AUDITION DE M. PIERRE JOXE,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES,
ET DE M. COLLINET,
PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE

(17 MARS 1999)

AUDITION À HUIS CLOS

Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président

AUDITION DE M. JEAN-PHILIPPE HUCHET,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA MGEN

(17 MARS 1999)

M. Adrien Gouteyron, président - Nous allons procéder à l'audition de M. Jean-Philippe Huchet, secrétaire général de la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Jean-Philippe Huchet.

M. le Président - Je vous passe la parole pour un exposé introductif. Notre commission d'enquête s'occupe de la gestion des moyens et des personnels affectés à l'éducation nationale.

Nous vous entendons pour que vous nous expliquiez comment la MGEN dispose d'un certain nombre d'enseignants formés par l'éducation nationale pour enseigner, qui viennent chez vous pour faire un certain nombre de tâches. Comment sont-ils recrutés ? A quelle conditions financières ? Quels sont vos rapports avec le ministère ?

M. Jean-Philippe Huchet - Je vous ai préparé un document.

M. le Président - Merci, cela nous sera utile. Nous arrivons au terme de nos auditions et nous en viendrons bientôt à la rédaction du rapport pour lequel nous avons une matière très considérable. Il sera publié en mai.

M. Jean-Philippe Huchet - Je me suis permis de préparer ce petit document pour que vous suiviez plus aisément les quelques éléments d'information que je souhaitais vous apporter avant de répondre à vos questions.

A la page 4, vous avez les textes relatifs aux mises à disposition relevant des lois du 19 mars et du 9 avril 1947, connues sous le nom de lois MORICE. Elles ont confié aux sections des sociétés mutualistes de fonctionnaires la gestion de la sécurité sociale des fonctionnaires. Cette référence n'existe pas forcément pour d'autres organisations de l'éducation nationale, car cette loi est spécifique à la gestion de la sécurité sociale.

Je vous ai rappelé brièvement un certain nombre de textes et de décrets venus renforcer ces premières lois et qui ont précisé les conditions de ces mises à disposition.

A cet égard, la circulaire du 20 novembre 1948 précise quels étaient les personnels qui devaient être mis à disposition et quelles étaient leurs fonctions dans la gestion du régime de sécurité sociale, en précisant qu'il ne pouvait s'agir que de personnel de direction ou d'encadrement.

D'autres textes ont ensuite élargi ces mises à disposition à d'autres personnels que ceux de direction ou d'encadrement.

Cependant, la MGEN n'a jamais utilisé cette possibilité et s'est limitée à des personnels de direction.

Des textes de 1949 sont également indiqués dans ce chapitre et parlent de la réglementation spécifique des mises à disposition de la MGEN. Il s'agit donc de l'application des lois de 1948 dans le ministère de l'éducation nationale. En effet, au départ ces lois étaient communes à l'ensemble de la fonction publique.

Ces textes de 1949 parlent notamment des effectifs et l'on voit que la MGEN est bien en deçà des chiffres indiqués. Ils parlent également de la notion de remboursement. Ce sont les premiers passages où il est convenu que la Mutuelle remboursera à l'Etat des salaires d'enseignants remplaçants pour permettre à celui-ci de remplacer poste pour poste les personnels mis à disposition de la MGEN pour gérer la sécurité sociale.

Par ailleurs, la MGEN rembourse l'intégralité des traitements. Autrement dit, nous allons au-delà de la loi puisque nous remboursons à l'Etat les salaires et les charges des personnels mis à disposition.

La page 6 fait état d'une actualité plus récente, avec notamment la loi du 11 janvier 1984 et le décret du 16 septembre 1985, qui ont permis de réglementer la mise à disposition de fonctionnaires de l'Etat auprès d'organismes privés chargés de la gestion d'un service d'intérêt général, ce qui est le cas de la MGEN.

Cependant, même si ces textes existent, nous nous référons toujours aux textes de base (lois MORICE) qui nous confient la gestion de la sécurité sociale en l'assumant avec des fonctionnaires mis à disposition.

En 1986, le ministère a décidé de nous retirer l'intégralité des mises à disposition. Cette décision couvrait l'ensemble de l'éducation nationale.

Cependant, les lois MORICE, stipulaient que nos mises à disposition n'étaient pas tout à fait les mêmes que celles accordées à d'autres oeuvres.

