une usine textile d'Angleterre apporte la preuve du lien entre exposition
à l'amiante et cancer du poumon. Pour le mésothéliome,
c'est en 1960 que Wagner établit le lien entre l'amiante et cette
maladie, à partir de cas de mineurs ayant travaillé dans une mine
de crocidolite en Afrique du Sud. Toutes les études
épidémiologiques ont confirmé sans équivoque le
lien entre l'amiante et le cancer, ainsi qu'entre l'amiante et le
mésothéliome, à forte dose.
Des incertitudes demeurent sur l'extrapolation aux faibles doses de la relation
linéaire entre exposition et risque de cancer et sur l'existence ou non
d'un seuil.
Une autre incertitude a trait aux différences à faire ou non
entre les différents types d'amiante, en particulier une
éventuelle moindre nocivité du chrysolite. Un rapport d'expertise
collective d'un institut de recherche en santé médicale en France
conclut au caractère cancérigène indiscutable pour toutes
les fibres, y compris le chrysolite, même si la nocivité de ce
dernier est moindre pour le mésothéliome.
Malgré ces incertitudes et ces doutes, il nous faut, avec le philosophe
allemand Hans Jonas, renverser le principe cartésien : "dans
le doute abstiens-toi" au profit du principe de précaution : "au
moindre doute, décide". M. Cox a donc raison de proposer
l'interdiction de l'amiante, comme d'autres pays l'ont déjà mise
en oeuvre, notamment la France en juillet 1996.
On pourrait encore se demander si une utilisation contrôlée ne
serait pas une étape moins drastique que l'interdiction totale. Un
récent rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques montre
l'échec total de cette voie.
J'aimerais ajouter deux commentaires.
Dans les mesures à court terme, il est proposé de "recenser les
applications anciennes de l'amiante et interdire les nouvelles" cela me
paraît certes nécessaire, mais insuffisant et pas assez fort.
Ainsi formulée, cette proposition semble se satisfaire de la seule
interdiction. Or la caractéristique principale des pathologies
liées à l'amiante est leur très long temps de latence.
Il est indispensable d'établir un inventaire des bâtiments
contenant de l'amiante, comme des matériaux en contenant. Selon
l'état du matériau, après analyse, il convient de
déterminer s'il existe un risque pour les populations ou les
travailleurs exposés et si des travaux de désamiantage
s'imposent. On quitte le domaine strict des travailleurs, mais si des enfants
sont exposés dans une école, ils méritent une aussi grande
attention.
Dès lors qu'une population aurait été exposée au
risque amiante, d'une façon volontaire ou non, il faut mettre en place
automatiquement un suivi médical. Pour cela, il faut recenser toutes les
populations touchées et ce recensement va bien au-delà des seuls
travailleurs de l'amiante.
L'interdiction de l'amiante est un signe fort que donne notre Assemblée,
tant vers les gouvernants que vers le public. Les efforts des élus, pour
garantir une santé publique satisfaisante, ne doivent pas
s'arrêter là.
Il faut assumer le passé et le passif en mettant en oeuvre une politique
de recensement des utilisations passées de l'amiante, de leur risque
pour les travailleurs et les populations exposées, une politique de
recensement des populations exposées et de leur suivi médical.
Enfin, les responsables politiques devront être très attentifs au
problème des fibres de substitution, en mettant en place une
réglementation stricte, voire coercitive, avant toute certitude sur
l'innocuité de ces fibres.
D'une manière générale, il devient impératif de
mettre en oeuvre des outils d'évaluation des risques pour mieux les
gérer et s'en prévenir. "
M. Paul DHAILLE, député (Soc)
, prend la parole en ces
termes :
" Ce rapport sur les dangers de l'amiante pour les travailleurs et
l'environnement, même s'il n'est pas le plus médiatique, est
extrêmement important pour asseoir la crédibilité du
Conseil de l'Europe auprès de nos concitoyens si sa diffusion est bien
assurée auprès de nos gouvernements, de nos collègues
parlementaires, auprès des associations de défense de
l'environnement et surtout, auprès des syndicats et des organisations
qui défendent les travailleurs victimes d'accidents ou de maladies du
travail. Même s'il s'agit là d'un problème particulier, la
valeur générale de notre démarche et de ce rapport risque
de s'appliquer à d'autres matériaux, à d'autres produits
naturels ou chimiques, à d'autres techniques dans les années
à venir.
En effet, les progrès de la science peuvent mettre en évidence la
nocivité de ces matériaux, de ces produits ou de ces techniques
pour la santé publique ou l'environnement. Ainsi l'utilisation des
hormones pour la croissance des animaux, la modification
génétique des plantes, peuvent déjà poser des
problèmes, tout au moins doivent-elles déjà poser des
questions aux responsables politiques.
Ainsi le cas de l'amiante paraît tout a fait représentatif. Son
caractère cancérogène, suspecté depuis les
années 30 et prouvé depuis les années 60, est
désormais admis et reconnu. Longtemps les intérêts
économiques ont retardé la prise de conscience de ce
caractère nocif pour la santé publique, mais les maladies dues
à l'amiante (asbestoses, cancers du poumon,
mésothéliomes), qui ont un temps de latence très long,
pouvant aller jusqu'à quarante ans, frappent aujourd'hui un nombre
croissant de travailleurs. Ainsi l'Institut national de la santé et de
la recherche médicale (INSERM) chiffrait à 1 950 le nombre
de décès liés à l'amiante en France en 1996. C'est
aussi la date à laquelle a été prise la décision
d'interdiction de fabrication, d'importation et de mise en vente de l'amiante
dans notre pays. Avant cette date, l'amiante a été très
largement utilisée, spécialement dans les années
1950-1980, et ce n'est que depuis vingt ans que la prise en compte du
danger représenté par l'amiante a conduit les pouvoirs publics
français à diminuer les valeurs limites d'exposition
tolérées pour les travailleurs, jusqu'à l'interdiction
définitive de 1996.
Cependant, on se rend compte que le cheminement a été très
long, que de nombreux drames ont été provoqués pendant
toutes ces années et que les conséquences perdureront encore
longtemps.
Aujourd'hui, à la suite des dispositions communautaires, des mesures
législatives et réglementaires prises par de nombreux pays, des
avis de l'Organisation mondiale de la santé et du Bureau international
du travail... et, bien sûr, de notre débat de ce jour, plus
personne, patrons, ministres, parlementaires, fonctionnaires, ne peut dire
qu'il n'était pas au courant du caractère
cancérogène de l'amiante. Dans ces conditions, il est
nécessaire de prendre des mesures et tout retard supplémentaire
serait lourd de conséquences. Chacun est ainsi mis devant ses
responsabilités.
Tout d'abord, l'adoption de ce rapport sera un moyen supplémentaire pour
les travailleurs victimes de l'amiante de faire reconnaître la
réalité des affections dont ils sont atteints et qui doivent
être reconnus comme des maladies professionnelles ouvrant à des
droits particuliers quant à la couverture des soins et à la
réparation financière.
Mais au-delà des réponses à apporter à ces
problèmes douloureux, il appartient à nos gouvernements et aux
autorités locales de faire le recensement des bâtiments contenant
de l'amiante. Il me semble que, conformément au principe de
responsabilité, la liste de ces bâtiments doit être soumise
aux assemblées délibérantes et portées à la
connaissance de la population. Les opérations de "désamiantage"
pourront alors être entreprises en veillant à ce que le
remède ne soit pas pire que le mal. Les équipes chargées
de l'enlèvement de l'amiante et les procédures techniques devront
répondre à des critères très stricts, car si
l'amiante, par exemple, enrobé apparaît moins dangereux,
dès qu'il retrouve une forme volatile, il retrouve aussi ses
caractéristiques nocives.
J'apporterai donc mon appui à cet excellent rapport, qui poursuit une
action intéressante de notre assemblée au service de nos
concitoyens. C'est pourquoi, je souhaite que ce rapport connaisse une large
publicité et que, en particulier, nous le diffusions sur le site
Internet du professeur Claude Got, qui offre déjà un "corps" de
texte d'environ 1200 pages sur ce sujet et des liens avec de nombreux autres
sites consacrés à cette question. "
M. Claude EVIN, député (Soc)
, intervient à son tour
dans le débat :
" Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue
Tom Cox pour le travail qu'il a réalisé autour de ce
rapport : travail d'investigation des différents points de vue
scientifiques et d'audition des différents acteurs concernés.
Le développement de l'utilisation de l'amiante a eu lieu dans une
période où le progrès scientifique technologique et
économique occultait souvent les effets nocifs de l'amiante sur la
santé au travail, sur la santé publique et sur l'environnement.
Or, la nocivité de l'amiante est connue depuis le début du
siècle et son caractère cancérogène est aujourd'hui
reconnu et confirmé.
L'amiante provoque des maladies extrêmement graves, essentiellement
professionnelles : asbestose, atteinte non cancéreuses de la
plèvre, mésothéliome, c'est-à-dire des tumeurs
malignes localisées au niveau de la plèvre et du péritoine.
Je voudrais rappeler que l'amiante a été classée
cancérogène par le Centre international de recherche sur le
cancer (CIRC) dès 1977. Toutes les études
épidémiologiques qui ont été
réalisées auprès de cohortes de travailleurs
exposés, professionnellement à des concentrations très
élevées de fibre d'amiante ont montré que ces travailleurs
avaient dix fois plus de risques que la population normale d'avoir un
cancer du poumon et vingt fois plus de risque d'avoir un
mésothéliome.
Certains veulent dissocier les différents amiantes quant aux risques
qu'ils induisent. On sait aujourd'hui, et les études
épidémiologiques le prouvent, que toutes ces fibres, quelle que
soit leur origine, que ce soit des chrysotiles ou des amphiboles
(c'est-à-dire de l'amiante brun ou bleu) provoquent des risques
identiques de cancer du poumon.
Concernant le mésothéliome, les études montrent que les
risques sont plus élevés pour des expositions aux amphiboles et
aux mélanges d'amphiboles et de chrysotile que pour les expositions au
chrysotile seul, mais une part de risque existe aussi pour le chrysotile.
Et même ceux qui, au sein de cette Assemblée défendent le
chrysotile, reconnaissent de fait qu'il peut développer des états
pathologiques. Ils nous disent en effet que, lorsqu'il est utilisé
à faible dose, il ne provoque pas de pathologie, il reconnaissent donc
qu'au-delà d'un certain seuil, il y a bien danger et chacun sait que
l'argument sur l'importance des doses ne tient qu'au regard de la durée
d'exposition. Si un travailleur est exposé pendant toute sa vie
professionnelle à de faibles doses, il encourra des risques réels.
En tout état de cause, devant un débat qui existe entre experts,
nous devons apprécier les décisions à prendre dans
l'intérêt de la santé publique des travailleurs
concernés, mais aussi de la population exposée, en fonction du
principe de précaution.
Il ne s'agit bien évidemment pas de parvenir à un risque
zéro. Le risque zéro n'existe pas.
L'enjeu de nos politiques de prévention est de réduire le risque.
Même lorsque le risque zéro semble hors d'atteinte, nous devons
tout faire pour tendre vers un risque acceptable. Le risque devient acceptable
lorsqu'il est connu. Le risque est inacceptable lorsqu'on ne connaît pas
la probabilité de son ampleur. Le risque est inéquitable et
provoque une réaction sociale forte lorsqu'il expose plus
particulièrement certaines catégories socio-professionnelles. Le
risque amiante est devenu inacceptable, tout à la fois parce qu'on ne
mesure pas totalement l'ampleur de ses conséquences sanitaires et parce
qu'il atteint plus particulièrement certaines catégories sociales
(ouvriers de la construction navale, métiers du bâtiment...).
Or, nous avons, sur les politiques suivies concernant le risque amiante, des
expériences différentes dans nos différents pays. C'est
ainsi que, par exemple, la France a pendant plusieurs années
développé une politique d'utilisation contrôlée de
l'amiante. On a pu mesurer aujourd'hui que cette politique est un échec,
notamment parce qu'on a pu constater que le contrôle de cette utilisation
est particulièrement difficile à gérer. Cette situation a
conduit la France à décider, à compter du
1
er
janvier 1997, à interdire la fabrication,
l'importation et la mise en vente de produits contenant de l'amiante. Seules
quelques dérogations très limitées ont été
prévues pour certains produits, tels que les vêtements
ignifugés utilisés par les pompiers.
Je pense que l'on doit aller dans chacun de nos pays européens vers une
telle interdiction et, de ce point de vue, le projet de recommandation de Tom
Cox aurait pu aller plus loin encore qu'il ne le fait. Tom Cox a
souhaité affirmer des objectifs réalisables et je crois que c'est
la sagesse.
Aux pays qui mettent en avant l'aspect économique du problème
posé, je pense que nous devons rappeler que la santé des
travailleurs ne peut passer après des intérêts
économiques.
Certes, tout ne peut, sur ce plan, se régler en quelques mois, mais nous
devons d'abord affirmer clairement les objectifs que nous poursuivons pour
défendre les droits de l'homme, y compris sur le plan social, puis nous
examinerons les moyens qu'il nous faudra collectivement mettre en oeuvre au
niveau de l'ensemble de la communauté que nous formons pour nous aider
mutuellement à atteindre nos objectifs.
Le rapport de Tom Cox fixe ces objectifs et trace ces moyens. Il mérite
d'être largement approuvé. "
Sur le projet de recommandation, Mme Kulbaka (Fédération de
Russie) intervient pour un rappel au règlement
" considérant que la Commission a rejeté sans
débat les trente amendements de la délégation russe,
réitère sa demande de renvoi en commission. Cela permettrait un
réexamen attentif, tant des données scientifiques que des
éléments fournis par la Russie ".
Après avis de la Commission des questions sociales, de la santé
et de la famille exprimé par son rapporteur, M. Thomas Cox,
l'Assemblée rejette la demande de renvoi en commission.
Puis au cours de la discussion des amendements déposés par la
Fédération de Russie, alors que celle-ci souhaite retenir la
rédaction suivante d'un paragraphe du projet de recommandation :
" l'Assemblée a pris connaissance de la situation dans
certains
Etats membres du Conseil de l'Europe concernant l'utilisation
de l'amiante... ",
considérant qu'il n'a pas été tenu compte de
l'expérience de la Russie qui fait pourtant partie du Conseil de
l'Europe,
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, intervient de la
façon suivante, contre l'amendement :
" Tout a été dit sur les dangers de l'amiante ! Au
Conseil de l'Europe, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Nos
collègues russes doivent accepter cette évidence ".
Rejeté par la Commission, l'amendement n'est pas adopté par
l'Assemblée.
Au terme du débat,
la recommandation 1369 figurant dans le rapport
8015 est adoptée, modifiée.
10. Activités de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1994-1997 - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Jeudi 23 avril)
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM)
s'efforce de
fournir aux Etats ainsi qu'aux individus une assistance visant à assurer
le bon déroulement des processus migratoires dans le monde entier, en
partant du principe que les migrations représentent une force positive
pour le développement social et économique.
Le rapporteur souligne tout particulièrement l'action de l'OIM dans la
région de l'ancienne Yougoslavie où elle apporte, entre autres,
une contribution très importante au rapatriement des
réfugiés et des personnes déplacées.
De même, les programmes de retour assurés par l'OIM offrent une
solution digne aux milliers de migrants bloqués en Europe centrale et
orientale.
Outre son action humanitaire en matière d'assistance directe aux
migrants, l'OIM aide les pays intéressés à mettre en place
des politiques et à développer le cadre institutionnel pour
gérer les flux migratoires sur leurs territoires. Cette assistance est
particulièrement importante dans les Etats de l'ex-Union
soviétique qui font actuellement face à des migrations accrues de
toutes sortes.
Vu les changements intervenus tant en Europe qu'ailleurs dans le monde, l'OIM a
redéfini sa mission afin qu'elle corresponde mieux aux besoins actuels
et s'est fixé des objectifs stratégiques dans le but de devenir
la principale organisation mondiale pour les migrations d'ici à l'an
2000.
L'Assemblée considère que, suite à l'élargissement
du Conseil de l'Europe ainsi qu'à une diversification des
activités tant de l'OIM que du Conseil de l'Europe, le besoin d'une
coopération accrue entre les deux Organisations va croissant.
Cette coopération plus étroite devrait prendre forme tant au
niveau des Etats membres dont le plus grand nombre devraient devenir membres de
l'OIM qu'au niveau des relations institutionnelles entre l'OIM et le Conseil de
l'Europe.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le
débat de la façon suivante :
" Au nom de mon groupe, je tiens à féliciter notre
collègue Mme Aguiar pour le rapport de qualité qu'elle nous
présente et que nous approuvons, rapport inspiré par le souci de
la dignité des personnes comme de la responsabilité politique.
Ces deux axes doivent d'ailleurs toujours guider notre action dans ce domaine
particulièrement sensible en Europe. Le phénomène
migratoire est, sans conteste, l'un des défis les plus difficiles qui se
pose à l'Europe.
S'il s'agit d'un phénomène positif, comme le rappelle notre
rapporteur, il est aussi, hélas, d'une certaine façon, le
symptôme d'un échec : celui des migrants économiques
qui fuient un insuffisant développement de leur pays d'origine ;
celui des réfugiés qui fuient les guerres civiles ou des
violations des droits de l'homme menaçant la liberté et
jusqu'à la vie des personnes. Cela nous impose un devoir d'accueil.
Lorsque ces phénomènes se produisent dans une conjoncture
marquée par un fort taux de chômage sur le continent
européen, et lorsqu'on sait que la seule Union européenne compte
cinq millions de ressortissants des douze pays méditerranéens non
membres de l'Union européenne, on mesure l'ampleur du défi qui
nous est lancé.
Le rapport de Mme Aguiar préconise un certain nombre de
recommandations qui doivent permettre de relever ces défis, mais je
n'insisterai que sur deux aspects.
Le premier concerne la nature des actions à entreprendre pour mieux
maîtriser les flux migratoires.
Personne, au Conseil de l'Europe moins qu'ailleurs, ne peut nier la
nécessité de veiller au respect des valeurs humanitaires
lorsqu'il s'agit de migrants, de réfugiés, de personnes
déplacées. Cependant, nous ne pouvons pas pour autant laisser se
développer sans limite les migrations incontrôlées ou les
migrations en situation irrégulière ou clandestine. Elles
risquent de porter en elles les germes de réactions imprévisibles
susceptibles de se retourner contre le principe même des migrations dont
Mme Aguiar nous rappelle, à juste titre, qu'elles ont
contribué à l'essor de l'Europe.
Nous approuvons la nécessité de donner la priorité aux
actions d'information, aux actions de formation des hommes, aux programmes de
réinstallation des réfugiés et à l'aide au retour
des migrants. Chaque fois que l'OIM et l'Europe pourront contribuer au
développement sur place dans les pays d'origine des migrants, ils
oeuvreront pour la détente et la paix, mais aussi pour la dignité
des personnes.
Le second aspect que je veux évoquer concerne la coopération
entre toutes les institutions et structures concernées par les
migrations.
L'OIM a acquis une bonne expérience et nous devons l'en remercier. Notre
gratitude va vers son directeur général qui, avec conviction et
énergie, mène son action. Pour atteindre les objectifs qui lui
sont assignés, il faut que la coopération entre tous les
partenaires internationaux et les gouvernements nationaux soit
accélérée et renforcée. Il y a des doubles emplois
alors que les moyens financiers sont mesurés. Il faudra les
éviter à l'avenir. Il est également indispensable
d'harmoniser les législations et les politiques en Europe. Notre effort
doit être collectif pour mettre au point une politique des migrations
harmonieuse.
Il est nécessaire que le Conseil de l'Europe et son Fonds social jouent
leur rôle et tout leur rôle non pas en s'occupant de ce que
d'autres organisations savent faire, mais en permettant, grâce à
leur expérience, la concrétisation des orientations que
Mme Aguiar nous propose. Nos sociétés européennes
sont très attentives à notre capacité de maîtriser
les flux migratoires tout en veillant toujours au respect de la dignité.
Au Conseil de l'Europe d'user de son influence et de son expérience pour
y contribuer dans le respect des valeurs qui sont les nôtres. "
La recommandation 1370, figurant dans le rapport 8053, est adoptée
à l'issue du débat, amendée.
11. Situation des réfugiés de Palestine dans le contexte du processus de paix au Proche-Orient - Interventions de MM. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV), et Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 23 avril)
Selon le
rapporteur, quelque 3.400.000 réfugiés sont enregistrés
auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les
réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) chargé
de satisfaire leurs besoins essentiels.
En attendant la fondation d'un Etat palestinien qui donnerait à certains
réfugiés la possibilité d'exercer leur "droit au retour",
M. Atkinson présente, dans son rapport, la base de choix suivants qui
pourraient être proposés aux réfugiés, sous
réserve des résultats des négociations entre Israël,
l'Autorité palestinienne et les autres gouvernements concernés
:
- se réinstaller dans le nouvel Etat palestinien,
- rester dans le pays d'accueil en tant que titulaires de passeports
palestiniens ayant droit à la propriété et au travail mais
non à la citoyenneté,
- le cas échéant, obtenir la citoyenneté du pays
d'accueil,
- se réinstaller dans d'autres pays extérieurs à la
région en fonction des quotas qu'ils proposent,
- retourner, le cas échéant, dans les Etats du Golfe,
- retourner en Israël dans le cadre d'un regroupement familial
à caractère humanitaire, suite à l'acceptation d'un quota
par cet Etat.
Pour permettre aux réfugiés vivant dans les camps
d'intégrer des logements permanents, le rapporteur propose la
création d'un "Fonds pour le statut définitif des
réfugiés et des personnes déplacées de Palestine"
qui devrait financer cette réinstallation.
Il insiste enfin sur la nécessité de maintenir le mandat et les
services de l'UNRWA jusqu'à ce que d'autres dispositions soient prises.
M. Jean-Pierre MICHEL, député (RCV)
, prend la parole en
ces termes :
" Je remercie M. Atkinson de son excellent rapport, et je le remercie
d'être allé sur place dans les territoires occupés, dans
les pays de la zone, passant outre le refus de notre Bureau. Il n'est pas
à l'honneur de notre Assemblée que le Bureau ait refusé
d'accepter et de financer cette mission, qui lui aurait donné encore
plus d'importance et d'indépendance.
La question des réfugiés de Palestine, question lancinante et
récurrente, jamais réglée, est sans conteste une question
humanitaire parce qu'elle concerne quatre millions de personnes, dont plus d'un
million vivent dans des camps dans des conditions épouvantables.
Mais c'est avant tout une question politique qui doit être résolue
politiquement. D'abord parce que de sa solution dépendent très
certainement et très largement la fin du terrorisme et des actions
d'Intifada. Ensuite, parce que les Palestiniens sont chez eux en Palestine. Ils
y sont chez eux historiquement. Le droit doit suivre l'histoire : le
peuple palestinien a donc le droit de revendiquer un Etat indépendant
avec toutes les compétences qui s'y attachent. C'est une question
préalable, oui, M. Atkinson a eu bien raison de le dire. Elle est
le préalable à la solution des autres problèmes dont celui
des réfugiés palestiniens qui se trouvent dans d'autres pays de
la zone ou ailleurs.
Or, la création d'un Etat palestinien est aujourd'hui enrayée.
Certes, la communauté internationale a beaucoup oeuvré en ce
sens, les pays d'Europe, notamment la Norvège - j'ai été
un peu étonné de l'intervention de notre collègue
norvégien, mais toutes les idées peuvent s'exprimer, même
les plus excessives - et les Etats-Unis d'Amérique. Aujourd'hui on le
voit bien, le processus de paix est arrêté. Il ne faut plus parler
des accords d'Oslo, c'est, à mon avis, une affaire enterrée.
Parce que, depuis 1996, le Gouvernement israélien mène sur le
plan intérieur et international une politique hostile à la
poursuite du processus de paix. Sur le plan intérieur, notre
collègue vient de le dire aujourd'hui, cette politique n'arrête
pas de mener des actions de provocation à l'égard des
Palestiniens par l'extension des colonies de peuplement.
Aujourd'hui, la communauté internationale doit aller plus loin, ne pas
se contenter de simples pressions diplomatiques. Il faudra en venir
vraisemblablement à des sanctions économiques contre
Israël : ce sera une façon de célébrer le
cinquantième anniversaire de cet Etat qui ne comprend pas où est
son intérêt et celui de la communauté internationale.
Enfin, notre Assemblée elle-même doit tout faire pour que le
Conseil palestinien obtienne ici un statut d'observateur. Aujourd'hui, nous
sommes dans un débat surréaliste. Les uns et les autres nous nous
exprimons, nous entendons l'opinion d'un représentant d'Israël,
mais nous n'entendons pas l'opinion d'un représentant du Conseil
palestinien. Ce n'est pas une bonne manière de débattre. Le
Bureau aurait eu toute latitude pour inviter à titre exceptionnel un
représentant du Conseil palestinien et le laisser s'exprimer à
cette tribune. Voilà qui aurait donné à nos débats
un tour démocratique plus intéressant.
Le Conseil de l'Europe se targue d'être une Assemblée qui se
préoccupe des droits de l'homme, de la démocratie. Mais la
démocratie, les droits de l'homme c'est d'abord ici chez nous qu'ils
doivent être appliqués ! Je regrette que dans ce débat
ils ne l'aient pas été complètement. "
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, intervient à son
tour :
" Je veux tout d'abord féliciter la commission des migrations, des
réfugiés et de la démographie et tout
particulièrement son rapporteur, M. David Atkinson, de l'excellent
rapport qui nous est présenté.
Tout a été dit sur ce drame du Proche-Orient, qui doit mobiliser
notre attention durablement et pas seulement le temps d'un débat.
J'approuve le contenu du projet de résolution proposé et je ne
ferai que quelques brefs commentaires.
Il est de la responsabilité de la communauté internationale
d'apporter une solution durable au problème palestinien. Celle-ci s'est
mobilisée pour qu'existe un Etat hébreu et pour que les
Israéliens aient une patrie.
Aujourd'hui, la communauté internationale doit se mobiliser pour un Etat
palestinien et pour que les Palestiniens aient, eux aussi, leur patrie.
C'est la condition "
sine qua non
" pour qu'une paix durable s'instaure
dans cette contrée du monde.
J'ai connu, dans ma jeunesse, la période de la montée du nazisme.
J'ai vécu en France, l'occupation de l'envahisseur nazi et sa
détermination à écraser tous ceux qui osaient s'opposer
à son sinistre projet. Je sais quels risques ont pris de nombreux
Français et le courage dont ils ont fait preuve, quelquefois au
péril de leur propre vie, pour éviter la déportation et
l'extermination de Juifs.
Je ne puis admettre qu'aujourd'hui tout ne soit pas mis en oeuvre par la
communauté internationale pour mettre fin au drame palestinien.
Le Conseil de l'Europe se doit d'apporter sa contribution à cette
entreprise de paix. Israël doit comprendre que sa propre
sécurité dépend de la solution du problème
palestinien. "
Au terme du débat,
la résolution 1156 figurant dans le rapport
8042, amendée, est adoptée.
12. Mauvais traitements infligés aux enfants - Rapport de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Jeudi 23 avril)
Le
rapport de Nicolas ABOUT énonce les différentes formes de
maltraitance des enfants dans le but de mettre en place, sur le plan
européen, des moyens permettant de combattre ce phénomène
à tous les niveaux.
La découverte d'un certain nombre de crimes, et le constat selon lequel
l'exploitation et les abus sexuels ne connaissent pas de frontières, ont
conduit à déployer en Europe de nouveaux efforts pour lutter
contre divers aspects de ce problème - y compris la pédophilie,
la prostitution, la pédopornographie, l'inceste et les autres abus au
sein de la famille.
Le rapport condamne également la stérilisation abusive et la
mutilation génitale des petites filles, et lance un appel en faveur de
la mise à jour des réseaux mafieux qui s'adonnent au trafic de
nouveau-nés et d'enfants en bas âge pour alimenter le
marché international de l'adoption.
Le rapport préconise la mise en place d'un fichier international de
personnes reconnues coupables d'infractions contre des mineurs. Ce fichier, qui
serait tenu par la Cour européenne des Droits de l'Homme, viserait en
particulier à éviter que des pédophiles potentiels
trouvent un emploi lié à la garde et à l'éducation
des enfants dans d'autres pays européens.
En même temps, le rapport invite les gouvernements :
- à établir des listes de pédophiles qui puissent
être consultées par les autorités nationales et
étrangères ;
- à normaliser les définitions de la pédophilie dans
toute l'Europe et à criminaliser certains comportements pratiqués
dans des sectes ou au sein de la famille ;
- à indiquer clairement que la prostitution de mineurs est toujours
assimilable au viol ou aux sévices sexuels ;
- à s'en prendre au tourisme sexuel en organisant des
conférences avec les pays concernés et en s'attachant à
promouvoir la coopération des polices ;
- à traiter de façon adéquate les enfants victimes de
mauvais traitements, afin qu'ils ne deviennent pas à leur tour auteurs
d'abus semblables ;
- à placer ces enfants dans des familles, plutôt qu'en
institution ;
- à mettre en place des lignes téléphoniques directes
que les enfants puissent utiliser gratuitement pour obtenir de l'aide ;
- à faire en sorte que les procédures judiciaires ne soient
pas traumatisantes compatissantes pour les victimes, et à modifier les
délais de prescription, afin qu'un adulte puisse, le cas
échéant, faire état de la maltraitance qu'il a subie
lorsqu'il était enfant ;
- à améliorer la formation de tous ceux qui sont en contact
professionnel avec des enfants (services de soins sociaux et de santé,
médecins, police et tribunaux).
Présentant son rapport, au nom de la Commission des questions sociales,
de la santé et de la famille,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap.
RI)
, formule les observations suivantes :
" Selon un moraliste français, entre le fort et le faible, c'est
la liberté qui opprime et la loi qui libère. Telle est l'optique
dans laquelle je souhaiterais que nous abordions le débat sur le projet
de recommandation visant à la prévention et à la
répression des formes les plus graves des mauvais traitements à
enfants.
Ces formes, si elles apparaissent très différentes les unes des
autres -pédophilie, pornographie, prostitution, inceste, mutilations,
maltraitance familiale, rapt en vue d'adoption- ont pourtant un trait commun ou
plutôt une cause commune : l'enfant est toujours traité comme
une marchandise.
Toute notre civilisation tend à la protection des plus
vulnérables, je dirai même à la protection des faibles.
Pour ma part, je vois dans la défense des plus vulnérables la
première mission du législateur. Force est pourtant de constater
que, à ce principe de notre civilisation européenne, s'opposent
de plus en plus vivement certaines tendances du monde actuel.
D'abord, la mondialisation, la "globalisation", qui facilite les voyages, les
communications, la circulation de toutes sortes d'informations, mais aussi la
circulation d'argent sale, l'extension des activités mafieuses et
l'affaiblissement des contrôles étatiques sur des comportements
tenus pour contraires à l'ordre public.
Ensuite, la remise en cause des normes de comportement fondées sur des
valeurs également partagées et la tendance à
reconnaître l'individualisme comme manifestation ultime de la
liberté.
En outre, la persistance paradoxale de relations archaïques de domination
de l'adulte envers les enfants, des hommes envers les femmes, et notamment
envers les fillettes.
Enfin, le choc d'immenses inégalités économiques, la
richesse des uns facilitant toutes les formes d'exploitation de la
misère des autres et en particulier l'utilisation des enfants comme une
marchandise, sous forme de pédophilie, de pornographie ou de
prostitution enfantine, jusqu'au rapt en vue d'adoption, après
intervention d'intermédiaires plus ou moins mafieux.
Aussi vous proposerai-je, à partir de cette réaffirmation et du
constat de l'augmentation préoccupante des atteintes graves à la
personne des enfants, de recommander aux Etats membres d'adopter une dispositif
cohérent. D'une part, ce dispositif s'appuie sur des travaux
antérieurs de notre Assemblée, pour les regrouper et les
compléter. D'autre part, le projet de recommandation recherche un
équilibre entre deux attitudes complémentaires, la
prévention et la répression des violences aux enfants. Enfin,
notre recommandation innoverait par rapport, notamment, aux conventions des
Droits de l'enfant, qu'il s'agisse de celles des Nations unies ou de celle du
Conseil de l'Europe, qui ont trop tendance, à mes yeux, à traiter
les enfants comme des petits adultes, qui seraient suffisamment
protégés dès lors qu'ils pourraient plaider en justice
contre ceux qui abusent d'eux.
