5. Privilégier la vérité des prix dans le secteur des transports
Ciblées sur l'amélioration de l'efficacité
énergétique des véhicules, les politiques
antérieures de maîtrise de l'énergie dans le secteur des
transports se sont avérées peu
efficaces
.
En effet, les émissions de CO
2
liées au secteur des
transports
sont actuellement en forte croissance :
l'amélioration des moteurs est plus que compensée par
l'allongement des trajets domicile-travail, par la désaffection pour les
transports en commun, par le développement de la puissance et de
l'équipement moyen des véhicules, par l'augmentation de la
vitesse moyenne des automobilistes, enfin par la diffusion du " juste
à temps " (ce qui multiplie les livraisons). Les progrès des
moteurs sont ainsi neutralisés par l'évolution des comportements.
Au total, l'efficacité énergétique (c'est-à-dire le
ratio production de services/consommation d'énergie), se dégrade
continûment dans les transports, alors qu'elle stagne dans le
bâtiment et qu'elle s'améliore de 3 % par an dans l'industrie.
Pour maîtriser la hausse des émissions dans le secteur des
transports, il sera donc indispensable d'agir de manière
cohérente sur l'offre et la demande de transport.
Le tableau ci-après
1
montre l'importance du choix modal sur
la consommation d'énergie :
Voyageurs interurbains |
Voyageurs km/kep 2 |
Automobiles (2,45 voyageurs/véhicule)
|
40
|
Voyageurs intraurbains |
Voyageurs km/kep |
Automobile (1,25 voyageur/véhicule)
|
16,7
|
Marchandises |
Tonnes km/kep |
Route : charge utile inférieure à 3
t
|
2,7
|
1.
Source : Commission d'enquête du Sénat sur la politique
énergétique de la France, rapport du Sénat n° 439,
1997-1998
|
Il est
ainsi souhaitable de promouvoir
l'offre
de transports économes en
énergies fossiles :
- en réduisant les distorsions de
concurrence
au
détriment des transports ferroviaires et fluviaux, qui résultent
de l'inobservation de la
réglementation
relative au transport
routier, notamment en matière de sécurité et de droit du
travail ;
- en développant les transports collectifs urbains, en particulier les
tramways ;
- en accélérant la construction du réseau de TGV
94(
*
)
;
- en facilitant la circulation à vélo ;
- en subventionnant les véhicules électriques.
Il convient aussi d'agir sur la
demande
, en restituant au consommateur
final un " signal de prix ", c'est à dire un niveau de
taxation qui intègre graduellement l'ensemble des externalités
négatives pour la collectivité liées au choix de son mode
de transport :
- en
modulant la fiscalité
des véhicules selon leurs
émissions de gaz à effet de serre. Parmi les pays
développés, la France se singularise en accordant des abattements
de vignette aux véhicules anciens (qui sont plus polluants), et aux
véhicules diesel ;
Consommation des voitures particulières selon
l'année de mise en circulation
1
|
|||
Age des véhicules |
Tous carburants |
Essences |
Gazole |
1 an |
7,1 |
7,9 |
6,6 |
2 ans |
7,4 |
8,1 |
6,6 |
3 ans |
7,3 |
8,1 |
6,6 |
4 ans |
7,7 |
8,3 |
6,5 |
5 ans |
7,7 |
8,4 |
6,4 |
6 ans |
7,7 |
8,5 |
6,4 |
7 ans |
7,8 |
8,4 |
6,7 |
8 ans |
8,0 |
8,3 |
6,9 |
9 ans |
8,4 |
8,7 |
6,5 |
10 - 11 ans |
8,5 |
8,9 |
6,9 |
12 - 14 ans |
8,9 |
9,2 |
7,0 |
15 ans et plus |
9,6 |
9,8 |
8,2 |
Source : Commission d'enquête du Sénat sur la politique énergétique de la France. |
- en
réduisant l'écart de taxation entre l'essence et le
diesel
;
- en s'efforçant d'imputer aux consommateurs le
coût
collectif
(bruit, congestion, pollution urbaine) de l'usage de
l'
automobile
en ville, au travers des frais de stationnement notamment.