Nous pouvons comprendre que le ministère, par convention, accorde librement les mises à disposition à bien des oeuvres, cependant, en ce qui concerne la MGEN, il n'a pas la liberté totale car une loi lui imposait de nous conserver des mises à disposition.

Néanmoins, cette décision politique enlevait toutes les mises à disposition de l'éducation nationale, mis à part 35 collègues qui avaient des fonctions élues. Le ministère avait admis que sans cette dérogation, il décapitait la mutuelle car il n'était pas possible de remplacer des mises à disposition par des détachements.

En effet, les élus de la mutuelle ne peuvent pas être détachés puisque le détachement s'assimile à une situation de salariés, ce qui aurait empêché les élus d'exercer leurs mandats. Le ministère en avait convenu et nous avait autorisé 35 mises à disposition correspondant aux élus de la mutuelle.

Il a ensuite fixé un maximum de 500 cadres de la mutuelle pour gérer la sécurité sociale, les MAD étant transformées en détachements.

Depuis cette date, la MGEN revendique la pleine application des textes existants et a obtenu une restauration progressive des mises à disposition. Cent emplois nous ont été restitués en 1990, 70 en 1992 et 150 en 1993.

En 1993, nous étions revenus à 320 mises à disposition, ainsi, nous n'avions plus de détachés à ce titre. Il restait, bien entendu, les quelque 30 élus toujours mis à disposition.

Le ministère du budget a remis en cause en 1994 les 150 derniers emplois qui nous avaient été octroyés en 1993, ce qui a ramené le nombre de mises à disposition de la MGEN à 170 et nous sommes toujours dans cette situation aujourd'hui.

Vous avez ensuite quelques autres informations, notamment sur les conventions que nous signons avec le ministère prévoyant ces mises à disposition. J'insiste sur le fait que les mises à disposition du ministère vont au-delà de la loi MORICE, ainsi, nous avons trois annexes à la convention passée avec le ministère.

La première concerne ces fonctionnaires mis à disposition pour gérer la sécurité sociale. Nous en avons 170, mais nous souhaiterions que les détachés soient transformés en mises à disposition.

Nous avons les élus de la mutuelle dans une deuxième annexe, dont la situation n'est pas régie par la loi MORICE. C'est une possibilité de militer offerte par le ministère à des collègues. Bien évidemment, nous remboursons leur salaire.

Une troisième annexe concerne les militants de sections départementales, qui sont le plus souvent présidents de section et qui sont partiellement déchargés de service. Dans ce cas aussi, nous remboursons intégralement les salaires et les charges à l'administration.

A partir de la page 9, vous avez les chiffres. Des tableaux montrent que les enseignants ne sont pas les seuls mis à disposition de la MGEN.

L'annexe 1 de la convention détaille les 170 mises à disposition pour gérer la sécurité sociale. Ce sont des collègues des sections départementales qui ne sont pas des élus de la mutuelle. Un certain nombre sont des personnels de l'administration ou des conseillers principaux, bien que la plupart soient enseignants.

L'annexe 2 concerne les élus, c'est-à-dire les 35 à l'époque qui sont 33 aujourd'hui dont 25 dans le premier degré, 6 dans le second degré, une infirmière et un agent d'administration.

L'annexe 3 concerne quelques militants sur le plan local qui bénéficient d'heures de décharge. Le ministère fait un effort de 6,92 équivalents temps plein en emplois couvrant 16 personnes (8 dans le premier degré, 8 dans le second degré). Ce sont des décharges partielles. Nous ne réclamons jamais des décharges entières pour nos présidents.

Deux autres tableaux couvrent le champ de votre enquête. Le premier concerne les détachés que nous avons obtenus quand l'on nous a retiré la part des mises à disposition. Nous souhaitons transformer 133 détachés en MAD puisqu'ils gèrent la sécurité sociale et, ce, conformément à la loi. Vous avez la ventilation de ces 133 personnes.

Le dernier tableau, pour mémoire, concerne 40 détachés qui ne relèvent d'aucun texte. C'est une possibilité d'avoir des personnels de l'éducation nationale à la tête de nos oeuvres sanitaires et sociales. Nous ne demandons rien pour ces personnes, sinon la poursuite du détachement. Les détachés ne coûtent rien à l'Etat et nous n'avons donc rien à rembourser à celui-ci.