Du fait même de sa faiblesse physique, de son discernement encore
insuffisamment formé, et surtout de l'imbrication des liens affectifs ou
de subordination avec les auteurs mêmes de violences, l'enfant doit
bénéficier de protections particulières qui vont
au-delà de simples extensions procédurales. Notre projet de
recommandation énonce donc les différentes formes de violences
contre lesquelles les enfants doivent être protégés par des
législations expresses. Les paragraphes un à onze constituent une
sorte de préambule qui justifie l'intervention de notre
Assemblée. Les paragraphes suivants énumèrent les formes
de violence contre lesquelles nous appelons les gouvernements du Conseil de
l'Europe à lutter à la fois par la prévention et par la
répression.
S'agissant de la pédophilie, la proposition vise à faire
progresser l'harmonisation des qualifications juridiques et à
développer le suivi médico-psychologique des délinquants.
Pour ce qui est des messages diffusés par voie électronique
notamment sur le réseau Internet, l'Europe ne peut se contenter
d'attendre l'interprétation que donnera la Cour suprême des
Etats-Unis, à l'occasion d'un procès particulier, de
l'étendue respective de la liberté d'expression, garantie par le
premier amendement à la Constitution américaine, et de la
répression des messages pédophiles. Le Conseil de l'Europe est le
lieu approprié pour la définition d'une approche qui nous soit
commune, en conformité avec un modèle européen humaniste.
Enfin, nous devons inviter nos gouvernement à être vigilants
vis-à-vis de " communautés de vies " où certains
" gourous ", sous couleur d'amour universel, abusent d'enfants,
coupés de l'école comme des membres de leur famille non adeptes
de la communauté, et donc doublement perturbés, privés de
repères affectifs et sociaux.
En ce qui concerne l'exploitation pornographique d'enfants, le projet de
recommandation propose l'harmonisation des qualifications juridiques et des
régulations des messages électroniques. Je crois également
que nous ne devons pas accepter la distinction spécieuse entre
détention privée d'images pornographiques mettant en scène
des mineurs et commerce de ces images. Celui qui visionne est
nécessairement complice de la violence faite à l'enfant
filmé. Les réseaux d'échanges privés rendent
d'ailleurs sans portée juridique cette distinction, mais offrent une
excuse commode aux consommateurs de pornographie enfantine. Comment prouver que
des cassettes détenues par un particulier ont été
réalisées par le détenteur lui-même, achetées
ou échangées ? Le troc n'est-il pas la forme du commerce la
plus primitive ?
Quant à la prostitution d'enfants, je voudrais que notre
assemblée affirme nettement qu'il ne s'agit pas d'une modalité
particulière d'exercice de la prostitution, activité par ailleurs
tolérée, mais qu'il s'agit bien d'un viol quand un mineur est en
cause et qu'il a subi une pénétration sexuelle de quelque nature
que ce soit. Je serais scandalisé si l'on considérait que la
remise d'argent exonère le client - un violeur - de son crime.
Dans le cas de la prostitution enfantine, il convient de distinguer nettement
entre l'attitude à tenir vis-à-vis des victimes, qui doivent
être aidées et déculpabilisées, et vis-à-vis
des clients et proxénètes où l'on doit être d'une
grande sévérité. Cette sévérité se
justifie par la gravité de l'atteinte à la santé des
enfants comme à leur développement psychologique et social ;
elle se justifie aussi par le cynisme de l'exploitation de populations
réduites aux formes les plus extrêmes de la soumission. Les
destinations du tourisme sexuel parlent d'elles-mêmes : jeunes
marginaux des banlieues de certaines capitales européennes, "enfants des
rues" d'Asie ou d'Amérique latine et, maintenant, jeunesse
désocialisée par l'explosion démographique en Afrique
noire.
J'en viens à l'inceste. Les conséquences de ce crime ne doivent
pas être méconnues tant elles sont destructrices de la
personnalité de l'enfant. L'essentiel est de développer la
formation des personnels des services qui sont au contact des enfants,
enseignants, infirmières, médecins... afin que tous soient
à l'écoute des enfants et puissent détecter des atteintes
souvent tenues secrètes. Mais il convient aussi de développer une
formation spécifique des services de justice et de police.
Quelques mots sur les procédures pénales et les délais
adaptés pour agir en justice. On a cherché, en France comme dans
plusieurs pays, à adapter les interrogatoires par la police et la
justice pour éviter, le plus possible, d'aggraver le traumatisme des
enfants victimes. La présence de femmes dans ces services est un
élément généralement sécurisant pour les
enfants. De même, on devrait chercher à limiter au minimum la
répétition du récit des faits, par exemple en enregistrant
l'interrogatoire initial.
En matière de délai, et en complément de la convention du
Conseil de l'Europe sur les droits des enfants, je suggère que soit
rouvert, lorsque les jeunes victimes atteignent leur majorité, le droit
de saisir la justice. Spécialement quand les violences s'exercent dans
le cadre familial, ou avec la complicité de membres de la famille. Il
faut absolument permettre aux victimes, devenues majeures, de demander une
réparation au moins symbolique, malgré l'inertie de ceux qui
auraient dû les protéger.
J'en reviens à un point capital à mes yeux, la coopération
judiciaire pour sanctionner la récidive. Ce point, mes chers
collègues, est l'une des innovations principales de notre proposition.
Vous savez que la récidive, au sens légal, n'est actuellement
constituée que si une personne a commis le même délit dans
le même pays.
Nos concitoyens n'accepteront pas que l'Europe sans frontières soit
l'Europe des criminels. Je propose donc que soit institué, auprès
de notre Cour européenne des Droits de l'Homme et sous son
contrôle, un registre dans lequel serait notifiée par les
juridictions des différents Etats membres, toute condamnation
prononcée en cas de violence à enfant. Bien entendu, les
condamnations amnistiées au niveau national pourraient être, de
même, radiées du registre commun.
En ce qui concerne les stérilisations abusives, sujet extrêmement
délicat, le scandale soulevé récemment par des cas de
stérilisations de personnes jugées déficientes, notamment
sur le plan mental, pose un problème voisin de la Convention sur la
biomédecine, et plus généralement, le problème du
respect de l'intégrité physique des personnes incapables et du
recueil de leur consentement.
C'est pourquoi, je vous propose une solution que je crois conforme à
l'impératif primordial de respect de la personne, doublement faible, par
son âge comme par son état physique ou mental, sans
négliger les cas les plus délicats où la
stérilisation est incontournable.
Un mot sur les pratiques discriminatoires affectant les jeunes filles.
Constatées désormais dans la plupart des Etats européens
avec l'installation durable de familles en provenance d'Afrique, les
mutilations sexuelles imposées aux petites filles appellent la
condamnation la plus nette. Certaines législations d'Etats
européens et des commissions de l'Onu ont déjà
assimilé ces pratiques aux "tortures et traitements barbares et
inhumains" que notre Conseil de l'Europe a pour mission d'éliminer.
Le respect des traditions culturelles ne saurait prévaloir contre le
droit fondamental à l'intégrité physique et à
l'épanouissement personnel de ces jeunes filles. Notre Assemblée
vient d'ailleurs d'affirmer son souci de la promotion des droits de la femme en
créant une commission spécifique et ma proposition s'inscrit donc
parfaitement dans ce sens.
Je propose aussi de lutter contre d'autres formes de discrimination affectant
les jeunes filles comme l'"examen forcé de virginité"... "
M. Nicolas ABOUT
conclut la présentation de son rapport en ces
termes :
" Nous n'avons pas souvent l'occasion de parler d'un problème
aussi grave qu'est celui des atteintes aux enfants, mais je vais
écourter mon propos.
Je parlais donc des examens forcés de virginité qui
malheureusement ont lieu aussi dans certains Etats siégeant ici au
Conseil de l'Europe.
Nous évoquerons la maltraitance dans le cadre familial, les refus de
soins indispensables et toutes les manoeuvres qui entourent l'adoption
internationale et qui portent atteinte, à mon avis, aux droits de
l'enfant puisque ces enfants font l'objet, comme je l'ai dit, quelquefois
même de rapts.
Telles sont simplement, mes chers collègues, les observations que je
voulais vous soumettre en attendant, bien entendu, vos contributions à
la formulation définitive de ce projet de recommandation. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, intervient dans le
débat de la façon suivante :
" Je tiens d'abord à féliciter notre collègue,
M. Nicolas About, pour la qualité et l'exhaustivité de
son rapport sur un sujet grave et malheureusement d'actualité.
Sujet tabou, la maltraitance est une réalité dans toutes les
sociétés, elle touche tous les milieux, et l'on aperçoit
à peine l'ampleur du problème. Il a fallu, en effet, attendre les
années 70-80 pour que le voile se lève peu à peu, sous la
pression des associations de lutte contre la maltraitance à enfants, sur
ce drame et qu'il y ait une réelle prise de conscience de l'opinion
publique pour décider de réprimer mais aussi de prévenir.
Ainsi, la France a lancé une campagne de prévention dont le titre
était "En parler, c'est déjà agir", jusqu'à
décréter la protection de l'enfance "grande cause nationale
en 1997".
Au niveau international, l'Assemblée générale des Nations
unies a adopté, le 20 novembre 1989, la Convention
internationale des droits de l'enfant, qui est venue poser un statut de
l'enfant en abordant aussi bien les questions de statut personnel que les
droits sociaux.
Evoquer la maltraitance renvoie immédiatement aux victimes d'abus
sexuels, de viols, d'exploitation par la prostitution et la pornographie, sur
lesquels les médias se focalisent par moments. La maltraitance couvre
également les violences sexuelles, les violences physiques, les
violences psychologiques et la négligence.
Mais comment ne pas penser aussi au travail des enfants, main-d'oeuvre
silencieuse, exploitée dans des secteurs dangereux pour leur
santé, comme les mines, les fabriques d'allumettes ?
Les enfants victimes de mauvais traitements en subissent les
conséquences de manière durable et profonde dans leur vie
psychologique et affective.
L'Organisation mondiale de la santé a distingué à ce sujet
deux types d'effets.
D'abord, ceux liés aux traumatismes, qui se traduisent par des
états de stress caractérisés par des symptômes
d'anxiété. Ensuite, les effets sur le développement,
caractérisés par une perte de l'attachement, une diminution de
l'estime de soi et des relations interpersonnelles réduites.
Il me semble également fondamental de mentionner que les enfants
victimes de mauvais traitements, de violences physiques ou sexuelles, risquent
de se rendre par la suite coupables de violences similaires contre des enfants
plus jeunes ou contre leurs propres enfants.
En France, un récent rapport public fait état, pour 1996, de
74 000 enfants en danger et d'une augmentation du nombre d'enfants
victimes d'abus sexuels. Il est impératif d'agir. Pour ma part, je
partage pleinement le projet de recommandation du rapporteur qui invite les
Etats membres à adopter des mesures aussi bien préventives que
répressives.
Prévention, tout d'abord, car c'est par une meilleure connaissance de la
maltraitance que sera facilité le repérage d'enfants en danger,
prévention que chacun doit exercer et pas seulement l'Etat. La loi
française de 1989 associe prévention et répression et
prévoit l'obligation de signalement, y compris par dérogation au
secret professionnel.
C'est aussi par le biais de campagnes d'information que l'on peut sensibiliser
les enfants et donner à l'enfant des moyens pour se protéger et
faire respecter son intégrité, en lui apprenant par la parole et
par l'image, le respect dû par les adultes à son propre corps et
à celui des enfants qui l'entourent.
Je tiens aussi à citer la mise en place d'un numéro vert
permettant aux enfants victimes ainsi qu'aux témoins de mauvais
traitements d'appeler.
Le deuxième volet est la répression. Une loi est en cours
d'examen en France, dont deux dispositions vont dans le sens des propositions
de notre rapporteur. D'une part, il s'agit de l'institution d'une peine
complémentaire de suivi socio-judiciaire, dont le but est de
prévenir la récidive. D'autre part, il est procédé,
pour lutter contre le tourisme sexuel, à l'extension de l'application de
la loi française pour l'ensemble des crimes et délits sexuels
commis contre les mineurs à l'étranger par des Français.
Cela signifie que ce projet de loi étend la clause
d'extraterritorialité aux agressions sexuelles contre un mineur de
quinze ans et moins, à la corruption de mineurs, à la diffusion
d'images pornographiques de mineurs, aux atteintes sexuelles sans violence,
contrainte, menace ni surprise commises sur des mineurs de 15 ans et moins, par
des Français ou par des personnes résidant habituellement en
France.
Face à l'immensité du drame, je souhaiterais conclure en
rappelant les propos de Mme la secrétaire de la grande cause
nationale qui nous concerne tous : " Si tout le monde bouge,
ça bougera ". "
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, reprend alors la parole en
ces termes :
" Je remercie les orateurs de leurs propos et je vais revenir
peut-être sur certains points.
Mme Pozza Tasca a évoqué un divorce entre les textes et
la réalité. Nous avons un devoir, c'est vrai, celui de tout faire
pour précisément rapprocher, dans chacun de nos Etats, la
réalité des textes. Notre collègue a fait aussi
état du trafic d'enfants et du trafic d'organes vivants, un sujet
effectivement dramatique que nous ne pouvons pas écarter. Nous y
reviendrons certainement à l'occasion de l'examen à venir d'un
texte sur l'adoption internationale.
Mme Fyfe a évoqué les problèmes de mutilation
sexuelle et de pédophilie. Rappelons ce que les Canadiens aiment
à dire : " pédophile un jour, pédophile
toujours ! ". Il est vrai qu'il existe un fort taux de
récidive et que nous devons tout faire pour tenir éloigner les
pédophiles des emplois auprès des enfants.
Quant à ceux qui se livrent à des actes de mutilation sexuelle,
il est nécessaire de les condamner à des peines fermes et non pas
à des peines avec sursis, comme cela se produit même dans mon
pays. A défaut, nous n'exprimerons jamais clairement la volonté
de mettre fin à de tels actes.
Le témoignage de M. Maltsev sur ce qui se passe dans son pays, en
particulier ces quatre millions d'enfants sans toit et la pauvreté
contre laquelle il faut lutter, est extrêmement poignant.
Mme Gatterer a rappelé à juste titre que chacun peut
être concerné par tous ces problèmes. Chaque enfant peut
être victime des méfaits de la drogue, par exemple quel que soit
son environnement. Il ne faut pas croire que cela se passe uniquement dans les
milieux extrêmement défavorisés. N'oubliez pas les chiffres
de l'OMS : un enfant sur 5 000 à 10 000 meurt chaque
année de violences physiques. Au total 5 % à 10 % des
adultes estiment avoir été victimes de violences physiques
pendant leur enfance. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et nous rappellent
que ne sont pas seules concernées les populations
défavorisées.
Selon Mme Poptodorova, le Conseil de l'Europe devrait être
associé à la défense de l'enfance. Je ne peux que partager
ses propos. Elle s'est référée à juste titre, car
c'est tellement facile, au slogan : "c'est la faute à la
démocratie !" C'est pourquoi j'ai commencé en disant que la
liberté opprime les faibles, qui sont protégés par la loi.
Il est donc absolument nécessaire de légiférer et, comme
notre collègue le rappelait en évoquant un texte examiné
en deuxième lecture dans son pays, d'exercer une pression sur nos Etats
et nos gouvernements pour que les textes soient votés.
Madame Loule, vous aviez évoqué à juste titre
l'évolution de la notion de maltraitance. Il est de notre orgueil et de
notre fierté de faire évoluer ce texte, particulièrement
en Europe.
M. Claude BIRRAUX
a rappelé le rôle des associations, des
campagnes d'information, ainsi que le cycle de la violence qui doit certes
être pris en considération : 15,8 % des enfants battus
seront, un jour, inculpés pour un acte criminel. Ce constat doit nous
inviter à beaucoup d'attention.
M. Ruffy est intervenu sur la négligence qui intervient, en effet,
dans les récidives d'actes criminels pour tous les enfants soumis
à des négligences alimentaires, de soins, d'éducation et
de formation. En effet, 12,5 % d'entre eux retombent dans ce cycle.
Je conclurai sur un dernier point évoqué à l'instant par
Mme Jones, celui de la crédibilité des dires de l'enfant.
Sans verser dans la naïveté, il faut accorder de l'importance et
surtout être attentif aux dires de l'enfant - depuis des siècles
nous ne l'avons pas tellement été - sans pour autant condamner a
priori l'adulte mis en accusation. Il s'agit donc d'une tâche, certes,
difficile, mais incontournable. "
Sur le projet de recommandation, est déposé un amendement oral
visant à remplacer dans la phrase suivante les mots : " selon
le droit
d'un certain nombre
d'Etats membres, les délinquants ne
sont considérés comme récidivistes que " par les mots
" la quasi-totalité des ".
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, prend alors la parole pour
défendre l'amendement en ces termes :
" S'il est vrai que les juges tiennent compte des faits qui se sont
produits dans les autres Etats, le fait ne saurait leur permettre
d'établir la récidive. Le débat que j'ai pu avoir avec des
magistrats français hier démontre qu'après avoir eu
à connaître de ce qui s'est passé ailleurs, on ne peut pas
pour autant qualifier la récidive, le droit ne le permet pas.
Pour tenir compte de la demande de la commission des questions juridiques et
des droits de l'homme nous avons donné un avis favorable, sous
réserve de rappeler que la quasi-totalité des Etats membres ne
permet pas la qualification de récidive. "
Cet amendement oral est adopté.
Sur un amendement suivant visant à dissocier le commerce et la
possession, et donc à permettre, dans le cadre d'enquêtes, la
possession d'images pornographiques d'enfants par des professionnels, tels des
journalistes, sans que cela soit qualifié d'infraction pénale,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, intervient alors :
" La commission est contre l'amendement, parce que l'argument
professionnel ne tient pas. En tant que médecin, il est vrai que l'on
peut être obligé de pratiquer sur des enfants des
opérations ou des actes qui pourraient, s'ils étaient
pratiqués par d'autres, être des atteintes à enfant, sur le
plan sexuel ou autre.
L'argument du professionnalisme risque de permettre d'éviter de
condamner des gens qui utilisent des images pour leur simple vice ou qui font
commerce de ces images. Or cette distinction est fallacieuse car, après
tout, celui qui visionne ces images avec un but de vice est bien complice de la
violence faite à l'enfant filmé.
On nous invite souvent à comparer avec la drogue. Mais une telle
comparaison n'est pas pertinente. Celui qui consomme de la drogue n'est,
à la limite, complice que de la culture du chanvre ; celui qui
visionne des images pornographiques, lui, est complice de violences commises
contre un enfant ! Ce n'est pas du tout la même chose.
Il faut donc bien associer la détention au commerce et rappeler que,
très souvent, les réseaux de pédophiles font des
échanges de cassettes et donc du commerce au sens le plus primitif du
terme ; c'est une sorte de troc. Il est indispensable de lier les deux. Il
appartiendra aux juges, dans une gradation des peines, de punir peut-être
différemment : mais ce sera le rôle du juge, en fonction des
circonstances, de punir plus sévèrement peut-être ceux qui
font commerce à grande échelle. "
L'amendement n'est pas adopté.
A un amendement qui vise à prendre en compte le consentement des mineurs
au-delà d'un certain âge et à supprimer la
référence au profit dans la prostitution enfantine,
M. Nicolas
ABOUT, sénateur (ap. RI)
, répond : " l'avis de la
Commission est défavorable, car il nous paraît très
important, dans un premier temps, de réaffirmer qu'on n'a pas le droit
de rapprocher la prostitution des mineurs d'une prostitution banale. La
prostitution des mineurs est constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel. Cela
nous paraît être un socle indispensable pour aborder les points
suivants du texte. Faute de ce constat, tout le reste ne voudrait absolument
rien dire. On ne peut limiter la discussion à la responsabilité
des agences de voyage, établissements de prostitution ou organismes de
tourisme.
Il est donc fondamental de garder l'expression "prostitution des mineurs de
moins de 15 ans". C'est l'âge que nous avons retenu, sur le plan
sexuel, lors d'un précédent débat : en dessous de 15
ans, en effet, il ne peut y avoir de consentement. Lorsque nous
précisons que "l'enfant ne serait être tenu pour consentant", nous
faisons référence à un vote précédent de
notre Assemblée.
Nous demandons donc le rejet de cet amendement. "
Mis aux voix, l'amendement n'est pas adopté.
Enfin,
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, au nom de la
Commission, accepte un amendement oral visant à substituer au terme
" mineurs " les mots " de moins de 15 ans ". Il le
défend en ces termes :
" J'ai déjà défendu cet amendement. Notre
Assemblée a déjà approuvé le principe selon lequel
il ne saurait y avoir de consentement en dessous de 15 ans. "
L'amendement oral est adopté.
Puis, lors de l'examen d'un amendement relatif à la suppression d'un
paragraphe " affirmant nettement que la prostitution de mineurs est
toujours constitutive d'un viol ou d'un abus sexuel... ",
M. Nicolas
ABOUT, sénateur (ap. RI)
, au nom de la Commission,
répond :
" Nous avons estimé que cet amendement tombait du fait du rejet du
précédent. Nous pensons qu'il faut maintenir une telle
disposition concernant les tenanciers, les agences de tourisme, par exemple.
De toute façon, si cet amendement ne tombait pas, la commission invite
l'Assemblée à voter contre. "
L'amendement est rejeté.
Répondant, au nom de la Commission, à un amendement visant
à supprimer le " délit de non-assistance à personne
en danger à l'encontre des personnes ayant l'autorité
parentale ",
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
,
s'exprime en ces termes :
" La commission est contre. Sa rédaction note que, dans la
quasi-totalité des législations nationales, sans pouvoir affirmer
que c'est dans la totalité, il est effectivement très difficile
de faire le point sur l'existence ou non de cette disposition dans l'ensemble
des Etats constituant le Conseil de l'Europe.
Nous avons, nous, le sentiment que trop d'enfants meurent par refus de soins,
par manque du respect de l'obligation alimentaire, par exemple. Nous souhaitons
donc que soit réaffirmée la nécessité de poursuites
à l'encontre de personnes ayant l'autorité parentale. Nous
voulons donc le maintien de cette disposition. "
L'amendement n'est pas adopté.
Au terme du débat,
la recommandation 1371 figurant dans le rapport
8041, telle qu'amendée, est adoptée
.
La directive 543, amendée également, est adoptée
à l'unanimité.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI)
, ajoute quelques mots de
conclusion :
" A mon tour, je remercie l'ensemble de mes collègues, en
particulier, ceux de la commission des questions juridiques et des droits de
l'homme et Mme le rapporteur, Mme Plechatá, pour son travail
ainsi que mes collègues de la commission des questions sociales, de la
santé et de la famille et notre présidente.
Merci à vous tous. C'est un sujet qui me tient beaucoup à
coeur. "
13. Projet de convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal (Jeudi 23 avril)
Plusieurs textes de portée internationale ont
été adoptés dans le passé par le Conseil de
l'Europe pour protéger l'environnement, en particulier la Convention
européenne sur la responsabilité civile résultant
d'activités dangereuses pour l'environnement de 1994. Cependant, ni les
réponses administratives aux violations de la loi (retrait du permis ou
de la licence), ni les procédures civiles classiques ne garantissent une
protection juridique réelle et préventive. D'où
l'intérêt d'un instrument de droit pénal qui pourrait
criminaliser et sanctionner (y compris par des peines de prison) les actes ou
omissions graves portant atteinte à l'environnement et exercer des
pressions décisives pour faire respecter la loi.
Tel est précisément l'objet du nouveau projet de convention qui
qualifie le concept de responsabilité criminelle des personnes physiques
et surtout des personnes morales, ce qui constitue l'une des dispositions
centrales du projet. Précision importante : la
responsabilité pénale d'une personne morale n'exclut pas les
poursuites contre des personnes physiques.
D'après le rapport, le projet de convention constitue un excellent cadre
dont pourront s'inspirer les législateurs pour l'élaboration de
législations adéquates en matière pénale mais aussi
les Etats membres dont la législation est déjà bien
avancée, afin de la renforcer. L'Assemblée devrait par
conséquent recommander au Comité des Ministres de l'adopter et de
l'ouvrir à la signature des Etats.
Le rapport propose cependant quelques amendements dans un esprit constructif,
qui visent en particulier les réserves. Il propose que leur nombre soit
limité à deux par Etat contractant et que les réserves ne
puissent avoir qu'une validité temporaire de 3 ans au maximum. Par
ailleurs, aucune réserve ne devrait être autorisée quant
à la responsabilité pénale des personnes morales.
A l'issue du débat,
l'avis 204, figurant dans le rapport 8056,
amendé, est adopté.
14. Gestion des déchets radioactifs - Interventions de MM. François LESEIN, sénateur (RDSE), et Claude BIRRAUX, député (UDF) (Vendredi 24 avril)
Selon le
rapporteur, la gestion des déchets radioactifs est un sujet important
pour l'opinion publique et soulève un grand nombre de questions
scientifiques, politiques et éthiques à l'échelle
mondiale. Par ailleurs, la diffusion en grand nombre d'informations sur les
déchets et la sécurité nucléaires est souvent
biaisée par les préjugés contre l'énergie
nucléaire en général, ce qui crée un double
problème : les personnes mal informées se persuadent que les
inconvénients de cette énergie dépassent les avantages, et
ceux qui sont mieux informés sont tentés de croire que toutes les
informations sur les risques potentiels sont fausses.
Laissant de côté les arguments pour et contre le recours à
l'énergie nucléaire, le rapport part du constat que tous les
Etats membres du Conseil de l'Europe se trouvent devant des difficultés
liées à l'existence de déchets radioactifs dont les
sources se situent à l'intérieur et à l'extérieur
de leurs frontières. Il examine les principes fondamentaux et les
réglementations de sécurité concernant la gestion des
déchets radioactifs et la protection de l'environnement, formulés
par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur la
manipulation, le transport et l'évacuation de ces déchets. Le
rapport dresse également le tableau de la coopération
internationale dans ce domaine et de la situation quant aux dispositions
relatives à l'énergie nucléaire au niveau national,
notamment en Europe centrale et orientale.
L'auteur conclut que, si la gestion des déchets radioactifs doit
évidement faire l'objet de préoccupations scientifiques
constantes et rigoureuses, les informations communiquées au public sur
la question sont souvent inadéquates. Il présente ensuite des
recommandations pour améliorer à la fois la gestion des
déchets précités et la qualité de l'information
publique en la matière.
M. François LESEIN, sénateur (RDSE)
, intervient en ces
termes dans le débat :
"
Je félicite notre rapporteur M. Proke pour l'excellent
document dont nous disposons grâce à lui. Il ne s'agit pas d'une
concession à la politesse mais l'expression d'une
réalité : le rapport est à la fois
synthétique, extrêmement précis et les annexes, pour moi,
inédites. C'est un rapport que je conserverai comme document de
référence.
Je veux féliciter aussi notre rapporteur de l'esprit constructif avec
lequel il a abordé une question qui suscite trop souvent des positions
sommaires presque sectaires parfois, certains niant tout danger tandis que
d'autres voudraient la fin immédiate de la production d'énergie
nucléaire.
Le projet de résolution qui nous est soumis se situe exactement au
niveau où nous pouvions le souhaiter de la part du Conseil de
l'Europe : il s'agit de définir une éthique de la
responsabilité en matière de gestion des déchets
radioactifs, éthique commune à tout le vieux continent.
J'approuve également l'invitation adressée aux gouvernements de
développer la coopération technique et scientifique. M. Staes
vient d'insister lui aussi sur cette nécessité. Notre rapporteur
décrit les différentes méthodes accessibles. Il n'est pas
concevable que devant des risques évidemment transfrontières, les
connaissances techniques et les avancées qui ne manqueront pas
heureusement de se produire restent des monopoles nationaux.
Les études actuellement dispersées doivent faire l'objet de
communications afin que le progrès technique se diffuse rapidement dans
l'intérêt évident des populations de toute l'Europe et
au-delà.
En revanche, la gestion des déchets radioactifs doit incomber aux Etats
sur le territoire desquels ils ont été produits. Il serait
particulièrement choquant que les Etats les plus
développés qui produisent aussi le plus de déchets
radioactifs, délocalisent le stockage à long terme en achetant
une sorte de "droit à polluer" dans les pays en voie de
développement ou encore dans certains Etats d'Europe centrale et
orientale insuffisamment protecteurs de leur propre environnement. Il ne serait
pas moins choquant de se servir des océans comme d'une poubelle. On
vient d'en parler.
En évoquant l'éthique de responsabilité qui doit inspirer
la gestion des déchets radioactifs, je pense, non seulement, à la
responsabilité des pays développés vis-à-vis des
autres, mais surtout à notre responsabilité commune
vis-à-vis des générations futures. C'est dire l'importance
de mettre en place à l'échelon européen une harmonisation
des solutions retenues. C'est dire l'importance de la coopération afin
de faire progresser les techniques assurant la gestion de ces déchets
pleinement protectrice de la santé humaine et de l'environnement. C'est
dire l'intérêt d'adopter le projet de résolution
proposé par M. Proke ; c'est le voeu pressant du Groupe
libéral au nom duquel je m'exprime. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, prend à son tour
la parole :
" Je me réjouis que notre Assemblée puisse aborder le
thème des déchets nucléaires à travers un rapport
spécifique, plutôt qu'à travers un rapport fourre-tout qui
aurait jeté la confusion.
J'approuve le rapporteur lorsqu'il écrit que ce rapport ne traite pas
des arguments pour ou contre l'énergie nucléaire. Il donne
néanmoins quelques chiffres intéressants auxquels je vous renvoie
dans ce document.
L'effet de serre et les déchets radioactifs sont là, et nous
devons faire avec. Il est de la responsabilité de la
génération de ceux qui ont bénéficié des
avantages de la production d'électricité nucléaire de
faire face au problème de la gestion des déchets et de ne pas le
laisser sur les bras des générations futures. C'est bien cette
génération qui doit assumer. C'est un premier principe fort.
Il se complète d'une seconde affirmation, qui repose aussi sur la notion
de responsabilité. Il n'est pas question de se débarrasser
à bon compte de ce fardeau, en entreposant, sans précaution
aucune, ces déchets dans le désert ou dans les pays du tiers
monde qui, en échange de quelques pièces, ne se montreraient pas
trop regardants sur la protection de leur environnement.
Chaque pays utilisateur doit résoudre lui-même le problème
de la gestion de ses déchets. Ce principe de responsabilité se
retrouve dans la loi française, loi Bataille, votée en 1991.
Elle affirme que les déchets sont et demeurent propriété
du producteur même lorsque ce dernier les confie à d'autres
entreprises pour leur conditionnement ou leur gestion. La
traçabilité doit être assurée en tout temps et en
tout lieu, ce qui doit éviter la dispersion ou la dissémination
incontrôlée.
Pendant longtemps et même encore de nos jours, dans certains pays, un
débat a animé la communauté scientifique, celui des seuils
d'exemption ou de libération et en particulier celui d'un seuil
universel. La France n'a pas choisi cette voie, pourquoi ?
L'utilisation de l'énergie nucléaire demande tout au long de la
chaîne, une attention et une vigilance à nulle autre pareille. Le
danger de fixer ainsi des seuils universels est de voir des producteurs
utiliser abusivement la dilution pour se débarrasser de déchets
très toxiques, gênants : un seau ou deux dans un camion et
finalement, les normes globales sont respectées.
Un autre danger de fixation de seuils universels concerne en particulier les
ferrailles. Par dilution, on peut tout à fait obtenir un produit dont
l'activité soit en dessous d'un seuil. Mais combien de personnes
accepteront sans broncher que l'acier de leur voiture provienne de dilution de
ferrailles radioactives ? Ne croyez pas que cette affirmation soit
gratuite. Il est bon que vous sachiez que les ferrailles contaminées
provenant du démantèlement du centre nucléaire militaire
de Mururoa ont été achetées, en toute connaissance de leur
état, par une entreprise australienne.
J'aimerais ajouter deux commentaires :
Je ne suis pas favorable à la création de dépôts
internationaux de déchets nucléaires : c'est la
responsabilité de chaque Etat d'avoir recours à l'énergie
nucléaire. C'est sa responsabilité d'en assumer toutes les
conséquences, y compris la gestion des déchets.
Le public a parfois quelques difficultés à comprendre ces notions
nucléaires. Et lorsque j'entends certains orateurs, je sens qu'ils
traquent le premier becquerel venu. Or, il faut savoir que chacun d'entre
nous -les rapporteurs, les interprètes et moi-même qui vous
parle- nous avons une "activité nucléaire" qui représente
environ 6 à 7000 becquerels.
La plus grande transparence doit donc présider à la communication
sur ce sujet.
Mais ce qui me paraît important, en particulier en relation avec cette
échelle du temps, c'est qu'une coopération internationale intense
se développe pour accélérer les recherches sur la
transmutation des déchets radioactifs à haute activité et
à vie longue en déchets radioactifs à vie la plus courte
possible, voire en déchets inertes.
