MIEUX GÉRER, MIEUX ÉDUQUER, MIEUX RÉUSSIR
GOUTEYRON (Adrien), Président ; GRIGNON (Francis), Rapporteur ; CARLE (Jean-Claude) ; VALLET (André), Rapporteur adjoints
RAPPORT 328 (98-99), Tome 2 - commission d'enquête
Table des matières
-
AUDITION DE M. ROGER FAUROUX
(9 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE M. BERNARD TOULEMONDE,
DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(9 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE M. ANTOINE PROST,
PROFESSEUR ÉMÉRITE À L'UNIVERSITÉ DE PARIS I
(16 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE M. MICHEL DELLACASAGRANDE,
DIRECTEUR DES AFFAIRES FINANCIÈRES AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(16 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE MME MARIE-FRANCE MORAUX,
DIRECTEUR DES PERSONNELS ENSEIGNANTS
AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(16 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE M. ALAIN TOURAINE, SOCIOLOGUE,
DIRECTEUR D'ÉTUDES À L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES SOCIALES
(16 DÉCEMBRE 1998) -
AUDITION DE M. BLANCHARD-DIGNAC,
DIRECTEUR DU BUDGET AU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
(6 JANVIER 1999)
AUDITION À HUIS CLOS -
AUDITION DE M. MICHEL GARNIER,
DIRECTEUR DE LA PROGRAMMATION ET DU DÉVELOPPEMENT AU MINISTÈRE DE
L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(6 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. CLAUDE BERNET,
directeur général de l'enseignement ET DE LA RECHERCHE
AU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
(6 JANVIER 1999) -
AUDITION DE MME BÉATRICE GILLE,
DIRECTEUR DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS, TECHNIQUES ET D'ENCADREMENT
AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(6 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. MICHEL DESCHAMPS, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DE LA FSU
(FÉDÉRATION SYNDICALE UNITAIRE DE L'ENSEIGNEMENT),
MME MONIQUE VUAILLAT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SNES
(SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNANTS DU SECOND DEGRÉ),
M. BERNARD PABOT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SNETAA
(SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE APPRENTISSAGE AUTONOME),
M. DANIEL LE BRET, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SNUIPP
(SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE DES INSTITUTEURS PROFESSEURS D'ÉCOLE ET PEGC)
(13 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. DANIEL BLOCH,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE MONTPELLIER
(13 JANVIER 1999) -
AUDITION DE MME GENEVIÈVE BECQUELIN,
DOYEN DE L'INSPECTION GÉNÉRALE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(13 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. DANIEL BANCEL,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE LYON
(13 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. PIERRE DANIEL, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL
ET DE M. FERNAND GIRARD, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL
DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
(20 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. JEAN-JACQUES ROMERO,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT NATIONAL
DES PERSONNELS DE DIRECTION DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(20 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. JACKY RICHARD,
CHEF DU SERVICE DE L'INSPECTION GÉNÉRALE
DE L'ADMINISTRATION DE L'ÉDUCATION NATIONALE (IGAEN)
(20 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. GILBERT SANTEL,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
AU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE,
DE LA RÉFORME DE L'ETAT ET DE LA DÉCENTRALISATION
(27 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. JEAN-PAUL ROUX,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FEN,
ACCOMPAGNÉ DE M. CARRIE, TRÉSORIER
(27 JANVIER 1999) -
AUDITION DE MME HÉLÈNE
BERNARD,
DIRECTEUR DE L'ADMINISTRATION AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(27 JANVIER 1999) -
AUDITION DE M. CHRISTIAN FORESTIER,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE VERSAILLES
(3 FÉVRIER 1999)
AUDITION À HUIS CLOS
-
AUDITION DE M. JACQUES BACHELIN,
CONTRÔLEUR FINANCIER AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(3 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. JEAN-CLAUDE LEBOSSÉ,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(10 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. JEAN-LOUIS
GUIGOU,
DÉLÉGUÉ DE LA DATAR (DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE)
(10 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. BERNARD KUNTZ,
PRÉSIDENT DU SNALC (SYNDICAT NATIONAL DES LYCÉES ET COLLÈGES)
(10 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. JEAN-MARC MONTEIL,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX
(17 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. HERVÉ BARO,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES ENSEIGNANTS
(17 FÉVRIER 1999) -
AUDITION DE M. GEORGES SEPTOURS,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(17 FÉVRIER 1999)
AUDITION À HUIS CLOS -
AUDITION DE M. ROGER BELOT,
PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA MAIF
(10 MARS 1999) -
AUDITION DE M. PIERRE TOURNEMIRE,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA LIGUE FRANÇAISE
DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'ÉDUCATION PERMANENTE
(10 MARS 1999) -
AUDITION DE M. PIERRE JOXE,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES,
ET DE M. COLLINET,
PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE
(17 MARS 1999)
AUDITION À HUIS CLOS
-
AUDITION DE M. JEAN-PHILIPPE HUCHET,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA MGEN
(17 MARS 1999) -
AUDITION DE MLLE OLIVIA JEAN,
PRÉSIDENTE DE LA FIDL
(17 MARS 1999) -
AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER,
SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET
(24 MARS 1999) -
AUDITION DE MME SÉGOLÈNE ROYAL,
MINISTRE DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(24 MARS 1999) -
AUDITION DE M. CLAUDE ALLÈGRE,
MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(24 MARS 1999) -
COMPTE RENDU SOMMAIRE DE L'AUDITION DE
MME GENEVIÈVE ZEHRINGER,
PRÉSIDENTE DE LA SOCIÉTÉ DES AGRÉGÉS
PAR LE BUREAU DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
(31 MARS 1999)
N°
328
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rapport remis à Monsieur le Président du Sénat le 28 avril
1999
Dépôt publié au Journal officiel du 29 avril 1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1999
RAPPORT
de la commission d'enquête (1) sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du second degré ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des ministères de l' éducation nationale et de l 'agriculture , pour l'enseignement agricole, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 5 novembre 1998,
TOME
II : auditions
Président
- M. Adrien GOUTEYRON
M Francis GRIGNON
Rapporteurs adjoints
- MM. Jean-Claude CARLE et André VALLET,
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Arthuis, Jean Bernadaux,
Gérard Braun, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Xavier
Darcos, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Mme Dinah Derycke, MM. Claude
Domeizel, Jean-Léonce Dupont, Adrien Gouteyron, Francis Grignon,
Jean-Philippe Lachenaud, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme
Hélène Luc, MM. Jacques Mahéas, Pierre Martin, Jacques
Valade, André Vallet.
Voir les numéros :
Sénat :
30
,
46
,
52
et T.A.
12
(1998-1999).
Enseignement.
AUDITION DE M. ROGER FAUROUX
(9 DÉCEMBRE
1998)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
M.
Adrien Gouteyron, président
- Mes chers collègues, nous
allons procéder à notre première audition. Je remercie
M. Fauroux de sa présence.
Tout le monde sait le temps qu'il a consacré à rédiger, au
nom de sa commission, un rapport qui a fait quelque bruit, toujours
d'actualité et qui est une des réflexions les plus originales sur
l'éducation nationale...
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Roger Fauroux.
Je rappelle que la présente audition n'est toutefois pas publique,
puisque nous n'avons décidé le principe de cette publicité
que tout à l'heure.
Monsieur le Ministre, vous avez la parole...
M. Roger Fauroux
- Monsieur le Président, Messieurs les
Sénateurs, je vous remercie de m'entendre sur un sujet sur lequel vous
êtes par ailleurs aussi bien informé que moi.
Je voudrais insister sur le sujet précis de la gestion des personnels
des écoles et des établissements du second degré, la
gestion des services centraux et extérieurs du ministère de
l'éducation nationale m'étant moins familière.
J'ai passé une bonne année à me pencher sur ces
problèmes et, plus particulièrement, sur les problèmes de
gestion car, dès l'abord, j'ai été frappé par
l'aspect très archaïque -et, pour quelqu'un comme moi, venu
d'ailleurs, extraordinairement déconcertant- de la gestion de ces
personnels.
Une anecdote : une des premières personnes que j'ai
rencontrées a été le directeur des personnels des
établissements secondaires, un fonctionnaire de très haut rang,
qui m'a dit : "Je gère l'ensemble des personnels des lycées
et collèges". Je lui en ai demandé le nombre. Il me l'a
donné. C'était un chiffre avec plusieurs zéros, et j'ai
été pris d'une sorte de saisissement qui m'a empêché
de lui répondre sur l'instant. J'ai pensé qu'on ne pouvait
gérer un personnel aussi considérable et, qu'en
définitive, ce personnel devait ne pas être géré.
Je suis resté, à mesure que j'ai approfondi mes analyses, sur
l'impression que cette gestion, en l'état où elle se trouvait,
lorsque je travaillais sur ces problèmes, il y a un peu plus de deux
ans, paraissait archaïque, déplorable, anonyme,
stérilisante. Toutes les épithètes négatives que
l'on peut imaginer s'appliquent à cette situation. Pourquoi ?
Je crois que le phénomène essentiel -d'ailleurs pointé
avec beaucoup d'énergie l'actuel ministre- réside dans une
concentration démentielle. Beaucoup de gens nient qu'elle soit aussi
excessive que je l'avais décrite, mais je continue à penser qu'il
n'existe nulle part en France -et probablement nulle part en Europe- une
gestion aussi concentrée et confiée à des systèmes
anonymes.
Ceci contraste particulièrement avec la nature de l'éducation qui
est une relation interpersonnelle entre des adultes et des enfants. Alors que
ce rapport exige une connaissance des personnes ainsi qu'une mise en valeur de
leurs qualités ou de leurs défauts personnels, la gestion de
cette relation est confiée à des mécanismes aveugles.
Je citerai l'exemple quasi-caricatural de ce qu'on appelle le "mouvement". Il
s'agit en fait de la gestion des personnes qui changent de poste. Leur nombre
est de 75.000, ce qui est raisonnable par rapport à l'effectif total de
500.000 enseignants. Ce mouvement est une espèce d'énorme flux,
dont la gestion dure plusieurs mois, et qui est en très grande partie
confiée à un ordinateur central.
Deux inconvénients majeurs m'ont paru spectaculaires. Le premier est le
dysfonctionnement : quelle que soit la qualité des outils
électroniques qu'on utilise, la gestion centralisée et anonyme
d'un aussi grand nombre de personnes conduit inexorablement à des
dysfonctionnements.
J'ai été maire durant un certain nombre d'années. Je me
souviens très bien de l'état d'égarement dans lequel se
trouvaient de jeunes professeurs qui, une semaine avant la rentrée,
ignoraient où ils devaient aller.
Un jeune professeur plein d'enthousiasme, qui vient d'être reçu au
CAPES en juin et qui, aux alentours du 20 août, ne sait où il va
aller, est particulièrement déprimé, car il doit
rencontrer ses collègues, voir l'établissement dans lequel il va
se rendre, savoir ce que pense le proviseur, quel type d'horaires il va devoir
assurer, sans parler des multiples problèmes d'installation
matérielle lorsque l'affectation est éloignée du lieu
d'habitation.
Ce sont des faits relativement fréquents, mais qui ne sont rien à
côté de l'impossibilité de réaliser une
adéquation entre le profil des personnes et le profil des
établissements. On insiste beaucoup -à juste titre- sur la
nécessité pour chaque établissement de formuler un projet
d'établissement. Je crois que c'est une bonne chose, car dans un pays
très diversifié comme le nôtre, au milieu d'une population
dont on dit qu'elle est éclatée, aucun établissement ne
ressemble à un autre. La constitution d'équipes homogènes
dans la diversité et motivée est donc nécessaire.
Or, le régime actuel -qui, à ma connaissance, n'a pas beaucoup
changé- consiste à affecter les personnels à travers les
établissements de manière totalement anonyme. Je me souviens
d'exemples caricaturaux que j'ai connus en tant que maire, où les chefs
d'établissement de deux établissements scolaires situés
dans des villes distantes de 40 km ne pouvaient décider de la mutation
de personnels consentant du fait de la gestion parisienne. En tant que maire,
mon action avait été totalement vaine, tant auprès de
l'inspecteur d'académie que du recteur, car on m'avait expliqué
que ceci relevait du ministère.
J'ajouterai que ce phénomène a perduré pendant longtemps
parce qu'il favorise l'action des principaux syndicats de l'éducation
nationale, qui tiennent à être directement impliqués dans
la gestion du personnel, à être les premiers informés et
pour qui une gestion centralisée des personnes est évidemment un
champ d'intervention particulièrement privilégié,
puisqu'il permet une intervention, un contrôle et des nominations dans
des conditions particulièrement commodes !
Les syndicats sont d'ailleurs aussi centralisés que l'administration
elle-même, les deux organisations se soutenant mutuellement dans la
gestion de ce système, dont je dois dire en toute franchise que je
le trouvais absurde !
Je suis donc personnellement très partisan du mouvement de
déconcentration, et j'applaudis aux déclarations faites par
l'actuel ministre pour essayer de modifier ce système. Je ne sais s'il
réussira, mais je pense que l'intention est louable.
Toutefois, la déconcentration des décisions n'entraîne pas
la reconstitution de vingt-deux administrations centrales à la place
d'une seule. Autrement dit, il faut éviter que les rectorats, qui
devraient être les principaux bénéficiaires de ce
mouvement, ne reconstituent à leur profit des administrations qui
auraient toutes les tares de l'administration centrale. C'est un danger qui
n'est pas mince. Il convient donc que ce mouvement de déconcentration et
de rapprochement des acteurs vis-à-vis des responsables soit aussi
profond et continu que possible. Il ne faut donc pas mettre en place vingt-deux
potentats -je parle ici des responsables d'académies.
Le même phénomène peut se reproduire au niveau des
établissements. J'ai été pour ma part personnellement
frappé -et ceux de mes collègues qui m'ont accompagné dans
l'aventure ne me contrediront pas- par le caractère archaïque de
l'exercice de l'autorité exercée par certains chefs
d'établissements, qui paraissent gouverner les professeurs, leurs
collaborateurs, d'une manière qui paraîtrait aujourd'hui
insupportable dans n'importe quelle organisation industrielle.
Leurs relations avec les professeurs me rappellent ce qu'a dû être
le comportement de certains directeurs d'usine à la fin du XIX e
siècle vis-à-vis des ingénieurs, des contremaîtres
et des ouvriers.
Assez curieusement, dans les organisations industrielles, s'est introduite une
certaine décentralisation des décisions, une certaine
participation du personnel, à laquelle le système de
l'éducation nationale me paraît étranger. Tout ceci frappe
beaucoup des témoins venus de l'extérieur...
Je crois que ce qui importe, c'est de provoquer un changement en profondeur de
la culture de ce système, et c'est beaucoup plus difficile que de
prendre des décisions relatives à la mécanique des
nominations ou des mutations. Ce qui importe, c'est d'arriver à imposer
des modes d'autorité, de prise de décisions modernes, qui donnent
lieu à des dialogues, à des discussions, qui fassent intervenir
les personnes concernées à chaque échelon, bref qu'on
remplace des chefs de commandement autoritaires par des modes de gestion
systémiques, participatifs, pour lesquels le maître-mot ne serait
pas la hiérarchie mais plutôt l'équipe.
Or, rares sont les administrations académiques, encore plus rares sont
les inspections d'académie au niveau départemental et rarissimes
sont les établissements où le personnel se sent
véritablement appelé à partager les décisions
concernant les personnes et, d'une manière générale,
l'ensemble du gouvernement des établissements.
Il y a là une tâche considérable, difficile, qui sera
longue et qui passe, je crois, par une formation et un recrutement beaucoup
plus adéquats des personnels d'autorité dans le système de
l'éducation nationale.
On ne peut plus se contenter de recruter ces personnels en fonction de
diplômes académiques, ou en fonction des copies qui leur sont
demandées. Je pense qu'il faut introduire un système
d'évaluation qui soit plus attentif aux personnes. Je crois qu'il faut
surtout faire en sorte que ce personnel apprenne ailleurs comment on
gère aujourd'hui des organisations. Ils ne peuvent le faire qu'à
la faveur de stages, ou de contacts avec des personnes qui ont vécu et
travaillé dans d'autres organisations.
Autrement dit, un mouvement de déconcentration qui se contenterait de
transférer les pouvoirs concernant la gestion des personnels du
ministère de l'éducation nationale au rectorat -ce qui serait
louable en soi- ne serait à aucun degré suffisant.
Il faut trouver les moyens de modifier en profondeur la culture de ce
ministère, qui n'est probablement qu'un aspect particulier de l'effort
qu'il faudrait conduire à travers toute l'administration, mais qui
apparaît impératif dans une organisation dont la raison
essentielle est d'établir des relations confiantes, personnelles et
aussi proche que possible entre des adultes et des groupes d'enfants ou
d'adolescents. Ceci est la première condition que je mettrai à ce
que je considère comme une décision très importante.
Il faudrait modifier les pouvoirs des chefs d'établissement ainsi que le
recrutement, introduire des sessions de formation continue, qui n'existent
qu'à l'état de velléité, bref tout un ensemble
d'actions...
En second lieu, je crois qu'il faut également très clairement
délimiter et définir ce qui est la fonction de l'État et
de l'administration centrale, du ministre, et les responsabilités des
acteurs décentralisés.
Je crois que l'État doit se réserver la définition des
normes et que les concours de recrutement doivent rester nationaux. Je crois
que la nomination des jurys, la définition des matières des
concours, le mode d'évaluation des candidats sont véritablement
des prérogatives de l'Etat. En outre, les chiffres ne sont pas tels que
l'Etat ne puisse continuer à gérer cet aspect fondamental des
choses.
C'est une des missions les plus fondamentales l'Etat : l'Etat fixe des
normes. Si l'Etat ne fixait pas de normes, personne ne le ferait à sa
place.
Le contenu des programmes, sous réserve de certains assouplissements et
d'une marge de liberté accordée aux acteurs
décentralisés, les niveaux de capacité et de
compétences qui doivent être atteints par les élèves
ou les étudiants, et surtout le niveau de compétences des
enseignants, c'est l'Etat qui doit se les réserver.
Tout ce que j'ai dit auparavant n'a de sens que si l'Etat exerce d'une
manière continue et efficace son devoir d'évaluation des
établissements. La mission d'inspection et d'évaluation des
personnes et des établissements doit être considérée
comme une des missions les plus essentielles de ce ministère et les
conclusions des inspecteurs doivent jour un rôle essentiel dans la
carrière des personnes.
M. le Président
- La parole est au rapporteur...
M. Francis Grignon, rapporteur
- Monsieur le Ministre, nous
devons établir une photographie de l'emploi des personnels de
l'éducation nationale et faire des propositions. Il me semble que, pour
ce faire, il faut bien identifier les dysfonctionnements, leur nature et leur
importance relative.
Ma première question est d'ordre tout à fait
général : dans le cadre de vos travaux, n'avez-vous pas eu
le sentiment qu'on avait grossi certains dysfonctionnements ? Est-ce
l'ensemble du système qui fonctionne mal ou ne s'est-on attaché
qu'à des cas particuliers ?
En second lieu, vous avez évoqué le fait centralisateur. Une
certaine cogestion syndicale ne serait-elle pas de nature à apporter
quelques dysfonctionnements ? Qu'avez-vous pu observer en la
matière ?
Par ailleurs, pensez-vous qu'il soit envisageable de développer des
qualifications multiples, qui permettent à l'éducation nationale
de faire preuve d'une plus grande souplesse ?
Enfin, vous n'avez pas abordé le sujet de la formation continue, qui me
paraît pourtant fondamental. Le système fonctionne-t-il
bien ? Des améliorations doivent-elles être apportées
dans ce domaine ?
M. Roger Fauroux
- Tout d'abord, je suis frappé par la
qualité du personnel enseignant, tant en ce qui concerne les
compétences professionnelles et la connaissance des matières
qu'ils enseignent, que le dévouement à leur métier. Tous
les témoignages concordent d'ailleurs. Naturellement, il y a quelques
brebis galeuses, mais elles sont relativement rares.
Or, le système ne fonctionne pas bien. Nos résultats,
comparés à ceux d'autres systèmes scolaires de pays du
même rang que le nôtre montrent que nous ne sommes pas parmi
les premiers. Le rendement de la machine est médiocre par rapport aux
efforts que consentent la Nation et les opérateurs eux-mêmes, mais
également par rapport aux masses financières en jeu : nous
déplorons un contingent d'illettrés scandaleux et le nombre des
jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme est
anormalement élevé. Bref, certaines choses ne fonctionnent pas,
sans parler du sentiment d'abandon, du désenchantement dont font preuve
beaucoup d'enseignants lorsqu'on parle en privé avec eux...
On ne trouve pas le même découragement dans les autres secteurs de
la fonction publique, et je crois que ceci est dû en très grande
partie à l'abandon moral dans lequel se trouve l'ensemble des
personnels. En effet, les initiatives souvent très intelligentes
conduites par des équipes de professeurs et par les inspecteurs
d'académie ne sont jamais valorisées, ou ne débouchent pas.
Je suis père et grand-père, et j'ai été maire d'une
commune ; ceci m'a permis de recueillir un certain nombre de
témoignages. En outre, il s'agit d'un domaine qui m'a toujours
intéressé. Or, les initiatives de qualité, qui exigent
beaucoup de dévouement, n'aboutissent nulle part car il n'existe aucun
mécanisme capable de faire remonter les informations.
Le ministère et ses relais font pleuvoir sur les professeurs
d'innombrables documents, des conseils, des bulletins, des circulaires, mais il
existe très peu de mouvements ascendants. L'évaluation est
insuffisante et le travail des inspections, à différents
degrés, n'est pas poussé avec assez d'énergie. On compte
par ailleurs très peu de mouvements transversaux.
On dit que la qualité des informations se mesure à leur vitesse
de circulation et à leur diversité, et de ce point de vue,
l'organisation de l'éducation nationale paraît médiocre...
M. Jean Arthuis
- Quelle appréciation portez-vous sur les
corps d'inspection, la façon dont ils sont constitués, leur
autonomie ?
M. Roger Fauroux
- L'inspection générale de
l'éducation nationale, qui était autrefois une immense
institution, un corps prestigieux, efficace, me paraît atteinte d'une
sorte de paralysie. Ce n'est pas imputables aux personnes, mais on a toujours
l'impression que les cabinets des ministres et les ministres eux-mêmes
s'en désintéressent. Ayant été moi-même
universitaire, je compte un certain nombre d'amis qui ont atteint ou
dépassé l'âge de l'inspection générale.
Beaucoup parmi eux éprouvaient un certain découragement.
Je connais des professeurs ou des instituteurs qui ne sont pour ainsi dire
jamais inspectés ! L'inspection elle-même est une sorte de
cérémonie creuse, qui ne donne pas lieu à des
résultats concrets. On pourrait imaginer que lorsque le résultat
de l'inspection a été mauvais, la personne se trouve
sanctionnée au moins dans son cursus professionnel et qu'elle subira un
préjudice dans le passage d'un échelon à l'autre :
or, il n'en est rien !
Ce devrait être l'une des tâches essentielles du proviseur, qui est
le seul qui connaisse la qualité du service rendu par un enseignant. Or,
il n'a pas le droit de s'exprimer : il peut donner un avis sur son
assiduité ou sur son absentéisme, sur la discipline qu'il
obtient, mais non sur la qualité de l'enseignement, qui demeure un sujet
tabou.
On prétend que ceci est dû au statut de la fonction publique. Ce
n'est pas vrai ! Certes, il existe de mauvais professeurs, comme il existe
de mauvais percepteurs, mais on sait bien que la carrière d'un agent des
services du trésor est quand même influencée par la
qualité du service telle qu'elle a été
évaluée par l'inspection de la trésorerie
générale ou par l'inspection générale des
finances !
J'ai été moi-même inspecteur des finances : lorsqu'une
insuffisance était constatée, après un échange
contradictoire, la carrière de l'intéressé s'en
ressentait. Beaucoup d'administrations procèdent ainsi, sauf
l'éducation nationale. Je crois que c'est une très mauvaise chose.
M. Xavier Darcos
- Je ne prendrai pas la défense de
l'inspection générale, corps dont j'étais le chef il y a
encore quelques semaines...
Cependant, je crois que l'évaluation n'est pas aussi mal faite mais
qu'il n'existe aucun rapport entre l'évaluation et le fait de pouvoir
imposer des stages, des formations ou le retrait d'un professeur incapable.
Dans ma carrière, j'ai été très souvent
appelé en urgence pour constater qu'un enseignant était fou ou
maladroit, incapable, paresseux ou absent. On me faisait faire une inspection
très rapide. Je consultais le dossier administratif de
l'intéressé et je me rendais compte que dix inspecteurs
généraux avaient fait la même chose l'année
précédente et que le professeur était toujours
là !
C'est donc plus une question d'adéquation entre l'efficacité de
l'évaluation et l'efficacité de la gestion.
En revanche, la défense du concours comme phénomène
national me semble une question centrale. Comment imposer les affectations si
l'on renonce au concours national ? L'évaluation se fera en effet
toujours à partir d'une évaluation universitaire !
Second inconvénient : le concours national est très
théorique, et ne prédispose pas au type d'emploi que l'on
désire... L'enseignant peut en effet être affecté au
collège Henri IV à Paris, ou dans un collègue de banlieue.
Son emploi sera radicalement différent : l'un fera quasiment une
carrière universitaire, et l'autre exercera presque quotidiennement un
métier de médiateur social.
Nous sommes tous pour des concours nationaux, mais comment faire en sorte
que l'on puisse avoir une redistribution des enseignants sur les territoires
dans des postes et des lieux différents ?
M. Roger Fauroux
- Lorsque je rédigeais mon rapport, je
m'étais heurté à cette même difficulté. J'ai
consulté le recteur Blanchet, aujourd'hui recteur de l'académie
de Paris, qui m'avait expliqué que les gens reçus au concours du
CAPES choisissaient leur affectation en fonction de leur classement. Il existe
un marché entre les académies, comme pour les instituteurs. Or,
l'expérience montre que 75 ou 80 % des mutations se font à
l'intérieur de la même académie. Ceci résout
largement une bonne partie du problème. Pour le reste, on établit
un marché. C'est ici que l'évaluation peut jouer un
rôle : si tout le monde veut aller sur la Côte d'Azur, c'est
la manière dont les personnes ont servi qui, en cours de
carrière, va servir de discriminant...
Le problème n'est pas un problème de mécanique
organisationnelle. Les instituteurs, depuis la moitié du siècle
dernier, sont d'ailleurs gérés sur une base
départementale. Il existe des excédents et des déficits
suivant les départements, mais les choses se règlent sans trop de
heurts.
Je pense donc qu'en maintenant des concours nationaux -ce qui me paraît
très important- on peut arriver, avec des mécaniques assez fines,
à trouver des solutions.
Je crois également aux vertus du dialogue : les proviseurs, les
chefs d'établissements et les inspecteurs d'académie, en liaison
avec le recteur qui jouerait un rôle d'arbitre, pourraient régler
beaucoup de problèmes entre eux. Les commutations pourraient fort bien
se faire sans être obligé de passer par l'ordinateur de la rue de
Grenelle. Or, il faut que celui-ci arbitre, sous le contrôle des
syndicats...
M. Jacques Mahéas
- J'ai l'impression d'avoir entendu
quelqu'un qui relatait la difficulté ponctuelle d'une rentrée
scolaire dans un journal à grand tirage, et je voudrais lui demander
s'il sait très exactement quel est le pourcentage de professeurs
affectés la veille, voire deux ou trois jours après la
rentrée, par rapport à celui des enseignants affectés en
temps et en heure...
M. Roger Fauroux
- ... Vous employez une tournure
impersonnelle : est-ce à moi que vous vous adressez ?
M. Jacques Mahéas
- En effet. Pardonnez-moi, mais j'ai
entendu évoquer des situations que je n'ai pas vécues...
Toutefois, l'hommage que vous rendez aux enseignants semble quelque peu
atténué par une administration qui est en train de les broyer...
M. Roger Fauroux
- Ce sont des mots que je n'ai pas
employés, Monsieur le Sénateur !
M. Jacques Mahéas
- Mais c'est le sentiment que vous avez
donné ! D'ailleurs, vous affirmez qu'il existe très peu de
mutations et que, le jour de la rentrée, on est confronté
à des situations qui ne devraient pas être. Certes, le monde est
imparfait, mais de plus en plus de gens sont mutés en temps et en heure
et l'on constate de moins en moins de difficultés. J'ai connu une
époque où, dans un établissement, un quart des
professeurs, sur un peu plus d'une centaine, n'étaient effectivement pas
nommés le jour de la rentrée...
Cela dit, vous estimez que certains chefs d'établissement ont un pouvoir
absolu. Quels sont effectivement les pouvoirs administratifs du chef
d'établissement -je ne parle même pas du directeur
d'école ? Ils sont en fait extrêmement réduits...
M. Roger Fauroux
- J'ai dû m'exprimer de manière bien
maladroite. Je n'ai pas dit qu'ils avaient le pouvoir : j'ai dit qu'ils
exerçaient une autorité qui, dans les textes, est en effet
extraordinairement ténue, mais qui, dans beaucoup de cas, m'a parue
archaïque.
J'ai visité une centaine d'établissements. C'est un faible
pourcentage, mais c'est plus que pour une enquête journalistique. D'autre
part, je l'ai dit je n'ai pas cessé -pour des raisons familiales et du
fait de mon origine universitaire- d'avoir des contacts avec les
universités. Or, j'ai été frappé -et je n'ai pas
été le seul- par le comportement du chef d'établissement
par rapport aux professeurs, qu'on ne laissait pas s'exprimer comme les cadres
de l'industrie ont aujourd'hui l'habitude de le faire, quelle que soit la
personne devant laquelle il se trouve.
J'ai constaté une sorte d'inhibition qui ne tenait pas, j'en suis
d'accord, à la consistance des pouvoirs du chef d'établissement
-ils sont très flous- mais à un défaut dans la formation
des personnels, qui n'avaient pas de l'autorité la notion participative
qu'on a aujourd'hui.
M. Jacques Mahéas
- J'aimerais que notre commission
réfléchisse à la différence qui existe entre une
carrière qui offre de grands choix, comme chez les instituteurs, et une
carrière à l'ancienneté : c'est énorme !
Un intervenant
- Douze ans pour les certifiés !
M. Jacques Mahéas
- Il ne faut donc pas dire que
l'inspection ne dispose pas de moyens de pression. Si ! Les notes influent
sur une carrière et de façon extrême.
Vous dites par ailleurs que les initiatives ne remontent pas suffisamment.
C'est sans doute vrai. Les élus des collectivités locales que
nous sommes font souvent remonter les choses qui se passent dans notre
ville ou dans notre département. Je suis maire d'une ville d'un peu plus
de 30.000 habitants, et j'ai récemment eu l'occasion d'organiser une
semaine citoyenne qui a été extraordinaire, au cours de laquelle
le ministre a pu tirer profit d'un certain nombre de choses.
Si on lisait davantage les publications municipales, on s'apercevrait que
l'éducation y tient une certaine place. On y relate des
expériences pédagogiques de classes transplantées, etc...
M. le Président
- Mes chers collègues, je rappelle
qu'il nous faut poser des questions. Le démarrage est toujours
difficile, mais il faut que nous nous y efforcions.
M. Claude Domeizel
- Vous avez dit avoir été
frappé par la compétence du corps enseignant, et vous avez
ensuite employé à plusieurs reprises le qualificatif de
"médiocre".
M. Roger Fauroux
- ... De rendement médiocre, qui ne
tient pas aux efforts des personnes. Encore une fois, je leur ai rendu
hommage...
M. Claude Domeizel
- Ce rendement médiocre peut-il
être quantifié ?
En second lieu, vous avez évoqué l'insuffisance des inspections.
Vous avez sans doute noté que leur fréquence était faible,
voire plus qu'auparavant. Avez-vous également estimé la
durée qui séparaient deux inspections et établi les causes
pour lesquelles celles-ci étaient espacés ? Le sont-elles
plus qu'autrefois ?
M. Roger Fauroux
- Je n'ai pas de chiffres en tête, mais vous
disposez d'informations objectives. Il s'agit des enquêtes
périodiques réalisées par l'OCDE sur un certain nombre de
critères acceptés par tous les participants, dont la France,
et qui ont porté, il y a deux ou trois ans, sur l'illettrisme.
Certaines enquêtes ont également porté sur la connaissance
de la géométrie et des mathématiques en
général. Ce sont des comparaisons menées avec beaucoup de
sérieux, que personne ne conteste et qui, sur différents sujets,
font apparaître que la France n'a pas un rang très honorable.
On peut discuter de ce qualificatif mais, compte tenu des efforts que nous
faisons, de la tradition culturelle de notre pays et de son rang dans le monde,
je trouve que l'on pourrait mieux faire.
Certes, nous sommes là pour essayer de réformer un
système mais, en ce qui concerne l'illettrisme, nous étions mal
placés.
Je ne sais si les choses se sont améliorées depuis deux ou trois
ans, mais je lisais récemment que les Américains se
préoccupent de leur place dans le domaine des sciences exactes et des
mathématiques, car ils ne sont pas bien placés dans ce domaine.
Ils déplorent que le système totalement éclaté des
Etats-Unis ne permette pas à l'exécutif d'y remédier dans
des conditions efficaces.
Or, en France, nous disposons de ce pouvoir. Nous sommes donc
d'autant moins pardonnables de ne pas y porter remède.
Il existe un autre critère global qui peut attirer notre
attention : celui du nombre de jeunes qui sortent du système
scolaire sans diplôme. Ce sont des chiffres dont vous pouvez disposer,
assortis des statistiques les plus récentes.
Il existe au sein du ministère de l'éducation nationale un
service très efficace : le service de l'évaluation et des
statistiques...
M. le Président
- Il s'agit de la direction de la
programmation et du développement qui a succédé à
la DEP.
M. Roger Fauroux
- C'est un instrument d'analyse qui me
paraît très bon. Les commentaires sont parfois un peu politiques,
mais les chiffres sont les chiffres, et ils sont excellents. Il y a là
des fonctionnaires très consciencieux, et l'on peut mettre en
évidence les progrès, mais aussi les insuffisances.
D'autre part, je n'ai pas mené d'enquête approfondie concernant
les inspections mais, à écouter les inspecteurs et un certain
nombre d'enseignants, j'ai cru comprendre qu'elles étaient relativement
rares. Non seulement elles ne me paraissent pas avoir un impact
considérable sur la carrière des personnes inspectées
mais, en soi, elles sont rares. Selon moi -mais je vous livre cette
réflexion avec prudence- cette situation est en partie due à
l'ampleur des tâches administratives que ces personnels ont à
remplir.
M. Xavier Darcos
- C'est tellement vrai que nous avons
été obligés de mettre en place il y a deux ans un
système de péréquation des notes pour les professeurs qui
n'étaient pas inspectés, de façon à ne pas nuire
à leur carrière ! Il valait donc mieux ne pas être
inspecté, la péréquation jouant, plutôt que subir
une inspection et obtenir de mauvaises notes.
M. le Président
- La presse s'en était faite
l'écho en effet.
M. Xavier Darcos
- La notation s'effectue une fois tous les six
ans, et l'inspection pédagogique une fois tous les trois ans en moyenne.
M. le Rapporteur
- Il n'aura pas échappé à mes
collègues que ma première question portait sur la nature et la
quantité des dysfonctionnements, éléments qui me
paraissent indispensables à une analyse objective.
Nous aurons l'occasion de revenir plus tard sur le problème de la
quantité... S'agissant de la méthode, vous avez
évoqué le management : abandon moral, absence de
remontées, etc.
La décentralisation va-t-elle permettre un management adapté au
niveau local sans changement de règles ?
En second lieu, quelle est l'influence de la cogestion syndicale sur la
centralisation ?
Par ailleurs, faute de temps, vous n'avez pas abordé les doubles
qualifications et la formation permanente.
Enfin, avez-vous observé que l'évolution des programmes, leur
transformation et les options perturbent le système ? Vaudrait-il
mieux apporter des simplifications dans ce domaine ?
M. Roger Fauroux
- La cogestion syndicale est un sujet
délicat. En effet, les mécanismes sont difficiles à
établir.
Lorsqu'un professeur connaît un passage difficile dans sa
carrière, son premier réflexe est de s'adresser au
représentant syndical de l'établissement, plutôt
qu'à l'autorité hiérarchique. D'autre part, les
informations concernant les épisodes de la carrière d'un
enseignant passent plus rapidement par le canal syndical que par le canal
hiérarchique.
C'est classique, mais le responsable de l'administration a le devoir de faire
respecter sa priorité. L'information est un pouvoir important et il
serait important que l'administration puisse reconquérir, sur le plan de
l'information, un pouvoir qui a été très largement
occupé par l'organisation syndicale.
En outre, je crois que la déconcentration a le pouvoir de rendre plus
harmonieuses et plus productives les relations entre la hiérarchie
administrative et la hiérarchie syndicale.
Dans un système centralisé, les responsables syndicaux sont
confrontés aux responsables administratifs, et ce n'est pas bon. Le
contrat entre le recteur et le secrétaire fédéral
académique de tel ou tel syndicat sera plus productif et plus
civilisé qu'un contact entre un directeur de ministère et des
responsables fédéraux ou confédéraux de syndicat.
Dans ce domaine difficile, où il faut faire preuve de diplomatie et
d'ouverture d'esprit, on a grand intérêt à redescendre le
niveau de discussion.
Quant à la double qualification, je trouve l'expérience allemande
trop lourde. Dans ce système, les professeurs, qui ont une qualification
du niveau du CAPES, ont toujours deux qualifications. C'est un système
qui fonctionne depuis toujours.
Je ne plaiderai toutefois pas pour un système de ce genre. Il est
d'ailleurs très difficile à réintroduire pour les grandes
classes. Les enfants qui passent de l'école primaire au collège
perdent beaucoup en ayant une demi-douzaine de professeurs, alors qu'ils
étaient habitués à un seul instituteur. Ce sont les
parents, les pédagogues, les psychologues et les élèves
eux-mêmes qui le disent. Les enfants les plus fragiles sont saisis d'une
sorte de vertige, qui est sûrement très négatif. Je crois
qu'on aurait intérêt à diminuer le nombre d'enseignants
dans les petites classes des collèges.
Après tout, on admet depuis toujours -sans que l'on sache pourquoi-
qu'un même professeur enseigne la physique et la chimie, l'histoire et la
géographie. Or, l'histoire et la géographie n'ont pas plus de
choses en commun que le français et l'histoire. Pourtant, ce qu'on admet
pour le français et le latin, pour des raisons purement traditionnelles
et non-rationnelles, on ne l'admet pas pour des matières comme le
français et l'histoire !
Je crois -et je me garderai d'arbitrer- qu'il conviendrait de
réfléchir à un nouveau système, en tenant compte
des affinités entre disciplines et des besoins pédagogiques des
enfants.
Le système des PEGC, qui a presque disparu, n'était pas
mauvais : les PEGC étaient d'excellents pédagogues. Nous
avons d'ailleurs proposé ce système dans notre rapport.
Limitons-nous donc aux premières classes du collège !
M. Jean Bernadaux
- Dans la centaine d'établissements que
vous avez visités, les chefs d'établissement ont-ils fait
état devant vous de professeurs qu'ils n'ont jamais vus ?
M. Roger Fauroux
- Non. Pourquoi ? Vous pensez que cela
existe ? Si c'était le cas, ils n'ont pas osé me le dire...
M. Serge Lagauche
- Lorsqu'on a estimé que 80 % des
classes d'âge devaient posséder le baccalauréat, on s'est
retrouvé dans les classes face à des élèves
majeurs. Dans certains quartiers, les professeurs ont dû brutalement
affronter des situations extrêmement difficiles, auxquelles ils
n'étaient pas habitués.
Le même phénomène de mutation s'est produit à la
SNCF, ou dans la police : on a réclamé davantage de
policiers sur le terrain, et les collectivités locales ont repris toute
la paperasserie.
De la même manière, ne pourrait-on redistribuer la masse des
personnels attachés à l'éducation nationale pour soutenir
le corps professoral et les proviseurs, qui croulent souvent sous les
enquêtes, les papiers et les emplois du temps ?
M. Roger Fauroux
- Lorsque nous avons commencé notre
enquête, nous nous sommes aperçus que l'administration
centrale n'était pas pléthorique. Les pourcentages doivent
être de l'ordre de 4 %... Je ne crois donc pas que l'on
obtiendrait de grands résultats en redistribuant les personnels ;
c'est plutôt une question de redistribution des responsabilités et
de conception des tâches.
Il existe beaucoup de circulaires, de formulaires inutiles et je pense que l'on
pourrait mettre en place une organisation plus légère sans se
livrer à des transferts de personnels. Ce n'est pas le problème...
Il faudrait en fait redéfinir les fonctions des proviseurs. Aujourd'hui,
leurs responsabilités juridiques sont extraordinairement minces, et je
crois que les excès d'autoritarisme que j'ai cru percevoir chez
certaines personnes sont fonction de l'absence de véritables
prérogatives juridiques. Certains compensent par des mouvements de
menton l'absence de pouvoir réel qu'ils ont sur les personnes...
M. le Président
- Absence de pouvoir, mais lourdes
responsabilités, y compris pénales.
M. Roger Fauroux
- La vie de l'établissement est très
liée à leur autorité personnelle, à leur charisme
et à la qualité de leur gouvernement. Tous les maires vous diront
que la qualité d'un établissement est directement fonction de la
qualité du chef d'établissement, mais il conviendrait que le
droit rejoigne le fait et que l'on accorde à ces personnes les
prérogatives qui devraient être les leurs, ainsi qu'une
véritable formation.
Il faudrait également améliorer le recrutement ; or, les
responsables du recrutement déplorent le manque de candidats et trouvent
rarement des gens de qualité exceptionnelle, les avantages
attachés à la fonction étant sans rapport avec les
responsabilités à assumer et la somme de travail à remplir.
Nous n'avons pas eu le temps d'aborder le sujet, mais je crois qu'il faudrait
également s'interroger sur la manière dont sont
élaborés les programmes et sur les questions de
mécanisme. Beaucoup de personnes doivent savoir de quoi je veux parler...
M. le Président
- Monsieur le Ministre, merci. Je renvoie
mes collègues à votre excellent rapport...
AUDITION DE M. BERNARD TOULEMONDE,
DIRECTEUR DE
L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(9 DÉCEMBRE 1998)
M. le
Président
- Monsieur le Directeur, vous avez la charge de
l'enseignement secondaire. Vos responsabilités actuelles sont donc au
coeur de nos préoccupations. Nous connaissons aussi les
responsabilités qui ont été les vôtres
antérieurement, dans le cadre de divers cabinets ministériels, et
auprès d'un Premier ministre.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Bernard Toulemonde.
La présente audition n'est pas publique, la commission n'ayant
arrêté sa position qu'en début d'après-midi.
Monsieur le Directeur, vous avez la parole...
M. Bernard Toulemonde
- Monsieur le Président, Messieurs,
c'est un grand honneur pour moi d'être le premier fonctionnaire du
ministère de l'éducation nationale à témoigner
devant votre commission d'enquête.
Je ne sais ce qui me vaut cet honneur ; peut-être est-ce dû au
fait que je pratique effectivement cette maison depuis 1982, et que j'ai fini
par bien la connaître, encore qu'elle conserve quelques secrets pour moi,
précisément sur quelques-unes des questions que vous vous posez
-mais je me suis informé autant que possible pour pouvoir y
répondre.
M. le Président
- Je rappelle que vous êtes l'auteur
d'un livre qui date de 1988 et qu'au début de celui-ci se trouve un
chapitre intitulé : "Le mammouth" !
M. Bernard Toulemonde
- Je n'ai pas demandé de droits
d'auteur !
(Rires)
La direction qui est la mienne depuis mai, la direction de l'enseignement
scolaire, a compétence pour répartir les moyens
budgétaires d'enseignement, de remplacement et de ce qu'on appelle dans
notre jargon "l'espace éducatif", c'est-à-dire les personnels de
direction et d'éducation.
Nous avons en effet du mal à appréhender l'ensemble des moyens
que nous mettons à disposition des académies, et ce que
deviennent ces moyens, ceci pour un certain nombre de raisons.
En premier lieu, les moyens budgétaires votés par le Parlement
font l'objet d'une conversion entre le moment où ils sont votés
par le Parlement et le moment où ils se traduisent, dans les
établissements scolaires, par des postes sur lesquels sont
affectés les enseignants.
J'ai notifié il y a quelques jours aux recteurs d'académie leur
enveloppe globale d'emplois et de crédits du second degré,
à charge pour eux de procéder à une répartition
entre les lycées -dont les recteurs ont la gestion directe- et les
collèges, qui sont en quelque sorte sous-traités aux inspecteurs
d'académie, également directeurs des services
départementaux.
Les autorités académiques -le recteur pour les lycées, les
inspecteurs d'académie pour les collèges- distribuent ensuite un
volant d'heures d'enseignement à chaque collège et lycée.
C'est ce que nous appelons la "dotation horaire globale".
Chaque établissement scolaire est en effet un établissement
public local d'enseignement, qui jouit d'une autonomie, à charge pour
l'établissement de convertir ces heures en groupements horaires qui
correspondent à des postes et qui "colorent" les postes : un
professeur d'anglais, trois professeurs de lettres, un professeur
d'éducation physique et sportive, etc.
Au bout du compte, on évalue le besoin en postes et en disciplines des
établissements scolaires, et on délègue les personnes
correspondantes. La procédure est une procédure quelque peu
compliquée qui, du fait de l'autonomie des établissements
scolaires, connaît certaines incertitudes. Je ne donne qu'une masse
globale, qui se colore en cours de route dans les différentes
disciplines du second degré.
Or, on compte au total, dans l'enseignement du second degré, 350
disciplines de recrutement différentes, depuis le professeur
d'électronique à celui d'esthétique, jusqu'aux professeurs
de lettres, qui sont un peu plus nombreux que les autres...
Vous comprenez immédiatement les difficultés d'ajustement qui se
produisent lorsqu'on procède au recrutement des enseignants : il
faut en effet recruter en fonction de besoins que nous ne connaissons que
partiellement, les établissements scolaires seuls, chaque année,
colorant les postes et les disciplines.
Lorsque nous recrutons des enseignants à l'année n, ils ne sont
disponibles sur le terrain qu'à l'année n + 2. Certes, nous
disposons d'un bon appareil statistique, mais la démographie scolaire
n'est pas précise à 100 %. Une erreur de 1 %, voire de
0,5 %, lorsqu'elle porte sur 3 ou 4 millions d'élèves
-on en compte 3 millions dans les lycées et 4 millions dans
les collèges- est gravissime et entraîne des conséquences
importantes.
Il existe donc des difficultés d'appréhension et de
contrôle de l'emploi des dotations budgétaires qu'il ne faut pas
se cacher.
Celle que je viens d'évoquer est spécifique à
l'enseignement du second degré ; d'autres difficultés
apparaissent et sont communes à l'enseignement du premier et du second
degré. La première réside dans la dissociation entre les
postes et les personnes.
Un poste budgétaire, tel que je le délègue moi-même
aux académies, est un équivalent temps plein -un ETP. Les
recteurs peuvent toutefois y affecter des personnes qui ne seront pas toutes
à temps plein ; on compte par conséquent toujours plus de
personnes que de postes.
Autre difficulté commune au premier et au second degré : les
"pertes en ligne"... Les pertes en ligne ont des sources qui, pour la
plupart, sont réglementaires.
Première perte en ligne : les décharges de service
réglementaires prévues par les textes. Un professeur peut
bénéficier d'une décharge lorsqu'il effectue certaines
activités particulières. C'est ce qu'on appelle les heures de
"première chaire". Un professeur qui enseigne en classe de
première et de terminale bénéficie d'une heure de
décote de son service, du fait qu'il enseigne au moins 6 heures en
classe de première et de terminale. Ce professeur, au lieu d'effectuer
dix-huit heures d'enseignement s'il est certifié, ce qui constitue sa
quotité horaire de service, n'en fera que dix-sept.
Les professeurs en charge des différents "cabinets" d'histoire, de
sciences de la vie et de la terre -les sciences naturelles- de la technologie,
bénéficient également d'une décote horaire d'une
heure.
Seconde source de pertes en ligne : les décharges de service
à mi-temps accordées par les autorités académiques
parce que certains enseignants se consacrent à des tâches
complémentaires à l'enseignement, par exemple des tâches de
formation continue de leurs collègues enseignants, dans le cadre des
missions académiques à la formation.
Il existe ainsi toute une série de décharges de service, les
enseignants partageant leur activité entre une activité
d'enseignement stricto sensu et une activité complémentaire
-inspection, formation, etc.
Troisième source de pertes en ligne : les décharges de
direction des directeurs d'école. Elles représentent une masse
non-négligeable de postes du premier degré. Les directeurs
d'école, dès lors qu'ils sont à la tête
d'établissements comportant plus de cinq classes, consacrent une partie
de leur temps aux activités de direction, au partenariat avec les
collectivités locales, aux parents d'élèves, etc.
Autre source de pertes en ligne : les décharges
syndicales... La réglementation du décret du 28 mai 1982,
que j'ai eu l'honneur de mettre en place au ministère de
l'éducation nationale, fixe des quotités en fonction de la
représentativité de chaque organisation syndicale, qui
bénéficient d'un volume de décharges de service
réparti entre les personnels qui relèvent de cette organisation.
Ceci représente aujourd'hui l'équivalent en temps plein de 1.188
postes d'enseignement. Le nombre de personnes concernées est en fait
plus élevé, les syndicats fractionnant ces décharges.
Enfin, dernière source de pertes en ligne : les mises à
disposition, qui -j'attire votre attention sur ce point- doivent être
soigneusement distinguées des détachements, encore qu'en langage
courant, la distinction n'est pas fréquemment opérée.
Le détachement est une position du fonctionnaire qui exerce ses
fonctions dans une administration autre que son administration d'origine. Il
est rémunéré par l'administration dans laquelle il est
affecté, et non par son administration d'origine.
Nous avons à l'heure actuelle dans l'enseignement second degré
environ 15.000 enseignants détachés, soit auprès du
ministère des affaires étrangères, dans les lycées
français à l'étranger, pour la coopération, etc.,
ou dans d'autres administrations. Je crois même que nous avons quelques
détachés au Sénat...
M. le Président
- Quelques "détachés
parlementaires"...
M. Bernard Toulemonde
- Nous en avons 5 ou 6...
M. le Président
- Les parlementaires fonctionnaires de
l'éducation nationale sont en détachement...
M. Bernard Toulemonde
- En effet, sauf les professeurs
d'université !
On compte également 5.000 instituteurs ou professeurs des écoles
également détachés. Au total, sur 800.000 enseignants, il
existe 20.000 détachés, ce qui, vous en conviendrez, n'est
finalement pas énorme.
La mise à disposition concerne les fonctionnaires qui exercent dans leur
administration d'origine et qui continuent à être
rémunérés par celle-ci mais qui, pour des raisons
diverses, exercent une autre activité.
J'ai été l'artisan de cette mise en ordre. Lorsque Alain Savary
est devenu ministre, en 1981, il n'existait aucun état des mises
à disposition de l'éducation nationale. La gestion en
était donc totalement opaque. On a paraît-il trouvé des
choses assez extraordinaires.
A mon arrivée, en 1982, le ministre m'a demandé de rechercher les
mises à disposition et d'y mettre de l'ordre. Nous avons
opéré un recensement et établi une sorte de
règlement intérieur. A l'époque, la mise à
disposition ne constituait pas une position statutaire de la fonction publique.
A notre grande satisfaction, le ministère de la fonction publique a
publié en 1985 un décret portant sur la mise à
disposition, imitant ce qu'avait fait l'éducation nationale.
Bon an mal an, entre 1.000 et 2.000 fonctionnaires sont mis à
disposition d'organismes divers.
Il en existe trois types. Le premier est constitué par les cabinets
ministériels -c'est une tradition républicaine- qui
représentent un assez petit nombre.
On trouve ensuite divers organismes publics et privés, comme l'Institut
de France, qui compte quatre agrégés mis à sa
disposition.
La troisième catégorie concerne les associations
complémentaires de l'enseignement public et les mutuelles liées
au ministère de l'éducation nationale. C'est là qu'on en
trouve le plus grand nombre.
Ces mises à disposition font, pour une part, l'objet d'un remboursement
au prix coûtant par les bénéficiaires. C'est le cas des
mutuelles, notamment la MGEN, qui bénéficie de plusieurs
centaines de mises à disposition.
Au total, on dénombre à l'heure actuelle 1.115 mises à
disposition qui couvrent les trois catégories dont je viens de parler.
Ce n'est donc pas le pactole qu'on imagine quelquefois !
S'agissant par ailleurs des moyens affectés aux remplacements, on
s'accorde à penser que les personnels de l'éducation nationale ne
sont pas plus malades que les autres, et toutes les statistiques que nous avons
menées depuis vingt ans sur ce sujet montrent que le taux d'absence pour
maladie n'est pas plus élevé qu'ailleurs dans les entreprises
privées ou publiques comparables.
En revanche -et c'est ce à quoi s'est attaqué Claude
Allègre- il existe une perte d'heures d'enseignement qui provient de
l'institution.
La première est consécutive à la fermeture totale des
établissements scolaires. Il existe des périodes où les
cours devraient normalement avoir lieu et durant lesquelles ils n'ont pas lieu
parce que l'établissement est fermé du fait des examens. C'est
une affaire qui dure depuis des années, le baccalauréat, le
brevet des collèges et les examens occupant les enseignants et les
locaux et les établissements en fin d'année scolaire.
Cette perte est grave à mon sens, et il convient de lutter contre cette
tendance à l'étalement et au recul des dates d'examens, laissant
les enfants livrés à eux-mêmes, alors qu'ils devraient
être en classe, sous la houlette de leurs professeurs. Je pense
d'ailleurs que le préjudice est plus préjudiciable pour les
familles défavorisées, qui n'ont pas les moyens de faire garder
leurs enfants.
Il y a là un problème auquel il faut s'attaquer. Cela fait des
dizaines d'années qu'on en parle, mais nous
sommes décidés à prendre quelques mesures
énergiques à ce sujet.
La perte provient également de l'institution, qui convoque les
professeurs soit pour leur formation continue, durant leur temps de service,
soit pour préparer les examens. Plusieurs milliers de sujets doivent en
effet être élaborés chaque année par les enseignants.
Le ministre a toutefois mis un frein à ces convocations et
déclaré qu'il ne devait plus avoir de classes sans enseignant.
Quoi qu'il en soit, nous consacrons une partie de notre potentiel aux moyens de
remplacement. Ils représentent 8 % de la masse des postes
d'enseignant dans le premier degré, et 5 à 6 % dans le
second degré.
Sachez enfin que l'éducation nationale dispose d'un système de
contrôle des emplois, géré par la direction des affaires
financières, qui a pour objet de vérifier, dans les
établissements scolaires, que les dotations budgétaires sont
fidèlement utilisées par le système éducatif.
M. le Président
- Merci.
La parole est au rapporteur...
M. le Rapporteur
- Monsieur le Directeur, vous avez cité un
certain nombre de chiffres. Vous serait-il possible de nous indiquer par
écrit le nombre de personnels enseignants des écoles,
collèges et lycées, en métropole et en outre-mer, pour
l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat, ainsi que
les nombres d'élèves correspondants ?
Quel est le nombre de maîtres auxiliaires non-titulaires, ceux en
surnombre ? A quelles tâches sont-ils affectés ? Quelles
sont les disciplines excédentaires ?
Quel est le nombre de titulaires remplaçants et de titulaires
académiques affectés provisoirement sur des nombres
vacants ? Quel est le nombre d'enseignants en surnombre affectés
par l'éducation nationale n'assurant pas de remplacements ? Quel
est le nombre des mises à disposition qui font l'objet ou non d'un
remboursement budgétaire ? Pouvez-vous préciser les
principales collectivités concernées ?
Quelle est l'importance des décharges d'activités de service pour
tous les mandats que vous avez indiqués et le nombre de demandes
formulées satisfaites au titre du mouvement national des enseignements
du second degré ?
Vous pourrez également nous transmettre toutes les informations qui nous
permettront de dresser le tableau le plus objectif possible de la situation...
N'avez-vous pas l'impression qu'on profite du fait que l'éducation
nationale soit une très grosse entreprise ?
Par ailleurs, tenez-vous à jour un état quantitatif des
dysfonctionnements de chaque rentrée ?
Vous avez en outre évoqué 350 disciplines de recrutement.
Pensez-vous que l'on puisse simplifier ces disciplines et envisager des
professeurs multidisciplinaires ?
Enfin, avez-vous constaté une différence entre l'enseignement
public et l'enseignement privé sous contrat ?
M. le Président
- Vous avez parlé des mises à
disposition officielles ? Qu'en est-il des mises à disposition
clandestines ou que les services centraux ne connaissent pas ?
M. Bernard Toulemonde
- J'ai été recteur
d'académie. Je vais donc répondre tout de suite à votre
question. Il est vrai que les recteurs ou les inspecteurs d'académie
sont l'objet de demandes diverses et variées, qui aboutissent à
des mises à disposition ou des décharges de service
au-delà des textes réglementaires.
Lorsque j'étais recteur, je m'étais aperçu qu'un conseil
général que je connaissais bien disposait d'un nombre
d'enseignants du premier et second degré bien supérieur à
ce que prévoyaient les textes !
Il est vrai qu'il arrive que le recteur où l'inspecteur
d'académie acceptent de le faire -à titre temporaire- lorsqu'ils
estiment en conscience qu'il s'agit d'une tâche d'intérêt
général.
Depuis quelques années, nous disposons d'un système informatique
appelé EPP -emplois-postes-personnels- qui donne la quotité
horaire de service d'enseignement de chaque enseignant, et les activités
qu'il accomplit pendant celle-ci.
On considère toujours -et le ministère de la culture me le fait
souvent valoir- que l'éducation nationale dispose de beaucoup de
personnes et qu'elle peut donc en donner. Hier, le cabinet du ministre de
l'environnement m'a appelé en m'expliquant qu'un enseignant d'un
lycée parisien, spécialiste des sciences de la vie et de la
terre, apportait actuellement son concours à la société
Cofiroute. Or, l'éducation nationale refuse de mettre cette personne
à disposition, et les travaux sont arrêtés. Ayant fait
remarquer à mon interlocutrice que nous pouvions le placer en
disponibilité afin que la société Cofiroute puisse le
rémunérer, celle-ci m'a rétorqué que
l'éducation nationale était riche d'un million de
fonctionnaires et que nous pouvions faire un effort !
On estime donc à l'extérieur que l'éducation nationale
représente une mine d'or dans laquelle on peut puiser. Les pressions
sont très fortes, et nous rappelions à nos autorités
qu'elles ne doivent pas détourner les moyens budgétaires que la
Nation consent à donner à l'éducation nationale.
Je voudrais par ailleurs indiquer à M. le rapporteur que le
directeur des affaires financières, qui est spécialistes de ces
sujets, vous communiquera un dossier complet sur la liste de questions à
propos desquelles vous m'avez interrogé.
Je ne sais si nous disposons du nombre de personnes, mais nous pourrons vous
communiquer les postes budgétaires auxquels correspondent les
professeurs de collèges publics, et le nombre d'ETP pour les
collèges privés...
M. le Rapporteur
- Pourrez-vous nous indiquer la manière
dont est faite la conversion ?
M. Bernard Toulemonde
- Oui, bien sûr...
De même, les maîtres auxiliaires, normalement, ne sont pas en
surnombre. Ils sont rémunérés sur les crédits du
31-97 ; depuis quelques années, le ministère de
l'éducation nationale connaît quelques surnombres. On a trop
recruté d'enseignants, qui se trouvent ne pas avoir d'assise
budgétaire. Nous les rémunérons donc, mais sans assise
budgétaire.
Bien entendu, c'est une situation qui n'est pas saine budgétairement.
M. le Président
- Comment cela se passe-t-il avec les
trésoriers-payeurs généraux ?
M. Bernard Toulemonde
- Le contrôle financier local
n'existait pas jusqu'alors pour l'éducation nationale ; il est en
place depuis octobre...
Comment cette situation a-t-elle pu se produire ? ... Pour des
raisons sociales, on a reconduit des maîtres auxiliaires dont on n'avait
pas nécessairement besoin.
En second lieu, on a calibré les concours très au-delà de
ce que justifiaient les besoins stricts de l'éducation nationale, afin
de ne pas désespérer les étudiants ou du fait des
pressions de telle ou telle discipline. Il existe en effet de petites
disciplines rares -je ne les citerai pas- pour lesquelles on a recruté
des gens dont on ne sait ce qu'on va faire, simplement parce qu'il faut
continuer à en recruter quelques-uns : langues régionales,
langues étrangères rares, etc.
Je me souviens qu'en 1995 par exemple, l'arbitrage du Premier ministre est
allé au-delà même des demandes du ministre de
l'éducation nationale de l'époque !
Depuis deux ou trois ans, on a toutefois fortement diminué le nombre de
postes mis au concours, à tel point que cela nous vaut quelques ennuis
du côté des universités et des étudiants, qui se
plaignent qu'on ne recrute plus suffisamment. Mais faut-il recruter si on n'en
a pas besoin ?
M. le Président
- Est-ce que vous qui êtes responsable
du nombre de postes ?
M. Bernard Toulemonde
- Non, c'est ma collègue directeur du
personnel enseignant. Elle vous indiquera tous les chiffres de recrutement.
Pour 1999, si l'on avait maintenu les chiffres tels qu'ils auraient dû
être afin de pourvoir aux simples besoins de renouvellement des
enseignants partant en retraite, on aurait dû baisser davantage, avec les
risques politiques que cela comporte, que tous les gouvernements, depuis de
nombreuses années, ont assumés.
Cependant, du fait de la situation conjoncturelle, le nombre de départs
en retraite est relativement faible, mais doit s'accélérer de
façon considérable à partir de 2003 ; on estime -de
mémoire- qu'entre 2000 et 2006, 40 % du corps enseignant va nous
quitter. Il vaut donc peut-être mieux prendre quelque avance aujourd'hui
et recruter un peu plus que nécessaire, de façon à ne pas
devoir ensuite gérer la pénurie.
En effet, on va devoir calibrer les concours avec des nombres tellement
élevés qu'on ne trouvera pas le vivier de recrutement
possible !
M. le Rapporteur
- Est-ce vous qui faites la prospective ?
M. Bernard Toulemonde
- Non, il existe une direction de la
prospective appelée direction de la programmation et du
développement.
M. le Président
- Vous avez, au début de votre
propos, décrit la répartition des moyens entre les
académies, la coloration des emplois par discipline, etc. Combien de
temps ce mouvement nécessite-t-il ?
M. Bernard Toulemonde
- Il est extrêmement rapide. Pour le
second degré, la répartition des moyens entre les
académies a été préparée depuis le mois
d'août ; le ministre a rendu ses arbitrages dimanche et j'ai donc
procédé à l'attribution aux académies lundi.
Les recteurs, courant décembre, vont tenir leur comité technique
paritaire académique et préparer la répartition de
l'enveloppe entre les collèges et les lycées. Cette
répartition sera effectuée en décembre ; début
janvier, chaque établissement scolaire recevra sa dotation horaire
globale, à charge pour eux de la colorer en poste suivant les
disciplines. Ces opérations seront terminées le 15 février
pour la rentrée scolaire de 1999.
M. le président
- Les mouvements et les affectations peuvent
dès lors commencer...
M. Bernard Toulemonde
- En effet. Il permettra l'ajustement de la
coloration des postes bien après le 15 février, date-butoir
initiale, les recteurs devant terminer le mouvement des personnels aux environs
du 15 juin, d'après le calendrier arrêté par le ministre.
M. Claude Domeizel
- Quelle a été l'évolution
des mises à disposition au fil des années ? Les
sommes correspondant au remboursement de ces postes sont-elles
réaffectées aux effectifs ou rentrent-ils dans la masse ?
M. Bernard Toulemonde
- C'est une question technique à
laquelle je ne suis pas en mesure de répondre. Vous songez là
à un système de postes gagés qui, grâce aux recettes
réalisées, permettrait de recruter un autre enseignant.
Je ne suis pas sûr que les choses se passent ainsi, mais je poserai la
question, et une réponse vous sera apportée.
La MGEN rembourse ainsi les 400 postes dont elle dispose. Je pense que l'argent
est réinjecté dans le système d'enseignement, mais je ne
sais pas à quel endroit précis...
M. Jean Bernadaux
- Parmi les 1.115 postes mis à disposition
des associations et des mutuelles, avez-vous comptabilisé la
fédération des oeuvres laïques, etc. ?
M. Bernard Toulemonde
- Absolument.
M. Jacques Legendre
- Vous avez rappelé qu'un certain nombre
d'organismes remboursent la valeur des postes qui leur sont attribués.
J'ai souvenir d'un débat entre M. Bayrou et les organismes en
question, auxquels il avait été envisagé un moment de
retirer ces postes. Je ne me souviens plus très bien de la façon
dont cela s'est terminé, mais il me semble que le ministère
accordait une subvention aux dits organismes ! Il serait peut-être
bon de le préciser...
M. Bernard Toulemonde
- J'ai vécu cette période, car
j'étais à l'époque directeur des affaires
générales à l'éducation nationale, en charge de
différents dossiers.
Lorsque M. Monory est devenu ministre de l'éducation nationale, en
1986, il s'est inquiété du volume des mises à disposition,
qui équivalaient à l'époque à 2.200 emplois.
M. Monory a alors supprimé la plupart des mises à disposition,
suscitant la colère des associations concernées, par ailleurs
assez puissantes. M. Monory a finalement remplacé les mises
à disposition par des détachements payés par les
organismes destinataires, qui bénéficiaient en contrepartie d'une
subvention de l'éducation nationale.
J'ai quitté le ministère en juillet 1987, et je ne sais pas si ce
système de subventionnement des associations subsiste encore.
M. le Président
- S'il subsiste, cela relève-t-il de
votre direction ?
M. Bernard Toulemonde
- Non. C'est la direction des affaires
juridiques qui gèrent la plus grande partie des mises à
disposition.
M. Jacques Legendre
- Le ministère subventionne-t-il les
organismes afin qu'ils lui remboursent les enseignants qui leur sont
fournis ?
M. le Président
- Je suppose que le ministère assume
la rémunération de certains des 1.115 enseignants mis à
disposition sans percevoir de compensation de l'association ou de l'organisme
auprès desquels ils se trouvent...
M. Bernard Toulemonde
- Absolument...
M. le Président
- Peut-on en connaître la
répartition ?
M. Bernard Toulemonde
- Actuellement, ces mises à
disposition font l'objet de deux réserves au sein du ministère de
l'éducation nationale : une réserve de postes
gérés par la direction des affaires juridiques et une autre
auprès de ma propre direction. Il existe donc une division. Quand
j'étais directeur, j'étais le seul à gérer les
mises à disposition...
Je ne dispose pas de tableau complet, mais vous en aurez un mentionnant le
remboursement éventuel des organismes bénéficiaires.
La Cité des sciences et de l'industrie bénéficie ainsi de
19 mises à disposition, qu'elle rembourse à l'éducation
nationale, mais je suis persuadé qu'elle ne perçoit pas de
subvention en échange. On trouve également les
collectivités territoriales, les mutuelles comme la MAIF ou la MGEN,
l'Association générale des instituteurs et institutrices des
écoles maternelles, etc...
M. Claude Domeizel
- Quel est le régime indemnitaire des
personnels ? Qui le gère et quelle place tient-il dans le
budget ?
Quelle est par ailleurs la place tenue par les crédits d'action sociale
en faveur du personnel ?
M. Bernard Toulemonde
- La direction dont j'ai la
responsabilité gère les heures supplémentaires. Les
enseignants ne perçoivent quasiment pas d'indemnités.
Ils touchent des indemnités de professeurs principaux, qui remontent -si
je ne m'abuse- à plusieurs dizaines d'années, des
indemnités de suivi et d'orientation qui ont été
revalorisées au moment du plan Jospin, en 1989, des indemnités
d'affectation dans les ZEP, ainsi que des indemnités d'aide au logement
pour les instituteurs, celles-ci remplaçant le logement qui leur
était autrefois attribué.
Par contre, je gère, au titre du chapitre 31-95, une masse de
5 milliards de francs d'heures supplémentaires
effectuées par les enseignants, de façon plus ou moins volontaire
selon les cas, un enseignant pouvant être contraint à effectuer
deux heures supplémentaires. Il s'agit là d'une variable
d'ajustement...
M. le Rapporteur
- A combien de personnes cela
équivaut-il ?
M. Bernard Toulemonde
- Cela représente 38.744 postes.
M. le Rapporteur
- ... J'ai également posé une
question relative aux dysfonctionnements, afin d'en tirer des enseignements
d'une année sur l'autre, mais je pense que ceci ne relève pas de
votre direction...
Je vous ai en outre interrogé à propos du nombre important de
disciplines, ainsi que sur les différences de gestion qui existent de
votre point de vue entre l'enseignement privé sous contrat et
l'enseignement public...
M. Bernard Toulemonde
- En effet... Parmi les 350 disciplines
que j'ai évoquées, le gros du bataillon est constitué par
les lettres, qui constitue une matière multidisciplinaire : un
professeur de lettres classiques enseigne en effet le français, le grec
et le latin.
En économie et en gestion, on trouve des professeurs qui enseignent
plusieurs matières, mais la tendance générale est à
une très forte spécialisation, à la mesure de
l'avancée de la science ; au fur à mesure que les sciences
se sont complexifiées, on a assisté à une
scissiparité des disciplines. Aujourd'hui, il existe des professeurs
d'histoire et de géographie, mais ce corps connaît quelques
tensions, certains s'estimant capables d'enseigner une des deux disciplines,
mais non l'autre.