Le récapitulatif est fait page 14 : 33 MAD élus, 170 non élus, 6,92 emplois équivalents temps plein, ce qui a fait qu'en 1997, nous avons remboursé à l'Etat 55 209 296 F. Pour 1998, il est prévu de rembourser 56 238 359 F.

La dernière partie du document concerne l'activité des collègues mis à disposition de la MGEN pour gérer la sécurité sociale.

Il s'agit d'une activité gestionnaire de l'assurance maladie dans un certain nombre de domaines. On connaît l'actualité de l'assurance maladie qui fait que ces collègues ne manquent pas de tâches.

Il y a l'activité d'encadrement, d'organisation et de gestion des ressources humaines. Il y a les relations avec les différents acteurs sociaux pour faire prévaloir les spécificités de nos professions.

Puis, il y a les activités d'accueil et d'information des assurés sociaux et tout ce qui concerne les missions d'action sociale pratiquement gérées au titre du ministère de l'éducation nationale. Il s'agit de l'action sociale en faveur des fonctionnaires et agents contractuels de l'Etat. Je vise les commissions d'action sociale académiques ou départementales et un certain nombre d'actions de prévention et de formation en partenariat avec les IUFM.

Je vous laisse découvrir la conclusion de ce document. Un petit paragraphe concerne les 33 mises à disposition d'élus qui restent et dont je n'ai pas développé l'activité. Elle est conforme au code de la mutualité et à nos statuts.

M. le Président - Merci. Le document nous sera très utile car est il très clair.

M. Francis Grignon, rapporteur - Que représentent les 392 personnes concernées par rapport au personnel global de la MGEN ?

M. Jean-Philippe Huchet - Nous avons 9 000 salariés.

M. Francis Grignon, rapporteur - Pourquoi insistez-vous sur le fait de transformer les détachés en MAD ? Certes, la loi le prévoit mais, en-dehors de cette règle, cela vous apporte-t-il quelque chose d'important quantitativement ou qualitativement ?

Les enseignants mis à disposition ou détachés chez vous, font-ils toute leur carrière chez vous ou ne sont-ils que de passage ? Enfin, recevez-vous des subventions de l'éducation nationale ?

M. Jean-Philippe Huchet - Je vous ai précisé que nous remboursions intégralement les salaires et les charges et, pour nous, un MAD et un détaché coûtent exactement la même somme.

Alors pourquoi ? Parce que la loi le prévoit ! Y a-t-il besoin d'autres raisons ? Est-ce étonnant de demander l'application d'une loi ?

Dans l'esprit, il y a une différence :

- le MAD poursuit sa carrière à l'intérieur de l'éducation nationale et garde un lien plus fort avec ses collègues. Il a des possibilités plus fortes de mobilité. A la limite, la mise à disposition peut être remise en cause tous les ans.

- le détaché a un contrat de cinq ans, avec la possibilité, pour le ministère, de ne pas le réintégrer, bien que cela ne se fasse jamais, néanmoins la possibilité existe. Pour nous, c'est une question essentielle de principe.

Le détaché, au-delà de tout ce que l'on pourra dire, est un salarié de la MGEN. En cela, il a droit au comité d'entreprise de la MGEN et à être représenté au niveau syndical. Tandis que nous concevons le MAD comme un collègue représentant les mutualistes c'est-à-dire les réels propriétaires de la mutuelle. Il y a un problème, à notre sens, à ce niveau.

Nous ne faisons que demander l'application de la loi et j'insiste : il n'y a pas de différence au niveau financier. Nous payons la totalité de ce qui figure sur les feuilles de paye de la fonction publique.

Peut-on faire toute sa carrière à la MGEN ? La gestion de la sécurité sociale s'apprend. La formation dure un an, mais l'on n'est pas opérationnel en un an. Il faut rentrer dans une autre logique. C'est un prolongement à l'activité, mais c'est une nouvelle activité.

De nombreux collègues, à partir du moment où ils sont devenus MAD, finissent leur carrière à la MGEN. Ce n'est pas le cas de tous : certains repartent pour un certain nombre de raisons et, actuellement, c'est un phénomène qui va plutôt en s'accroissant.