Les expériences menées par le professeur Carlo Rubbia dans ce
domaine sont encourageantes et doivent être poursuivies avec comme
objectif la construction d'un pilote industriel. D'autres expériences
conduites ailleurs doivent également se fédérer pour que
ces initiatives augmentent leur efficacité.
Nous devons nous rappeler que dans les rapports concernant la
sûreté en exploitation des centrales nucléaires, nous avons
mis l'accent sur la culture de sûreté et l'esprit de
responsabilité qui devait animer chacun des agents d'une centrale
nucléaire.
Les phases ultérieures de l'exploitation, c'est-à-dire les
différentes étapes de la gestion des déchets
nucléaires demandent un esprit de responsabilité tout aussi
grand. Responsabilité devant les générations futures et la
qualité de l'environnement que nous allons leur léguer.
Responsabilité de cette génération pour faire face
à ce problème et tenter de le résoudre.
Puisse ce premier rapport de notre Assemblée sur ce sujet provoquer une
prise de conscience de chacun des Etats, de chacun des acteurs et de chacun des
citoyens. "
Sur le projet de résolution, quatre amendements ont été
déposés par MM. OLRICH et
Claude BIRRAUX,
député (UDF)
.
Le premier amendement rappelle les grands principes environnementaux concernant
la question des déchets radioactifs énoncés dans les
traités internationaux et les résolutions de l'ONU.
Un deuxième amendement vise à supprimer un paragraphe de la
résolution qui doute des méthodes scientifiques traditionnelles
pour résoudre le problème des déchets radioactifs.
Un troisième amendement propose de promouvoir le principe selon lequel
c'est aux Etats producteurs de déchets radioactifs de veiller à
la sûreté de leur stockage et de leur évacuation.
Enfin un dernier amendement demande le renforcement des mesures de
sécurité concernant les déchets radioactifs et notamment
de ne pas autoriser le stockage ou l'évacuation des déchets
à proximité du milieu marin sans avoir la preuve que cela
n'entraîne aucun risque pour la population ou le milieu marin.
S'exprimant alors au nom de la Commission de la science et de la technologie,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a donné par quatre
fois un avis favorable et les amendements ont été adoptés.
Enfin, sur le projet de résolution, MM.
OLRICH et
BIRRAUX
ont déposé de nouveaux amendements qui proposent
" de
prendre toutes les mesures possibles pour réduire le déversement
de déchets radioactifs dans le milieu marin "
et
" de
veiller à ce que le transport des déchets radioactifs par mer
soit strictement limité et que la norme IMF soit la norme
minimale "
.
Après avis favorable de la Commission, ces amendements sont
également adoptés.
La résolution 1157, contenue dans le rapport 8054, est
adoptée, ainsi amendée, à
l'unanimité.
III. LES RÉUNIONS GROUPÉES DE COMMISSIONS (LISBONNE - du 25 au 26 mai 1998)
Le
Bureau de l'Assemblée ainsi que la Commission permanente et la
Commission des Questions politiques de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe se sont réunis à Lisbonne les 25 et 26 mai
1998. Les participants à ces réunions ont été
accueillis au Parlement portugais par
M. António ALMEIDA
SANTOS
, Président de l'Assemblée de la République du
Portugal, et
M. Alberto MARTINS
, Président de la
Délégation portugaise à l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe.
Le Bureau a notamment débattu (ainsi que la Commission politique) de la
situation au Kosovo et des suites à donner à la Recommandation
1368 adoptée par l'Assemblée en avril dernier,
Mme Josette
DURRIEU
,
sénateur (Soc)
,
MM. Jacques BAUMEL,
député (RPR)
, ainsi que
Georges LEMOINE,
député (Soc)
intervenant dans ces débats. En outre, le
Bureau a décidé de prolonger le mandat de l'actuel
Secrétaire général du Conseil de l'Europe,
M. Daniel TARSCHYS
, jusqu'en septembre 1999.
La Commission permanente a adopté, en lieu et place de
l'Assemblée plénière, les textes suivants :
- la Résolution 1158 (rapport 8044) sur les activités de la
Commission économique pour l'Europe des Nations unies, modifiée
par un amendement cosigné par
Mme Josette DURRIEU, sénateur
(Soc)
, et
M. Jean BRIANE, député (UDF)
.
M.
Yves BERTHELOT
, Secrétaire exécutif de la Commission
économique pour l'Europe des Nations unies, a présenté les
activités de cette Commission en introduction au débat ;
- la Recommandation 1373 (rapport 8097) sur la liberté de
circulation et la délivrance de visas aux membres de l'Assemblée
Parlementaire du Conseil de l'Europe ;
- la Recommandation 1374 (rapport 8066) sur la situation des femmes
réfugiées en Europe, modifiée par trois amendements
cosignés par
Mmes Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
et
Yvette ROUDY, députée (Soc)
, qui ont été
adoptés à l'unanimité ;
- la Recommandation 1372 (rapport 8001, avis 8095) visant à la
ratification par les Etats membres du Conseil de l'Europe de la Convention
d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement
exportés.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, est intervenu
dans ce débat ;
- la Recommandation 1375 (rapport 8111) visant à la protection des
collections accessoires contre le risque de dispersion ;
- les Avis 205 et 206 (rapport 8098) sur les budgets du Conseil de
l'Europe pour les exercices 1998 et 1999 et les dépenses relatives
à l'Assemblée pour l'exercice 1999.
MM. Bernard
SCHREINER, député (RPR), Marcel DEBARGE, sénateur (Soc),
Daniel HOEFFEL, Sénateur (UC), Raymond FORNI, député
(Soc)
, ainsi que
M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR)
sont intervenus dans ce débat ;
- la Résolution 1159 (rapport 8096) sur la composition des groupes
politiques de l'Assemblée ;
- la Résolution 1160 (rapport 8093) sur l'élection des
Vice-Présidents de l'Assemblée ;
- la Résolution 1161 (rapport 8071) sur le processus de transition
du secteur agricole dans les pays d'Europe centrale.
MM. Jacques BAUMEL, député (RPR)
et
Georges LEMOINE,
député (Soc)
, sont intervenus également lors de la
réunion de la Commission des Questions politiques, qui a entendu une
allocution de
M. Jaime José MATOS GAMA
, Ministre des Affaires
étrangères du Portugal.
A l'occasion de ces réunions, les membres de la Délégation
présents à Lisbonne, ont été accueillis par le
Premier Ministre du Portugal
M. António GUTERES
, sur le site de
l'exposition mondiale 1998, " les Océans, un patrimoine pour le
futur ", et ont pu visiter notamment le pavillon du Portugal et le
pavillon du Conseil de l'Europe.
IV. LA TROISIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 juin 1998)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 22 au 26 juin 1998 (troisième
partie de la session ordinaire de 1998).
Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des allocutions de :
-
Sa Majesté ALBERT II
, roi des Belges,
-
M. Michel CAMDESSUS
, Directeur général du Fonds
Monétaire International,
-
M. Charles FRANK
, Président de la Banque Européenne
pour la Reconstruction et le Développement (BERD),
-
M. Bronislaw GEREMEK
, Ministre des Affaires
étrangères de Pologne, Président en exercice de
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en
Europe (OSCE) qui a répondu aux questions de
Mme Josette
DURRIEU
, sénateur (Soc) et de
M. Jacques BAUMEL
,
député (RPR).
Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission Permanente (Rapport
8136 et addenda) a donné lieu à l'adoption des avis 205 et 206,
des recommandations 1372 à 1375 et des résolutions 1158 à
1161.
La communication du Comité des Ministres a été
présentée par
M. Giorgios PAPANDREOU
,
Ministre-adjoint des Affaires étrangères de la Grèce, au
nom du Président en exercice du Comité des Ministres (rapport
8137), qui a répondu aux questions de
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC) et de
Mme Josette
DURRIEU
, sénateur (Soc).
L'Assemblée a en outre délibéré des rapports
suivants :
- rapport d'information sur le respect des obligations et engagements de
la Fédération de Russie (rapport 8127) ; intervention de
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC) ;
- l'économie japonaise dans le contexte de l'Asie du sud-est et du
monde (rapport 8043 révisé) ; intervention de
M. Bernard
SCHREINER
, député (RPR) - résolution 1164 ;
- activités de la BERD pour 1997 (rapport 8132) ; intervention de
M. Claude BIRRAUX
, député (UDF) - résolution
1162 ;
- projet de convention pénale sur la corruption (rapport
8133) ; intervention de
M. Michel HUNAULT
,
député (RPR) - avis 207 ;
- l'accord sur l'Irlande du Nord (rapport 8134) ; allocutions de
M. Paul MURPHY
, Secrétaire d'Etat du Royaume-Uni pour
l'Irlande du Nord et de
Mme Liz O'DONNELL
, Secrétaire d'Etat de
l'Irlande au département des Affaires étrangères -
résolution 1163 ;
- crise au Kosovo et situation en République fédérale
de Yougoslavie (rapport 8149 et avis 8150) ; intervention de
Mme Josette
DURRIEU
, sénateur (Soc) - directive 544 et recommandation 1376 ;
- situation humanitaire des réfugiés et des personnes
déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de
l'Irak (rapport 8131) ; intervention de
Mme Laurence DUMONT
,
députée (Soc) - directive 545 ;
- fonds de Développement social du Conseil de l'Europe :
activités et perspectives (rapport 8124 et avis 8128) ; intervention de
M. Jean BRIANE
, député (UDF) - recommandation 1378 ;
- instruction élémentaire en science et technologie (rapport
8122 et avis 8129) - directive 546 ;
- droit au respect de la vie privée (rapport 8130) ; l'avis (8146)
de la commission des questions sociales est présenté par
M. Gilbert MITTERRAND
, député (Soc) -
résolution 1165.
Au cours de cette session,
M. Jacques WARIN
, Ambassadeur,
Représentant permanent de la France auprès du Conseil de
l'Europe, a offert un dîner aux Délégations
française et roumaine, respectivement présidées par
Mme
Josette DURRIEU
et
M. Vasile LUPU
, qui a permis aux membres des deux
Délégations d'utiles échanges de vues.
2. Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 22 juin)
Selon le
rapporteur, une fois de plus, il s'est passé beaucoup de choses depuis
la dernière partie de session. Celle-ci commence par évoquer la
réunion que la Commission permanente a tenue le 26 mai à
Lisbonne où le Parlement portugais lui a réservé un
accueil très chaleureux. Cette réunion a permis d'avoir un
aperçu de la grandiose exposition universelle qui constitue le point
fort de toute visite au Portugal cette année.
La Commission Permanente a tenu un long débat sur les questions
budgétaires et elle a adopté plusieurs avis à cet
égard. Le 6 mai, innovation importante eu égard au
rôle que l'Assemblée peut jouer dans les débats sur les
questions budgétaires du Conseil de l'Europe, une
délégation de l'Assemblée a tenu, avec les
délégués des Ministres, un échange de vue sur la
fixation du plafond budgétaire pour 1999.
En ce qui concerne les questions politiques relatives aux Etats membres et non
membres, l'attention s'est plus particulièrement portée sur la
Lettonie et la République fédérale de Yougoslavie, et
notamment sur la situation au Kosovo.
Pour ce qui est du Bélarus, le Bureau a demandé à
M. Antretter de se rendre sur place pour examiner la situation et lui
faire rapport. Cette décision a été prise en vue
d'éviter d'éventuelles confusions avec la procédure
d'adhésion pour laquelle des rapporteurs ont déjà
été nommés.
Par ailleurs, une délégation de l'Assemblée s'est rendue
au Kosovo et en République fédérale de Yougoslavie.
Quant à l'Albanie, elle reste bien entendu au nombre des
préoccupations du Bureau qui a décidé d'envoyer une
délégation à Tirana dans le cadre d'une nouvelle mission
tripartite qui devrait se rendre sur place peu après la clôture de
la présente partie de session.
Le rapport souligne, à la veille de 1999, que cette année
marquera le 50e anniversaire du Conseil de l'Europe. Le Bureau a d'ores et
déjà réservé la journée du
30 avril 1999 pour la tenue d'un débat avec les jeunes des
Etats membres.
La conférence des Présidents de parlement tenue récemment
en Suède a réuni non seulement les présidents, mais
également les secrétaires généraux des parlements
des quarante Etats membres du Conseil.
La discussion a essentiellement porté sur les défis à
relever par les parlements nationaux dans une Europe démocratique qui
s'élargit. Les participants ont convenu que ce thème était
d'une grande pertinence pour tous les parlements nationaux et que
l'Assemblée du Conseil de l'Europe serait le cadre approprié pour
y donner suite.
A l'issue du débat,
acte est donné du rapport
d'activité du Bureau et de la Commission permanente n° 8136 et
addendum.
3. Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 22 juin)
Les
rapporteurs notent que les progrès réalisés par la Russie
sur la voie de l'Etat de droit et de la démocratie depuis plusieurs
années sont indéniables. En témoignent les nombreuses
élections pluralistes et démocratiques, sur le plan
fédéral et régional, qui ont marqué le paysage
politique russe ces dernières années. Le pluralisme politique, la
liberté d'opinion et le passage à l'économie de
marché sont en voie de réalisation, malgré des
difficultés compréhensibles. La ratification par la Russie, le 5
mai 1998, de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la
Convention contre la Torture et de la Charte européenne de l'Autonomie
locale, constitue une étape historique de l'ancrage de cet immense pays
dans le système des valeurs prônées par le Conseil de
l'Europe. Le passage prochain de la responsabilité du système
pénitentiaire au ministère de la Justice, l'entrée en
vigueur du nouveau code civil et du nouveau code pénal et le respect,
depuis août 1996, du moratoire présidentiel sur la peine de mort,
constituent d'autres avancées essentielles.
Ils estiment toutefois que la poursuite de la procédure de suivi se
justifie par le fait que la Russie doit faire encore des efforts pour honorer
les obligations et engagements qu'elle a souscrits lors de son adhésion
au Conseil de l'Europe, à savoir :
- l'application de la législation sur l'ensemble du
territoire ;
- le respect de la liberté de mouvement et du choix du lieu de
résidence ;
- le respect des droits sociaux, notamment du paiement des salaires et des
pensions, en conformité avec la Charte sociale européenne, que la
Russie est invitée à ratifier prochainement ;
- l'abolition définitive de la peine de mort ;
- la levée des réserves à la Convention
européenne des Droits de l'Homme ;
- la mise en oeuvre de la liberté de religion ;
- l'adoption d'un code de procédure pénale, conforme aux
normes européennes ;
- la réforme du ministère public ;
- la réforme du système pénitentiaire,
l'amélioration des conditions de détention et le recours accru
aux peines non privatives de liberté ;
- la lutte contre les mauvais traitements des appelés et l'adoption
d'une loi sur un service militaire de substitution ;
- la lutte contre la corruption et le crime organisé dans
l'économie ;
- la réforme des services secrets en vue de supprimer le droit du
Service fédéral de sécurité de mener des
instructions judiciaires et de gérer ses propres centres de
détention provisoire ;
- l'accélération des poursuites contre les coupables de
violations des droits de l'homme durant le conflit de Tchétchénie
et la recherche d'une solution politique du conflit ;
- le maintien de relations amicales avec les Etats voisins.
Les rapporteurs recommandent par ailleurs un renforcement des programmes de
coopération avec la Russie, et notamment du programme joint Union
Européenne-Conseil de l'Europe, en vue de consolider les structures
fédérales et les mécanismes de protection des droits de
l'homme, et de réformer le système juridique.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
intervient dans le débat
en ces termes :
" Il y a deux ans et demi une nette majorité de notre
assemblée a admis la Russie comme membre du Conseil de l'Europe.
Nous l'avons fait en notre âme et conscience, à l'issue d'un large
débat, marquant ainsi notre volonté commune de considérer
la Russie comme une partie intégrante de l'Europe. C'était aussi
un acte de confiance en la capacité de la Russie de se conformer aux
droits et obligations qui sont ceux des pays membres du Conseil de l'Europe.
Le rapport d'information qui nous est présenté aujourd'hui, fait
le point à ce sujet. Nous devons rendre hommage à nos
collègues MM. Bindig et Muehlemann pour leur analyse approfondie de
la situation et pour leur vision des perspectives d'évolution.
Notre groupe estime que tous les pays membres qui ont accepté de
respecter les principes constituant le fondement de notre Organisation doivent
évidemment s'y conformer. C'est une obligation qui s'impose à
tous. Tous les membres du Conseil de l'Europe sont égaux et doivent
être égaux face aux engagements qu'ils ont
contractés ; égaux pour les droits, égaux pour les
obligations.
Selon le rapport qui nous est présenté : " les
progrès réalisés par la Russie sur la voie de l'Etat de
droit et de la démocratie depuis plusieurs années sont
indéniables ". Nous y souscrivons. Incontestablement, des signes
concrets étayent ce constat : apparition du pluralisme politique et
de la liberté d'opinion, ratification de la Convention européenne
des Droits de l'Homme, entrée en vigueur d'un nouveau code civil et d'un
nouveau code pénal, moratoire présidentiel sur la peine de mort,
constituent autant d'indices et de décisions qui, allant dans la bonne
direction, témoignent d'une volonté réelle des
responsables de la Russie.
Cet effort doit être poursuivi et intensifié. Nous savons qu'il
s'agit d'une action qui doit être placée sous le signe de la
persévérance et de la continuité. Atteindre les objectifs
fixés ne peut se faire qu'étape après étape et
suppose une volonté sans faille de la part des responsables de la Russie
tout entière, orientée vers la réforme.
Le rapport de MM. Bindig et Muehlemann énumère les domaines
dans lesquels la nécessité des améliorations est la plus
urgente. J'insisterai plus particulièrement sur cinq aspects :
l'application des droits et obligations sur tout le territoire de la Russie,
tâche dont nous mesurons l'ampleur car il faut que les décisions
prises à Moscou s'appliquent partout ; répartition
clarifiée des tâches entre le ministère de la Justice et
celui de l'Intérieur, et renforcement du contrôle
parlementaire ; mise en pratique de la Convention européenne des
Droits de l'Homme pour qu'elle passe du stade de la ratification à celui
de la concrétisation ; maintien de relations amicales avec tous les
Etats voisins, nécessaire pour la préservation d'un climat de
confiance en Europe orientale entre des pays désormais
partenaires ; lutte contre la corruption et le crime organisé dans
l'économie, dont la poursuite conditionne le passage à
l'économie de marché.
Ce sont autant d'exemples qui montrent l'ampleur de la tâche. Dans cette
mission les dirigeants russes ne doivent pas se sentir seuls. Ils ont besoin de
notre compréhension et de notre solidarité. A cet égard,
le Conseil de l'Europe, a un rôle considérable à jouer,
à travers les missions de suivi, sans oublier qu'un rôle de
conseil lui incombe pour permettre, en particulier, l'adaptation des
institutions à la démocratie.
Il faut que le Conseil de l'Europe, et ce sera ma conclusion, se montre actif
et volontariste dans sa mission consultative. Nous y trouverons l'occasion
d'accélérer l'harmonisation des droits et obligations dans toute
l'Europe, mais ce sera aussi une manière d'affirmer la capacité
du Conseil de l'Europe à faire preuve d'une autorité
accrue. "
La discussion n'a pas été suivie d'un vote, l'Assemblée
s'étant contentée d'évaluer la situation en vue de
nouveaux progrès ainsi que le veut la procédure de suivi.
4. Economie japonaise dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 23 juin)
Le
rapporteur se félicite des efforts déployés par le Japon
pour réformer son économie de manière à assurer une
concurrence et une transparence plus grandes au plan national et à
s'ouvrir davantage aux investissements étrangers et aux importations de
biens et services. La faiblesse actuelle du yen rend ces efforts d'autant plus
urgents.
Compte tenu de la crise que connaissent actuellement le Japon et l'Asie du
Sud-Est dans son ensemble, M. Schwimmer considère que l'Europe devrait
encourager ces efforts dans l'intérêt de la santé
économique mondiale et resserrer aussi les liens avec le Japon, qui
jouit du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe. Le rapport
aborde également des problèmes tels que le vieillissement rapide
de la population japonaise et les contraintes affectant le système
financier du pays asiatique.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
prend la parole dans le
débat de la façon suivante :
" Le Japon est aujourd'hui confronté à une récession
sévère et, sans doute, à sa plus sérieuse crise
économique depuis trente ans. Pourtant, son économie semblait
s'être plutôt bien sortie d'une période de convalescence de
1995 au début de 1997, après le ralentissement des années
80.
Il s'avère même qu'une régression se dessine : le PIB
japonais a en effet reculé de 0,7 % de mars 1997 à avril
1998. Il s'agit de la première baisse de la croissance sur une
année depuis 1974, lorsque ce pays - très démuni en
ressources énergétiques - subissait le premier choc
pétrolier.
Le contexte a toutefois totalement changé. La crise financière
asiatique, ouverte en juillet 1997 après la dévaluation massive
du baht thaïlandais et la contamination rapide à la
quasi-totalité des économies de la zone - Philippines,
Indonésie, Malaisie, Corée, Hong Kong, etc. - a servi de
révélateur à la crise japonaise. A la fin du mois de
novembre 1997, avec la mise en liquidation de Yamaichi, quatrième maison
de titres du Japon, le pays enregistrait sa plus grande faillite
financière depuis 1945.
Depuis lors, la quasi-totalité des indicateurs sont au rouge : la
demande intérieure reste faible, la production industrielle continue de
décroître, l'emploi s'est détérioré, la
croissance des exportations s'essouffle alors que celles vers les autres pays
asiatiques baissent très fortement.
Deux éléments forts expliquent cette situation.
En premier lieu, l'absence de réformes d'un système financier
opaque et par certains aspects corrompu, a fait perdre la nécessaire
confiance interne et externe envers les structures bancaires et
boursières du pays.
En second lieu, cette déstabilisation profonde du système
financier dans son ensemble a abouti à une accumulation sans
précédent de créances douteuses, officiellement
évaluées à 77 000 milliards de yens, soit
566 milliards de dollars, et dépassant probablement les
100 000 milliards de yens, selon maints experts. Le montant
provisionné par les banques japonaises serait de 30 000 milliards
de yens.
Cette situation n'a pas été sans conséquence sur le niveau
des bourses asiatiques, très sensibles au degré de confiance que
leur attribuent les opérateurs non résidents jusqu'alors
très actifs et délibérément spéculatifs sur
l'ensemble de ces places. La crise japonaise a également eu des
conséquences au-delà de l'Asie, notamment sur les bourses
émergentes d'Amérique latine et de Russie, elles aussi hautement
spéculatives.
Par ailleurs, les exportations américaines vers le Japon s'inscrivent en
baisse sensible -moins 8 milliards de dollars au premier semestre 1998- et
chutent plus lourdement encore vers les autres pays d'Asie du Sud-Est :
moins 21 milliards de dollars pour la même période, dont
près de deux tiers vers la Corée du Sud.
Au Japon, la presse et une large partie de l'opinion critiquent
dorénavant de manière explicite l'attitude gouvernementale de
relative passivité face à la crise. De même, la BOJ, Banque
du Japon, appelle ouvertement de ses voeux des changements forts d'orientation
car, à défaut, le pays entrerait durablement dans une spirale
déflationniste.
La réforme du système financier, contrôle et
réglementation, devrait être menée à bien, selon ces
opinions, de même que la mise en oeuvre la plus immédiate possible
de l'important plan de relance de 16 650 milliards de yens - 114 milliards
de dollars - adopté fin avril et comprenant 12 300 milliards de
yens d'engagements budgétaires nouveaux, ainsi que 4 000 milliards
de réductions d'impôts.
A défaut de gestes publics forts, l'intervention concertée avec
le Trésor américain pour contrer la chute du yen sur les
marchés, telle qu'initiée le mardi 15 juin, ne réglera
rien au fond : la méfiance ou la nervosité des
marchés repartira immanquablement. S'agissant de l'Europe, c'est vrai
à plus long terme avec l'euro, les effets de la crise japonaise restent
incertains, exception faite des conséquences directes du recul de la
demande extérieure de ce pays. Une certaine fuite des capitaux japonais,
déjà perceptible, peut peut-être favoriser certaines places
au-delà de Wall Street - Francfort, par exemple, ou Londres... - mais ce
phénomène ne compensera certainement pas les pertes de
marchés enregistrées par les Européens en Asie.
En tout état de cause, une implication européenne au sein du G7
reste indispensable pour la solution de la crise japonaise, car il convient
d'éviter que ne s'instaure une concertation bilatérale unique
entre les Etats-Unis et le Japon sur les voies et moyens de sortie de
crise. "
A l'issue du débat,
la résolution 1164 figurant dans le
rapport 8043 est adoptée à l'unanimité.
5. Activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour 1997 - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 juin)
La
Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(BERD), qui compte 60 membres, créée en 1991 pour faciliter la
transition des pays d'Europe centrale et orientale vers l'économie de
marché, continue d'étendre ses activités dans les 26 pays
où elle opère. Après le doublement de sa base
capitalistique, passée de 10 à 20 milliards d'ECU en 1997, la
Banque a consenti pour un total de 2,3 milliards d'ECU de prêts
cette année, et ce chiffre devrait se maintenir à ce niveau,
voire augmenter en 1998.
Le rapport se penche sur trois importantes branches d'activité de la
BERD : la privatisation et la restructuration des entreprises d'Europe
centrale et orientale, les institutions financières dans les pays en
transition, et l'agro-industrie. L'auteur relève que 80 % des
prêts accordés en 1997 concernaient le secteur privé, ce
qui a amené la part de celui-ci à 67 % des engagements
cumulés de la Banque, tandis que la part des moyennes entreprises est
passée de 15 % à 19 % du total des engagements. En 1997
aussi, 52 opérations financières ont été
entreprises, pour une valeur de quelques 480 millions d'ECU,
représentant environ 28 % du total des opérations. La Banque
a financé des projets d'une valeur de 250 millions de dollars dans
l'agro-industrie, surtout en Bulgarie, en Pologne, en Russie et en
Ukraine ; cependant, les investissements dans ce secteur ne se sont pas
traduits pour l'instant par une augmentation notable de leur part actuelle de
2 % du portefeuille total de la BERD.
Parmi les principaux problèmes soulignés par le rapporteur, on
peut citer le fort endettement de nombreuses entreprises, la lenteur des
réformes structurelles dans certains pays, accentuée par des
interférences bureaucratiques, l'augmentation considérable de la
pauvreté, ainsi que la corruption et la criminalité
économique. En même temps, les forces du marché ont fait
apparaître d'importantes transformations structurelles dans les
entreprises d'Europe centrale et orientale, ouvrant la voie à davantage
d'investissements étrangers. Le rapport est favorable au " principe
de complémentarité " de la BERD, en vertu duquel les
prêts accordés par la Banque sont destinés à
compléter les autres investissements au lieu de les remplacer. L'auteur
invite aussi à un ajustement de la politique commerciale de l'Union
européenne afin d'étendre plus d'accords
préférentiels aux pays d'Europe centrale et orientale, soulignant
que le commerce est la clef du succès de la transition. Le rapport
conclut en disant que la BERD a encore une mission importante à remplir
en facilitant l'achèvement du processus de transition, tant par ses
prêts que par son rôle de conseil.
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
,
intervient dans le
débat en ces termes :
" La commission de la science et de la technologie accorde une attention
particulière au compte de sûreté nucléaire
géré par la Banque, ainsi qu'au Fonds pour le sarcophage de
Tchernobyl. En effet, notre assemblée a adopté en 1992
et 1997 des rapports relatifs à la sûreté
nucléaire dans les pays d'Europe centrale et orientale et a
formulé des recommandations, dont une tendant à " augmenter
d'une manière sensible les contributions financières volontaires
au compte pour la société nucléaire de la BERD, afin qu'un
nombre plus grand de projets spécifiques puissent être
subventionnés par l'intermédiaire de la Banque.
Je voudrais d'emblée rappeler ici que le compte pour la
sûreté nucléaire géré par la Banque est
alimenté par des contributions volontaires des pays donateurs. Au 31
décembre 1997, quatorze pays, plus l'Union européenne, avaient
annoncé pour 260,6 millions d'ECU de contribution.
Cela signifie qu'en aucun cas, l'aide à l'amélioration de la
sûreté nucléaire ne se fait au détriment d'une
quelconque action de la Banque. Je tenais à le rappeler car j'ai entendu
par le passé, y compris dans cette enceinte, des propos totalement faux
à ce sujet.
Les projets en cours concernent la Bulgarie, pour la centrale du Kozloduy et la
Lituanie, avec l'accord signé en février 1994, pour la centrale
d'Ignalina, projet en cours d'achèvement. J'ai pu personnellement me
rendre compte des efforts déployés par la Lituanie pour mettre en
oeuvre le programme d'amélioration.
Pour la Russie, les accords signés en 1995 concernent les centrales de
Leningrad (Sosnovy-Bor de type RBMK), Novovoronezh, Kola. Il me semble que
l'inertie de ce pays et de ses structures rend toute action bien difficile.
Pour l'Ukraine, le mémorandum signé le
20 décembre 1995 par ce pays, le G7 et l'Union
européenne prévoit la fermeture de Tchernobyl d'ici à
l'an 2000. Le projet signé avec la Banque en novembre 1996,
d'une valeur de 118 millions d'ECU, consistera à préparer la
fermeture des tranches 1, 2 et 3.
Le mémorandum prévoyait aussi l'achèvement des centrales
de Rivné et de Khmelnitsky -des VVER 1000- aux normes occidentales. L'an
dernier, la Banque avait brandi une étude dite
at least cost
pour
ne pas entrer en matière, prétextant que cette étude lui
était imposée par le G7. Plusieurs communiqués du G7,
ultérieurs à notre débat de juin 1997, me laissent
penser que le G7 pressait la Banque d'entrer en matière. Cette
année, cet aspect du mémorandum n'est pas abordé par la
Banque, me laissant dans l'incertitude sur cet aspect des procédures.
Par contre, un document du 31 mars de l'Union européenne laisse
entrevoir la possibilité de financer l'achèvement de ces deux
centrales par des prêts Euratom.
Pour la bonne information de notre Assemblée, j'ajoute que sur la
période 1991-1997, les programmes européens Phare et Tacis ont
engagé des opérations pour respectivement 150 millions d'ECU
et 573 millions d'ECU. Pour l'exécution du plan d'action du G7, il
est prévu, sur la période 1994-1996, 100 millions d'ECU.
Le plan d'action du G7 pour la fermeture de Tchernobyl a été
complété, lors du Sommet de Denver en 1997, par la mise en
place d'un mécanisme supplémentaire : le Fonds pour le
sarcophage de Tchernobyl. Il est doté de 300 millions de dollars.
Mais il faut savoir que la mise en oeuvre du plan d'exécution du
sarcophage nécessitera huit à neuf ans et coûtera
quelque 760 millions de dollars ce qui signifie que 60 % du
financement n'est pas encore réuni.
A la lecture du rapport 1997 de la Banque, il n'apparaît pas de
différend sur les procédures propres de l'institution. De deux
choses l'une, ou bien lassés de mes critiques les rédacteurs ont
préféré les passer sous silence ; ou bien les projets
engagés étaient suffisamment prêts et bouclés et les
différents intervenants ont trouvé chacun leur place, apportant
une contribution positive dans l'action concrète. J'espère que
c'est cette seconde version qui a prédominé, et si c'est le cas,
je m'en réjouis.
Permettez-moi enfin d'insister sur la cohérence des choix. La
sûreté nucléaire, le développement de la culture de
sûreté doivent être une ligne de conduite unique et ferme.
Cela vaut pour la Banque, qui n'a pas réussi à mener à
bout les opérations, très controversées ces derniers
temps, comme celle de Mochovce en Slovaquie, faute d'une cohérence bien
établie.
Cela vaut aussi pour les pays bénéficiaires, pour qui la mise en
oeuvre d'un programme d'amélioration de la sûreté ne
signifie pas que la sûreté est garantie à tout jamais,
à un niveau maximum et qu'il n'y a plus de problème pour
l'éternité. Il faudra arrêter les centrales qui sont
actuellement en fonctionnement, et cela le plus vite possible. Il faut que ces
pays l'aient bien en mémoire.
Il est utile de rappeler que la sûreté est un combat de tous les
instants et que le développement d'une culture de sûreté
à tous les niveaux de la hiérarchie est aussi une mesure du
changement d'échelle de valeurs pour les pays de l'ex-bloc communiste
qui ont rejoint le bloc démocratique. "
Au terme du débat,
la résolution 1162 figurant dans le rapport
8132 est adoptée à l'unanimité.