Personnellement, je pense que la finesse des disciplines est excessive. Je suis
moi-même professeur de droit. Dans les facultés, un professeur de
droit public doit être capable d'enseigner à la fois le droit
constitutionnel, les finances publiques et le droit international. Le spectre
des cours qu'on peut lui confier est donc relativement large. Aujourd'hui, on
ne peut confier à un professeur de russe qu'un enseignement de russe.
S'il n'y a pas d'élèves, que faire ? C'est là tout le
problème...
Je sais qu'il existe des querelles à propos des PEGC. Elles existaient
déjà dans le passé et ressurgissent de temps à
autre à propos de professeurs bivalents qui dispensaient deux
disciplines.
Il est évident que ceci facilite très nettement la gestion. Dans
les petits collèges ruraux, la disparition des PEGC, du fait de
l'extinction progressive du corps, va poser des problèmes dramatiques,
car on ne trouvera personne pour assurer un bloc horaire de 5 heures pour telle
ou telle langue vivante.
On est allé très loin dans la finesse des disciplines, et il
convient peut-être de ne pas poursuivre dans cette voie...
M. le Président
- Vous avez évoqué les
lettres, mais n'est-ce pas également vrai pour les disciplines
techniques ? N'a-t-on pas développé une
spécialisation de plus en plus importante, qui a favorisé des
disciplines extrêmement pointues ?
M. Bernard Toulemonde
- Absolument. On a aujourd'hui des
spécialités extraordinaires en plasturgie, en
électromécanique. On trouve à Paris des sections
professionnelles de tailleurs, de bottiers, de bijoutiers, dont les professeurs
sont extrêmement spécialisés. Il n'en existe que cinq sur
l'ensemble du territoire national !
S'agissant des dysfonctionnements, le ministre m'a donné mandat à
mon arrivée pour modifier les rapports entre l'administration centrale
et les académies, et nous sommes actuellement engagés dans
une procédure de contractualisation. Nous demandons aujourd'hui aux
académies de mobiliser l'ensemble des acteurs internes et externes
autour d'un projet -qui doit bien entendu s'inscrire dans la politique
nationale de l'éducation- l'administration centrale devant y affecter
les moyens financiers nécessaires à sa réalisation.
Nous passons en ce moment tous nos après-midi avec le recteur et les
inspecteurs d'académie d'Amiens, afin d'échanger nos points de
vue sur les problèmes rencontrés par cette académie et
étudier les moyens de l'aider à obtenir de meilleures
performances scolaires.
Concernant l'enseignement public et l'enseignement privé, je dois
très honnêtement reconnaître que l'enseignement privé
bénéficie d'une souplesse de gestion que ne connaît pas
l'enseignement public. Dans le privé, la notion de poste n'existe pas
budgétairement. On raisonne en heures, et non en postes. Ces postes sont
fongibles et peuvent être affectés au premier ou au second
degré, jusqu'au BTS.
Lorsqu'on retire un poste dans l'enseignement primaire privé, celui-ci
peut être affecté à un BTS, ce qui n'est évidemment
pas possible dans l'enseignement public, les postes étant
spécialisés par chapitre.
Autre souplesse, celle concernant les personnels, qui s'en plaignent
d'ailleurs : les chefs d'établissement peuvent attribuer des
services incomplets aux personnels. Dans l'enseignement privé, les
personnels disposent d'un contrat signé par l'autorité
académique avec l'établissement. Le professeur est contractuel de
droit public jusqu'à un certain seuil, qui est celui du demi-service, et
bénéficie de la Sécurité sociale, etc.
Au-delà, c'est le chef d'établissement qui fixe la quotité
horaire de cette personne. D'une année sur l'autre, en fonction des
besoins, telle personne qui faisait 18 heures peut ne plus en faire que 16 ou
17, avec un plancher de 9 heures.
Les chefs d'établissement n'abusent toutefois pas trop de cette
souplesse, même si, comme dans toute collectivité humaine,
certains peuvent parfois trop en user.
Pour le reste, les décharges syndicales existent dans le privé
comme dans le public, selon le même système, depuis 1976. Je ne
dispose pas du nombre de déchargés syndicaux de l'enseignement
privé. C'est la direction des affaires juridiques qui le gère. En
dehors de ces souplesses, les modes de gestion sont à peu près
les mêmes...
M. le Président
- La conversion de la masse horaire
attribuée aux inspections académiques en équivalent temps
plein donne-t-elle lieu à consultation des personnels par
l'intermédiaire de leurs représentants ? Les comités
techniques paritaires sont-elles consultés ?
M. Bernard Toulemonde
- La réponse est affirmative, mais pas
nécessairement dans le détail de la dotation horaire globale de
chaque établissement.
En revanche, la structure pédagogique finale de chaque
établissement fait l'objet d'un examen en comité technique
paritaire académique -ou départemental en ce qui concerne les
collèges...
M. le Président
- A quel moment ?
M. Bernard Toulemonde
- L'examen de la structure pédagogique
des établissements -académique pour les lycées,
départemental pour les collèges- interviendra le 15 janvier.
M. le Rapporteur
- Recourez-vous au monde économique -chefs
d'entreprise, artisans pour répondre à des besoins ponctuels et
limités dans le temps ?
Quelle est la part de cette sous-traitance dans le budget ?
M. Bernard Toulemonde
- Cela me paraît une très bonne
question... Il existe dans l'enseignement supérieur un
système de professeurs associés, professionnels qui, durant
quelques semaines, apportent leur concours à l'enseignement
supérieur. Ceci est très bénéfique à
l'ensemble du système comme aux étudiants. C'est en particulier
vrai pour les IUT, qui bénéficient de personnels
extérieurs.
Le même système a été créé par
décret début 1993 pour l'enseignement supérieur, en
particulier technologique et professionnel.
Malheureusement, ce décret n'a jamais fait l'objet de la moindre mesure
d'application, ce qui me paraît extrêmement fâcheux. C'est
une voie dans laquelle on pourrait encourager l'éducation
nationale !
M. le Président
- Qui était alors ministre ?
M. Bernard Toulemonde
- Le décret a été pris
sous Jack Lang. J'étais au cabinet à ce moment-là...
M. le Président
- Je me rappelle des discussions que l'on
avait eues à ce sujet, en particulier au Parlement.
Vous avez évoqué les décharges de service des directeurs.
Ce système n'est pas très ancien. Il a été
amélioré par étape, au bénéfice des
personnels. Selon vous, certaines décharges de service
correspondent-elles à des arrangements entre les inspecteurs
d'académie et les organisations syndicales ?
M. Bernard Toulemonde
- Les décharges de directeurs
d'école représentent actuellement 6.797 postes, auxquels il faut
ajouter 110 pour les directeurs d'établissements
spécialisés. Les maîtres des classes d'application des
écoles normales bénéficient en plus d'une décharge
de service réglementaire qui équivaut à 1.868 postes.
M. le Président
- Mais ils doivent disparaître...
M. Bernard Toulemonde
- Non, car ces classes d'application sont
aujourd'hui rattachées aux IUFM.
M. le Président
- Portent-elles toujours le même
nom ?
M. Bernard Toulemonde
- Il faut que je vérifie. Je pourrais
peut-être demander au ministre si le maintien de cette situation, qui se
perd dans la nuit des temps, est justifié...
Vous avez fait allusion à certains arrangements. J'ai été
recteur d'académie et inspecteur général de
l'éducation nationale. On achète ça et là la paix
sociale, cela me paraît évident. J'ai découvert pour ma
part une situation et, avec l'inspecteur qui m'accompagnait, nous avons
alerté le ministre.
Ces représentants syndicaux, qui ne bénéficient que d'une
décharge partielle de service, sont censés enseigner une partie
de leurs temps. Or, dès qu'ils atteignent une certaine
responsabilité, ils sont dans l'impossibilité matérielle
d'assurer les quelques heures qu'ils doivent effectuer.
J'ai ainsi découvert qu'un chef d'établissement avait
transformé une décharge partielle de service d'un
représentant syndical en décharge totale. Nous lui avons fait
remarquer que c'était totalement irrégulier et qu'il n'en avait
pas le droit. Il nous a expliqué que, cette personne étant
fréquemment absente du fait de son mandat, il lui avait accordé
une décharge totale dans l'intérêt des élèves.
Nous avons fait un rapport spécial au ministre pour lui signaler ce
fait, qui n'était peut-être pas complètement isolé.
M. Claude Domeizel
- On n'a aucune idée du nombre de fois
où cela peut se produire ?
M. Bernard Toulemonde
- Non, c'est impossible. Il faudrait envoyer
des inspecteurs dans chaque établissement pour le vérifier -et
encore, cela peut être masqué aisément.
M. Jean Bernadaux
- Les directeurs d'école, à Paris,
sont-ils complètement déchargés ?
M. Bernard Toulemonde
- La situation parisienne est très
particulière. Elle remonte à plusieurs dizaines d'années...
M. le Président
- Ils avaient un statut particulier.
L'ont-ils toujours ?
M. Bernard Toulemonde
- Tout à fait. Tous les directeurs
d'école parisiens sont totalement déchargés de service,
quel que soit l'effectif. Ceci fait d'ailleurs l'objet d'un remboursement par
la Ville de Paris au ministère de l'éducation nationale.
En 1982, Alain Savary a abaissé le service des PEGC de 21 à 18
heures. Les professeurs parisiens, quant à eux, effectuaient
déjà 18 heures depuis longtemps, la Ville de Paris prenant
à sa charge le remboursement de la différence. La Ville de Paris
finance également certains intervenants extérieurs ;
l'instituteur se trouve ainsi déchargé de fait d'une partie de
son service en matière de sport, de musique, de dessin, etc...
M. Jean Bernadaux
- ... Avec présence obligatoire de
l'enseignant.
M. Bernard Toulemonde
- Théoriquement. Il faudrait un
inspecteur derrière chaque enseignant. Je préfère donc ne
pas faire de commentaires...
M. le Rapporteur
- De combien de personnes s'agit-il ?
Quelques milliers ? Quelques centaines de milliers ? On peut les
déduire par différence ?
M. Bernard Toulemonde
- Cela ne concerne sûrement pas
quelques milliers de postes !
Mme Vuaillat -pour prendre un exemple que vous connaissez tous, et sans vouloir
personnaliser le débat- est secrétaire générale du
SNES et, théoriquement, continue à enseigner. Elle
bénéficie une décharge partielle de service mais, de fait,
comment voulez-vous qu'elle assure les heures qui lui incombent ? Je ne
remets pas en cause sa conscience professionnelle, car je suis persuadé
qu'elle tient à effectuer les heures en question, mais il existe des cas
de figure où elle ne le peut pas !
Cette décharge partielle de service est donc une décharge totale,
et j'imagine que le chef d'établissement, sous les cris des parents
d'élèves, réclame que cette personne soit remplacée
définitivement.
Il s'agit là d'une situation tout à fait marginale. Contrairement
à ce qu'on pense, le système n'est pas si mal géré
que cela !
M. le Président
- Les directeurs d'école
privée bénéficie-t-il des mêmes
décharges ?
M. Bernard Toulemonde
- Tout à fait. L'accord Lang-Cloupet
de 1992, que j'ai préparé auprès du ministre, a
aligné les directeurs d'école de l'enseignement privé sur
ceux du public.
M. le Président
- S'agit-il du même
barème ?
M. Bernard Toulemonde
- Absolument.
M. Claude Domeizel
- Vous avez indiqué que les directeurs
d'école de la Ville de Paris étaient déchargés et
que la Ville de Paris remboursait la totalité...
M. Bernard Toulemonde
- Non : la Ville de Paris paye la
différence par rapport au système de droit commun...
M. Claude Domeizel
- Il existe donc une convention entre la Ville
de Paris et l'éducation nationale.
M. Bernard Toulemonde
- En effet.
M. le Président
- C'est une vieille affaire...
Un intervenant
- Combien cela représente-t-il de
postes ?
M. Bernard Toulemonde
- Je n'en sais rien. Je poserai la question
au directeur des affaires financières. On devrait le retrouver en tout
état de cause dans le budget de la Ville de Paris.
Un intervenant
- Même les écoles maternelles ?
M. Bernard Toulemonde
- Oui.
M. le Président
- C'était déjà le cas
bien avant que la Ville de Paris ait un maire...
M. Bernard Toulemonde
- Cela remonte au temps de l'ancien
département de la Seine. D'ailleurs, certaines parties des
départements de la couronne connaissent la même situation, et le
conseil général rembourse le ministère de
l'éducation nationale.
M. Claude Domeizel
- La Ville de Paris attribue donc des fonds qui
sont affectés ?
M. Bernard Toulemonde
- Oui.
M. le Président
- On n'a pas abordé le sujet des
classes préparatoires ou après le baccalauréat...
M. Bernard Toulemonde
- Les professeurs de classes
préparatoires ont une quotité de service bien inférieure
à celles des autres professeurs. Les professeurs de classes
préparatoires -qui sont bien entendu tous agrégés- sont
tenus, si je ne m'abuse, à 8 heures d'enseignement par semaine au lieu
de 15 heures.
Ces professeurs, en dépit du fait qu'ils ne dispensent que 8 heures
d'enseignement par semaine -ce qui est fort prenant compte tenu du niveau des
élèves- remplissent tout de même des obligations de service
analogues à celles de leurs collègues, dans la mesure où
ils effectuent beaucoup d'heures supplémentaires et d'heures "de colle",
qui sont au fond une préparation intensive des élèves aux
concours.
M. le Président
- C'est vous qui en avez également la
responsabilité ?
M. Bernard Toulemonde
- Absolument.
M. le Président
- Il s'agit d'un mouvement spécial.
Ce n'est pas le même dispositif que celui que vous avez décrit
tout à l'heure...
M. Bernard Toulemonde
- C'est l'inspection générale
qui choisit les professeurs.
M. le Président
- Merci, Monsieur le Directeur.
Si nous avons besoin d'autres informations, nous vous les demanderont.
M. Bernard Toulemonde
- Je reste à votre disposition,
Monsieur le Président.
M. le Président
- Nous poursuivrons notre enquête en
essayant d'y voir le plus claire possible dans un ensemble qui est très
complexe...
M. Bernard Toulemonde
- Je pense très honnêtement que
les dérives ne sont pas celles que l'on croit !
M. le Président
- Vous ne nous avez pas donné les
évolutions d'une année sur l'autre, ni précisé vos
objectifs pour réduire les pertes en ligne dont vous avez fait
état. Pourriez-vous nous les indiquer ?
M. Bernard Toulemonde
- C'est entendu, Monsieur le
Président.
AUDITION DE M. ANTOINE PROST,
PROFESSEUR
ÉMÉRITE À L'UNIVERSITÉ DE PARIS
I
(16 DÉCEMBRE 1998)
Présidence de M. Adrien Gouteyron, président
M.
Adrien Gouteyron, Président -
Monsieur le professeur, nous
allons commencer cette audition.
Je veux simplement rappeler à mes collègues et à
vous-même, Monsieur le Professeur, que la commission d'enquête
créée par le Sénat a organisé la publicité
de ces auditions - publicité signifiant l'ouverture à la presse
sous réserve des demandes de huis clos pouvant être
présentées par telle ou telle des personnes que nous souhaitons
entendre.
Nous publierons un compte rendu sommaire de ces auditions dans le bulletin des
commissions du Sénat et nous établirons un compte rendu
intégral de celles-ci en annexe de notre rapport.
Monsieur le professeur, comme le prévoit l'ordonnance du
17 novembre 1958, je suis tenu de vous rappeler que toute personne
dont une commission d'enquête à jugé l'audition utile est
entendue sous serment et en cas de faux témoignage, est passible des
peines prévues par le code pénal.
Je vais donc vous demander comme le prévoit l'ordonnance et pour la
respecter formellement, de bien vouloir nous dire toute la vérité
et rien que la vérité. Je vais vous demander de lever la main
droite et de dire : "
Je le jure ".
M. Antoine Prost -
"
Je le jure ",
monsieur le Président.
M. le Président -
Merci, monsieur le professeur.
M. Antoine Prost -
Je ne peux dire la
vérité que si je la connais. Dans un secteur comme celui ci, il
convient parfois d'avoir des doutes.
M. le Président -
Nous comprenons cette réserve. Nous
sommes aussi, un certain nombre, comme vous, à avoir des doutes.
Je vais vous demander de faire, si vous le souhaitez, un propos liminaire, puis
nous vous poserons des questions. Je ne pense pas qu'il est nécessaire
de rappeler quelles ont été vos fonctions universitaires.
Vous avez publié de très nombreux ouvrages importants, faisant
référence, sur l'histoire de l'éducation dans notre pays.
C'est évidemment parce que nous savons que vous êtes un excellent
connaisseur et de l'histoire du système éducatif et de son
fonctionnement aujourd'hui, que nous avons souhaité vous entendre. Je
vous laisse la parole.
M. Antoine Prost -
Monsieur le Président, Mesdames
Messieurs les Sénateurs, c'est très impressionnant de
déposer devant une assistance comme la vôtre ; mon propos
introductif sera bref, n'étant pas préparé comme pour un
cours destiné à durer une heure.
Le problème n'est pas celui de la rémunération. Les
rémunérations des enseignants revalorisées au temps
où M. Rocard était Premier Ministre et M Jospin,
Ministre de l'éducation nationale, pour une " marche
d'escalier " de 25 MF en année pleine, à effectifs
constants, coûtera nécessairement plus cher au budget de l'Etat,
puisque l'effectif du corps enseignant a augmenté depuis et a mis les
salaires des enseignants au-dessus des salaires équivalents du secteur
privé.
Aujourd'hui, un ingénieur diplômé d'une école
nationale supérieure est moins bien payé qu'un
agrégé. Son salaire de débutant équivaut environ
à celui d'un professeur certifié.
Les professeurs ne se rendent pas compte, car ils comparent les paiements bruts
du privé aux paiements nets du public. Dans le privé, un salaire
annuel de 200 000 F, déduction faite des charges de l'ordre de
20 %, le ramène à 160 000 F. Ce niveau de salaire
est celui du professeur certifié sorti de sa formation. Si vous
considérez son salaire pendant sa durée de stage, il y a
évidemment un différentiel.
Quant aux salaires des instituteurs, devenus professeurs d'école avec le
changement de statuts, ils ont été alignés sur ceux des
professeurs certifiés. Ce qui a des effets d'ores et déjà
perceptibles sur les choix de carrière des étudiants.
Des étudiantes que je reçois après une maîtrise
d'histoire, à qui je demande ce qu'elles vont faire, me répondent
qu'elles veulent être institutrices parce que le niveau de
rémunération est équivalent à celui de professeur
d'histoire, que cela leur permet d'être dans leur région
d'origine, et enfin que les problèmes de discipline sont
réputés moins difficiles avec les jeunes élèves
qu'avec les moins jeunes. Je mets de côté cet aspect du
problème.
Le problème des enseignants n'est pas fondamentalement un
problème financier.
J'ai eu pour la première fois à m'occuper du sujet dont nous
parlons aujourd'hui dans le cadre de la commission dite "Commission Joxe",
sur la fonction enseignante dans le second degré, dont le rapport a
été commandé par M. Guichard et remis à
M. Fontanet en 72-73, il y a 27 ans. La question du malaise des
enseignants était déjà à l'ordre du jour.
Dans ce rapport qui a le mérite de reposer sur une enquête
d'opinion qui avait été confiée à un institut de
sondage qui avait fait un très bon travail, je lis ceci :
" Le malaise actuel n'est pas un trouble éphémère
ou passager qui aurait chance de se dissiper de lui-même ou qui
relèverait de remèdes mineurs. C'est le début d'une
mutation profonde qui mettra en question personnellement aussi bien les
enseignants que les administrateurs, dans la conception qu'ils se font de leur
rôle et qui aboutira indissociablement à la mise en place d'un
style pédagogique nouveau, aussi bien que de nouveaux comportements
administratifs. La commission tient à le souligner avec force, il s'agit
d'un phénomène de civilisation inéluctable qui
s'étendra sur des lustres, voire des décennies "
.
Je ne pense pas que la commission avait conscience d'être aussi bien
inspirée lorsqu'elle écrivait ceci.
L'analyse qui était faite à l'époque est assez simple. Il
y a inadéquation entre les contenus d'enseignement et les
méthodes d'une part et les publics et leurs attentes d'autre part.
Il y a une crise du rapport pédagogique, dans la mesure où les
professeurs sont obligés de se battre pour faire apprendre des choses
qui n'intéressent pas les élèves.
Ceci a été aggravé par, deux facteurs :
- La crise économique et l'importance du chômage, notamment des
jeunes, qui fait que de plus en plus on craint, si l'on n'a pas un
diplôme, d'avoir à s'inscrire à l'A.N.P.E.
- La façon dont l'institution scolaire et pas seulement les professeurs,
ont géré l'inadéquation entre la culture scolaire et les
attentes des élèves.
Pour faire travailler les élèves, nous avons
développé des motivations utilitaristes. Nous avons dit aux
élèves : " Travaillez, sinon vous allez être
orientés ".
Etre orienté c'est toujours faire des études qui ne sont pas
celles que l'on aurait choisies, c'est toujours être orienté
là où l'on ne voulait pas aller. Lorsqu'un élève
est motivé, il passe dans la classe supérieure.
Nous avons dit aux élèves : " Travaillez pour trouver
du travail ", Mais lorsqu'il y a un chômage important chez les
jeunes, lorsque des élèves constatent que leur frère, leur
soeur qui ont eu le bac sont au chômage, nous ne sommes pas
crédibles. Les élèves savent bien que ce n'est pas vrai,
il leur suffit de regarder autour d'eux pour s'en convaincre. Vous avez une
motivation utilitariste et la sélection.
Or, la sélection a été assimilée par le
système scolaire. Je rappelle qu'il y a 30 ans, la sélection
se faisait à l'extérieur du système scolaire,
c'étaient les parents qui choisissaient le destin des
élèves en les inscrivant dans un cours complémentaire ou
dans un lycée. Aujourd'hui c'est l'école qui se charge de cette
répartition. De ce fait, il y a une majoration des enjeux scolaires.
Cette majoration des enjeux scolaires coïncide avec un trait culturel. Je
pense que la France est le seul pays - j'aurais des explications historiques
à vous fournir, de manière résumée - où
depuis la révolution française, il y a une passion
égalitaire. Cette passion égalitaire conduit à nier toutes
les supériorités. La supériorité de la naissance a
été la première à être niée. C'est le
refus de l'aristocratie, c'est le tutoiement obligatoire des citoyens sous la
révolution française. Lorsque l'on voit le comportement de
certains lords britanniques, on a envie de chanter la carmagnole. Je partage
cette passion égalitaire et j'ai appris la carmagnole à mes
enfants, car j'avais un voisin assez arrogant qui portait une particule...
C'est vous dire que cette passion égalitaire est une
réalité.
Les supériorités de l'argent sont évidemment
illégitimes. Pas de supériorité de naissance, pas de
supériorité d'argent.
Que reste-t-il ? La seule supériorité légitime est la
supériorité du diplôme. La fonction ne comporte pas de
supériorité par elle-même. On l'a bien vu lors des
événements de 68. La manière dont les contestataires
ont en quelque sorte descendu les statues de leur piédestal était
tout à fait intéressante.
J'ai beaucoup réfléchi là-dessus lorsque j'étais
professeur dans un collège de Cambridge durant un trimestre. La
supériorité du professeur dans une université britannique,
par rapport aux types de rapports que nous avons avec nos étudiants, est
tout à fait saisissante.
Vous ne feriez pas manger des professeurs à la
high table
, dans
un restaurant universitaire, ce serait impensable. Donc, cette passion
égalitaire est celle du diplôme, et cela a renforcé dans ce
pays l'importance attachée aux diplômes alors qu'il est de
notoriété publique que le diplôme n'est pas une garantie
absolue.
Vous avez des chances que les Polytechniciens et les Enarques soient
travailleurs. Vous avez des chances raisonnables de penser qu'ils sont
intelligents, mais cela ne vous donne aucune garantie ; ils peuvent
très bien être caractériels, dépressifs, avoir
quantité de handicaps qui font que dans la vie sociale, vous ne pourrez
jamais leur confier une responsabilité de direction.
Cette pression mise sur le diplôme confère à la
scolarité une sorte d'intensité dramatique qui fait que la vie
des familles est rythmée par un certain nombre d'échéances
scolaires qui se répercutent sur les enfants et les font vivre dans un
état de stress qui n'est pas particulièrement souhaitable
à l'âge qu'ils ont.
Il y a un vrai problème.
Ce problème a évolué depuis quelques années. Sur ce
point, votre commission pourrait interroger un sociologue qui s'appelle
Eric Debardieu, qui a travaillé sur la violence dans les
établissements scolaires. Sur cette crise ancienne du rapport
pédagogique, viennent se greffer aujourd'hui, dans un nombre croissant
d'établissements, de l'ordre de 35 à 40 % des
collèges, des problèmes de violence que les professeurs ne savent
pas gérer, qui les dépassent.
Eric Debardieu a publié un livre sur la violence dans les
établissements scolaires. En 1993, dans son enquête, une
question était posée sur les lieux de la violence dans un
établissement.
Les lieux venant en tête étaient les cours de
récréation et la sortie. C'est à la sortie que l'on
rackette. La salle de classe n'était pas un lieu
d'insécurité. Trois ans après, elle est en numéro
deux parmi les lieux de l'insécurité.
Tous les témoignages concordent ; il se passe en ce moment, depuis
quelques années, un phénomène qui n'a pas grand chose
à voir avec la crise économique ou avec le chômage. On ne
voit pas de différences majeures dans les évolutions
socio-économiques, mais quelque chose est en train de se casser et les
professeurs sont très démunis.
J'en viens à votre question : en quoi la gestion du système
et l'utilisation des moyens permettent-elles d'améliorer ce rapport
pédagogique et de faire face à cette crise, notamment avec la
violence actuelle ?
1) Toutes les enquêtes montrent que les problèmes sont plus graves
dans les grands établissements que dans les petits. On le sait depuis
qu'il y a des administrateurs à l'éducation nationale.
La politique de constitution de cités scolaires avait été
un temps arrêtée après les événements
de 1968. Ces événements ont fait prendre conscience à
l'administration des risques inhérents aux grands établissements.
Donc, pendant quelques années, on a tenté de faire de plus petits
établissements, mais nous avons là, une barrière.
J'ai été amené à discuter de cela avec mes
collègues qui s'occupaient des affaires financières quand
j'étais au cabinet de Michel Rocard. Cette année-là,
53 nouveaux lycées ouvraient. Le ministère des Finances
accordait à cette occasion 53 postes de proviseur et 53
postes de concierge.
Il est plus facile d'obtenir du ministère des finances, 200 postes
d'instituteurs ou 1000 postes de professeurs de lycée que des
postes de proviseur, de censeur.
Devant une telle contrainte, le ministère de l'éducation
nationale aujourd'hui encore est amené à regrouper un certain
nombre d'établissements pour faire des économies d'échelle
sur le staff administratif. S'il y a une priorité dans les postes, c'est
à l'encadrement des établissements et à la
démultiplication des établissements qu'il faut les consacrer.
2) Je crois qu'il faut également avoir un style de management - entre
les recteurs et les inspecteurs d'académie, entre les inspecteurs
d'académie et les chefs d'établissement, entre le ministre et les
recteurs - favorable à la constitution d'équipes car les
professeurs ou même les instituteurs pris individuellement ne pourront
jamais faire face aux situations nées de la violence dans leur
établissement.
C'est une situation stressante. Il n'est pas normal qu'un professeur se fasse
rosser par ses élèves, soit couvert de plaies et de bosses et ait
15 jours d'invalidité.
Il faut une réaction de solidarité active et positive pour
trouver des solutions. Or, la solidarité se manifeste par la
grève, mais ne change rien. C'est une sorte de cri de désespoir
qui ne construit pas une solidarité concrète. Il est très
difficile de faire prendre conscience aux professeurs de la
nécessité de constituer des équipes.
Pour ce faire, il faut des personnes exerçant le métier de chef
d'équipe, c'est-à-dire des conseillers d'éducation, des
conseillers principaux, des proviseurs, des censeurs. Mais cela suppose que
l'établissement tout entier fonctionne suivant ce type de management.
Si vous avez une gestion de type bureaucratique, du recteur à
l'inspecteur d'académie et de l'inspecteur d'académie au
proviseur, cela aboutit à l'enfermement de chaque professeur dans ses
propres difficultés.
La réponse se situe au niveau des pratiques.
Je peux citer Michel Crozier : "
On ne change pas la
société par décret "
.
Je ne sais ce que le législateur peut apporter à ce
problème qui est celui du fonctionnement d'un organisme.
M. le Président -
Merci. Voilà matière
à beaucoup de questions. Je laisse la parole à mes
collègues qui souhaitent intervenir.
M. Jean-Léonce Dupont -
Pour revenir sur le dernier
point que vous avez abordé, Monsieur le Professeur, dans les auditions
précédentes, l'on nous a fait part de la faible marge de
manoeuvre des chefs d'établissement. Comment voyez-vous
concrètement ce management d'équipe et quelles évolutions
doivent avoir lieu pour pouvoir réaliser cette notion d'équipe
dans les responsabilités, la définition des rôles, dans les
fonctions mêmes ?
M. Antoine Prost -
La marge de manoeuvre des chefs
d'établissement est beaucoup plus grande que ceux-ci ne l'avouent,
notamment à leurs professeurs.
Voici un cas : A mon épouse demandant je ne sais quoi à son
proviseur qui lui répondit que ce n'était pas possible de par une
circulaire du recteur, cela me paraissant improbable, je lui ait dit de
demander à voir la circulaire. Il ne l'avait pas. Le proviseur a
toujours tendance à dire : " Je ne peux pas ". C'est la
manière dont il met sa décision à l'abri de la
contestation. En fait, c'est le proviseur qui dit : " Mme Dupont,
Mme Martin et Mme Durand feront respectivement le français,
l'histoire et les mathématiques dans telle classe ".
J'ai vu des proviseurs casser des équipes pédagogiques !
Si Mme Durand, Mme Martin et Mme Dupont travaillaient
ensemble ! J'ai vu des proviseurs donner la 1ère A à
Mme Martin de façon à casser l'équipe
pédagogique. Mais d'autres les constituent. C'est le proviseur qui fait
les emplois du temps.
Il y a un règlement intérieur, un conseil d'établissement
et la possibilité pour le proviseur de réunir ses
professeurs ; ce n'est pas tellement une question de pouvoir, mais une
question de style.
M. Gérard Braun
- J'ai été très
étonné, Monsieur le professeur, de vous entendre dire que les
professeurs se battent pour enseigner des matières qui
n'intéressent pas les élèves.
Je voudrais une explication. Ces matières n'intéressent-elles pas
les élèves parce qu'elles n'ont pas lieu d'encombrer les
programmes pédagogiques ou y a-t-il une autre raison ? Je ne comprends
pas très bien cette approche des problèmes.
M. Antoine Prost -
Je vous remercie de votre question, je
me suis expliqué de façon trop rapide.
La grande différence entre nos professeurs des collèges et
lycées et ceux des pays étrangers, c'est que les nôtres
sont très spécialisés. Leur conscience identitaire, est la
conscience de leur spécialité. Ils ne se définissent par
comme des éducateurs ni comme des pédagogues, mais comme des
historiens, des physiciens, des mathématiciens des anglicistes, des
littéraires etc, ils sont donc dédiés à leur
discipline. D'une certaine manière, heureusement. Pendant un certain
temps, j'ai plaidé avec beaucoup de vigueur pour que l'on
déspécialise les enseignants ; je reste fidèle
jusqu'à un certain point à cette position, parce que, par
exemple, je pense qu'à vouloir des certifiés étroitement
spécialisés des langues, on assure l'hégémonie de
l'anglais.
Si vous voulez enseigner l'italien ou l'espagnol dans un petit collège
à Barcelonnette, il faut que le professeur d'italien enseigne aussi le
français. Si vous n'avez pas un professeur certifié bi-valent
italien-français, il y a un là un vrai problème.
M. le Président -
Mais votre remarque rejoint de
manière extrêmement claire le sujet de notre commission
d'enquête.
M. Antoine Prost -
C'est une façon d'optimiser les
moyens. Je persiste à penser qu'un professeur enseignant le
français et l'italien, qui aurait ses élèves 5 à
6 heures par semaine, vaudrait mieux que deux professeurs qui les auraient
l'un pendant deux heures et l'autre quatre heures.
Cela dit, il faut faire attention, si l'on réalise ceci, de ne pas
retirer ce qui fait la motivation du professeur. Le professeur de
français se bat pour faire faire du français à ses
élèves.
Il y a une différence lorsque vous parlez avec les professeurs
individuellement, collectivement ou en public. On peut entendre un discours
pessimiste, défaitiste, catastrophique. Je me souviens d'une
émission de télévision en direct où un jeune dans
l'assistance avait dit : "J'étais venu parce que j'avais envie
d'être enseignant, mais maintenant que je vous ai entendu, je n'en ai
plus envie".
Lorsque vous parlez avec les professeurs collectivement, vous entendez un
certain discours. Mais lorsque vous les entendez individuellement, ils se
battent pour faire passer des choses qu'ils aiment. S'ils cessent d'aimer ces
choses, il ne se battront plus.
M. Gérard Braun
- A condition que les
élèves aiment les mêmes choses.
M. Antoine Prost -
Si vous voulez que les
élèves les aiment, il faut développer des motivations
humanistes et non pas utilitaristes.
L'enseignement, c'est, d'une certaine manière, beaucoup plus que la
formation du futur employé, du futur salarié. Lorsque vous
étudiez le Cid avec des élèves, c'est une pédagogie
du sentiment, une pédagogie de l'honneur. La raison pour laquelle vous
faites le Cid, c'est d'abord parce que c'est beau, mais c'est aussi parce que
vous voulez les aider à grandir et à devenir pleinement des
hommes, à récupérer une partie de notre culture et de
notre civilisation. A travers le Cid, il y a quelque chose qui passe, d'un
autre enjeu que le fait de trouver un bon salaire à la fin du mois.
Ce sont des motivations de type humaniste, celles-ci ont été
complètement éradiquées dans l'enseignement, par la crise
économique, le discours sur l'université qui fabrique de
chômeurs, le discours des parents à l'usage des
élèves : " Travaille si tu veux avoir un bon salaire "
et le discours des professeurs à l'égard des élèves
: " Travaille si tu ne veux pas que l'on t'oriente ".
Il y avait déjà, entre le public scolaire -qui est un public
massivement démocratisé- et la culture savante -qui est celle de
l'école- un fossé, un gap culturel qui créait une
difficulté pédagogique propre.
Nous avons aggravé cette difficulté en valorisant exclusivement
les motivations utilitaires et l'efficacité économique
immédiate de l'enseignement. Là-dessus s'ajoute le
problème de la violence. Vous avez un rapport pédagogique
très difficile à gérer.
Une partie des élèves est en situation de refus, parce que
l'école a perdu sa crédibilité. J'ai écrit une fois
dans un numéro de la Documentation Française consacré aux
systèmes éducatifs, que si l'on ne trouvait pas
300 000 emplois pour des jeunes, il n'y avait plus aucune
crédibilité pour l'école. La crédibilité de
l'école c'est qu'elle donne la clé de l'emploi. Les jeunes sont
au chômage.
Mme Hélène Luc -
Monsieur le professeur, vous
avez parlé du diplôme, de son importance, je crois qu'il y a
matière à réflexion. Ce que vous avez dit sur le stress
des élèves est quelque chose que je ressens personnellement. Je
suis membre d'un Conseil d'Administration de collège, et d'un conseil
d'université, j'ai eu l'occasion de voir de nombreux lycéens
pendant les derniers événements. Les élèves veulent
des diplômes, parce qu'ils savent qu'avec le développement de la
technologie, avec la crise économique, s'ils veulent du travail c'est
quand même avec des diplômes qu'ils ont le plus de chance de
trouver une place dans la société.
Lorsque les lycéens disent par exemple : " Nous ne voulons pas
que l'on nous enlève des matières ", ils craignent qu'avec
ce que le ministre fait, on leur enlève une partie de l'enseignement et
ils ne veulent perdre quoi que ce soit.
Je ne porte pas de jugement. Je ne dis pas que l'on ne peut pas
améliorer un certain nombre de choses. Mais c'est le témoignage
de la volonté des jeunes en général que de garder ce
niveau et même l'élever.
Par ailleurs, la violence dans les écoles, n'est pas la même
partout. Dans les collèges elle n'est pas la même que dans les
lycées professionnels où c'est une violence qui ressort
plutôt du désespoir, ce sont des élèves en
échec scolaire. Cette violence est accompagnée par une
très grande motivation chez de très nombreux élèves.
Ma question est la suivante : Face à cette soif des jeunes - et je
trouve qu'il est réjouissant pour la France d'avoir des jeunes qui ont
envie d'apprendre et d'avoir une place dans la société -, comment
l'école peut-elle faire le maximum pour qu'ils sortent de l'école
en situation de réussite ?
Ce n'est pas pour que tout le monde devienne ingénieur. Quelqu'un qui a
envie de devenir pâtissier, qui est un très bon pâtissier,
peut réussir sa vie Je ne porte pas de jugement de valeur sur le
métier. L'important est que l'élève fasse ce qu'il a envie
de faire et que l'école le lui permette au maximum.
Vous avez parlé des personnels que l'on n'a pas, cela me paraît
très important.
M. le Président -
La Commission se réunit pour poser
des questions, pour interroger les personnes que nous entendons, et non pour
faire un débat. Je souhaite que l'enquête ait lieu et que nous
posions des questions.
Mme Hélène Luc -
Que pensez-vous de la
présence des personnels adultes ? Je pense qu'il faut qu'ils soient
formés. Qu'en pensez-vous ?
M. Antoine Prost -
Brièvement, le niveau n'est pas
fonction de l'extension. Limiter le nombre des disciplines
étudiées peut être une façon d'être plus
efficace sur le noyau dur que l'on étudie. Il n'y a rien de pire dans
l'enseignement que des élèves, suivant la formule d'Alain,
" qui ne savent rien, qui se rappellent simplement avoir entendu quelqu'un
qui savait ".
A force de multiplier les cours, nous sommes en train de dissoudre
complètement l'enseignement. Pourquoi le latin est-il mort ? Parce que
nous avons mis la moyenne au baccalauréat à des versions latines
qui comportaient cinq contresens. Les garçons et les filles ne savaient
plus le latin, mais si nous avions été obligés de les
noter conformément à ce qu'ils savaient en latin, ils auraient
été tous collés, donc nous avons mis la moyenne à
ceux qui avaient cinq contresens. L'enseignement du latin était fichu.
Je préfère que l'on sache ce que l'on apprend. Apprenez ce que
vous voulez, mais ce que vous apprenez, au moins sachez-le.
Les sorties scolaires c'est très bien, mais si elles ne sont pas
préparées avant et exploitées après, c'est du
tourisme. Les élèves ne vont pas à l'école pour
faire du tourisme. C'est bien pour les hôteliers mais pas pour les
maîtres d'école. Chacun son métier, aux hôteliers de
développer le tourisme, et aux instituteurs de se débrouiller
pour que les enfants apprennent.
Je suis contre la venue dans l'école d'une série de personnes qui
apportent leur expérience. Cela ouvre l'école, mais en même
temps, cela fait perdre un temps scolaire précieux.
M. Gérard Braun
- Je ne suis pas d'accord.
M. Antoine Prost -
Je donne mon avis.
Des instituteurs sont payés pour faire l'instruction pendant
27 heures par semaine. Si une après-midi est prise par une dame qui
fait de l'anglais, qui vient faire ceci où cela, puis une autre
après midi prise par un professeur de dessin que l'institut d'art visuel
a envoyé etc...malgré tout, il faut quand même apprendre
à lire, écrire et compter.
Je préfère tout de même que les instituteurs travaillent
26 heures par semaine.
Lorsque des personnes interviennent dans l'école sur le temps pendant
lequel l'instituteur devrait travailler et devrait faire travailler les
élèves, sans que celui-ci ait préparé et
exploité leur venue, je dis que l'on est en train de dissoudre le
métier.
M. Jean Bernadaux -
Une simple remarque : j'ai
été très étonné Monsieur le professeur, ou
ai-je mal compris, en particulier lorsque vous disiez : " Avant
c'étaient les parents qui orientaient les enfants ".
Je ne suis pas d'accord en tant qu'enseignant. J'ai vu énormément
de mes collègues sortir un élève du CM.2, lui
dire :"Tu peux continuer des études", et se battre vis à vis
des parents. Je l'ai fait moi-même.
Dire aux parents de laisser leur enfant faire des études, remplir, des
dossiers de bourse, était une orientation différente,
c'était peut-être le travail des enseignants. Je suis
persuadé qu'au moins 20 ou 30 de mes anciens élèves sont
devenus bacheliers ou ont fait des études supérieures parce que
je suis allé voir les parents pour leur dire : " Sortez cet enfant,
ne le laissez pas, il faut qu'il continue ".
M. Antoine Prost -
Tout d'abord, vous confirmez mon point
de vue. Vous venez de dire : " Nous sommes allés voir les parents
pour leur dire qu'il faut l'inscrire en sixième ", ce qui montre
bien que ce sont les parents qui prenaient la décision et non pas
l'école
Par ailleurs, les statistiques faites par les études
démographiques au début des années 60 ont
comparé le destin scolaire des enfants à la sortie du cours moyen
deuxième année, en fonction de leur niveau de réussite.
Quand le niveau de réussite était jugé excellent par
l'instituteur et que le père était cadre supérieur ou
profession libérale, 90-95 % entraient en 6
ème
de
lycée, et quand la réussite était excellente et que le
père était ouvrier 57-60 % entraient au lycée.
Lorsque la réussite était moyenne, c'était plus de
60 % pour les enfants de cadres supérieurs et de l'ordre de 15 %
pour les enfants d'ouvriers.
Ce que vous dites, qui est vrai depuis l'école de la troisième
République, c'est ce que Ferdinand Buisson, le premier à
avoir posé ce type de problème, appelait des
exceptions
consolantes
.
M. Jacques Maheas
- Notre commission d'enquête porte sur
la gestion des personnels. C'est sur ce point que je vais vous interroger.
Pensez-vous qu'il s'agit du même métier lorsque l'on est
professeur à Louis-le-Grand ou Henri IV ou lorsque l'on est
professeur à Mantes-la-Jolie ou Gennevilliers ?
Pourquoi, si vous me répondez non, la gestion est-elle sensiblement la
même ? Est-ce une question d'adaptation ou est-ce une question de
formation de la part du corps professoral ?
Pourquoi l'éducation nationale, qui a maintes fois essayé de
mettre des professeurs plus aguerris dans les quartiers sensibles, n'a-t-elle
jamais réussi ?
M. Antoine Prost -
En ce qui concerne la première
question, la réponse est évidemment non, ce n'est pas le
même métier mais c'est vrai à tous égards. J'ai fait
une partie de ma carrière dans l'enseignement supérieur comme
professeur à l'université d'Orléans puis comme professeur
à Paris. Je peux vous garantir que ce n'est pas le même
métier. A Orléans, il n'y avait pas de thèse à
diriger et je faisais des travaux dirigés de première
année.
Il y a des différences. Est-ce que ces différences
nécessitent une formation différente des uns et des autres ?
Réponse négative. Je pense que fondamentalement, il y a une
unité du métier. Ce serait très grave d'apporter à
votre question une réponse positive.
Si l'on dit que ces deux métiers correspondent à deux formations
différentes, on est en train d'institutionnaliser des différences
qui sont sociologiques, contre lesquelles toutes les politiques de lutte contre
l'exclusion sont mobilisées. Il faut savoir ce que l'on veut. Il ne faut
pas rigidifier la société à deux vitesses. La
différence fondamentale ne tient pas à la nature des savoir
nécessaires aux élèves des deux côtés, elle
tient au caractère sociologique des deux publics.
Pourquoi l'éducation nationale n'a-t-elle pas réussi ?
M. Jacques Maheas
- C'est la conséquence.
M. Antoine Prost -
Il n'est pas tout à fait vrai
que l'éducation nationale n'ait pas réussi. Je constate qu'un
certain nombre de collèges ou de sections d'éducation
spécialisée par exemple, qui fonctionnent grâce à
des professeurs qui ont fait ce choix, y sont restés fidèles.
Je pense qu'elle y est partiellement arrivée. Mais elle ne peut pas y
arriver pour les professeurs si elle ne commence pas par y arriver pour les
chefs d'établissement. Il est d'expérience commune, que les
collèges sont souvent sur le fil du rasoir.
Vous pouvez avoir un collège qui marche bien, le principal change et
vous êtes obligés d'appeler la police toutes les semaines, parfois
tous les jours. Ou inversement, le collège qui ne marchait pas bien,
qu'un nouveau chef d'établissement réussit à remettre sur
pied. Ce n'est pas le même métier que de diriger le lycée
de Mantes la Jolie ou le lycée Louis le Grand.
Donc, le premier point serait d'avoir une gestion des parcours de chef
d'établissement.
Du point de vue de la gestion, il serait intéressant de poser la
question. On pourrait faire une proposition simple : qu'aucune affectation
ne devienne définitive, avant une sorte d'acceptation du nouveau venu
par l'équipe en place.
Il y a une façon totalement bureaucratique de nommer les gens ici ou
là. Je ne pense pas que ce soit un mal de mettre les plus jeunes dans
les endroits les plus difficiles, car ils ont le plus de tonus. Je vois mes
étudiants qui ont fait leur D.E.A chez moi, agrégés, bien
sous tout rapport.
M. Jacques Maheas
.- J'ai dit " aguerris ".
M. Antoine Prost -
Ils ne sont pas aguerris, c'est leur
première année. Dans des banlieues un peu difficiles, ils font
face avec une sorte d'énergie juvénile qu'ils n'auront pas dans
10 ans.
M. Jacques Maheas
- S'ils en reviennent !
M. Antoine Prost -
Non, non pas du tout, fils de
professeur en faculté !
M. Jacques Valade
- Je voudrais revenir sur ce que vous avez
indiqué comme étant votre sentiment en matière
d'éducation, c'est-à-dire privilégier le
phénomène culturel par rapport au phénomène
totalement utilitariste.
Cependant, vous avez dit l'instant d'après que vous étiez
partisan d'enseignants qui n'étaient pas trop spécialisés,
capables de faire un enseignement relativement généraliste sans
trop s'éloigner de leur discipline de base. On ne va pas demander
à un spécialiste de grec d'enseigner les mathématiques,
encore que la langue grecque a une certaine logique compatible avec les
mathématiques.
Ne pensez-vous pas que cette tonalité par rapport aux enseignants, mais
aussi cette ouverture qui permettrait à des enseignants d'enseigner
plusieurs disciplines, se heurte à la façon dont la gestion des
professeurs est assumée par les responsables des professeurs, notamment
par l'inspection générale ?
Il me semble qu'il y a encore une survivance considérable d'une
espèce de corporatisme, qui fait qu'il est extrêmement difficile
de s'affranchir à la fois des quotas, mais également des
promotions et des sous-ensembles d'enseignants de certaines disciplines.
Deuxième question si vous le permettez : nous sommes les uns et les
autres -c'est la raison de la création de cette commission
d'enquête- contingents de l'événement. Nous ne pouvons pas
supporter le désordre mais également le gâchis. Mais que
dire des mesures qui consistent à retirer d'un manuel, trois ou quatre
chapitres au prétexte soit que le manuel est trop compliqué, soit
qu'il y a un trop grand nombre de chapitres ?
Dernière partie de mon intervention : je ne pense pas que
l'enseignement du latin a disparu parce qu'on on avait mis de trop bonnes notes
à de trop mauvaises copies. En latin et en grec, les enseignements
correspondants ont disparu parce que l'on a décidé que les
élèves ne devaient plus faire, pour des raisons utilisatrices, ni
latin ni grec. Nous sommes un certain nombre ici et ailleurs à avoir
fait par hasard des études hyper littéraires, on ne s'en est pas
trop mal tirés par la suite puisque cela ne nous a pas
empêchés de faire des mathématiques, sciences exactes ou
expérimentales !
C'est plus une volonté corporatiste de certains et anti-corporatiste par
rapport à d'autres, qui a fait que certains types d'enseignements ont
disparu.
M. Antoine Prost -
Sur les raisons de la disparition du
latin, on pourrait compléter longuement ce que j'ai dit. Il y a aussi
une évolution sociale. Cela a été montré par
Mohamed Chartaoui dans sa thèse établie à partir des
dossiers des étudiants inscrits en première année de
médecine à Paris où l'on voit que la bourgeoisie
française a choisi de sélectionner ses propres fils sur les
mathématiques plutôt que sur le latin. Car la montée des
bacheliers " Math-Elem " en première année de
médecine est bien antérieure à la réforme du
professeur Debré de 1958-1959, ce qui va dans votre sens. Je ne crois
pas que quelqu'un ait décidé un jour que l'on supprimerait le
latin, il y a eu une évolution sociale plus complexe.
M. Jacques Valade
- Ce n'est pas par rapport aux notes....
M. Antoine Prost -
Je disais que l'enseignement du latin
est devenu intrinsèquement indéfendable à partir du moment
où il aboutissait aux résultats auxquels il aboutissait.
Sur la question que vous posez à propos des manuels, je ne partage pas
votre sentiment. Vous avez une définition officielle qui est celle du
programme publié au bulletin officiel du ministère. Vous
remarquerez que le nombre des manuels qui prennent la précaution de
publier en première page ou en page de couverture le programme officiel,
est très rare. Si vous lisez les manuels attentivement, vous constaterez
que la plupart d'entre eux comprennent des chapitres supplémentaires au
programme.
Il m'est arrivé de diriger une collection de manuels d'histoire au
début des années 1980. Un manuel concurrent, qui s'est
parfaitement vendu, avait un chapitre sur les Etats-Unis de 1861
à 1914, qui n'était plus au programme.
C'est très grave, parce que le contenu du manuel aboutit à une
autre définition du programme et elle met le professeur en situation de
vulnérabilité face aux parents d'élèves ou face aux
élèves s'il ne traite pas les Etats-Unis de 1861
à 1914.
Le problème des manuels scolaires, est que le prescripteur n'est pas
l'acheteur. Ce sont les professeurs qui décident de faire acheter le
manuel aux élèves. Ce n'est pas un vrai marché, cela ne
sert à rien de faire des manuels économiques. J'avais fait ma
collection de manuels avec des petites pages et il s'est bien vendu quand
même ; je voulais que le prix ne soit pas trop lourd. Au moment du
choix du manuel, la considération de prix n'intervient absolument pas.
Lorsque l'on participe à un conseil d'enseignement où l'on
choisit les manuels, il n'est pas question du prix. Les professeurs qui
choisissent les manuels sont sensibles à ce qui témoigne d'une
sorte d'excellence dans la discipline ; ce qui est une sorte de
surenchère permanente.
Un physicien, professeur à Orsay, qui était à la
commission que j'avais présidée, s'est amusé à
faire la critique d'un manuel de physique en montrant toutes les notions qui
n'étaient pas au programme et que les élèves
n'étaient pas censés avoir acquises. Les manuels sont une
définition maximaliste des programmes.
M Jean-Claude Carle
- Monsieur le professeur, vous nous avez
dit qu'il était nécessaire de mettre en place un nouveau style de
management, du ministre au chef d'établissement. J'y souscris tout
à fait. Or ce dernier a un rôle primordial. Que
constate-t-on ?
Que si dans certains secteurs, les effectifs sont encombrés, il y a
là un déficit de recrutement. Que faut-il faire pour rendre ce
poste plus attractif ? Cela passe-t-il par des mesures financières,
par un élargissement des responsabilités, par un accompagnement
au niveau juridique ou administratif ? Je pense que l'un des freins
aujourd'hui est effectivement la procédure ou les dérives de
procédures qui font qu'il y a peut-être un déficit de
recrutement.
M. Antoine Prost -
Pouvez-vous me dire Monsieur le
sénateur s'il y a un déficit de candidats ? Je ne le sais
pas...
M. le Président -
Oui...
M. Gérard Carle
- Oui.
M. Antoine Prost -
S'il y a un déficit de
candidats, je n'ai pas de réponse à votre question. Cela me
paraît un signe tout à fait majeur.
M. le Président -
On me dit qu'il y a plus de
500 postes vacants.
M. Jean Arthuis -
Monsieur le professeur, je voudrais
vous poser deux questions. Vous avez insisté sur l'importance de
l'équipe pédagogique et du management. Y a-t-il
compatibilité entre le centralisme de gestion que l'on nous a
décrit lors d'une précédente audition et cette exigence de
management et d'équipe ?
J'ai comme la plupart d'entre nous participé à des conseils
d'administration, j'ai toujours été frappé par une
espèce de fatalisme qu'exprimait le responsable d'établissement
par rapport à tel membre de l'équipe qui était
manifestement inapte, mais que l'on gardait malgré tout ; dans le cadre
de ce qui était une sorte de cogestion, on ne pouvait pas faire
autrement. Comment peut-on aller vers ce management et cette gestion
d'équipe que vous souhaitez ?
Ma deuxième interrogation porte sur les inspections et
l'évaluation. Quelle est votre appréciation, avez-vous le
sentiment que l'éducation nationale pratique des évaluations
objectives servant de référence pour mieux gérer la
carrière des uns et des autres ?
M. Antoine Prost -
Il est plus facile de répondre
à la seconde question, Monsieur le ministre, qu'à la
première. Parce que la réponse est manifestement négative.
Il n'y a pas de vraie évaluation. Mais c'est un problème qui
pourrait être soluble. Somme toute, les deux tiers des évaluations
sont inutiles. Il vaudrait mieux diminuer le nombre des évaluations et
quand on en fait une, la faire à fond, c'est-à-dire,
évaluer un professeur sur la totalité de ses activités et
y passer le temps nécessaire. Ce n'est pas en allant une heure voir
comment il fait classe, que vous pouvez régler ce problème. Il
faut voir les cahiers des élèves, les copies qu'il corrige, ce
que l'on pense de lui.
Je préférerais une ou deux évaluations dans les
carrières à des moments importants pour l'évolution de la
carrière, à cette sorte d'évaluation. Vous remarquerez que
je suis en cohérence avec ma réponse sur la pédagogie. Je
préfère ce qui est concentré et efficace, suffisamment
volumineux, qu'une sorte de saupoudrage, soit d'heures de cours, soit
d'évaluation.
Je pense également qu'il n'y a pas assez d'évaluations
collectives. De ce point de vue, lisez les rapports d'évaluation du
19ème siècle, j'ai le souvenir de rapports
d'évaluation manuscrits de Victor Duruy, sur le lycée
Ampère à Lyon. Il y avait 123 lycées en France, mais
combien y avait-il d'inspecteurs généraux ? 12 à
l'époque. Vous en avez 400, sans compter les IPR. Sérieusement,
on pourrait avoir des rapports synthétiques.
L'inspection générale de la vie scolaire le fait un peu. Mais le
rapport du 19ème siècle, est : " Le professeur de
première mérite les palmes académiques. Personne n'est
mort à l'infirmerie depuis deux ans. L'état d'hygiène est
très bon. Les dortoirs sont en ordre. L'intendant n'a commis aucune
malversation. Le professeur de mathématiques est remarquable ".
Vous avez tout ! Ils y passaient un certain temps.
On devrait essayer d'avoir les évaluations de l'établissement.
Quant à la première question, je crois qu'il y a eu suffisamment
de déconcentrations dans le système pour permettre une gestion
plus participative.
Le grand échec concret actuel de la plupart des établissements,
c'est le projet. Le projet est dans le texte de la loi de 1989, c'est une
notion qui a eu beaucoup de peine à pénétrer. En 1982 ou
1983, M. Savary a fait un colloque à Souillac sur le projet
d'établissement. Deux mille exemplaires d'une magnifique brochure bleue
ont été tirés pour publier des actes de ce colloque. Cela
a été pilonné sur ordre de maquignons qui craignaient que
cela ne déclenche la révolution dans les établissements.
M. Gérard Braun
- En reste-t-il quelques exemplaires
pour la commission ?
M. Antoine Prost -
Je n'ai que le mien, Monsieur le
sénateur, mais je pense que le ministère devrait en avoir
gardé un tout de même.
En 1982-1983, le projet sentait le souffre. En 1989, il est dans la loi.
Actuellement -c'est là qu'est la gestion bureaucratique- les inspections
académiques réclament les projets d'établissement pour le
15 février. Derrière, il y a l'évolution de moyens et
elles en ont besoin pour faire le budget.
Dès lors, le 15 février, les professeurs n'ont pas la
tête à préparer leur rentrée. Un projet
d'établissement doit être fait en mai-juin et doit porter sur la
manière dont on va commencer l'année et la façon
d'accueillir les élèves. Il est devenu une procédure
purement bureaucratique, un moyen d'obtenir des crédits ; c'est le
chef d'établissement qui rédige le projet dans le meilleur des
cas, avec un petit groupe de travail autour de lui. Mais ce projet qui
était un dispositif imaginé pour faciliter ce management
participatif, ne marche pas parce que l'on est dans une gestion bureaucratique.
Mme Hélène Luc -
Vous avez, Monsieur le
professeur, pris l'exemple du professeur de français, qui donnait
à l'enseignement sa véritable dimension humaniste. C'est
très important. Que pensez-vous que peut faire l'institution scolaire
pour permettre aux professeurs de français par exemple, de pouvoir
enseigner dans de bonnes conditions ? Lorsque les élèves
sont 38-40 par classe dans un lycée de banlieue, comment le professeur
peut-il faire quand il faut, dès le départ, au moins un quart
d'heure et parfois un peu plus, pour faire en sorte que la classe soit en
mesure de l'écouter ?
M. Antoine Prost -
Le problème des effectifs est
aussi celui des ajustements d'effectifs. D'abord, les effectifs ont beaucoup
diminué et sont encore appelés à diminuer du fait de la
démographie.
J'étais auprès de Michel Rocard en 1988. Le
lycée Gramont a refusé de faire la rentrée. J'ai
regardé les statistiques, personne n'avait prévu le coût. A
l'époque, 39 % des classes de second cycle comprenaient
35 élèves ou plus. Le Premier ministre s'est engagé
le 8 décembre 1988 à faire que dans un délai de
5 ans, il n'y ait pas de classes au-dessus de 35 élèves
et un syndicat enseignant a titré dans son éditorial de la
semaine suivante, qu'il avait pris l'engagement que toutes les classes auraient
35 élèves dans 5 ans. Ce qui montre que la
communication est parfois difficile.
Depuis, avec les recrutements qui ont été faits, si vous regardez
les statistiques, nous sommes tombés à des niveaux plus bas. Il
se peut que localement pour des raisons de taille des établissements,
nous ayons encore des classes surchargées, mais si vous faites la
moyenne ce n'est pas vraiment le problème.
En revanche, vous avez un problème de discipline qui ne se posait pas
avant, qui va même bientôt se poser dans les classes maternelles.
Des directrices d'école maternelle font déjà appel
à la police.
Je ne suis pas un partisan du discours sécuritaire. Je trouve le
discours sécuritaire très préoccupant, mais je dis que
quelque chose est en train de se casser depuis quelques années dans
notre société, qui ne relève pas de la thématique
de la crise économique et sociale, mais d'autre chose.
M. le Président -
Monsieur le professeur, merci. Vous avez
répondu à toutes les questions. Il y en a eu beaucoup. Nous
pourrions en poser encore beaucoup, mais nous sommes tenus par le
temps.
AUDITION DE M. MICHEL DELLACASAGRANDE,
DIRECTEUR DES
AFFAIRES FINANCIÈRES AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION
NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(16 DÉCEMBRE
1998)
M. le
Président
- Nous allons procéder à l'audition de
M. Michel Dellacasagrande, Directeur des affaires financières au
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie. Sans doute nous précisera-t-il quelle est exactement
l'étendue de ses responsabilités et quelles sont exactement ses
fonctions.
Je veux auparavant, et comme la loi m'y conduit, lui rappeler que la commission
devant laquelle il se trouve est une commission d'enquête
constituée par le Sénat, que cette commission d'enquête a
décidé la publicité de ces auditions, ce qui nous vaut le
plaisir d'accueillir les journalistes que je salue puisque je ne l'ai pas fait
tout à l'heure.
Bien entendu le compte rendu de cette audition comme des autres, paraîtra
dans le bulletin des commissions du Sénat, mais très
résumé.
Il paraîtra
in extenso
en annexe du rapport que la commission
d'enquête déposera lorsqu'elle l'aura adopté.
Monsieur le directeur, je dois vous rappeler que l'ordonnance du
17 novembre 1958 précise que toute personne dont une
commission d'enquête a jugé l'audition utile, est entendue sous
serment. Je vais donc vous faire prêter serment, après vous avoir
dit, que tout faux témoignage est passible des peines prévues au
code pénal.
Je vais donc vous demander de prêter serment, de dire la
vérité, toute la vérité, de lever la main droite et
de dire : "
Je le jure ".
M. Michel Dellacasagrande -
Je le jure.
M. le Président -
Merci Monsieur le directeur. Si vous le
voulez bien, en quelques mots, ouvrir cette audition, ensuite mes
collègues poseront des questions. Il vaut mieux que vous soyez bref,
j'ai observé que les échanges entre les collègues et les
personnes auditionnées étaient souvent très riches et
très utiles.
M. Michel Dellacasagrande -
La direction des affaires
financières du ministère de l'éducation nationale est
chargée, outre des problèmes budgétaires concernant le
ministère, de la coordination statutaire, de l'enseignement privé
et a rattaché à cette direction un service des pensions, service
de l'Administration centrale délocalisé à la Baule.
S'agissant plus précisément du domaine de la commission
d'enquête, la direction des affaires financières a un double
rôle en ce qui concerne la gestion des personnels et la gestion des
emplois.
Le premier est de contrôler l'adéquation entre les effectifs
budgétaires inscrits en loi de finances et les effectifs recrutés.
Son deuxième rôle est de faire en sorte que les crédits
inscrits en loi de finances pour assurer la rémunération des
personnels, soient convenablement calibrés.
S'agissant de ce rôle de contrôle de l'adéquation entre les
emplois budgétaires et les emplois réellement implantés
sur le terrain, la direction des affaires financières intervient en deux
temps.
Dans un premier temps, nous fixons l'enveloppe que chaque direction
gestionnaire d'emplois peut déléguer dans les services
académiques.
Les directions gestionnaires d'emplois sont :
- la Desco pour les personnels enseignants, premier et second degré.
- la direction de l'administration qui gère les emplois Atos
- la direction des personnels administratifs techniques et d'encadrement, qui
gère le personnel d'inspection.
Les enveloppes que nous notifions à chacune de ces directions sont
calculées à partir des emplois inscrits en loi de finances,
celles-ci étant notifiées chapitre par chapitre.
En règle générale, ces enveloppes correspondent aux
emplois budgétaires qui figurent dans la loi de finances. Je dis "en
règle générale" car quelquefois, ces enveloppes peuvent
être augmentées, dès son nombre autorisé, par
décision gouvernementale et quelquefois diminuées par les emplois
gagés ou les emplois gelés. Mais dans la plupart des cas, la
différence entre la dotation budgétaire et la dotation que nous
autorisons est faible.
Pour 1998, 350 surnombres sont autorisés sur le premier
degré et 1130 pour le second degré. Pour les personnels
Atos, il y a des différences entre les emplois (personnel Atos :
personnel administratif, technique, ouvriers de service et de santé,
c'est-à-dire l'ensemble des personnels non enseignants de
l'éducation nationale).
Dans un premier temps, la direction des affaires financières a
fixé l'enveloppe que chaque direction peut implanter sur le terrain.
Dans un second temps, nous vérifions la consommation réelle des
emplois sur le terrain, chapitre par chapitre, à l'aide d'une
application informatique : le contrôle national des emplois dont je vous
communiquerai tout à l'heure les résultats chapitre par chapitre,
corps par corps.
Quelle conclusion peut-on tirer de ce contrôle des emplois ?
S'agissant des personnels Atos, j'ai pris l'étude sur les six
dernières années, la fiabilité que nous avons sur le
résultat du contrôle national des emplois étant
limitée pour les années antérieures où tout le
travail était fait manuellement.
Les emplois Atos sont inscrits sur deux chapitres : 31-9 où il y a
126 000 emplois budgétaires et chapitre 36-60 où il y a un
peu plus de 33000 emplois budgétaires.
Les emplois consommés sur le terrain ont toujours été en
deçà des emplois inscrits en loi de finances. La seule exception
concerne l'année 1993-1994 avec un surnombre de 22 emplois sur le
chapitre 31-90, largement compensé par une sous-consommation de
200 emplois sur le chapitre 36-60.
S'agissant des personnels du premier degré -c'est-à-dire les
personnels dont les emplois figurent au chapitre 31-92 à raison de
321 000 emplois-, nous avons toujours respecté l'enveloppe,
sauf pendant l'année scolaire 1997-1998, avec un surnombre de
353 emplois.
Les raisons de ce surnombre sont dues essentiellement à la suppression
au budget 1997 de 2900 emplois dont certains certes, étaient
des emplois de stagiaires, donc en principe sans effet sur le terrain, mais
d'autres des emplois d'instituteurs dont 500 ont été
supprimés.
Il est vrai que l'on a eu des difficultés à faire cette
suppression sur le terrain. Mais si vous le souhaitez, j'entrerai dans le
détail tout à l'heure.
S'agissant des enseignants du deuxième degré, la situation est
plus complexe et plus problématique.
Pour les personnels de second degré dont les emplois sont inscrits au
chapitre 31-93 : 458 000 emplois budgétaires couvrent la
totalité des enseignants du second degré (les personnels de
direction, les personnels d'éducation, les personnels d'orientation,
ainsi que 38000 maîtres d'internat et surveillants d'externat).
Sur ce chapitre, nous avons eu des surnombres par rapport aux emplois
budgétaires au cours de l'année scolaire 1994-1995 : 2738 ; au
cours de l'année scolaire 1995-1996 : 4754 et au cours de l'année
scolaire 1996-1997 : 9000.
Je ne vous parlerai par la suite que de la situation au cours de l'année
scolaire 1997-1998, car un changement de nomenclature rend les comparaisons
difficiles.
Pourquoi ces surnombres ?
M. le Président -
Puis-je vous demander Monsieur le
directeur ce qu'est un surnombre ?
M. Michel Dellacasagrande -
Nous avons un nombre de personnes
sur le terrain, payées en équivalent temps plein. Tous les
chiffres que je vous donne, sauf précision contraire de ma part sont des
chiffres en équivalent temps plein. Donc, sur le terrain, un nombre de
personnes supérieur au nombre d'emplois inscrits en loi de finances.
Comment peut-on expliquer ces surnombres et leur nature ?
Il faut d'abord signaler qu'il s'agissait de surnombre de
maîtres-auxiliaires. Sur le chapitre 31-93 dont nous parlons, nous
recrutons essentiellement des titulaires, mais lorsque des emplois de
titulaires sont vacants, nous recrutons des maîtres-auxiliaires.
S'agissant des titulaires, nous restions dans la limite des emplois
budgétaires. S'agissant des maîtres-auxiliaires, nous
étions largement au-delà, d'où la raison de ces surnombres.
Je rappelle qu'il n'y a pas d'emploi budgétaire de
maître-auxiliaire, mais celui-ci est recruté sur un emploi
titulaire vacant.
Les explications à ces surnombres sont nombreuses.
La première explication est le nombre beaucoup trop élevé
de postes mis au concours de recrutement. Au début des
années 1990, 33 000 postes étaient mis au concours
de recrutement des enseignants. Ceci dépassant les besoins.
La diminution opérée à partir des concours de la session
de 1996, est en moyenne de 10 % par an. Si bien qu'en 1999, 21 1450
postes sont mis au concours de recrutement d'enseignant, nous aurons donc une
baisse de 35 % par rapport au nombre de postes ouverts au concours en 1995.
Le premier problème est donc celui du calibrage des concours trop
élevé.
Le deuxième problème est l'amélioration du taux de
rendement des concours. En 1991, le taux de rendement des concours,
était de l'ordre de 62 %. A la dernière session, le taux de
rendement était de 87 %.
Ce qui veut dire qu'en 1991, nous recrutions moins des deux tiers des
postes mis au concours. Nous sommes à 96 % en session 1998, il
est clair que plus cela ira plus nous nous approcherons des100 %.
M. le Président -
Ce n'est évidemment pas le taux de
réussite au concours. C'est le taux de rendement. Cela signifie que
c'est le taux qui est atteint pour promouvoir les postes mis au concours ?
Cela ne veut pas dire que 87 % des personnes candidates réussissent
au concours d'agrégation ou de CAPES ?
M. Michel Dellacasagrande -
Si nous mettions
100 000 postes aux concours, nous aurions
87 000 réussites. L'évolution de ces taux de rendement
a été mal anticipée par l'administration.
Le troisième problème est lié à la
répartition des postes mis au concours entre les disciplines.
Il est clair que l'on a continué à recruter dans certaines
disciplines qui pourtant tendaient à devenir excédentaires.
Les disciplines excédentaires dans lesquelles nous avons plus
d'enseignants que de besoins recensés, sont essentiellement l'histoire
géographie, les sciences physique, les sciences économiques et
sociales, et d'autres disciplines.
Les disciplines déficitaires sont principalement l'anglais, sciences et
vie de la terre, l'espagnol, et un certain nombre de disciplines
professionnelles.
Le quatrième problème est la dilution des responsabilités
du chapitre en cause. Sur le chapitre 31-93, certaines décisions sont
prises par la centrale et d'autres par les rectorats. Les décisions
prises par la centrale concernent le recrutement et l'affectation des
personnels titulaires. Les décisions prises par les rectorats concernent
le recrutement des maîtres-auxiliaires
Cette dissolution des responsabilités a conduit la centrale et les
rectorats à se rejeter la responsabilité de la situation des
surnombres. Les rectorats estimant que la mauvaise adaptation des postes par
rapport aux besoins disciplinaires les obligeait à recruter dans
certaines disciplines des maîtres-auxiliaires. Nous augmentions le nombre
de titulaires alors que dans le même temps, nous continuions à
avoir besoin de maîtres-auxiliaires.