En effet, les charges de travail à la MGEN poussent un nombre plus grand de collègues à mettre fin à leur militantisme et surtout à leur activité d'encadrement de la gestion de la sécurité sociale. Néanmoins, ils restent proches de la MGEN.

M. Francis Grignon, rapporteur - A quel âge arrivent-ils chez vous ?

M. Jean-Philippe Huchet - Nous avons une règle selon laquelle les instituteurs doivent s'arrêter à 55 ans. Certains arrivent à 40 ans, d'autres à 30 ans. Il n'y a pas de profil type, cela dépend de l'équilibre dans une section. Nous insistons sur la connaissance du terrain. Nous aurons tendance à prendre quelqu'un d'installé, connaissant le terrain.

M. le Président - Qui prononce la mise à disposition ou le détachement ?

M. Jean-Philippe Huchet - Le ministère.

M. le Président - Même si la gestion des corps est académique ?

M. Jean-Philippe Huchet - Oui.

Pour les subventions, j'ai en tête deux idées. L'une concerne les actions concertées. Nous avons une mission de service public et d'action sociale.

A ce titre, nous gérons les actions concertées avec le ministère. C'est une somme de 16 millions de francs dont le ministère décide la finalité.

Je n'ai rien apporté sur cela, mais je prends un exemple : supposons que sur ces 16 MF, le ministère souhaite que 4,5 MF aillent à l'orphelinat. Nous identifierons et suivrons le cursus des mutualistes et des non mutualistes (puisque nous gérons la sécurité sociale de la totalité des personnels de l'éducation nationale), nous en rendrons compte et attribuerons ces 4,5 MF suivant certains critères.

La deuxième subvention est la subvention légale versée à toutes les mutuelles de fonctionnaires.

En effet, l'Etat étant un des employeurs les moins généreux en ce qui concerne l'action sociale de ses personnels, c'est une manière pour lui de participer à un retour social sur les mutualistes.

Dans les textes, cette subvention légale peut se monter jusqu'à 25 % des cotisations des mutualistes.

Cependant, nos cotisations s'élevant à 6 milliards de francs, vous voyez ce que font 25 %. Nous nous contentons d'une subvention légale de 100 millions de francs.

M. le Président - Vous nous dites que la rémunération des MAD est intégralement compensée par la MGEN. Ma remarque est inspirée du rapprochement entre ce que vous nous dites et votre document.

En 1986, il a été décidé de remplacer les mises à disposition par des détachements, ces derniers étant partiellement compensés par des subventions. Est-ce cela?

M. Jean-Philippe Huchet - Pas exactement.

M. le Président - Je lis : "Le ministère a décidé de substituer un système de subventionnement et de détachement au système de mise à disposition pour l'ensemble de l'éducation nationale."

M. Jean-Philippe Huchet - Oui, "pour l'ensemble de l'éducation nationale". Pour toutes les organisations.

M. le Président - Donc pour la vôtre ?

M. Jean-Philippe Huchet - Pour la nôtre, nous n'avons rien eu.

M. le Président - Autrement dit, les détachements n'ont pas donné lieu à versement de subventions, je n'ose dire compensatrices ?

M. Jean-Philippe Huchet - Absolument aucune.

M. le Président - Mon erreur expliquait ma question car j'allais vous dire que vous avez intérêt à avoir des détachements.

M. Jean-Philippe Huchet - Bien évidemment, mais sur le principe, cela n'aurait pas fonctionné.

M. le President - Laissons les principes et regardons l'argent. Vous affirmez que les détachements ne donnent pas lieu à versement de subvention. Comment s'explique alors ce paragraphe ?

M. Jean-Philippe Huchet - Je lis ce paragraphe page 5 : "Le ministère de l'éducation nationale a décidé de substituer un système de subventionnement et de détachement au système de mise à disposition pour l'ensemble de l'éducation nationale." Cela couvrait également l'ensemble des organisations là où il y avait des mises à disposition.

Le paragraphe suivant dit : "cette décision a abouti à la convention du 15 juin 1987 (pour la MGEN) prévoyant 35 mises à disposition correspondant à ses administrateurs élus et à un maximum de 500 détachés."

Pour nous, cela s'est traduit par le droit d'avoir 500 détachés. Il n'y a pas eu de volet subvention.