6. Projet de convention pénale sur la corruption - Intervention de M. Michel HUNAULT, député (RPR) (Mardi 23 juin)
Le
projet de Convention pénale sur la corruption élaboré par
le GMC (Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption) a été
transmis à l'Assemblée parlementaire pour avis avant son adoption
par le Comité des Ministres.
Au nombre des aspects positifs, le rapporteur de la Commission des questions
juridiques et des droits de l'homme M. Jaume Bartumeu Cassany constate que
ce texte couvre un champ très vaste (celle de l'Union européenne
se limitant aux fonctionnaires des Communautés européennes et aux
Etats membres de l'Union européenne et celle de l'OCDE à la
corruption active dans les transactions commerciales).
Il souligne également l'intérêt particulier de ce texte
dans le domaine de la coopération internationale : la convention
prévoit d'une part que les Etats fournissent spontanément aux
autres Etats les informations en leur possession. D'autre part, elle comporte
une forme de subsidiarité à cette coopération en ne
s'appliquant que lorsqu'elle n'est pas organisée par les
législations nationales ou d'autres accords (bilatéraux ou
multilatéraux). Cette dernière disposition est essentielle pour
faciliter la coopération internationale contre la corruption avec des
Etats qui ne sont pas liés par d'autres instruments juridiques.
Le Rapporteur relève cependant que le texte comporte quelques points
d'ombre qui risquent de le vider de sa substance. Notamment, le texte contient
un nombre trop élevé de possibilités de réserves.
C'est pourquoi il est proposé à l'Assemblée de recommander
au Comité des Ministres de l'amender et notamment :
- de limiter le nombre de réserves possibles,
- d'exclure la possibilité de réserves pour les membres
d'assemblées publiques nationales, les membres d'assemblées
publiques étrangères et les membres d'assemblées
internationales,
- que la responsabilité pénale des personnes morales soit
engagée (art. 18)
- que l'Assemblée parlementaire soit associée au suivi de la
mise en oeuvre de la Convention en siégeant au mécanisme
prévu à cet effet (GRECO).
M. Michel HUNAULT, député (RPR)
,
formule les
observations suivantes :
" Notre Assemblée est invitée à donner son
approbation à ce très important rapport de convention
pénale sur la corruption.
Nous savons combien la corruption a pris aujourd'hui une ampleur sans
précédent. Rarement autant de responsables politiques ou du monde
économique ont été mis en cause dans les " affaires
". La corruption constitue l'une des plus graves menaces en cette fin de
siècle pour nos démocraties et représente un réel
danger pour la stabilité de nos institutions.
Je veux d'abord saluer le contenu de ce projet de convention qui oblige chacune
des parties à ériger en infractions pénales des pratiques
aujourd'hui hélas fréquentes, mais fort condamnables. Il faut
aussi être plus efficace, ce qui nécessite de prévoir
l'incrimination coordonnée de ces infractions et, surtout, une
coopération renforcée dans leur poursuite.
Je tiens à mettre l'accent sur les liens de la corruption avec le crime
organisé et le blanchiment de l'argent. Je regrette solennellement que
tous les pays membres de notre haute Assemblée n'aient pas à ce
jour adopté dans leur législation interne, la
précédente recommandation du Conseil de l'Europe qui les incitait
à créer un véritable délit du blanchiment de
l'argent. La France, pour sa part, l'a adoptée par une loi votée
à l'unanimité le 2 mai 1996. Mais beaucoup de pays
ne l'ont toujours pas fait à ce jour.
Or, pour être efficace, l'élaboration d'une politique
pénale commune exige une coopération entre les autorités
nationales. Il faut, pour ce faire, faciliter le travail des autorités
chargées des investigations et de la poursuite des infractions
pénales.
Le chapitre IV de la convention pénale rappelle aux parties
à la convention la nécessité de coopérer, condition
incontournable d'efficacité. Aucun pays ne devrait pouvoir invoquer le
secret bancaire pour justifier son refus de toute opération
prévue dans ce texte.
Il est nécessaire de faciliter la coopération des magistrats qui
se heurtent trop souvent aux législations internes de chacun des Etats
membres à l'heure de la mondialisation de l'économie et de
transferts de capitaux dont l'origine est souvent mal connue.
Le projet de convention pénale sur la corruption, parce qu'il s'inscrit
dans le cadre des actions menées par les organismes monétaires
internationaux et d'autres organisations à l'échelon
européen est un élément décisif de la lutte contre
l'argent sale. J'aurais souhaité, pour ma part, qu'il s'accompagne d'un
calendrier précis d'adoption au sein des législations de chacun
des Etats membres de notre Assemblée.
Je considère que la lutte contre la corruption -ainsi que contre ses
liens avec le crime organisé et le blanchiment de l'argent- est devenue
une priorité et que la ratification de cette convention devrait
être exigée de chacun des Etats membres au même titre que
l'harmonisation des législations en matière des droits de l'homme.
Il me semble que notre Assemblée devrait demander au Comité des
Ministres de donner des moyens accrus aux magistrats. Il faut, en effet, que
soit renforcée la coopération judiciaire internationale,
indispensable si l'on veut lutter efficacement contre la corruption.
L'émergence d'institutions judiciaires européennes
indépendantes doit être favorisée. Aujourd'hui, en effet,
les législations nationales font trop souvent obstacle à
l'efficacité de la coopération européenne. D'où ma
suggestion de compléter l'article 29 du titre IV en
suggérant la création d'un organisme constitué de
magistrats européens spécialisés dans les affaires
financières.
C'est l'honneur du Conseil de l'Europe que de se préoccuper de ce
fléau de notre fin de siècle qu'est la corruption en lui donnant
une définition commune et d'exprimer une volonté commune de la
combattre efficacement.
Il reste à faire le plus difficile, comme l'a rappelé le
rapporteur, appliquer cette convention pénale sur la corruption dont
l'efficacité dépendra avant tout de la volonté
affichée de chaque Etat membre pour faciliter son application !
En conclusion, je veux formuler une suggestion qui est aussi un voeu :
notre Assemblée devrait chaque année inscrire à l'ordre du
jour de ses travaux cet important dossier de la lutte contre la corruption afin
d'évaluer l'efficacité de nos travaux et, surtout, de veiller
à la bonne suite donnée aux recommandations. "
A l'issue du débat,
l'avis 207 figurant dans le rapport 8133 est
adopté.
7. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée - Questions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) et de Mme Josette DURRIEU, Sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
A M.
Giorgios PAPANDREOU, ministre adjoint des Affaires étrangères de
la Grèce qui s'exprime au nom du Président en exercice du
Comité des Ministres,
M. Daniel HOEFFEL, sénateur
(UC)
, pose la question suivante :
" Considérant que le séminaire de La Haye, qui a
réuni le 5 juin dernier des représentants de l'OSCE et du
Conseil de l'Europe, s'est prononcé contre toute fusion des deux
organisations, mais pour une coopération comprenant notamment une
meilleure formation réciproque.
Demande au Président du Comité des Ministres si l'heure n'est pas
venue d'une prise en compte, par le Bureau international pour la
démocratie et les droits de l'homme de l'OSCE, des programmes du Conseil
de l'Europe pour l'assistance démocratique, au moins à
l'égard de ses quarante Etats membres et des pays candidats, l'OSCE se
focalisant plutôt sur les pays d'outre-Caucase ainsi que sur les missions
spécifiques de prévention des crises et de
réhabilitation. "
M. PAPANDREOU lui apporte la réponse suivante :
" Pour ce qui concerne les relations entre le Conseil de l'Europe et
l'OSCE, je remercie l'honorable parlementaire de sa question. Je n'ai pas pu
participer au séminaire, mais j'y ai été
représenté par M. Constas, Madame la Présidente, vous
étiez présente en compagnie de plusieurs de vos collègues.
Je tiens à remercier les Pays-Bas d'avoir organisé cette
rencontre.
Les participants se sont clairement prononcés en faveur d'une
coopération fondée sur un meilleur échange d'information
plutôt que sur la stricte formalisation des relations entre les deux
entités. Le secrétariat du Conseil de l'Europe et le Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE
échangent leurs informations à l'occasion de leurs deux
réunions annuelles de programmation. Pour le moment, toutefois, il me
paraît difficile d'envisager une quelconque " répartition des
tâches ", du moins en ce qui concerne les pays membres du Conseil de
l'Europe et les pays candidats à l'adhésion. Cependant, les
ministres des Affaires étrangères voudront certainement
étudier de près le mandat du Bureau de Varsovie de l'OSCE
lorsqu'ils se rencontreront à Oslo en novembre prochain. Pour ce qui est
du Conseil de l'Europe, les Etats membres continueront certainement à
appuyer les principales responsabilités du Conseil en matière de
consolidation des institutions démocratiques, de protection des droits
de l'homme et de prééminence du droit.
Le Président du Comité des Ministres compte parmi ceux qui
reconnaissent qu'il appartient également à nos gouvernements
respectifs d'assurer la coopération et la complémentarité
des deux organisations. L'avis de M. Geremek, président en exercice
de l'OSCE, sera intéressant à cet égard. Je pense que nos
points de vue se rejoignent. "
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, ajoute alors ces quelques
mots :
" Il y a suffisamment de problèmes en Europe pour que la
volonté affichée de complémentarité soit
recherchée avec vigueur et l'emporte sur les doubles emplois entre
différentes organisations. "
A son tour,
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
,
interroge
M. PAPANDREOU en ces termes :
" L'Assemblée a pris connaissance avec satisfaction de la
décision prise par le Comité des Ministres en janvier 1998 en
faveur de l'Organisation d'une Campagne sur l'interdépendance et la
solidarité mondiales : l'Europe contre la pauvreté et
l'exclusion sociale,
Considérant qu'une telle campagne peut contribuer de manière
très importante à la sensibilisation de l'opinion publique et du
monde politique à la nécessité d'établir des
relations plus constructives et solidaires avec tous les peuples du monde afin
de pouvoir faire face aux grands défis posés par le processus de
la mondialisation et de réduire la pauvreté et l'exclusion tant
dans le Nord que dans le Sud.
Demande au Président du Comité des Ministres s'il est prêt
à soutenir cette campagne et à inviter ses collègues au
sein du Comité des Ministres à donner un appui moral et pratique
(y compris une aide financière) à l'organisation de cette
campagne et si, en tant que ministre des Affaires étrangères
grec, il est prêt à considérer avec bienveillance, une
contribution de son pays à l'organisation de la campagne. "
Le représentant du Président du Comité des Ministres lui
répond :
" Je partage tout à fait l'idée de l'honorable parlementaire
selon laquelle la Campagne pour l'interdépendance et la
solidarité mondiales permettra de sensibiliser beaucoup mieux l'opinion
publique sur la nécessité de renforcer la solidarité, tant
à l'intérieur de l'Europe que dans le cadre de nos relations avec
les autres régions du monde, pour mieux combattre la pauvreté et
l'exclusion sociale.
Nous ne parviendrons à résoudre les graves problèmes de
notre planète et à instaurer des relations internationales plus
constructives que si nous comprenons mieux l'interdépendance de toutes
les régions du monde. C'est pourquoi le Comité des Ministres se
félicite de la proposition de l'Assemblée parlementaire tendant
à l'organisation de cette campagne. Cependant, comme les dépenses
correspondantes sont trop lourdes pour le budget du Conseil de l'Europe, le
Comité des Ministres a invité les Etats membres à faire
des contributions volontaires à ce projet. Certains Etats ont
répondu à l'appel et je serais ravi que mes collègues du
Comité des Ministres suivent leur exemple afin d'assurer la
réussite de la campagne aussi bien en Europe qu'au niveau national. Je
suis disposé pour ce qui concerne mon propre pays à explorer la
possibilité d'une éventuelle contribution à l'organisation
de la campagne.
En plus des programmes au niveau européen, la campagne permettra la
tenue d'activités au sein des Etats membres. Il a été
suggéré de créer des comités nationaux
spécialement à cette fin. Je serais très heureux que les
délégations nationales de cette honorable Assemblée
prêtent leur concours à la concrétisation de cette
idée. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, ajoute alors quelques
mots :
" Si nous avons pris, avec le Comité des Ministres, la
décision de lancer cette campagne, c'était pour affirmer un acte
politique fort, qui suppose une volonté politique forte.
En l'état actuel des choses, nous avons quelques craintes, Monsieur le
Ministre : il semble que l'organisation reste floue et que l'on ne se
saisisse pas suffisamment, en termes d'organisation et de moyens, de la gestion
de cette campagne. Malgré tout, elle donnera une image forte ou floue,
selon le cas, de ce que nous voulons faire. C'est pourquoi j'en appelle
à une organisation plus solide accompagnant une volonté
effective. "
8. Exposé de M. Bronislaw GEREMEK, ministre des Affaires étrangères de Pologne, président en exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) - Interventions de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
S'adressant à M. Bronislaw Geremek,
Président en
exercice de l'Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe, qui examine devant l'Assemblée les
possibilités d'améliorer la coordination des activités du
Conseil de l'Europe et de l'OSCE sur le terrain,
M. Jacques BAUMEL,
député (RPR)
,
formule les observations
suivantes :
" Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir
délivré ce message d'une très haute qualité. Pour
ce qui concerne le Kosovo, vous avez déjà répondu en
grande partie. Mais je reviens d'une mission dans le Haut-Karabakh, où
les situations sont très proches.
Je crois qu'il faut trouver une autre solution que l'indépendance ou le
retour au
statu quo
. Il y a une voie nouvelle à chercher dans une
sorte d'association interne accordant le maximum de pouvoirs intérieurs
à une entité politique au sein d'un ensemble reconnu
internationalement : c'est-à-dire la justice, l'administration, la
langue, l'éducation, la police, tel que cela existe dans un certain
nombre de pays en Europe ou dans le monde. Mais avec l'interdiction d'utiliser
un certain nombre d'emblèmes internationaux comme la
représentation à l'Onu ou une politique étrangère
différente. A mon avis, tel est le sens dans lequel il faut aller.
Je crains que, comme vous l'avez signalé, lenteur et prudence soient
malheureusement mauvaises conseillères. Il faut aller vite. Au Kosovo,
les éléments les plus extrémistes sont en train de gagner
au détriment des éléments les plus raisonnables. Il est
indispensable que la communauté internationale agisse. Cette action doit
passer notamment par un rapprochement marqué entre l'OSCE et le Conseil
de l'Europe. Partout où nous pouvons agir ensemble, comme l'a
déterminé le colloque récent de La Haye, c'est un
élément très important.
Il ne faudrait pas, monsieur le président, que, dans cette affaire, on
ait un peu la réaction historique de votre pays, quand on y
disait : " Dieu est trop haut et la France est trop loin ".
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
,
pose à
son tour la question suivante :
" M. le ministre a déjà répondu aux questions que je
voulais poser. Je profite des quelques minutes qui me sont accordées
pour le remercier de s'exprimer dans un français aussi pur et de mettre
sa compétence à la disposition du Collège de France.
Ma question portait sur les compétences respectives de l'OSCE et du
Conseil de l'Europe. Au lieu d'une nécessaire
complémentarité, on constate aujourd'hui, sur le terrain, une
concurrence qui ne me paraît pas être la meilleure démarche.
Je pense à toutes les élections qui se déroulent
actuellement. Pour le Conseil de l'Europe, l'élection est le
contrôle qui permet l'adhésion. C'est donc une mission qui
relève de sa compétence. Or, nous avons perdu dans ce domaine
toute initiative et c'est dommage. "
M. GEREMEK
lui répond alors :
" J'ai la volonté, pendant cette période où se
déroulent plusieurs élections dans plusieurs pays, de fournir un
bon exemple de la coopération entre une assemblée parlementaire
et un organisme international.
Je suis persuadé, Madame, qu'il faut dans la pratique de l'observation,
une coopération entre des parlementaires, donc des politiques par
excellence, et des techniciens de la politique. C'est très utile quand
on rencontre dans les missions des parlementaires et des organisateurs de la
loi électorale. Cette année, lorsque j'ai eu l'occasion, j'ai
demandé que le chef de la mission d'observation nommé soit un
parlementaire. Néanmoins, il faut aussi des techniciens comme ceux dont
nous disposons au sein de l'Odir. Le point le plus important c'est l'absence de
compétition entre les deux. Pour cela, il suffit de bien informer les
uns et les autres afin d'établir des missions communes. "
9. Accord sur l'Irlande du nord (Mercredi 24 juin)
Le
rapport confirme le fait que l'Assemblée se félicite de l'Accord
sur l'Irlande du Nord et du résultat positif du référendum
de mai dernier. Il invite l'ensemble des partis politiques d'Irlande du Nord
à coopérer en vue de la mise en oeuvre de l'accord, qui
" offre une occasion exceptionnelle de parvenir à un
règlement pacifique et durable " du conflit.
Un certain nombre d'éléments ayant contribué à la
conclusion de l'accord sont jugés utiles pour la résolution
d'autres conflits, sur le continent européen comme dans d'autres
régions. Ces éléments sont les suivants :
- un médiateur international ;
- un ordre du jour non limitatif ;
- un délai consenti par tous ;
- des procédures convenues pour la libération conditionnelle
des prisonniers ;
- l'incorporation de la Convention européenne des Droits de l'Homme
dans le droit national ;
- l'implication de la communauté internationale dans l'application
de l'accord.
Le rapport considère que l'acceptation de ces principes par toutes les
parties impliquées dans d'autres conflits serait le signe d'une
volonté politique de parvenir à un règlement pacifique.
A l'issue du débat,
la résolution 1163 figurant dans le
rapport 8134 est adoptée à l'unanimité.
10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
Selon le
rapport, de nombreux experts estiment que la situation politique en
République fédérale de Yougoslavie et au Kosovo est
devenue désespérément incontrôlable. Ce point de vue
est partagé car le risque d'une escalade, et partant, d'une extension du
conflit est effectivement grand. La communauté internationale n'est pas
totalement étrangère à cet état de choses puisque,
pendant trop longtemps, elle a fait l'impasse sur la question du Kosovo dans la
politique qu'elle mène dans les Balkans. Aujourd'hui, la
communauté internationale se dit déterminée à faire
cesser immédiatement les hostilités, à endiguer le conflit
et à rechercher une solution pacifique par la voie de
négociations. La volonté d'agir existe, mais, pour l'instant,
elle n'a encore esquissé que l'ébauche d'une stratégie
politique. Il semble que la solution ne se trouve pas dans la sécession,
mais dans l'octroi d'une autonomie aussi large que possible, tout en
préservant l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie.
Pour parvenir à ses objectifs, la communauté internationale devra
impérativement faire preuve de détermination et d'unité,
et veiller à définir des mesures réalisables. Bien
entendu, le Conseil de l'Europe doit s'associer à ces efforts. Mais il
ne saurait se contenter d'identifier ce qui doit être fait et soutenir
les autres Etats dans les actions qu'ils entreprendront ; la question
relève en effet de ses compétences premières.
Ce conflit à long terme ne pourra être résolu qu'en
instaurant une confiance durable et en encourageant la démocratie, le
respect des droits de l'homme et la protection des minorités au Kosovo
et en Yougoslavie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet de
recommandation invite le Comité des Ministres à
" élaborer des propositions concrètes pour une
présence active continue ".
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
,
intervient dans le
débat en ces termes :
" Pour commencer, une remarque d'ordre général ou,
peut-être, de principe : nous sommes ici au Conseil de l'Europe,
dans un temple de la démocratie, de l'Europe qui se fait.
Si M. Milosevic n'a pas le droit de se livrer à des provocations de
tout genre dans son Etat, je ne crois pas que son représentant ait ici
le droit de nous provoquer en son nom, comme il vient de le faire car je me
suis sentie agressée par les propos qu'il vient de tenir.
Nous assistons au Kosovo à un
remake
du film bosniaque. C'est la
même situation. Pas de responsable politique qui ne dise chaque jour que
l'on ne tolérera pas au Kosovo ce qui s'est passé en Bosnie, que
l'on ne répétera pas les mêmes erreurs. Pourtant,
immanquablement, les mêmes choses se reproduisent : avec le
même Milosevic dans le même rôle, avec les mêmes
invitations, les mêmes divisions. Naturellement, l'escalade se poursuit
rapidement et inexorablement.
Au Kosovo, le contexte régional est encore plus dangereux qu'en Bosnie.
Quatre Etats sont concernés comme vous l'avez tous dit. La violence
monte, et pour cause ! Nous mesurons maintenant les efforts vains d'un
leader non violent, Rugova. Lorsque pacifiquement le message ne passe pas, de
toute évidence, il ne reste plus que l'acte terroriste. Je vous
rappelle, mes chers collègues, que la Révolution française
a inscrit dans un texte hautement symbolique que la lutte contre l'oppression
était légitime à un certain moment. Je vous le dis,
moi-même, fille de résistant et même de
déporté : arrive un moment où l'acte terroriste est
légitime, voire glorieux.
Alors oui, la tension monte, la situation se radicalise, les
modérés sont en perte de vitesse. On ne peut plus parler dans ce
pays sagement et raisonnablement d'autonomie. Même les plus
modérés sont obligés aujourd'hui de revendiquer
l'indépendance. Bientôt, des Albanais diront : " et un
Etat albanais du Kosovo maintenant !
Est-il encore temps de faire quelque chose ? Quels sont les moyens ?
Je suis désolée, mais ce sont les mêmes qu'en Bosnie.
Certes, il faut des sanctions économiques, mais nous en connaissons tous
les limites. Seulement voilà, c'est le blocus qui a conduit Milosevic
à Dayton et les conséquences sont lourdes sur les populations,
sur l'Etat, sur les Etats voisins, tels que la Bulgarie et la Roumanie. Alors,
ne faisons rien ?
Quant à l'intervention militaire, j'en connais comme vous tous les
obstacles. Montagneuse, la zone est encore plus difficile que la Bosnie et la
cible n'est pas accessible.
Eh oui, toutes les objections sont pertinentes, et il faut vraiment, à
certains moments, se " cramponner " pour écouter ici de tels
propos. Si l'Onu ne délivre pas effectivement à un certain moment
un message, c'est parce que la Russie ne l'aura pas voulu, alors que nos amis
russes savent bien que leur complaisance peut devenir de la complicité
si elle doit durer.
Toutes les objections, ont été surmontées pour la guerre
du Golfe et pour la Bosnie. Les objections ne doivent pas servir d'alibi
à l'inaction !
Alors, que reste-t-il à faire ? A vous entendre, on ne le sait...
N'y aurait-il plus rien à faire ? Faut-il attendre, vingt ans,
comme en Irlande pour parvenir à un processus de paix ? Je n'en ai
pas envie !
Il est des individus - même Milosevic ! - qui ne comprennent qu'un
langage ferme. Il existe une justice internationale ! Il est de la
compétence du tribunal international, sur l'ensemble de
l'ex-Yougoslavie, de porter un jugement sur Milosevic. Nul besoin d'instruire
le dossier ! Le dossier est instruit : destruction de villages,
massacre de populations, processus de " nettoyage " ethnique. Oui, le
tribunal international peut intervenir en flagrant délit, au même
titre qu'on juge en France des hooligans -certains séance tenante.
Vous nous demandez l'adhésion au Conseil de l'Europe ? Oui, nous
voulons celle de la République serbe ! Mais à
l'évidence le règlement du problème du Kosovo est un
préalable car, je le répète, je me suis sentie
agressée aujourd'hui. Il y va de notre responsabilité, voire de
notre dignité. "
Au terme du débat,
la recommandation 1376, contenue dans le rapport
8149, est adoptée, amendée, ainsi que la directive 544 figurant
dans le même rapport.
11. Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak - Intervention de Mme Laurence DUMONT, députée (Soc) (Jeudi 25 juin)
Ce
rapport s'efforce de comprendre les causes des importants déplacements
de populations, essentiellement d'origine ethnique kurde, tant à
l'intérieur qu'en provenance du nord de l'Irak et du sud-est de la
Turquie, et d'évaluer leur situation et leurs besoins humanitaires.
Le rapporteur, Mme Vermot-Mangold souligne sa grande préoccupation face
à la situation humanitaire précaire des populations d'origine
kurde vivant dans ces régions. Dès lors, l'implication du Conseil
de l'Europe et de toute autre Organisation internationale compétente est
pleinement justifiée. Le Rapporteur constate que ce sont
l'insécurité et les conditions économiques et sociales
difficiles caractérisant ces régions qui ont
entraîné les mouvements de population. Elle condamne les violences
commises par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et exhorte cette
organisation à cesser toutes activités armées. Elle prie
le gouvernement turc de cesser l'utilisation des forces armées contre la
population civile kurde et de se conformer pleinement aux principes de
l'Organisation des " 40 ", en vue d'un dénouement pacifique du
conflit dans lequel il est engagé dans le sud-est du pays. A cet
égard, des mesures de confiance devraient être introduites dans le
cadre des programmes du Conseil de l'Europe.
Par ailleurs, le rapport appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe
à user de leur influence auprès de l'Union européenne afin
qu'elle favorise le développement économique dans les provinces
du sud-est de la Turquie et qu'elle intensifie l'aide humanitaire qu'elle
fournit à la région nord de l'Irak. Le rapport demande une
levée des sanctions contre l'Irak et une intensification des efforts de
promotion de paix entre les parties conflictuelles dans cette région.
Enfin, le rapport invite le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
à élaborer une série de mesures destinées à
combattre les conditions qui favorisent les migrations clandestines sous toutes
leurs formes.
Mme Laurence DUMONT, députée (Soc)
,
formule les
observations suivantes :
" Je me félicite de l'inscription, enfin, de ce débat
à l'ordre du jour de notre Assemblée. Si nous ne discutions pas
ici, au Conseil de l'Europe, d'un tel sujet, alors que ce sujet relève
de la vocation même de cette institution, où aurions-nous
l'opportunité d'en débattre ?
Ce problème nous concerne à plusieurs titres.
Premièrement, comme le note le rapport, parce que "
les
migrations récentes ont montré que la question kurde n'est plus
aujourd'hui un simple problème intérieur. Elle est devenue un
problème international de droits de l'homme, qui concerne donc la
communauté internationale
".
Deuxièmement, comme le dit Yasar Kemal, " parce que la
démocratie est un tout. La démocratie doit être pour toute
l'humanité. Et tous les véritables démocrates, peu importe
où qu'ils soient, doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour aider ceux
qui veulent aller vers la démocratie et ceux qui luttent pour
elle ".
D'entrée de jeu, je préciserai que mes propos ne sauraient se
limiter aux seuls " aspects humanitaires des déplacements de
réfugiés kurdes dans le nord de l'Irak et le sud-est de la
Turquie ". A ce propos d'ailleurs, j'ai trouvé le rapport quelque
peu déséquilibré entre le titre et le contenu, puisque
c'est bien plus de la Turquie qu'il s'agit dans ce rapport que de l'Irak.
Je me bornerai volontairement à la Turquie, puisque ce pays est membre
de notre organisation, ce qui nous donne, même si ce n'est pas facile, la
possibilité du dialogue. Et je ne me limiterai pas, disais-je, aux seuls
aspects humanitaires, car je ne suis pas une responsable d'ONG et nous ne
sommes pas non plus le conseil d'administration de Médecins sans
frontières.
Je suis une politique, et c'est à ce titre que j'assume la
responsabilité non pas de dire le droit, mais de dénoncer, en
Turquie, des dérives graves, telles que les trois mille villages
rasés ou incendiés, la persistance du système des gardes
villageois, les soixante-sept journalistes muselés, les militants des
droits de l'homme terrorisés et nos six collègues
députés emprisonnés, tous problèmes majeurs qui
sont à l'origine, d'une certaine façon, de conséquences
humanitaires que nous pouvons certes déplorer, mais qui ne sont que la
conséquence logique d'une situation politique donnée.
Je poserai un préalable important, parce que, comme je le disais, je ne
m'attribue pas le privilège de dire le droit, seulement celui de
raisonner dans le cadre d'un ordre international, qu'on pourrait certes
souhaiter plus efficace, mais qui existe, celui des Nations unies.
Je m'inscris donc résolument, c'est le cas de le dire, dans la droite
ligne de ce que la Résolution 688 de l'Onu préconisait pour
l'Irak, à savoir le respect de l'intégrité territoriale
d'une part, et des droits politiques de tous les citoyens, d'autre part, car
cela est valable ailleurs qu'en Irak.
En Turquie ou ailleurs, c'est pour l'application de l'idée de cette
résolution que je me bats. Rien que cette résolution, mais toute
cette résolution : respect des frontières et droits des
citoyens.
Nul ici n'envisage la remise en cause des frontières, en Turquie ou
ailleurs ; beaucoup déplorent que les droits civils et politiques
des Kurdes soient bafoués : le mot est impropre, car encore
faudrait-il que ces droits aient existé. Ces droits n'existent pas.
Si notre institution a un sens, puisqu'elle n'a somme toute guère de
puissance, elle se doit d'envoyer aujourd'hui, par ce débat, un message
fort : pour dire la vocation européenne de la Turquie,
déjà reconnue par sa présence au sein de cet
hémicycle ; pour affirmer que la place de la Turquie est dans
l'Union européenne, mais que cette intégration ne saurait
être possible qu'à certaines conditions dont l'une est la
reconnaissance de la question kurde, c'est à dire l'attribution aux
Kurdes des droits civils et politiques élémentaires dans une
grande démocratie.
Mes chers collègues, je souhaite vivement que notre débat
d'aujourd'hui au Conseil de l'Europe, permette de faire entendre deux voix
indissociables : la voix du coeur sur le respect des droits de l'homme,
des droits politiques et culturels des peuples, qui plaide pour une solution
politique et négociée de la question kurde ; et la voix de
la raison qui plaide pour le développement d'initiatives fortes en
faveur de la paix et de l'intégration, à terme, pleine et
entière de la Turquie au sein de l'Union européenne. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1377 figurant dans le rapport
8131 est adoptée avec amendements, ainsi que la directive 545,
également amendée.
12. Fonds de développement social du Conseil de l'Europe : activités et perspectives - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 25 juin)
Dans son
rapport, M. Gross se félicite de l'adhésion de plusieurs pays
d'Europe centrale et orientale au Fonds de développement social, ces
dernières années, ainsi que de l'augmentation substantielle de
son activité (426 millions d'écus de projets
approuvés en 1994 contre 2.153 millions en 1997). Cependant, le
rapporteur constate qu'en 1996 et 1997, respectivement, seuls 0,94 % et
0,78 % des projets concernaient l'aide aux réfugiés et aux
migrants, première priorité de l'action du Fonds.
Le Fonds doit faire face à un dilemme : de par sa vocation
humanitaire et sociale, il doit soutenir des projets non lucratifs ; mais
en tant que banque, il doit veiller à sa santé financière
pour ne pas mettre en danger sa crédibilité sur le marché
des capitaux. En outre, s'il est vrai que son action s'oriente de plus en plus
vers les pays d'Europe centrale et orientale, ceux-ci, déjà
surendettés, hésitent à emprunter.
Pour faire face à ces défis, et pour augmenter la capacité
d'action du Fonds, M. Gross propose aux 30 Etats membres du Fonds une
série de mesures parmi lesquelles :
- accroître le capital souscrit et libérer une proportion
plus importante de celui-ci ;
- donner leur garantie aux projets qui sont à réaliser dans
un autre Etat européen non-membre dont la situation financière ne
lui permet pas de garantir ces projets ;
- contribuer au compte fiduciaire sélectif pour le soutien, par des
subventions d'intérêts, des projets correspondant aux objectifs
prioritaires du Fonds dans des régions particulièrement
défavorisées ;
- coopérer plus étroitement avec les organisations
internationales humanitaires dans la préparation des projets ;
- utiliser les prêts du Fonds pour financer des projets d'aide
à la population Rom/Tzigane ;
- étudier la possibilité d'utiliser le financement du Fonds
pour les programmes de déminage.
Au cours du débat,
M. Jean BRIANE, député (UDF)
intervient alors en ces termes :
" J'appartiens bien au Groupe du parti populaire européen, mais
j'interviens surtout au nom de la Commission de l'environnement, de
l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux.
La commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des
pouvoirs locaux a toujours donné son soutien au Fonds de
développement social du Conseil de l'Europe en attirant l'attention du
Comité des Ministres et des pays membres sur les potentialités
que l'unique instrument financier du Conseil de l'Europe peut apporter aux
bénéficiaires, mais aussi à la coopération
européenne.
Dès l'ouverture des pays d'Europe centrale et orientale, nous avons
salué le fait que, dans l'éventail de ses interventions, le Fonds
manifestait la volonté de consacrer une partie de ses interventions aux
projets portant sur l'environnement.