Voilà quelle était la situation sur les précédentes
années scolaires. Au cours de l'année scolaire 1997-1998, il y a
eu des changements de nomenclatures budgétaires importants puisqu'il a
été décidé que tous les personnels titulaires
seraient recrutés sur le 31-93, mais que par contre, les
maîtres-auxiliaires seraient recrutés sur un chapitre qui existait
déjà, mais uniquement ceux chargés du remplacement. Tous
les maîtres-auxiliaires sont, depuis la rentrée 1997
recrutés sur le chapitre 31-97, la mesure ayant été
officialisée en loi de finances 1998.
La situation à la rentrée 1997 était la suivante :
sur le chapitre 31-93, il y avait une sous-consommation puisque
3000 emplois étaient vacants. Par contre, sur le chapitre 31-97,
nous avons recruté à la rentrée 1997,
26000 auxiliaires équivalent temps plein.
Voilà le travail fait à l'administration centrale et notamment
par la direction des affaires financières, concernant le contrôle
des emplois et le contrôle de leur consommation budgétaire.
La question que vous pourriez me poser et que j'anticipe : quelle est la
fiabilité de vos contrôles ?
La fiabilité de nos contrôles sur les personnels du second
degré et sur les personnels Atos est grande, puisque nous travaillons
à partir d'extraction dans les bases de données
académiques. Je ne vois pas que l'on puisse ne pas faire entrer
quelqu'un dans les bases de données académiques. D'autant que
celles-ci génèrent la paye.
Elle est moins grande s'agissant du premier degré puisque les
enquêtes sont faites de façon manuelle. Il n'y a pas pour le
premier degré d'application nationale.
Ceci dit, une autre enquête nous permet de faire des recoupements et
témoigne de la fiabilité de celles que nous effectuons.
Nous faisons annuellement également une enquête à partir
des fichiers de paye, c'est-à-dire des personnes réellement
payées. Cette enquête, appelée "masse indiciaire", nous
permet de connaître les effectifs réellement payés.
Les résultats de cette enquête et les résultats de
l'enquête faite par le biais du contrôle national des emplois se
recoupent tout à fait. En général, l'enquête masse
indiciaire nous donne un peu moins de personnes, tout simplement parce qu'elles
ne rentrent pas ou rentrent tardivement dans le système de paye :
ce sont les personnes nouvellement recrutées et payées par des
avances qui ne rentrent pas immédiatement.
Cette enquête de masse indiciaire nous permet également de
connaître l'indice moyen auquel nous rémunérons les
personnels. Indice moyen grade par grade.
J'en viens à la deuxième fonction essentielle de la D.A.F qui est
de faire en sorte que les crédits inscrits en loi de finances pour
assurer la rémunération des personnels, soient correctement
calibrés, et là, l'enjeu est d'importance.
Le budget de l'enseignement scolaire est essentiellement un budget de
rémunération du personnel. Sur un budget de 286 MdF en 1998,
96 % était consacré à la rémunération
des personnels. Cela veut dire qu'une erreur dans nos prévisions
à 1 %, générerait un besoin de financement en fin
d'année de l'ordre de 2,5 MdF.
M. Jacques Valade
- Cela peut être 2,5 MdF en
moins ?
M. Michel Delllacasagrande
- La prévision est quelque
fois délicate. Il y a certes des effectifs budgétaires, nous
devons aussi prendre en compte les effectifs réels. Nous devrons prendre
en compte le coût des mesures catégorielles et le coût
réel n'est pas nécessairement égal aux coûts
budgétaires. Nous devons prendre en compte le coût du GVT naturel
dans tous les corps de fonctionnaires.
De ce point de vue, et au cours des trois dernières années, nous
n'avons pas eu besoin d'avoir recours à des crédits
supplémentaires. Nous avons même terminé en
gestion 1998 avec un excédent d'une centaine de millions. En
général, les problèmes se règlent en loi de
finances rectificative, lorsque l'on connaît les résultats de la
paye du mois de décembre, au tout début du mois.
En 1995 et en 1994, il a fallu mettre en loi de finances rectificative
400 MF pour assurer la paye des personnels. Certaines années, il a
fallu un peu plus.
Aujourd'hui, compte tenu des éléments d'information que nous
avons (enquête masse indiciaire, enquête contrôle des
emplois, analyse plus fiable du GVT), nous connaissons le coût de nos
dépenses de personnel. Nous pouvons prévoir à quelques
centaines de millions près le coût réel de nos
dépenses de personnel.
M. le Président -
Merci Monsieur le directeur.
M. Jean Arthuis -
Monsieur le directeur, merci pour cette
communication. Je voudrais vous demander de me pardonner, j'étais absent
au début de l'audition, peut-être certaines questions n'auront pas
d'objet compte tenu de ce que vous avez pu dire en mon absence.
Pourriez-vous mettre à notre disposition maintenant un état des
effectifs aujourd'hui, premier degré, second degré, pour toutes
les catégories de personnel, partant de l'hypothèse que vous
êtes en mesure en temps réel de connaître les effectifs
réels des emplois à l'éducation nationale ?
Pouvez-vous nous préciser ensuite ce que font ces agents (si certains se
livrent à d'autres tâches que celle d'enseigner, les mises
à disposition) et êtes-vous en mesure de garantir la
fiabilité de ces états ?
N'y a-t-il pas des détachements, décidés par des
rectorats, des inspections académiques, qui échapperaient
à votre contrôle et pour cela quelles sont les diligences de
contrôle que vos services mettent en oeuvre pour veiller à la
fiabilité de l'information ?
Quels sont les moyens dont vous disposez et quelle opinion avez-vous sur la
fiabilité de ces méthodes de contrôle ?
M. Michel Dellacasagrande -
Sur le premier point, je ne suis
pas en mesure de vous donner aujourd'hui la situation sur le terrain des
effectifs sur les différents chapitres. Pourquoi ? A cela plusieurs
raisons.
D'abord, l'enquête que fait l'administration centrale par le biais du
contrôle national des emplois est effectivement une enquête
annuelle que nous faisons à une date déterminée, le
15 décembre pour le premier degré et le 15 janvier pour
le second degré et les Atos.
Pourquoi avons-nous retenu cette date ? Parce qu'à ces
époques-là, nous savons que la situation est stabilisée,
alors que lors du premier trimestre elle ne l'est pas nécessairement.
Par ailleurs, comme nous voulons récolter les résultats des deux
enquêtes, contrôle national des emplois et enquêtes masse
indiciaire, traditionnellement faites en janvier, nous avons retenu ces
dates-là.
Ceci dit, il est clair qu'aujourd'hui, nos systèmes de gestion,
notamment sur le second degré, permettent aux recteurs de
connaître en temps réel la situation des personnels qu'ils
recrutent ou en fonction.
M. Jean Arthuis -
A quel endroit les bulletins de paye
sont-ils confectionnés ?
Monsieur Michel Dellacasagrande
- Par les paieries dans chaque
académie. Le ressort des paieries étant le même que celui
des rectorats, à un cas près.
M. Jean Arthuis -
Cette information remonte-t-elle en temps
réel à la centrale ?
Monsieur Michel Dellacasagrande
- Ce qui remonte à la
centrale avec un décalage d'un mois, ce ne sont pas les bulletins de
salaire, mais le résultat de la paye d'un mois donné.
Par exemple, nous connaîtrons les résultats de la paye du mois
de janvier, à partir des remontées faites par les TPG
à la comptabilité publique, vers le mois de mars. Nous
connaîtrons la dépense en francs, nous ne saurons pas à
combien de personnels payés cela correspond.
M. Jean Arthuis -
C'est bien cela notre difficulté.
Nous avons besoin d'une photographie de la situation. C'est l'un des aspects
essentiels de notre mission. Nous voulons savoir combien il y a de personnes.
J'ai découvert récemment lors du conflit à France Inter
que l'on nous avait caché des effectifs pendant des années. Les
animateurs de France Inter étaient payés en C.D.D, bel exemple
d'encouragement à la pérennité de l'emploi, et ainsi la
direction de France Inter considérait qu'ils n'existaient pas. Le
président pouvait en bonne conscience nous dire que ses effectifs
étaient stables.
Y a-t-il des procédés de cette nature à votre
connaissance ? Y a-t-il des emplois que vous ne connaissez pas ?
Pouvez-vous employer une personne pendant un an ou deux et finalement, ne pas
en parler ?
M. Michel Dellacasagrande
- D'une manière ou d'une
autre, je pense que nous connaissons tous les personnels employés. Le
problème est qu'à la Direction des affaires financières,
nous ne raisonnons pas en personnes physiques, mais en équivalant temps
plein.
Pour nous, qu'une personne ait été recrutée 12 mois
ou que 6 personnes aient été recrutées 2 mois,
c'est exactement la même chose
M. Jean Arthuis -
Par exemple, les heures
supplémentaires, pour vous, c'est un morceau de temps plein ?
M. Michel Dellacasagrande
- Pour nous, les heures
supplémentaires ne sont pas décomptées dans les
équivalents temps plein dont je vous parle.
M. le Président -
Il existait autrefois des groupements
d'heures supplémentaires.
M. Michel Dellacasagrande
- Cela existe toujours, mais en
situation de gestion sur le terrain, dans la dotation horaire globalisé.
Mais budgétairement, les heures supplémentaires sont sur un
chapitre particulier 31 95. Nous ne contrôlons que sur ce chapitre.
Les académies ne dépensent pas plus que la dotation et de ce
point de vue, effectivement les académies se conforment à notre
demande.
Il est clair que nous n'avons pas les moyens depuis l'administration centrale
de contrôler la manière dont sont réparties ces heures
supplémentaires et si elles correspondent à des heures
réellement faites.
Nous faisons un minimum de confiance aux chefs d'établissement
chargés de remplir les états de services des enseignants.
M. le Président -
Bien entendu, Monsieur le directeur, les
rapporteurs seront amenés à regarder avec vous comment
fonctionnent les dispositifs de contrôle de manière
extrêmement précise, beaucoup plus précise que nous ne
pouvons le faire ici au cours de cette audition.
M. Michel Dellacasagrande
- A ce propos, je vous remettrai un
document qui explicite ce qu'est le contrôle national des emplois, au
point de vue technique.
M. Gérard Braun -
J'ai été très
intéressé par ce que vous nous avez dit. J'ai quelques questions
précises à vous poser.
Suite aux lois de décentralisation, quelle a été
l'incidence au niveau du ministère de l'éducation nationale et
quelle a été exactement la diminution des postes des personnels
chargés de la gestion des collèges transférés au
département et ceux chargés de la gestion des lycées
transférés aux régions ?
Auparavant, cette gestion relevait du ministère. Y a-t-il eu vraiment
une incidence, ces postes ont-ils été supprimés et que
sont-ils devenus ?
Vous avez répondu au problème des emplois budgétaires.
J'ai l'impression que l'éducation nationale est le seul employeur de
France, sinon du monde, à ne pas connaître le nombre de ses
salariés. C'est vraiment étonnant. C'est une véritable
interrogation.
Vous avez répondu par avance à la connaissance exacte que vous
avez du nombre des personnels à temps plein et partiel.
Quel est le pourcentage de titulaires au titre de l'éducation nationale
et le pourcentage de contractuels ?
Quel est, au sein de l'éducation nationale, l'évolution du
GVT ? Est-il identique à la moyenne de la fonction publique, soit
plus 1,3 %, ou au contraire, son évolution est-elle
différente ?
Dernier point concernant l'avenir. On annonce que d'ici l'horizon 2005 ou 2008,
40 % des personnels de l'éducation nationale vont partir en
retraite. Comment vous préparez-vous à cette évolution,
presque révolution, car c'est impensable en quelques années.
Comment envisagez-vous le renouvellement de ces personnels ? Cela ne peut
pas se faire dans un laps de temps si court. Y a-t-il une préparation au
concours ?
Je ne parlerai pas des véritables problèmes de retraite des
personnels de l'éducation nationale qui rejoint celui des personnels de
la fonction publique.
M. Michel Dellacasagrande -
Sur le premier point, l'effet des
lois de décentralisation sur le budget de l'éducation nationale,
je ne saurais pas vous répondre, c'est un problème que je
vérifierai, je n'étais pas encore à la Direction des
affaires financières à l'époque.
M. Gérard Braun -
Des personnels s'occupaient des
collèges et des lycées !
M. Michel Dellacasagrande -
La répartition entre les
personnels à temps plein et les personnels à temps partiel ?
Nous connaissons cette information, nous pourrons vous la remettre. Nous la
connaissons notamment à partir de l'enquête masse indiciaire dont
je vous parlais. Cela figure dans les bases de données. Cette
information pourra vous être communiquée. Je laisserai un certain
nombre de documents, notamment les résultats de l'enquête masse
indiciaire. Vous pourrez vous faire une idée de l'utilisation du temps
partiel à l'éducation nationale. Nous connaissons aussi le
pourcentage de titulaires et de contractuels. Cela figure dans les documents
que je vais vous remettre.
S'agissant des personnels Atos, sur 160000 personnes, les contractuels
rémunérés sur les emplois vacants de titulaires, oscillent
selon les années entre 11 000-12 000 au maximum. Le nombre de
personnels maîtres auxiliaires dans l'enseignement du second
degré, à la rentrée 1997 étaient de 26000,
à celle de 1998, 21 000.
Sur le premier degré, le nombre de personnel non titulaire est
très faible. Le nombre de suppléants est de 700.
Est-ce que le GVT est différent dans les corps enseignants par rapport
aux autres corps ? Vous avancez un chiffre pour l'ensemble de la fonction
publique de 1,3 %. J'avais un chiffre un peu plus bas de l'ordre de
0, 9 à 1 %. Peu importe. En tout cas, il n'est pas
fondamentalement différent de celui des autres corps de fonctions.
Les GVT des corps sont assez différents selon les catégories.
L'essentiel des enseignants appartient à la catégorie A. Il est
vrai que le GVT des corps de catégorie A. est plutôt plus
élevé que celui des corps de catégorie B ou C. Nous sommes
à 1,1- 1,2. C'est-à-dire tout à fait dans la norme.
Quant à la question concernant les départs à la retraite,
si le problème s'était posé dans le courant des
années 80, je vous aurais dit que nous aurions un souci.
Quelquefois, le nombre de candidats était inférieur à
celui des postes ouverts au concours. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour
lesquelles les postes mis au concours avaient été
sur-calibrés, pour attirer les gens. Aujourd'hui, le nombre de candidats
au concours est assez élevé pour que nous pensions à juste
titre que nous saurons remplacer les enseignants qui partent à la
retraite.
On parle effectivement de 40 %, c'est une évolution qui se fait
lentement. Lorsque l'on regarde les prévisions des départs
à la retraite, sur le premier degré, par exemple :
aujourd'hui il y a 11 500 départs à la retraite chaque
année. Il y en aura 13 000 d'ici 2002.
C'est une évolution progressive. Encore une fois, compte tenu du nombre
de candidats se présentant au concours des professeurs des
écoles, ce concours ayant un rendement élevé puisque tous
les postes sont pourvus, il n'y a pas de raisons d'être
préoccupés quant au remplacement des enseignants du premier
degré.
Pour le second degré l'évolution est plus brutale. Nous avons
10 000 enseignants qui partent à la retraite chaque
année, et d'ici 2003, il y en aura 15 000.
Je répète que le nombre de postes mis au concours et de candidats
se présentant, permettra de pourvoir les vacances d'emplois.
Cela m'est difficile de laisser passer l'affirmation qui consiste à dire
que l'éducation nationale est le seul employeur à ne pas
connaître ses effectifs.
M. Gérard Braun -
Je vous dis cela parce que je suis
peut-être le seul membre de cette commission à être ni
fonctionnaire, ni membre de l'éducation nationale.
M. Michel Dellacasagrande -
L'éducation nationale,
c'est 1,2 million de personnes. Il est vrai qu'il est difficile de
connaître à tout moment, à l'unité près,
l'effectif recruté et employé. Ceci dit, aujourd'hui nos
systèmes d'information, notamment sur les Atos et sur le second
degré qui est la partie la plus délicate, permettent au recteur
de connaître en temps réel la situation de ses effectifs. Je ne
conteste pas qu'il y ait un problème de pilotage à partir de nos
systèmes d'information.
Toutefois, nous ne demandons pas aux recteurs de nous donner tous les soirs
cette situation des effectifs, nous ne saurions qu'en faire. Ce serait un
énorme travail. Nous avons une bonne connaissance de la situation des
effectifs, compte tenu de la masse de personnel qu'il s'agit de gérer.
M. Jean-Claude Carle -
Je ne suis pas membre de cette
honorable et respectable maison, j'ai donc tout à apprendre et je
voudrais revenir sur les effectifs votés ou inscrits dans la loi de
finances et les effectifs affectés.
1) Comment sont payés ou sur quelles lignes sont inscrits ces effectifs
qui n'étaient pas inscrits dans la loi de finances ?
2) Vous nous avez dit qu'en 1998, il y a eu un changement de nomenclature.
Pourrait-on avoir la même comparaison en 1997, 1998, comme si les
nomenclatures n'avaient pas changé ? Est-il possible de
l'avoir ?
M. le Président -
Je voudrais compléter la question
de M. Carle. Pourquoi ce changement de nomenclature ? Pourquoi
avez-vous fait glisser les maîtres auxiliaires, puisque c'est de cela
qu'il s'agit, du chapitre 31-93 au 31-97 ? Quelle était
l'intention ?
M. Michel Dellacasagrande -
Quelle était
l'intention ? Dans mon exposé liminaire, je vous ai dit que de mon
point de vue, une des causes des surnombres sur le chapitre 31-93 était
la dilution des responsabilités.
L'administration centrale recrute et affecte les titulaires ; les recteurs
recrutent et affectent les maîtres auxiliaires. Les faits sont clairs.
C'est l'administration centrale qui prend les décisions au titre du
chapitre 31-93 et les recteurs au titre du chapitre 31-97, puisque ce sont eux
qui recrutent les maîtres auxiliaires. Chacun est responsable de la
gestion de son chapitre.
Comment fait-on pour payer des gens en surnombre budgétaire ? Ce
n'est que pure technique budgétaire.
Comment sont calibrés les chapitres de rémunération ?
Certes, il y a un coût moyen budgétaire de l'emploi. Ce coût
moyen est calculé à partir de l'indice moyen du corps
concerné. Tout le monde sait que ce coût budgétaire ne
représente pas nécessairement le coût réel.
Il y a donc sur tous les chapitres de rémunération, à
l'éducation nationale comme dans tous les ministères, une ligne
que l'on appelle " ligne souple " (qui se nomme en fait " ligne
d'ajustement ") pour tenir compte de la situation réelle des
personnels. Elle permet d'ajouter de l'argent, d'en retirer, au titre du GVT
pour tenir compte de la situation réelle des effectifs. Les
crédits budgétaires sur ces trois dernières années
ont toujours été suffisants pour rémunérer les
personnels, sans que le gouvernement doive ajouter des crédits en loi de
finances rectificatives.
Peut-on faire la comparaison, compte tenu du changement de nomenclature, entre
les résultats de la rentrée scolaire 96-97 et celle de
97-98 ? Ce serait tout à fait possible si le chapitre 31-97 n'avait
pas existé, s'il n'y avait pas déjà eu des maîtres
auxiliaires sur le chapitre 31-97.
Il est possible de voir combien il y avait d'enseignants au cours de ces deux
années scolaires. La comparaison est délicate car des
maîtres auxiliaires étaient déjà sur le chapitre
31-97 chargés uniquement de remplacements.
M. Jean Bernadaux -
Pouvez-vous me préciser ce que sont
les emplois gagés et ce que sont les emplois gelés ?
M. Michel Dellacasagrande -
Les emplois gagés ?
C'est-à-dire les surnombres autorisés ? Dans mon esprit,
c'est la même chose. Je reviens sur la notion d'emploi, ce que nous
appelons les emplois utilisables, ce sont les emplois inscrits en loi de
finances.
Chaque année, des autorisations de surnombre sont décidées
par le gouvernement. En général, cela vient en plus. Puis, il y a
des gages de gestion que nous pouvons faire de notre propre initiative ou que
nous pouvons faire pour gager des surnombres autorisés par le
gouvernement et qui viennent eux, en moins.
M. Jean Arthuis -
Monsieur le directeur, est-ce bien votre
service qui peut donner une photographie de la situation des effectifs ?
Quel est, au sein du ministère de l'éducation nationale, le
service qui peut nous donner la photographie la plus récente ?
Peut-être est-ce au 1er janvier 1998, peu importe, mais nous
avons besoin pour les travaux de la commission d'enquête de prendre une
photographie globale. Qui détient ce document ?
M. Michel Dellacasagrande -
La Direction des affaires
financières peut vous donner une situation telle qu'elle résulte
du contrôle national des emplois, puisque c'est notre
responsabilité.
M. Jean Arthuis -
Lorsqu'un inspecteur du travail se
présente dans une entreprise, il demande le registre du personnel.
Qu'est ce qui correspond au registre du personnel à l'éducation
nationale ?
M. Michel Dellacasagrande -
Les bases de données
académiques.
M. Jean Arthuis -
Comment allons-nous pouvoir prendre cette
photographie, devrons-nous nous adresser à chaque académie ?
M. Michel Dellacasagrande
- Je vais vous remettre une
série de documents qui sont des extractions des bases de données
académiques, qui vous donneront la répartition des enseignants
par type d'établissement, par mission et les informations sur les
décharges de services, sur les décharges syndicales.
Une série de données viennent d'être mises en place dans
nos systèmes d'information.
Dans ce système d'information de l'éducation nationale, le module
"nouvelle gestion des moyens" vient d'être créé. Nous
sommes en train d'en exploiter les premiers résultats. Je vais vous
donner ce document. Je suis averti de ces problèmes, mais des personnes
à l'éducation nationale sont capables d'interpréter ces
documents et de vous donner tous les éléments d'information.
M. Jean Arthuis -
Avez-vous un état des surnombres
année par année ?
M. Michel Dellacasagrande -
Sur les surnombres
autorisés, nous avons un état année par année, de
même que sur les non autorisés. Je vous ai donné les
résultats pour les six dernières années, je vous
laisserai le document qui les récapitule.
M. Jean Arthuis -
Cette notion de taux de rendement est
intéressante. Cela veut dire que l'on a ouvert les concours aux
reçus/collés ?
M. Michel Dellacasagrande -
Non. En fait, tous les postes mis
au concours n'étaient pas pourvus car les jurys, souverains, ont
décidé de ne pas recevoir sur concours parce que le niveau
n'était pas assez bon.
M. le Président -
Cela veut dire que 62 % des postes
mis aux concours sont pourvus par le concours considéré.
M. Jean Arthuis -
Pourrait-on avoir un état mettant en
relation la masse salariale, les charges sociales, et les retraites ? Et
votre projection des retraites par rapport aux salaires, sur 10 et 15 ans.
Actuellement, M. Charpin, au commissariat général du plan,
fait une prospective. Il serait intéressant que l'on sache de quel poids
vont peser dans quelques années les retraites à
l'éducation nationale.
Enfin, je voudrais avoir l'assurance que nous pourrons avoir cette photographie
des effectifs aussi bien pour l'administration centrale que pour les rectorats,
que pour les inspections académiques.
Avez-vous l'information concernant les détachements, les agents qui font
autre chose (c'est-à-dire mise à disposition, syndicats de
mutuelles, d'associations diverses, etc) ?
M. Michel Dellacasagrande -
Elle figure dans les documents que
je vous ai remis. Sur les décharges syndicales, les chiffres figurent.
M. le Président -
Nous allons regarder attentivement le
document. Très vraisemblablement nous aurons besoin d'informations
complémentaires. S'il le faut, nous vous ferons revenir ou nous irons
vous voir pour savoir de manière très concrète comment
cela fonctionne.
M. Michel Dellacasagrande -
A propos de la question concernant
les pensions, c'est effectivement un point important. Il est vrai que sur les
dix dernières années, le coût des pensions -tel qu'il
figure sur le budget de l'éducation nationale- a doublé. Il est
passé de 29 milliards de francs en 1990 à 58 milliards
de francs en 1999 (inscrit au projet de loi de finances 1999). Entre 1998 et
1999, c'est plus 4 milliards de francs qui ont été inscrits
dans le budget de l'éducation nationale pour les pensions.
Quant à l'étude de l'évolution, c'est un point sur lequel
vous devrez interroger mon collègue, directeur du budget.
M. le Président -
Nous le recevrons.
Nous allons nous en tenir là pour aujourd'hui. Nous vous remercions des
informations que vous nous avez apportées. Sans doute nous
reverrons-nous.
Nous recevons maintenant Mme Marie-France MORAUX, votre
collègue, directeur des personnels et je vais demander à
M. Jacques LEGENDRE, Vice-Président de cette commission de
bien vouloir me suppléer, car j'ai une obligation à laquelle je
ne peux absolument pas me soustraire.
AUDITION DE MME MARIE-FRANCE MORAUX,
DIRECTEUR DES
PERSONNELS ENSEIGNANTS
AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION
NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA
TECHNOLOGIE
(16 DÉCEMBRE 1998)
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, vice-président
M.
Jacques Legendre, Président -
Nous allons auditionner
Mme Marie-France Moraux, directeur des personnels enseignants au
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie. Je vous remercie Madame d'être présente aujourd'hui.
Le président Gouteyron appelé par une obligation
impérative m'a demandé de bien vouloir le suppléer et
regrette de ne pas pouvoir vous entendre personnellement.
Je vais vous demander Madame, ainsi que le prévoit le dernier
alinéa de l'article 6 de l'ordonnance 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires, de prêter serment, de dire toute la vérité,
rien que la vérité, de lever la main droite et de dire :
" Je le jure ".
Mme MarieFrance-Moraux
- Je le jure.
M. le Président -
Nous allons vous laisser la parole pour un
exposé introductif à la suite duquel les commissaires vous
poseront les questions qu'ils souhaitent.
Mme Marie-France Moraux -
A la lecture du rapport que vous
avez élaboré, à la base de la constitution de votre
commission et compte tenu des responsabilités et des personnes que vous
avez auditionnées au ministère sur les recrutements, il m'a
semblé que je pouvais vous apporter le maximum d'informations.
Je vous propose de vous parler de cela, ainsi que de vous dire quelques mots
sur la mise en place de la déconcentration du mouvement des personnels
du second degré, en liaison avec cette politique du recrutement afin de
voir avec vous dans quelle mesure cela pourrait permettre de mieux ajuster les
besoins des établissements, des académies, puis des effectifs par
discipline d'enseignants du second degré.
Tout d'abord, quelques éclairages sur la politique des recrutements dont
vous dites que la programmation est peu satisfaisante. Comment
faisons-nous ?
A priori c'est assez simple, même si la procédure est
sophistiquée -j'aggrave peut-être le cas de l'éducation
nationale en disant cela-, puisque depuis des années nous utilisons des
modèles de recrutement.
Ces modèles de recrutement prennent en compte les évolutions des
effectifs et une analyse des besoins.
Les besoins sont les suivants :
- l'évolution des horaires d'enseignement par niveau, collège,
lycée,
- l'évolution des effectifs d'élèves,
- les structures cible que nous nous fixons, c'est-à-dire, taille des
classes des groupes etc...
- les besoins de remplacement.
Nous mettrons en face le potentiel d'enseignants que nous prévoyons
d'avoir (de même que les titulaires) en prenant en compte toutes les
sorties de corps (retraite et affectations dans d'autres fonctions et d'autres
lieux).
Et puisque nous sommes décidés à ne plus recruter de
maîtres auxiliaires mais que néanmoins nous avons un
" stock " de maîtres auxiliaires ayant droit au réemploi
chaque année, nous prenons en compte ce potentiel de personnel
non-titulaire.
Lorsque cela est fait, on pourrait penser en effet que tout va tomber juste,
mais il est clair que quelques incertitudes demeurent dans cette programmation.
Quelques exemples :
La prévision la plus difficile concerne les horaires disciplinaires.
Pour vous permettre d'estimer le phénomène, une heure de plus ou
de moins en collège, dans une discipline générale,
représente environ 1 500 emplois.
Quand d'une année sur l'autre, on décide d'ajouter une heure de
physique en cinquième, théoriquement cela coûte
1500 emplois physiques. Or, nous recrutons par an environ 600 nouveaux
titulaires en physique.
On voit le décalage. Si l'on voulait ajuster presque
immédiatement, il faudrait d'un coup doubler les recrutements. Ceci
n'est peut-être pas tellement sage. Dans ce sens, l'on se dit que l'on a
des marges de manoeuvre ; mais dans l'autre sens, si c'est une heure de moins,
avec le " stock " d'enseignants que nous avons, que fait-on ?
Malgré tout, c'est quelque chose d'assez inéluctable. Il faudrait
au moins - dans la mesure où l'on recrute les enseignants un an à
l'avance et où l'on fixe les contingents de postes offerts au concours
un an et demi ou deux à l'avance- attendre deux ans avant de mettre en
place une réforme.
En surmontant ces difficultés que je viens de citer, il faudrait tenter
au moins d'ajuster les recrutements aux besoins qui peuvent d'une année
sur l'autre varier aussi rapidement.
C'est peut-être le point le plus délicat. C'est peut-être
là que nous avons le plus de difficultés, à long terme,
à prévoir les évolutions.
M. Jean-Léonce Dupont -
Que fait-on dans le cadre d'une
heure en moins ?
Mme Marie-France Moraux -
Nous souhaitons que ceci
n'entraîne pas systématiquement dans les établissements la
création de structures nouvelles, c'est-à-dire les doublements de
classe.
Que fait-on ? Nous avons des solutions satisfaisantes, d'autres moins.
Cela peut permettre d'aborder les moyens de remplacement, cela donne une
disponibilité, mais en fait si l'on a moins besoin de personnel dans les
classes, le remplacement dans les classes diminue aussi a priori.
-
• On peut demander à certains enseignants d'effectuer des
tâches d'encadrement d'élèves, en petits groupes, en
accompagnement, sans l'inscrire dans la structure définitive.
• On peut aussi tester en position académique les enseignants que nous avons en trop et à cette occasion leur faire faire des enseignements dans des disciplines voisines. Si c'est la physique cela peut être des mathématiques dans des collèges ou des lycées professionnels, etc.
Ceci, dans l'immédiat.
Je vais y revenir car nous pouvons dire aujourd'hui que c'est une situation provisoire car nous nous attendons à des départs importants dans les années à venir qui permettront pour certaines disciplines de résorber ces " surnombres fonctionnels ".
Nous avons parfois du mal à prévoir les comportements des étudiants, des familles et des élèves.
Je citerai deux exemples dont l'un est très connu : celui de l'engouement pour les formations universitaires en éducation physique et sportive qui ont provoqué une ponction sur les professeurs du second degré de cette discipline qui n'était pas prévue. Nous commençons à prendre le rythme, mais jusqu'à quand cela va-t-il durer, dans quelles conditions ? Quand les premiers étudiants vont sortir de ces formations et s'apercevoir - comme on les en avait prévenus - que les débouchés ne sont pas à hauteur de leurs attentes ! Mais en attendant, c'est quelque chose dont nous n'avions pas prévu l'ampleur !
Autre phénomène sur une plus longue durée : celui des langues et de l'intérêt quasi systématique des parents pour l'espagnol deuxième langue. De ce fait, l'allemand peu à peu s'effrite et nous avons du mal à suivre et à fournir suffisamment de professeurs d'espagnol.
Nous ne l'avions pas prévu non plus à cette hauteur et nous nous apercevons que toutes les politiques volontaristes que nous pouvons avoir pour inciter les familles à préserver l'enseignement de certaines langues, ont un effet tout à fait limité.
Autre exemple : lorsque des mesures de fonction publique ou plus générales sont prises comme le congé de fin d'activité, une année de disponibilité nous pose un problème que nous avons du mal à gérer.
Dernier élément d'incertitude : le rendement des concours par rapport aux postes offerts, le nombre de candidats reçus.
Nous savons que nous avons du mal à recruter dans certaines disciplines, mais l'écart peut être prévu. Nous savons aussi que depuis des années, ce rendement des concours s'améliore ; en 10 ans nous avons dû passer de 75 % de rendement des concours à 88 %. Nous pouvons donc continuer à prévoir, mais c'est différent par discipline. Il peut y avoir d'une année sur l'autre des modifications non négligeables. Il est donc vrai que nos prévisions ne sont pas parfaites.
Puis il y a des contraintes auxquelles nous devons faire face, qu'elles soient subies ou choisies. Les subies sont celles que je viens de citer.
Mais il y a également des disciplines dans lesquelles nous avons beaucoup de mal à recruter comme certaines disciplines professionnelles. Ce, pour des raisons qui sont de notre responsabilité, par exemple lorsqu'on élève à la licence le niveau des recrutements et qu'il n'y a pas de formation universitaire pour ces disciplines professionnelles.
Il nous a fallu le temps de réagir et de prendre les textes réglementaires permettant à des professionnels de se présenter au concours. Voici qui est fait, mais nous avons perdu un peu de temps.
Autre fait difficile à prévoir : les disciplines sensibles à la conjoncture. Il suffit que l'emploi reprenne dans certains secteurs professionnels pour que nous n'arrivions plus à recruter. C'est vrai en mécanique. Parfois cela va mieux et à d'autres moments, cela va moins bien.
Nous recrutons très mal également en éducation musicale, nous manquons de viviers. Ce sont peut-être nos enseignements qui ne sont pas attrayants ou les conditions de travail des enseignants à l'éducation nationale, mais nous n'arrivons pas en tête des choix des musiciens. C'est quelque chose de très clair.
Un cas paradoxal est celui de l'anglais où nous trouvons au CAPES la moitié des postes offerts. Nous nous interrogeons pour savoir pourquoi. Les présidents de jurys disent que les étudiants n'ont pas reçu les formations universitaires correspondant aux besoins de l'éducation nationale.
C'est un phénomène intéressant que l'on retrouve au niveau des recrutements de maîtres de conférence. L'enseignement supérieur ne recrute même pas les étudiants qu'elle a formés.
Il y a un vrai problème qui mérite d'être creusé et qui remet en cause, non plus un problème mathématique de prévisions, mais plus fondamentalement les formations universitaires. Cela prend du temps. Cela prendra du temps pour changer les formations universitaires, dans cette langue en particulier.
Parmi les contraintes, il en est une qui est un choix politique et de gestion que vous soulignez dans votre rapport :
Puisque nous devons faire face dans les années qui viennent et à partir des années 2002-2005 à de très forts départs à la retraite, pour éviter des à-coups trop importants dans les recrutements et tarir le vivier des candidats, nous avons fait le choix de recruter au-delà de nos besoins actuels et ceci de façon assez durable et encore actuellement, malgré la baisse des postes que nous offrons au concours.
Evidemment ceci réparti sur les disciplines, fait que si nous voulons vraiment tenir les structures dans les établissements, nous acceptons d'avoir des enseignants utilisés à des tâches pédagogiques et d'éducation, d'accompagnement, d'enseignement n'ayant pas nécessairement une affectation définitive dans un établissement pour des besoins d'enseignement. Mais c'est un choix. La difficulté est en effet de le gérer.
Sur ce thème, je souhaitais dire finalement qu'il est peut-être un peu illusoire de penser que c'est par le seul biais des recrutements que nous ferons les ajustements du système.
Il ne faut peut-être pas faire porter à cet aspect de la gestion des personnels de l'éducation nationale tous les maux, et en attendre tout. Comme je vous l'ai dit, lorsque l'on recrute 2 à 3 % des corps, nous avons un " stock " d'enseignants important, nous ne pouvons pas opérer tous les ajustements par la voie des recrutements, même si nous étions presque parfaits dans la prévision.
C'est peut-être ailleurs qu'il faut chercher les possibilités d'ajustement. Il en est que l'on a abandonnées, c'est-à-dire le recours à des personnels intérimaires, des maîtres auxiliaires, c'était très facile, nous avions la variable.
En d'autres temps, nous avons abandonné la bivalence, du moins pour les enseignements de collège et de lycée. Elle permet dans le cadre d'un établissement, mais aussi dans la durée, de faire des ajustements dans des disciplines proches. Compte tenu des formations universitaires ce n'est malgré tout pas impossible, on pourrait imaginer des fonctions ambivalentes.
Puis on peut également - à un moment sur la réforme du collège cela s'est mis en place - imaginer des possibilités horaires laissées à la disposition des établissements leur permettant, dans le cadre de l'établissement, d'ajuster dans telle ou telle discipline, en fonction des personnels qu'ils ont.
Je cite ces cas, on peut en imaginer beaucoup d'autres, mais simplement, il faudrait chercher la souplesse ailleurs. Je n'ose pas parler des heures supplémentaires car c'est un sujet tabou, mais c'est aussi une possibilité d'ajustement disciplinaire dans un certain sens.
Deux mots, mais vous aurez sans doute des questions à me poser, sur la déconcentration du mouvement et en quoi cela peut faciliter les ajustements.
Cela ne facilitera pas les ajustements quand il nous manque nationalement des professeurs d'espagnol ou de sciences de la vie et de la terre. Le changement d'affectation ne changera rien.
Ceci étant, il y a deux points dans la déconcentration du mouvement qui me paraissent aller dans le sens d'une meilleure répartition académique, du point de vue de la méthode et du calendrier.
La méthode :
Jusqu'à ce jour, au 15 février, nous demandions aux académies de déclarer les postes vacants en prévision des postes à pourvoir. Puis après le 15 février, il se passe énormément de choses, mais tout ce qui arrivait dans l'académie était inconnu et se gérait par ajustements massifs, à la veille de la rentrée ou à la fin de l'année scolaire en fonction d'une répartition des néo-titulaires, qui se faisait par négociation en fonction de besoins souvent d'ailleurs annoncés par les académies, et sans beaucoup de rigueur.
Le nouveau système impose que l'on mette en place, à tous les niveaux, une véritable gestion prévisionnelle. Nous pourrions demander aux académies, non pas d'aller compter des postes vacants dans les établissements mais de faire des balances du même type que celles que j'ai décrites pour les recrutements en prévision, entre l'ensemble de leurs besoins d'enseignement et de remplacements estimés et l'ensemble de leur potentiel de personnel titulaire et auxiliaire.
Intellectuellement, c'est un exercice d'une autre nature que celui que j'ai décrit précédemment, qui fait que l'on ne demande pas aux académies de constater, elles sont engagées et responsabilisées dans une gestion prévisionnelle.
A partir du moment et ceci se fera fin janvier, où nous leur aurons dit : " Nous sommes d'accord par discipline, pour vous affecter au maximum tant de personnes ",... elles sont engagées elles-mêmes, elles ont des perspectives claires de préparation de la rentrée.
Ceci est lié au calendrier :
Le nouveau calendrier fait que fin janvier, les académies sauront à quoi s'attendre, par discipline. Pour le mouvement inter académique, ce sera au mois de juin.
Fin janvier : elles auront des prévisions ;
Fin mars : elles auront par académie le potentiel réparti du mouvement inter académique ; elles connaîtront le nombre de personnes qu'elles peuvent attendre à la rentrée.
Entre fin mars-début juin : elles auront tout le temps de faire leurs ajustements de rentrée. Cela peut vouloir dire, ne pas dédoubler des classes, démultiplier des classes dans certains endroits, ne pas créer des structures trop lâches faisant appel à des disciplines dont elles savent qu'elles n'auront pas de personnel.
Ce sont deux points importants du nouveau système qui devraient permettre de progresser sans toutefois résoudre tous les problèmes, loin de là. Ceux que j'ai évoqués ne sont pas solubles par cette simple méthode technique.
Voilà ce qui me semblait relever le plus directement de ma compétence dans le rapport que vous avez établi et que je voulais vous dire d'entrée de jeu.
M. le Président - Je vous remercie Madame. Je vais laisser la parole à mon collègue.
M. Gérard Braun - Vous nous avez dit que vous étiez en train de recruter au-delà des besoins, pour anticiper sur ce grand mouvement de départ en retraite. On dit que 40 % des personnels de l'éducation nationale dans les cinq années à venir vont partir en retraite.
De combien anticipez-vous ?
Vous nous avez dit que vous affectiez ces personnels à des tâches d'accompagnement. Ne craignez-vous pas des problèmes le jour où il faudra mettre ces personnels sur des tâches d'enseignement, alors que vous aurez créé des besoins d'accompagnement, que l'on dise : " C'était parfait, nous avions besoin de ces tâches d'accompagnement " ?
Cela ne sera-t-il pas difficile à gérer ? Dans votre esprit, ces 40000 emplois jeunes ne seront-ils pas l'un des éléments permettant d'apporter à l'éducation nationale les moyens de passer ce cap peut-être assez difficile ?
Mme Marie-France Moraux - Vous avez raison, je l'ai dit. C'est toute la difficulté actuelle de gestion de ces surnombres fonctionnels.
Je me suis peut-être mal exprimée sur un point : cela nous permet de développer nos capacités de remplacement notées comme assez insuffisantes globalement.
Pour les autres, il est vrai que les tâches des emplois jeunes et des enseignants ne sont pas tout à fait de même nature. J'ai utilisé le terme " d'accompagnement " il n'est peut-être pas juste, car ce ne sont pas des enseignants affectés avec des classes en permanence.
Mais ce sont des tâches par exemple de développement des nouvelles technologies avec une base pédagogique. Il ne s'agit pas simplement d'aider les élèves ou les enseignants à utiliser un micro-ordinateur, mais de développer des enseignements avec des ordinateurs.
Je cite cet exemple car en effet beaucoup de jeunes recrutés -cela tombe évidemment le plus souvent sur eux, ce sont eux qui sont dans les positions les plus instables- ont de véritables capacités pour ce type d'activité.
Mais à la marge il est vrai que nous sommes en difficulté. Il ne faut pas laisser longtemps les individus dans cette situation. Ce sont des positions acceptables une année, guère plus. Il faut donc pouvoir de façon prioritaire affecter ces jeunes sur des postes définitifs.
M. Jean-Claude Carle - J'ai été très impressionné par le chiffre que l'on nous a donné : une heure de plus ou de moins, c'est 1500 emplois.
Comment pourrait-on favoriser cette bivalence qui permettrait d'utiliser au mieux ces personnels dont la discipline a été supprimée ? Vous avez dit qu'il y avait quelques réticences de la part des enseignants à passer dans une autre discipline. Comment peut-on les inciter à passer dans une autre discipline où il y aurait des besoins ?
Vous avez dit également que les étudiants ne reçoivent pas toujours un enseignement adapté à la discipline qu'ils vont enseigner. Que peut-on faire pour améliorer cela ?
Mme Marie-France Moraux - Sur la bivalence, vous savez qu'à l'éducation nationale, tout ce qui n'est pas traduit dans les statuts est scélérat.
Evidemment la réponse simple serait de dire et de tenter de convaincre que, dans un certain nombre de cas, la bivalence est un atout pour les enseignants plus qu'une contrainte.
Car, je ne l'ai pas dit, mais la cause la plus claire de la disparition des PEGC tient au fait que dans un certain nombre de petits collèges et de collèges éloignés, au lieu d'être affecté dans un établissement et d'y enseigner deux disciplines voisines, le malheureux certifié monovalent est obligé, sous la contrainte éventuellement, de se répartir des services en deux, trois ou parfois quatre établissements, ce qui n'est pas confortable.
La solution est de convaincre peu à peu, avant d'aboutir à des évolutions. Ces évolutions ne sont pas difficiles dans la mesure où les formations universitaires sont complètement bivalentes. Mais quand on fait de la physique à l'université, on fait des mathématiques. Dans les langues, il y en a toujours deux. Les CAPES de français comportent deux langues étrangères. A la base, cela est possible et la formation en IUFM pourrait permettre de rééquilibrer et de mieux préciser la formation.
Vous savez sans doute que le ministre a confié au recteur de Lyon une mission de réflexion sur les conditions de travail et d'exercice des enseignants. Cela fait partie des idées débattues. Pour avoir participé à l'une de ces séances, je crois que les esprits évoluent. Je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait, mais je crois que l'on ressent de plus en plus le besoin de souplesse. On ne peut pas verrouiller de partout le système, il y a un moment où cela ne passe plus.
Sur les formations universitaires, c'est beaucoup plus difficile.
Dans certaines disciplines, il serait bon de mettre à plat les formations. Il y a plusieurs moyens, la politique contractuelle avec les universités s'y prête. Il arrive que des réflexions soient lancées sur certaines disciplines. Pour une discipline comme celle de l'anglais, tellement caricaturale, cela s'impose.
Mais il y a à faire savoir et je m'y emploie vis à vis des membres du Conseil National des universités. Quand ce n'est pas su, évidemment les pratiques perdurent. Mis devant des contradictions, les esprits évoluent.
M. Jean Arthuis - Vous êtes directrice des personnels enseignants, cela implique-t-il que vous ayez prise sur la formation des enseignants ?
Mme Marie-France Moraux - Ni la formation initiale, ni la formation continue ne sont dans mes compétences.
M. Jean Arthuis - Cela vous donnerait-il de l'aisance dans votre exercice si vous aviez la responsabilité de la formation initiale et permanente ?
Mme Marie-France Moraux - Cela me manque beaucoup d'avoir à concevoir une politique sans avoir cette capacité de conception. En revanche, j'ai la responsabilité des concours. Je peux les faire évoluer.
M. Jean Arthuis - Votre réponse sur les recrutements à venir compte tenu des départs à la retraite m'a étonné. Vous dites : " on peut être tous à l'aise ". Il y a d'autres statistiques, je ne sais ce qu'il en est au plan national, mais dans l'académie dont mon département fait partie, nous en avons qui laissent à penser qu'en 16 ans, le nombre d'élèves va baisser d'environ 25 %. Une génération de deux ans doit représenter 32-33000 et une génération qui a 16 ans aujourd'hui doit représenter 41 000 personnes.
Cela veut dire que l'on est à la veille d'un reflux considérable des effectifs d'enseignement secondaire.
Quelle est votre prévision d'effectifs enseignants par rapport à l'évolution de la démographie des élèves ?
J'aimerais que vous nous donniez votre appréciation sur les surnombres qui ont été assez nombreux dans les années 90. Comment analysez-vous cela et comment en voyez-vous la digestion ?
Vous avez insisté je le comprends bien, sur la flexibilité, mais à partir du moment où tous les maîtres auxiliaires ont été intégrés, il me semble que le système s'est trouvé plongé dans une rigidité extraordinaire. Comment a-t-on pris une telle décision ? Vous avez fait observer que vous avez une mission considérable à assumer. Si l'on titularise les maîtres auxiliaires, on répond ainsi à un souhait corporatiste, ce que l'on peut comprendre, mais dans le débat interne, comment cela se passe t-il ?
Mme Marie-France Moraux - Je ne suis pas sûre qu'il y ait un débat interne en la matière. Ce sont des points qui se discutent, mais vous savez comment les décisions se prennent au sein des ministères ; la pression sociale est à la fois très grande et les mises en oeuvre de la loi Perben nous conduisaient naturellement à garantir aux maîtres auxiliaires pouvant en bénéficier, un emploi leur permettant de préparer et réussir un concours qui leur était réservé et mis en place.
La difficulté est que cela a été une photographie avec une répartition disciplinaire qui correspondait à des difficultés de remplacements. Par exemple, la situation conjoncturelle de telle ou telle académie et non pas les besoins que l'on aurait pu définir nationalement, équilibrer etc.. C'est donc un handicap. Cela complique les choses. Cela crée dans certaines disciplines des désajustements qui auraient pu être épargnés par ailleurs.
Cela nous conduit à forcer les recrutements dans un certain nombre de secteurs, à les alléger dans d'autres. C'est un élément à prendre en compte dans les calculs.
Au niveau académique c'est un peu plus compliqué.
Sur les prévisions d'effectifs enseignants, je ne peux pas vous donner les chiffres, mais il y a eu des publications que l'on peut vous redonner, avec les départs prévus année après année, les besoins, l'évolution des effectifs.
Vous abordez un phénomène en citant le cas de votre région, compte tenu de la pyramide des âges des enseignants qui n'est pas égal ou égalitaire selon les académies. Les plus anciens, pour caricaturer, étant dans le Midi et les plus jeunes dans le Nord ; le jour où il y aura un effet de fort départ à la retraite, les académies du Midi vont se vider, nous aurons un problème de gestion un peu compliqué si nous ne voulons pas vider le Nord, et enclencher un mouvement tout à fait impressionnant.
C'est un problème de gestion un peu compliqué puisqu'il faudra équilibrer entre les jeunes anciens qui auront souffert loin de leur région et qui tenteront de s'y précipiter, plus ceux attirés par certaines régions et puis les plus jeunes.
Je ne sais pas quoi vous dire de plus sur la façon de gérer les surnombres. Sauf qu'il y a des mesures ponctuelles annuelles et que tout ceci se gère à la fois mathématiquement mais aussi individuellement sur la durée.
Un mot à nouveau du mouvement déconcentré : l'autre avantage de ce mouvement est de laisser aux recteurs la possibilité d'un suivi de la prise en compte de situations individuelles, éviter peut-être des situations trop difficiles pour des surnombres et peut-être les gérer autrement.
Vous citez un exemple dans votre rapport : tous les professeurs de philosophie rattachés à un même établissement... Il n'est pas certain que ce soit la meilleure méthode de gestion que de mettre tous les professeurs de philo dans un même établissement qui ne peut rien en faire. En revanche, si vous les répartissez entre plusieurs lycées de l'académie, il y a peut-être quelque chose à en faire au sein de l'établissement sur le plan pédagogique et pour l'enseignant, cette situation est certainement plus favorable à vivre.
La demande que nous faisons très fortement au recteur, d'une gestion beaucoup plus qualitative à l'occasion de ce mouvement déconcentré, devrait permettre également de faciliter ce passage un peu difficile des surnombres dans certaines académies.
M. Jean Arthuis - Il y a une ambiguïté dans mon esprit sur les surnombres.
J'avais compris par surnombre qu'il s'agissait finalement du personnel que les rectorats recrutaient en dehors des emplois budgétaires, c'est-à-dire que l'on affiche par la loi de finances une belle discipline et puis finalement on laisse la bride sur le cou au rectorat qui recrute en dehors du tableau des effectifs.
Mme Marie-France Moraux - Ce n'est pas cela.
M. Jean Arthuis - Il y a deux surnombres, celui qui motivait ma question et celui que je viens d'expliciter peut-être maladroitement.
Comment jugez-vous, vous qui êtes responsable du personnel, que l'on puisse dans un rectorat, à votre insu en quelque sorte, recruter des collaborateurs qui font exploser le tableau des effectifs ?
Enfin, le phénomène surnombre dont vous venez de parler : quel est le nombre de professeurs de philosophie rattachés à un lycée qui n'enseignent pas, parce qu'on a pas besoin d'eux, combien de professeurs sont sans affectation, parce que spécialisés dans une discipline et malheureusement pas attendus dans cette discipline ?
M. le Président - Chers collègues, avant que Madame Moraux ne réponde, M. Touraine me fait savoir qu'il doit nous quitter impérativement à 18 heures 45. Nous devrons l'entendre à partir de 18 heures, il faudrait donc maintenant resserrer un peu les questions et les réponses afin que M. Touraine puisse intervenir.
Mme Marie-France Moraux - Dans un volume de crédit budgétaire défini, le recteur peut recruter des auxiliaires ou des contractuels.
Il est vrai que dans quelques cas, les enveloppes proposées aux recteurs sont un peu maigres et ceux-ci nous sollicitent pour que nous l'augmentions ; mais vous avez dû en parler avec M. Michel Dellacasagrande. Pour autant, nos chapitres n'explosent pas. En tout cas pas les chapitres de rémunération de titulaires. Le recteur a quand même des capacités de recrutement limitées et encadrées budgétairement.
Par ailleurs, deux autres notions de surnombre au plan national : il y a en effet un surnombre budgétaire dont je n'ai pas le chiffre, M. Michel Dellacasagrande a dû vous le donner.
La notion du surnombre que j'utilise n'est pas budgétaire, elle est fonctionnelle et tient aux disciplines. C'est le désajustement entre les disciplines. C'est un peu délicat à manipuler en effet.
Je crois pouvoir vous dire, que nous devons avoir dans les établissements actuellement environ 1 400 titulaires académiques que nous considérons en surnombre. C'est-à-dire qui n'enseignent pas. Cela ne veut pas dire qu'ils n'enseignent pas du tout, mais qu'ils n'enseignent pas dans leur discipline.
6 150 titulaires académiques sont affectés à des zones de remplacement. Cela ne veut pas dire qu'ils n'effectuent pas des remplacements dans leur discipline, mais qu'ils n'ont pas un emploi fixe en établissement.
Cette notion de surnombre est purement disciplinaire, ce sont donc soit des personnes parmi les 1400 qui n'enseignent pas dans la discipline, soit les 6000 qui enseignent dans leurs disciplines, mais remplacées.
M. Jean Bernadaux - J'ai entendu tout à l'heure que quelquefois, le taux de rendement des concours était de 62 %, voire 87 %. Cela signifie que sur 100 postes ouverts, 62 ou 80 sont pourvus directement par le concours. Comment faites-vous pour compléter le manque ?
Prenez-vous des auxiliaires ?
Mme Marie-France Moraux - Dans la mesure où nous surrecrutons dans beaucoup d'endroits, cela ne nous inquiète pas énormément de ne pas pourvoir les postes dans certaines disciplines. Dans les disciplines où nous avons de gros besoins, nous pourvoyons à 100 %.
C'était vrai dans les années passées, cela l'est moins maintenant puisqu'en baissant les postes offerts, nous nous rapprochons de la réalité des chiffres de candidats reçus. Nous avons joué pendant quelques années pour afficher des postes offerts, au-delà, et en toute conscience, de ce que nous savions pouvoir recruter. La négociation avec le ministère du budget ne se fait pas sur tous les postes offerts mais sur les recrutements prévisibles.
M. Serge Lagauche - Madame la directrice, dans le cadre de la déconcentration, comment vont se gérer les heures supplémentaires ?
Mme Marie-France Moraux - Il n'y a pas de modifications. Les académies reçoivent pour la préparation de chaque rentrée, une dotation horaire composée à la fois d'emplois et d'heures supplémentaires. C'est la gestion des moyens. Les heures supplémentaires relèvent de la gestion des moyens.
Par ailleurs, la gestion des personnels se fait par rapport à la demande des académies qui ne porte que sur les postes et non pas sur les heures supplémentaires.
Ce qui veut dire que préalablement, les académies aient analysé par discipline leur répartition d'heures supplémentaires pour nous faire remonter leurs besoins de personnel.
M. le Président - Je pense que certains de mes collègues et moi-même aurions souhaité vous poser des questions supplémentaires. Mais nous nous trouvons un peu contraints par l'horaire. Nous ne manquerons pas en cas de besoin de vous demander quelques précisions supplémentaires. Nous vous remercions d'être venue.
AUDITION DE M. ALAIN TOURAINE, SOCIOLOGUE,
DIRECTEUR
D'ÉTUDES À L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
SOCIALES
(16 DÉCEMBRE 1998)
M. le
Président -
Merci d'avoir bien voulu participer à une
réunion de notre commission. Je vous prie d'excuser le président
Gouteyron qui est impérativement obligé d'assister à une
réunion extérieure à notre assemblée et qui va
essayer de nous rejoindre pour la fin de cette audition. Je suis aussi tenu de
vous lire un certain nombre de textes, en particulier le dernier alinéa
de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires qui dispose que les
auditions auxquelles procèdent les commissions d'enquête sont
publiques et que les commissions organisent cette publicité par les
moyens de leur choix.
Je vous rappelle également que l'ordonnance du
17 novembre 1958 précise que toute personne dont une
commission d'enquête a jugé l'audition utile, est entendue sous
serment. En cas de faux témoignage elle est passible des règles
prévues par l'article 363 du Code Pénal.
En conséquence, je vais devoir vous demander de prêter serment, de
dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever
la main droite et de dire : "
Je le jure ".
M. Alain Touraine -
Je le jure sans savoir si cela correspond
à quelque chose de vérifiable.
M. le Président -
Vous avez la parole.
M. Alain Touraine -
Il m'est un peu difficile de me situer
dans votre travail, tellement les problèmes que vous évoquez sont
considérables, divers. Je ne sais ce que je dois choisir...
Je vais choisir un thème et faire une proposition extrêmement
simple :
L'enseignement répond à deux logiques différentes.
Une logique qu'évoque le mot " enseignement ", qui est la
transmission des connaissances. Ce qui n'exclut nullement la création
des connaissances. Mais dans l'enseignement du second degré, c'est moins
fréquent que dans l'enseignement supérieur.
L'autre fonction consiste tout simplement à se placer du
côté des élèves, non pas du côté de la
connaissance, mais de faire en sorte que les élèves deviennent
des gens capables d'apprendre, capables de vivre dans le monde où ils
vivent en fonction de certains principes qui sont ceux de notre
société.
A l'heure actuelle, ces deux tâches sont difficiles à accomplir
parce que, le principe sur lequel a fonctionné l'enseignement, est que
le bon enseignement est celui qui est placé par l'enseigné comme
par l'enseignant dans une perspective à long terme. L'enseignement est
bon si vous êtes capable d'accepter un apprentissage long qui sera
souvent de 15 ou 20 années, en incluant à l'enseignement
élémentaire et secondaire l'enseignement supérieur.
Par conséquent, ce modèle ou cette tâche qui est
très raisonnable - être capable de se préparer pendant une
longue période à des travaux qui exigent un niveau de
qualification élevée - favorise de manière brutale les
gens qui sont capables de faire des plans à long terme.
Plans à long terme dans lesquels évidemment la famille joue un
rôle essentiel, quelquefois aussi une vocation personnelle, et
également des talents particuliers.
Nous sommes donc aujourd'hui devant ce modèle infiniment respectable que
personne ne songe à supprimer ou à abîmer, mais comme vous
le savez cela correspond à une part relativement faible de la population
scolaire française et à une part de plus en plus faible des
enseignants.
Pour aller vite, et sans prétendre à la précision, on
pourrait dire qu'un tiers des enseignants aujourd'hui sont dans ce
modèle-là ainsi que leurs élèves (essentiellement
des élèves des lycées centre-ville). Un tiers est dans une
situation relativement indéfinie, ne trouve pas une grande satisfaction
dans son travail mais ne trouve pas non plus de conditions
particulièrement désagréables. Un tiers des enseignants
est en crise : demandes de mutations massives, arrêts pour des
difficultés d'ordre psychologique, mental, affectif etc..
Il est clair qu'il y a une forte corrélation entre les trois niveaux que
je viens d'indiquer et les types de problèmes qui se posent.
Laissons de côté les problèmes de l'unité du
système. L'unité du système doit être maintenue pour
de bonnes ou mauvaises raisons au niveau du statut des enseignants. Il est tout
à fait normal que des enseignants assurant le même travail,
c'est-à-dire le même cycle d'enseignement, aient des situations
matérielles et des carrières analogues.
Ceci correspond à ce que j'ai appelé la transmission des
connaissances. Je crois même qu'il est bon qu'un jugement sur les
enseignants, à un certain niveau, porte quasiment uniquement sur cette
capacité d'enseigner.
Puis, il y a ce second aspect dont je vous parlerai.
C'est là que les choses doivent être claires. Ceci n'a pas grand
chose à voir avec la transmission de connaissances. Un enseignant doit
d'abord transmettre des connaissances, je ne veux pas qu'il y ait de malentendu
là-dessus, mais l'on voit apparaître de plus en plus, deux
fonctions des enseignants :
Celle qui correspond en grande partie à cette catégorie moyenne
que j'ai établie dans l'état psychologique des enseignants, la
fonction principale avec la transmission des connaissances, est d'organiser la
vie scolaire, c'est-à-dire d'établir des communications.
On a beaucoup insisté là-dessus et les sociologues, notamment
dans mon propre groupe, en parlant d'un effet d'établissement. C'est
peut-être la découverte la plus importante faite par les
sociologues de l'éducation dans les 10 ou 15 dernières
années. C'est-à-dire que contrairement à ce que l'on
disait, où tout est joué au départ, les
inégalités à la sortie reflètent les
inégalités au départ. Ceci est simplement faux puisque
l'on admet que les inégalités au départ comptent pour un
tiers à l'arrivée du système scolaire et à
l'entrée dans la vie professionnelle.
Deux tiers des différences viennent de l'établissement. Pour
aller très vite et rendre compte de ce qui a été
observé, lorsque l'on prend par exemple des collèges de
même niveau social, dans la même région, où les
résultats sont incroyablement différents, les trois facteurs
suivants sont très liés les uns aux autres :
- Le premier facteur est la capacité des enseignants de travailler comme
groupe d'enseignants.
- La deuxième, est la capacité du groupe enseignant de
communiquer avec le groupe enseigné.
- La troisième, est la capacité des enseignants d'établir
de bons rapports de travail avec les dirigeants administratifs de leur
établissement.
Vous savez qu'aujourd'hui on peut dire que presque jamais ces conditions ne se
trouvent réunies. Les rapports entre les enseignants et l'administration
sont, pour des questions quasiment de principe, généralement de
mauvais rapports. Plus la pression sur les enseignants est grande et plus les
enseignants s'abritent derrière leur discipline.
L'enseignant dit : " Moi les élèves, moi la violence
à l'école, je n'y peux rien, mais les maths, la biologie,
l'histoire, je suis compétent, je veux qu'on me laisse face à ma
classe, m'occupant de ma compétence, ce qui d'ailleurs m'assure un
statut d'autorité au sens respectable de ce mot ".
Il est clair et ceci ne peut pas être fait à un niveau central,
qu'un établissement d'enseignement doit considérer comme l'une de
ses tâches principales d'établir un système de
communication.
J'ai participé un jour à Orléans à l'une des
réunions de la commission MERIEUX pour dépouiller l'enquête
qui avait été faite auprès des enseignés, des
enseignants et des personnalités.
C'était tout à fait frappant. Ce questionnaire n'était pas
génial car il définissait des thèmes et les
enseignés ont répondu massivement, qu'ils voulaient deux choses,-
et les enseignants ne s'y sont pas opposés -, dont l'une est
l'autonomie, et l'autre, la communication personnelle, c'est-à-dire
" communiquez avec moi, que l'enseignant me parle, à moi ".
Je vous disais que pour le système scolaire il est plus important qu'il
y ait une communication collective.
Après la fonction de transmission de connaissances et une fonction de
communication de la vie scolaire, il en est une troisième.
Je ne parle pas des fonctions définies ad vitam æternam, dans le
monde où nous vivons ; bien souvent il n'est pas possible de
transmettre les connaissances, ni de faire jouer un système de
communication.
Mais il faut reconnaître que nous avons à prendre en charge une
proportion qui n'est certainement pas négligeable, de jeunes gens ou
même d'enfants n'étant pas en mesure, pour des raisons à la
fois personnelles et collectives, de s'intégrer ni au monde de
l'école, ni au monde de la connaissance.
Evidemment, il y a une corrélation avec le niveau d'éducation de
la famille et le niveau de revenus. C'est évident.
Mais il ne s'agit pas d'établir une corrélation absolue. Il
s'agit de dire que nous ne pouvons pas éviter de traiter des
problèmes au niveau individuel.
C'est pourquoi ces élèves parlaient de, " communication
personnelle " Ce qui veut dire prendre en charge des fonctions de
communication, d'échange, je dirais même des besoins affectifs que
souvent la famille n'assure plus généralement pour des raisons de
distance, de trajet de travail ou de décomposition de la famille.
Je me résume en disant qu'il faut un corps unique, unifié
d'enseignants à un niveau donné.
En ce qui concerne les deux autres fonctions, la fonction d'organisation de la
vie scolaire et de communication, et la troisième -qualifiée d'un
terme dont les enseignants ont peur et qu'ils méprisent-
" d'éducateur " : il n'est pas très admissible que l'on
oppose pour des raisons professionnelles, corporatives, l'enseignement et
l'éducation.
Je veux dire que nous ne pouvons pas définir la tâche de tous les
enseignants de la même manière. Autant ils doivent avoir le
même statut et je dirais dans une certaine mesure faire étudier
les mêmes programmes (encore que la réalité est
déjà bien éloignée de ce modèle), autant il
faut que le rôle d'organisation de la vie scolaire et le rôle
d'éducateur soient pris en considération et ne soient pas
déterminés au niveau central par l'administration.
Autant je me permets d'être favorable à une centralisation en
matière de statuts, autant je pense - et là je ne suis pas
complètement de l'avis de mon ministre - qu'il faut carrément
passer au niveau de l'école et de la commune, pour déterminer la
place à donner à ces deux autres fonctions.
Autrement dit, il y a une fonction de connaissance, qui est quand même
relativement évaluable en termes généraux, objectifs, puis
il y a par ailleurs, les élèves en tant que tels, leur insertion
dans la vie locale et générale et cela doit être
laissé à la disposition des intéressés
eux-mêmes. Je veux dire par-là que l'on doit prévoir des
répartitions différentes de l'activité de l'enseignant
entre ces trois pôles d'activité :
- transmission de connaissance,
- organisation de la vie scolaire
- communication et prise en charge des élèves qui sont souvent
des élèves en difficulté, qui peuvent être aussi
être des élèves très doués et qui ont de la
peine à suivre une classe très hétérogène.
La répartition de l'activité d'un enseignant doit se faire en
accord entre lui et l'établissement ; si c'est trop petit, on peut
imaginer un regroupement très élémentaire, de telle
manière qu'il y ait une grande diversité d'activités.
On peut donner un coefficient. Je veux dire que la transmission de
connaissances doit être faite en un temps qui ne peut pas être
immense, c'est très dense. Tandis que l'on peut admettre que ce travail
que j'ai appelé d'éducateur, ait un coefficient d'heures de
services qui soit plus bas et que la fonction intermédiaire de vie
scolaire qui suppose des activités diverses sportives,
d'éducation etc., ait un coefficient intermédiaire.
Les propositions que je fais ou les représentations que j'ai des choses,
est celle là. Il ne faut plus nous diviser entre ceux qui veulent
unifier et ceux qui veulent diversifier. Le problème est de savoir ce
qu'on unifie et ce qu'on diversifie. L'idée de porter atteinte à
l'unité du corps enseignant relève du discours de type utopique
ou de divertissement de café.
Par conséquent, il faut qu'il y ait d'abord une sorte d'assurance
absolue de la dissociation des problèmes des enseignants et des
problèmes de l'enseignement. Ce qui ne veut pas dire que les
problèmes de l'enseignement n'ont pas d'effets, sinon ce serait
arbitraire.
Il faut penser qu'une partie de l'activité très variable sera
déterminée dans son contenu, par les enseignants et les
autorités locales. Les enseignants étant, dans toute la mesure du
possible, organisés sous forme d'équipes enseignantes ou comme
cela se fait un peu dans les ZEP.
Il faut donc prendre le problème par en haut et par en bas et il n'y
aura de solution acceptable que lorsque l'on aura affaire, non pas à des
projets mais à deux logiques, je dirais même à un rapport
de force qui renforcera le niveau national et les intéressés
eux-mêmes et qui disons-le, aboutira aussi à une certaine
réduction de tous les niveaux intermédiaires. Il n'est pas
question de dire suppression.
Je ne vois pas personnellement la nécessité de renforcer dans ces
affaires, le rôle des rectorats.
Administrativement ce n'est pas mon affaire. J'admets que l'on doive renforcer
les rectorats etc. tout cela fait partie des rapports entre l'éducation
nationale, la rue de Grenelle et les rectorats. Ce sont des affaires qui
relèvent de ce que j'ai appelé, le statut des enseignants. Je
n'ai rien à dire là-dessus parce que de toute manière on
ne m'a jamais demandé ce que j'en pensais.
En revanche, je crois que l'essentiel est de mettre en route un système
de deux forces pas du tout opposées, complémentaires, mais dont
l'une part du haut, que ce soit le ministère ou les rectorats, et dont
l'une part du bas: c'est-à-dire privilégie le rapport
enseignant-enseigné (c'est aussi les parents d'élèves).
Quand je dis, les enseignants ou même les enseignés, c'est aussi
une culture locale, des préoccupations dans une région parce
qu'il y a tel ou tel type d'activité économique, mais aussi des
innovations qu'un maire ou des enseignants ont envie de prendre. Je ne vois pas
pourquoi on ferait des difficultés là-dessus.
D'ailleurs, je pense que le système français est beaucoup plus
divers qu'on ne le dit, pas toujours dans le meilleur sens. On ne fait pas la
même leçon sur Jeanne d'Arc le même jour et à la
même heure. Il faudrait faire admettre au niveau le plus
élevé ces deux faces : l'existence et la
complémentarité.
Je me suis souvent prononcé pour la formule qu'a employée le
ministre, c'est-à-dire que l'enseignement doit être centré
sur l'enseigné.
En vous attendant, je lisais Marc Fumaroli, je ne peux pas imaginer une
distance plus grande entre l'opposition et pourtant, j'ai envie de dire :
Pourquoi pas ?. Je n'ai aucune envie de me battre contre le latin et le
grec que j'ai abondamment pratiqués dans ma longue jeunesse, mais cela
dit, sur le contenu de la transmission des connaissances, il y a la
diversité de l'enseignement du français, il faut la garder. Et
Dieu sait si nous avons souffert des excès des mathématiciens
pour considérer que c'était l'étalon universel de la
connaissance.
Mais il faut faire reconnaître que la tâche d'un enseignant
recouvre ces trois composantes et qu'il doit pouvoir essayer, en
négociation avec les établissements, les communes et les parents
etc., de créer une situation adéquate entre la nature des besoins
telle qu'elle est évaluée et les possibilités des
enseignants.