Cette évolution fiscale devra être
coordonnée
au
niveau européen. Elle ne devra pas se faire au gré des besoins
budgétaires, ni servir de prétexte à une hausse des
prélèvements obligatoires : le produit des taxes
supplémentaires devra être ristourné. Enfin, les
professionnels
(transporteurs routiers, agriculteurs) devront
bénéficier d'un traitement
différencié
.
LES PRINCIPES D'UNE FISCALITÉ DES CARBURANTS EFFICACE 95( * )
Des
principaux rapports concernant la prise en compte des effets environnementaux
des carburants (rapports " Brossier ", " Boiteux " et
" Orfeuil "), on doit retenir quelques conclusions simples.
Les évaluations des coûts environnementaux du transport ne font
pas l'objet d'un consensus. De nombreuses études donnent des
résultats très divers et difficilement conciliables quant
à l'importance des coûts à prendre en compte.
Certaines grandes conclusions restent cependant valables quelles que soient les
études :
• le coût social du gazole est sensiblement égal (voire
légèrement supérieur) à celui de l'essence sans
plomb. Il n'y a donc aucune justification économique à
l'écart de taxation entre le gazole et le super sans plomb.
• les coûts du transport (environnement, congestion) sont
très différents selon que la circulation a lieu en zone urbaine
ou en rase campagne.
• le progrès technique sur la conception des véhicules
automobiles est tel que les coûts sociaux sont différents en
fonction de l'âge des véhicules.
Ces conclusions nous fournissent des guides pour une évolution des
différentes taxes qui existent sur les carburants et de façon
plus générale sur le transport.
Les instruments fiscaux auxquels on peut songer sont nombreux :
fiscalité sur les carburants, vignette automobile, prix des parkings,
péages urbains, etc. Tous ne permettent pas de traiter les mêmes
questions et ne présentent pas les mêmes caractéristiques
(la TIPP a l'avantage d'être approximativement proportionnelle à
la pollution émise et est simple à mettre en oeuvre. En revanche,
contrairement au péage urbain, elle ne peut être
différenciée selon le lieu - ou même l'heure - de
circulation). Seul un mélange adapté des différentes
mesures fiscales permettra de prendre en compte aussi parfaitement que possible
l'ensemble des coûts sociaux de la circulation automobile.
Les axes de réflexion que l'on peut dégager sont les
suivants :
• les coûts liés aux nuisances environnementales et
à la congestion étant en partie au moins proportionnels à
la consommation d'essence, la TIPP est un bon moyen de prendre en compte une
grande partie des coûts sociaux de la route.
• les coûts sociaux du super sans plomb et du diesel étant
sensiblement identiques, il convient d'aligner progressivement la
fiscalité du gazole sur celle de l'essence sans plomb.
• plusieurs pistes sont ouvertes pour prendre en compte l'écart de
coûts sociaux entre la circulation en ville et la circulation en dehors
des zones urbaines (liés à la fois à l'effet des
pollutions locales et à la présence en un endroit, et non
à l'importance de la circulation) : la limitation des
possibilités de parking en ville ou l'augmentation du prix sur les
parkings, la vignette donnant le droit de circuler en ville, etc.
• la vignette paraît être l'instrument le mieux adapté
pour prendre en compte l'écart de coûts sociaux entre les
véhicules anciens et les véhicules plus récents. Ainsi, en
Allemagne, le prix de la vignette est largement différencié en
fonction des caractéristiques polluantes des véhicules
(âge, type de carburant, utilisation d'un pot catalytique, etc). En
France, les grilles tarifaires actuelles sont favorables aux véhicules
les plus anciens, fonctionnant comme une subvention implicite à la
détention de véhicules polluants. Ce biais a été en
partie seulement redressé, en supprimant l'abattement de 50 % pour
les véhicules de plus de 5 ans.