A titre d'exemple, permettez-moi de rappeler que, lors de la mise en oeuvre en
1992 et 1993 du programme d'action sur la gestion des ressources en eau, les
possibilités d'intervention du Fonds dans ce domaine avaient
été exposées dans le cadre de différentes
initiatives et avaient suscité beaucoup d'intérêt.
La commission a toujours été convaincue du fait que, même
si la mission première du Conseil de l'Europe n'est pas d'intervenir
financièrement en matière d'environnement, le financement par le
Fonds de certains projets présentant des aspects environnementaux
importants répond tout à fait aux finalités du Fonds, en
apportant, dans le cadre d'une approche intégrée du
développement, une contribution spécifique à des
problèmes environnementaux.
Cela reste encore valable aujourd'hui, même dans le contexte de ce qui
pourrait être un nouveau tournant des activités du Fonds qui
semble appelé, d'une part, à revenir, tout au moins en partie,
à sa mission première qui est celle d'aider le
rétablissement des réfugiés et des personnes
déplacées, et, d'autre part, à assumer un rôle en
matière de cohésion sociale.
La commission partage l'avis de ceux qui pensent qu'il est opportun que le
Fonds accorde une priorité à ces deux domaines, tout en notant
avec satisfaction que l'on continue à reconnaître au Fonds une
fonction dans le domaine de l'environnement.
La conclusion la plus sensée pour une organisation comme le Conseil de
l'Europe, qui, contrairement à d'autres organisations, est doté
de ce seul instrument d'intervention, nous semble être celle de veiller
à ce que le Fonds réponde aux besoins prioritaires de ses membres
et que, pour ce faire, il puisse bénéficier d'une certaine
souplesse pour ce qui est des domaines d'intervention.
Cependant, après avoir pris connaissance de la situation
financière particulièrement florissante, et sachant que 11 %
seulement du capital social est libéré, on pourrait encourager le
Fonds, c'est-à-dire ses pays membres, à en libérer une
partie plus importante.
Mais, pour permettre au Fonds de développer ses activités, d'une
part, et lui assurer un espace d'intervention uniforme, d'autre part, il est
important que le nombre de pays membres du Conseil de l'Europe adhérant
au Fonds augmente. Cela est particulièrement valable bien sûr pour
les pays d'Europe centrale et orientale.
C'est à propos justement des besoins de ces pays en matière
d'interventions ayant trait à des problèmes d'environnement et
d'aménagement du territoire qu'il est important que le Fonds poursuive
et développe ses interventions dans ce secteur.
Je ne saurais terminer sans remercier M. Gross pour la qualité de son
rapport extrêmement clair et aussi pour le souci qu'il a exprimé
en faveur d'actions dans le domaine environnemental.
La commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des
pouvoirs locaux ne peut que se rallier pleinement aux propos de M. le
rapporteur et adopter sans réserve le texte que la commission des
migrations, des réfugiés et de la démographie nous
soumet. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1378 figurant dans le
rapport 8124 est adoptée avec amendements.
13. Instruction élémentaire en science et en technologie (Jeudi 25 juin)
Selon le
rapporteur, la société moderne se caractérise, entre
autres, par les nombreuses découvertes scientifiques et technologiques
qui jouent un rôle de plus en plus important dans notre vie quotidienne
et qui sont au coeur de multiples problèmes alimentant les débats
actuels. C'est pourquoi une compréhension élémentaire de
la science et de la technologie est devenue indispensable pour permettre aux
citoyens de participer à la vie de la démocratie moderne ;
la compétitivité de l'Europe dans un contexte de réseaux
mondiaux dépendra de plus en plus de la formation scientifique et
technique de ses citoyens. Ceux qui ne se seront pas adaptés au monde de
l'informatique courront le risque de ne pas pouvoir trouver d'emploi ou de
perdre celui qu'ils occupent.
Or, la situation actuelle est caractérisée dans beaucoup de pays
par un manque de connaissances scientifiques et techniques, imputable à
des lacunes dans le système scolaire. Le rapport examine, entre autres,
des problèmes tels que l'insuffisance des compétences
pédagogiques ou de la formation des enseignants, le caractère
abscons des manuels scolaires, la pénurie d'équipements scolaires
adéquats et l'incapacité à dispenser un enseignement
scientifique et technique plus précoce, c'est-à-dire dès
le stade de l'enseignement primaire (groupe d'âge des 8-9 ans). A cela
s'ajoute le fait que l'enseignement scientifique et technique à
l'école est souvent orienté vers les garçons et
déterminé par des stéréotypes concernant le
rôle des femmes dans la société et sur les lieux de
travail. Etant donné que l'industrie et la technologie sont
considérées comme les principales responsables d'un certain
nombre de problèmes, notamment environnementaux, les écoles ont
parfois tendance à transformer les expériences négatives
enregistrées avec les nouvelles technologies en préjugés
contre celles-ci. Le rapport s'intéresse également aux
déséquilibres régionaux observés dans le domaine de
l'éducation.
Le rapporteur recommande une liste de mesures tendant à promouvoir
l'acquisition de connaissances scientifiques et techniques par des personnes
représentatives de tous les groupes d'âge, tant dans le cadre de
l'enseignement scolaire que de la formation extrascolaire. Elle souligne que le
système éducatif dans son ensemble devra permettre de
développer et d'actualiser les connaissances scientifiques et techniques
jusqu'à un âge avancé ; et elle préconise
l'instauration d'une étroite coopération entre l'industrie et
l'enseignement général, professionnel et supérieur. Enfin,
le rapport propose d'inclure l'enseignement de la science et de la technologie
dans des disciplines telles que l'éducation civique, la sociologie,
l'économie, la morale et l'enseignement religieux, et de faire en sorte
que le système d'évaluation des élèves manifeste
davantage le souci de les motiver pour qu'ils s'intéressent à la
science et à la technologie. Le Conseil de l'Europe, par ses divers
programmes d'éducation, devrait contribuer à la mise en oeuvre de
telles mesures dans tous ses Etats membres.
Au terme du débat,
la recommandation 1379, contenue dans le
rapport 8122, est adoptée, amendée. Puis la directive 546,
figurant dans le même rapport, est adoptée à
l'unanimité.
14. Droit au respect de la vie privée - Interventions de MM. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), rapporteur pour avis, et Bernard SCHREINER, député (RPR) (Vendredi 26 juin)
Quelques
semaines après l'accident qui a coûté la vie à la
Princesse de Galles, certaines voix se sont élevées pour demander
un renforcement au niveau européen de la protection de la vie
privée, notamment des personnes publiques, au moyen d'une nouvelle
convention. D'autres cependant étaient d'avis que la vie privée
était suffisamment protégée par les législations
nationales et la Convention européenne des Droits de l'Homme et qu'il ne
fallait pas porter atteinte à la liberté d'expression.
A la lumière de l'audition consacrée à ce thème en
décembre 1997, le rapporteur arrive à la conclusion que la vie
privée est protégée par l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme, non seulement contre
l'ingérence des pouvoirs publics mais aussi contre celle des
particuliers et des institutions privées. Il arrive cependant que ce
droit se trouve en contradiction avec le droit à la liberté
d'expression garanti par l'article 10 de la Convention, comme l'un des
fondements de la démocratie. Le problème se pose notamment
lorsque des personnes publiques sont concernées.
La Recommandation a pour objectif de parvenir à un équilibre
respectant à la fois le droit à la vie privée et la
liberté d'expression en préconisant non seulement l'adoption
d'une nouvelle Convention mais celle de lignes directrices.
M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc), rapporteur pour avis de
la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
,
fait les observations suivantes en présentant son rapport
écrit :
" Le débat d'aujourd'hui n'est pas nouveau car, au cours de ces
trente dernières années, il a mobilisé le Conseil de
l'Europe à travers pas moins d'une vingtaine d'initiatives :
Résolution 338 sur la législation sur la presse en 1967 ;
Recommandation 509 sur les droits de l'homme et les réalisations
scientifiques et technologiques modernes en 1968 ; Directive
n° 283 sur la communication de masse et les droits de l'homme en
1969 ; Résolution 428 et Recommandation 582 sur le même sujet
en 1970 ; Recommandation 963 sur les moyens éducatifs et culturels
de lutte contre la violence en 1983 ; Résolution 1003 et
Recommandation 1215 sur l'éthique du journalisme en 1993.
Le Conseil des ministres, pour sa part, a tenu sa quatrième
Conférence des ministres de la Justice sur la législation sur la
presse et en a fait sa Résolution 3 en 1966. En 1982, il
établissait une Déclaration sur la liberté d'expression et
d'information. En 1997, une convention était ouverte à la
signature sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui touche au
droit de la vie privée. Et, en 1998, il a inscrit dans son projet une
ligne directrice sur la question de la protection des données dans les
inforoutes, c'est-à-dire le problème d'Internet.
J'ajoute une Conférence nordique de juristes en 1967 à Stockholm
sur le droit à la vie privée ; un colloque à
Salzbourg en 1968 sur les moyens de communication de masse et sur les droits de
l'homme ; et enfin un colloque en 1991 à Helsinki sur
l'éthique du journalisme.
Vous me pardonnerez une telle énumération, mais, à elle
seule, elle dit bien combien notre débat d'aujourd'hui n'est pas un
débat de circonstance, un débat à chaud influencé
par une émotion, bien légitime. C'est un débat mûri
et approfondi qui prend acte des limites, du non-respect, voire des
échecs de certaines dispositions précédentes, un
débat qui constate que les techniques vont parfois plus vite que le
droit et qui justifie le bien-fondé de notre démarche qui
consiste à en tirer les conséquences par les propositions
formulées.
Voilà qui fixe le cadre et l'objectif du rapport au fond de la
Commission des affaires juridiques et des droits de l'homme et des propositions
de M. Schwimmer, que j'approuve et que je soutiens, s'il n'est pas
déséquilibré dans notre débat. J'eusse
préféré qu'il débouchât également sur
une recommandation, comme le préconise M. Atkinson.
Mes chers collègues, ce débat ne doit pas faire l'objet d'un faux
procès ou d'amalgames, qu'aucun rapport ne propose. Ni le rapport de
M. Schwimmer, ni ceux des autres commissions n'entendent limiter le droit
existant, ils entendent lutter contre les abus du droit, qui sont donc
" hors du droit ".
Il ne s'agit pas de restreindre le droit de l'information, mais de sanctionner
le voyeurisme et le commerce qui font de l'intimité d'une personne
humaine une valeur marchande.
Pour apporter la meilleure garantie, la commission des questions sociales, de
la santé et de la famille souhaite, par quelques amendements, rappeler
le cadre juridique actuel et réaffirmer solennellement les principes et
les valeurs qui guident et fondent la raison d'être de notre
Assemblée en la matière.
C'est en l'absence de la réaffirmation de ces principes que se
créent les confusions ou les interprétations hasardeuses,
dommageables aussi bien pour le droit d'informer, que pour le droit au respect
de la vie privée. Nous ne devons pas laisser ce flou. C'est
extrêmement important car cela peut nous aider à sortir d'une
autre question lancinante, voire dilatoire, prétexte à ne rien
faire - ou si peu - qui est : " Mais qui juge si c'est une
information ou un abus ? "
A cette question légitime, on doit d'abord répondre par une
autre : " Qui que ce soit, cela ne peut se faire que par rapport
à quoi ? " Voilà la grave question. Alors, il est
primordial de réaffirmer ces principes comme autant de repères
incontestables. Ce sont des droits qui ne sont pas absolus, pas
hiérarchisés et pas discriminatoires. C'est écrit en
toutes lettres dans notre Convention européenne des Droits de l'Homme.
Je le répète, réaffirmer ces principes c'est
réaffirmer ces droits et non pas les restreindre. Les éclairer
à la lumière des évolutions les plus récentes qui
apparaissent dans les législations et les jurisprudences, y compris de
la Cour européenne de justice, de façon de plus en plus
convergente, mérite d'être repris dans nos travaux. Il en est
ainsi de la notion " d'intérêt public légitime "
qui justifie la presse d'information et d'investigation, mais protège la
vie privée, non pas dans sa définition introuvable, mais dans la
nature de son contenu. C'est ce que je vous propose par l'amendement
n° 3 qui vient en soutien des points 10 et 11 du texte de
M. Schwimmer.
C'est par rapport à ces principes réaffirmés et à
cette notion d'intérêt public légitimes que les
médias eux-mêmes jugeront d'abord ce qu'ils doivent ou non
publier. Ils n'ont pas besoin d'autorisation dans ce cadre-là. Ils
assument leur responsabilité, corollaire de leur liberté.
En cas de contestation, le juge qui sera saisi tranchera. En dehors du cadre de
l'intérêt public légitime, les médias ne peuvent pas
s'introduire dans la vie privée sans le consentement express de la
personne qui reste seul juge de ce qu'elle accepte ou non de divulguer de sa
vie privée qui n'a pas d'incidence sur sa vie publique.
Réaffirmer ces principes est essentiel. Mais leur donner une chance
d'application ne l'est pas moins. Et, l'avez-vous remarqué, plus on
avance dans cette voie plus les rangs s'éclaircissent. A la
question : faut-il concilier vie privée et liberté
d'expression ? Le " oui " est unanime. A la question :
l'Assemblée a-t-elle conscience des dérapages d'une certaine
presse, de certains médias ? Le " oui " devient quasi
unanime, même chez les journalistes. Puisqu'un déséquilibre
existe, faut-il y remédier ? Le oui devient " bien sûr,
pourquoi pas ? " Faut-il faire des propositions ? On entend
alors : " Ah non ! le moins possible. "
Par confusion, on affirme qu'il ne faut pas toucher au droit d'informer. Par
hypocrisie, on nous dit que le droit de tout savoir c'est la démocratie,
et que les gens aiment ça. Par accusation on nous dit que la censure est
une initiative liberticide qui protège les hommes politiques
véreux et leurs mensonges. Les principes étant
réaffirmés, le rapport de M. Schwimmer établit les
sanctions adaptées. Elles doivent être à la hauteur du but
poursuivi, donc civiles, pénales et économiques. A défaut,
l'économie dicte sa loi à la Loi et c'est à
l'opposé de ce que l'on appelle un Etat de droit.
Le défaut de sanctions adaptées ménage ceux qui veulent
à la fois ne pas connaître les règles, ne pas les
appliquer, faire commerce de ce laxisme et fuir leurs responsabilités,
donner des leçons de démocratie et de morale et en plus, passer
pour des victimes. Les sanctionner ne remet en cause ni un droit, ni un
équilibre car il s'agit de lutter contre un abus et de corriger un
déséquilibre.
On pourra toujours tout dire sur la vie publique et sur les comportements
publics et privés des personnes qui ne respectent pas les lois. On
pourra toujours tout dire sur la vie privée qui présente un
intérêt public légitime pour la société, sous
réserve de s'exposer à en répondre
sévèrement devant un juge. Mais on ne pourra s'introduire sans
limites et sans autorisation dans la vie privée, dans tous les autres
cas, sans être lourdement sanctionné.
Voilà mes chers collègues, la nature du rapport et des
amendements que je vous propose. "
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Je voudrais d'abord féliciter notre rapporteur, M. Walter
Schwimmer, pour l'analyse approfondie qu'il nous donne de ce problème
complexe.
Je voudrais dire également que j'approuve pleinement les propositions
formulées par M. Staes au nom de la commission de la culture et de
l'éducation.
Je crois, en effet, qu'il faut d'abord mettre l'accent sur la formation des
journalistes et sur la généralisation d'un code de
déontologie.
De même, l'éducation des enfants doit absolument s'élargir
pour les préparer aux défis de la société dans
laquelle ils vivront. Cette éducation doit comprendre plus que jamais la
formation de l'esprit critique des jeunes, face aux sectes, à
l'intégrisme, aux phénomènes de bandes violentes ou, et
c'est notre sujet d'aujourd'hui, à la tentation de curiosité
malsaine qu'exploite une certaine presse.
Notre rapporteur saisi au fond et nos rapporteurs pour avis mettent très
justement en lumière qu'il existe potentiellement un conflit entre,
d'une part, le droit au respect de la vie privée que consacrent toutes
les législations nationales et les grands textes de protection des
droits de l'homme comme notre Convention européenne des Droits de
l'Homme et, d'autre part, la liberté d'information, consubstantielle de
la démocratie politique.
Pourquoi ces libertés bénéficient-elles d'un haut
degré de protection ? Il faut sans doute rechercher les principes
qui les fondent. Derrière la protection de la vie privée, c'est
la dignité de la personne humaine qui est en jeu avec des droits aussi
fondamentaux que le respect dû aux morts, le droit à son image
d'une personne frappée par la maladie ou blessée dans un
attentat, ou encore l'intimité des relations familiales.
De même, si la liberté de la presse prend rang parmi les
libertés fondamentales, c'est parce qu'il n'y a pas de démocratie
sans liberté d'information et libre critique, nourrissant le
débat d'idées et le pluralisme des opinions.
Mais je voudrais souligner que la liberté de diffuser des informations
ne tient pas seulement sa légitimité de ce rôle essentiel.
Lorsqu'on s'en réclame pour violer le droit à l'intimité
de la vie familiale ou transgresser le refus d'une personne de livrer une
information ou une image d'elle relevant de la sphère privée, on
admet un déséquilibre entre deux droits également garantis
par notre Convention européenne des Droits de l'Homme.
Comme le fait très justement remarquer notre commission des questions
sociales, de la santé et de la famille, ce déséquilibre
est contraire à la Convention selon laquelle l'exercice d'un des droits
reconnus ne peut aboutir à la négation d'un des autres droits
qu'elle consacre. Ce déséquilibre n'est plus légitime
lorsqu'il se produit au détriment d'une personne participant à la
vie publique, puisque tous les textes de liberté publique et d'abord
notre Convention européenne offrent leur garantie à " toute
personne ". D'ailleurs, la Convention européenne des Droits de
l'Homme prohibe toute discrimination dans l'exercice des droits reconnus.
Enfin, je voudrais souligner que nous ne pourrons pas indéfiniment
perfectionner les instruments juridiques de protection des droits de l'homme au
niveau national ou au niveau international tout en fermant les yeux sur
l'extension mondiale d'une zone de non-droit, à savoir les nouvelles
techniques de communication et d'information.
Que reste-t-il du droit de réponse, du droit de rectification, du droit
à la protection de la vie privée, du droit même à
réparation pécuniaire et surtout de la sanction des abus quand
chacun peut diffuser en temps réel messages et photos diffamatoires ou
clairement attentatoire aux droits garantis par la Convention européenne
des Droits de l'Homme et les autres conventions ?
En adoptant, en avril dernier, la recommandation contre les mauvais traitements
aux enfants, nous avons demandé l'élaboration par le Conseil de
l'Europe d'une convention internationale prohibant la diffusion d'images de
pornographie enfantine, d'offres pédophiles et autres usages illicites
des nouvelles techniques de communication et d'information.
Je considère que c'est un texte général de
régulation de ces nouveaux médias que nous devons
élaborer, comportant notamment des règles garantissant le respect
de la vie privée, la sanction des abus et des modes de réparation
à la mesure, s'il se peut, des dommages causés.
Ce n'est pas une charte facultative et sans portée contraignante de
déontologie qui peut répondre à ce nouveau défi. Si
la presse écrite et même radiotélévisée peut
sans doute se réformer elle même, Internet permet de causer de
graves dommages. C'est pourquoi je considère qu'il nous faudra
intervenir pour faire respecter les droits de l'homme. "
Sur le projet de résolution, neuf amendements ont été
déposés par
M. Gilbert MITTERRAND
, au nom de la
Commission des questions sociales, de la santé et de la famille.
M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc)
, intervient tout
d'abord sur un amendement visant à rappeler que les personnes publiques
doivent être conscientes que leur position dans la société
les expose automatiquement à une pression élevée dans leur
vie privée.
Souhaitant remplacer les termes
" entraîne automatiquement "
par les mots
" risque de susciter
", il défend
ainsi son amendement oral :
" La rédaction actuelle semble obliger les médias à
s'intéresser automatiquement à la vie privée des personnes
publiques. Et s'ils n'ont pas envie de le faire ? L'expression
" entraîne automatiquement " peut laisser supposer que la
pression sur la vie privée est légitime alors que notre
débat a justement montré qu'elle n'était pas
légitime. Il faut faire attention, elle peut l'être comme elle
peut ne pas l'être.
On ne sait pas si la pression sur la vie privée est légitime ou
non, fonction de l'intérêt public ou non. Le juge sera
peut-être amené à décider. Il ne faut pas
préjuger. Les deux mots
" entraîne
automatiquement "
peuvent le laisser supposer. Je
préfère donc que l'homme public soit conscient de sa position
dans la société et qu'il sache en effet que cela peut susciter
sur lui une pression accrue dans sa vie privée. Qu'il en soit conscient,
certes, mais il ne faut pas aller au-delà ! "
L'amendement oral est adopté,
après avis favorable de la
Commission.
L'amendement suivant, présenté par
M. Gilbert
MITTERRAND
, propose de substituer à :
" c'est au nom du droit à la liberté
d'expression "
les termes :
" c'est au nom d'une interprétation unilatérale du droit
à la liberté d'expression ".
Il défend ainsi son amendement :
" Bien souvent, les médias commettent des atteintes aux droits, au
respect de la vie privée, en fonction de leur propre
interprétation unilatérale de la liberté d'expression, une
interprétation qui n'est pas celle de l'immense majorité des
journalistes.
Par cet amendement, il s'agit d'affirmer que nous ne commettons aucune
confusion et que nos propositions dans ce projet de résolution ne visent
que les agissements qui déshonorent le droit d'informer, des agissements
que dénoncent les journalistes eux-mêmes. " A nous de balayer
devant notre porte ! A nous de prouver à l'opinion publique qu'il
reste encore un honneur du journalisme. " Ces propos sont du directeur de
l'Agence France Presse. Lorsqu'un journaliste invoque un " droit
d'information " alors que son objectif n'était que de servir
quelques horreurs, la profession souhaite qu'une distinction soit
établie dans l'utilisation de l'argument du " droit
d'expression ". Car tous les journalistes ne s'y reconnaissent pas.
Notre amendement tend à donner raison aux journalistes qui souhaitent
simplement que l'on puisse informer sur la chose publique quand celle-ci est
malmenée ou dévoyée. Il serait vain de vouloir
défendre l'indéfendable, les manquements à
l'éthique, les dérapages, les erreurs ou les comportements de
voyous. La grande majorité des journalistes condamne ces agissements.
Les propos que je viens de tenir reflètent ceux des journalistes du
syndicat du livre, largement majoritaires dans la profession, en tout cas dans
notre pays. Ils récusent le dilemme entre chasser le scoop ou
disparaître. Le métier de journaliste ne peut s'exercer sans ces
règles. Tous les journalistes réclament que soit
évitée la confusion entre leur métier, leur honneur et
ceux qui les déshonorent. "
L'amendement est adopté.
L'amendement suivant présenté par
M. Gilbert MITTERRAND
tend à remplacer un paragraphe du projet de résolution qui
légitime la publication de faits de la vie privée des personnes
publiques par l'intérêt qu'ils présentent pour les
citoyens-électeurs, par un texte plus restrictif réaffirmant que
" les personnes participant à la vie publique
bénéficient comme tout citoyen de la protection de leur vie
privée... ".
Cet amendement est ainsi défendu par son auteur :
" Cet amendement n'est que la réaffirmation d'un principe
fondamental contenu dans notre Convention européenne des Droits de
l'Homme.
Il s'agit d'abord de réaffirmer le cadre. A défaut, nous serions
ennuyés pour définir certaines notions plus difficiles et le
contenu d'un cadre que nous essayons de contenir.
Le cadre est celui de notre Convention, de la Déclaration universelle
des droits de l'homme, de principes affirmés et réaffirmés
mais toujours bafoués. Si l'on se pose beaucoup de questions sur la
définition de la notion d'" intérêt public
légitime ", de limites entre vie publique et vie privée, le
débat ne peut avoir lieu que dans le cadre de ce que nous autorisons
dans nos conventions, pas au-delà.
C'est pourquoi avant d'aller plus loin, nous avons souhaité, au nom de
la liberté d'expression, réaffirmer déjà le cadre
afin de mettre hors du champ de notre débat tous ce qui n'en fait pas
partie.
Je vous demande de nous encourager dans ce sens. C'est tout simplement la
confirmation de nos travaux, y compris même de la jurisprudence
européenne de la Cour de justice. C'est par anticipation ouvrir la
discussion future dans un cadre bien compris et unanimement accepté par
tous les pays qui ont signé cette convention. "
M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc),
complète alors son précédent amendement en introduisant la
notion
" d'intérêt public légitime "
et le
présente en ces termes :
" Cet amendement tendait à compléter le
précédent. Le cadre une fois fixé, il fallait
s'intéresser au contenu de la notion
d'" intérêt
public légitime "
. Celle-ci doit sous-tendre toute notre
réflexion, la nôtre certes, mais aussi celle des médias et
de tous ceux qui sont impliqués dans ce débat.
Notre amendement vise à rassurer ceux qui craindraient que les crimes,
les délits et tout comportement hors-la-loi commis par une personne dans
sa vie privée ne soient à l'abri de toute information publique.
Non, il n'est pas question que les crimes et délits restent
cachés et ne soient pas rendus publics.
Une fois de plus, notre souci de protéger la vie publique n'a pas pour
objet de protéger des hommes publics véreux. Que cela soit bien
clair ! Seule la notion d'intérêt public légitime
justifie une intrusion dans la vie privée, et cette notion ne souffre
d'aucune discussion lorsqu'il s'agit d'infraction aux lois.
La comparaison de nos législations en Europe suppose quelques exercices
difficiles, mais l'on observe des tendances. Par exemple, la notion
d'intérêt public est dorénavant reprise dans le droit
allemand. Il s'agit d'une notion connue : en cas de conflit entre la vie
privée et la liberté de la presse, la jurisprudence arbitre en
fonction de l'intérêt public, sauf pour la sphère intime
qui bénéficie d'une protection absolue.
La Constitution est exactement la même depuis 1982 en Espagne :
l'intérêt public justifie une intrusion dans la vie privée,
mais l'intérêt public absent interdit que l'on aille plus loin
dans la vie privée.
En Italie, en cas de conflit, on vérifie l'utilité sociale. Le
Code de déontologie se réfère au caractère
essentiel pour l'intérêt public.
Aux Etats-Unis, les tribunaux recherchent l'existence d'un lien logique entre
le fait rapporté et l'intérêt public.
On comprend donc bien pourquoi il faut retenir la notion d'intérêt
public qui est déjà utilement appliquée et il faut en
faire une notion commune qui éclaire des principes que nous avons tant
de mal par ailleurs à définir. "
Un nouvel amendement de
M. Gilbert MITTERRAND
vise à ajouter au
texte, après le rappel
" du droit au respect de la vie
privée et du droit à la liberté d'expression "
,
la phrase suivante :
" Ces droits ne sont ni absolus ni hiérarchisés entre
eux, étant d'égale valeur ".
Il intervient de la façon suivante pour défendre son
amendement :
" Que les droits dont nous parlons soient ni absolus ni
hiérarchisés entre eux, puisqu'ils sont d'égale valeur,
c'est ce que montre l'analyse juridique de tous nos textes. Le rapport de
M. Schwimmer ou le mien, essaient de bien l'expliquer.
C'est l'essence même de notre Convention européenne des Droits de
l'Homme qu'il s'agit de dégager ici, parce qu'elle est reprise dans les
législations nationales qui ont intégré la Convention.
Bien entendu, les pays qui ne l'ont pas encore fait, auront certainement
quelque chose à dire. Mais le retard ne doit pas pénaliser ceux
qui se sont mis à l'heure ! "
Après avis favorable de la commission, l'amendement est adopté.
L'amendement suivant tend à supprimer la proposition d'adoption d'une
nouvelle convention du Conseil de l'Europe pour garantir le droit au respect de
la vie privée.
M. Gilbert MITTERRAND
le défend ainsi :
" L'amendement n° 5 prépare les deux suivants.
L'objectif était l'ouverture d'un débat sur le point de savoir si
nous devons accepter une résolution ou si nous devons aller vers une
recommandation. Déposer ces amendements permet d'ouvrir le débat,
ce que je souhaitais. Les deux suivants traduisent concrètement une
évolution vers la recommandation. A cet instant, ce n'est pas
l'amendement n° 5 qui a le plus de fond.
Beaucoup de représentants se sont exprimés sur le point de savoir
s'il fallait faire évoluer notre législation ou pas, si le
Conseil de l'Europe devait donner un souffle nouveau ou se borner à
confirmer les textes existants en pensant qu'ils suffisent. Je partage en
partie ce point de vue. Ils suffiraient certes, mais ils ne sont pas mis en
oeuvre ! Voilà pourquoi il faut aller plus loin.
Pendant ce temps, le paysage bouge et les techniques évoluent. Nous
aurons forcément des conventions à préparer, concernant
Internet ou d'autres techniques, puisque le Comité des Ministres a
déjà proposé une réflexion entre nous. Nous
pourrions poser déjà la question dans ce débat, qui sera
sûrement repris. Vous ne pourrez pas y échapper dans les
années à venir. Si je soutiens mon amendement, c'est pour ouvrir
une discussion. "
L'amendement suivant, présenté par
M. Gilbert MITTERRAND
,
vise à
" recommander au Comité des Ministres
d'élaborer une convention permettant la reconnaissance réciproque
des qualifications juridiques et organisant la coopération judiciaire
dans la poursuite des atteintes aux droits garantis par la Convention
européenne des Droits de l'Homme... "
.
M. Gilbert MITTERRAND
défend sa proposition en ces termes :
" Cet amendement, je le défendrai pour au moins avoir la politesse
de répondre à une question posée par l'un de nos
collègues, M. Jaskiernia, qui voulait comprendre exactement ce mot
" convention ".
Ce mot veut simplement dire que, de toute façon, la portée
juridique de ce que nous sommes en train de décider ne pourra pas rester
en l'état. Il faudra aller plus loin avec un autre support,
peut-être justement une nouvelle convention. On aurait pu avoir une
recommandation, bien sûr. Mais beaucoup de textes à venir
s'appelleront conventions, puisque, je le rappelle, le Comité des
Ministres s'inquiète des répercussions des développements
technologiques et d'Internet. Le Comité des Ministres propose de mieux
protéger certains intérêts légitimes mis en cause.
Notre Assemblée pourrait dès aujourd'hui demander parmi les
intérêts mis en cause : " Pouvez-vous étudier la
question de la vie privée à l'intérieur de ces
conventions ? " Tel est le sens de cette demande, et tel est le sens
du mot convention.
De toute façon, nous aurons à défendre des
intérêts légitimes contre un certain nombre de
développements technologiques. Il y aura à coup sûr des
conventions. Demandez dès aujourd'hui que la vie privée fasse
partie des intérêts légitimes à défendre.
C'est la seule raison de cet amendement. Je penche plutôt vers cette
solution. "
Ces amendements, qui suscitent l'opposition de la commission juridique au nom
d'une interprétation très libérale du droit
d'investigation allant jusqu'à la dénégation du droit au
respect de la vie privée des personnes publiques, ne sont pas retenus.
En revanche, un nouvel amendement, présenté par
M. Gilbert
MITTERRAND
, tend à élargir la portée initiale du texte
pour garantir l'intimité et la tranquillité normales de la vie
privée en interdisant de suivre ou de pourchasser une personne pour la
photographier, la filmer...
M. Gilbert MITTERRAND
défend son amendement en ces termes :
" Cet amendement qui va tout à fait dans le sens du texte
proposé par M. Schwimmer au paragraphe 14.v, tend tout
simplement à préciser que l'interdiction de suivre ou de
pourchasser une personne ne doit pas se limiter au seul cas où cette
personne peut être effrayée ou blessée physiquement.
L'interdiction doit jouer dans tous les cas, notamment chaque fois qu'il y a
empêchement pour la personne de vivre en toute tranquillité. Toute
personne a le droit, dans sa vie privée, de ne pas être
dérangée.
L'interdiction ne doit donc pas s'appliquer uniquement aux cas où on
suppose qu'un drame pourrait avoir lieu, avec des conséquences physiques
graves, blessures ou mort de la personne pourchassée. La
législation doit s'appliquer à tous les cas lorsque quelqu'un est
photographié, filmé ou enregistré. "
L'amendement est alors adopté, avec avis favorable de la commission.
L'amendement suivant, présenté par
M. Gilbert MITTERRAND
,
tend à prévoir des sanctions pénales en cas d'atteinte
à la vie privée, de préjudice moral grave et de menaces
pour la santé des personnes :
" Cet amendement tend à instaurer des sanctions pénales
dans les cas les plus graves, en nombre limité, qui doivent d'ailleurs
être prévus par les législations nationales.