Plus banalement, on pourrait dire qu'il faut éviter de mettre la jeune
fille qui sort de l'agrégation de philosophie, dans un lycée
professionnel de la banlieue lyonnaise. C'est pourtant ce qui se fait.
Le choix d'un enseignant doit être fait indépendamment de son
statut et en fonction des critères que j'ai indiqués.
Je sais combien il est difficile - puisque je travaille depuis toujours dans un
centre de recherche qui dépend aussi du CNRS - d'obtenir le passage d'un
chercheur, sans toucher à son salaire et à sa fonction, d'un
centre de recherche, d'un laboratoire, à un autre.
Mesdames et Messieurs, je préfère ne pas continuer et vous
laisser le temps...
M. Serge Lagauche -
Vous êtes passé très
vite sur les ZEP en disant que c'est un peu ce que l'on fait. Ne croyez-vous
pas que si l'on travaillait davantage au niveau du recrutement ou du choix des
enseignants dans les ZEP, on améliorerait les choses en allant vers ce
que vous évoquiez ?
M. Alain Touraine -
Tout à fait. Les ZEP sont une
très bonne idée. On ne leur a pas donné de moyens, on ne
les a pas engagées à innover, autant qu'on l'avait dit et que
tout le monde le souhaite. Mais bien souvent c'est quand même dans les
ZEP que les efforts ont été les plus grands, en particulier de la
part des enseignants.
Des problèmes se posent quand on entre et sort d'une ZEP, mais
l'idée d'une ZEP est bonne.
Je verrais les ZEP comme point de départ de ce que je suggère.
C'est-à-dire que, sur place, dans la ZEP, pourquoi ne pas prendre cela
comme unité, qu'il y ait à ce moment-là un jugement qui
dira : " Ici il nous faut un tiers d'enseignants pour la transmission
de la connaissance, 50 % pour la gestion de la vie scolaire avec ses
problèmes de violence considérables (beaucoup plus que l'on ne
l'a dit depuis longtemps) et 20 % d'enseignants ayant des tâches
essentiellement socratiques ".
Il faut absolument donner une grande importance à cela.
M. Serge Lagauche -
La principale critique faite aux ZEP c'est
leur effet stigmatisant. Un certain nombre de collèges voulaient ainsi
en sortir d'où l'idée des REP, qui ne sont pas des zones
géographiques mais qui regroupent des établissements. La
difficulté tient au fait que l'on y met des moyens, mais l'on
stigmatise. D'où l'angoisse de ne pas savoir comment sortir de la ZEP.
M. Alain Touraine -
Je pense que c'est la
réalité des choses qui compte. Si la ZEP n'est pas vraiment
différente de ce qu'il y a à coté, l'effet de
stigmatisation entraîne un bilan négatif. Mais si au contraire
vous avez un raisonnement général qui est celui de
l'équité... Il y a eu un grand débat en France sur
l'équité et l'égalité. Je suis défenseur de
l'équité. Lorsque les enseignants de Seine-Saint-Denis se sont
soulevés, ils sont venus par hasard avec le désir d'occuper
l'institution où je travaille.
Nous avons parlé avec eux par petits groupes, j'ai passé deux
heures avec eux et je leur ai dit : " Vous avez tort de demander
l'égalité de traitement. Il ne faut pas demander autant quand
vous êtes en Seine-Saint-Denis, il faut demander plus. La
Seine-Saint-Denis a des handicaps considérables par rapport aux
lycées du cinquième ou du seizième arrondissement
parisien ".
Plus les situations sont difficiles, plus l'encadrement doit être fort
-tout le monde le dit - avec en particulier du soutien scolaire. Je me rappelle
être allé deux fois à Vaux-en-Velin, dans les quartiers
difficiles, et avoir été très favorablement
impressionné par l'importance du soutien scolaire, fait souvent par des
jeunes retraités ou par des gens en service militaire ou
équivalent.
Il ne faut pas seulement cela. Je propose qu'au-delà du quantitatif, il
y ait une analyse qualitative selon les situations. Si dans un lycée ou
un collège du centre ville, c'est-à-dire socialement
favorisé, les gens disent : " Je tiens mes enfants en main,
cela va. Je veux qu'ils apprennent des mathématiques ou du grec ",
je ne vois pas pourquoi on les en empêcherait.
Inversement, pour qu'il y ait égalité des chances, selon les
milieux sociaux -c'est-à-dire avant tout, selon les milieux
d'éducation d'origine-, il faut donner une importance différente
aux trois fonctions et demander à des enseignants de les répartir
en fonction des réalités.
Cela ne me choque pas que ma jeune agrégée de philosophie dise :
" Je ne veux qu'enseigner la philosophie et sortie de Descartes, Kant et
Hegel, les choses ne m'intéressent pas ". C'est son affaire. Elle a
parfaitement le droit. Je ne vois pas pourquoi on demanderait à tous les
enseignants la même chose puisque les besoins des enseignés sont
tout à fait différents, à conditions que cela ne touche
pas au statut de l'enseignant, ce qui me semblerait poser des problèmes
insolubles.
M. Philippe Darniche -
Ce que vous nous avez décrit est
extrêmement passionnant.
Mme Hélène Luc -
Dans la continuité de la
question de M. Lagauche, vous avez dit Monsieur le professeur, qu'il faut
prendre en charge des enfants qui ne sont pas capables de s'intégrer
dans l'école et par conséquent on peut dire, pas dans la vie.
Vous avez raison de dire que parfois il faut assurer dans cette école
l'affection qu'ils n'ont pas à la maison.
C'est souvent le rôle des infirmières, des assistantes sociales,
d'une partie des professeurs qui font autre chose que de se contenter
d'enseigner, car c'est la condition pour qu'il y ait un contact entre eux et
l'élève. Et quand ce contact est établi, des choses
passent. Comment faire ?
Dans une école, dans une classe, c'est souvent cette frange
d'élèves qui empêche que l'on arrive à faire ce que
l'on veut. Il y a la ZEP mais tout le monde n'est pas en ZEP, toutes les zones
sensibles devraient être des ZEP.
Je suis membre du Conseil d'administration de collèges publics mais
aussi de collèges privés, où l'on retrouve un peu le
même problème. Je suis dans une banlieue du Val-de-marne avec une
population très diversifiée, de bons élèves, des
familles difficiles et " normales ".
M. Alain Touraine -
Je vous répondrais comme à
M. Serge Lagauche : le grand danger à éviter c'est
l'homogénéité. Une bonne école, un bon
système d'enseignement est celui qui mélange les genres.
Les études ne sont pas d'une parfaite clarté. Mais dans
l'ensemble, on ne peut pas dire que les handicaps au départ soient
insurmontables, le pire est le handicap linguistique. Tout cela peut
s'arranger. De même qu'au niveau des grandes écoles, nous
souhaitons qu'à côté de la formation " taupes, il y
ait des formations qui donnent plus d'importance à l'imagination ; il
faut que nous valorisions une intégration républicaine.
Je suis effaré de voir que nous considérons l'arrivée des
" sauvageons " comme une catastrophe. Ce ne sont pas des sauvages
mais des citoyens français pour l'essentiel avec qui nous allons vivre
toute notre vie ou avec qui nous avons vécu toute notre vie. A partir du
moment où il y a une diversification qualitative, il est plus facile
d'admettre de l'inégalité dans un domaine.
Si vous ne jugez les gens que sur leurs résultats en
mathématiques, je peux vous dire que la corrélation avec le
niveau social sera gigantesque.
Je vais prendre un exemple que tout le monde connaît : quand
j'étais au Conseil à l'intégration, nous avions eu une
conversation intéressante sur le sport. Le sport est probablement
essentiel, non pas dans les zones urbaines en général, mais
là où il y a un noyau urbain comme Saint-Denis ou Aubervilliers.
Or, les gens d'Aubervilliers ne sont pas les gens de la banlieue Nord.
Vaux-en-Velin n'a pas beaucoup d'identité, mais par exemple la Belle de
Mai à Marseille en a.
Il faut une identité collective. Il ne faut pas s'enfermer dans
l'école. Il n'y a qu'à constater la fierté de
l'équipe sportive d'Aubervilliers qui est un exemple extrême. Il
semble qu'Aubervilliers ait une position éminente.
Je ne pense pas que cela doive être fait en dehors de l'école. Il
faut toujours une partie consacrée à la transmission de
connaissances, mais si des enseignants sont intéressés à
des exercices qui développent telle ou telle activité, il faut
les encourager.
Autre exemple : des gens éminents, des prix Nobel de physique, ont
entrepris de consacrer leur vie comme M. Leidermann aux Etats-Unis,
M. Charpak en France, à l'enseignement dans les quartiers les plus
défavorisés, à l'aide des mathématiques.
Ils pensent qu'en donnant un côté ludique -c'est-à-dire
d'initiatives, de compréhension de messages qui deviennent de plus en
plus complexes, par la science non pas par le baratin- tous les moyens
étant bons, cela doit nous permettre de diminuer les distances sociales
et culturelles. L'école, c'est plutôt de culture qu'il s'agit que
de situation sociale ou économique.
Aujourd'hui, dans un pays qui comme tous les pays ne croit plus à son
école, il faut sortir de ces bagarres à tous les niveaux, il faut
que nous montrions par des initiatives que nous voulons prendre en charge tous
ces problèmes et vous verrez que les Français sont tout à
fait disposés à refaire confiance à leur école.
M. Philippe Darniche -
Monsieur le professeur, vos
propositions, qui sont celles d'un sociologue reconnu, sont très
séduisantes car elles nous semblent apporter des solutions de terrain
pragmatiques, au cas par cas, après une bonne analyse.
Bien évidemment, on ne peut qu'être sensible à ces
propositions. Mais au delà de votre réflexion, après
l'évaluation des moyens, le coût des réformes
nécessaires pour faire fonctionner le système que vous
préconisez et qui je le répète me séduit beaucoup,
pensez-vous qu'une telle transformation peut s'effectuer assez rapidement ou
faudrait-il une durée très longue pour arriver à faire une
telle transformation ?
M. Alain Touraine -
De manière légère, je
vous répondrai : raisonnons avec l'idée que cela ne doit pas
coûter un sou.
Je ne sais pas si c'est vrai. Mais raisonnons... C'est la raison pour laquelle
je vous indiquais un peu rapidement ce système qui consiste à ne
pas considérer qu'une heure de match de foot est la même chose
qu'une heure de maths.
Il est évident que ceux qui ont des tâches de vie scolaire ou
d'éducation, sont des gens qui sont disposés à passer plus
de temps avec des élèves que ceux dont la préoccupation
principale est de transmettre des connaissances et qui doivent avoir un temps
de préparation.
Je me permets d'ajouter une chose : les statistiques scolaires ou
universitaires ne devraient jamais être faites sur les entrants. Le bon
sens est de les faire sur les sortants. Pendant 30 ans nous avons eu en
France deux fois plus d'étudiants que les anglais et avons donné
autant de diplômes que les anglais. Si vous me dites : " On
dépense tant par élève et par étudiant " je
vous réponds : " Cela ne m'intéresse pas ". Nous
commençons d'ailleurs à travailler dans ces conditions. Nous
examinons le taux d'échec scolaire. Tout ceci du point de vue national.
Autre exemple : M. Dubet est chargé des collèges
auprès de Mme Ségolène Royal ; il a fait des
études comparatives dans des collèges de milieu pauvre autour de
Bordeaux. C'est stupéfiant. Le taux d'échec à
l'entrée en sixième pour les élèves de classe
élémentaire, est incroyable !
D'un point de vue de comptabilité citoyenne, si vous dépensez un
tiers de plus pour avoir un tiers de moins d'échecs, le prix unitaire
n'a pas changé. La question est de savoir ce que vous
préférez. Qu'il y ait des listes d'inscrits ou qu'il y ait des
gens qui aboutissent ? Tout le monde évidemment est favorable
à ce que l'échec soit aussi réduit que possible.
La grande affaire est évidemment que l'on donne des moyens
supérieurs aux ZEP, mais encore une fois l'argent ne me semble pas
essentiel pour diminuer significativement les taux d'échec.
M. le Président -
Pas d'autres questions ?
Mes chers collègues, s'il n'y a plus de questions, nous remercions le
professeur Touraine de la disponibilité dont il a fait preuve cette
fois-ci encore en venant devant notre commission.
AUDITION DE M. BLANCHARD-DIGNAC,
DIRECTEUR DU BUDGET AU
MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE
L'INDUSTRIE
(6 JANVIER 1999)
AUDITION À HUIS
CLOS
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
AUDITION DE M. MICHEL GARNIER,
DIRECTEUR DE LA
PROGRAMMATION ET DU DÉVELOPPEMENT AU MINISTÈRE
DE
L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA
TECHNOLOGIE
(6 JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Michel Garnier.
M. Adrien Gouteyron, Président -
Je vous laisse la
parole pour un propos introductif avant de vous poser des questions.
M. Michel Garnier -
Je dois d'abord préciser que la
direction de la programmation et du développement n'est pas une
direction de gestion du ministère de l'éducation nationale et de
la recherche et de la technologie, mais au contraire une direction transversale
dont je vais expliciter les missions. En voyant les missions et les
données que nous détenons, cela vous donnera les pistes pour nous
interroger ou demander des informations complémentaires.
Le noyau fédérateur des activités de la direction est le
système d'information du ministère qui relève d'une
démarche quantitative d'évaluation. Nous aborderons la
démarche qualitative ensuite.
La démarche quantitative d'évaluation nous permet -à
terme- de regrouper et de mettre à la disposition de l'ensemble du
ministère un certain nombre de données que nous collectons sur
les élèves, sur les enseignants et leurs activités, sur
les comptes de l'éducation nationale sous toutes les formes ;
données que nous collectons de façon non exhaustive sous forme de
panels ou d'enquêtes que nous commanditons. Enfin, nous
fédérons et centralisons ces données qui sont à la
disposition des directions de gestion dans un infocentre du ministère
grâce à un système de gestion qui doit nous permettre,
à court terme, de construire tous les indicateurs et tous les
croisements dont nous aurons besoin pour piloter le système.
J'utilise volontairement le terme de pilotage sur lequel je reviendrai dans un
instant.
Que faisons-nous de ces données ? Nous en faisons des analyses
statistiques destinées à alimenter le débat public. C'est
ainsi que vous voyez paraître les " Notes d'information " de la
direction de la programmation et du développement ou les dossiers
" Education-formation ", un certain nombre de dossiers
spécialisés, ainsi qu'un certain nombre de publications plus
synthétiques, destinées à un grand public que sont
" La Géographie de l'école ", " L'état de
l'école " ou les "Repères et références
statistiques" envoyés à l'ensemble des parlementaires.
La seconde partie de l'évaluation dont nous avons la charge est
qualitative et se fait à la sous-direction de l'évaluation. Nous
avons en charge l'évaluation des élèves, des
établissements et des pratiques pédagogiques.
J'insisterai beaucoup sur l'évaluation des élèves qui
intéresse tout particulièrement Mme la ministre. Nous sommes en
charge de toutes les évaluations de compétences en lecture et en
calcul, tant au niveau CE 2 que 6ème. Cela nous permet de voir
l'évolution des compétences de la population au fil du temps.
L'évaluation des établissements fait l'objet d'un certain nombre
de données rendues publiques à l'intérieur du
système éducatif exclusivement. Elles font l'objet de trois bases
de données :
- une base de données INPEC (indicateur de pilotage de
l'école au collège), qui permet de voir l'évolution des
établissements et des capacités des élèves entre
l'école et le collège ;
- une deuxième base, indicateur de pilotage de l'enseignement
secondaire, dont vous pouvez lire des extraits publiés tous les ans dans
la presse sous la forme du palmarès des lycées et palmarès
des résultats aux baccalauréats. On peut dire par exemple que le
lycée Henri IV est bon sur le taux de succès au
baccalauréat, mais il m'importe plus de voir que tel
établissement Pablo Neruda a la valeur ajoutée la plus importante
de France par rapport au taux attendu en fonction des critères sociaux
des élèves.
- enfin, une troisième base est en cours de construction : la
base Info-sup qui porte sur l'enseignement supérieur. Nous
agrégeons toutes les données tant sur les personnels que sur les
étudiants, sur les filières, les élèves, de
façon à nous construire un univers qui nous permette
d'élaborer tous les indicateurs que l'on souhaite.
Ces données et ces indicateurs servent à la programmation du
système éducatif qui se développe à deux niveaux
dans notre direction. Le premier niveau : la programmation et
prévision des effectifs. Nous sommes en charge des esquisses de
programmation sur les ouvertures de concours de recrutement par exemple. La
construction d'indicateurs, d'outils d'utilisation et de pilotage qui sont des
outils d'aide à la contractualisation, aussi bien des
établissements que des académies.
Enfin, une programmation que je cite en dernier mais qui n'est pas la
moindre : notre direction est en charge de l'élaboration du
schéma de service collectif de l'enseignement supérieur et de la
recherche et de la préparation du prochain contrat de plan
Etat-régions et donc, du projet U3M. C'est notre direction qui est en
charge de l'élaboration de ce que sera le système d'enseignement
supérieur et de recherche dans dix et vingt ans. Voilà.
Nous ne sommes donc pas une direction de gestion mais une direction
d'évaluation et de prospective -ce qui était d'ailleurs son
ancien nom- puisque ce n'est que plus tard qu'elle a pris le nom de direction
de la programmation et du développement.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Vous dites que vous êtes
passés de la DEP à la DPD. Est-ce simplement le sigle qui a
changé, ou les missions ont-elles changé ?
Sur l'évaluation qualitative, on nous a indiqué qu'il y avait 350
disciplines. Sont-elles toutes nécessaires ? Doivent-elles toutes
être uniquement traitées à partir de l'éducation
nationale ? Quelques-unes très pointues, très ponctuelles ou
très conjoncturelles ne pourraient-elles pas être
sous-traitées au monde de l'économie en
général ?
M. Michel Garnier -
Il y a un élargissement du
champ des compétences entre la DEP et la DPD. La DEP était le
service statistique du ministère. Les données statistiques
étaient surtout utilisées pour des publications et pour alimenter
le débat public, et très peu utilisées pour la
rétroaction sur le pilotage du système. La nouveauté dans
la structure de la DPD est d'y avoir adjoint la définition de la
programmation et la construction des outils de pilotage et l'application de ses
constatations, tant sur les contrats Etat-régions que sur les
constructions universitaires. J'ai oublié de dire que notre direction
avait la compétence sur l'ensemble des financements des constructions
universitaires et des plans de sécurité.
Sur les 350 disciplines, il s'agit d'une question piège. J'ai
été président d'université pendant onze ans. Mes
biologistes voulaient être spécialistes de la corne gauche de
l'escargot sans savoir ce qu'était la corne droite ; deux
disciplines complètement différentes !
Personnellement, je considère qu'il faudrait raisonner par
agrégat de disciplines. Au niveau du premier et du second degré,
rendre les disciplines trop pointues n'est peut-être pas forcément
très raisonnable.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur le premier point, la
bivalence, voire la multivalence que vous décrivez peut-elle apporter
des améliorations dans l'organisation du système ? A partir
du moment où l'on ne considérerait pas que le départ de la
bivalence vers la spécialité est une promotion
hiérarchique pour l'enseignant.
M. Michel Garnier -
Je suis agrégé de
physique-chimie, donc a priori bivalent. Je considère en effet que pour
redonner de la souplesse à la gestion du système et pour pouvoir
utiliser l'enseignant dans sa deuxième discipline, si sa première
discipline se trouve excédentaire, la multicompétence est
valable, non seulement dans le domaine de l'enseignement, mais aussi dans tout
le monde économique. On ne peut pas être monovalent.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'indique à la commission
qu'elle est obligatoire en Allemagne.
Mme Hélène Luc
- C'est un large
débat.
M. Michel Garnier -
Je sais que votre commission d'enquête
s'intéresse essentiellement au premier et au second degré. Mais
quand je vois que dans des disciplines comme physique-chimie, dans les
universités, un chercheur en électricité serait
déshonorée d'enseigner l'optique, j'en suis
désolé ; c'est quand même de la physique. Il faut
avoir un champ de compétences assez large. En outre, le futur de
l'évolution du système est dans la pluridisciplinarité.
M. le président
- Vous avez dit que vos travaux
portaient sur les prévisions de recrutement des enseignants. Est-ce
vous, le directeur de la programmation et du développement, qui faites
au ministre la proposition de recruter tant de personnes dans telle discipline
pour telle ou telle raison ? Si oui, vos propositions sont-elles suivies
ou d'autres facteurs interviennent-ils dans les décisions ?
M. Michel Garnier -
Notre rôle est de
définir de façon pluriannuelle les besoins, année par
année, dans chacune des disciplines par l'analyse de toutes les
données dont on dispose, des prévisions de départs
à la retraite, des besoins de remplacements. Nous en avons la
capacité à partir d'une modélisation des structures et de
leur évolution en fonction des effectifs prévisibles des
élèves.
De cette façon -j'ai ici un tableau résultant de l'analyse de
cette année- on peut se rendre compte qu'il faudrait fermer certains
concours de recrutement pendant plusieurs années pour absorber les
surnombres de fonctionnaires. Nous faisons ce constat.
Ensuite, ce sont les directions de gestion qui, en discussion avec nous certes,
font les propositions définitives au ministre. Propositions qui tiennent
compte des différents critères : d'abord, du vivier de
recrutement en cours de formation dans les IUFM, tenant compte des contraintes
de ne pas avoir d'effet de butoir sur les recrutement, sachant qu'après
2005, on risque d'avoir dans certaines des disciplines de nombreux
départs à la retraite que nous ne serions pas capables de
combler. Disons qu'il s'agit de tenir compte des phénomènes de
lissage. Nous fournissons donc notre document qui est ensuite amendé par
la direction de gestion avant d'être soumis à la décision
définitive du ministre.
M. Jacques Mahéas -
Vous avez abordé un
problème essentiel pour notre commission, et pour la première
fois, dans le problème de la gestion du personnel, l'évaluation.
Cela me paraît le maître mot de l'éducation nationale.
Chacun sait que pour mesurer la température, un bon thermomètre
est indispensable. En tant qu'élus, nous recevons des tableaux
d'évaluation et de comparaisons avec des moyennes de circonscriptions,
des moyennes nationales dans le domaine des CE 2 et de la 6ème.
Une petite anomalie toutefois : ces moyennes sont quelque peu
perturbées quand il y a des ZEP. Il faudrait trouver un système
pour traiter les zones d'éducation prioritaires à part. En effet;
la moyenne de la ville comprenant ces zones ZEP, nous donne parfois de fausses
indications sur la capacité des écoles hors ZEP qui sont en
réalité meilleures que la moyenne. C'est un détail, mais
je tenais à le donner.
Ce thermomètre a-t-il été conçu de manière
incontestable ? Vous avez dit à juste titre que Pablo Neruda peut
avoir une meilleure performance qu'Henri IV. J'en suis totalement
convaincu. Suivant le niveau des élèves, le milieu social, etc.
Souvent, cette base est assez contestée, même de quartier à
quartier, dans nos villes. Y a-t-il des études à ce sujet pour
perfectionner d'année en année le thermomètre et pour
arriver à ce que ses résultats soient incontestables ?
Est-on capable, étant donné les mouvements de population dans
certains secteurs urbains, d'avoir un panel fiable qui permet de suivre des
élèves de la sixième jusqu'à la terminale.
Enfin, envisage-t-on une collaboration européenne pour essayer de nous
situer par rapport aux pays voisins dans ces types d'évaluation ?
M. Michel Garnier.-
Pour le thermomètre, il y a deux
paramètres pour voir s'il est valable : le paramètre
microscopique et le paramètre macroscopique.
Pour le paramètre microscopique, il est clair qu'il faut d'abord que les
contenus, les items qui sont les sujets de l'évaluation, soient
incontestés par tout le monde. Quand on construit les épreuves
d'évaluation, c'est l'objet de plusieurs mois de travail d'un groupe
pour se rendre compte de l'objectif de tel ou tel item.
J'ouvrirai une parenthèse. Nous avons été chargés
de construire les items d'évaluation pour la journée d'appel et
de préparation des forces militaires. Le travail a fait l'objet d'un an
de préparation des items pour être sûr que les outils nous
permettent de mesurer ce que nous voulions mesurer. Une fois que l'on est
sûr de ceux-ci, on se rend compte à la correction qu'entre 5 et
10 % des items, vu la dispersion des réponses, ne sont pas
significatifs. On les élimine par force. Il y a là toute une
analyse effectuée par des spécialistes.
Ensuite, les niveaux d'agrégat. Comment faisons-nous des agrégats
pour comparer telle circonscription à l'ensemble de l'académie ou
telle académie à l'ensemble de la France ? Vous avez
entièrement raison sur le fait qu'il y a des différenciations ZEP
et hors-ZEP. Mais on les a déjà beaucoup montrées du
doigt. Faut-il les montrer encore plus et insister sur la
différenciation ?
Nous, au niveau central, nous ne remontons qu'un échantillon de ces
évaluations, un panel représentatif. Mais l'ensemble des
évaluations sont à disposition des rectorats qui peuvent en faire
des analyses beaucoup plus fines dans les services statistiques
académiques.
Au niveau national, nous faisons attention dans nos publications, à ne
pas faire de ségrégation ZEP et hors-ZEP, parce que nous savons
très bien que dans les ZEP, le taux de retard scolaire est plus
important. Si l'on examine les caractéristiques d'une ZEP, on constate
ce taux de retard scolaire plus important, mais aussi un taux plus important de
catégories sociales défavorisées, un taux plus important
de langue maternelle qui n'est pas le français etc. Tout cela contribue
à des facteurs d'échec que l'on essaie de compenser par une
discrimination positive en ZEP. Mais montrer du doigt plus qu'on ne le fait
dans les notes d'information me paraîtrait mauvais pour l'unité du
service public d'éducation nationale.
M. Jacques Mahéas -
Pour nous, l'important est de voir que
quand l'éducation nationale met des moyens supplémentaires, il
est évident qu'il y a des progrès. Je l'ai constaté dans
ma propre ville. Il n'y a pas de honte à dire qu'on est dans une zone
d'éducation prioritaire ; on se rapproche des moyennes nationales.
M. Michel Garnier -
Je vous dirai quel est mon objectif que
j'évoquais récemment au cours d'une réunion. Nous avons la
base indicateur INPEC, (indicateur de pilotage de l'école au
collège). Cela nous permettrait, si nous l'affinions au niveau des
établissements, de donner aux recteurs un outil considérable pour
voir l'efficacité du cycle dernier des écoles et comparer les
évaluations de 6ème. Mais pour faire cela, il faudrait remonter
de façon exhaustive les élèves et que l'on compare une
base collège à une base école, et obtenir une autorisation
de la CNIL pour avoir un identifiant national pour les élèves. On
n'est pas capables de le faire, et je suis donc obligé de travailler sur
panel.
Quant à l'international, -point important- oui, notre direction a une
énorme action internationale. Nous sommes partenaires d'une
enquête, parue l'an dernier sous l'égide de l'OCDE qui classait la
France comme très bonne en mathématiques, mais mauvaise en
sciences. Nous sommes responsables, et même pilotes, du réseau
européen des systèmes d'évaluation du système
éducatif, et nous avons en permanence des comparaisons internationales.
Une future comparaison OCDE va encore sortir. Se comparer, c'est se stimuler.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Je me souviens d'une
rencontre que j'avais eue, il y a trois ou quatre ans, avec des gens du
ministère de la défense de ma région qui m'indiquait
-cette campagne a d'ailleurs été largement reprise par les
médias- que si l'analphabétisme disparaissait dans le pays, par
contre l'illettrisme croissait.
Quand je lis certaines évaluations du ministère de
l'éducation nationale, cela ne correspond pas exactement aux
appréciations du ministère de la défense. Je n'avais pas
manqué de le signaler. On m'avait indiqué que vous étiez
juge et partie et que les indications que vous donniez n'étaient
peut-être pas les meilleures. Excusez-moi de cette demi provocation.
J'aimerais savoir quel est l'état de notre pays par rapport à
l'illettrisme. Y a-t-il un accroissement de cette mauvaise situation ?
Aujourd'hui, ce que ce que nous constatons dans nos villes, parfois en
discutant avec les jeunes, est-il un phénomène
général ?
Sur le palmarès des lycées, j'y suis totalement opposé. Il
me paraît totalement ridicule de vouloir classer les
établissements les uns par rapport aux autres.
Mme Hélène Luc -
...et les collèges
aussi.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- J'ai vécu un
phénomène incroyable dans ma commune où il y a trois
lycées. L'un des lycées, par chance, avait été
très bien placé; les deux autres moins bien. Dans cette ville
moyenne, la population s'est précipitée vers le premier
lycée, délaissant les deux autres. De manière plus
générale, ce classement ne nuit-il pas à la
répartition des effectifs dans le pays ? Cela ne vous
gêne-t-il pas de publier ce qui est largement repris
régulièrement par les médias ? Cette publication ne
gêne-t-elle pas votre travail ?
M. Michel Garnier -
Le petit-fils et fils d'instituteur du service
public que je suis est aussi choqué que vous par ce palmarès.
Quand je l'ai découvert en arrivant à la direction, ma
première réaction a été de l'arrêter. Je me
suis laissé convaincre du contraire. Je vous donne les arguments qui
m'ont été développés, et j'espère à
la fin vous convaincre de la même façon que je l'ai
été moi-même.
Quand nous ne le faisions pas, il y sept ans, les journaux se procuraient
auprès des académies les résultats bruts du
baccalauréat et publiaient n'importe quoi. Donc, c'était pire.
Deuxièmement, nous essayons au contraire de fournir des indicateurs
structurés. Certes, nous publions pour l'indicateur n° 1 le
taux brut des résultats au baccalauréat, mais l'indicateur 1bis
tient compte de la dispersion des catégories sociales au sein de
l'établissement. Et tenant compte du taux de succès de chacune de
ces catégories sociales, nous reconstruisons un taux attendu de
succès à l'intérieur d'un établissement.
Il est clair que si un établissement a un taux de succès bien
meilleur que son taux attendu, il a apporté une valeur ajoutée.
C'est cela qui est important. Ce n'est pas son taux de succès. Il est
clair que les lycées Louis le Grand ou Henry IV auront toujours un
très bon taux de succès, mais si leur valeur ajoutée est
de moins cinq pour cent, c'est bien différent de Pablo Neruda qui fait
plus trente pour cent.
Le deuxième indicateur, que j'ai toujours contesté dans la
direction, et que l'on va améliorer cette année -je me suis battu
en interne et cela a même suscité le départ d'une personne
qui n'était pas d'accord avec moi- porte sur le taux de passage de
seconde au baccalauréat, c'est-à-dire le taux de maintien dans
l'établissement ; il a un effet pervers dans sa définition.
On peut considérer qu'il est un indicateur de la
sélectivité des établissements. Des établissements
préfèrent "éjecter" les élèves vers un autre
établissement pour avoir un bon taux de succès au
baccalauréat. Cela permet de juger la sélectivité, mais il
faut savoir que tous les établissements n'ont pas toutes les
filières en première. Il y a des sorties inéluctables en
fin de classe de seconde. Cet indicateur avait un effet pervers et était
très contesté. Nous le modifions donc cette année.
Jusqu'ici, la presse s'en saisissait et publiait elle-même ses
classements. Avant que l'on ait fait ces indicateurs, elle publiait n'importe
quoi et c'était pire. Notre intention cette année -que j'ai
proposée au cabinet du ministre, mais qui n'est pas encore
validée- est que nous fassions notre propre communication, sachant
qu'avec cinq ou six indicateurs et en fonction du poids que l'on donne à
chacun de ces indicateurs, on trouverait un résultat totalement
différent.
Si on met un poids de 1 sur le taux de succès au baccalauréat et
0 sur les autres, il est clair que Louis le Grand sera premier. Si je mets un
poids de 1 sur la valeur ajoutée, c'est Pablo Neruda qui sera
premier. Je veux démontrer qu'il ne faut pas s'amuser à faire un
classement avec cela, mais que c'est simplement un indicateur. J'ai eu deux
enfants : l'une était à l'aise et avait besoin d'être
en compétition dans un lycée d'excellence ; l'autre avait
besoin d'être première dans un lycée plus moyen. C'est aux
parents de faire leur choix.
J'ai été convaincu qu'il fallait continuer, sinon la presse...
M. Jacques Mahéas
- Attention à la carte scolaire !
M. Michel Garnier -
Quant à la journée de
préparation défense et à l'illettrisme, nous sommes
convaincus que l'illettrisme ne progresse pas en France. M. Bentolila, qui
fait énormément d'études sur l'illettrisme et qui va
beaucoup dans les médias serait beaucoup plus à même de
vous répondre.
Si on regarde la comparaison de nos évaluations des capacités en
lecture à l'entrée en sixième, on s'aperçoit
qu'à dix ans d'intervalle, la valeur moyenne est la même. Il y a
une légère amélioration et pas du tout de
dégradation. Si on fouille plus loin, on constate que sur des items
simples, les performances s'améliorent, mais que sur les items de
lecture qui consistent à décoder de façon logique un
message, il y a une légère régression. Cela
m'inquiète. Pour comprendre ce que l'on a lu, cet item-là est
très important.
Quant à l'illettrisme, maintenant que nous sommes en charge de la
fabrication des items et que nous possédons les dépouillements de
ce qui se passe lors de la journée de la préparation
défense, nous allons pouvoir suivre cela. Avant, nous ne disposions pas
de ce qui se passait à 18 ans.
M. Francis Grignon, rapporteur
- J'ai vu un principal en retraite
qui disait qu'il voulait établir des formations de
sécurité routière. Il avait fait appel à des
spécialistes d'auto-écoles et on lui a imposé un
enseignant à côté. Il ne trouvait pas cela très
logique. Je n'en juge pas, je vous le décris et vous demande votre avis.
Second point : les 350 disciplines. J'aimerais que vous m'indiquiez quel
est le nombre des disciplines correspondant à des emplois
spécialisés aujourd'hui et quels seraient les agrégats
possibles qui permettraient les bivalences ?
Enfin, en rapport à l'évaluation que vous évoquiez tout
à l'heure, trouvez-vous normal de considérer qu'un enfant
très en avance ou très en retard dans une classe est
considéré comme anormal ? Trouvez-vous normal qu'on lie
automatiquement un âge à une classe et que l'on n'ait pas plus de
souplesse à ce niveau ?
M. Michel Garnier -
C'est le citoyen qui va répondre
à votre dernière question. Je n'engage que moi et non pas le
ministre ou le ministère. Je suis intimement convaincu que si on veut
éviter la ségrégation sociale entre établissements,
il faut rétablir des classes de niveau.
Mme Hélène Luc -
Pourquoi ?
M. Michel Garnier -
Si on veut maintenir un enfant qui est en
avance dans la classe de son âge, il va y perdre son temps. Si un enfant
est en retard et que l'on refuse le redoublement, il faut le faire deux ans
après. Ce sera trop tard car les acquis fondamentaux ne sont pas
intégrés. Ce n'est pas deux ans plus tard qu'il faut redoubler,
c'est au moment où il y a un manque qu'il faut le faire.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'ai connu un ministre
qui a dit cela il y a 20 ans. Cela lui a coûté assez cher.
M. Michel Garnier.-
C'est ma position. Si vous regardez nos
publications, les classes de niveau se recréent de toute façon
artificiellement par les choix d'options. Dans les établissements un peu
importants, par les choix d'option, on se débrouille pour mettre les
bons dans une classe et les moins bons dans une autre.
Je préfère dire franchement qu'un enfant qui perd son temps va se
démotiver. Celui qui n'a pas les acquis fondamentaux pour suivre la
classe dans laquelle on l'a mis va totalement se démotiver et rentrer
dans l'exclusion scolaire.
Quant aux 350 disciplines, si je vous répondais, ce ne serait ni la
vérité, ni de la dissimulation. Si vous posez une question
écrite, je vous répondrai, mais je n'ai pas de réponse
directe. Dans les filières générales, je serais
tenté de vous donner des réponses assez claires, mais dans les
filières professionnalisées, il faudrait se rapprocher du monde
de l'emploi pour en dire un peu plus.
J'ai oublié de dire qu'une nouvelle mission donnée à notre
direction était de mettre en place une mission
éducation-économie-emploi. C'est un texte sorti en fin
d'année. Toute réponse quantitative que je vous ferais serait
totalement fausse. Je préfère ne pas la faire.
Quant à l'intervention du monde économique dans
l'éducation, c'est un vaste débat qui a déjà mis
plusieurs générations d'élèves et
d'étudiants dans la rue. Il faut donc manier cela avec
précaution.
Il y a des compétences du monde économique. Faire intervenir des
professionnels dans le système d'éducation me paraît
très bien, d'autant plus s'il s'agit de filières où il y a
un besoin à un moment donné. Il ne faut surtout pas mettre en
place une filière pérenne. En France, on sait rajouter, mais on
ne sait pas forcément fermer les filières. Il faut s'appuyer sur
le monde économique pour faire cela.
Sous quelle forme ? Avec le système de l'éducation
nationale, il suffit de regarder les commentaires : quand on dit que U3M,
c'est vendre l'université au monde économique, alors que c'est
tout à fait le contraire. Il faut donc manier cette notion avec beaucoup
de précautions.
Mme Hélène Luc.-
Vous avez parlé de
la qualité de l'enseignement. On a abordé tout à l'heure
le problème des effectifs. Vous venez de donner un avis sur les classes
de niveau. Je pense qu'il serait préférable, dans les classes en
difficulté, de mettre moins d'élèves, -comme l'a
proposé le ministre- et que l'on prenne ces élèves au
départ. Après, on va vers la ségrégation, qu'on le
veuille ou non. Vous dites qu'elle se recrée quand même, mais si
on l'encourage, où va-t-on ?
Ma question porte précisément sur la formation des enseignants et
sur les IUFM. Quand j'ai rapporté sur l'enseignement technique, je me
suis posé la question de savoir si les personnels de l'enseignement
technique recevaient vraiment la formation nécessaire pour
l'enseignement technique.
Auparavant, ils étaient dans les ENNA. Aujourd'hui, les IUFM
correspondent-ils aux besoins ? J'ajoute que j'aimerais savoir comment
vous traitez le sujet de la bivalence avec les IUFM.
M. Michel Garnier.-
Je réponds à votre
dernière question, mais votre dernière remarque sur les classes
de niveaux nécessite un complément d'information.
Pour les IUFM, il faut tenir compte des deux catégories de personnels
recrutées par les IUFM. Il y a ceux qui fabriquent des professeurs
d'école et ceux qui fabriquent des professeurs de collège et de
lycée. Pour les professeurs d'école, il serait catastrophique de
ne pas avoir la même bivalence.
Mme Hélène Luc.-
Il n'y a pas de
problème pour cela.
M. Michel Garnier.-
Pas de problème ?! Je
considère qu'il y en a.
Il suffit, pour entrer à l'IUFM et devenir professeur d'école,
d'une licence monodisciplinaire. Par exemple, une licence en psychologie.
Qu'est-ce qui intéresse le gosse dans l'école ? Je me
souviens des promenades avec mon grand-père et les questions que je lui
posais. C'est l'environnement. On a besoin de polyvalence en sciences
naturelles. La leçon de choses d'antan n'était pas totalement
négligeable. Quand on sait faire des sciences naturelles, on sait faire
de l'arithmétique. On a besoin d'un minimum de lettres, d'un minimum de
langues étrangères. On dit que l'on est en retard et qu'il y a un
déficit profond en France, mais il faudrait peut-être prendre ce
problème dès le niveau professeur d'école. Et on a aussi
un besoin minimum de disciplines artistiques.
Il faut donc de la polyvalence dès les professeurs d'école, et ce
n'est pas la licence monodisciplinaire qui règle le problème. Ce
n'est pas l'approche disciplinaire fait dans les IUFM qui le réglera
profondément. Ma conviction profonde est qu'un enfant, à qui
l'instituteur ou le professeur d'école n'est pas capable de
répondre aux questions de curiosité, lui retire sa
considération. C'est peut-être comme cela que l'instituteur a
perdu sa considération sociale. C'est pour moi un point très
important.
S'agissant du professeur de collège et la bivalence, je crois que c'est
en amont de l'IUFM qu'il faudrait agir. Si on veut faire cela, il faut mettre
en place des licences pluridisciplinaires. Il faut d'abord arriver à la
pluridisciplinarité. Le DEUG est déjà pluridisciplinaire.
Mais il y a peu de DEUG pluridisciplinaires : sciences humaines d'un
côté, sciences exactes de l'autre ; on n'a pas besoin de cela
pour les collèges. Une licence de mathématiques et de physique,
de physique et de chimie, il y en a très peu. On rentre
immédiatement dans la monodiscipline. Quand on est monodisciplinaire en
entrant à l'IUFM, ce n'est pas l'IUFM qui peut apporter la
réponse au problème. C'est avant.
Vous avez posé la question des anciennes écoles normales ;
les professeurs de l'enseignement technique sont-ils bien
préparés ? Je le pense. Mon gendre vient de passer le CAPET,
préparé à l'IUFM. Je crois que cela va.
M. le Président -
Ce n'est pas évident au
départ.
M. Michel Garnier -
Je voudrais encore répondre à la
question sur les classes de niveau. Je ne suis pas fanatique des classes de
niveau ou pour surdoués. Mon problème est de répondre
à la question : y a-t-il un âge pour une classe ? Non.
Je crois qu'il faut adapter des classes et donner plus à ceux qui ont
besoin de plus et qui ont le moins.
Faire des effectifs plus faibles, d'accord, mais cela ne me dérange pas
de créer un retard scolaire d'une année si je sais
qu'après, l'enfant sera en situation de succès. Si je
décide deux ans après seulement que je vais lui créer ce
retard scolaire d'une année, il aura perdu ces deux ans. Il sera trop
tard pour lui rattraper son handicap.
M. le Président.-
Ce ne sont pas forcément des
classes de niveau que vous décrivez ; ce sont des rythmes
adaptés.
M. Michel Garnier.-
Oui, ce sont des rythmes adaptés. Je
suis pour faire avancer plus vite ceux qui peuvent aller plus vite, comme sur
les routes.
Mme Dinah Derycke
.- Ma question concerne, à
travers tout ce qui a été dit sur les statistiques, les
prévisions, l'évaluation quantitative et qualitative, le
problème des jeunes filles. Elles réussissent plus rapidement et
mieux leur scolarité, sauf qu'elles la terminent dans des
matières peu avantageuses pour la vie économique. Elles se
dirigent rarement vers des carrières scientifiques et techniques alors
qu'elles sont très bonnes en mathématiques par exemple, et qu'on
pourrait espérer recruter et avoir un vivier de recrutement.
Sur ce dossier, faites-vous un véritable travail et est-il vraiment pris
en compte ? A travers les statistiques, l'évaluation que vous
faites, pouvez-vous avoir une écoute au sein du ministère pour
que l'on mette en place des dispositifs afin que l'orientation des jeunes
filles soit différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Cela permettrait
de réduire certaines options et filières qui existent encore
quelquefois et qui ne les mènent nulle part, notamment dans
l'enseignement professionnel.
Ma deuxième question, liée à cette même
préoccupation, concerne la féminisation des personnels. Avez-vous
fait ou eu l'idée de faire une évaluation sur le fait que
l'enseignement pré-élémentaire et primaire notamment est
essentiellement à dominante féminine ?
M. Michel Garnier.-
Nous sommes capables de fournir tous ces
chiffres sans aucune difficulté.
Mme Derycke
.- Il ne s'agit pas seulement des chiffres. A-t-on
analysé ces chiffres ?
M. Michel Garnier.-
Nous fournissons les indicateurs, les constats.
Quant à prendre les mesures pour redresser cet état de fait, cela
ne relève pas de mon domaine de compétence. Je ne les ai donc pas
envisagées, mais au niveau de l'université, je suis dans le coup,
ayant été onze ans président d'université, les
filles savent ce qu'elles veulent faire.
Mme Dinah Derycke.-
C'est trop tard !
M. Michel Garnier.-
C'est trop tard. Il est clair que ce que fait
Claude Allègre en ce moment, en voulant simplifier -je n'ai pas dit
diminuer la valeur- l'accessibilité aux programmes scientifiques,
ramènera peut-être les jeunes filles vers les sciences. Je suis en
première pour mes jumeaux. Je suis les disciplines. Heureusement que je
suis professeur de physique pour les maintenir au niveau. Franchement, c'est
ultra compliqué. C'est depuis la classe de 4ème que je me fais du
souci. La mesure que prend Claude Allègre visant à
améliorer l'accessibilité et l'expérience dite de
" la main à la pâte " pour les programmes scientifiques
est susceptible d'améliorer cette répartition et de remotiver des
enfants pour les sciences expérimentales.
Mme Dinah Derycke.-
Je ne pense pas que ce soit la
solution pour les jeunes filles. Ce n'est pas un problème de niveau ; ce
n'est pas parce qu'elles ne sont pas bonnes ni parce qu'elles ne comprennent
rien aux mathématiques comme on l'a cru fort longtemps. On croyait
même autrefois qu'elles n'étaient pas capables d'apprendre le
latin ! Ce n'est pas pour cela qu'elles ne s'orientent pas vers ces
filières ; c'est pour d'autres raisons.
Les études statistiques -je sais qu'elles existent et je me les procure
régulièrement montrent que les choses empirent. A un moment
donné, cela allait un peu mieux. Depuis quelques années, nous
régressons à nouveau dans ce domaine, ce qui est quand même
assez grave. Analysez-vous, évaluez-vous ce
phénomène ?
M. Michel Garnier.-
Non, mais vous me donnez un bon sujet
d'étude sur une enquête qui pourrait se faire par panel pour
analyser cette affaire. Comme nous avons construit un panel pour voir au niveau
universitaire les éléments d'orientation, mais que pour pouvoir
avoir un suivi, on en démarre un autre beaucoup plus tôt, il
faudra que l'on ajoute des questions de cette nature. Ce n'est pas fait.
M. Christian Demuynck
.- Je voudrais revenir sur les évaluations.
Vous avez expliqué que vous aviez un outil efficace pour mesurer la
qualité de l'enseignement. Quand vous constatez que cela se passe mal
sur une circonscription, un département ou un établissement,
c'est-à-dire que les résultats obtenus sont largement au-dessous
d'une certaine moyenne, que se passe-t-il après ? A quoi sert
l'évaluation ? Y a-t-il des mesures spécifiques prises dans
ces départements, dans ces établissements, à partir des
études que vous avez menées ?
M. Michel Garnier.-
La répartition des moyens est
établie en liaison avec les rectorats mais ne consiste pas simplement en
une règle de trois. Si c'était le cas, il n'y aurait pas besoin
de discussion.
Cela implique la prise en compte d'un certain nombre de
spécificités de différentes natures. De nature
" rural-urbain " d'abord : il y a des rectorats qui ont à
la fois le plus fort taux d'élèves dans les communes urbaines,
mais le plus faible taux d'élèves dans les communes rurales. Si
on fait une simple moyenne, on considère qu'ils sont bien dotés.
Deuxièmement, il y a les résultats des évaluations, le
pourcentage de catégories sociales défavorisées etc. Nous
avons construit une batterie d'indicateurs sur lesquels on fait une combinaison
linéaire pour tenir compte de la modulation des propositions de moyens
à affecter à chacun des rectorats.
C'est évident. Heureusement !
M. le Président.
- Je vous remercie, monsieur le directeur.
Une dernière question : votre direction dispose d'instruments
statistiques, d'instruments d'évaluation. Les instruments dont vous
disposez peuvent permettre à un ministre d'évaluer sa propre
politique, ou au public d'évaluer la politique du ministre.
Pensez-vous que le directeur de la programmation et du développement
doit soumettre les statistiques, les études, les résultats de ces
évaluations au cabinet du ministre avant de les publier ? Je ne
parle pas de ce ministre-ci.
M. Michel Garnier.-
Nous sommes quand même une direction du
ministère, au service du ministre et du ministère ; nous ne
sommes pas une agence d'évaluation indépendante.
M. Jacques Mahéas.
- C'est une question bizarre pour un politique.
M. Michel Garnier.-
J'attendais la question sous une forme
légèrement différente, mais je répondrai d'abord
à votre question.
Si j'étais un simple service statistique, il est clair que la
statistique alimente le débat public et qu'il faudrait tout publier.
Nous, notre objectif est que ce que l'on mesure serve à agir sur le
système. Ce qui sert de moyen d'action doit d'abord être
arbitré par le ministre et être en synergie permanente avec le
ministre.
Je pensais que vous me poseriez la question autrement. Vous détenez,
avec tout le système d'information, la puissance de proposer des choses
au ministre, d'évaluer les résultats à court terme. C'est
l'objectif que l'on s'est fixé, -pas pour détenir la puissance,
je suis au service du ministre- de fédérer l'ensemble des
systèmes d'information, dispersés antérieurement dans le
ministère, de façon à être capable de croiser les
informations et avoir une source immédiate d'accès par Intranet
pour le ministre et pour tout le monde aux données du ministère
et être capables de prendre des décisions à bon escient.
Cela nous a paru fondamental. Si dans trois ans, vous demandez de comparer les
indicateurs et d'évaluer les effets de la politique du ministre,
pourquoi pas ?
Quant à savoir si je dois soumettre au cabinet du ministre avant de
publier, ma déontologie est très claire : tout ce qui sort,
le ministre doit en être informé puisqu'il en entendra parler le
premier.
M. le Président.-
Nous vous remercions, monsieur le
directeur.
AUDITION DE M. CLAUDE BERNET,
directeur
général de l'enseignement ET DE LA RECHERCHE
AU
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
(6 JANVIER
1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Claude Bernet.
M. Adrien Gouteyron, président.-
Je vous demande
de nous faire un exposé qui laisse assez de place pour vous poser
quelques questions.
M. Claude Bernet.-
Le sujet de votre commission est la
gestion des personnels enseignants dans l'enseignement public, y compris
l'enseignement agricole.
Il convient tout d'abord de rappeler que l'enseignement agricole compte,
à la rentrée de 1998, 177.000 élèves environ, soit
l'équivalent pour le secondaire second cycle d'une académie
moyenne comme Nancy. Sur ces 177.000 élèves, 71.800 sont
scolarisés dans le secteur public. Les effectifs d'élèves
sont à 60 % dans le secteur privé avec d'ailleurs deux
versions : le temps plein, essentiellement pratiqué par
l'enseignement catholique, qui fonctionne sur des normes semblables à
celles de l'enseignement public agricole, et le rythme adapté,
c'est-à-dire le système d'alternance pratiqué par les
maisons familiales avec un système de formation totalement
différent.
Ces 71.800 élèves sont répartis de la façon
suivantes dans 216 établissements :
38 établissements ont plus de 500 élèves en
formation initiale ; 126 ont entre 200 et
500 élèves ; 52 ont moins de
200 élèves.
Le schéma est similaire dans l'enseignement privé agricole,
constitué d'établissements de petite taille, voire de taille
moyenne, en comparaison avec ceux de l'éducation nationale.
Ces établissements ont une grande diversité de formations, allant
de la quatrième technologique au BTS, ou Bac + 2. Parmi ces 177.000
élèves, 22.000 sont en BTS.
Par ailleurs, nous avons des formations générales et des
formations professionnelles, parmi lesquelles des formations en production
agricole pour 50 % des effectifs, avec la diversité entre
l'agriculture générale, l'horticulture et la viticulture.
10 % des élèves se consacrent à la préparation
de métiers de la transformation agroalimentaire ; 6,5 % aux
métiers du commerce de produits agroalimentaires et agricoles. Les
métiers de l'aménagement y compris l'horticulture,
l'aménagement de l'espace, l'aménagement paysager,
l'aménagement de l'espace naturel représentent environ
22,5 %.
Dans ces établissements de taille moyenne ou petite délivrant des
formations très diverses, l'affectation des personnels enseignants
s'avère plus difficile que dans les cas d'établissements de plus
grande taille et de filières plus concentrées.
Nous pratiquons d'ailleurs un système qui permet aux projets
d'établissements de se traduire par la construction de filières.
C'est-à-dire qu'un élève puisse trouver dans un
établissement la possibilité de s'élever progressivement
en qualification, par exemple, -c'est un rêve qui n'existe que pour une
minorité- pour passer du BEPA au BAC-PRO, du BAC PRO au BTS dans une
filière viticulture oenologie par exemple.
Cela relève du pilotage national, et c'est le ministre de l'agriculture
-cela ne peut être déconcentré- qui décide de la
création des classes qui constituent ces filières dans les
établissements publics, comme dans les établissements
privés.
Pour réaliser tout cela, -je précise que je ne parle que pour le
public qui est le sujet de votre enquête-...
M. le Président -
Non, notre commission traite aussi
bien du privé.
M. Claude Bernet.-
Je serai alors peut-être moins
précis sur les chiffres que je pourrai vous fournir
ultérieurement.
Concernant le public, nos effectifs d'enseignants sont les suivants : deux
corps principaux de professeurs : les professeurs certifiés et les
professeurs de lycée professionnel, strictement homologues en termes de
statut et de carrière avec les corps équivalents de
l'éducation nationale. C'est un des principes posés par la loi de
1989 sur l'éducation. L'article 21 précise que dans le
respect de ses spécificités, l'enseignement agricole
bénéficie des dispositions de la présente loi. Cela se
traduit par une parité intégrale : les indices de
recrutement, les déroulement de carrière sont les mêmes.
Pour fixer les idées, nous avons un peu plus de 2.500 professeurs
certifiés et un peu plus de 2.300 professeurs de lycée
professionnel, séparés en sections correspondantes aux
disciplines ou aux groupes de disciplines. Les professeurs certifiés
comportent 12 sections : lettres modernes, langues vivantes, biologie
écologie, mathématiques, éducation socioculturelle
(caractéristique de l'enseignement agricole), documentation, etc.
Les professeurs de lycée professionnel sont répartis en dix
sections : six sections " théoriques " et quatre sections
" pratiques ". Ces professeurs ont les mêmes obligations
horaires que ceux de l'éducation nationale. Pour un professeur
certifié, l'obligation horaire de base est de 18 heures ; pour
un professeur de lycée professionnel, selon qu'il est "théorique"
ou "pratique", cette obligation est de 18 ou 23 heures.
Cela compose un ensemble d'environ 4.900 professeurs propres à
l'enseignement agricole, auquel s'ajoutent 674 professeurs d'autres
origines, notamment de l'éducation nationale par la voie du
détachement. Tous les professeurs d'éducation physique sont dans
cette situation.
A cela s'ajoute des ingénieurs. Actuellement, plus de
760 ingénieurs dont 350 ingénieurs d'agronomie et
410 ingénieurs des travaux agricoles. Je rappelle que les
ingénieurs d'agronomie correspondent à la catégorie A+ et
les ingénieurs de travaux agricoles à la catégorie A.
Cela fait un ensemble d'un peu plus de 6.300 professeurs et ingénieurs,
en situation de formation, en face à face avec des élèves.
A ces 6.300, il faut retirer un millier de professeurs et d'ingénieurs
qui ne sont pas en face à face avec des élèves. Ils
peuvent l'être mais dans d'autres structures que celles de l'enseignement
technique. 164 ingénieurs et professeurs travaillent dans le
supérieur agronomique et vétérinaire, 70 sont mis à
disposition des actions de développement rural, 200 environ travaillent
dans les services administratifs, 320 servent en qualité de directeurs
de centre de formation professionnelle agricole, puisque la plupart de nos
grands établissements comptent un centre de formation professionnelle
dans leurs structures. Cela fait donc un total d'un millier.
Sur les chiffres que j'ai faits pour préparer cette audition, nous
sommes à peu près à 5.300 ingénieurs et professeurs
titulaires.
A ces titulaires s'ajoutent près de 2.000 non titulaires. C'est un
phénomène sur lequel je voudrais insister. 2.000 non titulaires
se divisant en agents contractuels d'état,
rémunérés sur des emplois budgétaires, un peu comme
le serait un titulaire, et un peu moins d'agents contractuels régionaux,
rémunérés sur crédits. Je reviendrai ensuite sur
ces distinctions car je crois que c'est important pour l'examen de ce
problème.
Si l'on considère que nous avons 5.330 titulaires et 1.946 non
titulaires, cela fait un total de 7.276 enseignants. On constate que
l'ensemble des 1.946 non titulaires représente 26,7 % de cet
ensemble. C'est, je crois, très supérieur à la situation
du ministère de l'éducation nationale.
Nos taux d'encadrement sont à peu près homologues à ceux
de l'éducation nationale. Si on raisonne en équivalent temps
plein, il y a un enseignant pour 10,86 élèves. Il s'agit d'une
population d'enseignants qui est très largement, à 26,7 %,
constituée de non titulaires.
A quoi ce phénomène est-il imputable ? J'ai
préparé une courbe qui montre depuis 1991, l'évolution des
effectifs d'élèves et des effectifs d'enseignants titulaires dans
l'enseignement agricole. Il apparaît dans cette courbe que les effectifs
d'élèves depuis 1991 ont progressé de 24 %,
c'est-à-dire une moyenne de 3,42 % par année, de 1991
à 1998. C'est lié au succès que connaît
l'enseignement agricole. Les effectifs de professeurs titulaires n'ont
progressés, eux, que de 13 %, soit une moyenne de 1,85 % par
an. Cette proportion doit est regardée avec attention. En
réalité, jusqu'en 1997, la progression a été
très faible, de la moitié de cet ensemble, moins de 1 %. On
a commencé à voir se redébloquer l'emploi de titulaires
avec la mise en oeuvre de la loi Perben de 1995 sur la titularisation. Depuis
cette loi, 400 agents contractuels ont été
titularisés et nous avons encore deux années de titularisation en
1999 et 2000.
Sur la réalité des affectations et ce qui se passe au niveau des
établissements, il convient de préciser que l'affectation des
enseignants entre les établissements se fait à partir du logiciel
national -Géode- qui fonctionne assez simplement dans le principe :
pour chaque établissement, on entre les classes autorisées, dont
on a un décompte précis puisque aucune classe ne peut fonctionner
sans autorisation ministérielle, et le programme pédagogique
afférant à ces classes. Une classe du BEPA viticulture comporte
31 heures par semaine dont 3 heures de mathématiques,
4 heures de travaux pratiques de viticulture etc.
Dès lors qu'on été rentrées pour un
établissement la totalité des classes autorisées et la
totalité des besoins pédagogiques, le logiciel calcule en heures,
et par discipline, les besoins de l'établissement. Par exemple, il
déterminera que tel établissement a besoin de 222 heures
d'économie ou de 107 heures de mathématiques. Ce logiciel
permet donc d'affecter les titulaires.
Sachant qu'un professeur certifié titulaire d'espagnol a une obligation
hebdomadaire de 18 heures, si tel établissement a besoin de
46 heures d'espagnol, il apparaît que cela correspond à
2 emplois complets de professeurs (2 x 18 = 36). Et
les 10 heures restantes ? C'est là qu'entrent en jeu les des
crédits permettant d'assurer des heures complémentaires non
assurées par les personnels titulaires.
Deux cas différents : soit nous n'avons pas un ensemble entier de
18 heures -c'est une simplification abusive : s'il y a une heure de
première chaire, ce n'est plus 18 heures, mais 17 heures. Cela
dit, globalement, un professeur doit 18 heures- dans mon exemple, il faut
donc bien assurer les 10 heures d'espagnol non prévues.
Soit, si -situation que nous connaissons actuellement beaucoup- il n'a pas
été possible d'affecter à l'établissement des
titulaires en nombre suffisant pour assurer. Imaginons le cas de
l'établissement ayant besoin de 46 heures d'espagnol avec un
professeur titulaire d'espagnol. Il manque donc 28 heures ; il faudra donc
le créditer du montant financier correspondant aux heures
supplémentaires.
Ces heures supplémentaires peuvent être effectuées, soit
par des enseignants de l'établissement dans le cadre des heures
supplémentaires/année, rémunérées à
hauteur de 7.000 francs annuels ; sujet que vous avez sans doute
déjà abordé avec mes collègues de
l'éducation nationale. Nous avons exactement la même
réglementation dont les dates commencent à être anciennes
comme le souligne un rapport de la cour des comptes.
Soit, si on ne peut pas en trouver, il reviendra au chef d'établissement
de trouver localement la ressource. Dans le cas de mon exemple, 46 heures
d'espagnol nécessaires, un seul titulaire qui donne 18 heures. On a
besoin de 18 + 10 = 28 heures. Pour les
premières 18 heures, le chef d'établissement va essayer de
recruter un agent contractuel à temps plein. Pour les autres
10 heures, s'il a la possibilité de faire faire 4 heures de
plus par le professeur titulaire, il le fait. Il restera 6 heures pour
lesquelles il faudra qu'il se débrouille sur le marché du travail
local. La situation est différente selon que vous êtes dans une
ville universitaire ou que vous êtes éloigné de tout, ce
qui est plus souvent le cas dans les lycées agricoles.
Ce système, fondé sur ce logiciel central, fonctionne. C'est
également le système adopté pour les remplacements. Il
nous permet d'assurer la totalité des heures de cours que nous avons
à assurer, mais il est actuellement affecté par un
problème assez lourd du fait de la croissance très rapide des
effectifs, beaucoup plus rapide même que celle des enseignants
titulaires, à savoir que les besoins de crédits consacrés
à la rémunération d'agents contractuels se sont
très fortement accrus.
Actuellement, nous dépensons 215 millions de francs en année
pleine pour l'ensemble de ces fonctions de couverture des déficits,
remplacements etc. 80 %, soit 172 millions, sont consacrés au
financement des déficits structurels, les insuffisances globales de
personnels titulaires ; 21 millions de francs soit 10 % sont
consacrés aux remplacements ; 15 millions de francs, soit
6,5 % sont consacrés aux charges particulières que font
peser sur les établissements la présence de filières
au-delà du bac (prépas et BTS agricole) ; 7,5 millions
de francs, soit 3,5 %, sont restés dans ce que nous appelons les
charges communes.
Nous tenons beaucoup à ces crédits sur lesquels nous devrions
pouvoir financer théoriquement quelques décharges partielles de
services pour assurer ce que nous appelons les quatre missions. Je vous
rappelle que l'enseignement agricole, de par la loi, s'est vu impartir
au-delà des missions de formation initiales et continues, trois autres
missions : animation du développement rural, expérimentation
technique et coopération internationale. Ces missions sont
extrêmement précieuses, car c'est à travers elles que nous
pouvons animer l'établissement, le faire sortir sur son territoire,
faire rentrer le territoire dans l'établissement, c'est-à-dire
assurer les liaisons dans tous les sens.
Aujourd'hui, nous avons très peu de moyens pour assurer de façon
convenable la couverture de ces missions, hors la mission de formation initiale.
Les enveloppes sont déconcentrées. Nous attribuons à
chaque région -l'autorité académique est exercée
par le directeur régional de l'agriculture et de la forêt- une
enveloppe calculée à partir des déficits structurels avec
des coefficients permettant d'assurer les remplacements etc.
Le système fonctionnait bien jusqu'à ces dernières
années. Actuellement, il s'alourdit. Nous avons une mission en cours de
l'inspection générale de l'agriculture et de l'inspection
générale de l'administration de l'éducation nationale,
dont les résultats devraient nous parvenir en février, pour
analyser les difficultés de gestion de ces crédits.
Une de nos préoccupations fortes est que nous constatons sur le
territoire des inégalités, des difficultés
spécifiques. A l'occasion du mouvement lycéen, il a
été constaté que tel lycée n'était pas en
mesure d'assurer le dédoublement d'une classe de première
technologique à 40 ou 45 élèves. Il s'agit d'une
situation tout à fait anormale. Nous cherchons à comprendre
comment, à travers une gestion déconcentrée, nous arrivons
dans un certain nombre de cas à ces difficultés. Voilà la
problématique de gestion des enseignants.
Je n'ai pas évoqué le problème des concours. Nous n'avons
aucune difficulté de recrutement. Notre concours de 1998, avec
130 places de professeurs certifiés plus PMP, a eu environ
9.000 candidats. Nous n'avons donc aucun mal à recruter des
professeurs.
Le seul problème, à ce niveau de difficulté du concours,
est que nous avons tendance à recruter des gens dont le profil est tout
à fait intéressant, de très haut niveau avec des
diplômes universitaires dépassant très largement les
exigences du concours, c'est-à-dire la maîtrise. Nous nous
interrogeons pour l'avenir. L'une des clefs du succès de l'enseignement
agricole depuis trente ans était que le corps professoral constituait un
heureux mélange d'intellectuels et de praticiens. Aujourd'hui, les
praticiens, les ex-BTS ayant réussi à passer une licence à
la force du poignet ou ayant une expérience professionnelle etc., ne
sont pas favorisés dans un concours qui, compte tenu de son niveau de
difficulté, favorise plutôt ceux qui ont plutôt une
formation universitaire remarquable.
Nous nous interrogeons tellement qu'en avril dernier, le ministre a
confié au recteur Frémont, qui venait de quitter ses fonctions au
rectorat de Versailles, le soin d'animer une commission comportant une
majorité de personnes n'appartenant pas à l'enseignement agricole
et ayant pour objectif de réfléchir au recrutement et à la
formation des maîtres, sachant que nous allons, comme d'ailleurs
l'éducation nationale, connaître un mouvement assez important de
départs en retraite à partir de 2004 - 2005.
Comme l'enseignement agricole s'est fortement développé dans les
années 60-70 sous l'influence de la loi d'orientation de 1962, nous
avons recruté à tour de bras à l'époque avec la
création d'un ou deux lycées par département. Des
quantités de gens qui appartiennent à la génération
du baby boom solliciteront en 2005 une retraite méritée. Il faut
donc songer à la relève, d'abord faire de la gestion
prévisionnelle des effectifs et songer à la relève
qualitative, sachant que si nous remplaçons ces praticiens uniquement
par des gens qui ont une formation universitaire de haut niveau, nous risquons
de perdre -c'est une litote- de notre capacité à rester assez
proche du terrain.
Sur l'enseignement privé, mes informations sont moins précises,
mais l'enseignement privé à temps plein bénéficie
de la rémunération par l'état de ses agents, exactement
dans les mêmes conditions que les établissements sous la loi
Debré.
L'enseignement à rythme alterné, les maisons familiales, ont
refusé ce système, souhaitant ne pas avoir de professeurs
à proprement parler, mais des moniteurs qui sont recrutés sous le
régime du droit privé. Ce sont souvent de jeunes
ingénieurs ou BTS, à condition d'atteindre le niveau 2 assez
rapidement, et qui ont des obligations horaires et un mode de travail tout
à fait différent. Le temps dû par le moniteur de maison
familiale est de 43 heures par semaine ce qui permet d'assurer.
43 Heures par semaine, c'est l'obligation horaire légale,
c'est-à-dire les 39 heures avec un coefficient tenant compte des
durées de vacances qui sont moins longues dans le rythme adapté
que dans le reste de l'enseignement, mais qui sont plus longues que les cinq
semaines normales de congés payés d'un salarié
dépendant du code du travail. Ils font donc 43 heures qui
permettent d'assurer une présence extrêmement forte auprès
des élèves, notamment une prise en charge des
élèves du réveil au sommeil, avec notamment les
veillées en maison familiales. C'est un système
complètement différent, passionnant à étudier, qui
repose sur une conception très différente de la formation.
Le temps plein, essentiellement dans les établissements de
l'enseignement catholique, fonctionne à peu près comme
l'enseignement public. D'ailleurs, il existe aussi un principe de
parité, reconnu par la loi, des maîtres de l'enseignement
privé, comme d'ailleurs vous retrouvez là la situation que vous
trouvez dans l'enseignement général au travers de la
contractualisation loi Debré.
M. le Président -
Nous allons en venir aux questions
car nous ne disposons plus que d'une vingtaine de minutes.
M. Claude Domeizel
- Vous avez beaucoup
insisté sur les personnels contractuels. Y a-t-il pour la gestion et le
recrutement complémentarité entre l'enseignement public et
l'enseignement agricole, enseignement agricole public et privé.
Lorsqu'il manque des heures d'enseignement dans un établissement public
agricole, faites-vous appel à un enseignant du public, un professeur
d'espagnol du collège d'à-côté, ou bien à un
professeur de mathématiques de l'enseignement privé à
proximité ? Et si c'est le cas, cette intervention se fait-elle
à titre individuel ou y a-t-il contractualisation d'établissement
à établissement ?
M. Claude Bernet -
Il n'y a pas de lien entre public et
privé. Ce que je vous dirai répond à votre question sur
les liens entre éducation nationale - enseignement agricole public.
La réponse est que lorsque cela existe, cela se fait à titre
individuel. Par exemple, le proviseur du lycée de Roanne manquant de
trois heures de biologie peut essayer de trouver une solution. Il faut en
tout cas un accord avec le proviseur du lycée public. Je ne suis pas
sûr que cela se produise souvent.
Par contre, il n'y a pas d'accord entre les deux ministères sur des
systèmes de remplacements croisés. Nous-mêmes d'ailleurs
nous ne pourrions apporter aucune aide au ministère de
l'éducation nationale du fait que la totalité de nos effectifs
est occupée. C'est une grande préoccupation que d'arriver
à mettre les professeurs qu'il faut devant les élèves.
Nous nous sommes laissé dire que dans certains départements, un
certain nombre de titulaires remplaçants avaient un peu de temps libre.
M. le Président -
Je suppose que c'était le sens
de la question.
M. Claude Bernet -
Je m'exprime de façon
discrète. Nous le souhaiterions beaucoup dans certains cas. Encore
faut-il que les choses se rejoignent en termes de disciplines et de lieux. Si
le proviseur de Roanne a besoin de 4 heures de biologie et qu'il y a un
titulaire remplaçant dans le département de la Loire qui est
professeur de biologie et qui n'a pas d'emploi, on pourrait l'imaginer. Nous
avons fait des tentatives officieuses l'an dernier. Nous n'avons pas
reçu un accueil très positif. Nous n'avons donc pas poursuivi. On
nous explique toujours que c'est très compliqué, mais on pourrait
imaginer que cela puisse se produire. Cela ne jouerait sans doute pas sur un
grand nombre de cas. En tout cas, nous n'y serions pas opposés.