M. Jacques Legendre, vice-président - Je gardais en mémoire les débats qui avaient eu lieu du temps où M. MONORY était ministre de l'éducation nationale et avait voulu supprimer un certain nombre de ces personnels. Il avait été dit, à l'époque, que si les organismes remboursaient à l'Etat les personnels qu'ils utilisaient, ils toucheraient en contrepartie une subvention.

Or, vous dites que ce n'est pas le cas de la MGEN. Pouvez-vous dire si c'est le cas d'autres organismes de l'éducation nationale, à votre connaissance ? Pourquoi y aurait-il une exception au détriment de la MGEN ?

M. Jean-Philippe Huchet - Encore une fois, les mises à dispositions ne sont pas toutes identiques. Les nôtres relèvent de la loi MORICE, c'est la gestion de la sécurité sociale. Les autres mises à disposition l'ont été à d'autres titres.

Les mouvements d'éducation populaire notamment ont toujours été aidés par le ministère, mais il ne s'agissait pas de MAD comme les nôtres. Il s'agissait d'efforts du ministère pour participer à l'éducation populaire. Ces mises à disposition n'étaient pas compensées du tout.

En retour, les mouvements d'éducation populaire ne reversaient rien au ministère. C'était bien une aide qu'apportait le ministère pour faire fonctionner ses oeuvres.

A partir de 1986, quand le ministère a décidé de supprimer cette aide, il l'a compensée : à la place, il a donné les moyens de payer des détachés.

Au niveau de la MGEN, le problème est différent. Encore une fois, nos mises à disposition étaient issues d'un autre texte et nous remboursions les traitements. Il n'y avait aucune raison que le ministère nous donne de quoi payer des détachés et nous ne l'avions jamais demandé. Cela aurait été une erreur pour le ministère et il n'avait aucunement l'intention de la commettre.

Peut-être que la subvention de 16 millions de francs sur les actions concertées avait été gagée sur cela, bien avant, au début de la mise en place de ces lois. La MGEN reverse une somme à l'Etat, mais cela ne sert pas forcément à embaucher des instituteurs remplaçants ; il avait peut-être été prévu un rééquilibrage sur les actions concertées.

Quoi qu'il en soit en 1986, nous remboursions la totalité des salaires et nous n'avons eu aucune subvention.

M. André Vallet, rapporteur-adjoint - A vous écouter, je suis conforté dans une opinion que j'avais depuis longtemps : ce n'est pas à la MGEN qu'il y a une dérive de postes et la MGEN n'est pas ce qui coûte le plus aux contribuables, vous venez de le confirmer.

Cependant, un point me choque qui a été évoqué tout à l'heure par M. GRIGNON. Il s'agit de ce personnel mis à disposition qui fait pratiquement carrière à la MGEN. Ce personnel a été formé pour enseigner, il reçoit une formation de plus en plus longue.

Ensuite, vous nous avez dit : "mais il faut qu'il apprenne son métier à la MGEN."

Il a appris deux métiers différents dans sa carrière. Est-il besoin qu'il apprenne le premier s'il ne l'exerce pas ? Pourquoi n'a-t-il pas appris directement le second ? Ne serait-il pas préférable de recruter directement du personnel administratif pour gérer la MGEN plutôt que de puiser dans un personnel formé pour autre chose ?

Je fais une exception pour les élus. Je comprends très bien qu'une mutuelle de cette importance doive avoir un conseil d'administration ainsi composé. C'est légitime et normal.

Cependant, un élu n'est que de passage. Il ne peut pas faire une carrière. Que pendant le temps de son mandat, il dispose de ces facilités de décharges de service, voire de mise à disposition, etc., je le comprends.

Pour les non élus, formés actuellement par l'éducation nationale, pourquoi ne pas les recruter directement dans la société civile plutôt que dans l'éducation nationale qui a fait un effort pour les préparer à un métier qu'ils n'exerceront pas ?

M. Jean-Philippe Huchet - C'est un des débats de fond qui existe à la MGEN. Peut-être qu'un jour, ce choix sera fait. La MGEN a aujourd'hui 50 ans et nous avons tenu à ce que les mutualistes, vrais propriétaires de la mutuelle, puissent exercer ces responsabilités à tous les niveaux. Nous avons conscience de ce que vous dites...