Le droit européen et le droit comparé de nos différentes
législations nous permettent de constater que la protection de la vie
privée sur le plan civil est très éclatée,
très diversifiée. Cette protection figure parfois dans la loi,
mais elle est souvent d'origine jurisprudentielle. Le droit anglo-saxon, quant
à lui, ne prévoit que rarement une législation
répressive en matière d'atteinte à la vie privée.
En revanche, sur le plan pénal, le paysage n'est pas aussi
éclaté et les législations sont beaucoup plus
homogènes. Notre amendement tend donc à mettre l'accent sur
l'homogénéité qui prend corps sur le plan pénal. Il
tend à la favoriser. Il est nécessaire pour aboutir à une
protection plus homogène de la vie privée.
De plus, lorsqu'il s'agit d'atteinte à l'ordre public, seul le juge
pénal doit pouvoir être saisi. Si des atteintes à la vie
privée troublent la société, et non seulement l'individu,
il faut qu'un juge pénal puisse intervenir. Un juge civil ne pourra
jamais rendre un jugement disant que la société est mise en
danger par le comportement de certains médias - des médias qui
n'ont que le nom, pas la déontologie. "
Si cet amendement n'est pas adopté, la commission s'étant
prononcée contre, il en va, en revanche, différemment du dernier
amendement proposé par
M. Gilbert MITTERRAND
et qui tend à
prévoir une action judiciaire d'urgence au bénéfice d'une
personne qui a connaissance de l'imminence de la diffusion d'informations ou
d'images concernant sa vie privée.
M. Gilbert MITTERRAND
soutient ainsi son amendement :
" Il s'agit de se conformer à un adage qui doit exister dans toutes
les langues utilisées ici : mieux vaut prévenir que
guérir.
Dans certains cas, contrairement à ce que certains j'ai pu entendre de
quelques uns en commission, il est possible d'empêcher
l'irréparable avant qu'il ne soit commis. Il serait donc
intéressant de pouvoir évacuer ces cas.
Par ailleurs, nous savons tous que certaines atteintes à la vie
privée sont irréparables. Nous pouvons prévoir tout ce
qu'on peut imaginer, des sanctions civiles, pénales, économiques,
le dommage, le mal est fait, rien ne pourra le réparer. Même si de
tels cas sont rares, la prévention est souhaitable.
Nous avons rejeté suffisamment d'amendements portant sur des questions
marginales, pour nous arrêter maintenant sur une situation qui, pour
exceptionnelle, n'en mérite pas moins que nous ouvrions les yeux sur
elle. Nous devons prévoir qu'une personne menacée d'atteinte dans
sa vie privée pourra, lorsqu'elle aura connaissance de l'imminence de la
menace, saisir d'urgence le juge afin d'éviter que le mal ne soit fait.
Cela n'empêchera nullement le juge du fond de se pencher sur l'affaire
pour dire si oui ou non il y avait atteinte à la vie privée.
Il faut permettre de sauver, dans l'urgence, de telles situations, quand c'est
encore possible. "
Malgré l'avis défavorable de la commission, l'amendement est
alors adopté.
M. Gilbert MITTERRAND, député (Soc)
, intervient de nouveau
dans le débat contre un amendement visant à encourager les
médias à établir leurs propres directives et à
créer un organe qui recevrait les plaintes pour atteinte à la vie
privée :
" Encourager les médias à établir leurs propres
directives en matière de publication ne me choque pas, car c'est la
déontologie. Dans mon rapport je préconise que l'on aille dans ce
sens.
Mais vraiment pourquoi créer " un organe " dont on ne sait
rien ? Est-ce la législation qui doit déterminer sa
composition ? On a rejeté beaucoup d'amendements tout à
l'heure au nom d'un concept défini dans notre Assemblée qui ne
permettrait pas d'aller aussi loin que les législations nationales. Je
reprends ici le même argument.
Cet " organe " serait composé de personnes qui seraient
à la fois juge et partie, et inclurait des représentants des
médias eux-mêmes. On ne peut demander à des citoyens de
s'adresser à un organe composé de journalistes pour se plaindre
des agressions dont ils seraient les victimes de la part de ces derniers. Ce
serait enlever son rôle au juge qui reste la seule garantie de nos
sociétés démocratiques. Que les professionnels s'occupent
de leur déontologie mais ne s'arrogent pas le droit de juger les
autres ! "
L'amendement est adopté, avec avis favorable de la commission.
La résolution 1165, figurant dans le rapport 8130, ainsi
amendée, est adoptée
à l'issue du débat
.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient alors pour une
explication de vote en ces termes :
" Je veux exprimer mes remerciements à notre rapporteur,
M. Schwimmer, pour le travail considérable accompli, ainsi qu'aux
trois rapporteurs pour avis, MM. Atkinson, Staes et Mitterrand. Leur
tâche ne fut pas facile pour arriver à un texte
équilibré entre le respect de la vie privée et la
liberté d'expression. Le débat sur les amendements l'a d'ailleurs
démontré. Ils y sont parvenus et nous leur devons une très
grande reconnaissance.
Ce texte est une invitation aux gouvernements. Mais, nous le savons, les textes
ne suffisent point. Il faut qu'à présent une volonté
claire s'exprime de la part de tous les gouvernements. C'est aussi et surtout
un appel à la conscience, au sens des responsabilités de tous,
particulièrement des médias, des directeurs de publications comme
des journalistes, mais aussi au nôtre, les politiques. Si le débat
d'aujourd'hui, qui fut de qualité, nous permet de franchir une
étape en ce sens, le Conseil de l'Europe, une fois de plus, aura fait
oeuvre utile. Pour cela, nous pouvons être
satisfaits ! "
V. LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 21 au 25 septembre 1998)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 21 au 25 septembre 1998 (quatrième
partie de la session ordinaire de 1998).
Au cours de cette session, l'Assemblée a entendu des allocutions de :
-
M. Peter WOLFF
, Président du Parlement de la
Principauté du Liechtenstein,
-
M. José-Maria GIL ROBLES
, Président du Parlement
européen.
-
M. Ugo Mifsud BONNICI
, Président de Malte
Le rapport d'activité du Bureau (doc. 8195) a été
présenté par
M. DEMETRIOU
(Grèce).
La communication du Comité des ministres a été
présentée par
M. Giorgos PAPANDREOU
, ministre
suppléant des Affaires étrangères de la Grèce (doc.
8181) ; question de
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc) et
de
M. Jacques LEGENDRE
, sénateur (RPR).
L'Assemblée a examiné les rapports suivants et adopté les
recommandations et résolutions ci-après :
- respect des obligations et engagements de la Bulgarie (doc. 8180) ;
- droits de l'homme des appelés (doc. 7979) ; recommandation 1380
et résolution 1166.
- politique générale : Conseil de l'Europe et OSCE (docs
8187, 8201 et 8202) ; interventions de
M. Daniel HOEFFEL
,
sénateur (UC) et
Mme Josette DURRIEU
, sénateur
(Soc) ; recommandation n° 1381.
- élaboration d'un code de conduite européen sur les ventes
d'armes (doc. 8188) ; intervention de
M. François LESEIN
,
sénateur (RDSE) - recommandation 1382.
- OCDE et économie mondiale (doc. 8179) ; allocution de
M.
Donald JOHNSTON
, Secrétaire général de l'OCDE ;
interventions de
MM. Jean VALLEIX
, député (RPR),
Claude
BIRRAUX
, député (UDF) et
Paul DHAILLE
,
député (S) ; résolution 1167.
- diversification linguistique ; rapport (doc. 8173)
présenté par M.
Jacques LEGENDRE
, sénateur
(RPR) au nom de la commission de la culture et de l'éducation ;
recommandation 1383.
- crise au Kosovo et situation en République fédérale
de Yougoslavie (docs. 8204, 8205 et 8210) ; intervention de
M. Jacques
BAUMEL
, député (RPR) - recommandations 1384 et 1385.
- derniers développements en Albanie (doc. 8208) - recommandation
1386.
- politique maritime européenne (docs. 8164, 8165, 8177 et 8206) -
intervention de
M. Jean BRIANE
, député (UDF) -
résolutions 1168, 1169 et 1170 - recommandations 1387 et 1388.
- cultures minoritaires ouraliennes en danger (doc. 8126) ;
résolution 1171.
- situation de la population francophone vivant dans la
périphérie bruxelloise (doc. 8182) ; intervention de
M.
Jacques LEGENDRE
, sénateur (RPR) ; résolution 1172.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se réunira
à Strasbourg du 25 au 29 janvier 1999 (1ère partie de la session
ordinaire de 1999).
2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 21 septembre)
Parmi
les nombreuses décisions prises par le Bureau, celui-ci a
décidé d'observer les élections en Bosnie et
Herzégovine, en Slovaquie, dans l'" ex-République Yougoslave
de Macédoine ", en Lettonie, en Albanie et en Azerbaïdjan.
Compte tenu de l'importance croissante que prend l'observation des
élections, le Bureau est d'avis que les rapports sur ces sujets soient
soumis à l'examen de l'Assemblée, assortis éventuellement
d'un projet de résolution ou de recommandation.
Par ailleurs, l'évolution préoccupante de la situation en Albanie
a conduit le Bureau à envoyer M. Tarschys, Secrétaire
général de l'Organisation en mission urgente et à
organiser un débat d'urgence à ce propos au cours de la session
plénière actuelle.
A l'issue du débat,
acte est donné du rapport
d'activité du Bureau figurant dans le rapport 8195 et
addendum.
3. Respect des obligations et engagements de la Bulgarie (Lundi 21 septembre)
La
Bulgarie a réalisé des progrès aux plans économique
et politique note le rapport d'information sur le respect des obligations et
engagements contractés par ce pays au moment de son adhésion au
Conseil de l'Europe. Mais les deux rapporteurs se disent
préoccupés par la situation dans les médias, la police,
les prisons pour enfants et dans le domaine de l'autonomie locale.
Ils relèvent que :
Médias
: le Conseil National de la Radio et de la
Télévision est, selon l'opposition, composé de 6 membres
proches du parti au pouvoir (UFD) et d'un membre proche de l'opposition (Gauche
Démocratique), ce qui entrerait clairement en contradiction avec le
caractère indépendant de cette institution. De nouvelles lois sur
la radio et la télévision et sur les
télécommunications devraient être adoptées en 1998
et il est à espérer, disent-ils, que l'Assemblée Nationale
tiendra compte des observations des experts du Conseil de l'Europe.
Indépendance du pouvoir judiciaire
: elle est garantie dans
le principe mais les nouveaux projets d'amendement de la loi sur le
système judiciaire sont matière à préoccupation.
Police
: les violences policières sont dirigées en
particulier contre des membres des communautés religieuses, les Roms et
les enfants des rues. Selon certaines ONG, elles sont en augmentation.
Epuration
: les renvois dans l'administration, le corps
diplomatique et dans les collectivités locales semblent toujours
être de nature politique.
Autonomie locale
: la réforme radicale de la
législation sur l'autonomie locale qui serait envisagée par les
autorités, aux fins de mettre en place un système de nomination
des maires et des gouverneurs régionaux, est assez préoccupante.
Prisons pour enfants
: il en existe deux (une pour les
garçons, une pour les filles) dont les conditions sont inacceptables.
Les parlementaires soulignent par ailleurs que certaines mesures prises ne
s'appliquent pas encore ; Ainsi, la Cour Suprême de Cassation et la
Cour Administrative Suprême sont en place, mais les Cours d'Appel ne
fonctionnent pas. La Bulgarie a signé la Convention cadre pour la
Protection des Minorités nationales, mais ne l'a pas encore
ratifiée. La liberté de culte semble satisfaisante, mais
l'obligation d'enregistrement des communautés religieuses est discutable.
Ils souhaitent que le Conseil de l'Europe soit invité à
évaluer des projets de loi en cours, tels ceux sur les religions et la
fonction publique. Ils proposent également que lors de l'adoption de
nouvelles législations, les commentaires des experts du Conseil de
l'Europe soient pris en compte.
Enfin, les rapporteurs estiment que le pouvoir en place devrait faire
participer davantage les forces politiques d'opposition à ses efforts de
réforme afin d'éviter l'émergence d'un profond clivage au
sein de la société.
Au terme du débat, tenu sur un rapport d'information,
conformément à la procédure de suivi, aucun vote n'a eu
lieu.
4. Droits de l'Homme des appelés (Mardi 22 septembre)
Une
audition, organisée par la Commission des questions juridiques et des
droits de l'homme en juillet 1996 à Helsinki a montré qu'il
existe des différences considérables entres les Etats membres au
sujet du statut juridique des appelés et des droits dont ils
bénéficient. Elle a révélé aussi que, dans
plusieurs pays, les droits de l'homme des appelés sont limités
d'une manière injustifiable.
C'est pourquoi le rapport élaboré par le socialiste
néerlandais Erik Jurgens affirme que les appelés doivent
bénéficier des mêmes droits et libertés et jouir de
la même protection juridique que les citoyens ordinaires. Le rapporteur
propose à l'Assemblée d'inviter les Etats membres à revoir
leur législation nationale et leur pratique afin, notamment d'assurer la
conformité des procédures devant les tribunaux militaires avec la
Convention européenne des Droits de l'homme, de veiller à
l'existence de voies de recours appropriées, à
l'équité des procédures, à l'impartialité et
à l'indépendance du tribunal ainsi qu'à la
régularité de l'arrestation et de la détention
éventuelles des appelés. Préoccupé par la crise
économique en Asie et tout particulièrement au Japon, ainsi qu'en
Russie, le rapporteur invite les institutions financières
internationales ainsi que les pays membres de l'OCDE à soutenir les
réformes politiques, économiques et sociales que doivent
entreprendre ces pays. Le rapporteur se tourne également vers l'OCDE
pour lui demander que, dans la définition finale de l'Accord
multilatéral d'investissement (AMI), elle prenne mieux en compte les
préoccupations nationales dans les domaines des normes sociales et de
travail, l'environnement et les objectifs culturels nationaux. Dans la lutte
contre le chômage, Terry Davis demande d'encourager des politiques
permettant l'essor du secteur des services, davantage utilisateur de
main-d'oeuvre.
Au terme du débat,
la résolution 1166, amendée,
figurant dans le rapport 7979, ainsi que la recommandation 1380, sont
adoptées.
5. Communication du Comité des ministres - Questions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mardi 22 septembre)
M.
Giorgos PAPANDREOU, ministre suppléant des Affaires
étrangères de la Grèce, s'adresse à
l'Assemblée au nom du Président en exercice du Comité des
ministres et attire l'attention sur la situation critique dans certains Etats
membres, notamment l'Albanie, et la crise qui perdure en République
fédérale de Yougoslavie et au Kosovo.
Mme Josette DURRIEU,
sénateur (Soc),
lui pose la question suivante :
" Dans
la perspective de l'institution d'un commissaire aux droits
de l'homme du Conseil de l'Europe, demande au Président du Comité
des Ministres, comment s'articuleraient les procédures et les
compétences de ce commissaire avec celles de la Cour européenne
des Droits de l'Homme, désormais permanente, ainsi qu'avec le
Comité de prévention de la torture et des traitements
dégradants, et ne serait-il pas opportun de demander à la Cour
unique et permanente des Droits de l'Homme un avis sur ce point, qui serait
porté à la connaissance du Secrétaire
Général, du Comité des Ministres et de
l'Assemblée. "
M. PAPANDREOU lui répond en ces termes :
" En réponse à la question de Mme Durrieu,, je voudrais tout
d'abord souligner que, de l'avis du Comité des ministres, le commissaire
sera une institution non judiciaire dont la mission sera de promouvoir
l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme et le respect
qui leur est dû.
Dès le début de son examen de la proposition de créer
cette institution, le Comité des ministres a toujours pensé que
le commissaire devrait s'acquitter d'autres fonctions que celles
déjà remplies par la Cour européenne des Droits de
l'Homme, ou par les organes de contrôle relevant des instruments du
Conseil de l'Europe concernant les droits de l'homme, tel que le Comité
pour la prévention de la torture.
Le projet de mandat du commissaire envisagé, que le Comité des
ministres a récemment communiqué à l'Assemblée
parlementaire pour avis, confirme cette position et précise que le
commissaire aux droits de l'homme devra respecter la compétence de la
Cour et des autres organes de contrôle. Je voudrais renvoyer l'honorable
membre, à ce propos, aux articles 2 et 4 du projet de mandat.
En ce qui concerne l'opportunité de demander l'avis de la nouvelle Cour
européenne des Droits de l'Homme, je peux informer Mme Durrieu que cette
question a déjà été soulevée au sein du
Comité des ministres, et je ne suis pas en mesure de préjuger
l'issue de nos discussions. Quoi qu'il en soit, il ne m'est pas difficile de
vous donner le point de vue de la Grèce à ce sujet : le
commissaire étant une institution non judiciaire, fonctionnant en
respectant la compétence de la Cour européenne des Droits de
l'Homme, nous ne pensons pas vraiment que l'avis de cette Cour devrait
être sollicité en l'espèce. Tout d'abord, la Cour n'est pas
un organe subsidiaire du Comité des ministres, sa mission est de
prononcer des arrêts, non de donner des avis dont le Comité peut
très bien ne pas tenir compte. En outre, avant de demander un avis
à la Cour, nous devrions être sûrs qu'elle est
disposée à nous en fournir un. Nous ne souhaitons certainement
pas avoir à faire face à un refus de la Cour. Le fait de formuler
cette demande à la Cour équivaudrait, selon nous, à placer
la Cour dans une position très embarrassante. Le rôle du
Comité des ministres, par rapport à la Cour, est défini de
manière claire et restrictive dans la Convention, article 54. Le
Comité doit surveiller l'exécution des arrêts de la Cour
sans lui demander des avis ou des conseils sur des questions nettement
situées en dehors de son champ de compétence.
En conclusion, je voudrais souligner une fois encore l'importance que le
Gouvernement grec attache à l'institution du commissaire européen
aux droits de l'homme. Nous ferons le maximum en vue d'une adoption rapide des
textes pertinents afin que le commissaire puisse être nommé dans
un très proche avenir.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, pose alors une question
supplémentaire :
" Monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas que la multiplicité des
institutions chargées de préserver les droits de l'homme risque
d'affaiblir l'efficacité de l'ensemble du système ? "
Le représentant du Comité des ministres formule la réponse
suivante :
" Cela dépend du domaine dans lequel travaille chaque institution.
Comme je l'ai déjà dit, le commissaire aux droits de l'homme ne
sera pas un organe judiciaire ; il aura essentiellement un rôle
d'éducation et pourra, entre autres, être appelé à
prodiguer des conseils à différentes institutions, organisations,
Etats, etc. Je pense qu'il est nécessaire de mettre en place un tel
organe, car il viendra combler une véritable lacune dans le domaine de
la protection des droits de l'homme en Europe. Personnellement, je suis
convaincu qu'il faut résolument aller vers sa création. "
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR)
, pose à son tour une
question en ces termes :
" Considérant qu'il aurait créé une
" antenne " de gestion des itinéraires culturels du Conseil de
l'Europe hors du siège de notre Organisation à Strasbourg,
demande au Président du Comité des ministres s'il peut lui
préciser la base légale de cette localisation d'un organe du
Conseil de l'Europe hors du siège statutaire et si la
disponibilité prochaine des locaux précédemment
occupés par le Parlement européen ne serait pas l'occasion de
rationaliser la gestion administrative de l'Organisation en rassemblant tous
les services à Strasbourg. "
M. PAPANDREOU lui répond :
" L'Institut européen des itinéraires culturels a
été créé au Luxembourg à l'initiative du
Gouvernement du grand-duché.
La Résolution (98) 4 sur les itinéraires culturels du Conseil de
l'Europe, adoptée par le Comité des ministres le 17 mars 1998,
définit un règlement -en tant que cadre de coopération
formelle- pour la mise en oeuvre de cette activité, qui nécessite
des ressources humaines et financières considérables, et autorise
le Secrétaire général à signer un protocole
d'accord avec le Gouvernement du grand-duché de Luxembourg, ainsi qu'un
arrangement administratif avec le président de l'association
" Institut européen des itinéraires culturels " dont le
siège est à Luxembourg.
Cette activité est coordonnée pour le Conseil de l'Europe par
l'Institut européen des itinéraires culturels. Il va sans dire
que les instances compétentes du Conseil de l'Europe restent
responsables pour l'évaluation de la pertinence et de la
faisabilité de nouveaux thèmes dans le contexte du programme
intergouvernemental d'activités géré par le
Secrétariat.
Cette restructuration présente l'avantage pour le Conseil de l'Europe de
développer un partenariat qui lui permet d'augmenter les ressources
financières et humaines allouées à cette activité
grâce à une importante contribution financière du
grand-duché de Luxembourg.
Les Délégués des ministres examinent activement les
besoins en locaux du Conseil de l'Europe et les effets de la mise en service
prochaine du nouvel hémicycle du Parlement
européen. "
6. Politique générale - Le Conseil de l'Europe et l'OSCE - Interventions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 22 septembre)
Les 40
Etats membres du Conseil de l'Europe appartiennent tous également
à l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) - et les deux Organisations partagent les mêmes
principes et les objectifs de la stabilité et de la
sécurité en Europe, fondés sur la démocratie et le
respect des droits de l'homme, rappelle l'auteur du rapport, M. Peter
Schieder.
Il s'agit néanmoins d'Organisations très différentes par
leurs responsabilités, leurs structures, leurs outils et méthodes
de travail - le Conseil de l'Europe étant une Organisation
véritablement paneuropéenne et l'OSCE ayant un caractère
transatlantique.
Le rapporteur s'interroge sur la manière dont les deux Organisations
pourraient renforcer leur coopération et leur coordination, et propose
la mise en commun de l'information et de la communication dans les situations
d'urgence. Il appelle les gouvernements des Etats membres à faire en
sorte d'éviter les doubles emplois, notamment dans les activités
concernant les droits de l'homme.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le débat
de la façon suivante :
" La question des relations entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE, qui
fait l'objet de l'excellent rapport de notre collègue M. Schieder,
est particulièrement importante dans le contexte de clarification, qui
apparaît indispensable, des compétences et des attributions des
différentes institutions intervenant sur le continent européen.
Le rapport fournit une analyse pertinente des responsabilités, des
structures et des méthodes des deux organisations qui ont des
principes et des objectifs communs. Toutefois, ces deux institutions ont
aussi, et cela vient d'être rappelé par notre collège
M. Antretter, des traits distinctifs qui rendent illusoire la perspective
d'une fusion.
Les différences entre les deux organisations apparaissent aussi
bien dans l'approche des problèmes que dans les méthodes
employées pour les résoudre.
L'OSCE privilégie une approche politique tant dans la prévention
que dans la gestion des crises. Le Conseil de l'Europe, pour sa part, s'appuie
sur des principes statutaires beaucoup plus stricts tant en ce qui concerne la
démocratie, la prééminence du droit et des droits de
l'homme, tout en disposant d'un système de protection juridique
contraignant.
L'expression même de " dimension humaine ", qui recouvre
à l'OSCE la question des droits de l'homme, marque bien la
différence avec l'approche juridique du Conseil de l'Europe.
Il est néanmoins utile d'éviter les doubles emplois et de
s'engager dans une meilleure coopération entre les
deux organisations, sous réserve cependant que soient
respectées les traditions et les méthodes de travail de chacune
d'elles. Le rapporteur, notre collègue M. Schieder, en s'appuyant
notamment sur les travaux du récent séminaire de La Haye, fait,
à cet égard, des propositions constructives et nous devons l'en
remercier.
Cependant, s'il est essentiel que le Conseil de l'Europe coopère avec
l'OSCE pour tout ce qui concerne les problèmes pratiques et
d'actualité, notamment l'observation des élections, il me semble
que cette coopération devrait également être de
règle pour quelques grands projets mis en oeuvre. On peut
s'étonner, par exemple, qu'aucune information ne nous soit fournie sur
l'état des travaux préparatoires à la Charte de
sécurité européenne que prépare l'OSCE dans le
cadre de l'élaboration d'un modèle de sécurité pour
le XXI
e
siècle.
La mise en oeuvre d'une telle charte n'est pas une mince affaire. Or il ne
semble pas que les lignes directrices relatives à ce document,
adopté par le Conseil ministériel à Copenhague en
décembre dernier, aient fait l'objet d'une diffusion au sein de notre
Assemblée et d'ailleurs, le rapport de la commission politique n'en fait
pas mention.
La Charte de sécurité européenne aura pourtant des
conséquences pour le Conseil de l'Europe qui a lui-même
élaboré le concept de sécurité démocratique
lors du Sommet de Vienne de 1993. Le Conseil de l'Europe est-il
régulièrement informé sur les travaux préparatoires
à cette charte et dans l'affirmative, sous quelle forme ? Cette
question n'est pas négligeable à nos yeux, car le renforcement de
la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE doit concerner
également les grandes orientations politiques.
J'observe d'ailleurs que nous n'avons guère d'informations sur les
travaux de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, sur les
résolutions qu'elle adopte lors de ses sessions annuelles et sur leur
suivi. Aussi serait-il souhaitable que notre débat d'aujourd'hui
permette d'engager une réflexion de fond sur les orientations de l'OSCE,
sur les positions de ses organes exécutif et parlementaire et sur la
manière dont elles s'articulent avec les propres objectifs du Conseil de
l'Europe. Il y va de notre crédibilité, voire, à terme, de
notre existence. "
Mme DURRIEU, sénateur (Soc)
, prend la parole en ces termes :
" Il est évident que les orateurs précédents ont
exprimé beaucoup d'interrogations, d'insatisfactions et de craintes au
sujet du devenir du Conseil de l'Europe. Toutes les interventions font
également apparaître des points communs démontrant que ces
deux institutions sont différentes par leur nature, leurs missions
et leurs moyens. Les deux sont donc nécessaires. Toutes les
interventions, y compris la dernière de M. Antretter, disent non
à la fusion, non à la dilution : pas d'opposition, pas de
dépendance, mais le strict respect des deux institutions dans une action
concertée et complémentaire.
Le Conseil de l'Europe, chacun le sait mais le répète, est la
conscience morale de l'Europe, vous l'avez déclaré les uns et les
autres, il a cinquante ans, une Europe qui regroupe quarante Etats,
bientôt quarante-six. C'est la Grande Europe à laquelle faisait
référence notre collègue géorgienne
Lana Gogoberidze. C'est une institution strictement et totalement
paneuropéenne, et cela est important. C'est le creuset dans lequel se
forge la nouvelle Europe.
Le Conseil de l'Europe, constitué et animé par des parlementaires
délégués par leurs parlements nationaux -ce qui lui donne
une dimension très forte- entretient une relation permanente pendant
quatre sessions au cours de l'année avec les responsables
politiques de quarante Etats. D'où une situation exceptionnelle.
Le Conseil de l'Europe et l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe ont acquis une connaissance profonde des quarante Etats membres avant
et après l'adhésion, et la capacité d'expertise du Conseil
de l'Europe est probablement incomparable, probablement aussi très mal
utilisée. Le sera-t-elle seulement au moment de
l'élargissement ?
L'Europe nouvelle, nous la voulons tous démocratique et pacifique. La
démocratie, c'est le Conseil de l'Europe ; la paix, c'est l'OSCE.
La démocratie, c'est le Conseil de l'Europe, parce que l'on sait
très bien qu'il n'y a pas de démocratie sans respect des droits
de l'homme et sans cohésion sociale. La démocratie, c'est
l'affaire du Conseil de l'Europe. La paix, c'est l'OSCE. Les missions
diplomatiques, la gestion des crises, la prévention des crises, les
alertes rapides, la reconstruction après les conflits, la maîtrise
des armements et du désarmement, c'est l'affaire de l'OSCE.
M'inscrivant dans cette logique et m'appuyant sur quelques exemples concrets,
je constate que demain nous traiterons du désarmement, de
l'élaboration d'un code de bonne conduite face au problème des
ventes d'armes. Cela ne relève pas de notre compétence !
Cela relève de la compétence de l'OSCE. De ce débat, nous
aurions donc pu nous dispenser, mais il est vrai que tout débat est
enrichissant.
Mon collègue Hoeffel a fait référence à la
Déclaration de Copenhague, dont il a dit que personne ne l'avait lue.
J'ai sous les yeux cette déclaration de l'Assemblée parlementaire
de l'OSCE du 10 juillet 1998, et ce que j'y lis, au chapitre 3, me contrarie
profondément. Il est question de démocratie, des droits de
l'homme et de questions humanitaires, tous sujets qui relèvent de la
stricte compétence du Conseil de l'Europe. Il s'agit vraiment là
d'une extension indue des compétences de l'OSCE par rapport à
celles du Conseil de l'Europe.
J'ai approfondi la lecture de ce texte. Au chapitre 3, qui compte vingt-neuf
articles, il est fait très souvent référence au BIDDH et
à ses efforts, que l'on invite à soutenir. Je me suis
demandée ce qu'était le BIDDH, et je suis sûre que la
plupart d'entre vous l'ignorent. J'ai découvert qu'il s'agit d'un organe
de l'OSCE, strictement administratif, qui n'a aucune légitimité,
mais semble quand même formuler des avis qui font la loi.
L'article 100 souligne qu'il faut prêter la plus grande attention aux
droits fondamentaux des Rom, c'est-à-dire des Tsiganes. Je pense qu'il
s'agit là encore d'un sujet qui concerne éminemment le Conseil de
l'Europe.
A l'article 112, je constate qu'il est fait référence à
l'Organisation et à l'observation des élections. Comme il en a
déjà beaucoup été question, je me dispenserai
d'allonger le débat, mais c'est aussi une mission essentielle du Conseil
de l'Europe, pour au moins deux raisons. La première est que nous avons
coopéré à la mise en place des textes fondamentaux,
notamment la loi électorale, la seconde que nous avons obligation
d'observer des élections libres avant l'adhésion d'un pays qui a
posé sa candidature. L'observation d'une élection est donc
l'aboutissement de la mission du Conseil de l'Europe. Il y a urgence. Vite,
élaborons ensemble un document cadre commun et mettons en place un
comité des programmes.
Très cordialement, mais très solennellement, je m'adresse
à la Présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE,
Mme Degn, à Mme Fischer, Présidente de notre
Assemblée, et à M. le président du Comité des sages
et les invite à exercer les responsabilités que nous leur avons
données. Il vous appartient d'agir tout de suite. Demain, il sera trop
tard pour le Conseil de l'Europe ! "
A l'issue du débat,
la recommandation 1381, figurant dans le rapport
8187, est adoptée, amendée.
7. Elaboration d'un code de conduite européen sur les ventes d'armes - Intervention de M. François LESEIN, sénateur (RDSE) (Mercredi 23 septembre)
Un
contrôle efficace et global des transferts d'armes conventionnelles et de
produits et technologies à double usage est indispensable pour assurer
une stabilité démocratique durable en Europe.
Le code de conduite de l'Union Européenne en matière
d'exportation d'armements, adopté récemment, vise à mettre
en oeuvre des critères élevés pour les exportations
d'armes des Etats membres de l'UE. Il contient huit critères, parmi
lesquels figure le respect des droits de l'homme dans le pays de destination
finale, à prendre en considération lors de la délivrance
des autorisations d'exportations d'armes. Le Conseil de l'Europe se voit
attribuer un rôle spécifique dans ce domaine.
Considérant qu'un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe
sont de grands producteurs et exportateurs d'armes conventionnelles, il est
essentiel que les principes et le dispositif du code de conduite de l'UE
s'appliquent à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, de
préférence sous la forme d'un code de conduite européen.
M. François LESEIN, sénateur (RDSE)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Je tiens à féliciter M. Pahor pour l'excellence de
son rapport, auquel j'adhère pleinement.
Je pense, comme plusieurs de nos collègues, que le thème des
ventes d'armes ne devrait pas figurer à l'ordre du jour de nos
débats, car il relèverait plutôt de la compétence
d'autres organisations, plus particulièrement formées en
matière de défense. Aussi ne l'aborderai-je pas d'un point de vue
général.
Les trafics d'armement nous intéressent, au Conseil de l'Europe, dans la
mesure où ils entretiennent l'instabilité dans certains Etats
européens, surtout dans des Etats membres de notre Organisation. Je veux
parler de la Transnistrie où la 14
e
armée russe reste
implantée avec de nombreux armements.
Si je me réjouis de l'accord signé entre la Moldavie et la
Fédération de Russie, le 21 juillet dernier, je suis inquiet
sur sa mise en oeuvre. Dans quelle mesure les contrôles prévus sur
les stocks d'armement peuvent-ils s'exercer ? Nous savons qu'il y a, non
loin de cette région, des crises ouvertes. Je pense, en particulier, aux
événements du Kosovo.