M. Francis Grignon, rapporteur
- J'ai compris en vous
écoutant, monsieur le directeur, que vous n'aviez pas tout à fait
la même culture que l'éducation nationale.
Une première question me brûle les lèvres. Faites-vous des
comparaisons entre les deux systèmes ? Le fait de n'avoir que
71.600 élèves est-il de nature à mieux organiser les
choses et à être plus performant ? Pour être plus
précis, quelle est chez vous l'importance des heures
supplémentaires, des emplois-jeunes, des emplois en surnombre, de
l'absentéisme, des décharges, des postes détachés,
des mises à disposition, de tout ce qui constitue les pertes en ligne
dans l'éducation nationale ?
Pensez-vous que le nombre important des non titulaires chez vous est une bonne
ou une mauvaise chose ? Le logiciel "Géode" que vous nous avez
décrit pourrait-elle être appliqué à plus grande
échelle ou à une académie, puisque vous avez dit que votre
nombre d'élèves correspond à une académie
moyenne ? Enfin, toujours en comparant les choses, pensez-vous que les
gens qui sortent de votre système éducatif trouvent plus
facilement du travail qu'à l'éducation nationale ou pas ?
M. Claude Bernet -
Sur les pertes en ligne, je n'ai
pas d'étude sur l'absentéisme. J'ai lu que l'inspection
générale de l'administration de l'éducation nationale
venait de sortir une étude indiquant qu'il était de 6 % dans
l'éducation nationale. Je n'ai pas d'étude sur
l'absentéisme. C'est sans doute une lacune.
Sur d'autres catégories de perte en ligne, je vous ai indiqué que
nous avions sur cet ensemble de 6300 enseignants et ingénieurs
titulaires un millier qui étaient consacrés à autre chose
que le face à face élèves. Mais toutes ne sont pas des
pertes en ligne. Les directeurs de CFTPA assurent le pont entre formation
initiale et formation continue. Je suis de ceux qui pensent que le
progrès de l'enseignement agricole est très largement
fondé sur cette cohabitation intime entre formation initiale et
formation continue.
La formation continue est en effet une occasion d'expérimenter sur un
public moins sensible, puisque adulte, volontaire pour l'innovation. Les
quelque 300 ingénieurs et professeurs qui sont les patrons des centres
de formation continue ne sont pas des pertes en ligne. Ceux qui sont dans
l'enseignement supérieur ne le sont pas non plus. On constate que du
côté de l'éducation nationale, il y aura de plus en plus de
professeurs agrégés dans les premiers cycles.
Mes établissements d'enseignement supérieur me demandent de
manière insistante des IPAC, ingénieurs et professeurs, car le
statut d'enseignant chercheur est ainsi fait qu'il prive de la
possibilité de réaliser ce genre d'opérations. Comme par
exemple, pour assurer la coopération internationale d'un
établissement d'enseignement supérieur, il vaut mieux avoir un
professeur ou un ingénieur qu'un enseignant chercheur.
Il y a 70 mises à disposition. S'agit-il de pertes en ligne ? Les
mises à disposition, les gens qui ne travaillent pas pour l'Etat, mais
qui travaillent avec les 13 associations avec lesquelles nous avons des
conventions pluriannuelles comme la fédération nationale des
foyers ruraux, fédération nationale des SIVAM, peuple et culture
etc., ont été mis à disposition. Originellement, ces
associations sont nées assez largement dans le giron de l'Etat il y a
40 ans pour avoir un relais entre la formation agricole et ces
associations. Ce relais est plus ténu aujourd'hui, mais les mises
à disposition constituent un élément auquel les
associations sont très attachées. Voilà pour les pertes en
ligne.
Il y a aussi des pertes en ligne qualitatives. Nous essayons d'offrir à
nos enseignants des possibilités de formation continue, de
requalification. Les écoles de Toulouse et de Dijon, les
établissement publics nationaux de Rambouillet et Florac y sont
consacrés, mais il n'y a pas obligation de se former.
Nous avons, comme d'autres systèmes, quelquefois le sentiment que
certains restent un peu à l'écart. Nous avons une sorte de pierre
de touche dans l'enseignement agricole qui est l'interdisciplinarité.
Nous essayons de dégager dans les emplois du temps des
élèves des plages dites d'interdisciplinarité. Nous
essayons d'y traiter des problèmes en conjuguant plusieurs disciplines.
Par exemple, la zone viticole à proximité de chez nous a-t-elle
intérêt à décrocher l'AOC. A quelles
conditions ? Cela va mettre en oeuvre des données agronomiques,
historiques, culturelles, économiques. Voilà un magnifique sujet
de travail pour faire travailler ensemble les professeurs des
différentes disciplines et faire en sorte que les élèves
comprennent que les disciplines qu'on leur enseigne ne sont pas faites pour
elles-mêmes, mais pour être conjuguées dans un ensemble qui
permette de se faire une idée sur le problème que l'on doit
traiter et éventuellement de le résoudre.
Nous avons un certain nombre de professeurs, d'enseignants ou
d'ingénieurs qui ne jouent pas le jeu de l'interdisciplinarité,
car on est parfois mieux dans sa classe, devant son tableau noir. D'autres sont
au contraire des militants, des animateurs. Il y a aussi de la perte en ligne
qualitative.
Vous m'avez demandé si le volume de non titulaires était bon ou
mauvais. Je vous réponds très clairement qu'il est très
mauvais. Il est tout à fait normal, surtout dans un enseignement aussi
diversifié dans de petits établissements qu'une partie des heures
d'enseignement soit assurée en dehors de l'obligation des titulaires. Il
ne sera jamais possible de faire en sorte que le LPA de Bugueron dans les
Landes ait exactement besoin de 36 heures d'espagnol. C'est
inimaginable ! Il aura toujours besoin de 32 heures, de
48 heures. Il n'est pas imaginable qu'il n'y ait pas un peu de recours
à de l'emploi non titulaire, sous les formes diverses que je vous ai
indiquées.
Ce qui est dommageable, -nos organisations syndicales le disent, elles n'ont
pas tort et nous le reconnaissons volontiers et même publiquement- c'est
que l'histoire récente nous ait amenés à multiplier les
emplois tenus par les non-titulaires, qui ont souvent un niveau de formation
très convenable. Ils ne sont recrutés que s'ils ont le
diplôme nécessaire, mais ils n'ont en principe aucun avenir sauf
à bénéficier d'une loi de titularisation. C'est d'ailleurs
le cas actuellement. La loi de 1995 permettra de titulariser environ
1.200 agents contractuels, tous ceux qui auront quatre ans
d'ancienneté au moment de passer le concours. Cela leur donne une
possibilité d'avenir.
Le passage par le stade de non titulaire est utile et se vit quelques
années, soit pour déboucher sur un emploi dans le secteur
privé -ce qui est le cas de jeunes ingénieurs- soit pour
déboucher sur un emploi de titulaire dans le corps des professeurs
à condition d'avoir passé un concours.
Les proportions que nous connaissons, qui sont au moins deux fois et demi plus
élevées que celles de l'éducation nationale nous
paraissent très préoccupantes. Nous sommes très heureux
d'ailleurs que la loi de titularisation de 1995 nous ait permis de commencer
à résoudre le problème. Nous espérons vivement que
l'on ira jusqu'au bout des choses et qu'ensuite, -il s'agit d'un
problème gouvernemental sur lequel je ne saurais me prononcer- des
perspectives de titularisations pourront être offertes à ceux de
nos enseignants qui seront restés à temps plein pendant un
certain temps.
L'implantation d'un système Géode dans les académies me
paraît possible puisque la problématique me paraît
être la même. Je crois que les rectorats, les académies
disposent d'ailleurs de systèmes informatiques un peu différents,
mais assez semblables.
Quant à votre dernière question, monsieur le rapporteur, je ne
saurais porter une appréciation autre que chiffrée. Actuellement,
nous faisons des enquêtes sur les cohortes sorties depuis quatre ans de
nos formations. Nos taux d'insertion sont excellents dans les secteurs de la
production et de la transformation agroalimentaire. C'est-à-dire que
80 % ou plus de nos élèves titulaires d'un BTS ou d'un BEPA
sont employés. Ils sont tout à fait excellents dans le secteur de
la production agricole. En général, les gens font une formation
purement agricole parce qu'ils ont un projet d'installation. Pour les
salariés, en agriculture, cela se redéveloppe en agriculture. Nos
taux sont excellents dans le domaine de la production et de la consommation.
Ils ont tout de même tendance à s'alourdir dans les secteurs de
l'aménagement. J'entends par là le BTS gestion de l'eau, le BTS
gestion de la faune sauvage, qui attirent terriblement les jeunes et nous avons
une responsabilité en expliquant à ces jeunes qui viennent chez
nous que travailler dans la nature est formidable, mais encore faut-il
être sûr de trouver un emploi.
Il est vrai les métiers de l'espace naturel sont certainement des
métiers d'avenir, à condition que, soit dans le domaine du
service public, soit dans le domaine de l'entreprise, à partir de
possibilités marchandes, on puisse en trouver le financement. Nous
sommes de plus en plus prudents sur les métiers d'aménagement.
Le troisième schéma national et quinquennal, publié en
mars dernier, nous donne comme objectif prioritaire de nous renforcer dans le
domaine de la production, la transformation et de la commercialisation, mais de
rester plus prudents dans le domaine de l'aménagement.
M. le Président -
Je voudrais vous poser deux questions.
Vous avez dit la part de l'enseignement privé agricole. Quels moyens
avez-vous de contrôler les crédits et le nombre de contrats
rétribués à l'enseignement privé et de
vérifier que cela corresponde aux besoins de cet enseignement ?
Depuis quelques années, depuis deux ans, on a vu apparaître, au
moment du débat budgétaire et de l'examen des crédits
affectés à l'enseignement agricole, une notion nouvelle de taux
de progression des effectifs de cet enseignement, ce qui est tout à fait
nouveau, un peu extraordinaire, et inimaginable quand on parle de
l'éducation nationale. A quoi cela correspond-il ?
M. Claude Bernet -
Les textes d'application de la loi de
1984 sur la relation entre l'Etat et l'enseignement et l'école
privée nous permettent de contrôler dans des conditions
satisfaisantes. Toute ouverture de classe ou de formation dans le rythme
alterné -ils ne veulent pas appeler cela des classes et ils ont
'ailleurs raison- fait l'objet d'une décision de l'Etat, comme dans le
public.
Quand tel lycée agricole de l'enseignement catholique veut ouvrir un
BEPA viticulture oenologie, il doit obtenir l'autorisation de l'Etat. Cela
permet de contrôler le nombre de classes. Si vous voulez savoir combien
il y a de classes et la nature de leur activité dans tel
établissement, à la direction générale de
l'enseignement et de la recherche, le système informatique permet de le
dire.
Cela nous permet de contrôler, grâce à notre réseau
régional, service régionaux de la formation et du
développement des DRAF, l'effectivité. C'est-à-dire que
les contrats sont signés, mais font l'objet d'avenants annuels et nous
contrôlons l'effectivité. Nous avons avec l'enseignement
privé des relations tout à fait apaisées et qui permettent
d'éviter toute espèce de difficulté. Ils nous saisissent
des avenants pour ce à quoi ils sont autorisés et ces avenants
peuvent être conclus sans difficultés particulières.
J'ajoute d'ailleurs que nous achevons actuellement une période
d'application pleine et entière des lois de 1984 qui ont
été appliquées progressivement, "
compte tenu de
l'état des finances publiques
" disait le texte. Nous terminons
la période. Nous aurons en 2000 achevé la mise en place totale
des principes de la loi. Il aura fallu 16 ans. Cela se traduit par des
progressions financières tout à fait importantes pour
l'enseignement privé. Le chapitre de l'enseignement technique
privé se situe à 8 % de progression au budget de 1999.
Sur le taux de progression des effectifs, je vous ai dit que dans
l'enseignement public entre 1991 et 1997, le taux de progression était
de 3,4 % par an en moyenne. Nous venons de vivre une période dans
laquelle l'enseignement agricole a bénéficié d'un
succès très fort, lié à l'attrait des
métiers de la nature, au fait que la politique agricole commune conclue
en 1992 n'était pas si mauvaise que cela.
Cela se traduisait à l'entrée dans les établissements par
une pression très forte des familles. Nous étions dans une
situation où nous voyions les effectifs d'élèves monter
dans le public comme dans le privé. Le taux de progression de 3,5 %
n'est pas comparable avec ce qu'a pu être le taux de progression des
maisons familiales qui ont dû faire du 5,5 % pendant cette
période.
Nous voyons monter les effectifs dans des conditions telles que, pour le
privé, nous nous interrogions sur notre capacité à
financer tout cela et, pour le public, sur notre capacité à le
financer à travers les créations d'emplois. Là, ce
n'était pas une problématique crédits mais une
problématique emplois.
Ceci a conduit un ministre de l'agriculture, M. Vasseur, à engager
avec les trois fédérations du privé une négociation
qui a abouti en février 1997 à des protocoles, lesquels
prévoient en contrepartie de l'achèvement de l'application des
lois de 1984, que les établissements du privé limiteront la
progression de leurs effectifs à 3 % à la rentrée de
1997, 2,5 % à la rentrée de 1998 et 2 % à la
rentrée de 1999.
Nous avons appliqué cette norme au public ; il était
même tout à fait essentiel de le faire car nous savions combien il
serait difficile pour les fédérations du privé de faire
passer cette autolimitation dans leurs secteurs. Il était
nécessaire d'appliquer le même au public, d'autant plus que nous
avions le même problème, mais en termes d'emplois et non pas en
termes de crédits.
Le ministre de l'agriculture suivant, M. Le Pensec, a confirmé
cette politique que nous continuons à appliquer. Nous avons
été critiqués sur cette politique dans la mesure où
certains ont demandé pourquoi l'enseignement agricole s'auto-limitait.
Il y a une demande des familles, sociale. Est-il convenable, constitutionnel
pour le public, de refuser l'entrée pour des raisons budgétaires.
Nous avons tenu bon, notamment pour des raisons budgétaires. Notre
budget se situe au sein du budget de l'agriculture. Il faut voir que toute
création d'emploi dans l'enseignement agricole peut se traduire et se
traduit le plus souvent par une suppression d'emploi dans le reste des
effectifs du ministère. L'enseignement agricole, avec le
supérieur, c'est 14.000 agents. Les effectifs des services
déconcentrés, c'est 15.000...
M. le Président -
Cela peut expliquer que vous puissiez
le faire et que d'autres ne le peuvent pas.
M. Claude Bernet -
Peut-être, mais je peux
témoigner du fait que ce n'est pas très facile, d'autant que nos
services déconcentrés sont soumis à d'autres
activités : contrôle de qualité alimentaire, etc.
Nous avions donc ce problème budgétaire, mais aussi des
problèmes de débouchés. Nous formons des jeunes pour des
secteurs qui sont certes importants, mais qui sont limités dans la
société française. Ils représentent en tout
6 % de produit national brut. Il est d'ailleurs intéressant de voir
que nous avons 5 % des formations d'ingénieur et 5 % des
élèves de l'enseignement secondaire alors que l'agriculture plus
l'agroalimentaire représentent 6 % du PNB.
M. le Président -
Monsieur le directeur
général, je n'ai pas à contester, et d'ailleurs je ne
conteste pas ce que vous avez fait, ni votre méthode. Je voulais
simplement faire remarquer que le ministère de l'éducation
nationale lui continue de former dans ses universités des gens dans des
filières où l'on sait très bien qu'il n'y aura jamais les
emplois correspondants. Je pense aux STAPS par exemple dans les
universités. Ce sont des entonnoirs dans lesquels on engage des gens en
sachant très bien qu'ils ne pourront pas être recrutés.
Cela pourrait justifier une politique si on le voulait, si on le pouvait, si on
avait les moyens politiques de le faire, une politique de limitation de la
progression comme celle que vous mettez en oeuvre. Mais l'éducation
nationale ne peut pas le faire.
M. Claude Bernet -
Il nous est peut-être plus
facile de le faire dans la mesure où nous travaillons sur des secteurs
limités que nous connaissons et dans la mesure où nous ne
représentons que 5 % de l'ensemble.
M. le Président
- Sur l'enseignement privé, nous
aurons besoin de plus de renseignements.
M. Claude Bernet -
Je vous adresserai un dossier sur les
maîtres de l'enseignement privé.
M. le Président
- Nous vous remercions.
AUDITION DE MME BÉATRICE GILLE,
DIRECTEUR
DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS, TECHNIQUES ET D'ENCADREMENT
AU
MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA
TECHNOLOGIE
(6 JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme
Béatrice Gille.
M. Adrien Gouteyron, Président.
- Puis-je vous demander
d'être brève dans votre propos introductif de façon
à ce que des questions puissent être posées par nos
collègues ?
Mme Béatrice Gille -
Je propose de vous
présenter très brièvement les personnels que je
gère, leur diversité, les compétences relatives de la
direction dont j'ai la charge par rapport aux autres directions des
ministères et par rapport aux autorités
déconcentrées pour que cela soit clair dans l'esprit de tout le
monde, et je vous indiquerai aussi les évolutions majeures de la gestion
de ces personnels.
Ma direction gère des personnels scolaires et supérieurs, mais je
me limiterai aux personnels du scolaire. 27 statuts pour le scolaire et
9 statuts d'emplois pour un total d'à peu près
158.000 ATOS et 18.000 personnels d'encadrement.
M. le Président -
Quelle est la définition des personnels
d'encadrement ?
Mme Béatrice Gille -
Pour les personnels d'encadrement,
on y comprend traditionnellement les vrais personnels d'encadrement, ceux qui
encadrent, et les cadres. C'est-à-dire tous les personnels de direction,
chefs d'établissements et adjoints, soit plus de 12.000 personnes
en activité, tous les corps d'inspection, IPRIA et inspecteurs de
l'éducation nationale, 1.000 et 2.000 en ordre de grandeurs ; sont
également concernés en tant que personnels d'encadrement
l'intégralité du corps des CASU, conseillers d'administration
scolaires et universitaires et tous les statuts d'emplois fonctionnels,
secrétaires généraux d'académie, secrétaires
généraux d'administrations scolaires et universitaires et
d'autres types de personnels qui relèvent du supérieur.
Voilà l'intégralité des personnels d'encadrement.
Ces personnels d'encadrement sont tous de compétence nationale. Ce ne
sont pas des personnels qui ont une gestion déconcentrée.
Néanmoins, cette gestion est partagée avec les recteurs puisque ,
pour un certain nombre de ces corps, il y a des commissions paritaires
académiques. C'est le cas pour tous, sauf les IPRIA, les inspecteurs
pédagogiques régionaux qui préparent les décisions
d'une commission paritaire nationale, qui elle-même donne des avis pour
les décisions du ministre. Ces corps d'encadrement sont restés
jusqu'à présent de compétence ministérielle.
La seconde grosse partie de personnel dont j'ai la charge sont les personnels
ATOS, administratifs, techniques, ouvriers, de santé et sociaux, soit
près de 158.000 personnes qui sont pour certains de gestion totalement
déconcentrée, y compris pour le recrutement. C'est le cas de
l'ensemble des personnels de catégories B et C.
Certains, dont les catégories A, sont restés de compétence
nationale, mais de la même façon que pour d'autres personnels,
cette gestion est souvent préparée par les recteurs à qui
on demande leur avis sur un certain nombre d'opérations de gestion de
ces personnels. Voilà en masse les personnels gérés. J'y
reviendrai peut-être à l'occasion des questions.
En répartition de pourcentage d'ATOS, si on considère 100 %
d'ATOS, y compris ceux du supérieur, nous avons 77,6 % d'ATOS dans
les services académiques et dans les établissements scolaires,
20,6 % qui s'occupent spécifiquement de la restauration et de
l'internat, c'est-à-dire de la vie scolaire des élèves,
0,7 % en formation professionnelle, 11,4 % dans le supérieur,
1,3 % de jeunesse et sports et 0,2 % en administration centrale.
Comment envisageons-nous à l'heure actuelle, l'évolution et la
modernisation de la gestion de ces personnels ?
L'objectif est bien sûr de veiller globalement à la meilleure
adaptation possible du potentiel humain que nous avons et des besoins de
service public qui évoluent relativement vite dans ces domaines.
Nous avons quatre ou cinq axes prioritaires d'évolution de cette
gestion. Le premier est le renforcement de la gestion prévisionnelle des
emplois, des effectifs et des compétences, avec la mise place d'outils
de gestion prévisionnelle beaucoup plus développés
qu'auparavant au niveau national mais aussi au niveau académique. En
effet, beaucoup de ces personnes sont gérées au niveau
académique.
Nous essayons de mieux calibrer les recrutements. Contrairement à ce que
vous avez dû entendre sur les personnels titulaires enseignants, le
problème a plutôt été un sous-calibrage de
recrutement plutôt qu'un sur-qualibrage. Nous essayons de rétablir
un meilleur calibrage du recrutement en l'augmentant. Nous n'avons pas de
problèmes de surnombre pour les personnels ATOS ou pour les personnels
d'encadrement.
Nous souhaitons par ailleurs travailler sur les métiers,
c'est-à-dire sur les besoins des établissements et des services
académiques, sur l'évolution des métiers et des besoins
pour essayer d'améliorer l'adéquation poste/personne dans chaque
filière professionnelle et dans chaque métier. C'est un travail
de longue haleine qui a été commencé il y a une dizaine
d'années dans l'éducation nationale dans une perspective de
mutualisation de certaines compétences et spécialisations de la
filière ouvrière.
Nous souhaitons développer et même entreprendre à certains
égards, une véritable pratique d'évaluation des
personnels, surtout d'encadrement dans un premier temps.
Enfin, nous poursuivons, -c'est déjà très avancé-
les opérations de déconcentration de ces personnels. La prochaine
opération de déconcentration prévue est celle, dans le
scolaire, du mouvement, de l'affectation et des mutations des catégories
A.
Par ailleurs, nous avons des chantiers beaucoup plus ponctuels qui
correspondent aux difficultés présentes de gestion. Une de ces
difficultés -très médiatisée ces derniers temps-
est le recrutement des personnels de direction et un certain nombre de vacances
de postes de personnels de direction. Nous travaillons globalement pour tous
les personnels d'encadrement sur l'évolution des recrutements, des
concours, du contenu des épreuves du concours, de la
professionnalisation des jurys, de la formation initiale, de la formation
continue de ses cadres.
Enfin, chantier important en matière de gestion du personnel, il nous
faut développer les modes de communication interne à
l'intérieur de ce grand ministère, puisque la diversité
des personnels, la dispersion des implantations de ces personnels et la
difficulté qu'il y a à les toucher individuellement, en termes de
communication interne, nécessite un véritable chantier de
communication interne.
Pour terminer, je précise que ma direction gère des personnes et
non des moyens. Sauf exceptions, corps d'inspection, l'allocation des moyens se
fait dans les autres directions. Pour les personnels de direction à la
DESCO et pour l'intégralité des autres personnels à la
direction de l'administration. Nous ne gérons que des personnes
physiques.
M. Francis Grignon, rapporteur
- L'objet de notre commission
d'enquête est aussi de trouver de bonnes solutions pour améliorer
vos fonctionnements. Sur le personnel d'encadrement, je viens d'une
région proche de l'Allemagne où les heures de service sont
obligatoires pour les chefs d'établissements, pour garder le contact
avec l'enseignement. Pensez-vous que c'est une bonne ou une mauvaise
chose ?
On me dit que les principaux n'ont pas assez d'autorité sur les
personnels. Pensez-vous que pour mieux faire fonctionner les
établissements, il faudrait leur donner plus d'autorité, sachant
que les inspecteurs sont toujours là pour l'aspect pédagogique.
Au niveau des ATOS, vous nous avez indiqué que vous deviez
développer le mode de communication. Ne serait-ce pas aux régions
pour les lycées et aux départements pour les collèges qui
avaient pris en charge les bâtiments de prendre en charge ce genre de
personnes ? Cela serait-il de nature à permettre une meilleure
gestion, plus près du terrain. Pouvez-vous nous dire quels sont les
horaires de travail hebdomadaire des ATOS ? Ont-ils les mêmes
statuts que les enseignants ? Comment cela se passe-t-il pendant les
vacances ? Est-ce intégré dans leurs statuts et
pourraient-ils se voir confier d'autres occupations ?
Après quelques renseignements pris sur le terrain, on me dit que les
ATOS sont peut-être moins motivés que les enseignants et qu'on y
trouve plus d'absentéisme. Est-ce votre sentiment ?
Mme Béatrice Gille.-
Sur les heures d'enseignement des
personnels de direction, il faut savoir qu'en matière de personnels de
direction, nous n'avons pas que des enseignants stricto sensu. Il y a aussi des
conseillers principaux d'éducation et des conseillers d'orientation
psychologues. Il y a dans le vivier actuellement des personnes qui n'ont jamais
enseigné.
A l'heure actuelle, contrairement à d'autres pays européens
où le management du système et de choix du chef
d'établissement est tout à fait différent, un chef
d'établissement, même un adjoint, est occupé à plein
temps par le pilotage pédagogique, administratif et financier et par ses
relations avec les différents partenaires. Je ne vois pas comment, avec
les missions qu'il a, il pourrait en plus assurer des heures d'enseignement. Je
précise bien : dans le système dans lequel nous sommes,
système d'établissement public local d'enseignement où le
recrutement du chef d'établissement n'est pas interne à
l'établissement.
La question s'est posée quand nous avons eu des problèmes de
remplacement l'an dernier. Certains chefs d'établissements nous ont dit
qu'il pouvaient faire de temps en temps une ou deux heures de cours, ce qui
leur permettait de garder un lien pédagogique direct. Cela ne s'est
pratiquement pas fait. Premièrement, ils sont occupés à
temps plein, et deuxièmement, leur rôle est plus d'organiser le
pilotage pédagogique que de faire de la pédagogie directement.
C'est une des questions en cours. Le ministre a organisé une table ronde
sur les personnels de direction. Toutes ces questions sont en examen. Cette
table ronde se conclura en mars. Les personnels de direction auront à
rappeler où ils voient leur mission.
Les chefs d'établissement ont-ils de l'autorité sur les
personnels enseignants ? Dans les textes, oui. C'est clair, le chef
d'établissement a autorité sur l'ensemble des personnels. Dans
les faits, pour répondre très franchement à votre
question, la situation est éminemment variable. Il a une grande
autorité dans la mesure où c'est lui qui répartit les
services, qui définit les emplois du temps, qui globalement gère
l'organisation pédagogique de son établissement. Il n'a pas la
même autorité dans la classe.
Cela dit, l'autorité ne se décrète pas totalement. Nous
avons, à ce niveau, des chefs d'établissement qui ont une
très grande autorité sur leurs personnels, y compris sur leurs
personnels enseignants. D'autres en ont moins. C'est une des questions
d'organisation du système, sachant que nous sommes traditionnellement
dans une culture éducation nationale et du monde enseignant qui est
moins hiérarchique que d'autres.
M. Francis Grignon, rapporteur
.- Le sens de ma question est de
savoir si on devrait pas avoir des chefs d'établissements plus
" managers " qui se déchargent des tâches
administratives, qui aient peut-être un niveau de recrutement
supérieur, qui gardent le contact avec la réalité et qui
aient plus de pouvoir. On déconcentrerait encore à un niveau plus
bas. Cela améliorerait-il les choses ou pas ?
Mme Béatrice Gille -
Je pense qu'il faut parvenir
à ce qu'ils délèguent un certain nombre de tâches
administratives, qu'ils aient une capacité de management et qu'ils
prennent à coeur leur véritable rôle de gestion d'un
certain nombre de ressources humaines. La fonction de gestion des ressources
humaines est une fonction totalement partagée. Le chef
d'établissement en a une bonne part. Il n'y a pas que l'académie
ou le ministère qui soient responsables pour l'ensemble de la gestion de
ces personnels. Là-dessus, je suis tout à fait de cet avis. Il a
une part de management importante. Elle se fait dans certains
établissements, dans d'autres moins.
Sur les ATOS, il faut différencier la filière administrative et
la filière ouvrière. Je ne sais pas si votre question portait sur
les deux.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Il s'agit des gens qui sont
proches du terrain et que l'on pourrait gérer sur place.
Mme Béatrice Gille -
Ils sont gérés
globalement de façon assez proche du terrain. L'ensemble de ces ATOS
sont gérés, pour ce qui concerne leurs obligations de service
dans leur établissement, pour l'organisation de leur temps de travail,
pour leurs conditions de travail et, par ailleurs, au niveau académique
globalement. Cela ne monte pas plus haut pour les catégories C et D. Ils
sont donc gérés de façon proche du terrain.
Sur les horaires de travail, statutairement, pour les personnels ouvriers et de
laboratoire, il y a un régime dérogatoire au statut de la
fonction public puisqu'ils ont un horaire de travail annualisé de
1.677 heures sur 43 semaines. Ce régime permet de mieux adapter
leur temps de travail et les besoins des établissements. Cette
annualisation du temps de travail date de 1994.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Cela fait 39 heures par semaine.
Mme Béatrice Gille -
C'est 39 heures en moyenne, mais
cela peut aller de 30 à 35 jusqu'à 43 heures, sans heures
supplémentaires. Pour les ATOS de la filière administrative, ils
sont théoriquement sous le régime habituel de la fonction
publique. De fait, on est dans un cycle scolaire tel qu'il y a en
été, des moments où les établissements sont
fermés pendant un mois avec une permanence. Dans les congés
scolaires, il y a des permanences tenues par les administratifs. Ils ont donc
un régime un peu plus favorable que le régime
général de la fonction publique.
M. le Président
- Est-ce aussi vrai pour le personnel de service.
Mme Béatrice Gille -
Le personnel de service est sur
1.677 heures annuelles.
M. le Président
Comment tient-on compte des vacances ?
Mme Béatrice Gille -
C'est un régime complexe.
Ils ont à faire 1.677 heures sur 43 semaines. En début
d'année, ils prévoient leur horaire de travail. Certains d'entre
eux travaillent pendant les vacances scolaires, par exemple ceux qui ont des
tâches d'entretien et de maintenance. Ils profitent du moment où
les élèves ne sont pas là pour faire ces tâches.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Sur les 158.000, quel est
l'absentéisme ?
Mme Béatrice Gille -
L'absentéisme n'est pas
plus important que pour les autres corps de la fonction publique.
M. le Président
- Avez-vous des informations
précises ?
Mme Béatrice Gille -
Nous avons des informations
relativement précises au niveau académique puisque ces corps sont
gérés au niveau académique. Les congés sont en
train d'être informatisés à l'éducation nationale.
Quand ils le seront, les informations seront en temps et en heures plus
précises qu'aujourd'hui. Globalement, il n'y a pas plus de
problème d'absentéisme chez les personnels ATOS. En termes de
chiffres, pour la filière administrative la catégorie B
représente 13.450 personnes et 26.000 ou 27.000 personne pour la
catégorie C. Pour la filière ouvrière et de service,
cela représente 94.500 personnes qui comprennent un corps de
catégorie B, techniciens de l'éducation nationale qui ne sont que
135.
M. Serge Lagauche -
Vous avez fait allusion à
l'évaluation des chefs d'établissements. Un chef
d'établissement, c'est souvent l'efficacité d'un
établissement. Sur le terrain, on s'en rend compte. Ils se plaignent
souvent, selon les académies, du fatras de papier, d'enquêtes
qu'on leur donne à faire en plus. Parfois s'y rajoutent des
éléments dans lesquels certains se noient ou que d'autres ne font
pas.
Dans votre évaluation, avez-vous essayé de recenser toutes les
tâches directes ou indirectes, tout ce que l'on peut demander à un
chef d'établissement, avec en plus les problèmes
d'autorité dans certains établissements et d'élèves
aux comportements difficiles. Les chefs d'établissements multiplient
leurs activités, vont discuter avec la police, la justice. Ils sont
partout à la fois. On a parlé d'heures pour eux, mais les heures
supplémentaires qu'ils vont faire dans les multiples réunions,
qu'elles soient académiques, régionales, communales etc. sont
considérables.
Quand on interroge les chefs d'établissement sur le fait que la
profession se perd en raison de la charge de responsabilité trop
importante, c'est une question fondamentale, différente d'une
réévaluation financière, que beaucoup ne demandent
pas ; ils veulent plutôt une clarification des tâches et
surtout une aide dans certains domaines pour les décharger.
Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais j'aimerais
savoir quelle méthode vous allez employer pour faire ces
évaluations.
Mme Béatrice Gille -
C'est l'objet de la table ronde.
La table ronde en cours au ministère, et présidée par le
recteur de Paris, M. Blanchet, a pour objet de déterminer quelles
sont les missions des établissements publics locaux d'enseignement, de
déterminer ensuite le rôle du chef d'établissement puis les
conséquences sur sa carrière, son statut et sur son
évaluation. On est donc en plein travail sur la question.
Comment envisage-t-on l'importance et la diversité des tâches des
personnels de direction ? On a une extrême variété de
situations. Si vous prenez le petit collège rural à 200
élèves et l'énorme lycée qui en a 3.000, le chef
d'établissement dans son rôle et sa mission se trouve dans une
situation relativement différente. Il faut aussi le dire : la
situation relative des établissements n'est pas la même suivant
que l'on est dans un collège très difficile, même avec
300 élèves ou dans une zone beaucoup plus simple avec 500.
Suivant qu'il y a un adjoint ou non, qu'il y a un ou deux CPE, la situation
relative des chefs d'établissement est très différente.
Ils mettent l'accent sur le fait qu'ils ont le sentiment d'être
débordés de tâches administratives et notamment de type
informatique. Effectivement, cela ne leur laisse pas le temps de s'occuper du
pilotage pédagogique de l'établissement et de l'orientation
globale des élèves, de leur insertion professionnelle et du
rôle que joue l'établissement scolaire dans son environnement
territorial qui doit être important aussi.
Nous avons commencé à bâtir l'évaluation des corps
d'inspection. Nous attentons l'issue de la table ronde pour travailler sur
l'évaluation des personnels de direction. Dans cette évaluation,
il faudra partir de leur activité telle qu'ils la perçoivent, des
objectifs de service public qui leur sont assignés en tant que
représentants de l'Etat qu'ils sont, en tant que responsables
pédagogiques de l'établissement, mais aussi en tant
qu'exécutif d'un établissement public local d'enseignement qui a
une marge d'autonomie. Ce sera aussi l'une des difficultés de la
démarche d'évaluation. Il faudra aussi faire en sorte que
l'évaluation porte sur des objectifs clairement partagés avec les
institutions.
Maintenant, nous attendons l'issue de la table ronde pour voir comment nous
bâtirons ces outils d'évaluation, sachant que dans les
années antérieures, en 1992, 1993, 1994, il y a eu des tentatives
de mise en place d'outils d'évaluation des personnels de direction qui
n'ont pas abouti.
M. le Président -
Vous ne nous avez pas parlé de
l'auxiliariat. Quelle est son importance ? Quelle en est la cause ?
Se nourrit-il ? Diminue-t-il ? Comment évolue-t-il ?
Mme Béatrice Gille -
Il est trop important à
l'heure actuelle. Nous avons, pour les ATOS, 10.000 postes auxiliaires sur
postes vacants. C'est pourquoi je parlais plus de sous-calibrage de recrutement
que de sur-calibrage. Pourquoi ? Parce que la gestion du CFA (congé
de fin d'activité) a été compliquée ces
dernière années et qu'un grand nombre de départs
anticipés n'ont pas été suivis par un nombre
équivalent de recrutements.
Nous sommes d'ailleurs en train, pour l'année 1999, d'augmenter
considérablement le recrutement ATOS pour essayer de résorber cet
auxiliariat.
M. le Président
- Vous avez parlé de
déconcentration pour les catégories C et D au niveau des
académies. Va-t-elle jusqu'à laisser aux recteurs la
décision de fixer le nombre de recrutements par académie. C'est
bien vous qui fixez ?
Mme Béatrice Gille -
Oui, bien sûr.
Mme Dinah Derycke
- Vous venez de parler de
l'auxiliariat, mais il y a aussi dans les établissements scolaires un
recours à de nombreux CES et d'emplois-jeunes sur des missions de
personnel ATOS. Est-ce géré au niveau local, académique ou
par vos services ?
Mme Béatrice Gille -
Nous ne les ignorons pas,
mais nous ne les gérons pas. Les CES ne sont pas gérés en
tant que tels au niveau académique dans la mesure où ils sont
recrutés au niveau de chaque établissement.
M. le Président -
Sur quels crédits ?
Mme Béatrice Gille -
Sur des crédits d'Etat
qui arrivent dans les établissements. Ces recrutements de CES passent en
conseil d'administration.
M. le Président -
Ces crédits sont donc
attribués par le ministère.
Mme Béatrice Gille -
Non, pas du tout !
M. le Président -
Alors, où les chefs
d'établissement les prennent-ils ?
Mme Béatrice Gille -
Je ne m'occupe pas directement des
CES et je ne voudrais pas vous donner de fausses informations. A ma
connaissance, ce sont des crédits CNASEA qui sont donnés
directement aux établissements scolaires, sur un portefeuille, mais ni
les recteurs, ni le ministère n'octroient ces crédits à ma
connaissance.
M. le Président
- Cela ne dépend pas de votre
direction ?
Mme Béatrice Gille -
Non, cela ne dépend pas de
ma direction.
M. le Président
- C'est une question à approfondir.
M. Serge Lagauche
- C'est sur projet
d'établissement.
Mme Dinah Derycke
- Pas toujours !
M. Serge Lagauche
- Les emplois jeunes
relèvent d'un projet d'établissement.
Mme Dinah Derycke -
Oui, pour les emplois jeunes, mais
pas pour les CES.
M. Serge Lagauche -
Pour les CES, c'est tout à
fait différent.
Mme Béatrice Gille -
Pour les emplois jeunes, c'est
effectivement tout à fait différent.
M. Claude Domeizel -
Les établissements
publics ne peuvent pas avoir de CES puisque ce serait un contrat passé
entre l'Etat et lui-même.
Mme Béatrice Gille -
Ils en ont parce que ce sont des
établissements publics locaux d'enseignement. Ils sont donc
autorisés.
M. Claude Domeizel -
Ce sont pourtant des
crédits d'Etat.
Mme Dinah Derycke -
De toutes façons, chaque
établissement public local d'enseignement dispose d'un budget. Ne
serait-ce que le budget de fonctionnement que lui attribuent les régions
et les départements sur lequel, après décision du conseil
d'administration, on peut décider de recruter un CES. Ma question
portait sur le fait de savoir combien il y a de CES sur des missions,
c'est-à-dire des travaux que devraient faire normalement des personnels
ATOS.
Vous avez dit que vous étiez plutôt sous-calibrés.
J'aimerais savoir le nombre de personnels ATOS manquants si on voulait que le
travail soit réalisé correctement par des personnels titulaires
de l'éducation nationale ?
Mme Béatrice Gille -
Ce n'est pas de ma
compétence globalement puisque les chiffrages sont à la DAF pour
les CES. Néanmoins, en personnes physiques, il y en a 70.000 qui
correspondraient à 48.000 contrats. Il peut y avoir deux CES sur un
contrat successivement. Cela correspondrait donc à 48.000 à
diviser par deux, puisque les CES sont à mi-temps. On arrive à
24.000 personnes qui travaillent dans les établissements scolaires du
second degré.
Ils y font des tâches variables : un grand nombre font des travaux
d'entretien ; certains font des travaux de reprographie ; d'autres
sont dans des travaux un peu plus pédagogiques. Voilà grosso modo
la répartition. Il est très difficile de répondre
très franchement à votre question de savoir s'ils assurent des
tâches permanentes qui devraient être assurées par l'Etat.
Beaucoup d'entre eux ont été recrutés à un moment
où l'éducation nationale comme d'autres établissements
publics locaux ont été poussés à prendre des CES.
Faire la part de ceux qui s'occupent de tâches permanentes et de ceux
dont on pourrait se passer avec un service public équivalent, est
extrêmement complexe. Il faudrait faire l'étude
établissement par établissement.
Actuellement, nous estimons, le ministre le dit souvent, qu'il n'y a
probablement pas assez d'ATOS dans le second degré.
M. Francis Grignon, rapporteur
.- Je voudrais revenir sur le chef
d'établissement. Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit
notre collègue Lagauche : c'est fondamental.
Excusez-moi, mais je ne suis pas tout à fait d'accord quand vous dites
qu'il s'agit de problèmes différents pour un établissement
de 200 ou 1.000. Il y a des règles précises en matière de
management. Bien sûr, pour 200, il faut un chef et pour 1.000, il faut
une équipe, mais c'est dans la philosophie et dans la façon
d'aborder le problème qu'il y a peut-être matière à
évoluer.
La question que je vous pose est la suivante : dans le fond, si au lieu
d'avoir un établissement, que ce soit une personne, une équipe si
l'établissement est grand, si, au lieu d'avoir des circulaires qui
descendent que l'on doit appliquer avec des tas de charges, on avait un
système avec plus de libertés, avec des règles
prédéfinies, un chef d'établissement qui est plus un
manager, qui ait plus d'autorité sur ses personnels, qui dans une
commission paritaire n'acceptera pas qu'un déplacement de personnel se
fasse parce que la femme travaille au même endroit mais parce qu'il a
telle ou telle compétence, cela serait-il de nature à faire mieux
fonctionner la machine ou peut-on rester où l'on en est et
continuer ? Cela me paraît très important.
Mme Béatrice Gille.-
C'est le sens de
l'évolution qui va non seulement vers la déconcentration, mais
vers la contractualisation. L'idée du management de l'éducation
nationale est qu'au lieu d'avoir un ministère, un rectorat, une
académie et un établissement scolaire soumis à des ordres,
des circulaires, des contraintes, il faudrait arriver dans les années
à venir à avoir un système déconcentré et
contractualisé : chaque unité aurait ainsi ayant davantage
d'autonomie et de responsabilités, qu'elles soient académiques ou
au niveau de l'établissement, avec à la clef un système de
contractualisation qui donne beaucoup plus d'autonomie et de marge de
manoeuvre, y compris en matière de gestion du personnel et en
matière d'adéquation de profils, de compétences.
Nous sommes dans cette démarche de déconcentration et de
contractualisation. Il s'agit de contractualiser sur des objectifs qui seraient
pris en charge de façon beaucoup plus responsable par les
différentes unités. C'est le sens de l'évolution dans
laquelle nous sommes. Cela nécessite un encadrement de type
différent. Là, je vous suis tout à fait. Cela signifie
qu'il faut un personnel d'encadrement capable de gérer cette autonomie,
cette prise de responsabilités, de rendre compte en étant dans un
système d'éducation nationale et de service public.
Néanmoins, on est bien dans cette optique.
Pour le moment, il y a le début d'une démarche de
contractualisation entre le ministère et les académies qui
devrait logiquement se décliner ensuite au niveau académique avec
les établissements scolaires et qui devrait à terme aller dans le
sens que vous indiquez.
M. Serge Lagauche.
- Avec les académies, cela
marche. Ensuite, le problème se pose de la liaison entre les
différents établissements. Certains établissements entrent
en concurrence. Je parle pour les zones urbaines. Vous avez, par exemple, une
option de chinois qui va conduire certains élèves à se
domicilier à tel endroit.
S'il n'y a pas concertation entre chefs d'établissements pour se
répartir les bons et les mauvais élèves, pour prendre
chacun sa part des élèves difficiles sur un secteur, ceux qui
vont aller en sections professionnelles, et pour que chacun ait aussi son petit
" gratin " c'est-à-dire les bons éléments, cela
ne fonctionnera pas.
Il me paraît nécessaire de tenir compte, dans une
agglomération appelée à évoluer, des désirs
des parents qui, dès la maternelle prévoient déjà
dans quels lycées vont aller leurs enfants. C'est une
réalité. C'est cela qu'il faut combattre, car ce n'est pas bon
pour les bons élèves. En tout cas, c'est souvent très
mauvais pour les établissements. Cela leur donne une mauvaise
renommée, alors que les autres ont à tort une bonne
renommée. C'est un point extrêmement difficile car cela
dépend du terrain qui évolue constamment en fonction des
arrivées et des départs de populations.
Mme Béatrice Gille.-
Je ne suis pas franchement dans
mon domaine de compétence. La plupart des académies ont
" zoné " leur territoire en bassins d'éducation et de
formation qui ont en fait cet objectif : faire travailler les chefs
d'établissement ensemble pour éviter des concurrences redoutables
pour le service public.
En fait, c'est l'objectif de la réflexion engagée sur
l'unité et le territoire de l'éducation nationale, la
façon dont ce territoire devrait être géré en tant
que tel ; cela implique une nécessaire concertation entre les chefs
d'établissement, de façon verticale et horizontale afin de
prendre en compte tous les lycées d'un même secteur, mais aussi
l'ensemble du système, de la maternelle à l'université,
pour définir les parcours des enfants. Il y a des académies dans
lesquelles cela a été annoncé et où cela marche
plus ou moins bien. Il y a des académies pour lesquelles c'est moins
avancé.
M. Serge Lagauche
- Il suffit de regarder les ordres du jour
des conseils d'administration des établissements pour s'apercevoir que
c'est un point essentiel.
Mme Béatrice Gille -
C'est vrai, mais je crois
qu'un grand effort est fait de la part d'un grand nombre d'académies
dans ce domaine.
M. Claude Domeizel -
Je voudrais poser une question
sur la formation des personnels que vous n'avez pas évoquée.
Quelle est la place accordée dans la formation de ces personnels au fait
qu'ils sont affectés dans des établissements
d'éducation : y a-t-il adaptation pour l'ouvrier d'entretien par
exemple ? Comment s''adapte-t-il au fait qu'il travaille dans un
établissement d'éducation ?
Mme Béatrice Gille -
J'ai la chance d'avoir dans mon
portefeuille la formation des personnels et l'intégralité des
actes de gestion des ressources humaines : la formation en est un de toute
évidence. De la même façon que la gestion de la grande
majorité des corps ATOS est déconcentrée, la formation
l'est également. La formation initiale et continue des personnels ATOS
est gérée au niveau de chaque académie. Le recteur a en
général à sa disposition le CAFA (centre académique
de formation administrative) qui a pour mission de former l'ensemble des
personnels, aussi bien l'adaptation à l'emploi -pour répondre
à votre question- et notamment la professionnalisation de la
filière ouvrière qui est tout à fait importante.
Celui qui a la compétence de la gestion a aussi dans ses mains la
formation. Au niveau ministériel, nous ne faisons que piloter et animer
tous les réseaux de formation académiques.
La formation des ATOS a été extrêmement importante dans le
passé car elle a contribué à faire prendre conscience
d'une culture et d'une identité professionnelles très fortes,
notamment de la filière ouvrière de l'éducation nationale
dans la mesure où cette formation était assurée par des
pairs et où également c'était un acte de reconnaissance de
leur professionnalisme et de leur motivation, car on a une motivation
particulière des catégories à l'éducation
nationale, notamment de la filière ouvrière.
La formation a été dans la construction de cette identité
et de cette culture quelque chose de très important dans le
passé, notamment la professionnalisation de la filière
ouvrière. Tout cela est entre les mains du recteur qui, en fait, essaie
de la gérer au plus près du terrain, de faire remonter les
besoins des établissements. C'est compliqué, car on est dans une
pratique administrative courante qui avait une tendance très nette
à disjoindre la gestion des personnels de la formation.
On est dans l'optique où nous essayons de faire en sorte que la
formation soit une partie intégrante de la gestion de chaque individu.
Cela va avec les outils d'évaluation, avec l'appréciation des
outils de gestion qu'il nous faut mettre en place pour toucher chaque individu
du système où qu'il soit. C'est une affaire importante.
M. Claude Domeizel -
On n'a pas toujours l'impression que
d'un établissement à un autre, tout le monde comprenne que tous
les adultes, quels qu'ils soient, ont leur part dans l'éducation des
enfants. Je ne suis pas sûr que cela soit bien perçu par le
personnel. Ont-ils été formés pour cela ?
Mme Béatrice Gille -
Si vous avez ce sentiment,
j'imagine que c'est pour avoir entendu des personnes. Pour autant, quand vous
écoutez les personnels de l'éducation nationale qui travaillent
dans les établissements scolaires, notamment ceux de la filière
ouvrière et ceux de la filière administrative, ils expliquent que
leur appartenance statutaire à l'éducation nationale est
importante par rapport aux faits de déléguer un certain nombre de
tâches à des services privés.
Leur appartenance à l'éducation nationale leur paraît
essentielle car justement, ils sont des adultes dans un établissement
scolaire et ils participent à la communauté éducative.
Quand vous les questionnez, c'est un point très fort de leur sentiment
d'appartenance au monde de l'éducation nationale, par rapport à
une gestion qui serait autre, qu'elle soit privée ou qu'elle soit
ailleurs.
C'est quelque chose d'important. Quand vous questionnez le personnel de
restauration, de cantine ou le personnel d'entretien, ouvrier et de service, ce
sont des personnes qui ont à coeur d'assurer une présence
d'adulte par rapport aux élèves.
N'importe quel chef d'établissement vous dira que le concierge, le
personnel d'accueil d'un établissement a, pour la vie des
élèves, une grande importance. Quand il est très
présent, qu'il prend à coeur son travail, c'est un personnel
important. Les personnels ATOS sont très importants dans le monde de
l'éducation, me semble-t-il. En outre, ils sont là toute la
journée.
M. Serge Lagauche
- Ils voient tout.
Mme Béatrice Gille -
Ils voient beaucoup de choses. Ce
sont souvent des recours pour les élèves. Ils ont une importance
très réelle.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Tant mieux si c'est la
réalité !
Mme Béatrice Gille -
Je crois quand même que
c'est la réalité.
M. le Président -
Y a-t-il encore des questions ? Il
nous reste à vous remercier, Madame, pour toutes ces
explications.
AUDITION DE M. MICHEL DESCHAMPS, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DE LA FSU
(FÉDÉRATION SYNDICALE UNITAIRE
DE L'ENSEIGNEMENT),
MME MONIQUE VUAILLAT, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SNES
(SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNANTS DU SECOND
DEGRÉ),
M. BERNARD PABOT, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SNETAA
(SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT
TECHNIQUE APPRENTISSAGE AUTONOME),
M. DANIEL LE BRET, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SNUIPP
(SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE DES INSTITUTEURS
PROFESSEURS D'ÉCOLE ET PEGC)
(13 JANVIER 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Michel Deschamps.
M. le Président -
De tradition, nous donnons la
parole aux personnes que nous entendons avant de donner le temps au rapporteur
et aux collègues de vous interroger. Nous disposons d'une heure et demi
pour cette audition, compte tenu de la qualité, de la diversité,
de la richesse de la palette des personnes qui sont ici présentes.
Vous avez la parole.
M. Michel Deschamps -
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous répondons avec d'autant
plus d'intérêt à votre sollicitation que nous sommes
convaincus que les services publics -tous les services publics mais
peut-être plus encore le service public d'éducation -
devraient être absolument transparents sous le regard des citoyens,
qu'ils devraient pouvoir rendre compte de l'ensemble de leur fonctionnement.
Nous sommes convaincus que l'opacité, si opacité il y a, ne peut
que susciter des suspicions, et donc rendre plus difficile la mobilisation
collective qu'implique actuellement l'état de notre système
éducatif.
Nous savons aussi par expérience syndicale que les personnels, en
dernier ressort, font toujours les frais du manque de transparence qui engendre
de l'arbitraire et des inégalités.
Dit autrement et très directement, les personnels que nous
représentons n'ont rien à cacher et rien à craindre de la
lumière faite.
En même temps, permettez-moi d'ajouter tout aussi directement que nous ne
sommes pas des naïfs. Nous avons lu
les comptes-rendus des
auditions antérieures publiées sur votre site Internet avec
beaucoup d'attention. Nous avons médité aussi certaines
interventions et certains questionnements.
Nous craignons que d'aucuns attendent de vos travaux la confirmation de leurs a
priori sur le caractère pléthorique des effectifs de
l'éducation nationale. A priori qui les conduit peut-être à
espérer que la révélation d'insuffisances de gestion -il y
en a toujours- permettrait de ne pas faire face aux besoins de
développement de notre système éducatif.
Comme je crois que cette question pèse au moins implicitement sur le
débat, j'ai considéré que nous avions intérêt
à la traiter nettement. Autant vous dire d'emblée que nous
considérons, à la FSU, que les transformations qualitatives
indispensables de notre système éducatif ont un coût, et
nous sommes convaincus qu'elles ne pourront pas se faire à moyens
constants et moins encore, avec des moyens en régression.
Je voudrais consacrer la première partie de mon intervention à
cette question : comment apprécier l'effort consenti par la Nation
à son école ? C'est évidemment difficile. Les
partisans de la réduction de l'effort, ou du moins de la pause ,font
valoir les progressions du budget annuel du ministère de
l'éducation nationale, progressions d'autant plus spectaculaires
qu'elles sont toujours présentées en francs courants.
Nous ne sommes pas moins légitimés à faire remarquer que
la dépense intérieure d'éducation est restée
très longtemps stagnante, alors même que notre pays connaissait un
développement spontané et considérable de la scolarisation
volontaire.
En tout état de cause, le gain d'augmentation du pourcentage de la DIE
est, depuis 20 ans, inférieur à un point de PIB.
On a dit beaucoup de choses sur le rythme de progression des emplois de
l'éducation nationale : en réalité -ce sont les
chiffres publiés par la fonction publique- sur les dix dernières
années, de 1987 à 1997, la progression est inférieure
à 5 %. Si l'on prend en référence les années
1985 à 1995, on trouve un pourcentage de progression de 10 %, mais
qu'il faut comparer à cette scolarisation spontanée, bien
au-delà des limites de la scolarité obligatoire.
Dans le même temps, le niveau de pré-scolarisation a
considérablement augmenté dans notre pays ; la part d'une
génération accédant au niveau IV a plus que doublé
au cours de ces 20 dernières années, et plus de la
moitié des sortants 1996 ont poursuivi des études
supérieures.
Ces données ne permettent pas de parler d'une simple massification de
notre système éducatif. En même temps, il faut constater
que la démocratisation, le recul des pesanteurs liées aux
appartenances sociales, connaissent aujourd'hui des piétinements, des
fléchissements. Nous considérons à la FSU que ces
piétinements et ces fléchissements appelleraient un saut à
la fois qualitatif et quantitatif du système éducatif. Je crois
qu'il est erroné de prendre en considération l'un ou l'autre
facteur. Il est encore plus erroné bien évidemment d'opposer les
transformations qualitatives et le coût au moins immédiat qu'elles
entraînent pour l'argent public.
Permettez-moi d'ajouter que les comparaisons internationales ne
démontrent pas une tendance de notre service public d'éducation
à se comporter en budgétivore. Nous ne sommes pas du tout le pays
qui consacre la part la plus grande de ses richesses à la formation des
jeunes, alors même que nous offrons pourtant une espérance de
scolarisation qui est parmi les plus élevées des pays
comparables, et même dans l'absolu, de l'ensemble des pays qui ont un
système éducatif développé.
Quant à la comparaison internationale des performances, aucune des
données actuellement connues ne permettent de parler de "rendements
médiocres" du système éducatif français, comme l'un
de vos invités a cru pouvoir le faire : aucune des données
actuellement connues !
En réalité, notre système est considéré par
les observateurs nationaux et internationaux extérieurs au syndicalisme
comme plutôt économe et performant.
Et c'est justement parce que notre système a ce socle, et de
compétence et de résultats, que nous pensons qu'il peut et qu'il
doit aller plus loin.
Il ne pourra le faire sans mettre en oeuvre une vraie politique de l'emploi
public. C'est le deuxième point que je voudrais aborder devant vous.
C'est une autre façon d'aborder les insuffisances des dotations
budgétaires actuelles que de constater les expédients auxquels le
système doit recourir. Le volume des heures supplémentaires dans
le second degré, des heures complémentaires dans l'enseignement
supérieur -même si cela ne relève pas de votre mission
d'enquête, les deux phénomènes sont très
comparables- témoigne aussi de cet écart entre l'évolution
des emplois et celle des besoins du système éducatif.
Il est, de ce point de vue, totalement incompréhensible que notre
revendication syndicale de transformation des heures supplémentaires en
emplois se heurte à un refus quasi total. Il est tout aussi
incompréhensible -voire trop compréhensible- à nos yeux,
qu'alors que des mesures dissuasives sont imposées aux entreprises
privées par la majoration du taux des heures supplémentaires, que
le ministre de l'éducation nationale, premier employeur de France, ait
décidé de baisser la rémunération des heures
supplémentaires, se donnant ainsi la facilité d'en augmenter le
nombre global, au détriment notamment du recrutement des jeunes
diplômés.
Mais au-delà des heures supplémentaires, il existe d'autres
expédients pour essayer de répondre à cette insuffisance
des dotations : la chasse à l'emploi statutaire a ainsi conduit
à multiplier les personnels non-titulaires, globalement payés sur
des supports de crédits dans des conditions difficilement
contrôlables par la représentation nationale. Je pense aux
maîtres-auxiliaires, mais aussi aux 60 000 emplois contrats
solidarité qui occupent dans nos établissements des emplois
permanents, comme le relevait la Cour des comptes en 1997.
La pression constante des besoins réels fait que les emplois
créés au titre des mesures jeunes -principalement les aides
éducateurs- risquent de suivre de plus en plus une logique de
substitution à l'emploi public plutôt qu'une logique
d'émergence de nouveaux métiers à laquelle nous avons cru
en accueillant la mesure et qui devrait traverser et enrichir la fonction
publique.
Le maintien des classes surchargées dans tous les niveaux de
l'enseignement scolaire, les difficultés à obtenir les moyens
d'un travail en petits groupes, le refus de rompre avec le modèle
daté et dépassé de l'instituteur seul dans sa classe, la
détérioration constante du rapport nombre d'ATOS - nombre
d'élèves sont autant de facteurs qui pénalisent lourdement
notre système éducatif.
A ces insuffisances qui sont bien connues, mais que je me permets de rappeler,
j'ajoute l'incapacité ou plus sûrement l'absence de volonté
à mettre en oeuvre une gestion moderne des effectifs. Je ne suis pas
sûr que la formule bien connue utilisée par l'une des
personnalités que vous avez auditées : "L'éducation
nationale est la seule entreprise française qui ne connaisse pas
précisément ses effectifs de personnels" soit totalement
objective. Ce qui est certain, c'est qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de
grandes entreprises dans notre pays à refuser, comme l'éducation
nationale, la mise en place d'une gestion prévisionnelle de ses
effectifs et la programmation de ses embauches.
Il est tout à fait significatif que la loi de 1989 qui prévoyait,
enfin, une programmation pluriannuelle des recrutements d'enseignants n'est
toujours pas suivie d'effets dix ans après son adoption.
Ce n'est évidemment pas le résultat d'une quelconque
incapacité administrative, mais beaucoup plus sûrement le
résultat d'un véritable positionnement malthusien qui fait
espérer, toujours, que la demande sociale de formation va se ralentir,
se freiner, peut-être s'inverser.
De ce point de vue, je me souviens des prévisions de notre
administration de tutelle de la fin des années 1970 qui tablaient sur
une diminution de la scolarisation dans le second degré. Cela a conduit
à une réduction considérable des recrutements, à la
situation des pré-recrutements. Le résultat, en liaison avec la
dévalorisation sociale du métier, en a été une
crise de recrutements qui pendant plus de dix ans a pesé sur l'ensemble
du second degré.
Pour conclure sur cette deuxième partie, il me semble qu'il n'est plus
possible d'accepter une situation qui, faute de gestion prévisionnelle
des effectifs et des recrutements, conduit à piloter à vue et
à courir sans cesse -ce qui est le cas de l'éducation nationale
me semble-t-il- après la demande sociale de formation.
Je voudrais conclure sur une dernière question, à mes yeux
peut-être la plus fondamentale : peut-on obtenir une plus grande
efficacité du système et de ses acteurs, une meilleure
rentabilité des moyens existants ? Dit crûment :
existe-t-il des gains de productivité possibles ?
La question est provocatrice, alors même que nos collègues
ressentent l'évolution de leur métier comme de plus en plus
difficile, comme de plus en plus prégnante, à la limite parfois
de la rupture. Mais c'est peut-être une raison supplémentaire
d'interroger, d'interpeller l'aide réelle que l'institution apporte
à nos collègues dans l'exercice de leur mission.
Ainsi, le ministère de l'éducation nationale est quasiment le
seul -j'en suis convaincu- à n'avoir pas appliqué l'accord
triennal fonction publique sur la formation continue de ses salariés
1996-1997-1998 qui vient de se terminer ; le seul ministère
à n'avoir engagé aucune négociation véritable sur
ces questions -en tout cas à ne pas l'avoir conduite à terme-
contrairement à la loi et contrairement à l'accord contractuel
passé au niveau de l'ensemble de la fonction publique et contrairement
aux engagements qui nous avaient été donnés en interne du
ministère de l'éducation nationale.
Le pourcentage de la masse salariale que le ministère de
l'éducation nationale consacre à la formation continue de ses
agents ferait rire n'importe quel dirigeant de nos grandes entreprises
privées et publiques. Nous sommes actuellement au sens strict de la
formation continue, c'est-à-dire hors les congés
spécifiques, à moins de 5 % de la masse salariale.
Si on veut bien prendre en considération que nous parlons de personnel
de catégorie A, ayant des responsabilités qui les assimilent
à des personnels d'encadrement, comment comparer avec les grandes
entreprises que nous connaissons tous et pour lesquelles, pour des personnels
de ce type, le pourcentage de la masse salariale consacré à la
formation continue dépasse couramment les 10 %.
La recherche, qu'elle soit pédagogique ou élargie de type
administratif, d'améliorations de fonctionnement du système
mobilise également des sommes totalement dérisoires, sans
communes mesures avec les besoins.
La reconnaissance des qualifications se heurte aussi à des obstacles
continuels, bloquant les niveaux théoriques de recrutement et donc les
grilles de rémunération correspondantes, alors même que les
qualifications réelles des personnels qui se présentent au
concours de recrutement sont constamment en augmentation, refusant les
re-pyramidages des emplois et gelant, par exemple, les proportions des
personnels de catégorie A et B chez les ATOS, a contrario de
l'élévation de leurs qualifications et des besoins d'une
administration moderne.
Misère de la formation continue, absence de recherche, blocage des
carrières.. ; voilà bien des archaïsmes qui devraient
être au coeur de toute réflexion sur la situation et la gestion
des personnels des premier et second degrés, surtout si on ajoute
à cela la pauvreté des relations sociales globales au
ministère de l'éducation nationale : fonctionnement des
instances de concertation, refus de reconnaître totalement le rôle
des acteurs et des organisations syndicales représentatives des
personnels.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les Sénateurs, les
personnels seront très attentifs aux conclusions de votre commission
d'enquête. Ils y chercheront -mais n'est-ce-pas légitime ?-
le regard que la représentation nationale porte sur leur métier
et plus encore sur les difficultés croissantes qu'ils connaissent dans
l'exercice de ce métier. Ils y chercheront aussi le niveau d'ambition
auquel notre pays place son investissement éducatif.
L'école est confrontée aujourd'hui à des évolutions
de société extrêmement lourdes ; elle "s'attaque"
à des noyaux durs d'échec scolaire ; elle prend en compte
des inégalités sociales qu'elle écartait hier de la
scolarisation ; elle s'attaque à de véritables risques de
rupture dont la violence n'est que l'un des signe les plus spectaculaires.
L'ensemble de ces éléments devrait, pour tous ceux qui se sentent
concernés et qui s'intéressent aux problèmes
d'éducation, écarter toute tentation d'en rabattre sur le niveau
d'ambition et d'investissement éducatif dans notre pays.
M. le Président -
Les propos que vous avez
tenus concernent l'ensemble des syndicats ici représentés. Je
propose donc que nous en venions très rapidement aux questions, et je
vais donner la parole à nos rapporteurs et aux autres collègues.
Je veux vous assurer que nous abordons ces travaux -car nous n'avons pas
commencé depuis très longtemps- avec beaucoup de sérieux,
chacun porteur de ses engagements, mais sans idée
préconçue. Si nous en avons, nous abordons ces travaux avec
l'idée de passer nos idées au crible de l'examen à l'aide
des auditions auxquelles nous procédons. En tout cas, nous ne
préjugeons pas les conclusions qui seront les nôtres. Vous pouvez
en être assuré.
Nous ne sous-estimons pas non plus la difficulté de notre tâche.
Le sujet est complexe, vaste, et nous avons beaucoup à faire en quelques
mois. C'est pourquoi il est utile d'entendre les uns et les autres.
La parole est au rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Moi aussi, je
voudrais faire une déclaration liminaire. C'est vrai, monsieur le
secrétaire général, vous nous avez indiqué que
certains pensaient que cette commission était faite pour réduire
les moyens de l'éducation nationale. Je voudrais dire que pour ma part,
-je tiens à le dire fortement- je cherche d'abord à comprendre,
à savoir comment sont organisées les choses, à voir s'il y
a une bonne adéquation entre besoins et moyens, et
éventuellement, apporter des idées pour améliorer le
fonctionnement.
Dans cette optique, je voudrais savoir quel est le rôle de votre
organisation et de vos organisations syndicales dans l'organisation de ces
moyens en fonction des besoins avant et après réforme de la
déconcentration du mouvement. Cette réforme étant celle
qui se met en route actuellement.
Quel est le nombre de permanents à temps plein ou non, provenant de
l'éducation nationale, enseignants ou pas, dans vos organisations ?
Question annexe : j'aimerais savoir s'il est impératif d'y avoir
des enseignants ? N'est-il pas dommage d'avoir formé des gens pour
être enseignants et de les voir dans des organisations qui les
éloignent de leur vocation initiale.
J'aimerais un avis qualitatif, plus que quantitatif, pour savoir s'il est
nécessaire que des gens dans des organisations qui ne sont pas
directement sur le terrain soient des enseignants.
Ensuite, y a-t-il dans vos organisations des responsables syndicaux avec des
activités d'enseignement à temps partiel ? Est-ce
compatible ? Est-ce souhaitable ?
Vous avez parlé de pilotage à vue. Nous savons qu'il y aura des
départs massifs à la retraite. Cela est-il de nature à
mieux réorganiser l'adéquation entre les moyens et les
besoins ? Pensez-vous que c'est le moment d'en profiter pour avoir une vue
d'ensemble à plus long terme que d'habitude dans cet objectif ?
Vous avez parlé aussi des emplois-jeunes. Comment pensez-vous que nous
allons sortir de ce dispositif dans 5 ans ?
Concernant l'adéquation moyens-besoins, vaut-il mieux continuer à
recruter des maîtres auxiliaires, à jouer sur les heures
supplémentaires ? On nous a indiqué que cela correspondait
à environ 40 000 enseignants. Quand on dit dans le secteur
privé qu'il faut établir les 35 heures pour créer des
emplois, on aurait alors 40 000 équivalents temps pleins
traités à travers les heures supplémentaires dans
l'éducation nationale.
Toujours dans cette optique d'adéquation des besoins aux moyens,
pensez-vous qu'il soit plus judicieux de simplifier les programmes ou de
réorganiser le système ?
M. Michel Deschamps -
La plupart des questions portent
sur le second degré. Je propose que Mme Vuaillat réponde,
d'autant plus qu'elle est un bon exemple de responsable syndicale qui continue
à avoir des activités d'enseignement. Cela constituera une
réponse à une partie de votre question.
Mme Monique Vuaillat -
Avant de répondre directement
aux questions, permettez-moi d'approfondir la situation dans le second
degré.
Cette situation dans le second degré présente les
caractéristiques générales qu'a énoncées
M. Deschamps, mais je voudrais aborder plus précisément ce
point sous plusieurs autres angles.
Concernant le rapport entre besoins et moyens créés par les
budgets, contrairement à ce qui se dit, nous ne sommes pas dans une
phase de diminution des effectifs à scolariser dans le second
degré. Il y aura sans doute un effet de tassement démographique
dans les prochaines années, mais il sera largement compensé si
cette politique est conduite, par une progression de la scolarisation. Nous ne
sommes pas en situation où l'on est à saturation des besoins,
où l'on a pourvu tous les besoins en recrutements d'enseignants.
Nous sommes sortis de la crise aiguë de recrutement d'enseignants de
second degré des années 70, mais nous avons encore des
pénuries très importantes dans certaines disciplines. En
particulier, -je réponds en cela à l'une de vos questions - c'est
sans doute l'un des secteurs dans lequel sont le plus mal couverts les besoins
de remplacements. Nous estimons à 2 % le volume d'enseignants
titulaires qui assurent des remplacements. Nous apprécions les besoins
en remplacement à un niveau qui devrait être porté au
double au moins, c'est-à-dire 5 à 6 % de titulaires
remplaçants.
Les conséquences sont très concrètes. Le ministre a
beaucoup insisté -celui-ci en tout cas- sur " pas de classe sans
professeur ". Il faut que vous sachiez qu'en moyenne, les enseignants de
second degré ne sont pas remplacés à moins de 3 ou
4 semaines de congé par défaut de titulaires
remplaçants.
Deuxièmement, une grande partie des besoins d'enseignement sont couverts
par les heures supplémentaires qui, contrairement à ce qui a
été dit dans l'opinion publique, sont des heures faites en
présence d'élèves pour la très grande
majorité d'entre elles. Le volume est de 718 000 dont la
décomposition se fait de façon précise :
532.000 heures supplémentaires, 113.000 heures de
suppléance, 36.000 heures d'interrogation, 9.370 heures ATOS
spécifiques, 18.000 heures de cours conférences et
vacations. Cela donne un total de 718 000 heures. Cela pose des
problèmes dans la gestion des personnels. Je reviendrai sur cet aspect.