M. le Président - La question de M. VALLET est d'autant mieux venue que l'on constate que les mutualistes en question sont quasiment tous des maîtres de l'enseignement primaire.

M. Jean-Philippe Huchet - Sur les mises à disposition, en effet 140 le sont. La question est très importante. Dans l'esprit des lois MORICE, l'idée était que pour gérer le social, il fallait des personnels certes qualifiés, (nous avons 9 000 salariés privés à la MGEN), mais nous tenons à avoir aux postes d'encadrement, que ce soit au niveau des sections ou au niveau national, les véritables propriétaires de la mutuelle.

Alors, cela sert-il de les avoir formés pour un premier métier et de leur faire apprendre un deuxième métier ? Nous voyons cela comme un complément. Les gens formés uniquement au deuxième métier n'apporteraient absolument pas le service apporté par les collègues de l'éducation nationale. Il s'agit d'un million et demi de personnes gérées en sécurité sociale et nous revendiquons 300 personnes pour les gérer : le quota n'a rien à voir avec ce qui se fait dans la fonction publique en général.

Je précise que nous sommes les moins bien lotis de l'ensemble de la fonction publique. Partout ailleurs, on n'a jamais remis en cause les mises à disposition, dans aucun autre ministère. Dans la plupart des autres ministères, les mutuelles ne remboursent pas les traitements des mises à disposition.

On fait beaucoup d'honneur à la MGEN en lui demandant un certain nombre d'explications mais, ailleurs, ce genre d'explication n'a pas cours.

Un texte prévoyait une mise à disposition pour 5 000 mutualistes. Nous en sommes très loin et nous ne le revendiquons pas.

Cependant pour nous, la moindre des choses est que l'Etat continue à nous accorder ces personnels, certes déjà formés à des métiers de l'éducation, mais nous sommes persuadés que s'ils n'avaient pas baigné dans ce milieu de l'éducation, de la recherche et de la culture, nous n'aurions pas la qualité de service au niveau où nous les prenons.

En effet, nous ne les prenons pas pour gérer des feuilles de sécurité sociale. Il s'agit bien de l'encadrement, du travail sur la prévention, de l'action sociale, de la direction donnée à la gestion. S'ils n'avaient pas baigné dans ce premier métier, ils n'auraient pas la même vision ni le même souci de voir se développer l'appareil gestionnaire au seul service de leurs collègues.

Les anciens enseignants, qui sont depuis cinquante ans à la MGEN, comptent beaucoup sur les responsables actuels de la MGEN pour poursuivre dans cette voie, estimant que si jamais on ne le faisait pas, la MGEN pourrait perdre beaucoup de son originalité et de sa spécificité.

Vous avez eu raison de souligner que les élus étaient à part. D'ailleurs, quels que soient les ministères, nous n'avons jamais eu aucun problème avec ces élus et tous les ministres successifs n'ont jamais remis en cause les MAD d'élus. Chez nous, les mandats durent six ans et il est bien évident qu'il peut y avoir un turn-over. C'est une possibilité donnée pendant le mandat et pas au-delà.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Vous avez dit que la mutuelle rembourse à l'Etat la rémunération des remplaçants, salaires et charges. Vous rémunérez donc les remplaçants. Y a-t-il un différentiel entre le coût global des personnes réellement mises en détachement et les remplaçants ?

M. Jean-Philippe Huchet - La loi nous obligeait à rembourser, mais nous faisons mieux que la loi, puisque l'on rembourse intégralement ce qui a été versé, salaires plus charges. Cela va au-delà du coût réel. Nous trouvons cette formule juste. Nous sommes pratiquement les seuls dans la fonction publique à le faire.

Sur l'action sociale, le ministère des finances par exemple, donne dix fois plus par agent que ce qui est donné au personnel de l'éducation nationale. Au niveau de l'éducation nationale, nous pouvons aller la tête haute dans de nombreux endroits, nous sommes les moins bien traités de l'ensemble de l'administration, y compris sur ce plan.

Ailleurs, on ne rembourse pas de cette manière. Ailleurs, les mutuelles sont logées, tandis que nous n'avons pas un seul bâtiment public à notre disposition. Tout appartient aux mutualistes qui ont payé en cinquante ans sur leurs cotisations, l'intégralité du patrimoine de la MGEN.