Il y a assurément de nombreux " clients " à la
recherche d'approvisionnement en armes de guerre, y compris conventionnelles.
On l'a dit ici.
Or, selon les données même de la partie russe, resteraient en
Transnistrie des munitions GOFR pour plus de 42.000 tonnes, sans parler de
munitions " non transportables ". S'agit-il de missiles ? Il se
trouverait également dans cette région 119 tanks,
129 voitures blindées de l'avant, 129 systèmes
d'artillerie et 7 hélicoptères.
Cette situation reste un danger pour la paix, pour les droits de l'homme et
pour le respect territorial de la Moldavie. Elle conforte les autorités
séparatistes de Tiraspol - l'histoire est connue - qui empêchent
le fonctionnement normal des différentes commissions
créées, notamment la commission mixte formée de
représentants de la Fédération de Russie, de l'Ukraine, de
l'OSCE et de la République moldave. Même si les armes sont russes,
les autorités séparatistes de Tiraspol sont, me semble-t-il,
encore plus responsables.
L'accord du 21 juillet ne pourra porter ses fruits que s'il est loyalement
mis en oeuvre et si les mesures de contrôle sur les armements peuvent
être appliquées avec toutes les garanties prévues.
S'agissant d'Etats membres du Conseil de l'Europe, nous souhaitons très
vivement que ces mesures de confiance s'appliquent réellement, car la
paix en dépend non seulement dans la région en cause, mais
également dans d'autres régions en proie à des conflits
ouverts particulièrement inquiétants.
Mes chers collègues, j'espère que vous souhaiterez avec moi
l'adoption de ce code de conduite européen. Je vous remercie de vous
associer au vote de la proposition qui nous est soumise par
M. Pahor. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1382 figurant dans le rapport
8188 est adoptée.
8. OCDE et économie mondiale - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), et Paul DHAILLE, député (Soc) (Mercredi 23 septembre)
Préoccupé par la crise économique en Asie
et
tout particulièrement au Japon, ainsi qu'en Russie, le rapporteur invite
les institutions financières internationales ainsi que les pays membres
de l'OCDE à soutenir les réformes politiques, économiques
et sociales que doivent entreprendre ces pays. Le rapporteur se tourne
également vers l'OCDE pour lui demander que, dans la définition
finale de l'Accord multilatéral d'investissement (AMI), elle prenne
mieux en compte les préoccupations nationales dans les domaines des
normes sociales et de travail, l'environnement et les objectifs culturels
nationaux. Dans la lutte contre le chômage, le rapporteur demande
d'encourager des politiques pouvant permettre l'essor du secteur des services,
davantage utilisateur de main-d'oeuvre.
Le rapport sera débattu par l'Assemblée parlementaire
élargie, composée de délégations des Etats membres
de l'OCDE et du Conseil de l'Europe.
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
prend la parole dans le
débat en ces termes :
" Ce débat sur l'OCDE et l'économie mondiale se
déroule - on l'a parfaitement rappelé - dans un contexte de crise
à l'échelle planétaire : crise des économies
asiatiques, changement d'orientation en Russie, chute des cours dans de
nombreux pays, notamment en Amérique latine, fragilisation du
leadership
américain. Un tel contexte, tellement
préoccupant, aurait mérité, à mon avis, un
débat plus long, il aurait mérité plus que cette seule
après-midi. Je regrette aussi ce " resserrement " du
débat par égard à nos amis venus de continents lointains,
de pays tels que le Japon, la Corée, le Canada, ou le Mexique.
Comment, mes chers collègues, pouvons-nous considérer, nous
Européens, que l'euro peut nous tenir éventuellement, et
souhaitons-le, à l'écart ? Certains, bien sûr,
soulignent les capacités protectrices et stabilisatrices d'un euro qui
n'est même pas encore en vigueur. Sommes-nous certains nous-mêmes,
mes chers collègues, de la capacité de l'euro à
protéger l'Europe dans la durée ?
Il serait intéressant que nous connaissions à cet égard le
point de vue de l'OCDE et, Monsieur le Secrétaire général,
vous avez bien voulu aborder certains de ces aspects.
La crise actuelle a, par ailleurs, montré les limites des politiques
conduites par les grands organismes financiers mondiaux. La question a
été posée aussi bien par notre rapporteur que par le
Secrétaire général de l'OCDE : l'OCDE croit-elle
toujours elle-même que les prescriptions monétaristes, et
exclusivement monétaristes, sont bien le seul remède au
développement des économies en transition ?
N'est-il pas préoccupant que le Congrès des Etats-Unis refuse
d'accorder la dotation financière réclamée par le
FMI ?
Monsieur le Secrétaire général, vous avez longuement
développé la situation en Russie et il est tout à fait
important que nous puissions en débattre - j'espère pas trop
tard, en janvier prochain. Mais ces bouleversements remettront-ils en cause
l'aide occidentale accordée à la Russie ? La question est
posée.
On le voit, l'OCDE doit actuellement apporter toute sa capacité
d'analyse et de conseil pour nous donner les meilleures solutions à la
crise. Dans l'excellent rapport de notre collègue, Terry Davis, une
large place est faite à la crise asiatique et notamment aux graves
difficultés que connaît l'économie japonaise. Le
relèvement du Japon qui, je le rappelle, est observateur au Conseil de
l'Europe et partenaire régulier à nos travaux, est une
priorité. Nous devons tout mettre en oeuvre pour aider à ce
redressement. Le Japon non seulement joue un rôle décisif pour la
stabilité de l'ensemble de la région d'Asie, mais il demeure la
deuxième puissance économique mondiale.
De même, le problème n'a pas été
évoqué, mais que sera la Chine demain ? Et quelles seront
par conséquent ses capacités de croissance et de stabilité
ou d'instabilité ?
Enfin, je pense que le moment est venu d'engager une réflexion, une
réflexion à laquelle notre Assemblée doit être
associée, sur l'évolution des marchés et des capitaux
à l'échelle mondiale. Ce problème est bien posé
aujourd'hui, il doit connaître des lendemains de travail entre nous.
Comme le souligne excellemment le projet de résolution, Monsieur le
rapporteur, il est en effet urgent de mettre en place des normes comptables
claires et des mesures de transparence afin d'aider les marchés mondiaux
à mieux prévenir et gérer les crises.
S'agissant de l'Europe, parallèlement à cette
régularisation nécessaire des flux monétaires, et à
la mise en place de la monnaie unique, il est indispensable de renforcer la
coordination de nos politiques économiques et sociales, de poursuivre
résolument la lutte contre le chômage en respectant le rôle
et la souveraineté des Etats, qui demeurent les seuls garants de la
cohésion nationale.
Mes chers collègues, enfin, nous savons gré au rapporteur d'avoir
porté un regard très ouvert sur le projet d'accord
multilatéral pour les investissements (AMI), d'avoir insisté sur
l'indispensable transparence des discussions sur le sujet et sur la
nécessité de renforcer le contrôle parlementaire. Nous lui
savons gré d'avoir souligné en outre que la culture - il ne fait
que reprendre la position du Canada, très ferme à cet
égard - ne doit pas forcément tomber dans le cadre d'un tel
accord, au contraire, un accord qui doit s'appuyer sur des aspects, des
approches également sociales et humaines, sans envahir le domaine
culturel qui reste le domaine de l'expression de chacun de nos Etats et de nos
civilisations.
Voilà mes chers collègues, une manière de conclure sur
l'aspect humain des choses. En effet, vous évoquiez, à l'instant,
madame Lalonde, la nécessité de penser à l'homme et
à la femme ordinaires. Je voudrais aussi que nous pensions à la
capacité d'épanouissement que nous pouvons offrir à nos
contemporains et à nos générations qui montent. Cette
dimension humaine, très bien rappelée par le Secrétaire
général de l'OCDE aussi bien que par notre rapporteur, vous me
permettrez de la résumer aussi dans une formule de Charles de
Gaulle : " La seule querelle qui vaille est celle de
l'homme ". "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, fait à son tour
les observations suivantes :
" Je tiens tout d'abord à remercier et à féliciter
M. Davis pour son rapport fort complet qui replace le sujet dans un cadre
plus large, y compris en ce qui concerne les finalités mêmes du
développement. Pour ma part, je souhaite mettre l'accent sur quelques
points qui me semblent importants.
Ce rapport traite d'abord de la crise asiatique alors que l'actualité
récente nous plonge déjà dans une autre, la crise russe.
Marquant les limites du miracle asiatique, cette crise a pour
caractéristique de ne pas être seulement économique et
monétaire, mais elle est aussi une remise en cause d'un certain
schéma sociopolitique où démocratie et
développement économique ne font pas toujours bon
ménage ; un rapide panorama de l'Asie nous renvoie à des
régimes politiques allant des dictatures à des démocraties
plus ou moins musclées, ou plus ou moins molles, et par là
même toutes deux perméables à des intérêts
privés.
La libéralisation récente des marchés, le
développement des bourses se sont faits sans être
accompagnés de contrôles suffisants. Cette insuffisance de
réglementation dans un contexte de copinage et de népotisme ont
facilité certaines pratiques fallacieuses : prêts douteux,
ratios élevés d'engagements bancaires... Dès lors, fait
nouveau dans ces sociétés, l'affaiblissement du contrôle de
la puissance publique a conduit à une remise en cause des dirigeants.
C'est pourquoi, je partage pleinement le projet de résolution qui
rappelle que la prééminence du droit et la transparence sont des
facteurs essentiels pour un développement économique durable.
Il y a un point sur lequel je souhaite également m'exprimer :
l'accord multilatéral d'investissement. L'AMI, dans les
négociations engagées sous l'égide de l'OCDE en
février dernier, s'est soldé par un échec tant les
divergences entre les participants étaient profondes.
Cet accord, qui a pour but d'assurer aux investisseurs des règles
stables pour l'accès aux marchés tout en libéralisant les
investissements, a suscité sur certains points des réactions
hostiles. Dans mon pays, en France, des dispositions ont été
critiquées sur tous les bords de l'échiquier politique, en
particulier en ce qui concerne le domaine culturel et audiovisuel. Nombreux
sont ceux qui ont plaidé pour ce qu'il est convenu d'appeler, depuis
l'exclusion de l'audiovisuel de l'accord du GATT, " l'exception culturelle
française et européenne ".
Je suis de ceux qui pensent que la culture n'est pas une marchandise comme les
autres et accepter cet accord en l'état, c'est accepter le financement
des oeuvres comme de simples investissements, oublier que la culture
relève des intérêts d'une nation : il en va du respect
de notre identité culturelle, du pluralisme culturel à
l'échelle mondiale en équilibrant par des subventions la
domination de certains pays.
Par ailleurs, tout accord sur l'investissement ne saurait s'abstraire ou se
soustraire à une prise en compte de données sociales, des
conditions de travail ou d'environnement. Ce n'est pas parce que certains pays
tolèrent le travail des enfants, que l'interdire deviendrait
discriminatoire pour l'investisseur. Il en est de même en ce qui concerne
l'environnement et ce qui insupportable pour l'environnement de nos pays ne
l'est pas moins pour celui d'autres pays.
M. le rapporteur a aussi abordé le non moins important
problème du vieillissement des populations dans la zone OCDE. Par
vieillissement de la population, on entend une baisse de la
fécondité conjuguée à une diminution de la
mortalité. Cette évolution démographique soulève de
nombreux problèmes. Il y a l'avenir des régimes de retraite qui
fonctionnent par répartition où les actifs d'aujourd'hui
financent pour les retraités d'aujourd'hui et les actifs de demain
financeront pour les actifs d'aujourd'hui. Le vieillissement de la population
perturbe cette solidarité entre générations.
Le coût de la santé pose un autre problème qui risque de
s'accroître alors que l'équilibre du budget social est
déjà pour certains pays d'actualité.
Le vieillissement de la population entraîne en outre un problème
qui me semble ne pas être le moindre : le dynamisme de
l'économie. On peut en effet concevoir que la capacité d'innover,
la réceptivité au changement sont plus fortes dans une population
jeune que dans une population âgée.
Pour toutes ces raisons, il est urgent de mener une véritable politique
familiale avec des mesures incitatives générales versées
par l'Etat au motif qu'un enfant est un investissement pour la
société tout entière. Un enfant, faut-il le rappeler,
représente l'avenir de la société.
Enfin, les crises en Asie et en Russie, il est vrai quelque peu
éclipsées dans les médias, en particulier
outre-Atlantique, ,par les obsessions, que je qualifierai de pathologiques,
d'un procureur américain, sont là pour rappeler que le
développement économique durable ne se mesure pas uniquement
à travers des grilles et des ratios, mais qu'il ne saurait ignorer ni
les principes de la démocratie, l'Etat de droit et la transparence, ni
les considérations sociales et environnementales. Mieux, il ne peut
s'accroître pour lui-même, mais pour la société et au
service des citoyens qui la composent. "
M. Paul DHAILLE, député (Soc)
, s'exprime alors sur ce
thème de la façon suivante :
" En ce qui concerne la situation économique mondiale, M. le
rapporteur écrit qu'il a l'impression d'être un artiste qui
s'efforce de peindre un soleil couchant : le temps de fixer sur sa toile
et le soleil a déjà bougé dans le ciel ! L'image est
jolie, mais elle est aussi dramatique pour de nombreux peuples de l'Asie, pour
les pays émergents également et peut être demain pour les
pays développés, sans parler des pays en voie de
développement qui voient leurs efforts anéantis du fait des
soubresauts de l'économie mondiale.
Pourtant le soleil n'a pas été toujours aussi changeant et l'on a
voulu nous faire croire pendant des années qu'il était fixe,
c'est-à-dire qu'il n'existait qu'une voie possible, qu'une solution, une
seule, pour le développement économique mondial,
l'économie de marché, la loi du marché sans
contrôle, ni mesure, surtout de la part des Etats.
Le marché se régulait de lui-même, paraît-il,
corrigeait ses propres excès de par ses propres mécanismes
d'autocontrôle interne qui se créaient d'eux-mêmes. Les bons
élèves de la classe étaient alors les pays d'Asie, les
" dragons " petits et grands qui, à l'inverse de nos vieux
pays industriels et des vieilles démocraties occidentales avaient su
tout subordonner à leur puissance économique, en particulier les
droits sociaux, la protection de leur environnement et, pour certains, les
principes démocratiques. Les difficultés du Mexique avaient
constitué une première alerte, mais ce pays n'appartenait pas
à cette zone géographique asiatique et la secousse avait
été limitée.
Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence : le
modèle économique dominant est en crise. Née en Asie, la
crise a gagné la Russie et un certain nombre de pays de l'ex-bloc
soviétique. Elle menace maintenant les économies
émergentes de l'Amérique du Sud et la croissance retrouvée
dans les démocraties occidentales. La " bulle "
financière a éclaté ; les bourses se sont
effondrées ; les monnaies ont perdu une bonne partie de leurs
valeurs et certains systèmes bancaires sont au bord de la faillite.
M. le rapporteur met bien en évidence les raisons de cet
effondrement. En particulier, il ne peut y avoir de développement
économique sans développement parallèle des droits
sociaux, de la protection de l'environnement et, bien sûr, des
mécanismes démocratiques.
Pourtant, dans un certain nombre d'organismes internationaux et de
gouvernements, on ne semble pas prêt à tirer les leçons de
cette crise et à remettre en cause les théories
économiques. Ainsi, comme les médecins des comédies de
Molière qui ne connaissent que les purges et les saignées ne se
rendaient même pas compte que leurs remèdes tuaient plus
sûrement le malade que la maladie, les solutions économiques
relèvent toutes aujourd'hui de la pensée unique, sans
interrogation sur ses conséquences.
Si parallèlement au développement économique, il n'y a pas
de développement des droits et de la protection sociale ainsi que des
principes démocratiques, les peuples seront tentés de se
détourner vers des solutions simplistes et souvent totalitaires.
Lorsque vous nous dites qu'à la fin de la seconde guerre mondiale,
l'Europe ne s'est pas relevée seulement du fait du Plan Marshall ou de
ses propres forces économiques, il ne faut pas oublier de rappeler
qu'à cette époque, le bloc soviétique constituait une
force en expansion sous la menace de laquelle les droits sociaux et
démocratiques se sont développés de manière
considérable. Les gouvernements, même les plus
réactionnaires, et les puissances industrielles ont consenti des
avancées sociales et des contreparties démocratiques importantes
aux peuples, de peur de les voir séduits par les mirages du
modèle soviétique.
Nos concitoyens veulent être heureux " ici et maintenant " et
c'est dans l'équilibre entre l'économique, le social et le
politique que se fonde le développement harmonieux des
sociétés. Aujourd'hui l'économique semble avoir pris le
pas sur tout le reste et un certain nombre d'experts ne s'interrogent
même pas sur la pertinence de leurs méthodes et sur les mesures
qu'ils préconisent. Autrefois, en Union soviétique, lorsque les
résultats économiques n'étaient pas conformes au plan, on
disait que la réalité avait tort et devait être
changée. On sait ce qu'il en est advenu !
Aujourd'hui, avec la crise, certains pensent qu'ils ont toujours raison et que
ce serait la réalité qui a tort ! La situation actuelle
montre bien que le système financier international n'a plus qu'un
rapport lointain avec la réalité de la production des biens et
des services.
C'est ainsi qu'une grande entreprise française a vu le cours de ses
actions chuter de près de 40 % parce que son bénéfice
s'élevait seulement à 2,6 milliards de francs contre les
3,6 milliards de francs espérés. Quelle aurait
été l'attitude de la Bourse si cette entreprise avait
annoncé un déficit ? Mais quel effet aussi sur l'homme de la
rue qui ne voit aucun rapport entre l'origine industrielle du résultat
de la firme et la sanction financière subie par celle-ci !
Sur la base de ce que je viens de dire, permettez-moi d'aborder un point du
rapport : les régimes de retraite à l'horizon 2005. A
nouveau, il semble que la seule solution consiste à passer du
régime des retraites par répartition au régime par
capitalisation.
Cette théorie simple, pour ne pas dire simpliste, me semble
mériter une discussion. Dans un souci de concision, je me limiterai
à trois interrogations.
Cette modification ne va-t-elle pas apparaître à beaucoup de nos
concitoyens -surtout les plus pauvres- comme une nouvelle régression
dans leur protection sociale ? Ne vont-ils pas voir dans cette
évolution le sacrifice des droits sociaux au bénéfice des
intérêts financiers ?
Quelle est la sécurité des fonds de pension dans un monde en
crise, sauf à demander une nouvelle fois aux Etats d'assumer les
déficits éventuels ?
Quels seraient les effets sur l'économie mondiale d'un autre gonflement
de la bulle financière par l'accroissement des capitaux
spéculatifs ?
Pour ces raisons, je crois que nous devons nous méfier des solutions
simples et toutes faites, séduisantes par ailleurs sous prétexte
qu'elles appartiennent à la pensée économique dominante.
Au contraire, le doute et la confrontation des idées me paraissent
féconds et porteurs d'avenir. "
A l'issue du débat,
la résolution 1167 amendée figurant
dans le rapport 8179 est adoptée à
l'unanimité.
9. Diversification linguistique - Rapport de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Mercredi 23 septembre)
Le
rapporteur propose une série de mesures pour lutter contre la
désaffection des jeunes à l'égard des langues autres que
l'anglais.
La diversité linguistique doit constituer une des priorités des
politiques linguistiques dans les Etats membres, souligne le projet de
recommandation. Des enquêtes comparatives menées à
l'échelle européenne pourraient servir de base à leur
élaboration.
Selon le rapporteur deux langues étrangères au moins devraient
être parlées en fin de scolarité et les petits
établissements qui ne peuvent pas dispenser les grandes langues
européennes devraient avoir accès à l'enseignement
à distance.
Le rapporteur propose de développer l'enseignement bilingue, de rendre
obligatoires les séjours linguistiques, de privilégier
l'expression orale et de recourir plus largement aux enseignants
étrangers.
L'ensemble de ces mesures permettraient d'inverser la tendance actuelle et de
promouvoir des grandes langues telles que le français, l'allemand,
l'espagnol et l'italien aujourd'hui laissées pour compte par rapport
à l'anglais.
Le rapporteur regrette la place minime accordée dans les cursus
scolaires au russe, à l'arabe ou au chinois, parlées par des
centaines millions de personnes.
Le projet de recommandation note enfin que l'Assemblée parlementaire
souhaite s'associer à la préparation de l'Année
européenne des langues, envisagée par le Conseil de la
Coopération Culturelle pour 2001.
Présentant son rapport au nom de la Commission de la Culture et de
l'éducation,
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR),
formule
les observations suivantes
:
" Ce rapport entend témoigner d'un attachement très fort
à la diversité linguistique de l'Europe qui constitue un riche
patrimoine qu'il faut sauvegarder, car la pluralité des langues garantit
la pluralité des cultures européennes.
Mais le nécessaire pluralisme linguistique se heurte au besoin d'un
langage international de communication à l'heure de la mondialisation.
C'est de nos jours l'anglais qui, pour l'essentiel, joue ce rôle.
La conciliation de ces deux impératifs : diversité
linguistique et langage international de communication, suppose que chaque Etat
élabore une politique cohérente d'apprentissage des langues.
Or un constat doit être fait : même quand ils ne le
reconnaissent pas, de nombreux Etats concentrent leurs efforts sur la
connaissance d'une seule langue étrangère, essentiellement
l'anglais.
Sans doute répondent-ils ainsi au besoin de participer aux
échanges mondiaux. Mais le risque existe, en Europe, de voir des Etats
européens voisins perdre la capacité d'échanger et de
dialoguer dans leurs langues respectives.
Concrètement, est-il raisonnable que la France laisse diminuer
régulièrement le nombre de ses élèves et
étudiants apprenant l'allemand, et que l'Allemagne fasse de même
en ce qui concerne le français ?
Si les jeunes Tchèques n'apprennent plus l'allemand, ils devront lire
Kafka en traduction. L'espagnol et le portugais donnent aussi accès
à d'autre continents que l'Europe.
Le présent rapport a donc pour objectif de proposer des mesures
conciliant la nécessité d'assurer les échanges
internationaux avec la capacité laissée aux Etats
européens de se comprendre, d'échanger, de dialoguer. La
capacité aussi d'imaginer, de créer dans leurs langues
respectives et dans tous les domaines - littérature,
théâtre, cinéma - afin que vivent ces cultures
singulières qui font la richesse de la civilisation commune.
Tout d'abord, le rapport se propose de fixer comme norme, outre la connaissance
de la langue maternelle, l'acquisition d'une compétence satisfaisante
dans au moins deux langues étrangères par l'ensemble des
élèves en fin de scolarité.
Pour parvenir à cet objectif, il est demandé à
l'Assemblée de recommander au Comité des Ministres de
définir la diversification linguistique comme une priorité de la
politique linguistique, en prescrivant au Comité directeur de la culture
de procéder régulièrement à des enquêtes
comparatives sur la diversification linguistique dans ses pays membres, et ce
dès 1999 à l'occasion de la Conférence sur les
politiques pour l'apprentissage des langues ; d'associer
l'Assemblée parlementaire à la préparation de
l'Année européenne des langues envisagée
pour 2001 ; d'accélérer les travaux sur les
" niveaux seuils ", le Cadre européen commun de
référence et le Portfolio européen des langues et de
poursuivre l'aide pour l'engagement d'experts en matière de politiques
linguistiques nationales ; de s'assurer que les travaux entrepris au sein
du CDCC dans le domaine de l'éducation tout au long de la vie et dans
celui des nouvelles technologies comportent un volet linguistique.
Il est également proposé que l'Assemblée recommande au
Comité des Ministres d'inviter les Etats membres à promouvoir des
schémas linguistiques régionaux, établis en liaison avec
les élus régionaux et les collectivités locales afin de
recenser les potentialités linguistiques existantes et de
développer l'enseignement des langues concernées, en prenant en
compte la présence des groupes humains d'origine
étrangère, les jumelages, les échanges et la
proximité des pays étrangers ; à développer
les accords de coopération linguistique entre régions
frontalières ; à promouvoir l'enseignement à distance
et à constituer des réseaux d'établissements pour assurer
la diversité de l'offre linguistique ; à promouvoir et
à développer les classes bilingues ; à étendre
les formules de séjours linguistiques ; à recourir plus
largement aux enseignants étrangers en développant des
échanges massifs d'enseignants, assortis de garanties de carrière
et de statut ; à veiller à la formation et au recrutement
des professeurs de langues rares ou minoritaires ; à
privilégier une pédagogie destinée à
développer l'expression orale à l'aide des matériaux
audiovisuels des médias interactifs ; à promouvoir un
enseignement davantage centré sur la dimension culturelle et sociale des
pays concernés.
Monsieur le Président, mes chers collègues, l'unification
linguistique est une tendance lourde. Elle peut donner l'impression d'aller
dans le bon sens, celui de l'économie et des simplifications. Mais elle
est réductrice et appauvrissante.
Ce rapport appelle donc à résister à cette tentation. Il y
faudra du temps et une volonté politique. Je souhaite que cette
volonté s'exprime aujourd'hui à l'Assemblée du Conseil de
l'Europe. "
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR),
prend à nouveau la
parole pour répondre en sa qualité de rapporteur aux
différents orateurs :
" Monsieur Upton, il ne m'a pas échappé que le
gaélique n'est pas une langue officielle de l'Union européenne,
pour des raisons que j'ignore. Je crois que le Gouvernement irlandais ne
l'avait pas exigé au départ, mais j'ignore la raison de fond.
J'ai bien noté aussi ce qu'a dit M. Kelemen András sur
la situation en Hongrie. J'espère que ce rapport pourra contribuer
à la définition de la stratégie hongroise dans le domaine
linguistique. Nous avons souhaité débattre de ce sujet ici, afin
précisément d'aider les Etats du Conseil de l'Europe à
adapter leurs stratégies linguistiques.
J'ai bien noté ce qu'a dit Mme Isohookana-Asunmaa et je ne suis pas
étonné de sa remarque. Ce n'est pas par hasard que sont
utilisés les mots " langue maternelle " dans le rapport. Il
est clair que la nécessité de connaître des langues
étrangères ne doit jouer au détriment de la langue
maternelle. Piétiner une langue maternelle est le plus sûr moyen
de provoquer des réactions de rejet extrêmement fortes et
justifiées. L'esprit de ce rapport tend d'abord au respect des langues
maternelles. Qu'elles soient largement ou peu parlées, elles sont les
langues du coeur. Il faut s'en souvenir, les respecter et leur permettre de
s'exprimer.
Mme Kulbaka a rappelé l'importance de la langue russe. J'ai bien
entendu aussi M. Zhebrovsky à ce sujet. Le russe subit
actuellement, dans un ensemble de pays, une espèce de
phénomène de rejet de caractère politique. Nous l'avons
connu aussi pour le français à d'autres moments, notamment en
Algérie, où l'on parle encore beaucoup le français, mais
où celui-ci a parfois été rejeté, également
pour des raisons politiques, car considéré comme la langue de
l'ancien colonisateur. Il faut espérer qu'après un temps, on en
revienne à comprendre l'importance de ces langues.
J'ai constaté avec regret que dans nos pays d'Europe occidentale,
notamment en France, le russe n'était pas non plus suffisamment
enseigné. En mentionnant deux langues, ce rapport tend à
démontrer que la culture russe et la culture française, qui ont
eu tant de liens communs, ne se comprendront encore bien que si suffisamment de
Russes parlent le français et si suffisamment de Français parlent
le russe. J'aurais pu prendre des exemples d'autres pays.
J'ai été également très sensible aux propos de
M. Popescu, qu'il a, de plus, tenus, dans un excellent français. Je
salue sa performance. Sociolinguiste, il a eu raison de rappeler qu'il fallait
respecter les langues des minorités. Ce que je viens de dire va tout
à fait dans son sens. Il ne s'agit pas de menacer d'assimilation ces
minorités, ce n'est pas du tout l'esprit du rapport.
Mme Folco et Mme Lalonde ont chacune rappelé quelle
était la politique canadienne dans le domaine des langues : la
coexistence du français et de l'anglais, la nécessité de
recourir à d'autres langues. La définition des classes bilingues
dont a parlé Mme Lalonde n'est pas la même au Canada que dans
d'autres pays. Les classes bilingues dont nous parlons ici sont une
façon d'apprendre une langue étrangère à un jeune
en n'y consacrant pas seulement le temps de l'étude de la langue, mais
aussi celui d'autres matières.
Enfin, j'ai été très sensible à l'intervention de
M. Pereira Marques sur l'importance de la langue portugaise. Nous
savons bien, et je l'ai d'ailleurs mentionné dans le rapport, que le
portugais est non seulement la langue du Portugal, mais aussi celle du
Brésil. C'est une langue d'importance internationale qui, à ce
titre, doit être enseignée dans nos pays européens du
Conseil de l'Europe. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1383, amendée, figurant
dans le rapport 8173 est adoptée à
l'unanimité.
10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)
Le
rapporteur espère que l'Assemblée enverra un signal fort aux
populations de la région durement touchées par une guerre qui
frise le terrorisme.
Outre un débat général, l'Assemblée a
déjà consacré trois débats d'urgence au Kosovo,
celui d'aujourd'hui est donc le quatrième. Les faits et la cause
étant déjà bien connus, le rapport se contente de formuler
quelques brèves recommandations ayant essentiellement pour objet
d'inviter les quarante Etats membres à agir immédiatement, ce de
façon unanime.
Depuis que ce conflit a éclaté, de nombreuses idées ont
été formulées en vue de sa résolution, mais,
jusqu'à présent, aucune d'entre elles n'a fait l'unanimité
et l'Europe hésite toujours sur la voie à suivre pour y mettre
fin.
Les recommandations portent sur trois points essentiels. En premier lieu, ce
rapport appelle à un cessez-le-feu immédiat. En deuxième
lieu, il demande le retrait de l'armée et des forces de
sécurité serbes ainsi que le désarmement des groupes
armés illégaux. En troisième lieu, enfin il réclame
l'ouverture immédiate de négociations, de véritables
négociations qui porteront sur l'avenir du Kosovo, qui devront englober
la question du statut d'autonomie, ainsi que celles des droits de l'homme et de
l'identité culturelle.
Selon le rapporteur, il ne suffit plus de parler. A présent, il faut
agir pour conjurer une catastrophe qui risque d'avoir des conséquences
encore plus dramatiques que celles de Bosnie et Herzégovine. En
conclusion, il invite instamment les membres de l'Assemblée à
prendre part à ce débat et à exiger des gouvernements
membres qu'ils agissent immédiatement et de façon unanime.
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" J'ai sous les yeux quelques documents intéressants : d'une
part, le compte rendu de la séance du Conseil de sécurité
des Nations unies d'hier qui a adopté un texte d'une très grande
importance et sur lequel nous devrions réfléchir, d'autre part,
un grand quotidien dont le gros titre est : " La communauté
internationale lance un nouvel avertissement à Slobodan Milosevic "
et le sous-titre : " Les forces serbes poursuivent leurs
opérations au Kosovo ".
Ces deux phrases résument parfaitement la situation. Toutes les larmes
de crocodile répandues par certains de nos amis dans cette enceinte ou
les appels plus ou moins théoriques n'ont malheureusement guère
beaucoup d'efficacité. Face à cette situation, que devons-nous
faire ?
Je tiens avant tout à féliciter l'auteur du rapport ainsi que le
président de notre commission politique qui, avec une grande justesse de
ton et une grande impartialité, présentent la situation et
proposent les solutions possibles.
Nous sommes confrontés à une tragédie humanitaire. Et
là, il ne suffit pas de pleurnicher ! Il faut le savoir aucun de
nos Etats, à deux exceptions près, ne prend de dispositions pour
aider les 280.000 réfugiés du Kosovo. Je dis bien : aucun de
nos Etats ! Commençons donc par balayer devant notre porte en
essayant d'apporter des solutions.
Nous sommes aussi dans une impasse politique. Il faut en sortir par des moyens
pacifiques, en apportant des solutions politiques, et non par le maintien de la
violence. Il ne faut donc pas ressortir, comme certains de nos collègues
russes, la vieille histoire du Kosovo " terre sacrée de la
Serbie ". Pourquoi ne pas reparler aussi de la Lotharingie
créée par le petit-fils de Charlemagne et du duché de
Bourgogne qui fut l'un des éléments fondamentaux de l'histoire de
France ? Est-ce que nous ressortons ces vieux pans de l'Histoire ?
Aujourd'hui, le Kosovo est composé à 92 % de Kosovars et
à quelque 5 ou 6 % de Serbes !