En matière de recrutement, nous ne sommes pas sortis de la crise de
recrutement sur des disciplines très précises. On ne recrute pas
assez pour les sciences de la vie et de la terre, les sciences physiques ;
on recrute alors des maîtres auxiliaires.
La pénurie d'enseignants titulaires alimente à nouveau le
recrutement d'auxiliaires. Nous ne sommes pas d'accord, pour répondre
très précisément à votre question, sur
l'idée qu'il faudrait garder un volant d'auxiliaires. La plupart des
besoins sont connus, stables, programmables comme les départs à
la retraite, les besoins liés à la nécessité
d'assurer des heures d'enseignement, les besoins liés à la
nécessité de remplacer des enseignants.
Statistiquement, on peut fort bien établir la programmation de ces
recrutements. C'est par abus d'une politique que l'on continue à
recruter des auxiliaires. Il faut intégrer dans les besoins de
recrutement une réponse à ces trois grands besoins. Il faut aussi
intégrer à ces recrutements la nécessité de
transformer les heures supplémentaires en emplois.
En sciences de la vie et de la terre, on est en situation déficitaire.
En sciences physiques, après avoir connu une abondance de professeurs de
physique suite à la suppression de cette matière en 5ème
dans les années 80, nous nous trouvons en situation de pénurie
avec le rétablissement de la physique en 5ème.
En langues vivantes, nous sommes en situation de pénurie au point que
cela freine le développement et l'amélioration des enseignements
des langues vivantes aujourd'hui avec la réforme des lycées.
C'est une insuffisance de recrutement qui touche toutes les langues, aussi bien
l'anglais, l'espagnol, etc.
Il y a également pénurie dans l'enseignement technologique. Je
passe sur l'énumération.
Concernant la situation des personnels, on nous a beaucoup dit -et vous avez
peut-être été sensibles à cette argumentation- que
tous les besoins étaient couverts et que la preuve en était qu'il
y avait des enseignants titulaires sans postes. On a argumenté sur cette
question pour expliquer qu'on avait trop recruté.
Il faut faire attention à bien analyser les causes de cette situation.
Dans quelle situation sommes-nous ? Nous avons 41 000 titulaires
académiques qui ne sont pas titulaires de postes, d'emplois
budgétaires, et qui sont donc mobiles. Parmi eux, il y a 36 000
certifiés et agrégés. Quand on regarde comment ils sont
employés, 76 % occupent des postes qui ont la
caractéristique d'être des postes non définitifs.
Une pratique s'est développée dans la gestion des moyens, qui est
anormale. Elle consiste à se donner de la souplesse dans le
système et à déclarer que des postes sont provisoires, ce
qui permet de les supprimer sans problème et sans avoir à
respecter aucune garantie pour les personnels.
76 % des TA (titulaires académiques), sont en postes. 1500
certifiés, soit 4 %, sont sur des postes à l'année en
lycée professionnel, ce qui indique un déficit de recrutement
d'enseignants pour les lycées professionnels. C'est une situation
anormale que nous dénonçons en commun avec le SNETAA. 20 %
de ces titulaires académiques sont affectés à
l'année sur zones de remplacements ou rattachés à des
lycées et collèges dans l'attente d'un remplacement.
Il y a une situation complètement anormale, au moins pour les 76 %
de ces titulaires académiques qui devraient être affectés
sur postes, parce qu'ils répondent à des besoins.
Cela découle d'une difficulté de gestion qui n'avait pas
été traitée correctement par l'administration centrale, en
particulier la difficulté liée à la progression des
enseignants à temps partiel qui laisse des quotités de temps
partiel de côté, qui ne font pas cette partie du service. Elles
sont regroupées sous la forme d'un regroupement de rompus de temps
partiel. On affecte des gens qui ne peuvent être titulaires. Nous avons
des solutions pour éviter ce problème que l'on pourra
détailler si vous le souhaitez.
Deuxième aspect de la question : toute une partie de ces titulaires
académiques devrait être titulaires d'un poste de remplacement et
donc affectés sur zone, en situation de stabilité.
Peut-on dire qu'il y a un trop plein d'enseignants quand on constate qu'il y a
des enseignants en réserves pour assurer des remplacements ? Notre
réponse est non. Evidemment, il y a des périodes durant
lesquelles ils ne sont pas en charge de cours et dans l'attente d'un
remplacement, mais il est tout à fait normal qu'il y ait ces
réserves. Si elles n'existent plus, par pénurie de titulaires
remplaçants, on est obligé de faire appel par petites annonces
-comme certains rectorats le font aujourd'hui- à des enseignants non
titulaires pour assurer les remplacements.
Cette insuffisance de titulaires remplaçants explique que nous ayons
encore 25000 maîtres auxiliaires dans le second degré et, alors
que des directives ministérielles ont été données
sous le précédent ministre pour qu'il n'y ait plus de recrutement
d'auxiliaires, que nous recrutions encore 3.000 enseignants contractuels
vacataires par an. Cela illustre aussi cette pénurie. Pas de trop-plein
mais mauvaise gestion, et des emplois et des personnels.
Pour répondre à votre question, oui, nous voulons la disparition
de l'auxiliariat. Et nous pouvons le faire, par des mesures de titularisation
et par l'arrêt définitif de ces recrutements.
J'ajoute que sur l'aspect précarité aujourd'hui, les
non-titulaires que nous recrutons, sont des non-titulaires encore plus
précaires qu'antérieurement puisqu'on nous a inventé les
contractuels 200 heures ou les vacataires. C'est-à-dire des
contractuels qui ne font que 200 heures et que l'on remercie au bout des
200 heures, quitte à les reprendre 8 ou 15 jours après
pour qu'ils entrent à nouveau dans un contrat de 200 heures. La
spécificité de ces contrats est qu'ils ne donnent aucun droit.
Parfois, nous pouvons nous croire revenus au Moyen Age dans la fonction
publique. Je l'ai constaté hier à Pau, dans un GRETA où
nous trouvons des contrats de 200 heures sans droits au chômage,
sans droits à la prise en compte de ces heures faites pour des processus
de titularisation. Dans la formation continue, c'est encore pire : ce sont
des contrats de droit public qui sont gérés comme dans la pire
des entreprises privées et avec des baisses de quantité de
travail à faire en fonction des fluctuations des ressources etc. Je ne
détaille pas, mais il y a un gros problème. Environ 5 à
6000 contractuels dans la formation continue des adultes sont sans droits et
sans perspectives. Et pourtant, il y a de la formation continue à faire.
A cet égard, nous pensons qu'il est anormal qu'on ne prenne pas en
compte les besoins de formation des adultes dans le service public alors que
c'est une de ses missions. Le budget ne prend pas en compte ces aspects. Il y a
là une situation complètement anormale !
Je n'ai pas très bien compris le sens de la question sur la
déconcentration du mouvement des personnels du second degré.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Je peux la
préciser. Je voulais comprendre votre rôle dans la façon de
gérer le mouvement avant, et maintenant, avec la déconcentration.
Mme Monique Vuaillat -
Tout d'abord, je ferai un bref rappel
des raisons pour lesquelles nous sommes en désaccord avec ce processus.
Nous sommes dans le second degré. Nous avons à recruter des
enseignants et à gérer un personnel spécialiste de
discipline. Nous constatons qu'il y a encore une très grande
inégalité entre les régions pour disposer des viviers
suffisants pour alimenter les besoins en professeurs de chacune des
académies dans toutes les disciplines.
En sciences de la vie et de la terre, 16 % des admis proviennent de
l'académie de Lyon tandis qu'Amiens n'en fournit presque pas. Il faut
répartir encore de façon nationale les personnels
recrutés, sauf à dire que tous les enfants de toutes les
régions n'auront pas les professeurs compétents pour enseigner
toutes les disciplines.
La déconcentration du mouvement en apporte une preuve
supplémentaire car, contrairement à ce qui a été
déclaré, les jeunes enseignants sortants d'IUFM vont être
contraints à un mouvement national. Ils ne resteront pas sur place pour
l'essentiel d'entre eux. C'est en particulier le cas pour les jeunes issus des
académies qui produisent beaucoup d'enseignants comme Rennes, Bordeaux,
Toulouse, Montpellier ; ils seront obligés par un mouvement
national d'aller enseigner à Créteil, Versailles, Amiens qui sont
des académies déficitaires.
Il y a donc nécessité d'une répartition
géographique. A partir de ce moment-là, nationalement, il faut
permettre aux gens de revenir. Quant à la déconcentration du
mouvement, nous disons -et toutes les informations que nous avons aujourd'hui
le montrent- que cela va restreindre la mobilité géographique des
enseignants et restreindre les mutations inter-académiques.
Deuxièmement, le gros problème de la gestion des personnels, ce
sont ces 41 000 titulaires sans postes. Ce n'est pas parce qu'on
déconcentre le mouvement que l'on va résoudre le problème.
S'ils ne sont pas titulaires d'un poste, cela provient du décalage entre
les personnes et les moyens budgétaires dégagés. Cela ne
résout aucun des ces problèmes.
Quant à la question de savoir quel est le rôle des élus du
personnel dans le cadre de la déconcentration des mouvements, je vais
vous répondre tout à fait nettement, contrairement à ce
qui s'est dit ici ou là, que les élus du personnel sont
représentés dans des commissions paritaires nationales et
académiques. A partir du moment où la déconcentration n'a
pas pu se faire en faisant abstraction d'une consultation nécessaire des
commissions paritaires académiques, il y aura contrôle par les
élus.
Pour ce qui concerne le SNES, comme il est majoritaire, il jouera son
rôle tant au plan de la commission paritaire nationale que de la
commission paritaire académique.
Une petite remarque, vous qui êtes soucieux de la bonne utilisation des
moyens dégagés par l'Etat, ce que nous faisions avec
100 personnes au plan national, nous allons le faire avec 25 fois
58 personnes. En matière de dégraissage du "mammouth", cela
pose un petit problème.
M. le Président -
C'est la première
fois que l'on nous cite ces chiffres.
Mme Monique Vuaillat -
Cela pose deux problèmes. Cela
mobilisera une grande partie de l'administration rectorale pendant plusieurs
semaines, mais aussi une plus grande partie des élus, tous enseignants,
qui vont quitter leurs classes pour assumer leurs fonctions. Ils devront donc
être remplacés.
Dernier point, sur les décharges, pour ce qui concerne le SNES, je peux
vous dire qu'à trois exceptions près, il n'y a aucun
déchargé complet parmi les militants du SNES, au niveau
académique ou national. Tous les responsables du SNES,
académiques et nationaux, sont des enseignants en exercice par choix et
par principe.
Quand vous nous demandez si c'est une bonne chose ou une mauvaise, nous
considérons que c'est l'un des éléments importants que de
garder un pied dans les classes. Cela suppose que l'on organise le service pour
être remplacés, ce qui est le cas généralement,
à l'exception de plusieurs catégories qui sont mal
remplacées, comme les documentalistes, les conseillers principaux
d'éducation et les conseillers d'orientation psychologues. Ces gens font
entre 30 et 39 heures et, souvent, ne sont pas remplacés. Cela
pose problème. Quand on s'en va pour assumer des responsabilités
syndicales et qu'on retrouve tout le travail à faire en rentrant dans
l'établissement, ce n'est pas satisfaisant.
Les décharges sont attribuées sur des critères
transparents pour ce qui concerne les organisations syndicales, régies
par des textes, fonction de la représentativité des organisations
syndicales. Je vous renvoie donc aux textes. Je vous remettrai un document pour
dire combien il y a de déchargés pour ce qui concerne mon
organisation. Cela se fait dans une transparence totale. On ne peut pas dire
que ce soit très important.
Il est possible qu'il y ait dans le second degré des enseignants qui
bénéficient d'autres types de décharges pour faire
fonctionner l'institution : décharges pour assumer des
responsabilités dans les MAFPEN, organismes rectoraux qui gèrent
la formation continue. Il y en a aussi pour des gens qui, par exemple, mettent
en place les réseaux informatiques. Ils ont donc des activités
professionnelles, utiles et indispensables au bon fonctionnement de
l'institution, qu'ils combinent avec leur activité dans la classe. Je ne
crois pas que l'on puisse rechercher là des dérives en
matière d'utilisation du potentiel de moyens.
Il y a à la fois insuffisance de moyens et mauvaise gestion. Nous avons,
pour notre part, avancé des propositions qui n'ont jamais
été prises en compte.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Il y avait une
question sur les départs massifs à la retraite.
Mme Monique Vuaillat -
Nous aimerions qu'il y ait une plus
grande transparence et des chiffres fiables pour mesurer ces départs.
C'est un sujet qui ne devrait pas connaître d'aléas. Tout le monde
connaît les dates de naissance, l'histoire des carrières ;
l'administration centrale et les rectorat peuvent le dire. Aussi est-il curieux
de voir des chiffres qui peuvent varier du simple au double quand on nous donne
le nombre prévisible des départs à la retraite.
Quelques aléas se produisent actuellement qui ont comme
conséquence pour certains collègues de retarder leur
départ à la retraite. C'est en particulier l'attente de promotion
qui nécessite un temps d'exercice. Cela peut s'expliquer par des causes
sociologiques, avec le coût que représente maintenant les enfants
qui vont à l'université pour certaine familles qui amène
certains de nos collègues à prolonger leur carrière. Cela
fait varier un peu les départs à la retraite, mais c'est un
chiffre qui devrait être connu et transparent et qui ne l'est pas
complètement. Cela aiderait à la programmation des recrutements.
Il faut voir la répartition géographique du corps enseignant. Il
y a des différences de moyenne d'âge entre académies,
académies du sud et académies dites déficitaires.
Il y a un nombre important de personnels du second degré qui partiront
en retraite dans toutes les académies du sud dans les 4 à
5 années prochaines. C'est à la fois bien, car cela va
permettre un mouvement plus ample. Cela facilitera la mobilité
inter-académique qui risque d'être freinée par la
déconcentration du mouvement. Cela nécessite aussi que l'on sache
anticiper les recrutements par rapport à ces futurs départs
à la retraite.
Je rappelle qu'un enseignant du second degré se forme en cinq ans ; il
faut donc prévoir. Nous ne comprenons pas pourquoi on gère les
recrutements de façon annuelle. Il faut absolument qu'il y ait une
anticipation des besoins de recrutement liés aux départs à
la retraite au moins à échéance des 5 ou
10 prochaines années. Cela permettrait de ne pas avoir de surprise
et de ne pas voir de coup d'accordéon et de ne pas se trouver dans une
situation de pénurie importante d'enseignants au cours de cette
période qui va connaître un important renouvellement du corps
professoral.
On nous l'avait promis dans la loi de 1989 et cela n'a jamais été
fait. C'est anormal.
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, vice-président
M. Bernard Pabot -
J'ajouterai quelques
données spécifiques à l'enseignement professionnel par
rapport à un bilan général du second degré qui ne
pose pas d'état d'âme particulier à mon organisation.
Il me faut souligner d'abord une première dimension :
manifestement, l'éducation nationale, en matière de formation
professionnelle, n'assume pas la totalité des objectifs fixés par
la loi de 1989. Cette loi, à ma connaissance, a été
largement votée par toutes les composantes de la Nation à la fois
en expression politique et culturelle. Elle a assigné d'une part un
objectif de 80 % sur lequel on fait beaucoup de bruit, et un objectif plus
sérieux qui nous semblait être celui de 100 %
d'élèves à un niveau 5 de qualification.
A l'heure où s'approche un projet de loi sur la formation
professionnelle qui met en relief de l'autre côté de la
barrière, du côté des adultes, une situation de 40 %
du monde du travail qui n'a pas un minimum de qualification de niveau 5,
à une époque où tout le monde place les enjeux
technologiques et professionnels sur le devant de la scène, il faut se
poser des questions sur l'enjeu national de la formation professionnelle
initiale. Il ne peut pas se résoudre par des combats idéologiques
qui par ailleurs laissent sur le carreau 60.000 élèves parmi
les situations les plus dures de conflit, 150.000 au total si on compte ceux
qui sortent du système éducatif sans avoir une certification
reconnue.
Cette question est posée, notamment par la relance européenne des
écoles dites de seconde chance. Je crois qu'il y a des questions de fond
sur "l'investissement" éducatif en matière de formation
professionnelle. Je mets le terme investissement entre guillemets.
La deuxième réalité que je voudrais évoquer est
celle des enseignants : vous avez parlé des personnels sans poste.
Il y a une réalité particulière : nous sommes de ceux
qui connaissent une forte " flexibilisation " des formations.
L'enseignement professionnel n'aurait pas de sens s'il avait des
éléments de rigidification permanents, à savoir s'il
n'était pas capable d'évoluer en fonction des techniques et des
emplois. Dans ce schéma, les régions élaborent des
schémas directeurs. L'enseignement professionnel ouvre et ferme des
sections, mais on a une carrière pour 40 ans. De ce point de vue,
la dimension formation des enseignants est essentielle si l'on veut pouvoir
faciliter leurs adaptations futures, voire leur changement de
spécialités.
La question de la formation professionnelle des enseignants du professionnel
est essentielle. Il y a quelques années, nous disposions de formations
lourdes. Il était possible pour un enseignant de demander plusieurs
mois, voire un an, dans une entreprise dans un contexte de formation
donné pour améliorer sa qualification, pour la redéployer.
Ces questions ont été largement abandonnées et nous
souhaitons que l'on puisse y revenir. C'est-à-dire que l'on aura un
enseignement technologique performant -je devrais dire un enseignement
professionnel performant- quand on sera sûr que dans tous les cas, on
aura fait l'investissement pour les personnels de qualité.
En même temps que les personnels de qualité, il faut aussi
relancer le retour d'un certain nombre de personnel d'entreprise sur
l'éducation. Les concours le permettent. Il y a deux voies
d'entrée : la voie universitaire des formations technologiques et
des rares licences qui existent en matière professionnelle, et une voie
qui est celle de la prise en compte de position de cadre, disposant d'une
expérience qui souhaite s'investir dans l'éducation. Nous
souhaitons pouvoir relancer cet aspect et rééquilibrer les
recrutements.
C'est en ce sens que nous avions souhaité relancer les titularisations
dans des secteurs de métiers dans lesquels il n'y avait pas de
titulaires. C'est une affaire réglée après des
années de débat. On a ouvert des concours dans une cinquantaine
de métiers qui sont, au sens propre des métiers, et non pas
seulement des formations larges de branche. Aujourd'hui, on est en passe
d'améliorer la pertinence de la réponse du système
éducatif sur certaines questions. Cet effort avait été
engagé sous le gouvernement précédent et s'est poursuivi.
C'est un bon point.
Je voudrais rappeler la troisième question. Nous sommes attachés
à l'intégration au système éducatif de
l'enseignement professionnel, mais en même temps, nous sommes
attachés à ce qu'il ne perde pas sa dimension d'ouverture sur
l'extérieur, d'adaptation aux réalités et aux
évolutions. De ce point de vue, il y a des spécificités,
des originalités. C'est en ce sens que nous nous battons pour que l'on
ait une réponse dans l'éducation et une réponse qui soit
négociée, discutée, ouverte.
Le débat qui s'enclenche sur la question de la prise en compte des
compétences, telle qu'elle est demandée par l'UNEF, mérite
d'avoir lieu. Le débat est d'ailleurs largement lancé. Je crois
qu'il y a un enjeu national pour la formation professionnelle initiale.
Je terminerai par deux ou trois indications. Vous évoquiez
l'auxiliariat. Nous avons 62.000 enseignants titulaires. D'après la
dernière statistique déclarative des enseignants, il y aurait
6.000 enseignants non titulaires dans les disciplines professionnelles,
2.500 dans les disciplines générales plus l'apport et le renfort
de personnels certifiés ; je serais tenté de dire
nommés en dehors de leur contexte comme l'a souligné
Monique Vuaillat. Cela fait de l'ordre de 17 ou 18 % de la situation
des personnels qui ne correspondent pas à des personnels formés
et qualifiés stricto sensu, quelles que soient les compétences ou
les expériences industrielles qu'ils mettent individuellement en oeuvre
dans leur emploi.
Il n'est pas question de critiquer leur travail, mais de se dire qu'en
même temps, il faut qu'il y ait un encadrement de ces personnels, une
première formation. Le fait que l'on n'enseigne pas quand on enseigne la
formation professionnelle ne dispense pas de jeter un regard particulier sur la
pédagogie que l'on applique. Dieu sait que les élèves de
l'enseignement professionnel ont une pédagogie particulière,
difficile à gérer.
De ce point de vue, le dispositif actuel des IUFM ne donne pas
complètement satisfaction ; il a largement pris de la distance en
négatif par rapport au précédent dispositif de formation
des écoles normales d'apprentissage. Je crois qu'il y a là des
choses à revoir.
Par rapport aux décharges syndicales, nous sommes 6 permanents au
sens permanent du terme -dont moi-même, qui ai exercé 11 ans
à mi-temps entre un poste de conseiller en formation continue et un
poste de responsabilité nationale syndicale. Je n'ai abandonné
mon poste que quand je suis devenu secrétaire général.
210 personnes relèvent de décharges syndicales diverses et
variées, que cela soit pour apporter des collaborations nationales ou
des collaborations en responsabilités ou en aides à
l'échelon académique.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Monsieur le président, je voudrais rappeler, au nom des
rapporteurs, que notre commission -M. Grignon l'a dit tout à l'heure-,
contrairement à ce que j'ai cru comprendre monsieur Deschamps de
votre propos, n'a pas pour objet de souligner les carences ou les insuffisances
de l'éducation nationale, mais de mieux assurer la gestion du personnel.
C'est donc une aide que nous voulons vous apporter et non pas un
élément critique à l'encontre du personnel de
l'éducation nationale que nous voulons complètement rassurer
quant aux objectifs que s'est fixés cette commission d'enquête.
Il y a un point qui m'a étonné et que je me permets de relever.
Vous avez dit dans votre propos liminaire que nous ne sommes pas le pays qui
consacre le plus pour l'éducation nationale, et que bien d'autres font
un effort supplémentaires. C'est une petite contradiction que je me
permets de relever : d'autres personnes, hauts fonctionnaires du
ministère entendus précédemment, nous ont indiqué
que votre propos était valable pour l'enseignement supérieur,
mais certainement pas pour l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire.
C'est un débat que je ne veux pas ouvrir, mais qu'il serait
intéressant d'avoir. Il faudrait peut-être que notre commission
puisse mesurer -encore que cela soit très difficile- l'effort de notre
pays pour l'éducation nationale comparativement notamment aux autres
pays européens.
Vous avez à plusieurs reprises indiqué, et nous sommes nombreux
à partager ce point de vue, que ce système des maîtres
auxiliaires n'est certainement pas la meilleure réponse que l'on puisse
donner au problème de remplacement. Nous avons constaté qu'il y
avait une rigidité considérable dans le fonctionnement de
l'éducation nationale.
J'aimerais que vous nous indiquiez vos contre-propositions, puisque vous ne
voulez pas des maîtres auxiliaires et qu'il faut éviter cette
rigidité et assurer les remplacements. Que faut-il faire ?
Avez-vous des propositions en ce domaine ?
Autre point précédemment évoqué sur lequel
j'aimerais avoir votre point de vue : les classes de niveau. On nous dit
qu'elles n'existent pas par les textes, mais que peu à peu, dans de
nombreux établissements scolaires, de façon quasi clandestine,
elles se reforment. On met d'un côté les meilleurs
élèves et de l'autre les plus faibles. Qu'y a-t-il de vrai et
quel est votre point de vue ?
Par ailleurs, ne pensez-vous pas que la formation des enseignants devrait
être revue et adaptée afin que cela puisse répondre aux
différents besoins des élèves, acquisition des savoirs,
mais aussi apprentissage des règles élémentaires de la vie
en société ? Vous paraît-il envisageable, pour les
formations professionnelles ou technologiques les plus pointues, de faire appel
à des professionnels qui ne soient pas issus de l'éducation
nationale, mais qui ont cette formation très pointue que l'on ne trouve
peut-être pas parmi les enseignant ? Je parle d'un pourcentage
très faible et de formations très particulières.
Vous avez indiqué qu'au niveau des décharges syndicales, vous
vous conformiez aux textes. Je pense que oui. Y a-t-il, de votre point de vue,
des particularités des textes de l'éducation nationale par
rapport aux autres administrations du pays ? L'éducation nationale
est-elle favorisée ou défavorisée ? Y a-t-il une
particularité du système de décharge syndicale pour
l'éducation nationale ?
Y a-t-il, de votre point de vue, d'autres permanents dans d'autres
organisations de l'éducation nationale péri ou post-scolaires,
associations, mutuelles, divers services qui concourent à
l'éducation ?
Enfin, vous n'avez, ni les uns ni les autres, répondu à une
question qui nous interpelle fortement. C'est le devenir des emplois-jeunes
d'ici cinq ans. Comment le voyez-vous ?
Je terminerai par un constat qui ne se veut pas laudateur : l'enseignement
privé et l'enseignement agricole semblent moins touchés par les
dysfonctionnements que ne l'est l'éducation nationale lors de chaque
rentrée scolaire. C'est surtout dans l'enseignement public que nous
constatons, les uns et les autres, quelques problèmes.
Dernier point, nous avons été étonné de constater
que dans un même établissement scolaire, selon la formation
initiale que l'on a eue, le nombre d'heures de présence devant les
élèves n'est pas le même. Y a-t-il une justification
à cette situation ?
M. le Président -
J'attire votre attention que
cette audition doit se terminer à 16 heures 30. La dernière
commence à 18 heures 30. J'ai encore deux demandes de parole
de M. Carle et de Mme Luc. Il conviendrait donc de concentrer les
questions pour que nous puissions avoir des réponses dans les
délais.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Madame
Vuaillat, vous nous avez dit qu'il y avait pénurie de personnels dans
certaines disciplines. Il y a sûrement surabondance dans d'autres
disciplines. Pensez-vous que, non pas la polyvalence, mais au moins la
bivalence de certains personnels pourrait permettre de réduire cette
inadéquation ? Quel est votre sentiment sur ce point ?
Mme Hélène Luc -
Tout à
l'heure, mon collègue a fait remarquer que notre commission
d'enquête porte sur la situation et la gestion des personnels. Nous nous
occupons forcément du nombre d'enseignants nécessaires au bon
fonctionnement du système éducatif. Je l'ai dit au ministre de
l'éducation nationale, donc je veux le dire devant les
enseignants : l'évolution des effectifs enseignants est sans
rapport avec l'évolution des besoins. Les enseignants ont donc une
lourde charge avec le doublement de l'accès d'une classe d'âge au
baccalauréat, l'évolution des savoirs, les nouveaux besoins de
l'école générés par la crise et l'exclusion, le
développement des ZEP ; autant de facteurs qui nécessitent
l'augmentation du nombre d'enseignants.
Si je dis cela, c'est pour la suite. Le problème du gel de l'emploi
public me préoccupe énormément, et je sens qu'en
Seine-Saint-Denis, et dans les DOM, il y a une préoccupation très
forte quant aux engagements qui ont été pris et qui ne sont pas
encore réalisés. Cela pose problème. Peut-être que
les syndicats pourront dire ce qu'ils en pensent.
Tout tourne en fait, pour moi, autour du taux d'encadrement des
élèves, c'est-à-dire du nombre d'enseignants et de leur
formation, donc de leurs conditions de travail. Je pense en effet que des
élèves que l'on conduit à la réussite scolaire ont
beaucoup plus de chances de s'intégrer dans la société.
Je connais pas mal d'exemples d'enfants pour lesquels il aurait
été opportun de travailler en petits groupes. Comme disait le
ministre : "abandonner la calculette et les faire travailler en groupe", y
compris avec des classes de 18. Je pense à l'enseignement primaire
où il y a encore des classes de 30 élèves. Tels que sont
les enfants aujourd'hui, surtout dans certaines communes, je ne crois pas que
l'on puisse mener ces enfants à la réussite.
Ce qui me préoccupe, c'est de savoir comment on va résorber
complètement l'emploi précaire. Je viens de lire le document qui
nous a été remis. Il y a des pourcentages, des chiffres. Mais
pour moi, c'est l'un des problèmes les plus importants.
Il en va de même avec l'ouverture du nombre de places aux concours, car
si l'on veut résorber l'auxiliariat, il faut augmenter ce nombre.
A-t-on une idée précise de l'étendue de l'emploi
précaire et quelles mesures seraient envisageables dans le cadre de
cette résorption ?
Sur la formation continue, celle-ci appelle un accroissement du nombre des
postes pour être menée à bien sans désertion dans
les classes. Est-on capable d'évaluer les besoins en postes à ce
titre ?
Depuis que le ministre a prononcé les paroles qui se sont
retournées contre les enseignants -ce qui n'était pas une bonne
chose- il y a une psychose incroyable dans les écoles. On m'a
cité hier l'exemple d'une enseignante qui n'a pas assisté aux
obsèques d'un enfant en raison du refus de son principal d'être
absente de sa classe. Une élève a demandé à la
professeur pourquoi elle n'était pas à l'enterrement. Les
élèves ont été choqués que le professeur ne
soit pas à l'enterrement de cet élève. Cela fait aussi
partie de l'éducation civique.
J'aimerais que vous disiez ce que vous pensez de la formation des personnels de
l'enseignement technique dans les IUFM. Pensez-vous que cela soit
adapté ? Quelles sont les incidences des heures
supplémentaires sur la gestion du personnel enseignant ?
Sur l'enseignement professionnel, en tant que rapporteur, j'ai souligné
que le ministre avait pris des grandes options, qu'il avait dit qu'il en ferait
la priorité des priorités. Je sais qu'un document vous sera remis
pour être discuté par tous les syndicats. Avez-vous des choses
particulières à nous dire à ce sujet ?
D'autre part, avez-vous un avis sur ce qui est en discussion à propos de
la sécurité, sur les élèves qu'il faudrait couper
de leur milieu ? Que pensez-vous de ce que M. Chevènement a
dit dimanche ? Je réfléchis, je demande un avis. Je n'ai pas
de réponse toute faite. Je comprends que certains élèves
sont des meneurs de bandes ; comment faire ? J'aurais encore beaucoup
de questions, mais nous n'avons pas le temps. Je vais donc à l'essentiel.
M. le Président -
M. Pabot a
rappelé la possibilité pour certains professionnels
qualifiés d'intégrer les services de l'éducation
nationale. Quelle est la position de votre organisation dans le cadre de la
formation permanente de ces enseignants quant à la possibilité
-cela a été fait à l'époque de M. Beullac-
pour les enseignants du technique de retourner en stage pour retrouver une
expérience de l'entreprise ?
M. Daniel Le Bret -
Je voudrais juste
répondre à des questions qui n'ont pas été
posées s'agissant du premier degré. Je ne sais pas si c'est parce
qu'il y a transparence totale que vous ne posez aucune question sur le premier
degré. Même si l'on ne me demande rien, j'en profiterai pour dire
un mot.
J'ai lu les comptes rendus de la commission. Par rapport aux chiffres qui ne
seraient pas transparents, il faudrait être sérieux. Chaque
inspecteur d'académie pour le premier degré est capable de donner
à l'unité près, la répartition des postes et des
emplois de chaque instituteur payé par l'éducation
nationale ! Des postes qui seraient secrets et qui ne seraient pas
comptabilisés par les inspecteurs d'académie, cela n'existe pas.
Vous avez, au niveau national, avant à la direction des écoles,
aujourd'hui à la DESCO, le décompte total des enseignants. Qu'ils
soient détachés ou pas, ce chiffre existe. Evidemment, je suis
étonné de voir que dans plusieurs interventions, on se pose la
question.
La structure du corps a changé par rapport à il y a 20 ans.
La majorité des instituteurs étaient dans leur classe. On a
inventé aujourd'hui l'enseignement spécialisé qui
n'existait pas il y a 30 ans. Aujourd'hui, ce sont des maîtres qui
apportent une aide à des enfants en grande difficulté et qui ne
sont pas devant une classe.
On a aussi inventé les conseils pédagogiques pour accueillir les
jeunes qui sortent de l'IUFM et pour leur donner un coup de main dans leur
premier poste. Ce sont des postes qui ne sont pas directement devant une
classe. Notre enseignement s'est donc diversifié. On a inventé
les ZEP en 82 et il y a des postes de soutien en ZEP qui n'existaient pas
auparavant.
Evidemment, il y a aujourd'hui plus d'enseignants qui font un travail hors la
classe, car des besoins nouveaux ont été reconnus.
En termes de gestion, si cette commission peut aider à quelque chose,
c'est de dire que c'est une gestion "d'épicier". Il n'y a pas une
approche prospective. La carte scolaire et les recrutements sont faits chaque
année, année après année. Il ne peut pas y avoir de
climat de confiance. Je prends l'exemple de la carte scolaire qui voit chaque
mois de janvier, les élus que vous êtes, et d'autres,
défiler avec les manifestants pour empêcher les fermetures des
classes. Ce n'est même pas pensé sur une durée à
5 ans. Chaque année, on réorganise l'ensemble du
système avec des ouvertures et des fermetures.
C'est la même chose pour la programmation des recrutements. Nous pensons
qu'il y a beaucoup à faire en termes de prospective transparente pour
les personnels. On ne demande pas des cabinets d'experts pour gérer la
carte scolaire. Il pourrait y avoir une déclaration sur
l'évolution du système dans les années à venir, qui
intégrerait la baisse démographique, et expliquerait comment les
postes récupérés par la baisse démographique
peuvent être utilisés pour l'amélioration du
système. C'est ce débat qu'il faut avoir aujourd'hui.
On gère l'éducation nationale comme il ne serait pas pensable de
gérer une entreprise. Il faut un débat de prospective. Il n'est
pas transparent, et d'année en année, y compris avec les
changements de gouvernements et les changements de politique, il y a des
modifications importantes.
Dans les dernières années, les postes que nous avions obtenus,
autorisaient des congés formation : un instituteur ou un professeur
des écoles avait la possibilité durant un an d'avoir une
mobilité dans une entreprise pour revenir ensuite dans son métier
et le faire ainsi évoluer. Ces congés mobilité pour aller
en entreprise, et les congés formation permettent d'accéder
à des formations en université ont été quasiment
supprimés.
C'était évidemment consommateur de postes. On a
récupéré ces postes. On a eu une approche de comptable et
le métier d'instituteur et de professeur des écoles souffre de
son manque d'ouverture.
En matière de prospective, les enfants qui sont dans nos classes
aujourd'hui seront dans la vie active en 2025. Cette commission doit prendre
conscience que les experts sont incapables de dire quelles seront les
structures des métiers en 2025. La seule chose qui est sûre est
qu'il y aura besoin d'un haut niveau d'intelligence et de capacité
d'adaptation en 2025. On a des choix à faire qui ne dépendent pas
du budget actuel, et qui n'ont pas à être raisonnés sur un
an ou deux, mais des choix d'investissements lourds sur le long terme pour le
premier degré.
Sur la question posée concernant les autres pays, MM. Clinton et
Blair viennent de décider de multiplier l'investissement dans
l'éducation dans leurs pays. Des chiffres très précis
issus de source OCDE montrent que nous sommes pour le premier degré,
derrière les Etats-Unis et à un certain nombre d'autres pays. On
a bien dans ce pays un problème de développement et les
élus de la nation, pas seulement de cette commission, doivent proposer
des solutions pour que l'école puisse remplir sa fonction.
Pour conclure, la nation demande à l'école primaire d'assurer
l'apprentissage d'une langue vivante dès le plus jeune âge et que
les enfants soient formés aux nouvelles technologies. Nous savons bien
que ces deux paris ont déjà été tentés.
Jean-Pierre Chevènement l'avait tenté et la cour des comptes
a montré que l'année suivante, un appareil sur deux était
en panne dans les écoles. Aujourd'hui, on ne peut pas rater ce
rendez-vous, et pour ce rendez-vous, vous avez besoin de matériel, mais
aussi d'enseignants formés qui soient capables de maîtriser les
nouvelles technologies et d'enseigner les langues vivantes.
Aujourd'hui, comme le soulignait Michel Deschamps tout à l'heure, la
première observation que devrait faire cette commission serait de
mesurer le poids de la formation continue par rapport aux autres
administrations. C'est la plus grosse erreur de ce système de ne pas
mesurer comment la formation continue pourrait modifier le système. Ce
n'est un problème de gestion, c'est un problème de conception de
l'évolution de ce système. Il y a un système qui
n'évolue pas. Il y a des instituteurs qui, pendant 27 ans ou 37,5
annuités, ne sont pas obligés d'aller en formation continue. Cela
correspond à l'école de Jules Ferry et certainement pas à
l'école du XXIe siècle !
M. le Président -
Soyez assuré que
votre prise de parole tardive ne traduit pas un manque d'intérêt
de la commission pour les problèmes de l'enseignement primaire.
Absolument pas.
M. Bernard Pabot -
Je vais repréciser ma
réponse. L'un des problèmes de l'enseignement professionnel est
d'abord la pédagogie que l'on y met en oeuvre. Ce n'est pas un
enseignement qui se décline par discipline.
Vous invoquiez, monsieur Carle, l'interdisciplinarité pour les
disciplines générales. Je vous rappelle que les professeurs
d'enseignement général sont bivalents dans l'enseignement
professionnel. Je ne me prononce pas sur le fait qu'ils le soient ou non dans
des secteurs d'enseignement que je ne connais pas.
Non seulement nous pensons qu'ils doivent être bivalents, mais nous
pensons que leur formation doit les mettre en contact avec l'enseignement
professionnel, et qu'il y a un équilibre à trouver entre
l'enseignement professionnel et l'enseignement général avec un
centre interdisciplinaire autour de l'enseignement professionnel. C'est pour
répondre à Mme Luc dont j'ai suivi avec intérêt
les interventions et les rapports.
Ce que nous sentons autour des IUFM, c'est l'abandon de cet esprit. On est en
train de décliner les enseignements dans l'enseignement professionnel
comme s'ils étaient strictement disciplinaires. Cette conception
strictement universitaire de l'enseignement professionnel nous paraît
difficile à assumer et de plus en plus dangereuse.
L'idée d'une certaine spécificité de l'enseignement
professionnel, notamment ce que nous avons appelé la pédagogie
inductive, l'idée qu'il faut accéder au savoir à partir
d'un support de l'objet technique, à partir de ses fonctions, à
partir de la façon dont on les manipule et de décliner l'abstrait
après avoir décliné le concret, c'est une question qui se
perd aujourd'hui.
C'est l'une des critiques de fond que nous faisons aux IUFM, à savoir
que pour des raisons de moyens, on forme un professeur de lettres anglais des
disciplines professionnelles comme un professeur d'anglais des disciplines
générales. Ce n'est pas du tout le même débat.
Il y a un débat sur la place des langues vivantes, dans les
enseignements professionnels. On sait que l'on va avoir besoin des langues
vivantes dans les disciplines d'enseignement professionnel et on mesure bien
qu'on en a besoin, notamment pour la mobilité des qualifications en
Europe. C'est une question importante, mais on ne peut pas former les
professeurs de langues vivantes des lycées professionnels par la seule
discipline.
Pour répondre à Mme Luc, nous avons de fortes interrogations
sur la façon dont l'IUFM traite la formation des enseignants du
professionnel, en étant, nous ne le cachons pas, quelque peu
réservés, pour ne pas dire critiques.
Le deuxième aspect des choses, c'est la place des professionnels dans
l'enseignement. Je rappelle que le corps des PLP est ouvert à des
recrutements de gens venant des entreprises. Nous tenons à cette
ouverture et à cette oxygénation.
Reste le problème de la participation des entreprises dans le
système éducatif. Des collaborations ponctuelles ont lieu. Je
crois savoir que des enseignants, que ce soit dans le technique ou dans le
professionnel, invitent des représentants d'entreprises à faire
des conférences sur telle ou telle question. Il y a des
conférences sur des produits techniques, sur des machines etc.
J'insiste sur un autre aspect qui n'est pas souvent pris en compte. S'il est
vrai que l'on peut difficilement faire intervenir un intervenant d'entreprise
devant des élèves en grande situation de difficulté, car
il y a un problème d'habillage de la présentation, il faut savoir
que dans le baccalauréat professionnel, il y a une place
réservée dans la diffusion des savoirs dans l'entreprise. Cela
nécessite qu'il y ait des gens dans l'entreprise qui l'assument.
De ce point de vue, en entreprise, il y a des tuteurs qui jouent un rôle
très particulier dans la formation des élèves, notamment
en baccalauréat professionnel qui est le diplôme le plus
élaboré en matière de coopération de savoirs entre
l'entreprise et l'éducation.
Mme Monique Vuaillat -
Sur la question des remplacements, vous
demandez quelles sont nos propositions alternatives. Il y a plusieurs types de
remplacements : les remplacements longs pour congé de
maternité, pour longue maladie etc. et les remplacements de très
courte durée liés à des absences qui ne nécessitent
pas 8 jours de congé.
Pour les congés assez longs, la réponse est l'emploi de
titulaires remplaçants. A moins de 8 jours, c'est compliqué.
La ressource peut être le titulaire remplaçant si le maillage est
suffisant sur la zone. On peut trouver d'autres palliatifs. La
rentabilité d'un remplacement improvisé pour une 1 ou
2 heures par semaine n'est pas évidente au niveau de
l'efficacité pédagogique.
Les palliatifs peuvent être, soit les échanges d'enseignants entre
eux qui, par accord volontaire, se remplacent. Un professeur de
mathématiques peut prendre les heures du professeur de français
qui est absent un jour pour faire un complément en mathématiques,
lequel lui sera rendu la semaine suivante. Cela se pratique déjà.
Il y a le recours à l'activité en CDI quand 1 ou 2 heures
manquent. Et parfois, on peut trouver aide auprès d'un étudiant
surveillant qui peut amener un soutien à un moment donné.
La seconde question portait sur la formation continue des enseignants. En
moyenne, dans le second degré, tous les enseignants n'ont pas droit
à la formation continue sur le temps de travail. Il représente
quatre jours et demi par an. Vous voyez donc le ridicule de la question.
Nous aussi, dans le second degré, nous avons perdu les
3.000 congés de mobilité acquis en 1989 et la formation
professionnelle continue qui donne droit à un an de congé, mais
avec perte de salaire pour l'enseignant. C'est une particularité de
l'éducation nationale : on peut partir en congé de formation
pendant un an, mais on n'est payé qu'à 85 % de son salaire. Cela
se réduit comme une peau de chagrin d'année en année. Il
n'y a pratiquement plus de possibilités de départ en formation
continue. Il y a des interdits de départ en stage quand il n'y a pas de
remplacement. Comme il n'y a pas de remplacement, il y a de fait suppression
des stages. C'est une politique à courte vue.
Nous ne sommes pas satisfaits de ce système. Il faudrait accroître
la formation continue et intégrer dans les besoins de remplacement le
droit à la formation continue sur le temps de travail.
M. Daniel Le Bret -
Sur les remplacements, je
suis d'accord avec ce qui vient d'être dit par Monique Vuaillat. Il y a 5
à 10 instituteurs professeurs des écoles par
département qui ne sont plus capables de faire classe pour des raisons
historiques. A un moment donné, des instituteurs ont été
en très longue maladie, et il n'y a pas de postes de reclassement
prévus. Dans les indicateurs, ce sont des gens qui sont sur des postes
de remplaçants, mais ils ne font pas de remplacements. En termes de
gestion, d'année en année, tout le monde considère que
c'est normal et rien n'est fait. Cela fait de 500 à 1000 postes au
niveau national !
Mme Monique Vuaillat -
Nous n'avons pas le même
système mais nous demandons, pour les enseignants fatigués, qui
ont des problèmes pour enseigner, que l'on puisse créer des
postes d'adaptation. Il y en a, certes, tout le monde le sait. Mais,
plutôt que de laisser ces enseignants souffrir sur place, et les
élèves aussi par voie de conséquence, il faudrait
créer des postes de réadaptation en nombre suffisant, même
s'il y en a.
Sur la précarité, la résorption, je ne veux pas m'y
attarder longtemps. Il faut arrêter de recruter des précaires.
Pour les résorber, on avance plusieurs pistes : les concours.
Or, les postes aux concours diminuent et le rythme de titularisation actuel,
pour ce qui concerne le CAPES surtout et l'agrégation est de 5.000 par
an. Comme les postes aux concours réservés -on vient de nous
supprimer un concours spécifique- diminuent, il y aura de moins en moins
de titularisations. Il faut réouvrir ces postes aux concours et
réouvrir les concours spécifiques.
Second volet, il y a un volant de 7.000 à 8.000 maîtres
auxiliaires qui ont plus de 10 ans d'ancienneté. Pour
ceux-là, nous demandons une équivalence de CAPES et un
accès direct à l'IUFM.
Troisième question, est-il normal qu'il y ait des différences de
service en fonction de la qualification ? Je pense que vous faites
référence aux agrégés. Je répondrai par
boutade : non, ce n'est pas normal. C'est pourquoi nous demandons que les
certifiés qui font 18 heures soient alignés sur le service
des agrégés. De ce point de vue, nous avons une réponse
très simple.
Peut-on parler de pénurie dans certaines disciplines et de surabondance
dans d'autres ? De pénurie, certainement. J'ai évoqué
la question. De surabondance, cela dépend par rapport à quels
types de besoins.
Est-il normal qu'aujourd'hui, il y ait en apparence un surplus de professeurs
de philosophie quand nous avons des terminales à 38 et 40
élèves ? On pourrait considérer que ce surplus
provisoire est une anticipation sur les recrutements à venir et qu'ils
peuvent permettre d'améliorer les conditions d'enseignement.
Par exemple, il y a aussi un surplus en apparence en
histoire-géographie. On peut y appliquer le même raisonnement.
Peut-on résorber ces surplus qui nous semblent complètement
conjoncturels par l'introduction d'une bivalence ? La réponse est
non. Clairement non ! Nous pensons que nous abordons un nouveau
siècle et qu'il faut quand même permettre aux enseignants
d'être très qualifiés dans leur discipline. A vouloir leur
en imposer deux ou trois pour cause de mauvaise gestion, c'est un mauvais
calcul à terme. Notre argumentation étant assez connue, je n'y
reviens pas.
Sur les heures supplémentaires, il y a un petit scandale qui consiste
à ne pas créer les moyens en postes budgétaires, à
imposer des heures supplémentaires aux enseignants, à baisser le
taux de rémunération et à refuser comme c'est le cas la
transformation en emplois. Il faut résorber rapidement ce volant
d'heures supplémentaires. Evidemment, nous demandons le
rétablissement du taux.
Il n'est pas banal qu'un gouvernement se permette de baisser la
rémunération au nom d'une solidarité, non pas pour
créer des emplois statutaires, mais pour créer des emplois
précaires alors que des milliers d'étudiants attendent des
possibilités d'entrer dans l'enseignement.
Sur les classes de niveau, ce n'est un secret pour personne qu'il y a de
l'échec scolaire dans le système éducatif. Il existe dans
le primaire et se fossilise au collège. Le scandale le plus important
par rapport à l'avenir du système éducatif, c'est que rien
n'est fait de sérieux pour empêcher ce type de situation.
Avant de traiter des questions de classes de niveau implicites, il y en a. Par
exemple, la fonction des classes européennes en collège a
été détournée de son objectif. Cela devient des
sections pour regrouper les enfants de milieux favorisés. En même
temps, cette question est très compliquée. Certains
collèges de zones d'éducation prioritaire (ZEP) créent des
classes européennes, car c'est le seul moyen de maintenir une
mixité sociale dans le collège. C'est donc très complexe.
Le scandale, ce sont toutes les structures ghetto comme les troisièmes
d'insertion sans perspectives ou les quatrièmes aménagées
qui sont un moyen d'enfermer définitivement les jeunes dans des
impasses. C'est cela le gros scandale. Vous trouverez toujours des
quatrièmes constituées en fonction du fait que l'on a choisi
telle ou telle langue vivante. Ce n'est pas un mystère, tout le monde le
sait. Le phénomène le plus important est celui que je
décris ; le reste est désagréable, négatif,
mais reste marginal.
Dernier élément, oui au départ des enseignants sous forme
de congé long, d'année sabbatique pour aller prendre l'air et
voir d'autres choses. Cela suppose que l'on rétablisse les stages en
entreprise d'un an que nous avions il y a 15 ans et que l'on a
supprimé pour questions budgétaires. Ils étaient fortement
demandés et appréciés par les collègues ; ils
ont été regrettés. Mais que l'on nous donne des
années sabbatiques ! Il est anormal que dans cette profession, on
ne puisse pas bénéficier d'un temps long à disposition des
enseignants. Au total, l'institution est gagnante ensuite. Même quand la
formation qui est faite n'a rien à voir, c'est un enrichissement pour
l'enseignement et son ouverture. Pour des raisons budgétaires, on a
supprimé cette chose et c'est regrettable.
M. Michel Deschamps -
A propos des décharges
syndicales, le système est fait de telle façon que le
ministère de l'éducation nationale a moins de décharges
comparativement que les autres ministères. Le système est
dégressif : plus il y a de personnels, plus les affectations son
réduites. J'ai pu comparer, venant d'un autre ministère, cette
situation plutôt défavorable du ministère de
l'éducation nationale.
J'ajoute qu'au sujet des dispenses de services qui sont totalement
transparentes, le ministère peut vous en communiquer les volumes ; ce
sont des règles de fonction publique. La comparaison avec les
entreprises privées montrent que nous sommes en deçà des
délégations accordées aux syndicalistes du privé.
De plus, dans les entreprises privées, on ajoute aux heures diverses de
délégation un subventionnement direct, soit de la puissance
publique, soit du patronat via les comités d'entreprise que nous
connaissons pas dans la fonction publique.
Sur les emplois-jeunes et sur la sortie du système, le ministère
est toujours dans une logique de recrutement. Il est à peine dans une
logique de formation et il n'est pas du tout dans une logique de
préoccupation de la sortie du système.
Nous avons pesé beaucoup pour le que le ministère prenne en
compte, y compris en adaptant les obligations de service des aides
éducateurs, les questions de formation continue, mais nous n'avons pas
réussi encore à avoir un vrai débat et à pouvoir
faire entendre nos propositions pour gérer la sortie du système.
J'attire votre attention : nous avons raté cette question avec les
contrats emploi solidarité. J'ai peur qu'au bout de 4 ou 5 ans,
nous ne soyons très échaudés sur la gestion de sortie du
système.
Sur le classement de la France, nous sommes au cinquième rang
après les pays scandinaves et les Etats-Unis, mais nous offrons une
espérance de scolarisation beaucoup plus importante -je ne parle pas des
comparaisons de performances où nous sommes très
supérieurs aux Etats-unis, mais c'est plutôt contre productif pour
ma démonstration- que les pays qui nous précèdent.
Sur l'enseignement agricole qui a une gestion des personnels avec un mouvement
national non déconcentré, relativisons car l'enseignement
agricole représente à peine un rectorat du ministère de
l'éducation nationale.
Cependant, même si comparaison n'est pas raison, nous avons avancé
nos revendications d'abaissement des effectifs de classe et nous avons
attiré l'attention de l'éducation nationale sur la
corrélation entre la violence et la taille des
établissements : j'ai participé à une table ronde
présidée par Alain Juppé, Premier ministre, où
Monique Vuaillat et moi, pour la FSU, avons beaucoup insisté sur la
nécessité de faire la chasse aux gros établissements dans
une optique de lutte contre la violence.
Voilà un type d'enseignement où ces deux facteurs, des
établissements qui ne dépassent pas 500 élèves
et des effectifs de classe en moyenne nettement inférieurs à
l'éducation nationale, font la preuve que cela marche. Ce sont des
solutions qui fonctionnent.
J'ajoute que la plupart des établissements agricoles sont en banlieue
urbaine et non pas dans le rural profond et qu'ils ont un recrutement
majoritairement ouvrier. Il n'y a pas de caractéristiques sociologiques
qui expliqueraient cette différence de performance.
Mon dernier mot sera pour dire que je crains que le début de mon
intervention ait entraîné une incompréhension. Je n'ai
aucune défiance a priori envers votre commission. La façon
directe dont nous avons répondu le montre. Nous avons
dépouillé -comme c'était normal- avec beaucoup d'attention
les comptes rendus des précédentes auditions dans lesquelles les
sénateurs posent des questions, mais ne donnent pas leur avis. Par
contre, parmi les personnalités auditées, plusieurs ont
joué avec cette idée des effectifs pléthoriques.
Voilà ce que j'ai voulu dire et pas plus.
M. le Président -
Nous vous
remercions.
AUDITION DE M. DANIEL BLOCH,
RECTEUR DE
L'ACADÉMIE DE
MONTPELLIER
(13 JANVIER 1999)
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, Vice-président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Daniel Bloch.
M. Jacques Legendre, président -
Notre
président, M. Gouteyron, nous rejoindra dès que possible
après son rendez-vous avec le ministre de la défense. Monsieur
le recteur, je vous remercie d'être présent parmi nous.
Vous avez la parole pour un exposé liminaire à la suite duquel
nous vous poserons quelques questions.
M. Daniel Bloch -
Je pense que m'avez fait venir
- mais je suis bien évidemment à votre disposition pour
parler d'autres choses - essentiellement en tant qu'ancien animateur et
président d'une table ronde intitulée : "Pas de classe sans
enseignant". Cette table ronde s'est tenue, il y a un peu plus d'un an,
à la demande du ministre de l'éducation nationale et de la
ministre déléguée. Elle avait pour objet de faire le point
sur les absences des enseignants, les raisons de ces absences, d'évoquer
également le mode de remplacement des enseignants absents,
l'efficacité de ces remplacements.
L'objectif était bien sûr de proposer un certain nombre de
solutions pour, qu'à terme, il n'y ait pas de classes sans enseignant,
qu'il y ait toujours un enseignant, tous les jours de l'année, du matin
au soir, de huit heures du matin à tard dans l'après-midi.
Voilà l'objectif, tel qu'il était très clairement
fixé.
Un rapport a été fait. Je résumerai rapidement les
principaux constats et les principales solutions. J'évoquerai ensuite
l'état des lieux, puisque que je préside actuellement une
commission de suivi installée à la demande du ministre
après leur prise en compte des propositions émises par la table
ronde. Je suis donc amené à suivre la mise en application des
propositions en question.
Concernant cette table ronde, il y a trois éléments à
souligner.
Premier élément : avant même de parler de ce qu'elle
est du point de vue dynamique et de son évolution, il faut d'abord faire
l'état des lieux, de la situation,. Que connaît-on avec
précision et que connaît-on moins bien ?
Deuxième point : que faut-il faire pour réduire le nombre de
jours d'absence des enseignants ?
Troisième point : une fois que l'on a diminué ce nombre en
mettant en place des mesures pour le réduire, comment faire en sorte
qu'en cas de nécessité de remplacement - en moins grand
nombre, on l'espère - il y ait de bonnes solutions permettant que
chaque absent soit correctement remplacé.
Il y a donc trois volets dans cette affaire : état des lieux,
propositions pour réduire le nombre d'absences et propositions pour
faire en sorte que les remplacements soient mieux assurés.
La situation de départ est très différente dans les
premier et second degrés. Je vous donne quelques chiffres pour fixer les
ordres de grandeur : les absences pour maladie, pour maternité,
tournent autour de 5,5 points. Les absences de ce genre sont à peu
près les mêmes et ont une valeur similaire dans le second
degré ; les professeurs d'écoles ne sont pas vraiment moins
malades, ni plus malades que les professeurs de collèges ou les
professeurs de lycées.
A ces absences de base s'ajoutent à peu près 2,5 %
d'absences pour cause d'activités de formation continue, soit un total
de 8 points. Le nombre de journées consacrées à la
formation continue n'est pas bien différent dans le premier et le second
degrés ; on arrive à quatre ou cinq jours par an et par
enseignant.
S'agissant des remplacements, dans le premier degré, le potentiel de
remplacement est supérieur à ces 8 % avec un taux de
8,5 %. Approximativement, c'est 7,5 points à travers des
emplois spécifiques de remplacement, locaux ou départementaux, et
un point correspondant au potentiel apporté par les enseignants de
deuxième année d'IUFM qui doivent un quart de leur temps. Ce
temps est consacré à des remplacements d'enseignants, de
professeurs des écoles et des instituteurs qui, pendant ce temps, vont
suivre des actions de formation continue.
On tourne donc autour de 8,5 points environ de potentiel de remplacement
pour 8 % environ d'absences. En dépit de cela, il reste à
peu près 1 % d'absences non remplacées, parce que s'il y a
8, 5 % de potentiel de remplacement, il n'est pas utilisé en
permanence. Par moments, il n'y a pas assez de remplacements : une bonne
grippe ou une bonne épidémie portent atteinte à
l'efficacité du potentiel de remplacement. Cela varie assez fortement
entre les départements, de 40 % à plus de 90 %.
Cela étant, le coefficient d'utilisation des remplaçants est
à peu près de 75 ou 80 %. Cela explique qu'il reste 1 %
d'absences avec un taux de 8 à 8,5 % de potentiel de remplacement.
Ces absences ne sont pas forcément ressenties dans le premier
degré, sachant que des professeurs absents non remplacés, ne
signifie pas forcément des élèves sans professeur.
Très souvent, on se répartit les élèves entre les
classes, tout au moins quand cela ne dure pas trop longtemps et que ce n'est
pas une école à classe unique. Cela fonctionne bien. Autrement
dit, environ 1, 5 % d'absences non remplacées, mais moins de
1, 5 % d'élèves sans enseignant puisqu'on fait face.
On a fait quelques remarques, sur
l'hétérogénéité de la distribution de ce
potentiel de remplacement pour montrer que, dans certains départements,
il y en avait peut-être un peu trop, pas assez dans d'autres, et qu'il y
avait donc intérêt à optimiser un peu ce potentiel de
remplacement. Mais le remplacement fonctionne dans le premier degré.
Dans le second degré, les choses sont beaucoup plus complexes, beaucoup
plus difficiles. Supposons qu'on commence par la fin et qu'on veuille
remplacer... On ne remplace pas de la même façon un professeur
d'école polyvalent et un professeur de mécanique ou de
textile ; on n'a pas à notre disposition, partout en France, des
professeurs de mécanique, de textile sous la main. Cela rend
évidemment le jeu bien plus compliqué. De plus, les remplacements
ne se font pas par service complet ; cela peut être quelques heures. Le
service n'est pas le même, ce n'est pas toute la journée ;
c'est donc plus difficile à organiser. Les disponibilités sont
plus éparses et on a beaucoup moins de potentiel de remplacement.
Quelle est la situation ? On va essayer d'en voir les différentes
facettes si l'on veut bien comprendre les choses, car on ne voit pas la
même chose avec les yeux de l'administration ou avec les yeux du grand
public. Les chiffres qui sont diffusés sont tous corrects et
cohérents, mais apparaissent quelquefois comme non cohérents
parce qu'on ne parle pas de la même chose.
Vu du côté des enseignants, quelle est la part du service non
assuré en face à face pédagogique avec les
élèves ? Le nombre d'heures non faites en face à face
pédagogique est de l'ordre de 12 % pour les lycées et les
lycées professionnels et 8 à 9 % pour les collèges.
Comment cela se passe-t-il, et comment cela est-il vu à la base ?
D'abord, quand un professeur est absent à hauteur de 12 % où
il fait autre chose (examens, concours), il est remplacé pour une partie
de son temps, et donc la classe fonctionne normalement.
Si l'on prend en compte le potentiel de remplacement qui existe,
le 12 % devient à peu près 9, 5 %, puisqu'on
remplace. Le 12 % en lycée professionnel, tombe également
9, 5 %, et le 8 ou 9 % des collèges tombe à
6 %. Comme on a des remplaçants, il y a quand même plus
d'heures assurées que ce que l'on pense, puisque les heures non
assurées par l'enseignant qui devait le faire sont assurées par
d'autres.
Si l'on continue dans cette structure un peu fine, il y a deux parties
essentielles. La plus essentielle n'est pas très visible : il
s'agit des semaines "perdues", entre guillemets, en raison de l'organisation
des examens de fin d'année. Très souvent, on ferme les
lycées le 15 juin, voire même plus tôt, pour cause d'examens
du baccalauréat, ainsi que des lycées professionnels en raison
des examens qui mobilisent les salles de travaux pratiques.
On a même vu des situations, notamment en région parisienne,
-situations qui n'existent plus, en fin je l'espère- où l'on
fermait des collèges parce qu'on y faisait passer le bac. Il y a des
services non faits devant élèves parce que l'établissement
est fermé pour raisons diverses, surtout en fin d'année. Il
arrive aussi que tel collège ou établissement est fermé
pendant que l'on y fait passer un concours de recrutement des professeurs
d'école.
Combien coûtent ces fermetures d'établissements ? Cela
coûte très cher. Dans les lycées, cela coûte environ
cinq points ; un peu moins dans les lycées
professionnels : 4 % ; un peu moins dans les collèges que
l'on utilise moins pour les examens, encore qu'il y a le brevet : 1 ou
2 %. La fermeture des établissements pour examens, que ceux-ci
concernent les élèves ou non s'explique parfois par des
problèmes de coût : on n'a pas nécessairement l'argent
pour louer des locaux extérieurs, et donc on met les
élèves dehors. C'est un point lourd.
Enfin, il y a le reste : c'est le non remplacement. Certains enseignants
absents ne sont pas remplacés. Ce sont ceux qui convoqués
à des réunions, des jurys, des examens ou qui préparent
des sujets. Une fois les sujets prêts, il y a ce qu'on appelle le
"cobayage" : il faut tester pour minimiser les risques de
problèmes, vérifier toutes sortes de choses. Cela coûte un
point dans les lycées, un peu plus dans les lycées
professionnels. Des enseignants partent en formation continue sans être
remplacés. Cela fait encore un point. Enfin, il reste le
non-remplacement d'enseignants absents pour des raisons individuelles :
maladie, maternité, de l'ordre de 2 à 2,5 points.
Si on va au-delà, 12 % des enseignants dans les lycées
manquent dans le face à face pédagogique. Environ 3 points
sont compensés par des remplaçants, mais il y a aussi
5 points dus au système et puis le reste, ce sont 4, 5 ou
6 points, pour d'autres causes : des enseignants qui partent en
formation continue et qu'on ne remplace pas par manque de moyens de
remplacement, ou des enseignants qui sont en formation continue.
Un article récent dans la presse parlait d'un rapport qui mentionnait un
taux de 12 %, alors que l'inspection générale donnait 5 ou
6 %. Tous ces chiffres sont les mêmes. Simplement, il s'agit de
savoir de quoi l'on parle. Il n'y a aucune différence entre tout cela.
C'est tout à fait cohérent. Certes, la précision n'est pas
très grande : quand on dit 12, cela peut être 12,5 ou
11,5 %. On a mis au point des méthodes de mesure plus
précises, mais il n'y a pas de contradiction entre les
différentes données.
Il faut comprendre que l'absence de l'enseignant ne retombe pas
nécessairement sur les élèves et qu'il y a deux aspects
essentiels dans les absences : le système(fermeture
d'établissements, examens, convocations des enseignants) dont les
enseignants ne sont pas responsables, et les absences pour maladie,
maternité etc.
Tout à l'heure, j'ai dit que, dans l'école, avec 8 %
d'absences, 8,5 % de remplacements, cela tourne à peu près.
Si l'on revient aux lycées, comment cela se passe-t-il, quels sont les
moyens mis en place ? Aujourd'hui, on a davantage d'absences compte tenu
de ces systèmes de fermetures : on passe de 8 à quelquefois
12 % avec beaucoup moins de remplaçants. Le potentiel de 5 %
de remplacement dans les lycées, collèges et lycées
professionnels est très faible par rapport aux 12 %.
A partir du moment où l'on est dans cette situation et que le rendement
des remplacements n'est pas de 100 %, la qualité du remplacement
n'est pas celle qu'on estime souhaitable. Il faut savoir que l'on ne peut pas
déplacer de 200 km un professeur de génie mécanique
comme cela.
Si l'on voulait avoir à peu près la même qualité des
remplacements que dans le premier degré, il faudrait évidemment
ajouter des emplois pour combler les absences, parce qu'on n'a pas les
remplaçants pour remplacer.
Si l'on prend les raisons de non remplacement pour fonctionnement du
système, absences pour formation, il manque environ 4 à
5 points. Il aurait fallu 7 ou 8 points supplémentaires, avec
un rendement de 75 %.
Il y a aussi des problèmes qui ne sont pas solubles avec les seuls
remplacements. On ne va pas, par exemple, remplacer des professeurs pendant
qu'ils font passer des examens. Si un lycée est fermé parce qu'on
fait passer le bac, ce n'est pas parce qu'on mettra des remplaçants
qu'il y aura des enseignements pour autant. Il faut alors travailler, non pas
sur le problème du nombre de remplaçants, mais sur l'organisation
même du système, pour que ce système ne provoque pas
l'absence des enseignants.
Si on avait voulu prendre en compte le non remplacement des enseignants pour
raisons individuelles, soit 2 ou 2,5 %, il aurait fallu à peu
près 3 ou 4 % de potentiel supplémentaire. Si on avait voulu
prendre en compte également le remplacement de la formation continue,
comme on le fait dans le premier degré où il y a environ
1, 5 ou 2 points, il aurait fallu -c'est un problème que l'on
n'a pas résolu de cette façon- 25 ou 30 000 enseignants
pour faire fonctionner le système comme il fonctionne dans le premier
degré. On tient compte évidemment du non remplacement des
enseignants pendant qu'ils font passer des examens puisque les
établissements sont fermés.
Une fois ce constat effectué, le premier point est bien sûr celui
de la connaissance des absences. On s'est aperçu qu'on les connaissait
à peu près, mais qu'on avait même intérêt
à les connaître mieux. Un système permet, sur
échantillons, de savoir combien il y a eu d'absents, pourquoi et comment
ils ont été remplacés. Les résultats étaient
intéressants, mais c'est un système qui pouvait fournir des
données annuelles. On a pensé que ce n'était pas assez
précis, et qu'il était important d'avoir au moins des
informations mensuelles. On ne peut pas travailler avec un radar
arrière ; il faut pouvoir travailler avec un peu de perspective et
regarder ce qui se passe.
Même chose dans le premier degré à propos du travail des
remplaçants : comment cela se passe-t-il quand ils ne remplacent
pas On a montré qu'il y avait des progrès à faire,
sachant que lorsqu'un remplaçant ne remplace pas, il faut qu'il soit
utilisé au mieux pédagogiquement. Nous avons aussi avancé
certaines solutions de ce côté-là.
Pour mieux connaître les absences, la mensualisation du système
est en route ainsi que des modules informatiques qui sont destinés
à permettre aux autorités académiques de connaître
en temps réel les demandes de congés, qui peuvent aussi avoir des
répercussions en matière de salaire, et les problèmes
d'absence pour demander les remplacements ou traiter la manière dont les
remplacements sont assurés.
On est aussi en train de mettre en place, avec les premiers résultats,
non pas un système de contrôle de gestion, mais un système
très intéressant pour les familles et pour l'extérieur. Il
peut être intéressant de savoir pourquoi les gens sont absents,
comment ils sont remplacés, etc. Il y a aussi l'aspect
extérieur : la SNCF indique combien de trains arrivent à
l'heure ou sont en retard. Pour notre part, nous avons choisi pour
décrire le système un paramètre très simple :
le nombre d'heures effectivement données aux élèves par le
titulaire ou par un remplaçant, ou à travers des activités
pédagogiques claires organisées pendant l'absence, divisé
par le nombre d'heures dues aux élèves ; ce critère
peut être décliné établissement par
établissement, par zones de remplacement, par départements, par
académies. Après, le pourquoi et le comment sont très
importants et très intéressants, mais c'est moins important pour
les familles.
L'objectif était de développer un dialogue entre les
établissements et les autorités académiques pour voir
ensemble, avec les responsables d'établissements, comment on peut les
aider à progresser à partir de ce paramètre.
Je ne fais qu'évoquer des questions que l'on a abordées, la
question de la santé des enseignants, plutôt meilleure que celle
d'autres professions, avec cependant un certain nombre de problèmes
typiques de fin de carrière pour certains professeurs -je pense aux
professeurs d'éducation physique- etc.. Nous constatons qu'il n'y a pas
de médecine du travail et de prévention. Vous voyez que l'Etat
n'est pas le meilleur des employeurs !
Avec une petite médecine de prévention, on pourrait faire de
grands progrès et éviter du gâchis en ce qui concerne des
personnels que l'on pourrait réadapter et remettre en position de
travail, peut-être mieux qu'on ne l'a fait. Se pose également la
question du suivi des personnels en difficulté. Certains, heureusement
en nombre limité, sont dans des classes et brisent leur santé en
y restant. Il peuvent provoquer quelquefois des dégâts au niveau
de l'enseignement. On s'est donc penché sur ce problème pour
essayer de le mesurer, de trouver des solutions et de faciliter des
reconversions professionnelles.
Question aussi importante : les évaluations des aptitudes au moment
du recrutement, sachant que le principe que nous avons mis en avant
était qu'en cas de doute, le doute doit profiter aux
élèves.
Formation continue : là encore, il s'agit de mettre en avant des
dispositifs permettant le développement de la formation continue des
enseignants. On considère qu'elle est essentielle et qu'elle doit se
développer, mais qu'à l'inverse, il faut qu'elle porte moins
préjudice au bon déroulement des enseignements. On a donc mis en
avant un certain nombre de solutions -si vous le souhaitez, on pourra en
évoquer quelques-unes- qui permettent d'améliorer la situation.
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
M. le Président -
Monsieur
le recteur, nous pourrions en venir maintenant aux questions que nos
collègues souhaitent sans doute vous poser. Je passe d'abord la parole
à notre rapporteur et ensuite aux collègues qui le
désireront.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pensez-vous que la
déconcentration permettra de mieux gérer ces problèmes
d'absence en général ou que cela n'aura aucune influence ?