Ailleurs, dans la fonction publique, les mutuelles sont logées, les MAD ne sont pas remboursées, mais nous ne sommes pas jaloux. Nous ne demandons ni d'être logés ni de ne pas rembourser. Nous demandons seulement l'application de la loi qui nous autorise à bénéficier de mises à disposition.

M. le Président - La prochaine commission d'enquête pourra porter sur ce sujet.

(Sourires)

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Les élus reçoivent des indemnités pour leur fonction, qui viennent se cumuler à leur rémunération.

M. Jean-Philippe Huchet - Cela vient se cumuler à ce que nous remboursons à l'Etat, pour l'individu. La MGEN rembourse à l'Etat l'intégralité du salaire et des charges et donne une indemnité à celui qui est mis à disposition.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - L'élu touche sa rémunération plus l'indemnité ?

M. Jean-Philippe Huchet - Oui.

M. André Vallet, rapporteur-adjoint - A quel pourcentage du traitement ?

M. Jean-Philippe Huchet - C'est variable en fonction de ce qui est prévu dans le code de la mutualité.

M. André Vallet, rapporteur-adjoint - Cela signifie-t-il qu'un instituteur a intérêt à être élu à la MGEN pour sa rémunération ? Gagnera-t-il plus à être élu à la MGEN qu'à être dans sa classe ?

M. Jean-Philippe Huchet - Ce ne sont pas des salaires, ce sont des indemnités. C'est prévu dans le code de la mutualité.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Alors que cela devient leur activité principale.

M. Jean-Philippe Huchet - C'est leur activité principale car ils sont mis à disposition. Là aussi, nous avons une originalité. Le code de la mutualité permet d'indemniser l'intégralité des élus, mais nous n'indemnisons que ceux qui ont des sujétions.

Par exemple, bon nombre de nos militants dans nos cent sections départementales, ainsi que les présidents de section, y compris ceux qui figurent ici avec les six et quelque équivalents temps plein, ne bénéficient d'aucune indemnité.

En revanche, nous indemnisons celui qui est mis à disposition ou détaché au titre de la gestion de la sécurité sociale. L'enseignant, par exemple, n'a plus les vacances d'enseignants, il n'a plus les mêmes horaires. Nous faisons des formations le week-end, etc., ce sont des sujétions. L'indemnité couvre cela.

Cependant, l'indemnité n'est pas forcément liée au fait d'être élu.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Il existe une indemnité de base.

M. Jean-Philippe Huchet - Oui, variable suivant la fonction exercée.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Par exemple, une personne mise à disposition ou en détachement ne donne pas satisfaction. Que devient-elle ?

M. Jean-Philippe Huchet - Si elle est mise à disposition, nous demandons au ministère d'y mettre fin. Pour les détachements, c'est plus compliqué, nous demandons la fin du détachement.

M. Francis Grignon, rapporteur - A M. Vallet qui parlait de deux métiers, vous avez répondu que cela permet d'avoir des gens à la MGEN qui ont l'esprit éducation nationale. Cette argumentation peut se discuter car cela conforte le fait que les enseignants vivent dans un système fermé.

Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, vice-président.

M. Jean-Philippe Huchet - Nous sommes en train de discuter de l'application d'une loi. Cette discussion se ferait au niveau du Parlement si l'on décidait de changer la loi. Nous ne demandons que l'application de la loi. Nous pensons que cette loi est bonne. Certes, on peut en débattre et bien des éléments étayeraient mon argumentation, je vous en dirai un ou deux.

M. Jean-Léonce Dupont, président - S'il n'y a pas d'autres interventions, vous pourrez ainsi conclure votre intervention.

M. Jean-Philippe Huchet - La MGEN a 50 ans. Elle souhaite poursuivre ses missions de service public. Elle a la mission de gérer la sécurité sociale et nous pensons avoir démontré, tant en termes de gestion qu'en d'autres termes, notre efficacité avec des résultats tout à fait comparables au coût de gestion de l'assuré social géré par l'assurance maladie. Nous sommes dans les dix meilleures caisses sur les cent cinquante au niveau national.

Nous avons donc ces résultats, tout en supportant, encore une fois, la totalité des charges du personnel, y compris des mises à disposition.