C'est clair. Aucun nettoyage ethnique ne peut changer cette situation, aucune
violence, malgré les dégâts humanitaires, ne peut apporter
une solution.
Je pense qu'il faut se montrer extrêmement ferme. Le Conseil de l'Europe
a le devoir non seulement de voter quelques textes, mais aussi d'affirmer plus
que jamais ses responsabilités européennes. C'est l'impuissance
de l'Europe, ce sont ses divisions qui font qu'aujourd'hui pour le Kosovo,
comme hier pour la Bosnie et demain ailleurs, nous sommes incapables de
régler les problèmes sans faire appel à quelque puissance
non européenne. Inutile de critiquer les Américains pour,
quelques années plus tard, leur courir après pour régler
des problèmes que nous aurons été incapables de
régler nous-mêmes ?
Ce débat est important. Le rapport de notre ami le président de
la commission politique, est un excellent document. L'ensemble de notre
Assemblée doit l'approuver et le soutenir. Dans ce concert
international, le Conseil de l'Europe doit marquer sa volonté de faire
prévaloir une solution politique pour régler enfin pacifiquement
le drame du Kosovo ".
Au terme du débat,
la recommandation 1384, amendée, contenue
dans le rapport 8204 est adoptée.
11. Exposé de M. Ugo Mifsud BONNICI, Président de Malte - Question de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Jeudi 24 septembre)
S'adressant à M. Ugo Mifsud BONNICI qui résume
lui-même son propos en ces termes : " En tant
qu'Européens, nous sommes tenus de partager ; nous ne devons jamais
nous retenir d'offrir notre aide, c'est là ma conviction. J'en appelle
aujourd'hui au Conseil de l'Europe pour qu'il montre la voie à suivre
pour partager toutes les connaissances et la sagesse que nous avons
acquises ",
M. Bernard SCHREINER, député (RPR),
pose
la question suivante :
" Monsieur le Président, malgré notre bonne volonté
de partage, nous sommes confrontés en Europe au problème de
l'immigration, et particulièrement à celui de l'immigration
clandestine dont nos pays d'Europe occidentale souffrent tous. Votre pays
connaît-il également cette situation ? D'où viennent
les personnes que vous avez pu contrôler ? Quelle est leur origine
géographique ? Quelle est l'importance de cette immigration ?
Quelles mesures réglementaires, de contrôle de police et de douane
mettez-vous en oeuvre pour lutter contre ce
phénomène ? ".
M. Ugo Mifsud BONNICI, Président de Malte, lui apporte les
éléments de réponse suivants :
" Très proche des Etats de la rive sud de la
Méditerranée, qui sont des terres d'émigration, Malte est
exposée à l'immigration. Nous sommes confrontés au
problème de l'immigration en provenance de Tunisie et d'autres Etats
voisins parce que, quand la mer est calme, il est très facile d'aborder
nos côtes. La situation est la même pour certaines côtes
italiennes, et notamment celles de l'île de Lampedusa.
Nos lois sur l'immigration sont très strictes - trop strictes même
selon certains. Il faut tâcher de garder un certain équilibre.
C'est quelquefois faire simplement preuve d'humanité que de venir en
aide à ces pauvres gens qui sont venus chez nous sur des embarcations de
fortune. Un rapatriement s'avère parfois extrêmement difficile,
parce qu'ils n'ont pas de papiers et qu'il est presque impossible de savoir
d'où ils viennent. Toutefois, mon pays s'est toujours montré
extrêmement prudent à l'égard des personnes venant tant de
l'est que du sud.
Il est facile de maintenir l'ordre dans un petit pays comme Malte. Le
contrôle des côtes est assuré avec une extrême
vigilance, notamment eu égard au trafic de drogue et autres
activités illégales. Certaines personnes parviennent à
entrer sur notre territoire, mais, je le répète, dans ce domaine.
Malte fait montre d'une vigilance extrême. Etant donné la taille
de l'île, tous les gouvernements successifs sont conscients du
problème, d'autant que nous ne pouvons faire face à un
accroissement de notre population.
Nous avons connu un certain nombre de problèmes, notamment avec des
réfugiés en provenance de Bosnie et d'Albanie, ainsi qu'avec des
réfugiés kurdes venant de Turquie. Nous avons pu les accueillir
pour un temps, mais nous avons demandé à des pays plus grands -
notamment aux Etats-Unis et au Canada - de prendre la relève. Ces
réfugiés ne peuvent pas rester à Malte. L'île n'est
pas un pays d'immigration. Certes, le taux de chômage y est très
bas, mais elle ne pourrait faire face à un accroissement
inconsidéré de sa population. Notre espace géographique
est très restreint. C'est pourquoi nous restons très vigilants
et, à Malte, on pourrait presque recenser les habitants chaque
jour ".
12. Derniers développements en Albanie (Jeudi 24 septembre)
Selon le
rapporteur, il est particulièrement désolant de retrouver le
dossier de l'Albanie à l'ordre du jour. L'Assemblée a
débattu maintes fois de cette question et il est peu probable
qu'aujourd'hui ce soit la dernière. La situation est dramatique. Il
règne en Albanie un climat de méfiance.
L'insécurité y est préoccupante, la corruption, le trafic
de drogue et la criminalité y connaissent un essor considérable.
L'évolution de la situation dans ce pays est inacceptable pour les pays
membres du Conseil de l'Europe, puisqu'elle est tout à fait contraire
aux principes de l'institution.
L'Albanie a succombé à un effet de bipolarisation et,
malgré tous les efforts de la communauté internationale, la
situation ne cesse de s'aggraver. La communauté internationale n'est pas
uniquement là pour fournir les moyens financiers et l'aide sous forme de
" MAPE " ou des conseils, notamment dispensés par la
Commission de Venise. L'aide accordée est conditionnelle, or les
conditions fixées n'ont malheureusement pas été remplies.
Le projet de recommandation est consacré à l'évolution
dramatique récente. C'est pour cela que de débat d'urgence a lieu.
Pourtant la communauté internationale est prête à
contribuer à la reconstruction du pays, aussi bien des points de vue
financier et économique qu'institutionnel. Néanmoins, cela
requiert un comportement responsable aussi bien de la part du Gouvernement
albanais que de l'opposition.
La situation est explosive. C'est pour cela que le rapporteur demande au
Gouvernement albanais de renoncer aux arrestations politiques, de respecter ou
de rendre l'immunité parlementaire à tous les élus et de
respecter les droits de l'opposition.
Les partis démocratiques doivent retourner au travail, le dialogue
politique faisant partie des conditions minimales de fonctionnement d'une
démocratie. Le Conseil de l'Europe doit exiger de tous, personnes et
partis politiques sans distinction, le respect des règles
démocratiques.
A l'issue du débat,
la recommandation 1386 figurant dans le rapport
8208 est adoptée, amendée.
13. Politique maritime européenne - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 24 septembre)
La
discussion commune porte sur trois rapports :
- Dans le premier rapport, " Enjeux futurs des sciences et de la
technologie maritimes en Europe ", le rapporteur propose la
création d'une Agence maritime européenne chargée de
promouvoir la coopération entre les centres de recherche, les industries
maritimes et les organes de décision politique. Cela pourrait se faire
dans le cadre d'un accord partiel auquel pourraient participer les pays
souhaitant intensifier leur coopération dans le domaine maritime. En
effet, les enjeux posés par les océans sont nombreux et
variés: énergies renouvelables, production d'eau douce,
pêche et aquaculture, développement des zones
côtières, systèmes de transport, gisements sous-marins de
pétrole et de gaz... L'Europe dispose de nombreux atouts mais son
potentiel est dispersé. Le Rapporteur considère qu'il est
nécessaire de promouvoir la recherche et le développement
technologiques dans ces domaines pour pouvoir formuler une politique maritime
européenne globale et multidisciplinaire. Il considère
également qu'il faut encourager l'éducation dans les disciplines
de la mer et améliorer l'information donnée au public et au monde
politique.
- Dans le deuxième rapport sur les océans -qui s'inscrit dans la
contribution de l'Assemblée parlementaire à l'Année
internationale des océans - le rapporteur évalue l'état
actuel de l'environnement marin, tant en mer ouverte, où la situation
globale est acceptable, que dans les zones littorales, où des menaces
significatives (urbanisation accrue, déforestation) constituent un
danger potentiel et réel, notamment pour les écosystèmes
marins et côtiers.
Il estime que les trois quarts de la pollution des océans sont
imputables à des activités terrestres, tandis que le transport
maritime en génère environ 12% et les déversements 10%. 1
% de la pollution totale semble provenir de l'exploitation de minerais en haute
mer, en particulier l'industrie pétrolière. On peut relever que
le tiers de la pollution provenant d'activités terrestres est
transporté vers les océans par le biais de l'atmosphère.
Le rapport analyse par ailleurs l'évolution récente du droit
international en ce qui concerne la réglementation des mers et la
prévention de leur pollution et propose un certain nombre de mesures qui
pourraient aboutir à une meilleure protection de l'environnement marin.
Entre autres, le Rapporteur propose une réflexion sur la mise en place
d'une gestion intégrée des zones littorales et des fleuves qui
débouchent dans celles-ci. En ce qui concerne le droit international,
il préconise une meilleure application des traités existants et
évalue les qualités et défauts du "Droit Souple" ("Soft
law") par rapport aux traités internationaux contraignants, lesquels
parfois peuvent se révéler trop onéreux à
négocier et à gérer.
- Le troisième rapport qui porte sur l'exploitation durable des
ressources biologiques marines, notamment halieutiques, est une
préoccupation de longue date de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, lesdites ressources revêtant une importance
primordiale pour la survie de l'humanité. Dans certains pays
européens, 40 % de l'apport en protéines viennent de produits
à base de poisson, qui représentent environ 15 % des
dépenses alimentaires. On compte plus de 400 000 pêcheurs en
Europe; puisque chaque emploi en mer génère au moins quatre
postes sur la terre ferme, on peut dire que près de deux millions de
personnes travaillent dans les divers secteurs des pêches.
Le rapport examine de près les politiques de gestion des pêches,
soulignant que les ressources halieutiques sont autorenouvelables et que leur
exploitation durable doit donc être l'objectif premier de ces politiques.
L'auteur étudie les systèmes de conservation et de gestion des
ressources biologiques marines, ainsi que les efforts pour renforcer la
protection de l'environnement marin et la gestion des côtes. Il conclut
que la surexploitation de nombreuses populations de poissons en Europe rend
nécessaire des mesures pour améliorer les méthodes de
prise, superviser l'effort de pêche et contrôler l'accès aux
ressources marines.
Le rapport propose un certain nombre de mesures concernant la pêche
à petite échelle, les zones économiques exclusives, la
recherche en la matière, les système de quotas et les politiques
d'aménagement des côtes. L'auteur préconise une approche
intégrée de la gestion des ressources renouvelables, une
coopération plus étroite entre instituts européens de
recherche marine et entre Etats, et la mise en oeuvre effective des conventions
internationales qui interdisent la pollution des mers. Il recommande de
créer une Agence maritime européenne qui aiderait à mettre
au point une vision cohérente de la politique européenne dans ce
domaine
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" L'eau, c'est la vie, et nous devons aborder sa problématique de
l'eau dans ses trois dimensions.
La première est la dimension planétaire : il existe un seul
océan, nous rappelle la conférence mondiale indépendante
des océans qui nous invite à une vision globale et
planétaire.
La deuxième dimension est régionale : chaque mer est une
partie de l'océan qui mérite attention, considération et
protection.
La troisième est la dimension locale : elle suppose que chacun de
nous ait le réflexe environnemental partout où l'eau est
présente, partout où se manifeste cet élément, de
la source au fleuve et du nuage à la nappe phréatique.
L'eau est probablement le plus grand défi du XXI
e
siècle pour l'humanité.
Le quart des habitants de la planète aujourd'hui ne dispose pas d'eau
potable.
Il ne faut pas oublier non plus la relation entre l'élément eau
et l'élément air, car c'est bien l'eau et l'oxygène de
l'air qui nous permettent de vivre. Et l'on sait aussi, tous les rapports le
disent, que l'essentiel de la pollution des océans provient des
activités terrestres. A cet égard, l'exemple du Bassin
méditerranéen-mer Noire est très significatif.
Les hommes ne seraient-ils donc pas capables de maîtriser les choses et
seraient-ils en train de procéder à un suicide collectif ?
Il nous faut apprendre à concilier l'exploitation durable des
océans, notamment celle des ressources biologiques marines, et la
nécessaire protection des océans, de l'eau.
Nous venons d'entendre dire que la vision de l'exploitation de la richesse des
océans, par la pêche, par exemple, n'est pas la même selon
que l'on est en Islande ou au Portugal. Je n'insisterai pas sur le sujet, mais
il est évident que se pose-là un dilemme.
Aujourd'hui, nous sommes réunis au Conseil de l'Europe pour entendre les
rapports de quatre commissions qui se sont mobilisées sur ce
thème de l'eau et en abordent différents aspects. Je voudrais
féliciter les rapporteurs pour le travail accompli et la qualité
de leurs rapports. Je suis persuadé que cette session fera date pour
l'avenir des océans, parce que les travaux du Conseil de l'Europe
s'inscrivent dans une démarche plus générale qui semble se
dessiner aujourd'hui. Ils s'inscrivent en fait dans le prolongement des travaux
de la conférence dont je parlais tout à l'heure, la CMIO, qui a
récemment rendu ses conclusions à Lisbonne. J'ai eu l'honneur d'y
représenter le Conseil de l'Europe et de dire combien celui-ci
était solidaire des travaux du CMIO et soutenait ses conclusions.
Cette conférence mondiale ne fut pas la seule. Il y a eu aussi la
Conférence sur les océans qui s'est tenue à Paris le
19 mars dernier, organisée par le Conseil de l'Europe, un forum
européen qui a eu lieu à Strasbourg en février sur le
thème " L'eau, source de citoyenneté, de paix et de
développement régional ". Il y a eu également la
Conférence internationale de Paris, voulue par la Président de la
République française, sur " L'eau et le développement
durable " à laquelle quatre-vingt-six pays participaient.
Là encore, j'ai eu l'honneur, en tant que président de la
commission de l'environnement de représenter le Conseil de l'Europe.
Enfin, je citerai pour mémoire la convention des Nations unies,
déjà ancienne, que tous connaissent.
Nous devons faire en sorte de faire converger nos initiatives et nos efforts
pour parvenir à une complémentarité des institutions et
des moyens.
L'année 1998 a été l'année des océans. En
témoigne également l'exposition universelle de Lisbonne portant
sur le thème " Les océans : un patrimoine pour le futur ".
Cette année aura permis une prise de conscience de l'enjeu que nous
avons à relever et de sa dimension. J'aimerais que nous mettions en
oeuvre les voies et moyens de relever le superbe défi qui s'offre
à nous : le défi de l'eau. Ces travaux du Conseil de
l'Europe y contribueront. "
A l'issue du débat,
la résolution 1168 contenue dans le
rapport 8164 est adoptée, amendée, ainsi que la recommandation
1387 qui est adoptée à l'unanimité.
Puis la résolution 1169, amendée, figurant dans le rapport 8177
est adoptée à l'unanimité ainsi que la recommandation 1388
également adoptée à l'unanimité.
Enfin, la résolution 1170 contenue dans le rapport 8165 est
adoptée, avec amendements.
14. Les cultures minoritaires ouraliennes en danger (Vendredi 25 septembre)
Préoccupée par le rythme de disparition des
langues
minoritaires en Europe, la Commission de la Culture et de l'Education s'est
penchée, après la langue Rom, le Yiddish et l'Aroumain, sur la
situation d'une vingtaine de langues ouraliennes dont l'origine remonte
à 6000 ans et qui sont parlées par 23 millions de personnes dans
le monde.
Selon le rapport, un recensement réalisé en 1989 fait ressortir
que 3,3 millions de citoyens de la Fédération de Russie
parlent encore une douzaine de ces langues, ainsi que d'autres minorités
en Norvège, en Suède, en Finlande, en Estonie et en Lettonie.
Toutefois, l'ensemble des langues ouraliennes, à l'exception du
hongrois, du finnois, et de l'estonien sont menacées d'extinction
à des degrés divers.
Se référant au cas des Samis de Norvège, premier peuple
ayant réussi au cours des trois dernières décennies
à inverser la tendance à l'appauvrissement du patrimoine
européen en se battant pour l'épanouissement de leur culture et
de leur littérature, le rapporteur propose un certain nombre de mesures
pour revitaliser les langues ouraliennes.
Le projet du texte de résolution note en particulier qu'en
Fédération de Russie, de nouvelles lois soutiennent le maintien
des langues nationales mais ne prévoient pas les moyens
économiques nécessaires à l'application de ces
dispositions. Il propose que le Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe aide les pays -dont la Russie- où vivent les minorités
linguistiques du groupe ouralien. Les efforts, souligne-t-il, devraient porter
sur l'enseignement dans la langue maternelle dès l'école
primaire, tant dans les villes que dans les campagnes. Cet enseignement exigera
la formation des enseignants ainsi que la production d'outils
pédagogiques. La résolution préconise également la
promotion de journaux ou d'émissions de radio et de
télévision dans les langues minoritaires, ainsi que
l'échange de personnels et d'étudiants entre les régions
ouraliennes.
A l'issue des débats,
la résolution 1171 figurant dans le
rapport 8126 est adoptée, amendée.
15. Situation de la population francophone vivant dans la périphérie bruxelloise - Intervention de M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR) (Vendredi 25 septembre)
Ce
rapport examine la situation de la population francophone dans les six communes
" à facilités " de la périphérie
bruxelloise. Ces communes situées en Flandre, mais comportant une large
proportion, voire une majorité, d'habitants francophones, sont le point
de mire d'un conflit linguistique ancien en Belgique, qui - cette fois-ci -
semble avoir été provoqué par la tendance accrue du
Gouvernement flamand à restreindre autant que la législation le
lui permet le recours à ces facilités pour les Francophones, afin
d'accentuer le caractère flamand et néerlandophone de la
région. Cette tendance du Gouvernement flamand semble elle-même
être due à ce qui est considéré à l'origine
comme une " francisation " de la périphérie
bruxelloise, une crainte à laquelle certains responsables politiques
francophones ont probablement contribuée.
L'Assemblée parlementaire considère que ce conflit linguistique
en Belgique ne peut être résolu que si toutes les parties
intéressées (et surtout les responsables politiques) font preuve
de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de
souplesse pour promouvoir une cohabitation paisible des différents
groupes linguistiques, et s'abstiennent d'attiser ou d'utiliser ces conflits
à des fins politiques.
L'Assemblée recommande à toutes les parties concernées -
le Gouvernement flamand, les habitants francophones de la
périphérie bruxelloise (et en particulier leurs
représentants politiques) et le Gouvernement belge - de promouvoir une
cohabitation paisible entre les communautés linguistiques. Ces
propositions incluent, entre autres, l'introduction graduelle du bilinguisme en
Belgique, la possibilité d'utiliser les instruments de la
démocratie directe pour consulter les citoyens sur une éventuelle
renégociation du compromis linguistique belge, et la signature et la
ratification de la Convention-cadre européenne relative à la
protection des minorités nationales.
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR)
, prend la parole en ces
termes :
" La Belgique est compliquée, très compliquée,
même pour moi qui suis l'élu d'un département
français tout proche, frontalier : le Nord. Il convient donc de
féliciter M. Columberg d'avoir su, au sein de la complexité,
distinguer l'essentiel et apporter des réponses claires.
Y avait-il lieu de saisir le Conseil de l'Europe de la situation des
francophones de la périphérie bruxelloise ? La
réponse est : " oui ".
Bien sûr, et fort heureusement, la situation dans l'agglomération
bruxelloise n'a rien à voir avec ce que connaissent l'Albanie ou le
Kosovo ; elle est pourtant conflictuelle, passionnelle, et une partie de
la population risque d'y perdre des droits auxquels le Conseil de l'Europe est
attaché. C'est donc à juste titre que nous débattons
aujourd'hui.
Il est difficile, pour un Français, de prendre la parole dans ce
débat, car au départ, au siècle passé, il y a eu la
volonté de la population néerlandophone de Flandre de rendre
à sa langue maternelle sa place et sa dignité face à ce
qu'elle estimait être la domination hautaine des francophones.
Je respecte ce combat car, et je le rappelais ici même mercredi en
présentant l'avis sur la diversification linguistique, il est juste de
défendre sa langue maternelle. Mais ce combat a maintenant
triomphé et les temps ont changé.
Or les informations que nous donnent les élus francophones des communes
périphériques de Bruxelles et ce qui a été
constaté par notre rapporteur montrent qu'il y a effectivement remise en
cause des facilités consenties à la population francophone de
certaines communes, alors que cette population est parfois majoritaire, et cela
est ressenti comme une tracasserie et une injustice.
Plus grave encore, l'objectif semble bien de pousser à
l'intégration, mais aussi à l'assimilation pour éradiquer
à terme la présence francophone dans la périphérie
bruxelloise. Cette volonté paraît singulière quand on pense
qu'elle s'exerce à quelques kilomètres des bureaux de l'Union
européenne, par définition plurilingue et multiculturelle.
Dans son rapport, M. Columberg et la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme ont choisi de faire appel à tous les
responsables politiques concernés en leur recommandant de faire preuve
de bonne volonté, d'ouverture, de tolérance, de pragmatisme et de
souplesse. Cet appel est bienvenu.
M. Columberg ne saisit pas le Comité des Ministres mais se limite
à faire des recommandations au Gouvernement flamand en lui demandant, en
particulier, de cesser d'essayer de réduire les facilités
linguistiques des six communes concernées et en excluant de recourir
à l'assimilation forcée, tout en recommandant aux habitants
francophones d'essayer de s'intégrer à la région dans
laquelle ils habitent. C'est une position de sagesse.
Quant au gouvernement belge, il se voit suggérer des pistes d'action
pour tenir compte de l'évolution provoquée par la construction
européenne.
Je ne suis pas persuadé de la pertinence de toutes les suggestions que
l'expérience suisse suggère à M. Columberg, mais je ne
crois pas nécessaire d'engager ici un débat, y compris à
coup d'amendements, sur ces suggestions puisqu'elles ne sont que des
suggestions et que c'est au Gouvernement belge d'en retenir ce qui est conforme
à l'esprit et à la lettre de la Constitution de ce pays.
J'approuve donc le rapport Columberg et je tire du débat quelques
leçons.
La passion, la fureur, conduit trop souvent à des actions
déraisonnables. Vouloir priver les francophones de leurs
facilités ne pourrait aboutir qu'à une crise et provoquerait de
nouvelles interpellations, y compris au niveau européen, et un mouvement
de solidarité car les francophones de l'agglomération bruxelloise
ne sont pas isolés. Wallons, Flamands et Bruxellois ont derrière
eux une longue tradition démocratique. Elle doit leur permettre de
préférer trouver par eux-mêmes une solution
équilibrée et qui privilégie la prise en compte des droits
individuels de chacun de leurs concitoyens.
Une solution raisonnable, équilibrée et d'avenir ne saurait
être trouvée dans l'enfermement de Bruxelles derrière une
muraille linguistique isolant la ville bilingue du monde francophone. C'est au
contraire dans le plurilinguisme et l'ouverture que l'agglomération
toute entière pourra jouer son rôle essentiel au sein de
l'Europe. "
Au terme du débat,
la résolution 1172, amendée,
figurant dans le rapport 8182 est adoptée.
A N N E X E
LISTE DES TEXTES ADOPTES
AU COURS DE LA SESSION DE
1998
Ces
textes peuvent être obtenus auprès du Conseil de l'Europe.
Adresse postale :
Point I
Conseil de l'Europe
F-67075 Strasbourg Cedex
Tél. : (33) 03 88 41 20 33 ; Fax : (33) 03 88 41 27 45
E-Mail : information.point@seddoc.coe.fr
Le Conseil de l'Europe sur Internet :
http://www.coe.fr
PREMIERE PARTIE
(26-30 janvier)
Recommandation 1352 :
2
e
Sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement
du Conseil de l'Europe
(Strasbourg, 10-11 octobre 1997)
Recommandation 1353 :
Accès des
minorités
à l'enseignement supérieur
Recommandation 1354 :
Avenir de la
Charte sociale
européenne
Recommandation 1355 :
Lutte contre
l'exclusion
sociale
et renforcement de la cohésion sociale en Europe
Recommandation 1356 :
Activités du
Haut-Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés
(HCR) 1994-1997
Recommandation 1357 :
Bosnie et
Herzégovine
: retour des réfugiés et des
personnes déplacées
Recommandation 1358 :
Situation en
Algérie
Recommandation 1359 :
Développement
durable
des bassins de la
mer Méditerranée
et de la
mer
Noire
Recommandation 1360 :
Crise au
Kosovo
Recommandation 1361 :
Modification de la
procédure
d'adoption des
conventions
du Conseil de l'Europe
Recommandation 1362 :
Discrimination
entre les
femmes et les hommes pour le
choix du nom de famille
et la
transmission du nom
des parents aux enfants
Recommandation 1363 :
Congrès des
pouvoirs
locaux et régionaux
de l'Europe : activités
récentes et propositions de réforme
Recommandation 1364 :
Coopération
européenne
dans le domaine de la
jeunesse
et propositions
récentes de changement de structures
Résolution 1144 :
Création d'une commission
de l'Assemblée sur
l'égalité des chances
pour les
femmes et les hommes
Résolution 1145 :
Exécutions en
Ukraine
Résolution 1146 :
Développements
récents en
République fédérale de
Yougoslavie
et leurs implications pour la région des
Balkans
Résolution 1147 :
Criminalité des
affaires
: une menace pour l'Europe
Résolution 1148 :
Nécessité
d'accélérer le développement du
tourisme en Europe
centrale et orientale
Résolution 1149 :
Développement
durable des bassins de la
mer Méditerranée
et de la
mer
Noire
Résolution 1150 :
Avant-projet de convention
européenne du
paysage
Résolution 1151 :
Congrès des
pouvoirs
locaux et régionaux
de l'Europe : activités
récentes et propositions de réforme
Résolution 1152 :
Coopération
européenne
dans le domaine de la
jeunesse
et récentes
propositions de changement de structures
Résolution 1153 :
Participation des
présidents des groupes politiques
aux réunions de la
commission des questions politiques
Directive n° 537 :
Création d'une commission
sur
l'égalité des chances
pour les femmes et les hommes
Directive n° 538 :
Exécutions en
Ukraine
Directive n° 539 :
Suivi des engagements concernant
les
droits sociaux
Directive n° 540 :
Criminalité des
affaires
: une menace pour l'Europe
Directive n° 541 :
Nécessité
d'accélérer le développement du
tourisme en Europe
centrale et orientale
DEUXIEME
PARTIE
(20-24 avril)
Avis
n° 204 :
Projet de convention du Conseil de l'Europe
sur la
protection de l'environnement
par le droit pénal
Avis n° 205 :
Budgets
du Conseil de l'Europe
pour les exercices
1998 et 1999
Avis n° 206 :
Dépenses
relatives
à l'Assemblée pour l'exercice
1999
Recommandation 1365 :
Relations avec
l'Union
européenne
(suite du Sommet d'Amsterdam de l'Union européenne)
Recommandation 1366 :
Evolution des
procédures
de suivi
de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998)
Recommandation 1367 :
Réforme des
Nations
unies
Recommandation 1368 :
Derniers développements en
République fédérale de Yougoslavie
et situation au
Kosovo
Recommandation 1369 :
Dangers de l'
amiante
pour
les travailleurs et l'environnement
Recommandation 1370 :
Activités de l'Organisation
internationale pour les
migrations
(OIM) 1994-1997
Recommandation 1371 :
Mauvais traitements
infligés aux
enfants
Recommandation 1372 :
Convention d'Unidroit sur les
biens culturels volés
ou illicitement exportés
Recommandation 1373 :
Liberté de
circulation
et délivrance de
visas
aux membres de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Recommandation 1374 :
Situation des
femmes
réfugiées
en Europe
Recommandation 1375 :
Protection contre la dispersion des
" collections accessoires "
Résolution 1154 :
Fonctionnement
démocratique des
parlements nationaux
Résolution 1155 :
Evolution des
procédures de suivi
de l'Assemblée (avril 1997-avril 1998)
Résolution 1156 :
Situation des
réfugiés de Palestine
dans le contexte du processus de
paix au Proche-Orient
Résolution 1157 :
Gestion des
déchets
radioactifs
Résolution 1158 :
Activités de la
Commission économique pour
l'Europe des Nations unies
Résolution 1159 :
Composition des
groupes
politiques
à l'Assemblée
Résolution 1160 :
Election des
Vice-Présidents
de l'Assemblée
Résolution 1161 :
Processus de transition du
secteur agricole
dans les pays
d'Europe centrale et orientale
Directive n° 542 :
Fonctionnement
démocratique des
parlements nationaux
Directive n° 543 :
Adoption
internationale
TROISIEME PARTIE
(22-26 juin)
Avis
n° 207 :
Projet de convention pénale sur la
corruption
Recommandation 1376 :
Crise au
Kosovo
et situation
en
République fédérale de Yougoslavie
Recommandation 1377 :
Situation humanitaire des
réfugiés
et des personnes
déplacées
kurdes
dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak
Recommandation 1378
:
Fonds de
développement social
du Conseil de l'Europe : activités
et perspectives
Recommandation 1379
:
Instruction
élémentaire en
science
et en
technologie
Résolution 1162
:
Activités de
la
Banque européenne pour la reconstruction et le développement
en 1997
Résolution 1163 :
Accord sur
l'Irlande du
Nord
Résolution 1164
:
Economie japonaise
dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde
Résolution 1165
:
Droit au respect de la
vie privée
Directive n° 544 :
Crise au
Kosovo
et
situation en
République fédérale de Yougoslavie
Directive n° 545
:
Situation humanitaire
des
réfugiés
et des personnes
déplacées
kurdes
dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak
Directive n° 546
:
Instruction
élémentaire en
science
et en
technologie
QUATRIEME
PARTIE
(21-25 septembre)
Recommandation 1380 :
Droits de l'homme des
appelés
Recommandation 1381
:
Politique
générale : Conseil de l'Europe et
OSCE
Recommandation 1382
:
Elaboration d'un code de
conduite européen sur les
ventes d'armes
Recommandation 1383
:
Diversification
linguistique
Recommandation 1384
:
Crise au
Kosovo
et
situation dans la
République fédérale de Yougoslavie
Recommandation 1385
:
Situation des
réfugiés
, des demandeurs d'asile et des personnes
déplacées
du
Kosovo
Recommandation 1386
:
Derniers
développements en
Albanie
Recommandation 1387
:
Enjeux
futurs des
sciences
et de la
technologie maritimes
en Europe
Recommandation 1388
:
Les
océans
: état de l'environnement marin et nouvelles
tendances du droit international de la mer
Recommandation 1389
:
Sécurité des
consommateurs et
qualité des produits alimentaires
Recommandation 1390
:
Emissions de particules
fines et
santé
humaine
Recommandation 1391
:
Situation du régime
des
pensions
du personnel du Conseil de l'Europe
Recommandation 1392
:
Anciennes
ambassades des
Etats baltes
sur le territoire de certains Etats membres du Conseil de
l'Europe
Recommandation 1393 :
Gestion et protection du
paysage
: une convention européenne
Résolution 1166
:
Droits de l'homme des
appelés
Résolution 1167
:
OCDE et
économie mondiale
Résolution 1168
:
Enjeux
futurs des
sciences et de la
technologie maritimes
en Europe
Résolution 1169
:
Les
océans
: état de l'environnement marin et nouvelles
tendances du droit international de la mer
Résolution 1170
:
Exploitation durable des
ressources
biologiques
marines
Résolution 1171
:
Cultures
minoritaires
ouraliennes
en danger
Résolution 1172
:
Situation de la
population francophone
vivant dans la périphérie
bruxelloise
Résolution 1173 :
Association
centro-européenne de
libre-échange
(ACELE)
Résolution 1174
:
Développement
économique au
Proche-Orient
et en
Afrique du Nord
Résolution 1175
:
Coopération en
matière d'énergie dans la région de la
mer Baltique
Résolution 1176
:
Mandat des
commissions
de l'Assemblée
(1) Le 27 avril 1999, la Géorgie est devenue le
quarante et unième Etat membre, représenté par cinq
délégués titulaires et autant de suppléants,
portant à deux cent quatre vingt onze l'effectif total de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
(2) Ce nombre est ramené à trois depuis l'adhésion de
la Géorgie comme membre plénier, ce qui ramène le nombre
des délégués des Etats invités spéciaux
à quinze.