Avez-vous observé que les moyens internes aux lycées permettent
de résoudre les problèmes d'absence ? Dans quelles
proportions ? Je pense que les enseignants qui ont 18 heures
à faire sont tenus d'en faire 20. Cela se fait-il en beaucoup
d'endroits ? Avez-vous fait des observations dans ce domaine ?
Essaie-t-on partout de mobiliser d'abord ces deux heures ?
Essaie-t-on partout d'abord d'avoir un collègue qui peut assurer le
remplacement ? Et dans quelles proportions cela est-il fait ?
Vous avez montré la différence entre l'enseignement
général et professionnel ; avez-vous fait des observations
pour l'enseignement privé et l'enseignement agricole ? Dans vos
études, êtes-vous allé jusqu'à regarder ce qui se
passait dans d'autres pays ?
Dans d'autres domaines, on sait que la précision coûte cher, qu'on
arrive jusqu'à un certain point et que régler les derniers
paramètres est impossible. Alors pensez-vous que, dans le fond, il
serait inéluctable d'accepter un certain potentiel d'absences, et
chiffré à combien ?
M. Daniel Bloch
- On a mis en place un certain nombre de
mesures, permettant de quantifier et, déjà, d'améliorer
les choses. J'y reviendrai tout à l'heure si vous le souhaitez. On a des
paramètres. Je vous donnerai un seul chiffre : traduit en nombre
d'heures non assurées par semaine dans les lycées, on tournait
autour d'une heure et demie non assurée par semaine, en dehors des
périodes d'examens. On est actuellement à une heure. Autrement
dit, on a encore un grand chemin à faire. On a progressé
d'environ un tiers.
M. le Président -
Une heure par
établissement ?
M. Daniel Bloch
- Une heure et demie par
élève dans la semaine. Traduit en terme d'élèves,
sur une trentaine d'heures -prenez les pourcentages, c'est plus facile-, c'est
une heure et demie. Je crois que c'est plus significatif que 4 %, mais
c'est la même chose. C'est plus parlant. Sur trente heures, on
était à une heure et demie non assurée. Actuellement, nous
en sommes à une heure. On a donc fait le tiers du chemin. Il reste
encore beaucoup de chemin à faire.
M. le Président -
C'est bien par semaine ? Un
élève qui doit avoir trente heures n'en reçoit en fait que
28 heures 30 ?
M. Daniel Bloch -
N'en recevait. C'était en
1996 - 97. On a amélioré les choses, mais il y a encore
du chemin à faire. Actuellement, on tourne autour d'une heure au lieu
d'une heure et demie. On doit encore progresser d'une heure, et je ne
désespère pas que les résultats de cette année
montrent des progrès.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Excusez-moi, mais
12 % de 30 heures, cela fait...
M. Daniel Bloch
- Non, 12 % ce n'est pas 12 %
de 30 heures parce que, je vous l'ai expliqué tout à
l'heure, c'est hors périodes d'examens, et on remplace une partie des
heures. Je parle pour l'élève, dans la semaine.
M. Francis Grignon, rapporteur -
C'est la perte pour
l'élève...
M. Daniel Bloch
- Voilà. Je crois qu'il faut
distinguer l'enseignant et le système... Vu de l'élève, il
manquait en gros une heure et demie d'enseignement, et il n'en manque plus
qu'une heure aujourd'hui, mais c'est encore une heure de trop.
Deuxièmement : en matière de déconcentration, cela
peut permettre de progresser un peu, mais ce n'est pas un élément
essentiel. On a plus de globalité dans nos moyens. Autrement dit, il n'y
a plus des titulaires et/ou des titulaires académiques ; il n'y a
plus que des titulaires. On a d'un côté des titulaires qui sont
nommés dans l'académie, et de l'autre côté des
moyens non titulaires, ceux des maîtres auxiliaires. On a
simplifié. Auparavant, on avait un certain nombre de titulaires
remplaçants ; aujourd'hui cette notion n'existe plus. Il n'y a plus
de contingent puisque c'est globalisé. La globalisation permet des
progrès avec une plus grande maîtrise du potentiel de remplacement.
En ce qui concerne les moyens, il y avait plusieurs solutions pour progresser,
comme je le disais tout à l'heure. A partir du moment où les
absences existent, comme dans le premier degré, il eût fallu
davantage d'enseignants pour remplacer. C'était une solution. On a
plutôt choisi d'avancer autrement. A savoir, d'étudier (cela prend
un peu de temps, mais on progresse quand même), par exemple, la
façon dont se passent les examens, pour que la période de
fermeture des lycées soit plus courte. Par exemple, dès cette
année, des reports, en 1999, d'une semaine des épreuves de
français, du brevet et du bac professionnel. On gagne quelques jours. On
gagne du côté des examens, avec l'idée de gagner plus
encore dans les deux ou trois ans à venir en modifiant les
modalités d'examen et notamment dans l'enseignement professionnel, en
développant par exemple le contrôle en cours de formation, en
modifiant un peu le mode d'examen lorsqu'il s'agit des BEP, qui sont
très souvent des diplômes intermédiaires par rapport
à des diplôme d'insertion professionnelle à 100 %
comme le bac pro ou le CAP. Autrement dit, on réfléchit à
cela.
On a aussi d'autres procédures. Quelques-unes consistent à faire
en sorte que le remplacement soit pris comme l'une des données de base
dans la réflexion sur les attributions des moyens dont dispose
l'académie. Je m'explique, pour bien montrer la différence entre
ce qui se faisait avant et ce qui se fait aujourd'hui. Auparavant, très
souvent, trop souvent, on définissait des structures
pédagogiques, ensuite on avait des moyens qui étaient les moyens
antérieurs, plus des moyens qu'on recevait plus tard. On mettait les
moyens en enseignants dans les classes pour que les structures
pédagogiques puissent fonctionner, et la différence
c'était le remplacement. Autrement dit, les moyens de remplacement
étaient souvent constatés une fois les structures mises en place
et les moyens définis pour faire fonctionner de façon permanente
les structures.
Aujourd'hui, compte tenu de l'importance donnée par l'opinion et par le
ministre à ce problème du remplacement, on intègre bien
davantage le remplacement comme une donnée de base. Cela signifie qu'on
arbitre et qu'on ne constate plus ; on arbitre en disant que cela peut
être un potentiel de remplacement plus important, avec peut-être un
peu moins d'options ici ou là, ou un dixième
d'élèves par classe...
M. le Président -
Qui arbitre ?
M. Daniel Bloch
- Le recteur. Alors qu'avant, on
constatait, maintenant on le prend comme un paramètre de gestion et donc
on peut faire beaucoup mieux. On a nos moyens, et on prend véritablement
le remplacement comme un des problèmes de base, alors qu'avant - je
le répète - c'était plutôt un constat.
Donc on a beaucoup progressé en termes de gestion, pas par la
déconcentration mais par la prise de conscience de l'importance du
problème.
M. Francis Grignon, rapporteur -
C'est admis par
tout le monde.
M. Daniel Bloch -
Oui, je pense. Ceci étant, les
lycées n'ont pas encore tous les moyens. Autrement dit, on n'est pas
encore au 0 % . En termes d'heures supplémentaires, de
réponses possibles données par l'administration aux demandes des
établissements, on n'a pas encore tous les moyens pour faire face.
D'autres procédures ont encore été mises en place. Par
exemple, depuis quelques mois, on est revenu aux sources en ce qui concerne le
recrutement des maîtres d'internat et des surveillants d'externat. Les
derniers recrutements ont été faits, notamment pour les
surveillants d'externat, en se souvenant du statut. Ce sont des
étudiants qui se destinent à l'enseignement et qui peuvent
être utilisés pour faire du remplacement. On prend davantage de
surveillants d'externat avec, par exemple, des licences qui correspondent
à l'enseignement, afin de pouvoir les utiliser sur place. On progresse.
Mais, je le répète, on n'a fait que le tiers du chemin.
En ce qui concerne le privé...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Excusez-moi. A
propos des 18-20 heures... Un enseignant qui a 18 heures est tenu de
faire deux heures supplémentaires.
M. Daniel Bloch -
Disons que ce sont des heures
supplémentaires-année. Autrement dit, cela nous permet...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Les mobilisez-vous
partout ?
M. Daniel Bloch -
Il y a deux types de
remplacements : les remplacements à l'année parce qu'un
poste est vacant, et des remplacements pour cause de maladie, etc.. On a deux
techniques : on utilise des remplaçants à l'année,
titulaires ou des HSA, pour ne pas implanter un titulaire qui doit
18 heures lorsqu'il n'y a que trois heures à faire. Donc on
utilise les heures supplémentaires-année, et les heures
supplémentaires effectives, par heure, sont apportées pour des
remplacements ponctuels. Les chefs d'établissement ont la
capacité d'attribuer des heures supplémentaires. On leur donne
maintenant, en début d'année, un potentiel de moyens pour faire
face, sans faire appel à l'autorité académique, aux
questions relatives aux remplacements.
Pour améliorer le remplacement et pour arriver au 0 %, il est
nécessaire que le chef d'établissement ait dans sa poche un
certain nombre de moyens pour faire face aux petites difficultés
résiduelles sans faire appel aux autorités académiques.
Cela étant, s'il ne sait pas résoudre le problème, il faut
que de l'autre côté, des autorités académiques lui
répondent et l'aident. L'idée, c'est qu'il ait la
possibilité de faire face, avec ses moyens, avec les heures
supplémentaires, en faisant appel à des enseignants en zones de
remplacement qui ne seraient pas occupés et aux surveillants d'externat
ou à d'autres solutions encore pour faire face, mais à son
initiative.
C'est l'établissement qui est responsable de la bonne conduite des
opérations pour les absences courtes, sachant que les autorités
académiques sont là pour l'aider. Il y a une
déconcentration des responsabilités. Ce n'est pas la
déconcentration du mouvement, mais une déconcentration des
responsabilités pour les courtes absences, et pas un abandon des chefs
d'établissement.
En ce qui concerne le privé, jusqu'à présent, les
règles étaient différentes. Autrement dit, je
répondrai en tant qu'ancien recteur. L'enseignement privé
était très présent dans cette table ronde, et aurait
peut-être souhaité qu'on parle davantage de lui. J'ai eu
l'occasion de m'entretenir de nombreuses fois avec les responsables de
l'enseignement privé sur cette affaire, mais le traitement administratif
est différent.
Aujourd'hui il y a peu de limitation de moyens pour le remplacement de
l'enseignement privé. Autrement dit, jusqu'à présent, les
rectorats n'avaient pas d'enveloppe prédéterminée,
très limitative, pour le remplacement dans l'enseignement privé.
De sorte que les moyens étant plus ouverts, le remplacement pouvait se
faire plus facilement dans l'enseignement privé, compte tenu des mode de
gestion plus faciles. C'est l'ancien recteur qui vous parle.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Qu'en
est-il du mode de gestion ?
M. Daniel Bloch -
Plus facile, parce qu'avec des
enveloppes peut-être plus larges. Mais aussi avec un rendement
différent, puisqu'il n'y a pas cette notion de remplaçants
titulaires, et donc on remplace par paquets, au fur et à mesure des
besoins. Ce n'est pas la même stratégie. Il y a aussi
peut-être une économie en ce qui concerne l'efficacité,
puisqu'on ne remplace que quand il le faut, mais à l'inverse il n'y a
pas de limitation claire ou nette à propos de l'enveloppe prévue
à cet effet.
On pouvait remplacer, sans doute -c'est le recteur qui donnait les moyens- de
façon peut-être un peu plus large dans le privé que dans le
public.
M. le Président -
Les crédits ne sont pas
limitatifs dans le privé ?
M. Daniel Bloch -
Ils vont l'être. Mais je dois
dire qu'il y a eu une période - on peut en discuter avec la
direction financière - où nous étions plus larges
pour les crédits de remplacement dans l'enseignement privé que
pour ceux de l'enseignement public.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous êtes
passés d'une heure et demie à une heure. Vous pensez arriver
à combien ?
M. Daniel Bloch -
L'objectif est zéro. Nous
progressons, mais je répète que pour progresser encore,
continuons à développer l'embauche de surveillants d'externat
dans les disciplines qui nous intéressent le plus, améliorons
l'adéquation entre les disciplines de recrutement et les besoins. Il y a
donc un problème de programmation. Améliorons également le
système d'examens pour qu'il occupe moins l'année scolaire, pour
réduire la période consommée par les examens, et on
continuera à progresser. On a encore une grande marge de progrès,
j'en suis convaincu.
M. le Président -
La parole est à
Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Merci,
Monsieur le Président. Monsieur le recteur nous a donné un
certain nombre d'éléments statistiques très
intéressants. L'un d'entre eux m'intéresse tout
particulièrement, c'est le ratio que vous avez évoqué, du
nombre d'heures faites sur le nombre d'heures dues aux élèves.
A-t-on ce ratio établissement par établissement ?
Ma seconde question porte sur les remplacements. Vous avez évoqué
un certain nombre de pistes. La bivalence des enseignants peut-elle être
un moyen de réduire l'inadéquation qui existe aujourd'hui ?
Il est vrai que ce n'est pas facile, il faudra sûrement convaincre un
certain nombre de partenaires, et nous savons que cela ce ne sera
malheureusement pas facile. Sinon, que faire pour essayer de développer
cette bivalence ou cette polyvalence, compte tenu de l'opposition de
certains ?
M. Daniel Bloch
- Ce que l'on cherche à faire,
c'est que le fonctionnement des établissements, individuellement, non
seulement sur le plan de l'administration, soit connu des parents
d'élèves. Autrement dit, on souhaite que la stratégie de
l'établissement à propos des remplacements, mais à travers
cela la stratégie concernant la formation continue et beaucoup d'autres
choses, soit débattue en conseil d'administration et que cela soit clair.
Il ne s'agit surtout pas de dire en conseil d'établissement :
"Monsieur X a été absent tant de temps", mais une
présentation globale du fonctionnement de l'établissement est
indispensable, et fait partie des indications fortes qui ont été
données au bulletin officiel de rentrée l'année
dernière.
Cela étant, on a essayé de mettre au point des paramètres,
nous sommes en train de le faire, cela avance bien, et beaucoup le font
maintenant, des paramètres simples. Le paramètre de
présentation qui me semble le plus adéquat, à la fois en
termes de présentation vis-à-vis des parents, mais aussi en
termes de mesure de la qualité globale de fonctionnement du
système, c'est bien le rapport du nombre d'heures effectuées
divisées par le nombre d'heures dues à l'élève.
Par exemple, j'ai les données sur Nantes. Actuellement, ce rapport de
qualité pour Nantes est de 97 %. C'est quand même un
progrès. 97 %, c'est le ratio hors périodes d'examens. Je
peux vous communiquer les chiffres, si vous le souhaitez, pour les
lycées et les collèges. C'est ce paramètre que l'on
souhaite.
Cela dit, je le répète : 3 %, c'est une heure par
semaine ; c'est encore beaucoup trop. 97 %, cela semble bien, mais
cela veut dire qu'une heure sur trente n'est pas assurée, encore. C'est
donc mieux, mais il y nous reste du chemin à parcourir.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Si j'ai bien
compris, chacun de vos collègues recteurs dispose de ce chiffre, qui
doit remonter de chacun des établissements ?
M. Daniel Bloch -
Chaque établissement doit mettre
en avant ce paramètre, doit le connaître, et le mettre en avant
vis-à-vis de la communauté scolaire et des parents. Cela fait
partie des recommandations, des demandes écrites qui ont
été faites. Cela se met en place ; à mon avis en fin
d'année cela sera à peu près fait partout. Il faut un peu
de temps.
Il faut s'y faire. Il faut surtout que les établissements comprennent,
et on essaie de le faire comprendre aux chefs d'établissement, que cet
affichage ne sert pas à établir un hit-parade. C'est cela le
problème ; les absences des enseignants ne sont pas
nécessairement de leur faute. Si l'administration ne leur donne pas les
moyens des remplacements, ce n'est pas de leur faute. Ce n'est pas un jugement
vis-à-vis de l'établissement ou du chef d'établissement.
C'est simplement un paramètre d'aide à la gestion, qui peut les
aider eux-mêmes à améliorer leur gestion. C'est tout sauf
un moyen de contrôle, c'est un moyen de progrès collectif.
M. Jean Bernadeaux -
Est-ce différent, monsieur
le recteur, selon les académies ?
M. Daniel Bloch -
Il y a des départements plus
difficiles. J'ai un rapport que je peux vous faire parvenir, qui fait
apparaître les différences entre les remplacements. Il y a une
certaine hétérogénéité.
M. le Président -
Pouvez-vous, Monsieur
le recteur, nous faire parvenir tous les rapports que vous avez
rédigés ?
M. Daniel Bloch -
Bien sûr, je vais vous en donner
un certain nombre. Celui-ci est quelque peu jauni.
M. le Président -
Peu importe. Celui-ci est le
résultat de la table ronde, mais il y a d'autres rapports ?
M. Daniel Bloch -
C'est un document que nous avons commis
en février 1998, il y a un peu moins d'un an. Il contient à
la fois les propositions qui sont en application avec un comité de suivi
qui veille à leur application, et également les prises de
position par rapport à ces propositions de l'ensemble des partenaires,
syndicats, parents d'élèves, etc.. Tous se sont
positionnés sur ces propositions, qui font l'objet d'une charte en
dix points, que l'on a déclinés.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur-adjoint -
Vous
n'avez pas répondu sur la bivalence.
M. Daniel Bloch -
C'est vrai qu'en l'absence de bivalence
des enseignants des collèges, il y a des inconvénients pour un
certain nombre d'enseignants, notamment dans les collèges pour des
disciplines qui ne sont pas massivement enseignées. Les enseignants se
voient obligés d'enseigner sur plusieurs établissements.
Autrement dit, il y a à la fois des arguments pour la monovalence, les
capacités disciplinaires, et des arguments pour une certaine extension
des disciplines enseignées. On demande d'ailleurs souvent aux
maîtres auxiliaires de sortir un peu de leur discipline principale, non
seulement pour donner plus de souplesse au système, mais aussi
vis-à-vis de leur propre activité.
M. le Président -
Pas d'autres questions ?
Monsieur le recteur, nous vous remercions. Bien entendu, si vous avez des
informations à nous communiquer, des documents qui pourraient nous
être utiles, ne manquez pas, s'il vous plaît, de nous les faire
parvenir.
AUDITION DE MME GENEVIÈVE BECQUELIN,
DOYEN DE
L'INSPECTION GÉNÉRALE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(13
JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
Mme Geneviève Becquelin.
M. le Président -
Madame le doyen, nous
sommes heureux de vous recevoir en cette fin d'après-midi. Vous
êtes doyen de l'inspection générale de l'éducation
nationale, responsabilité éminente et lourde. Ce que vous allez
nous dire sera certainement très intéressant ; vous connaissez le
sujet qui nous occupe.
Je vous demanderai de faire un propos introductif avant que nous vous posions
quelques questions.
Mme Geneviève Becquelin -
Je vous remercie,
monsieur le président. Si vous le permettez, je traiterai
trois points dans cet exposé, pour vous laisser le temps de poser
toutes les questions que vous souhaitez.
Le premier point a trait au champ de compétence de l'inspection
générale dans le domaine de l'enquête conduite par votre
commission. Notre compétence est principalement, et non exclusivement,
de nature pédagogique et qualitative. Vous avez entendu des
responsables, directeurs de ministères, dont la compétence est
évidemment de toute autre nature.
La compétence de l'inspection générale s'exerce en premier
point au travers des évaluations : évaluation des
personnels, évaluation des enseignements, évaluation des
établissements et, plus largement, de l'ensemble du système de
l'éducation dans le cadre de sa mission permanente inscrite dans la loi.
Ces évaluations prennent des formes diverses, mais cette mission est la
première et je souhaitais le rappeler ici.
Cette compétence s'exerce également au travers de
responsabilités particulières qui lui sont confiées. Je
veux parler essentiellement des concours de recrutement, des procédures
de titularisation et de certains aspects de la gestion qualitative sur laquelle
je reviendrai ultérieurement.
Cette compétence s'exerce également au travers de la
participation de l'inspection générale aux conseils
d'administration des grands organismes du système
d'éducation : je veux parler des IUFM, du centre national
d'enseignement à distance, du CNDP et du centre international
d'études pédagogiques ; la liste est longue. Nous y
exerçons là des fonctions importantes, de même que nous
participons aux commissions paritaires, aux groupes de travail, aux tables
rondes, aux conseils scientifiques. Là encore, la liste est
longue ; tout ceci à l'initiative des cabinets ministériels,
des directions de notre ministère ou des établissements qui sont
nos partenaires naturels.
Notre champ de compétences s'exerce principalement de cette triple
manière, sachant que nous pourrons éventuellement répondre
à d'autres questions un peu plus en détail.
Deuxième point : la nature des interventions. Comment, à
quel moment, de quelle manière intervenons-nous dans la gestion des
personnels, au sens qui a été donné à cette
expression dans la commission et dans votre exposé ?
Je crois qu'il nous faut distinguer là encore un certain nombre de
manières d'agir. Nos interventions se manifestent d'abord par la remise
de nombreux rapports aux ministres successifs sur les problèmes
liés à la situation et à la gestion des personnels,
à leur formation, à leur recrutement, soit que ces rapports nous
aient été demandés par les ministres, soit qu'ils
relèvent d'une auto-saisine. Par cette remise de rapports, l'inspection
générale joue un rôle d'alerte et de conseil.
Nous intervenons aussi au niveau du recrutement des personnels, activité
extrêmement visible et lisible ; nous présidons un nombre
important de jurys de concours de recrutement, et en particulier CAPES, CAPLP,
quelques agrégations, mais massivement les CAPES. A ce titre, nous
participons à la réflexion sur la nature et le contenu des
épreuves du concours et nous travaillons dans toute la mesure du
possible à un meilleur ajustement des connaissances et des
compétences de nos candidats, aux besoins observées sur le
terrain.
Nous jouons un rôle de nature apparemment quantitative lors de
l'établissement des listes des lauréats. J'ai dit "apparemment
quantitative " : nous nous décalons souvent par rapport au
nombre de postes offerts, soit parce que la liste des déclarés
reçus comporte des postes non pourvus, soit parce qu'au contraire nous
faisons au ministre des propositions de listes complémentaires. Mais ce
n'est qu'une apparence quantitative : en vérité, nous
apprécions là des problèmes de nature qualitative sur le
niveau des candidats. Ou bien nous sommes en mesure de proposer des listes
complètes, ou bien le président de jury, inspecteur
général ou autre président de jury -mais très
massivement les inspecteurs généraux- considèrent qu'ayant
à répondre de la qualité des admis auprès des
ministres, ils ne peuvent aller au-delà. Nous jouons donc un rôle
apparemment quantitatif mais qui, de fait, est une garantie sur la
qualité des lauréats.
Ayant mentionné le recrutement, je poursuis maintenant au niveau de la
formation initiale. L'inspection générale participe aux conseils
d'administration de tous les IUFM. En ce sens, elle est associée aux
débats sur la formation ou sur les contenus de la formation, sur les
plans de formation, sur le budget. Nous présidons tous les jurys de
titularisation des professeurs stagiaires et, à ce titre, lorsque nous
les déclarons admis et titulaires, nous nous portons garants de la
formation reçue et de son adéquation aux besoins du terrain. Je
dirai là que nous sommes dans des fonctions consistant à garantir
la qualité, à certifier et, de ce point de vue, à nous
porter garants de la qualité des personnels formés.
Nous intervenons dans le déroulement des carrières. Nous
n'intervenons pas dans le mouvement général qui a
été jusqu'à cette année un mouvement national, sauf
par le truchement de la notation. Mais, au sens strict du terme, l'inspection
générale ne travaille pas au mouvement national, sauf sur
quelques points dont je parlerai tout à l'heure. La perspective du
mouvement déconcentré, qui va se mettre en place dans les
prochains mois, s'accompagne d'un objectif de gestion qualitative qui pourrait
apporter des développements nouveaux.
Sur quelques milliers de postes -dont je ne connais pas le chiffre exact, mais
nous pourrons le rechercher- nous intervenons de manière directe et
formulons nos propositions à la direction concernée sur les
postes que nous appelons postes à profil : professeurs en classe
préparatoire, professeurs dans les sections de techniciens
supérieurs pour les disciplines les plus spécialisées,
professeurs des sections internationales, quelques professeurs dans d'autres
séries, par exemple l'enseignement artistique. Là, l'inspection
générale formule un avis, examine des candidatures, examine des
dossiers et ses propositions sont suivies d'effets.
Toujours dans le déroulement de la carrière, au-delà de
l'affectation, nous jouons un rôle dans la notation. Nous coordonnons au
plan national la notation des professeurs agrégés, celle des
professeurs certifiés étant aujourd'hui
déconcentrée. La notation est associée à
l'inspection.
L'inspection, vous le savez, a des fonctions diverses : les
contrôles, les conseils et les notations. La note attribuée joue
un rôle dans la carrière des professeurs, rôle qui n'est pas
nécessairement celui que nous aimerions lui voir jouer, mais il existe.
Elle joue un rôle dans les promotions et les affectations des
professeurs, des chefs d'établissement, des corps d'inspection
territoriaux. La notation joue un rôle dans les promotions.
L'inspection générale assume sur la promotion interne des
personnels une responsabilité importante. Elle préside la
quasi-totalité des concours internes et réservés, donne un
avis sur la liste d'aptitude et les promotions par listes d'aptitude, celles
des professeurs certifiés, des PLP, des agrégés, des
agrégés hors classes, des inspecteurs de l'éducation
nationale. Ce rôle est également un rôle
d'appréciation, d'évaluation, et qualitatif.
Je reviendrai sur certains de ces points ultérieurement, si vous le
souhaitez. Je voudrais achever cet exposé introductif en évoquant
quelques questions et en signalant des difficultés. J'ai
mentionné en début d'exposé l'importance des rapports et
des évaluations qui nous sont demandés. L'une des questions qui
se posent à nous, et aux différents cabinets qui se
succèdent, est celle du suivi des rapports de l'inspection
générale. Nous avons rédigé au cours de ces dix
dernières années un nombre assez significatif de rapports sur la
formation des personnels, sur des problèmes de gestion, sur la formation
des chefs d'établissements, des inspecteurs. Nos rapports s'accompagnent
de propositions. Il y a un effet différé dans l'étude de
ces propositions qui fait que le suivi est pour nous une réelle
question, ainsi que pour les ministres successifs.
Au regard d'une bonne gestion, les retards d'inspection sont un grave
défaut. Or il y en a beaucoup. Les professeurs ne sont pas
inspectés de manière égale selon une
périodicité que j'appellerais équitable.
Nous avons là un problème délicat à gérer
qui a des effets sur la gestion et sur la carrière des professeurs. Nous
nous efforçons d'y remédier, mais nous n'y parvenons pas.
Certaines disciplines, de ce point de vue, sont un peu sinistrées, il
faut bien le dire. Dans ces difficultés, je veux signaler
l'inadéquation actuelle d'un certain nombre de concours de recrutement
et de la formation dispensée en amont à l'université, mais
il est juste aussi de dire qu'un travail est actuellement entrepris et qu'une
réflexion sur les concours les moins bien adaptés à la
réalité du terrain est faite.
Je voudrais dire également la difficulté où nous sommes
sur un dossier très important qui est celui d'engager les professeurs
dans une formation continue adaptée. Des travaux importants ont
été conduits au printemps, des tables rondes. L'inspection
générale y a participé ; j'y ai participé
à titre personnel.
Cette formation continue adaptée, complémentaire de la formation
initiale, n'est pas aujourd'hui dans un état que je qualifierais de
satisfaisant. La première des raisons est que cette formation continue
se fait sur la base du volontariat. Nul ne peut contraindre un professeur qui a
besoin de formation à suivre la formation considérée.
D'autre part, nous avons à définir des plans de formation. Je
voudrais exprimer là un avis personnel et qu'il soit bien
considéré comme tel : il me semble que nous n'avons pas un
pilotage national suffisant sur la formation des personnels. La connaissance de
certains systèmes éducatifs voisins me donne à penser que
quelques axes forts de pilotage national, qui seraient ensuite
déclinés, bien évidemment, par les IUFM, permettraient
peut-être un recentrage que, pour ma part, je ressens comme
nécessaire.
Je poursuis sur ces difficultés. Très largement -c'est un
problème qui dépasse l'objet de l'étude que vous vous
êtes donné- j'ai le sentiment que la circulation de l'information,
au meilleur sens du terme, ne se fait pas bien dans notre institution. Et le
sens des réformes n'est pas suffisamment perçu sur le terrain.
Nous avons à réfléchir à une meilleure façon
d'informer pour former. Ceci est probablement l'un des points qu'il nous faut
travailler. Il a des effets sur la carrière et la gestion des
professeurs.
Dernière remarque : la réflexion pédagogique et la
bonne gestion administrative se rejoignent sur un point, celui de l'actuelle
monovalence des professeurs, en particulier au collège. Il y a des
commodités de gestion à ce que les professeurs soient
monovalents. J'appartiens à ceux qui pensent que nous gagnerions en
efficacité pédagogique, en même temps qu'en gestion
administrative, si nos professeurs de collège -et au moins pour les deux
premières années- mettaient un terme à ce cloisonnement.
Monovalence des professeurs et cloisonnement des disciplines, c'est la
même chose. Un effort est à faire ici. Je crois qu'il y a des
décisions courageuses à prendre sur ce dossier et que, bien
sûr, les choses ne sont pas faciles.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je m'en tiendrai
à cet exposé liminaire et je répondrai bien volontiers aux
questions que vous souhaiteriez me poser.
M. le Président -
Merci, madame, pour cet
exposé. Je ne doute pas que les réponses aux questions que nous
allons poser seront aussi intéressantes que l'exposé
lui-même.
Pouvez-vous préciser ce que vous venez de dire sur le pilotage de la
formation ? Vous avez souhaité qu'un pilotage national soit
assuré ou mieux assuré. Pouvez-vous nous dire ce que vous
entendez par là, quelles dérives il faut peut-être corriger
et comment peut être assuré ce pilotage national ? Enfin, sur
quels points doit-il porter ?
Mme Geneviève Becquelin -
Aujourd'hui, aucune des
directions du ministère n'a la responsabilité de la formation des
professeurs. Elle est formellement du côté de la direction de
l'enseignement supérieur puisque les IUFM y sont gérés,
mais en termes de contenu, elle relève de la direction de l'enseignement
scolaire puisque professeurs d'écoles, de collèges et de
lycées relèvent de la DESCO.
La formation est définie au sein des IUFM, -j'allais dire-
académie par académie. Je veux croire que globalement, bien
sûr, chacun ressent les priorités nationales ou locales. Il me
semblerait utile qu'annuellement, et dans un texte extrêmement bref, un
ministre dise : "Voici les priorités de la formation cette
année". Nous les disons, bien sûr, en termes d'objectifs : la
lecture, par exemple dont la maîtrise est un objectif essentiel dans
notre système éducatif. On sait bien les retards constatés
à l'entrée au collège et les effets de ces retards.
L'éducation à la citoyenneté en est un autre. J'aimerais
pour ma part que l'on annonce annuellement ou bisannuellement aux IUFM
chargés de mettre en oeuvre la formation : "Voici quatre axes, cinq
axes, qui seront prioritaires dans tous vos plans de formation". Je pense que
nous aurions alors un cadrage général qui laisserait une grande
liberté sur la façon de le faire, mais qui dirait les besoins du
pays en termes de formation prioritaire des maîtres. C'est un dispositif
que nous n'avons pas.
M. le Président -
C'est une réponse
intéressante à une question qu'il fallait poser.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous avez
placé le débat sur le terrain de la qualité, c'est parfait
parce que l'objectif de notre commission d'enquête est quand même
d'observer la gestion des personnels, de voir l'adéquation des besoins
et des moyens pour aboutir à une meilleure qualité.
Pensez-vous qu'il y a des dysfonctionnements entre cette adéquation
moyens-besoins qui ont des impacts sur la qualité ? Je suis
tenté de vous poser toutes les questions que l'on a posées aux
autres, mais en privilégiant leur impact sur la qualité.
Par exemple, la déconcentration permettrait-elle d'obtenir une meilleure
qualité de gestion du système ? Faudra-t-il aller
jusqu'à la déconcentration des concours de recrutement ?
Faudrait-il renforcer les prérogatives des chefs
d'établissements ? J'ai bien compris que le contrôle
pédagogique relève des inspections. Faudrait-il faire un pas de
plus, puisque vous nous avez dit que là, il y avait peut-être des
lacunes ? Est-il envisageable de renforcer les prérogatives des
chefs d'établissements au niveau de l'évaluation des
personnels ? Vous avez parlé de formation continue ; est-ce un
manque de moyens voulu au niveau national ou un manque de volonté des
enseignants ? Des objectifs clairs permettraient-ils de résoudre
les problèmes en obligeant les uns à mettre les moyens en place
et les autres à utiliser ces moyens ?
On parle de 350 disciplines. Pensez-vous qu'il serait possible d'en
réduire le nombre et que cela aurait un impact sur la
qualité ? Les variables d'ajustement telles que maîtres
auxiliaires, heures supplémentaires, ont-elles aujourd'hui aussi un
impact négatif sur la qualité ? Le fait de les supprimer
aurait-il des effets positifs ?
Pensez-vous que l'on peut traiter tous les établissements de la
même façon ? Vous avez dit que les circulaires allaient
surtout du haut vers le bas. Doit-on interpréter et retenir que
l'information va toujours du haut vers le bas et jamais du bas vers le
haut ? Et pour quel type d'information ?
Dernière question : comment mesurez-vous la qualité ? A
la quantité des connaissances acquises ou à l'insertion
professionnelle réalisée ?
Mme Geneviève Becquelin -
Je vais essayer de
répondre à toutes les questions que vous m'avez posées. Je
parlerai d'abord des chefs d'établissements, si vous le voulez bien. Ma
discipline d'origine, l'anglais, m'a conduite à travailler sur les
systèmes d'éducation britanniques. Il est évident que
comparer la mission d'un chef d'établissement dans une école
anglaise à celle d'un de nos chefs d'établissements est difficile.
La responsabilité pédagogique de nos chefs
d'établissements est théoriquement affirmée. Je pense
d'ailleurs que si le recrutement des chefs d'établissements se fait
parmi les professeurs certifiés et agrégés, c'est que l'on
veut donner un sens à sa dimension pédagogique. Sinon,
après tout, on pourrait se tourner vers d'autres corps de
fonctionnaires. Cette dimension pédagogique est donc affirmée au
niveau du recrutement : il faut avoir été professeur pour
être chef d'établissement. En même temps, force est de
constater que peu d'entre eux ont les moyens d'assumer ce rôle d'une
manière pleine. Alors comment l'assument-ils ?
Ils l'assument au niveau du projet d'établissement : un bon
établissement est celui où le chef d'établissement a su
rassembler autour de lui les professeurs pour élaborer un projet
d'établissement prenant en compte la réalité du terrain,
la réalité des élèves, la réalité du
secteur, dans le cadre global des obligations qui sont les siennes au sein du
service public. Il a su renforcer les points qui devaient l'être,
affirmer des priorités, et il sait surtout le faire en liaison avec ses
équipes pédagogiques. S'il n'a pas l'adhésion de ses
équipes pédagogiques, il n'arrive à rien. C'est bien
clair.
Je suis de ceux qui pensent que les chefs d'établissements devraient
avoir une autorité renforcée. Je donne à
l'autorité, bien sûr, sa pleine signification. Ils sont
aujourd'hui face à une tâche très difficile :
recueillir l'adhésion de professeurs nommés sans qu'ils aient
leur mot à dire dans ces nominations. C'est un fait ; je ne suis
pas sûre qu'il faille changer ce fait, mais je suis sûre qu'il
existe.
Il faut rassembler, autour d'un projet, des professeurs qui sont nommés
pour des raisons tout autres que le projet d'établissement. Il a besoin
de moyens d'action dont je ne suis pas sûre qu'il les ait pleinement
aujourd'hui.
Vous savez qu'il y a au sein de l'inspection générale un groupe
"établissements et vie scolaire" important ; c'est un groupe de
trente inspecteurs généraux qui a pour mission de rendre visite
aux chefs d'établissements, de porter un avis lorsqu'ils demandent leur
mutation, de rechercher l'adéquation des personnes aux profils de
postes. L'inspection générale a d'ailleurs remis très
récemment un rapport sévère sur la formation des chefs
d'établissements. Il est vrai que nos collègues de l'inspection
générale du groupe "établissements et vie scolaire"
déplorent le peu de moyens qu'ils ont d'agir.
Je réponds donc oui à la question que vous avez
posée : je serais prête à dire que des moyens d'action
plus importants et une plus grande autonomie seraient bénéfiques
au système. Encore faut-il avoir résolu le problème de la
qualité du recrutement. Vous savez que cette affaire est délicate.
Il existe un certain volant d'autonomie aux établissements qui n'est pas
toujours pleinement utilisé d'ailleurs. Il y a une certaine
flexibilité des horaires dans les collèges. Quelques heures dans
les collèges, dans les classes de sixième, sont à la
disposition des équipes pédagogiques autour du chef
d'établissement pour qu'elles soient utilisées en relation avec
les besoins forts tels qu'on les constate dans l'établissement. Je ne
crois pas que l'on puisse dire -mais je suis sûre que vous n'avez pas
voulu le dire- que l'autonomie des chefs d'établissement rencontrerait
un obstacle parmi les corps d'inspection. Je pense aux corps d'inspection
territoriaux. Je crois davantage qu'il faudrait un travail en commun entre les
corps d'inspection et les chefs d'établissements pour utiliser cette
autonomie de la manière la plus efficace possible. Il me paraît
possible de le faire.
Vous avez parlé d'égalité entre les établissements.
Quel sens donner à ce mot égalité ? S'il s'agit d'une
distribution identique des moyens en tous lieux, je pense que ce n'est pas une
solution aux problèmes que nous connaissons aujourd'hui. Il faut aider
davantage ceux qui ont le plus besoin d'être aidés. Je crois que
c'est une vérité ; à mes yeux, elle a valeur de certitude.
On peut travailler très certainement à 30 ou
35 élèves dans des lycées de second cycle, de coeur
de ville, assez protégés. Je ne pense pas qu'on puisse travailler
efficacement à plus de 20 élèves dans certains lieux
du territoire. Si l'égalité était de répartir
également les moyens, c'est une erreur à mes yeux. En revanche ,
une étude approfondie des difficultés précises en tel et
tel endroit doit conduire à une répartition des moyens non plus
égalitaire mais équitable, ce qui n'est pas la même chose.
C'est ainsi que je pense pouvoir répondre à votre question sur
l'égalité.
Vous avez évoqué les 350 disciplines. Un nombre important de
ces 350 disciplines recouvre, je pense, le secteur technologique et
professionnel. Cependant, le chiffre annoncé de cette manière
paraît assez déraisonnable. Surtout si l'on songe que les
350 disciplines vont représenter 350 spécialités
de professeurs, dans la monovalence dont je parlais. Et là, en termes de
gestion des moyens, en termes d'efficacité pédagogique, il est
légitime de s'interroger. Nous sommes sans doute allés un peu
loin dans cette diversification des disciplines enseignées au
collège et au lycée.
Vous avez repris une phrase que j'avais dite, et sans doute n'avais-je pas
été suffisamment claire. Vous avez parlé de
l'information ; j'ai dit qu'à mon sens elle ne circulait pas bien.
J'ai envie de dire qu'elle ne circule pas bien dans les deux sens. Le
rôle de l'inspection générale, et avec elle des inspections
territoriales, est de rapporter au ministre, aux recteurs, des
éléments d'information recueillis sur le terrain, au plus
près des élèves et des professeurs, afin que le ministre
et les recteurs, dans leurs académies, puissent en tirer les
conséquences.
Je vous ai parlé brièvement du suivi de nos rapports. Cela
rejoint la même question. Nous avons le sentiment que nos rapports, qui
reposent sur des analyses nombreuses, approfondies, prolongées, donnent
une photographie de la réalité dont on ne tient pas toujours
suffisamment compte. Par conséquent, là, nous sommes du bas vers
le haut, mais c'est également vrai du haut vers le bas.
Nous avons actuellement toute une série de chantiers ouverts :
l'école du XXIe siècle, la réflexion sur le
collège, "Quelle charte pour le lycée ?" Nous avons un
travail considérable qui est engagé auquel il faut associer les
professeurs, les corps d'inspection territoriaux, tous les partenaires. Je ne
suis pas sûr que nous arrivions très bien à faire passer,
sur le terrain, le sens de ces questions, de ces réformes ou de ces
projets de réformes. C'est ce que j'ai voulu dire lorsque, dans cette
phrase assez rapide, j'ai dit qu'à mon sens l'information ne circulait
pas bien. C'était dans les deux sens.
Enfin, je crois que vous avez demandé de quelle manière nous
apprécions l'efficacité : par l'insertion professionnelle ou
par les connaissances ? L'insertion professionnelle est évidemment
le premier critère de qualité des enseignements pour tous les
enseignements technologiques, pour toutes nos sections de techniciens
supérieurs, dont les programmes et les contenus sont
élaborés en permanence avec les commissions paritaires
consultatives, et en permanente évolution. Il est évident que des
cursus et des diplômes dont la finalité est l'insertion
professionnelle se mesurent à l'aune de cette insertion professionnelle.
Nous avons des secteurs où nous faisons 100 % en termes d'insertion
professionnelle.
S'agissant du lycée, la question de l'insertion professionnelle ne se
pose pas. Le lycée d'enseignement général ne
débouche que sur un autre niveau d'enseignement, c'est-à-dire
l'enseignement post-baccalauréat. L'insertion professionnelle est
différée à deux, trois ou quatre ans. La sortie du
baccalauréat d'enseignement général n'est pas l'insertion
professionnelle.
Nous avons là un double regard sur cette qualité : très
certainement, la culture générale de nos élèves,
tradition française à laquelle nous sommes extrêmement
attachés. Le lycée français honore les valeurs de la
République et de la culture générale des citoyens. En
même temps, nous avons obligation à préparer nos
élèves à devenir demain de futurs étudiants,
c'est-à-dire de s'engager dans des cycles universitaires qui, eux,
seront spécialisés.
Il y a donc là un double regard à porter à la sortie de
l'enseignement secondaire, et qu'il n'est pas facile de gérer. C'est le
sens de la réforme actuellement à l'étude, en concertation
avec cette exigence de culture générale très forte
jusqu'à la classe de première, et une ébauche en classe de
terminale de pré-spécialisation universitaire, avec une
filière littéraire forte, une filière économique et
sociale, et une filière scientifique. Il faut bien choisir un
jour ; quand nos lycéens ont 17 ou 18 ans, il est temps de
choisir tout en leur ménageant des passerelles s'il y a eu des erreurs
d'orientation.
Nous avons donc cette double exigence. Je crois que nul dans l'institution, et
plus largement dans le pays, n'est prêt à renoncer à cette
exigence de culture générale qui fait la qualité et
l'excellence de notre système. Je ne crois pas que nous rêvions
d'un système britannique avec trois disciplines dans les "high-level"
à partir de l'âge de 16 ans. Nous avons une volonté de
culture générale qui, je crois, est fondamentale et à
laquelle tout le pays est attaché. Mais en même temps je rappelle
la nécessité de préparer des cursus
post-baccalauréat, qu'ils soient dans les classes préparatoires,
dans les universités, dans les IUT ou les sections de techniciens
supérieurs.
Mme Hélène Luc -
Je vous remercie, madame
l'inspectrice, parce que je me posais des questions sur le rôle plus
précis des inspecteurs. J'ai mieux compris, j'ai trouvé votre
exposé intéressant.
Je me pose une question essentielle sur la qualité des enseignants, leur
formation, qui joue forcément un grand rôle dans leurs missions
nouvelles dans l'éducation, avec le nombre d'élèves en
plus, la crise et la violence, avec la formation qu'ils doivent donner pour
être capables en 2025 -comme nous disait tout à l'heure un
responsable du syndicat de l'enseignement primaire- d'assurer les
métiers que l'on ne connaît peut-être pas encore.
Je voudrais vous interroger sur les IUFM et la manière dont on recrute
les enseignants. Personnellement, je suis de ceux qui pensent que les
enseignants doivent être forcément très motivés, car
c'est un métier très difficile. Ils ont des connaissances
à transmettre, mais aussi beaucoup d'autres choses qui passent par
l'enseignement mais pas de manière exclusive.
Les IUFM : on devrait faire une nouvelle évaluation. Cela
m'intéresserait, parce que je suis membre d'un conseil d'administration
d'IUFM, dont on a d'ailleurs changé de directeur ; il faut que l'on
ait une idée plus claire de la mission des IUFM, cela n'est pas encore
le cas.
Je suis très contente que vous ayez dit tout haut ce que je pense tout
bas, et que j'ai abordé lors de la discussion du budget de
l'éducation nationale. Que pourraient être ces trois axes
principaux pour améliorer la formation des enseignants ? D'autre
part, comment se fait l'intégration des MAFPEN dans les IUFM ?
Enfin, ne pensez-vous pas que l'on devrait rétablir les bourses que l'on
donnait aux élèves enseignants ?
Mme Geneviève Becquelin -
J'ai compris, madame,
qu'il y avait trois questions, dont une sur la qualité des enseignants.
Si vous le permettez, avant de parler de leur formation, je voudrais rappeler
un ou deux points sur leur recrutement. Nous travaillons actuellement à
une modification d'un certain nombre de concours de recrutement.
Pour le CAPES, cela fait des années que nous travaillons sur ce sujet.
Je citerai le CAPES d'anglais qui l'est constamment ; je le dis d'autant
plus volontiers que c'est ma discipline et que je l'ai présidé
durant de longues années. Le problème pour nous est d'avoir des
épreuves de CAPES qui recrutent les étudiants sur les
compétences dont ils vont avoir besoin, et pas forcément sur les
compétences que les universités aiment à enseigner. Nous
avons une forte tradition littéraire dans l'université
française dont je me réjouis ; en même temps, il est clair
que la maîtrise opérationnelle, brillante, permanente de la langue
étrangère est la première des vertus d'un professeur
d'anglais. Nous travaillons actuellement -le cabinet du ministre y travaille et
la réflexion était engagée auparavant- à une
modification des épreuves du CAPES d'anglais. C'est un bon exemple. Il y
en a d'autres, mais avant parler de la formation, il nous faut faire
évoluer un certain nombre de concours de recrutement. Je crois que c'est
important.
Sur les IUFM, je vous ai dit mon sentiment. En mon nom personnel, ce n'est pas
une idée actuellement en débat, je serais favorable à ce
qu'il y ait un pilotage national qui ne contraigne pas sur les méthodes,
mais qui indique les objectifs prioritaires. J'y inclurai par exemple les
technologies nouvelles sur lesquelles nous faisons actuellement de grand
progrès, après avoir eu un retard assez important. Les IUFM
débattent aujourd'hui des plans de formation dans leur conseils
d'administration, préparés par des commissions préalables.
Il faut que ces débats soient de vrais débats. Nous n'avons pas
été, vous et moi, madame, dans le même, mais nous avons
peut-être fait des expériences de part et d'autre de Paris qui
sont assez comparables. Aujourd'hui, les IUFM sont confortés dans leur
mission. Après des années d'hésitation, nul ne songe
à revenir sur leur existence.
La tâche est difficile. Ce que l'on a fait, et qui me semble positif,
c'est ce que nous appelons la pré-professionnalisation, qui met les
candidats au concours en contact avec les classes pendant quelques semaines,
pour qu'ils puissent tester la qualité de leur vocation, puisque vos
propos étaient teintés du goût d'enseigner, si ce n'est de
la vocation. Cette pré-professionnalisation a été
introduite il y a quelques années ; elle est peut-être aujourd'hui
un élément de garantie sur le goût réel que l'on a
pour ce travail.
Cela dit, comme il est difficile de faire un pari sur l'avenir quand on a 23 ou
24 ans, au regard de la diversité d'exercice du
métier ! Par conséquent, la formation se doit de garantir ce
que j'appellerai les fondamentaux de la formation. Il y a les fondamentaux de
l'école primaire pour les élèves, mais il y a les
fondamentaux de la formation. Je crois que c'est cet effort-là que nous
devons faire partout. Je ne vois pas comment répondre autrement à
l'interrogation que vous avez formulée.
Vous avez parlé, madame, immédiatement après, de
l'intégration des MAFPEN. J'ai reçu récemment la
conférence des présidents d'IUFM à leur demande ; ils
sont cette année dans une année de transition. Le plan de
formation qui avait été préparé ne l'avait pas
été par eux ; nous ne pourrons juger de l'efficacité
de cette opération que l'an prochain. Ils vont préparer, en
liaison avec les services rectoraux, le plan de formation des professeurs. Nous
sommes dans une année intermédiaire où il serait injuste
et probablement déraisonnable de porter jugement. En ce moment, nous
sommes dans une situation d'attente.
Il y a là une idée forte, qui est qu'on ne peut pas
séparer la formation continue de la formation initiale. En fait, si la
formation continue est bien construite, elle se doit de prolonger,
d'approfondir et de compléter ce qui a été entrepris en
formation initiale. Pour ma part, je serais assez favorable à ce qu'il y
ait un contrat de formation à l'IUFM, et qu'un jeune professeur quitte
l'IUFM avec ce "carnet de formation" qu'il lui appartiendra ensuite de
compléter. On peut ne pas avoir eu le temps, c'est tout à fait
légitime pendant une année de formation, par exemple, de
s'intéresser à l'enseignement aux élèves
handicapés ou aux technologies nouvelles et à leur
intégration dans les sciences expérimentales. Tout ne peut pas
être fait la première année. L'idée que cette
formation ne s'interrompe pas, qu'il y ait par exemple une formation qui soit
l'adaptation au premier emploi, souvent tellement différent du lieu de
stage, sont des idées qui pourraient faire probablement progresser la
formation de nos jeunes professeurs en particulier, autre problème que
celui des professeurs en place depuis longtemps.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Madame, vous avez évoqué les nombreux rapports que
fournit l'inspection générale. Je savais qu'ils étaient
nombreux, et je savais aussi -mais vous l'avez confirmé- qu'ils ne sont
pas étudiés tout de suite ; le moins que l'on puisse dire
est que quelques-uns traînent dans les cartons et n'ont pas
été ressortis comme vous l'auriez souhaité. Pensez-vous
que ces rapports, souvent demandés par le ministre lui-même, ne
sont pas en règle générale assez suivis d'effets et assez
bien considérés ?
La seconde question concerne l'évaluation des professeurs. Vous avez
indiqué que les professeurs n'étaient pas inspectés de
façon égale et qu'il y avait d'énormes disparités.
Ne pensez-vous pas qu'il y a aujourd'hui, pour les meilleurs enseignants, un
certain découragement devant cette situation et par contre un
encouragement pour ceux qui ne donnent pas obligatoirement satisfaction. Est-il
bien normal que, dans notre système éducatif, il n'y ait pas une
évaluation correcte des enseignants ? Ne pensez-vous pas -vous
l'avez peu évoqué mais j'aimerais que vous y reveniez- que les
chefs d'établissements devraient avoir un rôle accru dans cette
évaluation ?
La troisième question concerne la formation continue. Je suis de ceux
qui sont sidérés lorsque j'entends qu'un professeur, s'il n'est
pas volontaire, peut échapper à toute formation pendant
l'ensemble de sa carrière professionnelle ! C'était
peut-être possible il y a cinquante ans ; cela me semble tout
à fait aberrant aujourd'hui. Dans tous les rapports que vous produisez,
est-il prévu une obligation de formation continue pour les
professeurs ? Pensez-vous que ce système puisse être mis en
place et qu'il a quelque chance de voir le jour ?
Ma quatrième question concerne la monovalence et ce que vous avez
évoqué. D'abord, je dois signaler que vous êtes la
première à évoquer ce problème. Nous avons entendu
beaucoup de personnes, la question a été posée plusieurs
fois ; il y a, notamment de la part des syndicats, une opposition assez
forte à cette proposition.
Au-delà des considérations économiques et de gestion, ne
pensez-vous pas que pédagogiquement, il serait souhaitable que cette
bivalence soit assurée ? Ne pensez-vous pas qu'un enfant de
sixième ou de cinquième mérite mieux qu'un
éparpillement des professeurs, comme cela est actuellement le cas ?
Ne serait-ce pas plus rassurant ?
Enfin, concernant les ZEP, zones d'éducation prioritaires,
première question un peu brutale : à votre avis, fallait-il
les ZEP ? Fallait-il créer des zones d'éducation
prioritaires ? Seconde question : les choix des sites sur lesquels on
a implanté des ZEP ont-ils été bien faits ?
Méritent-ils d'êtres revus ? A-t-on véritablement
choisi les bons endroits ? Troisièmement, cette politique des ZEP
doit-elle avoir des conséquences sur la gestion des personnels ?
Pensez-vous que, dans ces établissements ainsi classés, le
personnel doit avoir un allégement de service, doit être moins en
présence des élèves ?
M. le Président -
Je vais tout de suite passer la
parole à M. Lagauche, ce qui vous permettra peut-être,
madame, de regrouper les réponses.
M. Serge Lagauche -
Je vais être un peu
caricatural. Je ne suis pas enseignant, mais j'ai été
présent dans de nombreux conseils d'administration. Un conseil
d'administration de collège ou de lycée qui dure entre trois et
six heures, cela me paraît aberrant, surtout quand il se termine à
23 heures et qu'il a commencé à 18 heures. C'est
relativement fréquent. Cela me paraît tout à fait inutile.
On se plaint que les personnalités extérieures et les élus
n'y aillent pas ou n'y aillent plus, et c'est un réel problème.
Il ne semble pas que les recteurs ou les inspecteurs d'académie en
prennent vraiment conscience.
La question se pose de savoir, et souvent les gens la posent, si les
comptes-rendus sont lus. Comme ces comptes-rendus sont très
"léchés", en quelque sorte, on se pose parfois des questions. Il
y a quand même les élèves derrière tout cela. Il y a
un éloignement. Les élèves ne connaissent pas
l'inspection, et pour moi qui siège dans des conseils d'administration,
l'inspection ce sont des circulaires quand j'entends les enseignants. Quand une
circulaire de l'inspection arrive dans un établissement, on
téléphone à une secrétaire pour se la faire
expliquer, pour bien comprendre. Souvent, on veut savoir si la circulaire va
s'appliquer, ne pas s'appliquer. Souvent, elle arrive -paraît-il- trop
tard pour être appliquée.
Je pousserai un peu plus loin. L'inspection me paraît essentielle. Je
pense que c'est en quelque sorte un tutorat, au sens noble, pour permettre de
retrouver ses esprits et de prendre du recul. Avez-vous vraiment suffisamment
de moyens pour encadrer l'ensemble de ces établissements ?
Vous disiez tout à l'heure que certains enseignants n'étaient pas
inspectés, que les niveaux ne sont pas bien connus. Vous faites un
travail considérable, mais une partie de ce que vous faites n'est pas
lue. Souvent, vous n'avez pas le temps de savoir si vos circulaires sont
appliquées, qu'il y en a déjà une autre derrière.
Idéalement, ne pensez-vous pas qu'il y aurait une réforme
à faire dans votre corps, quelque chose à voir ? C'est quand
même essentiel pour la bonne marche des établissements.
Mme Geneviève Becquelin -
Je rectifie un
point : l'inspection ne fait pas de circulaires. Nous n'avons pas ce
pouvoir ; les circulaires sortent des directions. Il ne peut pas y avoir
de circulaires des corps d'inspection. Le terme est impropre ; au mieux,
nous formulons des conseils. Nous conseillons les directions qui font les
circulaires. Mais au sens strict du terme, cette circulaire de l'inspection
n'existe pas.
Si vous le voulez bien, je vais reprendre certaines questions très
brièvement.
Je me suis exprimée clairement, je l'espère, sur la monovalence.
Je vous ai dit que mon sentiment était que la bonne gestion
administrative et l'intérêt pédagogique, à mes yeux,
se rejoignaient. Je l'ai dit pour le collège, il faut
réfléchir aux conditions de cette bivalence. Je l'ai dit, je
m'exprime à titre personnel, sachant à quel point ce sujet
suscite des oppositions fortes.
Dans la réflexion actuellement conduite sur le collège qui, je
l'espère, aboutira à des propositions, c'est un des points qui
pourraient être évoqués. Certainement. Les enfants de dix,
onze ou douze ans, sortent de l'école primaire où ils ont souvent
eu un professeur d'école, un maître associé d'ailleurs
maintenant à quelqu'un d'autre. Il y a des emplois jeunes, un peu de
mouvement dans les classes à l'école primaire ; elles ne sont pas
aussi monolithiques qu'on voudrait bien le dire.
Pour ma part, je crois que la réflexion sur la bivalence, voire la
polyvalence, est une bonne réflexion. Ne serait-ce que pour reconstituer
des champs disciplinaires. Je pense à tout ce qui relève de
l'expérimental au collège. Je ne suis pas sûr qu'il faille
des professeurs appartenant à des disciplines distinctes. Pour moi, il y
a là une réflexion à engager ; à mes yeux elle
serait fructueuse au plan pédagogique. La chance est qu'elle rejoigne
des commodités gestionnaires.
Je reviens aux rapports de l'inspection générale. J'espère
ne pas m'être mal exprimée. Je n'ai pas voulu dire qu'ils
restaient dans les cartons, il arrive même qu'ils aient un peu trop de
publicité dans la presse et qu'on en parle un peu trop. Je veux
simplement dire que le suivi, dans les décisions, est souvent lent. Nous
vivons dans un système à effets différés. Les
propositions que nous formulons sur de grands sujets -formation des
professeurs, formation des chefs d'établissements- ne sont pas mises en
oeuvre rapidement. Il arrive qu'elles ne le soient pas du tout, et que l'on
reprenne trois, quatre ou cinq ans après, des propositions
déjà formulées. Donc je parlerai du suivi de nos rapports,
qui est une question. Elle est d'ailleurs à l'étude
actuellement ; elle impliquerait l'existence d'un comité de suivi,
de contacts avec les partenaires, et cela est important. Nos rapports sont
souvent largement diffusés, lus par la presse, par les organisations
syndicales, pas toujours salués avec plaisir par ceux dont nous parlons.
Nous ne sommes pas toujours là pour faire plaisir.
Vous avez parlé ensuite de l'évaluation des professeurs et du
rôle éventuel que les chefs d'établissements pourraient y
jouer. Je vous ai dit très honnêtement -nous témoignons ici
avec toute l'honnêteté que vous êtes en droit d'attendre-
que nous n'inspectons pas suffisamment. Les professeurs ne
bénéficient pas d'un même rythme d'inspection selon les
disciplines et selon les lieux. Cela relève de la très lourde
charge qui pèse sur les corps d'inspection : corps d'inspection au
plan national, inspection générale, mais aussi corps d'inspection
territoriaux. Il est vrai qu'ils ne le sont pas suffisamment et que certains
peuvent en souffrir dans leur carrière. Nous recevons d'ailleurs en
permanence des demandes d'inspection. La demande d'inspection est un courrier
que les professeurs savent faire.
Vous avez parlé d'un rôle accru des chefs d'établissements.
Je crois que dans la réflexion qui va être conduite -le ministre
vient de confier une mission sur le rôle des corps d'inspection
territoriaux- je remplacerais volontiers la formule "rôle accru" par
"partenariat inspecteurs-chefs d'établissement" ; que l'on
travaille ensemble à l'évaluation du professeur. Je ne sais pas
s'il faut accroître, mais en tout cas que cette évaluation soit
conduite ensemble me paraîtrait un réel progrès et une
meilleure manière de cerner la qualité du travail effectué.
Vous avez ensuite parlé de ce que j'avais signalé à propos
de la formation continue : elle se fait est, à de très rares
exceptions près, sur la base du volontariat. Les quelques exceptions
relèvent de modifications de programmes, où là nous avons
un tableau de réunions obligatoires dans les établissements. Mais
globalement, on s'inscrit volontairement à des actions de formation
continue. Le programme de formation continue est diffusé dans les
établissements au printemps qui précède l'année
scolaire suivante. Les professeurs posent leur candidature, demandent librement
tel ou tel stage, sur la base du volontariat. C'est vrai que c'est une
question.
Vous savez qu'une table ronde a été organisée au printemps
dernier sur les problèmes de la formation continue et que le rapport
devrait en être rendu public dans un délai très bref. C'est
un rapport très attendu et très important qui devrait
répondre à certaines questions que j'ai soulevées. Bien
sûr, nous nous en réjouissons.
Question sur les ZEP et les conséquences éventuelles sur la
gestion des personnes. Fallait-il faire des ZEP ? Ceux qui ont
été classés zone d'éducation prioritaire y
tiennent, nous le voyons tous les jours dans les manifestations publiques.
Menacer un établissement de lui retirer son classement ZEP, c'est
créer immédiatement la grève, l'agitation, la
manifestation des parents d'élèves. En ce sens, le dispositif des
ZEP a répondu à une attente, à une demande.
Un autre dispositif est envisagé. Vous savez tout le travail qui a
été fait l'année dernière ; un inspecteur
général travaille à temps plein sur le problème des
ZEP. Une autre perspective a été ouverte qui est celle des REP,
réseaux d'éducation prioritaires. C'est une autre approche qui a
la qualité d'un peu plus de souplesse. Je ne sais pas si l'on peut
répondre à votre question. Fallait-il le faire ? Ce que je
sais, en tout cas, c'est qu'on ne peut pas les supprimer et qu'il n'en est pas
question. Il y a une aide à apporter dans des secteurs
difficiles aide qui passe précisément par ce que je disais
précédemment. Le problème pour nous n'est pas
l'égalité en termes de moyens, d'enveloppes égales pour
tous, mais davantage de moyens adaptés aux besoins là où
ils sont les plus évidents. En ce sens, ces dispositions
répondent à la demande.
Doivent-ils avoir une conséquence sur la gestion des personnes ? Ma
réponse est claire : oui. Doivent-ils avoir une conséquence
sur les moyens, sur les effectifs des classes ? Ma réponse est oui.
Je vous disais il y a un instant qu'on peut travailler à 30 ou
35 élèves dans les lycées du coeur des grandes
villes, qui ne posent pas de problèmes particuliers, mais on ne peut pas
travailler à plus de 15 ou 20 dans les secteurs les plus difficiles.
Il y a donc des conséquences sur la gestion des personnels. Nous l'avons
déjà mis en oeuvre, mais je crois que ce serait folie de ne pas
poursuivre. Mieux vaut approfondir la réflexion sur ce sujet que d'y
renoncer. C'est un métier difficile que d'être professeur dans
certains de ces collèges, puisqu'il s'agit essentiellement des
collèges. Il est tout à fait légitime d'avoir moins
d'heures de cours dans un collège aussi difficile qu'en d'autres lieux.
Personnellement, cela ne me choque pas. Faire passer l'idée, c'est autre
chose.
Vous avez posé une question sur les conseils d'établissements, en
disant que vous étiez assez dubitatif sur la lecture qu'en faisaient les
responsables. J'espère que non ; j'espère qu'ils sont
vraiment lus. Dans les cas difficiles, ils le sont. Le sont-ils toujours ?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Si le conseil
d'administration a été bien préparé, si le chef
d'établissement a convenablement préparé cette
opération et en donne un compte-rendu attractif, il sera lu. Là
encore, l'affaire est sans doute délicate. Je ne saurais pas
répondre plus précisément à cette question.
Sur les moyens de l'inspection : l'inspection générale de
l'éducation nationale compte 156 postes d'inspecteurs
généraux. Ils sont aujourd'hui pourvus. Pas un n'est vacant. Je
crois pouvoir dire que les 156 inspecteurs généraux sont
attachés à leur tâche et accomplissent un travail
considérable. Ils sont quotidiennement, pour la majorité d'entre
eux, dans les établissements. Ils remplissent un rôle important de
contrôle, de conseil ; ils aident à la gestion sur les postes
dont j'ai parlé.
Actuellement, nous avons des centaines d'inspections à réaliser
pour préparer le mouvement des chefs d'établissements. Tout chef
d'établissement candidat a, dans son dossier, une fiche d'inspection qui
précise l'adéquation de sa personnalité au regard du poste
profilé. Nous sommes en ce moment en pleine préparation du
mouvement CPGE. J'ajoute que nous avons un dossier international important et
que nous avons, avec les systèmes éducatifs étrangers, des
relations par l'intermédiaire de notre délégation aux
affaires internationales. Je serai demain dans l'avion pour travailler avec le
conseiller culturel du Maroc sur la collaboration des inspections
française et marocaine, dans la journée de vendredi.
Nous avons une demande extrêmement forte. De manière un peu
immodeste, pas en mon nom personnel mais plutôt en celui de la fonction
que j'occupe, je dirai que l'inspection générale jouit d'une
immense estime en France sans doute et hors de France assurément. La
qualité de son travail est très largement reconnue. Pour cette
raison, elle est très largement sollicitée.
Des moyens ? Je dirai oui, sans doute. Peut-être un effort
d'organisation à faire mais, au regard de cette matière humaine
qui est la nôtre, c'est difficile. Sans doute faut-il laisser les
relations se faire d'une manière que je qualifierais d'humaine, de
qualitative. Nous avons des relations hors voie hiérarchique avec les
professeurs et nous y tenons. Tout professeur, en France, écrit
librement à l'inspection générale. C'est bien ; il
faut que les professeurs puissent avoir cette liberté d'expression. Nous
y sommes très attachés.
Au poste où je suis, je ne me pose pas la question en termes de moyens,
mais bien sûr et toujours en termes de plus grande efficacité.
M. le Président -
Madame, nous regrettons de
devoir mettre fin à cette audition tout à fait
intéressante, mais vous savez que si vous avez des informations ou des
opinions à nous communiquer, non seulement vous pouvez le faire, mais
vous devez le faire. Nous en tirerons tout le parti possible. Il n'est pas
exclu, d'ailleurs, que nous vous retrouvions avant la fin des travaux de cette
commission d'enquête. Merci.
AUDITION DE M. DANIEL BANCEL,
RECTEUR DE
L'ACADÉMIE DE LYON
(13 JANVIER 1999)
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, Vice-président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Daniel Bancel.
M. Jacques Legendre, président -
Vous
avez la parole pour un exposé liminaire. Après quoi, les
sénateurs vous poseront des questions.
M. Daniel Bancel -
Il m'a semblé
intéressant pour votre commission que je me place du point de vue d'un
recteur. De cette façon, je ferai apparaître la façon dont
il utilise les moyens qui lui sont attribués, la façon dont les
moyens budgétaires sont transformés à destination des
élèves. De même, je ferai apparaître la
difficulté qui réside entre une demande dont les variations
peuvent être importantes -ce que j'appellerai la demande issue de la
scolarisation des enfants- et ce qu'est en France l'offre pédagogique,
c'est-à-dire les possibilités de répondre au travers des
personnels de l'éducation nationale.
La représentation parlementaire, souveraine, à travers le budget
du ministère de l'éducation nationale, traite à la fois
des postes, chapitre 31-93, et des crédits, chapitre 31-95, qui peuvent
donner lieu à la rétribution d'heures supplémentaires et
donc, donner lieu à des activités d'enseignement.
Le ministère répartit ces dotations entre les académies en
fonction de la population scolaire et de certains critères. Les recteurs
disposent d'une quantité d'emplois sur le 31-93 et d'un volume de
crédits sur le chapitre 31-95. La première étape est de
construire une unité commune à ces deux chapitres qui permettra
l'établissement de l'heure d'enseignement.
Les postes dont nous disposons sont traduits en heures d'enseignement en
multipliant le nombre de postes budgétaires par le rendement moyen des
postes. Cela tient compte des obligations de service des différentes
catégories d'enseignants : un agrégé doit
15 heures, un certifié doit 18 heures. Certaines disciplines
vont jusqu'à 23 heures. La pondération sur la structure des
personnels enseignants nous donne le rendement moyen d'un poste. L'ensemble des
emplois sont convertis en heures-poste.
Ces heures-poste, auxquelles nous ajoutons les heures
supplémentaires-années, sont ensuite distribuées aux
établissement sous forme d'une dotation horaire globale. Nous
répartissons l'ensemble des moyens aux collèges et aux
lycées sous forme de dotation horaire globale.
C'est à partir de cette dotation que les établissement
construisent la demande pédagogique. En fonction des niveaux de
scolarisation des enfants, de leur structure pédagogique et en
respectant l'enveloppe qui leur est donnée, ils construisent des
services d'enseignant pour partie à partir d'heures-poste et pour partie
à partir d'heures supplémentaires. Ils construisent des blocs de
15 heures-poste qui donneront lieu à des postes
d'agrégé, de 18 heures qui donnent lieu à des postes
de certifiés. Sur le volume global et par discipline, ils peuvent jouer
sur ces deux paramètres. Ils peuvent aussi ajuster en utilisant une ou
deux heures supplémentaires pour certains enseignants.
La demande pédagogique nous arrive ensuite des établissements.
Cette demande se traduit par un certain nombre de professeurs dans chaque
discipline pour une académie. Les besoins d'une rentrée suivante
sont traduits en postes d'enseignants.
Il me semblait important de vous cette étape essentielle de ce que l'on
appelle l'autonomie des établissements. Les établissements
disposent ,dans le cadre du respect des dispositions réglementaires,
d'un certain nombre d'initiatives et de possibilités pédagogiques
qu'ils traduisent dans leurs demandes.
Ensuite, c'est le mouvement des personnels qui intervient. En fonction des
demandes des établissements, une partie de la demande pédagogique
d'un établissement est couverte par le personnel en place. S'il y a
moins de service à assurer l'année suivante, il y a des
enseignants qui doivent quitter l'établissement. S'il y en a plus, il
faut que de nouveaux enseignants arrivent dans l'établissement.
De par sa constitution, cette demande pédagogique sera variable. Les
variations liées aux évolutions des obligations d'enseignements
-ce que l'on appelle traditionnellement chez nous les réformes- peuvent
influer sur les demandes des familles.