De la même manière, nous gérons un certain nombre d'établissements sanitaires et sociaux au titre du service public et nous souhaitons pouvoir continuer.

Le fait que des personnels de l'éducation gèrent la mutuelle n'est pas sans effets. Contrairement à ce qui se développe maintenant dans la mutualité, nous ne souhaitons ni faire d'options, ni donner un choix aux mutualistes. Nous souhaitons que les mutualistes continuent de verser une cotisation strictement proportionnelle aux revenus, soit 2,5 %.

C'est une protection globale et entière qui permet aux personnels de l'éducation nationale, de la recherche et de la culture d'être réellement couverts en cas de problème, et pas seulement en matière de complémentaire santé.

La complémentaire santé représente 75 % de nos prestations. Les 25 % restants nous servent dans le domaine de la maternité et de la famille. Nous développons aussi des services originaux en matière d'habitat.

Nous avons été les premiers à cautionner des enseignants qui souhaitaient construire leur habitation. Nous l'avons fait il y a 35 ans, quand le crédit n'était pas ce qu'il est aujourd'hui. D'ailleurs à l'époque, le milieu bancaire nous a été très hostile.

Pourquoi nous en sommes-nous mêlés ? C'est parce que nos fonctionnaires avaient souvent des logements de fonction et se trouvaient dans des situations difficiles quand ils n'en bénéficiaient plus.

Aujourd'hui, les banques se battent pour avoir la caution de la MGEN mais, à l'époque, personne n'en voulait.

M. le Président - Monsieur le secrétaire général, je ne retire rien à l'intérêt de vos propos, mais ils me semblent s'écarter du cadre de notre commission d'enquête.

M. Jean-Philippe Huchet - Je vais alors parler de ce que nous faisons en matière de perte d'autonomie. Si nous n'avions pas notre structure, nous n'aurions jamais pu répondre à l'attente des personnels de l'éducation ayant des enfants handicapés et qui, l'âge venant, n'ont plus confiance en personne. Ils se disent qu'ils partiront et se demandent qui s'occupera de leurs enfants handicapés.

Seuls ces collègues, que la loi avait prévu de mettre à disposition de la MGEN, s'occupent de la tutelle. Le dernier juge des tutelles que j'ai rencontré me disait : "en France, seuls deux organismes perdent de l'argent sur les tutelles, ce sont les Petit frères des pauvres et la MGEN".

Le premier objectif de la MGEN, à l'origine, était de subvenir aux besoins. Lors d'un décès du membre de la famille, par exemple, nous avons la couverture complète.

Les Présidents de la République successifs ont souhaité qu'il y ait un statut de l'élu mutualiste. Le législateur n'y a pas pensé ; bien que nous ayons des MAD et des détachés, nous avons beaucoup de mal à avoir des autorisations d'absence pour nous rendre à des réunions statuaires.

Un rapport a été adopté par le Sénat sur ce thème. Certains sénateurs se sont interrogés sur le fait que les mutuelles étaient mieux traitées que les compagnies d'assurance.

Or, les compagnies d'assurance sont des sociétés de capitaux. Leur objectif premier est de rémunérer le capital des actionnaires, investi dans la compagnie. C'est très bien, car dans une société, les épargnants doivent pouvoir placer des économies qui leur rapportent. Je trouve logique que par rapport à cette rémunération du capital, il y ait une taxation sur les revenus des capitaux.

S'il doit nous rester une ambition sociale pour cette Europe en train de se faire, le citoyen européen doit pouvoir choisir, soit d'être client, et d'être protégé par des lois à ce titre, soit de s'associer avec un groupe de citoyens et de ne pas vouloir être client d'une compagnie, surtout quand il s'agit de la santé et du social.

Il doit pouvoir choisir de s'organiser avec ses concitoyens et la mutualité n'est pas autre chose : chaque mois, on se met entre soi autour d'une table et on redistribue en fonction de ses propres règles. Il ne s'agit pas de rémunérer des capitaux, il s'agit de redistribuer. La MGEN cette année reverse 93 % des cotisations qu'elle a perçues.

M. le Président - Vos propos ont été tout à fait intéressants. Pardonnez-moi d'avoir été quelque peu directif mais nous avons une série d'auditions à mener. Au nom de la commission, je vous remercie.

M. Jean-Philippe Huchet - Merci à vous.