Par exemple, on a vu évoluer certaines années de façon
importante la demande en économie-gestion venant des lycées.
L'explication en est très simple : l'opinion publique est
passée de la conviction que tout élève d'une grande
école de commerce se voyait proposer trois emplois avant même
d'avoir mis les pieds à l'école à la conviction que des
diplômés de HEC ou d'autres grandes écoles de commerce
mettaient six mois à un an pour trouver un emploi ! Un tel discours
se traduit immédiatement par une modification de la demande des familles
et les enseignements optionnels de ce type sont moins demandés par les
élèves. Il y a une demande dont la variation peut être
importante.
L'offre pédagogique, ou la capacité d'enseignement que
représentent les enseignants, obéit à une logique de
continuité. Cette offre pédagogique varie en fonction de deux
éléments : la gestion des carrières des personnels,
en clair les départs à la retraite. C'est une donnée qui
ne peut pas évoluer de façon considérable car elle est
liée à la pyramide des âges et aux politiques de
recrutement.
On sait d'expérience qu'il est dangereux de procéder à des
politiques de recrutement en accordéon. On y perd sur le plan
qualitatif ; ensuite, il est extrêmement difficile d'expliquer
à un étudiant qui s'est engagé dans des études
d'histoire que quand il s'est engagé, il y avait 400 postes au
CAPES, mais que, arrivé au terme de ses études, il n'y en aura
plus que 20 suite aux calculs effectués concernant la demande.
Nous avons à concilier deux logiques : la demande
pédagogique des établissements qui connaît des variations
éventuellement importantes d'une année à l'autre d'une
part, et l'offre qui vient du recrutement, de la formation des personnels qui,
elle, ne peut évoluer que dans la continuité d'autre part.
Il semble qu'il y ait à la fois un problème d'adaptation,
purement quantitatif avec néanmoins un versant qualitatif comme dans
tous les problèmes d'ajustement.
A juste titre, on signale que la prévision en terme de recrutement du
ministère pourrait être améliorée. Il pourrait y
avoir chaque année un calibrage des concours de recrutement qui soit
plus fin, plus pertinent par rapport à l'évolution de la demande
pédagogique. Mais comme dans tous les problèmes d'ajustement, on
ne pourra pas faire l'économie indéfiniment d'un dispositif plus
qualitatif d'ajustement.
Ce dispositif a été réalisé pendant très
longtemps par le recours aux maîtres auxiliaires. L'écart
constaté à chaque rentrée entre la demande des
établissements à couvrir en enseignements et le potentiel
pédagogique disponible était couvert par un recours au
recrutement de maîtres auxiliaires. D'une façon
générale, l'offre pédagogique dans toutes les disciplines
était très inférieure aux besoins exprimés par
l'établissement. En plus, nous étions dans une situation
où le renouvellement des maîtres auxiliaires était
important. Chaque année, certains quittaient le système ; la
possibilité d'ajustement existait donc.
Le fait qu'il y ait eu des candidatures plus importantes aux concours de
recrutement avec un meilleur rendement en termes de lauréats, ainsi que
la revendication d'une stabilisation de leur situation par les maîtres
auxiliaires à laquelle les ministres ont répondu, nous
amène aujourd'hui à faire ces ajustements en ayant d'autres
méthodes que le recours aux maîtres auxiliaires. Il y a à
la fois le meilleur calibrage des concours et un dispositif que devrait offrir,
à mon avis, à partir de cette année la meilleure
conception du mouvement.
Le mouvement se fera en deux étapes : une étape
inter-académique, basée sur appréciation des flux
d'entrée dans les académies et une étape
intra-académique avec les affectations. En avril, nous disposerons d'une
connaissance assez fine de notre potentiel pédagogique. Nous
connaîtrons deux variables : la demande des établissements en
cours d'élaboration et le mouvement inter-académique, plus
exactement le potentiel pédagogique. Nous pourrons apprécier
discipline par discipline l'écart qui existe entre le potentiel dont
nous disposons et les demandes des établissements telles qu'elles
apparaissent en mars.
Nous disposons d'un mois pour faire un exercice avec les établissements
consistant à rediscuter leur structure pédagogique et à
voir les évolutions possibles. Avec une dotation de 600 heures, un
collège dispose d'heures-poste, par groupement de 15 ou de
18 heures, de service des enseignants et d'heures supplémentaires.
Des possibilités d'adaptation dans les établissements consistent
à donner un peu plus d'heures supplémentaires que la moyenne aux
enseignants des disciplines déficitaires. On augmente ainsi le rendement
d'un poste dans une discipline dans laquelle nous manquons de potentiel et on
diminue la charge en heures supplémentaires des enseignants dans les
disciplines au contraire excédentaires, en diminuant ainsi leur
rendement.
Cet exercice a une limite, mais dans un collège qui a 600 heures de
dotation globale d'enseignement, faire un ajustement de 1 % égal
représente 6 heures. Par exemple, cela peut signifier 2 heures
supplémentaires en moins en physique et 2 heures de plus en
mathématiques. Cela se discute avec les enseignants qui acceptent de
céder une heure supplémentaire que d'ailleurs ils ne souhaitaient
peut-être pas garder. Dans mon académie, qui compte 330
établissements, 330 fois 6 heures, cela donne 110 services
à 18 heures qui me laissent une possibilité d'ajuster
à hauteur de 110 postes.
L'exercice n'était pas possible jusqu'à présent car nous
ne connaissions la réalité de l'offre pédagogique que fin
août, au moment où la rentrée est complètement
bouclée. Même dans ces conditions, lors de la dernière
rentrée, nous avons constaté au dernier moment que notre
potentiel en mathématiques serait plus important que celui que nous
attendions et qu'au contraire, en physique, il serait légèrement
inférieur. En clair, nous manquions d'une dizaine de professeurs de
physique et nous avions une dizaine de professeurs de mathématiques pour
lesquels nous ne pouvions pas trouver de service. J'ai réuni les chefs
d'établissement le 26 août pour leur exposer la situation,
à savoir que toute remontée d'une demande d'une fraction de poste
dans la discipline de physique et tout retrait de demande de poste de
mathématiques seraient bienvenus.
Le problème a été résolu. Ceux qui en avaient la
possibilité ont réuni les professeurs de mathématiques et
de physique pour leur expliquer que s'ils arrivaient à faire absorber
aux physiciens 9 heures supplémentaires de plus et au contraire,
faire rendre aux mathématiciens 9 heures supplémentaires,
qui seraient transformées en heures-poste, seraient demandés un
demi poste de mathématique en plus et un demi poste de physique en
moins. L'effet a joué sur un nombre suffisant d'établissements
pour que nous puissions ajuster.
Comme je pensais que vous m'interrogeriez dans les fonctions de recteur
d'académie, je voulais vous faire part de ce qui me paraissait
être l'enjeu premier de la gestion des personnels au niveau d'une
académie. Au-delà des améliorations des prévisions
en termes de recrutement, il s'agit d'avoir une mécanique d'ajustement
plus qualitative, mieux adaptée à la préparation d'une
rentrée. Je crois que le nouveau mouvement en deux étapes nous
permettra, entre la fin du mouvement inter-académique en avril et le
début des affectations intra-académiques du mois de juin, d'avoir
une période supplémentaire de dialogue avec les
établissements. Cela permettra à la marge des évolutions
des besoins tels qu'ils sont exprimés dans chaque établissement,
mais dont l'addition au niveau de l'académie peut nous permettre
d'ajuster de façon plus précise la demande des
établissements par rapport à la réalité de notre
offre pédagogique.
M. le Président -
Je voudrais apporter une
précision. Nous avions souhaité vous entendre aussi parce que
nous savons que le ministre vous a chargé d'une mission sur les
conditions de travail et de vie des personnels enseignants. Votre
expérience de recteur d'académie nous est évidemment
précieuse, mais nous avons aussi pensé à ce travail dont
vous êtes chargé.
Nous souhaitons que vous puissiez nous préciser l'objet et les objectifs
de votre mission, que vous nous donniez quelques indications sur la
façon dont elle se déroule, les thèmes abordés.
Nous aimerions savoir si vous pensez, dans votre rapport final, devoir faire
des propositions de nature à réformer la gestion des personnels
enseignants.
M. Daniel Bancel
- Je pense pouvoir vous
répondre sur la première partie. Sur la seconde, cela me
paraît plus difficile car nous sommes tout à fait au début
de nos travaux.
La mission confiée par le ministre porte sur les conditions de travail
et de vie des enseignants. Dans sa lettre de mission, le ministre montre un
intérêt particulier aux professeurs de lycée, mais la
mission portera sur l'ensemble des enseignants. L'attention particulière
pour les professeurs des lycées sera liée à la
coïncidence de calendrier puisque, parallèlement à la
réflexion que m'a confiée le ministre, des évolutions dans
les pratiques pédagogiques sont en cours dans les lycées.
La lettre de mission reste néanmoins très large. Ma
première lecture s'est faite d'abord dans le sens d'apporter des
réponses concrètes à des interrogations, des demandes des
enseignants qui paraîtraient légitimes à travers un travail
que je ferai. Il est à noter que les enseignants voient leurs conditions
de travail évoluer de façon importante en ce moment.
Pour ce travail, j'ai écarté a priori l'idée d'une
consultation après la récente consultation Meirieu qui s'est
déroulée au printemps dernier. Il me paraissait imprudent de
lancer une nouvelle consultation aussi importante. En outre, il y a quelques
risques à une large mobilisation à travers un questionnaire.
Ensuite, ce n'était souhaité par personne.
J'ai préféré adopter la méthode du groupe de
réflexion, du séminaire comme on en rencontre au niveau
universitaire. Je l'ai composé de la manière suivante : il
comporte 16 personnes : 8 sont des experts dont les noms m'ont
été suggérés par les organisations syndicales. Ils
sont là à titre personnel certes, mais aussi en raison de leur
notoriété, ils appartiennent à des organisations
syndicales. Ils apportent leurs réflexions personnelles, mais aussi tout
ce qui a été conduit au sein des organisations syndicales sur
cette question et qui ne manque pas d'intérêt.
Par ailleurs, 8 membres dont je suis, sont plus institutionnels. Je les ai
choisis en fonction de leurs places dans l'institution : un inspecteur
général de l'éducation nationale, un inspecteur
général de l'administration de l'éducation nationale, un
directeur d'IUFM, un proviseur de lycée, un inspecteur
pédagogique régional et un sociologue, spécialiste des
problèmes d'organisation du travail qui est " l'empêcheur de
penser en rond ". De temps en temps, il nous fait remarquer que cela fait
trois fois que l'on répète la même chose sous des formes
différentes et que dans la sociologie d'organisation, c'est sur tel
point que l'on bute.
Nous travaillons sous forme de séminaire : nous nous sommes
réunis la semaine dernière deux jours à Lyon. Nous allons
nous élargir pour travailler en table ronde. Début
février, nous aurons une table ronde de 40 personnes sur
l'incidence des nouvelles technologies de l'information et de la communication
sur les activités et les conditions de travail des enseignants. Pour
certaines questions précises, je n'exclus pas d'avoir recours à
des enquêtes, sous forme d'échantillons, si l'on butait sur une
question pour laquelle on s'aperçoit que l'on n'a pas d'informations
précises et qu'aucune étude ne permet de répondre à
notre question. Je maintiens les contacts bilatéraux avec les
organisations syndicales.
Voilà pour la méthode qui consiste à traiter la question
sous forme d'un séminaire. Cela m'a amené à voir
évoluer la conception de la mission que m'a confiée le ministre.
Je pensais faire la liste des questions méritant aujourd'hui une
amélioration dans les conditions de travail et de vie des enseignants
afin de décider des réponses concrètes. Nous nous sommes
aperçus assez vite que notre travail n'avait pas de sens si nous
n'élargissions pas notre réflexion et que nous ne pouvions
éviter de placer celle-ci dans un contexte d'évolution forte
à la fois du métier d'enseignant et du système
éducatif.
Nous avons consacré deux séances à auditionner des
personnalités qui, de par leurs fonctions importantes pendant
10 ans à l'éducation nationale, ont vu évoluer le
système. Ces experts nous ont permis de mettre en évidence deux
choses : premièrement, le métier d'enseignant a
considérablement évolué ces dernières
années. Certains disent même qu'il n'y a plus un métier
d'enseignant, mais des métiers d'enseignant. Il est très
difficile de comparer les conditions d'enseignement dans un lycée
à l'abri du Panthéon avec celles d'un collège de banlieue.
La tendance générale est donc à la diversification des
conditions d'exercice du métier. Par ailleurs, on s'aperçoit que
la demande de l'institution et des partenaires -ce n'est pas propre à
l'éducation nationale- est une demande d'uniformisation. D'une certaine
manière, la formation des maîtres s'est uniformisée. On
recrute tous les maîtres à bac + 3. Il y a des parties
communes dans la formation.
D'autre part, les statuts des personnels enseignants -il s'agit d'une
revendication permanente- ont tendance à se rapprocher. Ce n'est pas
propre à l'éducation nationale ; dans toutes les
catégories sociales, il y a cette demande forte de statut unifiant.
Enfin, il semble que notre institution renvoyait cette contradiction en
direction des établissements. On dit que l'établissement,
à travers son projet d'établissement, son autonomie
pédagogique, trouvera bien la réponse. Quand on regarde les
conditions de mise en oeuvre, à chaque fois que des propositions sont
faites sur les conditions de travail des enseignants, comme le travail en
équipe, c'est invariablement la même réponse : la mise
en oeuvre se fera à travers le projet d'établissement. C'est le
premier point sur lequel nous sommes tombés d'accord, à savoir
qu'il y avait là quelque chose qui nous paraissait quelque peu
contradictoire.
Je crois pouvoir le dire sans me tromper que la deuxième conclusion de
notre groupe est qu'il nous faudra faire des propositions pour conforter
l'enseignant expert dans la transmission des savoirs et dans les
apprentissages. Une partie aujourd'hui des difficultés que rencontrent
des enseignants -on parle de malaise- est due au fait qu'ils se posent la
question de savoir pourquoi ils sont là. Sont-ils là pour
transmettre des savoirs ? Il faut les confirmer dans leur rôle
d'experts. Cela nous amènera à dire des choses en matière
de formation.
Il y a 10 ans, à la demande du ministre de l'époque, j'avais
conduit la réflexion sur la création des IUFM. Les propositions
faites à l'époque m'ont valu des critiques à la limite de
ce qui est acceptable. J'ai été qualifié de destructeur
des savoirs ; il y a eu des rapports très sévères sur la
création des IUFM, attaques dues à l'affirmation qu'il fallait
renforcer la professionnalisation de la profession, que ce métier
devenait difficile et qu'il supposait une formation au-delà de la simple
maîtrise des savoirs.
J'ai entendu à l'époque que maîtriser une discipline
était largement suffisant ; que la possession d'un savoir
génère sa pédagogie ; qu'il n'y avait pas besoin de
se casser la tête pour savoir comment enseigner. Un jour, devant un
collège international de philosophie 400 philosophes m'ont
traité de tous les noms parce que je préconisais le travail en
équipe. Je demandais que, au-delà de l'enseignement d'une
discipline, un enseignant ait une vision plus globale de sa mission
éducative et qu'il s'intéresse à des problèmes
comme l'orientation, comme la participation à un projet
d'établissement.
A l'époque, c'était complètement hérétique
et je constate qu'aujourd'hui, non seulement c'est admis, c'est demandé,
mais cela fait partie du langage courant. Personne ne récuse aujourd'hui
l'idée que le travail en équipe est partie intégrante du
travail d'enseignant. Une première partie sera de conforter cette
expertise du métier d'enseignant.
Nous avons commencé à travailler sur la référence
disciplinaire. Les enseignants en France ont une forte identité
disciplinaire. Nous n'avons absolument pas l'intention de mettre cette
identité en cause ; nous avons même l'intention de la
renforcer, mais en prenant conscience que ce repère n'est plus un
repère fixe.
Il y a une époque où une discipline, un cursus d'enseignant du
second degré ne bougeait pas. On pouvait enseigner pratiquement sa
discipline du début à la fin de sa carrière sans
évolution importante. Aujourd'hui, sous la pression de
l'évolution des savoirs avec des connaissances scientifiques qui
évoluent très vite, sous l'influence de nouveaux médias de
communication avec les jeunes, et le fait est que les informations arrivent
à nos élèves sous des formes diverses, les disciplines
vont évoluer en permanence.
Pour ne pas gêner les enseignants par rapport à ce repère
qui n'est plus fixe, nous allons préconiser une formation dans laquelle
l'enseignant sera plus acteur de l'évolution de la discipline. Ce n'est
pas quelque chose de statique. Une discipline est une construction, une
façon de transformer les savoirs scientifiques en savoirs tels qu'ils
doivent être enseignés, avec des aspects didactiques,
épistémologiques, pédagogiques.
Les constructions, les méthodes peuvent être différentes
dans d'autres pays. Simplement, il faudra peut-être envisager une
formation moins statique où les instructions déterminent toujours
la méthode d'enseignement d'une discipline, mais où les
enseignants doivent être plus associés à un processus
continu d'évolution.
Nous affirmons aussi, dans un premier temps, que l'enseignant n'est pas un
répétiteur. C'est un concepteur. Donc, sa formation
professionnelle doit lui permettre en permanence de répondre aux
conditions précises de l'enseignement devant une classe. Un enseignant
n'est pas quelqu'un qui arrive dans une classe avec un mode d'emploi. Ce n'est
pas un micro ordinateur qui restitue toujours de la même manière
les mêmes savoirs. Il doit en permanence faire évoluer sa pratique
face à des publics différents. Il est donc concepteur de sa
pratique et non pas répétiteur.
Nous avons travaillé aussi sur le travail en équipe, notion sur
laquelle tout le monde semble d'accord aujourd'hui. Nous ne pensons pas faire
des propositions pour le rendre obligatoire, même si c'est une partie
intégrante du métier, mais nous prévoyons des mesures
incitatives. La démarche serait contractuelle. La mise en oeuvre d'un
travail en équipe ferait l'objet d'un protocole national. La
méthodologie serait définie et précisée au niveau
national. L'établissement ferait des propositions pour mettre en oeuvre
le travail en équipe. Il y aurait contractualisation avec les
autorités académiques, ce qui impliquerait qu'un protocole soit
négocié de façon contradictoire avant sa mise en oeuvre.
Pour qu'il soit évalué, il faut un système
d'évaluation et de constat du service fait.
Il y a des débats au sein de la commission sur cette procédure de
nature contractuelle et contradictoire qui permettrait d'apprécier en
permanence la réalité du travail en équipe. On jugerait de
l'évolution ou non du travail en équipe. Une conception
différente est celle de certains syndicats qui verraient une attribution
forfaitaire aux enseignants pour le travail en équipe : cela
représente tant concernant l'obligation de service.
Nous avons travaillé aussi sur le thème de l'enseignant dans
l'établissement en écoutant des chefs d'établissement.
Cela nous paraît un élément très important qui
tourne autour de trois thèmes. D'abord l'information. Il semble qu'il va
falloir renforcer l'information au sein des établissements. Il y a trop
d'enseignants qui découvrent au bout de 6 mois qu'il y a une
bibliothèque, un lieu de travail, qui savent que le projet
d'établissement tourne autour de tel ou tel axe. Il faudra trouver des
outils pour informer en permanence sur ce qui est la vie de
l'établissement.
Ensuite, il est nécessaire de créer des solidarités
c'est-à-dire ne pas concevoir un établissement comme un lieu
fusionnel où l'on perd son identité, mais un lieu dans lequel un
enseignant en difficulté avec quelques élèves peut
échanger avec les enseignants de la même classe pour savoir par
exemple s'ils rencontrent les mêmes difficultés. Il faut donc que
se constitue une vision solidaire de l'équipe éducative.
En tant que recteur d'académie, je suis frappé de voir comment,
dans la quasi totalité des cas, des problèmes peuvent surgir dans
les établissements quand il n'y a pas de solidarité et de
cohérence au sein de l'équipe éducative. Quand il y a des
tensions au sein de l'équipe, par exemple entre le chef
d'établissement et une partie de l'équipe pédagogique, ou
au sein même de cette équipe pédagogique,
immédiatement, les élèves s'en aperçoivent.
Donc, c'est le troisième terme que l'on va développer :
celui de cohérence et de permanence, -j'entends permanence du service
public. A titre d'exemple, il nous faudra trouver des modalités pour
que, d'une année sur l'autre, un élève ne passe pas d'une
notation de 14 sur 20 à 8 sur 20 dans une discipline sans que rien ne le
justifie dans la qualité de son travail. Donc, on vise à ce qu'il
y ait, en terme d'évaluation, une cohérence et une permanence au
sens de permanence du service public. Aujourd'hui, les élèves
n'admettent plus que dans une discipline, en n'ayant aucun changement, on
puisse avoir un travail qui était apprécié une
année 14 sur 20 et l'autre année 8 sur 20.
C'est une question difficile. A titre expérimental, dans
6 lycées de l'académie de Lyon, j'ai lancé des
équipes de discipline qui ont travaillé sur la notation et sur
l'attribution d'un même sens aux appréciations dans un livret
scolaire. Que veut dire :
"peut mieux faire"
par exemple ?
Cela a pris toute l'année. Les enseignants ont été
passionnés. Il n'y a pas eu besoin de rappeler que la réunion
avait lieu tel jour à telle heure. Il y a eu participation permanente.
L'établissement n'est pas un espace fusionnel, espèce de
communauté dans laquelle l'individu disparaît, mais un endroit
où circule l'information, où se crée des
solidarités indispensables dans certaines situations et dans lequel il y
a cohérence vis-à-vis des élèves. Il convient
qu'ils aient à faire aux mêmes évaluations et aux
mêmes appréciations pour des faits identiques.
Ensuite, nous allons commencer à aborder le parcours professionnel. Nous
allons reprendre la formation initiale, la formation continue, la gestion de la
carrière, la mobilité, la prévention des
difficultés.
D'une manière très générale, je pensais que cette
mission connaîtrait une conclusion assez rapide autour de réponses
concrètes à des questions bien identifiées, alors que nous
en faisons une réflexion sur plusieurs questions avec un fil conducteur
qui est l'enseignant dans sa classe, dans une équipe, dans son
établissement, dans son parcours professionnel au sein de l'institution.
M. le Président -
Nous vous remercions pour ce
double exposé. La parole est au rapporteur adjoint.
M. André Vallet, rapporteur
adjoint
- Nous avons posé une question sur la bivalence,
qui suscite un certain intérêt dans cette commission, à
d'autres personnes auditées. Considérez-vous, vous aussi, qu'il
serait souhaitable de mettre en place la bivalence, voire la polyvalence, au
moins dans les collèges et au moins pour les petites classes de ces
collèges ?
En ce qui concerne la gestion des emplois -puisque c'est l'une des missions
principales de notre commission- pouvez-vous nous assurer aujourd'hui que dans
l'académie que vous dirigez, vous connaissez exactement le nombre, le
nom, les affectations des fonctionnaires de l'éducation nationale qui
travaillent dans votre académie ? Y a-t-il des postes
éducation nationale qui vous échappent, qui sont financés
directement par le ministère ou autrement ? Avez-vous une vue
totale, globale et complète des postes éducation nationale de
votre académie ?
Il a été évoqué -cela vous préoccupe aussi-
le problème des remplacements et des maîtres auxiliaires. Pour ces
derniers, la tendance ministérielle nous indique que cela va
disparaître. Cependant, de nombreux intervenants ont indiqué que
ce n'était pas possible et que le maintien des maîtres auxiliaires
était une nécessité pour organiser les remplacements, mais
aussi pour permettre à certains établissements de fonctionner.
Le problème des heures supplémentaires a également
été évoqué. Pensez-vous, comme le réclament
à cor et à cri les syndicats, que les heures
supplémentaires peuvent être transformées en postes
effectifs ? Peut-on diminuer fortement les heures
supplémentaires ?
Vous avez aussi évoqué le problème de la
déconcentration du mouvement des enseignants du second degré. A
votre avis, est-ce une bonne chose qui permettra de rationaliser les
emplois ? Enfin, pensez-vous que les concours de recrutement devraient
être également déconcentrés ? Est-ce une
avancée nécessaire ? Participez-vous, en tant que rectorat,
à la détermination du nombre de postes qui sont mis au
concours ?
M. le Président -
Quels sont les rôles
respectifs des recteurs, des inspecteurs d'académie et des
trésoriers-payeurs généraux dans l'affectation et le
contrôle des emplois ? Nous avons aussi entendu des intervenants qui
se sont étonnés des difficultés de l'éducation
nationale à gérer l'entreprise éducation comme on le fait
d'une autre entreprise, en prévoyant les départs en retraite, les
besoins que ceux-ci généreront, avec une vision pluriannuelle de
la politique à mener. Pourtant, jusqu'ici le recrutement continue
à se faire année après année, avec des postes qui
sont mis aux concours et qui ne sont guère prévisibles d'une
année sur l'autre. Les variations des concours de recrutement du CAPES
et de l'agrégation en donnent actuellement l'illustration. Pourriez-vous
nous donner votre sentiment sur ce point ?
M. Daniel Bancel
- Sur la déconcentration des
recrutements, je ne pourrais pas vous dire que ce n'est pas une bonne
idée puisque le ministre m'a demandé de diriger le comité
de pilotage de la déconcentration. C'était absolument
indispensable, pour une raison simple qui n'est contestée par personne.
Qu'est-ce qu'un mouvement ? C'est un rapprochement entre les besoins du
service public et les voeux d'affectation des personnels. La première
question à se poser, avant même de savoir s'il doit être
concentré ou déconcentré, est de savoir s'il existe un
moment où ce rapprochement est optimal.
Il y a deux logiques contradictoires : la logique de l'institution est de
retarder au maximum ce mouvement car la rentrée est
définitivement prête la veille de la rentrée.
L'idéal serait de faire le mouvement des enseignants pendant la nuit qui
précède la rentrée. Ils apprendraient à minuit
qu'ils sont affectés à tel ou tel établissement ; dans la
nuit, ils scolariseraient leurs enfants et retrouveraient un appartement pour
être présents le lendemain matin à huit heures dans le
nouvel établissement. Cela serait parfait pour nous Il n'y aurait aucune
erreur.
La deuxième logique est celle des personnels qui souhaitent
connaître le plus longtemps à l'avance leur affectation de
façon à avoir le temps de gérer les problèmes. Si
l'on veut bien dire que c'est la base d'un mouvement, il y a un moment
optimal : la première quinzaine de juin. On s'aperçoit que
l'on gagne peu en informations sur la rentrée après le mois de
juin. On connaît toutes les mesures individuelles, départs en
retraite, congés, CPA, CFA, etc. L'orientation au niveau
macro-économique est assez bien connue. Il n'y a que les
résultats du bac qui manquent, mais ce n'est gênant en termes de
structure pédagogique que quand il n'y a des résultats atypiques
dans une série. Quand, dans une série, on a un échec
massif des candidats, il faut créer alors quelques classes
supplémentaires. Mis à part les aléas d'un
établissement à un autre, on sait gérer les redoublements.
Si on peut affecter les enseignants en juin, on s'aperçoit bien que
connaître son affectation à cette période donne le temps de
scolariser ses enfants, de rechercher un logement au mois de juillet où
les opportunités sont plus nombreuses que fin août. A ce
moment-là, si on veut faire l'affectation des personnels en
première quinzaine de juin, on doit abandonner le mouvement national. On
ne peut faire 150 000 affectations en 15 jours au niveau
national. Sauf à faire disparaître le paritarisme et à
considérer que l'ordinateur donne l'affectation, et qu'ensuite ses
résultats ne soient pas contestés !
Si on fait ces opérations au niveau des 30 académies, il y a
plus de 5000 dossiers à traiter en 8 ou 10 jours, dont
10 % de dossiers difficiles. La plupart sont évidents. On a
80 dossiers par jour à étudier, dans la transparence et la
concertation. Si on veut faire les affectations en juin au niveau des
académies, il faudrait que, en amont, le mouvement inter
académique se fasse au printemps sur la base d'une prévision des
flux par académie : on apprécie niveau par niveau,
discipline par discipline et besoins d'enseignements ; on les corrige des
départs à la retraite avec les règles habituelles de
prévision. De cette façon, on donne les droits d'entrée
dans l'académie qui sont le solde positif ou négatif au terme du
mouvement.
Donc, grande discipline par grande discipline, on fait une approche
macro-économique au niveau de l'académie. On sait qu'une bonne
approche macro-économique est toujours préférable à
une somme de micro-prévisions. On sait très bien prévoir
dans une académie, à quelques unités près, les
besoins en enseignants d'une discipline d'une année sur l'autre. Ce
mouvement se fera en deux temps, et entre les deux, on aura une
possibilité d'ajustement.
Cela n'a rien à voir avec les concours de recrutement. A titre
personnel, je pense qu'ils doivent rester des concours nationaux. Lorsque je
m'étais occupé des IUFM, c'est quelque chose que l'on m'avait
suggéré de préconiser : des concours de recrutement
au niveau académique. Je m'y suis tout à fait opposé. Le
standard national de recrutement est important. C'est dans notre culture et
c'est très important. Cela n'a pas forcément à voir avec
les contraintes de mobilité. Un concours de recrutement n'impose pas
pour autant aux candidats de Marseille d'aller faire leurs années
à Lille, à ceux de Lille d'aller à Créteil et ceux
de Créteil d'aller à Strasbourg. Il y a une contrainte de
mobilité actuellement qui n'est au bénéfice de personne.
Il doit y avoir une mobilité minimale.
Sur le nombre de postes, nous sommes consultés à travers les
informations que nous faisons remonter sur l'évolution des structures,
mais c'est le ministère qui traite ces informations.
Faut-il des maîtres auxiliaires ou pas ? Je m'inscris en faux. Je
prétends que notre système serait parfaitement en mesure de
fonctionner sans maîtres auxiliaires. C'est une solution de
facilité. C'est l'objet d'une politique constante dans l'académie
de Lyon. Vous avez peut-être remarqué qu'au moment où l'on
avait parlé dans la presse du chômage des maîtres
auxiliaires, l'académie de Lyon avait le taux de chômage le plus
faible en France. Affirmer la nécessité des maîtres
auxiliaires est une position qui n'est pas défendable. C'est à la
limite une facilité de gestion.
Dans l'académie de Lyon, on ne recrute pratiquement pas de maîtres
auxiliaires. Je n'en ai pas recruté pendant deux ans. J'ai
été obligé d'en engager un ou deux cette année
devant la carence du recrutement en sciences de la vie et de la terre puisque
le ministère ne nous a pas envoyé assez d'enseignants. Nous avons
recours à un système de vacation, conçu comme une aide aux
études. Quand nous avons un service de 18 heures à faire
dans l'agglomération lyonnaise pendant trois mois, je m'adresse à
mes collègues, présidents d'université ou directeur de
l'école normale supérieure.
Des étudiants, très avancés dans leurs études
-maîtrise, troisième cycle- se partagent ce service. Trois
étudiants prennent chacun six heures et assurent le service. Je n'ai
aucune protestation. L'avantage est qu'ils sont vacataires. Si au bout d'une
semaine, on s'aperçoit qu'ils ne sont absolument pas aptes à
enseigner, on les remercie. Il n'y a aucun engagement. Il n'y a pas de
contestation des parents. Pour l'étudiant, c'est
intéressant : à raison de six heures par semaine, s'il fait
200 vacations dans l'année avec un taux net de 200 francs, il
touche 40 000 francs dans l'année. Pour payer ses
études, il n'a pas besoin d'aller s'embaucher dans des
supermarchés le samedi, ni d'aller décharger des camions au
marché. Il a des revenus qui lui permettent de faire ses études.
La principale différence avec les maîtres auxiliaires est que le
vacataire, étudiant de troisième cycle ou en maîtrise, a
encore l'ambition de réussir un concours d'enseignement. Là, il
se rode. Pendant ses études, il prend contact avec le métier.
Ensuite, il a l'intention de rentrer à l'éducation nationale en
réussissant les concours. La différence avec un maître
auxiliaire est que ce dernier a renoncé à réussir un
concours et pense bien qu'après quelques années en tant que
maître auxiliaire, on l'utilisera dans un dispositif quelconque.
Dans l'académie, on recrute quelques contractuels dans les disciplines
technologiques et professionnelles. Ce n'est pas pareil. Récemment, un
spécialiste d'ébénisterie à la suite d'un accident
a dû se faire soigner le genou, il m'a fallu trouver un professionnel.
J'ai recruté un contractuel. Mais on recrute le minimum de maîtres
auxiliaires. Les possibilités de remplacement de l'académie sont
affectées dans les zones excentrées par rapport aux centres
universitaires. Je ne peux pas solliciter des étudiants à Oyonnax
ou dans l'est de l'Ain. Je réserve le potentiel de remplacement dont je
dispose pour les zones excentrées. Sur Saint Etienne et sur Lyon, on
recrute au maximum des vacataires.
Le dispositif d'ajustement de l'offre et de la demande dont nous disposerons
grâce au nouveau mouvement s'accompagnera donc d'une politique qui serait
d'avoir plutôt recours pour des remplacements de faible durée
à des étudiants qui prennent ainsi contact avec le métier.
Je n'ai pas de contestation lorsque je nomme un agrégatif de
l'école normale supérieure ou de l'université pour faire
encadrer deux classes de collège à raison de trois heures par
semaine dans chaque classe. Je n'ai jamais eu de contestation au niveau
pédagogique. Il est en général très bien
reçu par l'équipe des enseignants. On l'aide. En trois mois, il
prend contact avec son futur métier. Cela se fait souvent.
Les HSA sont une variable d'ajustement indispensable. Avec des services
d'enseignement à 15 ou 18 heures, on ne peut pas réaliser
toutes les obligations d'enseignement. Il y a des nombres d'heures à
assurer qui ne sont pas des multiples de 15 ou 18. Il faut bien un minimum. On
a eu tort d'abuser des heures supplémentaires.
Je suivrai certaines personnes pour dire que le nombre des heures
supplémentaires est peut-être excessif aujourd'hui. Il faut les
réduire, mais on aura toujours besoin d'un volant d'heures
supplémentaires. S'il y a 19 heures à assurer, je ne vois
pas comment faire autrement que de les confier à un certifié qui
fait 18 heures en lui demandant de faire une heure supplémentaire.
On ne peut pas priver les élèves d'une heure ou faire venir un
enseignant juste pour une heure.
Les recteurs et les inspecteurs d'académie gèrent les postes.
Pour ce qui relève du trésorier payeur général, je
peux vous donner la situation dans l'académie de Lyon. On
considère à juste titre que notre gestion est bonne. Je ne suis
pas peu fier que l'académie de Lyon n'ait aucun surnombre
budgétaire et n'ait jamais dépassé le caractère
limitatif de ses crédits. C'est une orthodoxie absolue. Dans cette
académie, les gestionnaires savent que c'est votre pouvoir de voter le
budget. Comme je dis parfois aux syndicats, le recteur n'est plus un fermier
général. Depuis 1789, les fermiers généraux
n'existent plus. Je ne me sens aucune compétence à
prélever l'impôt. Ce que la représentation parlementaire
souveraine nous a attribué en postes et en crédits, nous le
respectons. C'est pour cette raison qu'avec le TPG qui connaît la
situation, je n'ai aucun problème.
Quitte à paraître présomptueux, je crois que je connais la
situation de toutes les mises à disposition de toute l'académie.
Il y en a trois qui ne sont d'ailleurs pas de vraies mises à disposition
mais des mi-temps : un mi-temps auprès de l'observatoire de Lyon
car, depuis cette rentrée, nous préparons avec l'observatoire
toute une série d'actions pédagogiques pour faire
bénéficier les élèves de l'académie de
visites et de produits pédagogiques. Une personne travaille à
mi-temps à la direction régionale des affaires culturelles pour
monter toutes les opérations. Une autre travaille auprès de
l'institut d'urbanisme et d'architecture avec lequel nous faisons des
opérations. Il y en a une aussi auprès de la maison des enfants
d'Izieu ; elle travaille avec le musée d'Izieu à la
définition de produits pédagogiques, de protocoles de visites. Ce
ne sont pas des mises à disposition ; ce sont des enseignants qui
passent une partie de leur activité à l'extérieur de la
maison éducation nationale, toujours avec cette logique de
préparer un partenariat fort en matière pédagogique.
Sur la bivalence, c'est une question délicate. D'abord, cela ne peut
avoir de sens qu'au niveau pédagogique. C'est une erreur de l'aborder en
termes de gestion. Je vous le disais au début : notre
réflexion porte sur la définition des champs disciplinaires avec
une vision non statique.
Certaines bivalences peuvent être intéressantes et à la
limite, être demandées par les enseignants. Si c'est autour de
cette approche pédagogique, ce sont des questions qui peuvent être
intéressantes. Si on le conçoit en termes de gestion, cela va
à l'encontre de ce que pense notre commission dans le fait de ne pas
avoir une vision statique de la discipline. Que cette vision statique soit
univalente ou bivalente, elle reste statique.
Cela dit, il est clair que si l'on fait une vision non statique de nos champs
disciplinaires, il faudra peut-être un jour s'intéresser à
des questions toutes simples : pourquoi en France la physique - chimie
est-elle considérée comme une valence, alors que pourraient tout
aussi bien l'être la chimie et la biologie ? On pourrait très
bien rapprocher la géographie, qui est une géographie physique,
des sciences de la vie et de la terre.
S'il s'agit de ces types de conception, c'est-à-dire reconstruire les
champs disciplinaires en fonction de l'approche pédagogique et de
l'approche scientifique, cela me paraît intéressant et de nature
à ouvrir des possibilités et des souplesses pour les petits
établissements. Si on en fait une règle de gestion en imposant
une valence artificielle, à mon avis, on ira inutilement à
l'encontre de ce que souhaitent les enseignants. De plus, l'approche
gestionnaire me paraît extrêmement réductrice et risque de
renforcer le caractère trop statique de nos champs disciplinaires.
M. le Président -
S'il n'y a plus d'autres
questions, je vous remercie. Si vous avez des documents ou des
éléments complémentaires à apporter à la
commission, nous vous serions reconnaissants de nous les faire parvenir. Nous
avons six mois pour rendre notre rapport qui sera donc achevé au
début du mois de mai.
M. Daniel Bancel
- Si j'ai rendu mon rapport au
ministre avant cette date, et avec son accord, je me ferai un plaisir de vous
en envoyer un exemplaire.
AUDITION DE M. PIERRE DANIEL, SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL
ET DE M. FERNAND GIRARD, DÉLÉGUÉ
GÉNÉRAL
DE L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
(20 JANVIER
1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Pierre Daniel.
M. Adrien Gouteyron, président -
Notre
commission d'enquête a été constituée par le
Sénat. Nous incluons, dans cet intitulé un peu long,
l'enseignement privé lié par contrat avec l'Etat. Il est donc
plus que normal que nous vous entendions.
Vous avez la parole pour un exposé introductif avant que nous passions
aux questions.
M. Pierre Daniel -
Vous disposez d'un dossier dont j'ai
préparé le contenu afin d'aller le plus rapidement au fait. Ce
dossier présente un premier volet sur l'enseignement
général et technique relevant du ministère de
l'éducation nationale et un deuxième volet sur l'enseignement
agricole relevant du ministère de l'agriculture.
Dans ce dossier, vous trouverez quelque chose de particulier par rapport au
ministère de l'éducation nationale. L'enseignement privé
sous contrat a droit à des heures d'enseignement transformées en
emplois à temps plein (ETP), mais calculées au plan
budgétaire sur des heures. Vous verrez alors les moyens qui nous sont
donnés aujourd'hui. Quand je parle de l'enseignement privé sous
contrat, ce sont toutes les catégories régies par la loi
de 1959 modifiée, hors instituts médico-pédagogiques
qui relèvent de la loi de 1975.
Nous avons fait les ratios (nombre d'élèves par
enseignant) : à un professionnel dans l'enseignement privé
sous contrat, correspondent, toute heure payée par l'Etat,
13,63 élèves. Pour l'enseignement public, le ratio est de
1 pour 11. Dans le premier degré, c'est la même chose.
Nous avons aussi un ratio de 22,93 élèves pour un
enseignant. La différence se situe sur des points beaucoup plus
particuliers, non pas sur les heures d'enseignement face aux
élèves, mais sur ce que nous appelons les heures de
suppléance.
Lorsqu'un professeur tombe malade, soit reconnu malade, soit en congé de
formation ou autre, reconnu par le ministère de l'Éducation
nationale, nous ne connaissons pas l'enveloppe des heures de suppléance
mises à disposition de chaque rectorat. Nous savons toutefois que, dans
les budgets actuels, en particulier pour 1999, le total des heures de
suppléance doit être réduit.
La seconde question par rapport à l'enseignement public, concerne les
décharges des directeurs du premier degré qui ne sont acquises,
dans l'enseignement privé sous contrat, que dans les unités
pédagogiques ayant un minimum de huit classes, alors que dans certaines
académies, des décharges pour l'enseignement public sont
données à partir de trois ou quatre classes.
Il y a donc difficulté à trouver des comparaisons possibles entre
les heures affectées à l'enseignement ou décharges,
puisque ce sont des heures d'enseignement considérées comme des
décharges, entre l'enseignement privé et l'enseignement public.
Une autre différence, également difficile à calculer car
n'étant pas régie par des textes précis, concerne les
décharges de représentation syndicale. Nous avons un
problème à résoudre. Selon notre calcul, nous serions en
retard, d'après les syndicats, d'une cinquantaine de décharges en
moins de représentation syndicale, mais aucun texte précis ne
gère ces décharges pour l'enseignement privé.
La redistribution annuelle des emplois se fait à partir de calculs
théoriques d'heures d'enseignement sur le nombre d'élèves.
Après négociations avec le ministère, nous proposons des
retraits d'emplois dans certaines académies pour les mettre à
disposition dans des académies dont l'effectif scolaire croît, en
fonction du besoin scolaire reconnu.
Le ministère a, aujourd'hui, donné un accord de principe pour des
moyens nouveaux, quant à nos établissements qui correspondent aux
desiderata des zones nouvelles d'éducation prioritaire, en fonction de
leur population, de la situation financière des élèves et
de leurs familles. Dès lors, nous allons essayer de travailler pour que
ces établissements ne soient pas laissés de côté et
puissent eux aussi travailler en réseau.
Enfin, l'enseignement privé sous contrat a certainement un retard dans
ce que l'on appelle la mixité sociale. Par le fait de son histoire, il
est moins implanté que l'enseignement public dans des zones difficiles.
Toutefois, il doit, comme nous l'avons demandé pour l'enseignement
catholique, faire un effort particulier pour accueillir des jeunes provenant
des famille les plus démunies et en fonction de sa localisation à
l'intérieur de ces zones, sans pour autant porter atteinte au travail
qui se fait dans les établissements publics de ces zones.
Cela signifie que nous ne voulons pas ouvrir n'importe où n'importe
comment, au risque de reconstituer des ghettos au sein de certaines
écoles publiques si nous ne prenions que les moins mauvais
élèves de l'enseignement public.
Toute l'orientation que j'ai donnée à l'enseignement catholique
est effectivement une réflexion sur ce principe et une mise en
application qui a déjà prouvé ses effets, notamment l'an
dernier en Seine-Saint-Denis. En effet, un grand nombre de familles a
demandé une inscription dans nos établissements, ce que nous
n'avons pu faire sans un rapport très étroit avec les directeurs
de l'enseignement public afin de prendre en compte cette mixité sociale
avant toute inscription dans nos établissements.
Certes, on peut lire, dans la presse, des déclarations de
créations de postes dont on ne dit pas assez souvent qu'elles viennent
en contrepartie des réductions d'emplois. Il est trop facile de dire
qu'il y aura 3 000 titulaires supplémentaires, mais du fait
qu'il y aura 3 000 contractuels de l'enseignement public en moins, le
résultat est nul.
Il nous faudra alors voir comment lire plus clairement les prochains budgets
pour être en harmonie avec les volontés ministérielles et
les décisions de ceux qui ont la responsabilité dans notre pays,
au niveau de la représentation nationale, de voter les budgets.
Je soulèverai deux points. Nous nous dirigeons de plus en plus vers une
intercommunalité, les syndicats de communes et la mise en commun des
moyens de plusieurs communes. Il y a lieu de réfléchir sur le
transfert de compétences, et si un tel transfert peut être valable
en ce qui concerne la responsabilité de l'école communale. S'il
peut y avoir transfert de charges, le transfert de compétences peut
être lourd de conséquences.
Dès lors qu'il y aurait lieu, dans l'intercommunalité, de mettre
des charges en commun, se poserait la question de l'application des contrats
d'association signés avec une commune et non pas avec une
intercommunalité. En effet, la loi ne nous le permet pas.
Cependant, tous les élèves d'une école dite intercommunale
dépendent, au niveau financier, de la commune dans laquelle ils
habitent. Ces communes peuvent-elles être chacune cosignataires d'un
contrat d'association avec l'enseignement public ?
S'agissant des DOM-TOM, ceux-ci se retrouvent sous notre responsabilité
s'agissant de l'enseignement catholique. Les situations sont très
différentes d'un département ou d'un territoire à l'autre.
Toutefois, nous notons des retards considérables en Guyane où,
quelles que soient les conditions des jeunes illégalement
installés sur le département de Guyane, on constate que plus de
20 % de cette jeunesse n'est pas scolarisée. Des efforts
particuliers devraient être faits dès lors que l'on ne peut les
prendre sur des excédents d'emplois sur la métropole pour les
affecter à ces départements d'outre-mer.
Cela n'empêche pas non plus qu'une interrogation forte a
été soulevée lors de la loi référendaire sur
la Nouvelle-Calédonie. En effet, le transfert des compétences,
notamment sur le premier degré privé, fait que le contenu de
l'enseignement peut être transféré, mais que les moyens de
cet enseignement ne seront pas transférés dans l'immédiat,
et ce encore pour quelques années.
On peut craindre un hiatus dans la mise en oeuvre des diverses
responsabilités entre l'Etat, le Territoire, les provinces et
l'assemblée territoriale.
Tels sont les éléments que je souhaitais souligner sur
l'enseignement privé sous contrat dépendant du ministère
de l'Éducation nationale.
M. le Président -
La parole est à M. Girard.
- M. Fernand Girard, délégué
général de l'enseignement agricole privé, prête
serment.
M. Fernand Girard
- Je parlerai des établissements
liés au Conseil national de l'enseignement agricole privé.
Ceux-ci relèvent de l'article 5 de la loi Rocard, lequel
prévoit une dotation en emplois sur le budget de l'Etat pour ces
établissements. Je ne parlerai donc pas de nos amis et collègues
des maisons familiale rurales qui ont une dotation forfaitaire et qu'il serait
plus difficile de répertorier ici car nous parlons de postes de
personnel. Voilà pour ma première remarque.
Deuxième remarque : cette enveloppe est gérée, au
niveau national, par le ministre de l'agriculture à la suite de
multiples concertations. Toutefois, les moyens ne sont pas
décentralisés dans l'enseignement agricole. Il y a donc toute
possibilité d'y voir clair. Nous n'avons pas de décisions
d'orientation prises ici et de décisions prises ailleurs. Nous sommes
sur un système national.
Cette dotation résulte de trois éléments :
- les obligations de service des enseignants, dans l'enseignement agricole, ont
été modifiées en 1993 et ont été
à l'origine d'emplois supplémentaires ;
- les filières de formation n'ont pas toutes les mêmes horaires et
bénéficient donc de dotations spécifiques. C'est le cas
dans l'enseignement professionnel ;
- l'évolution des effectifs.
Le tout est géré par un schéma prévisionnel
national auquel nous tenons beaucoup, dans l'enseignement agricole, pour la
clarté et en raison de notre éparpillement sur le territoire
national. C'est une condition pour y voir clair.
Je vous parlerai de cette dotation en enseignants contractuels. Je citerai deux
chiffres impressionnants pour l'enseignement agricole. De la
rentrée 1993 à celle de 1999, l'enseignement agricole
public a vu ses effectifs croître de 16 %. L'enseignement agricole
privé à temps plein, géré par l'article 4 de
la loi, a vu ses effectifs croître de 25 %.
Premier élément important : dans l'enseignement agricole, on
note une forte croissance de la demande sociale des familles et du remplissage
des filières de formation.
De ce fait, dans les ratios d'encadrement, on se rapproche des ratios de
l'enseignement général. Cependant, il est de moins en moins vrai
de dire que l'enseignement agricole, étant plutôt situé
à la campagne, coûte plus cher et nécessite plus de moyens
pour des effectifs plus limités.
L'autre événement particulier est le protocole d'accord que nous
avons dû signer sur la limitation des effectifs, ce qui n'est pas un
mince événement. Ce protocole a été signé le
26 février 1997, non pas à la demande des organisations
publiques ou privées, mais à la demande instante du ministre de
l'agriculture de l'époque, qui nous a demandé la limitation des
effectifs. Je ne ferai pas de longs commentaires sur la façon dont nous
avons dû l'accepter. Nous étions en fin d'application de la loi
de 1984. La limitation des effectifs nous a été
demandée pour pouvoir pleinement bénéficier des
dispositions de la loi.
Cela se passe de commentaires, mais mérite toutefois d'être
souligné. Je ferai remarquer que nous avons tenu tous les engagements
signés dans le protocole, bien que ceux-ci aient amené des
remarques aiguës de notre part. M. Daniel m'a entièrement
soutenu dans ce combat en posant la question de savoir de quel droit on
limitait des effectifs scolaires et, par conséquent, la liberté
de choix des familles dans un secteur d'enseignement. Cette question reste
posée.
S'agissant du nombre d'enseignants contractuels, les chiffres sont dans tous
les rapports. Je tiens à saluer la qualité de l'avis
budgétaire annuel de M. Vecten au Sénat sur l'enseignement
agricole et à dire que, lors de l'examen de la loi de 1984, son
rapport, a été pour nous un élément très
important pour appréhender ce qui se passe dans les différentes
familles d'enseignement. C'est utile pour la gestion, pour la paix scolaire
ainsi que pour exposer nos projets et nos orientations à la
représentation nationale.
En utilisant le logiciel Géode du ministère de l'agriculture, si
nous avions suivi l'évolution des effectifs, il nous manquerait
218 postes d'enseignants lors de cette rentrée 1998. On
comprend pourquoi le ministère de l'agriculture, probablement incapable
d'assurer ces dotations en personnels, nous a demandé de limiter les
effectifs. Tout s'explique sans pour autant se justifier. C'est
l'élément le plus clair dont nous disposons aujourd'hui. Si nous
voulions un encadrement comparable à celui de 1993, nous pourrions
avoir 218 postes d'enseignement supplémentaires.
Sur les 4 730 enseignants, 4 480 sont en poste d'enseignement,
c'est-à-dire que 94,7 % de nos enseignants enseignent devant
élèves. Je poserai la question et je serai attentif, à
l'issue de votre rapport, de savoir si ce ratio est observable pour l'ensemble
des enseignants. C'est un ratio élevé. Quant au reste, 47 sont en
congé formation, 67 en congé parental et 135 en congés
divers non rémunérés.
Du point de vue du ministère de l'agriculture, la dotation est donc
utilisée pleinement devant les élèves. Il n'y a pas
d'évasion quelle qu'elle soit et l'on ne peut parler ici d'une gestion
éparpillée.
Dans la répartition des emplois par région, il existe certains
écarts. Toutefois, globalement, on note une certaine harmonisation des
taux d'encadrement par région et que, depuis la dotation
de 1990-93, nous avons cheminé vers une harmonisation assez grande.
On tient cependant compte des contextes régionaux. La plupart des
régions sont en sous dotations d'effectifs enseignants par rapport
à l'effectif de l'enseignement agricole.
S'agissant de la parité, cette dotation mérite effectivement un
examen ainsi que l'application du protocole. Nous sommes passés d'un
recrutement en augmentation de 2,90 % en 1997 à 1,60 %
en 1998 ; en 1999, nous tomberons plus bas encore. Ce coup de
frein très sensible aura des effets durables. Si l'on ne recrute pas
dans les classes d'entrée, l'effet se fait sentir des années
durant. Pendant trois ou quatre ou six ans, il y a des effets importants. Cela
dégonflera peut-être la question du nombre des emplois.
Nous étions à 6 % de recrutement, enseignement public et
enseignement privé confondus. Nous constatons une grande qualité
de l'enseignement public et privé ainsi que du dialogue au sein des
instances créées par la loi Rocard pour gérer ce
système. Nous étions " porteurs " et nous sommes
passés de 6 % à 2,9 %, puis à 1,6 %. A la
rentrée prochaine, je m'attends à 1 % d'augmentation des
effectifs dans nos filières de formation.
Globalement, nous constatons une bonne gestion de ces dotations en emplois,
mais une difficulté budgétaire certaine pour obtenir les moyens
dans le budget du ministère de l'agriculture pour honorer la croissance
de l'enseignement agricole et définir son orientation.
M. le Président -
J'aurai deux questions. Le protocole que
vous avez signé avec l'Etat vous impose-t-il des contraintes exactement
parallèles à celles imposées à l'enseignement
public ? (
Assentiment de M. Fernand Girard
)
Ma deuxième question porte sur le mode de gestion. Monsieur le
secrétaire général, vous avez dit tout à l'heure
-j'ai cru le comprendre en tout cas- que la répartition des moyens entre
les académies était en quelque sorte proposée par
vous-mêmes en ce qui concerne l'enseignement général. Pour
ce qui est de l'enseignement agricole, il m'a semblé que le mode de
gestion était différent et la décision plus
ministérielle. Me suis-je trompé ?
M. Fernand Girard -
Non, vous avez raison. L'ensemble des
moyens est géré au niveau ministériel pour l'enseignement
agricole, suite à des propositions locales.
M. Pierre Daniel -
S'agissant de l'enseignement
général, c'est une proposition que nous faisons par
académie. Les services du ministère de l'Éducation
nationale travaillent, en collaboration avec nous, sur ces propositions. Nous
tombons d'accord sur une nouvelle répartition. Celle-ci est
présentée au cabinet du ministre et c'est lui qui décide
en personne de l'affectation au rectorat.
M. le Président -
Vous proposez les transferts.
(Assentiment du secrétaire général)
.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Je
vous demanderai de nous rappeler les chiffres d'élèves de chacun
de vos pôles de compétence, l'enseignement agricole et
l'enseignement privé, en pourcentage par rapport au chiffre global des
élèves scolarisés dans l'enseignement public.
S'agissant du mouvement des personnels enseignants, comment
s'opère-t-il ? Comment le gérez-vous ? Quelles sont les
modalités d'affectation de ces personnels ?
Concernant le taux d'absentéisme dans chacun de vos domaine respectifs,
comment assurez-vous le remplacement de professeurs qui, pour diverses raisons,
ne sont pas devant les élèves.
S'agissant des personnels non enseignants, comment sont-ils gérés
et comment sont affectées les désignations dans chacun des
établissement ?
M. Pierre Daniel -
Nous comptons environ 2.100.000
élèves dans l'enseignement privé sous contrat. Les
pourcentages sont en fonction des niveaux de formation ; on tourne autour
de 20 %.
La répartition des personnels enseignants se fait, non seulement
à partir des chiffres bruts que nous relevons et que nous
étudions, à savoir les fameux ratios qui existent dans chaque
académie : H/E : heures d'enseignement sur nombre
d'élèves. Ces ratios bruts pourraient amener à des
situation dramatiques dans certains secteurs ruraux notamment.
Il est normal que, dans un collège à Paris par exemple, le ratio
d'un nombre d'élèves par classe soit supérieur à
celui que l'on pourrait trouver dans un collège en Aveyron. Nous prenons
en compte la dimension humaine avant de faire ces propositions et nous essayons
de conserver, pour la vie locale, le plus possible d'établissement
même en faibles effectifs dès lors qu'ils ne portent pas tort
à la pédagogie proposée dans cet établissement. Des
seuils de fermeture sont naturellement établis.
Par ailleurs, il est exact que nous réfléchissons avec les
communes ou les conseils généraux avant de fermer des
établissements du premier degré. Nous devons prendre en
considération que la fermeture de ces implantations peut
accélérer le départ des populations puisque la vie sociale
s'organise souvent autour de l'école. La dimension humaine entre
également dans notre réflexion sur la proposition que nous
faisons au ministère.
Je suis dans l'incapacité de vous donner le taux d'absentéisme.
J'ai prêté serment.
M. le Président -
Pourrait-on l'avoir ?
M. Pierre Daniel -
Je ne sais pas, pour la bonne raison
que seuls les rectorats pourraient nous le donner. Les rectorats ne nous
donnent pas l'enveloppe des heures de suppléance qui correspondent
à l'absentéisme, puisque le remplacement d'un professeur malade
se fait très rapidement. En effet, nous avons des suppléants en
attente de travail dont la liste est déposée au rectorat. Le
dossier est déposé.
Lors de l'absence d'un professeur, nous pouvons téléphoner au
rectorat et dire : "c'est telle personne, si vous acceptez de la nommer."
Ce dossier étant prêt, le recteur sort et signe, dans les
48 heures, l'arrêté de nomination du professeur. C'est
très rapide, ce qui est un avantage, mais la très grande
différence avec l'enseignement public est qu'il a à sa
disposition des titulaires remplaçants. Même si ceux-ci sont
affectés à un établissement, administrativement parlant,
ce ne sont pas des professeurs qui, toute l'année, sont devant
l'élève. Ils attendent d'être en remplacement, même
s'ils sont payés, alors que nos suppléants ne sont payés
que pour les heures de remplacement. Voilà une différence
importante.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Que font-ils
s'ils ne sont pas devant les élèves ?
M. Pierre Daniel -
Ils sont au chômage ; ils
ne sont pas du tout rémunérés. Alors qu'un titulaire
remplaçant est rémunéré à l'année.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Monsieur le secrétaire général, j'ai
été, comme nombre de commissaires ici présents,
étonné par les ratios que vous présentez. Comparés
à ceux de l'enseignement public, ils laissent entendre que vous avez
moins de moyens que l'enseignement public.
Ma question est la suivante : vous considérez-vous "moins bien
servis" que l'enseignement public, et les problèmes de mixité
sociale que vous avez évoqués se retrouvent-ils également
dans la détermination de ces ratios ?
Par ailleurs, avez-vous des difficultés avec les collectivités
locales ? L'enseignement privé, aujourd'hui, éprouve-t-il
quelques ennuis avec les collectivités locales ?
Ma troisième question concerne la formation des maîtres. L'image,
que vous allez pouvoir rectifier, est que vos maîtres sont un peu moins
qualifiés que dans l'enseignement public. Globalement, la formation des
maîtres est-elle identique à celle des maîtres du
public ?
Quel pourcentage représente l'enseignement catholique dans
l'enseignement privé ? Vous avez indiqué que, pour les
remplacements, vous disposiez de maîtres qui ne travaillaient pas et qui
attendaient une affectation. Avez-vous la possibilité d'utiliser des
heures supplémentaires et le faites-vous ?
M. le Président -
Dans cette même salle, le ministre
de l'éducation nationale a indiqué les mêmes ratios, mais
M. Vallet n'est pas membre de la commission des affaires culturelles.
M. Pierre Daniel -
Si j'ai souligné la
différence des ratios, l'enseignement public a des obligations
auxquelles l'enseignement privé n'est pas tenu. Si je les ai
soulignées, c'est pour éviter d'entendre dire que l'enseignement
privé est mieux servi que l'enseignement public, ce qui n'est pas vrai.
Non, il n'est pas mieux servi.
Est-il plus mal servi ? Je crois que non. Il n'est pas non plus mal servi
dans le nombre de professeurs devant élèves. Il n'est pas servi
du tout quant aux professeurs qui ne sont pas devant élèves.
Les titulaires remplaçants, étant comptés comme des
professeurs, entrent donc dans le ratio. Étant donné que nous
n'avons que des heures de suppléance, si l'un d'entre eux ne fait que
trois mois de suppléance par an, il ne se sera alors compté que
pour une période de trois mois. Là se trouve la
différence. Je n'attaque pas, mais je ne fais que dire la
réalité des chiffres entre les deux ratios.
Par ailleurs, concernant votre question quant aux difficultés avec les
collectivités locales, il est certain qu'il en existe. On les retrouve
au niveau du calcul du forfait communal selon la commune, par rapport au
coût de l'élève de cette commune, avec des
difficultés, en Bretagne ou ailleurs. Quand, dans une commune, il n'y a
qu'une école privée ou publique, les références ne
sont pas faciles. Il est vrai aussi qu'il n'y a pas, au sens même de la
loi, un forfait. Il y a une aide calculée par rapport au coût d'un
élève de l'enseignement public pour le premier degré.
S'agissant de la formation des maîtres, on ne peut plus dire,
depuis 1993, qu'ils sont moins qualifiés que dans le public. En
effet, nous avons le même concours pour les maîtres du second
degré et nous avons un concours pour les maîtres du premier
degré en centre de formation pédagogique. Récemment
encore, le conseil d'Etat, sur les recours de certains syndicats, a
confirmé la validité de nos accords sur la formation des
maîtres du second degré, en accord avec les IUFM. C'est ce que
l'on appelait les accords Lang-Cloupet.
M. le Président -
Qui ont suscité les
réactions de certains.
M. Pierre Daniel -
La question est donc tranchée.
Toutefois, demeure une difficulté à laquelle vous trouverez une
réponse dans le dossier. Cela concerne les départs en retraite.
Nous devons faire attention avec le ministère au nombre de
départs en retraite, c'est-à-dire au nombre d'ouvertures de poste
au concours dans les IUFM, afin que le nombre de personnes
diplômées soit égal à celui de personnes partant
à la retraite.
La courbe, qui augmentera jusqu'en 2007 de façon très
importante, obligera les IUFM à augmenter le nombre de candidats. C'est
un fait très réel.
S'agissant des ratios entre l'enseignement catholique et l'enseignement
privé sous contrat, nous tournons autour de 95 %. Un certain
développement, peu substantiel en chiffres peut se constater dans les
écoles de langues régionales, notamment les écoles
bretonnes "Diwan", les écoles basques et quelques écoles qui vont
se développer dans l'académie de Montpellier. Reste un
problème, celui du Fonds social juif unifié, responsable des
écoles : 20 % de ses écoles sont encore hors contrat,
et il demande des contrats.
Des heures supplémentaires année (HSA) sont attribuées en
fonction de la discipline enseignée, ce dont nous profitons. Le
problème des heures supplémentaires aujourd'hui est très
différent de celui de jadis. Il est très difficile de calculer le
nombre d'heures supplémentaires. Nous avons un nombre
d'heures / année et nous sommes informés de la
décision du ministère de l'éducation nationale de
réduire le coût financier des heures supplémentaires.
La seconde question est la suivante : y aura-t-il encore autant d'heures
supplémentaires demain qu'il y en a aujourd'hui, quel qu'en soit le
coût ? Cela reste une interrogation.
M. Jean Bernadaux -
Je reviens sur le système des
remplaçants. Lorsque vous dites que vous avez, au niveau des rectorats,
un potentiel de remplaçants, avez-vous un potentiel de
remplaçants par discipline ou des professeurs qui peuvent enseigner dans
divers domaines ?
M. Pierre Daniel -
Sur le premier degré, il n'y a
aucun problème. C'est une liste de remplaçants, étant
donné qu'il n'y a pas de discipline propre. Sur le second degré,
nous avons un certain nombre de remplaçants en fonction de certaines
disciplines. Mais un grand nombre sont bivalents, sans être polyvalents.
C'est vrai que c'est plus simple, mais l'enseignement public fait la même
chose. Le remplaçant n'est pas obligatoirement le plus
spécialisé dans la discipline voulue pour un remplacement.
M. le Président -
J'aurai deux questions.
Précédemment, vous nous avez expliqué que, dans la gestion
des moyens qui vous sont attribués, un dialogue s'instaure avec le
ministère auquel vous faites vos propositions. J'imagine qu'il suit vos
propositions avec, peut-être, des modifications à la marge. Mais
vos propositions portent sur la répartition académique. Que se
passe-t-il ensuite au niveau académique ?
Ma seconde question porte sur le mode de gestion de vos enseignants. C'est
l'une des spécificités de l'enseignement privé. Quel est
le rôle du recteur et quel est le rôle du chef
d'établissement, ou éventuellement le vôtre ?
M. Pierre Daniel -
Il est exact que la dotation est
académique et décidée par le cabinet du ministre. C'est le
recteur qui dispose des emplois donnés par le ministère. Dans la
majorité des cas, nos représentants académiques,
c'est-à-dire le comité académique de l'enseignement
catholique, composé de nos directions diocésaines ou
départementales, rencontrent le recteur et étudient, bien avant,
le plan nécessaire pour la mise en oeuvre de cette dotation
donnée à l'académie.
Parmi les académies qui rendent des emplois, je prends comme exemple
celle de Nantes. Des discussions ont lieu avec les inspecteurs
d'académie, les inspecteurs de l'éducation nationale et le
recteur pour déterminer à quels endroits des emplois peuvent
être repris. Dans d'autres académies, on va discuter, par contre,
d'ouvertures et établir les priorités qui seront défendues
par les responsables de l'enseignement privé auprès du recteur
qui, en tout état de cause, va lui-même décider.
M. le Président -
Mais en enveloppe constante ?
M. Pierre Daniel -
L'enveloppe donnée par le
ministère n'est pas constante. Par rapport à l'année
précédente, dans l'enseignement privé, elle est en plus ou
en moins.
Le rôle du recteur est très important. L'enseignement, dans un
établissement sous contrat avec l'enseignement public -selon le terme
exact de la loi- est confié à des maîtres titulaires de
l'enseignement public ou à des maîtres sous contrat par l'Etat.
Tout contractuel venant dans nos établissements
ne peut y venir
que s'il a en main son contrat d'association signé par le recteur, au
nom du ministre de l'éducation nationale, et en accord avec le chef
d'établissement.
En réalité, avec l'accord du chef d'établissement, le
recteur nomme une personne pour remplir telle fonction dans
l'établissement.
Par ailleurs, toute la gestion de la carrière de cette personne est
faite par l'Etat et le ministère de l'éducation nationale. Tout
droit disciplinaire ne peut être que du fait de l'Etat et non du chef
d'établissement.
Malheureusement, concernant l'enseignement privé sous contrat c'est un
véritable couperet : il n'y a pas de mesures transitoires dans le
cas d'une suspension momentanée d'un contrat : ou on le
réintègre, ou le ministre casse le contrat d'association. Il n'y
a pas d'avertissement, de mise en demeure. Nous réclamons un droit
disciplinaire comme dans l'enseignement public, hormis un point précis
qui ne peut s'exercer dans l'établissement sous contrat, celui de la
mutation d'office. En effet, il faut l'accord du chef d'établissement.
Quand un chef d'établissement, par le biais de sa dotation horaire, fait
chaque année la proposition d'emplois de ces heures, sa proposition doit
être agréée par le recteur. Il est vrai que le silence du
recteur vaut agrément après un nombre donné de jours. Il
n'empêche que le recteur peut donner une réponse négative
en arguant que trop d'heures ont été affectées en
français et en demandant de les mettre sur une autre discipline. C'est
son droit le plus absolu, étant donné que, dans une classe sous
contrat d'association, les règles de l'enseignement public s'appliquent
intégralement.
M. le Président -
Pouvez-vous nous donner des
précisions quant aux relations des recteurs et des chef
d'établissement pour la nomination des enseignants ? C'est le
recteur qui prend son arrêté pour affecter telle personne dans tel
établissement. Vous avez mentionné l'accord des chefs
d'établissement. Est-ce sur proposition ou avec accord ?
M. Pierre Daniel -
En 1959, c'était avec
accord du chef d'établissement. Après la loi Guermeur, cela
a été sur proposition du chef d'établissement.
En 1985, on est revenu à la formule initiale de la loi
de 1959, c'est-à-dire avec accord du chef d'établissement,
sauf pour la loi de 1984 qui est différente sur ce point
puisqu'elle parle de proposition. La loi de 1959 précise bien que cela
se fait avec l'accord.
En réalité, le processus est plus compliqué. On passe par
les commissions consultatives mixtes académiques ou
départementales, selon le niveau de l'enseignement. Ces commissions
donnent des orientations sur l'affectation éventuelle de telle et telle
personne où l'on réclame déjà l'accord du chef
d'établissement. Elles font des propositions au recteur qui, ensuite,
nomme. Elles sont mixtes parce qu'il y a, à la fois, nos syndicats et
l'enseignement public. Ce n'est pas une décision
ex abrupto
.
M. le Président -
Il y a tout de même une
différence entre l'enseignement général et l'enseignement
agricole.
M. Pierre Daniel -
J'ai omis un point sur l'enseignement
général. Cela ne concerne pas les fonctionnaires qui viennent
enseigner chez nous. Le fonctionnaire venant enseigner dans l'enseignement
général ne suit pas exactement le même trajet. Il ne peut
demander au recteur de le nommer que s'il a déjà l'accord du chef
d'établissement, alors que pour un contractuel, c'est l'inverse. Ceci
concerne les titulaires de l'enseignement public.
M. Fernand Girard -
Un point nouveau n'a pas
été signalé, celui du protocole d'accord sur la formation
des maîtres. Les maîtres formés sont prioritaires en
emplois. Il est même dit, c'est la règle que nous nous sommes
mutuellement imposés, qu'aucun titulaire d'un certificat d'aptitude ne
doit être laissé sur le terrain. Tant qu'il n'est pas placé
sur le terrain, il n'y a pas d'emploi de contractuel possible. Il y a une
priorité absolue.
M. le Président -
C'est vrai pour l'enseignement agricole et
l'enseignement privé.
M. Fernand Girard -
De même que pour l'enseignement
général. Les accords Lang-Cloupet ont une portée sociale
significative. Chaque année, nous rendons compte aux recteurs des
délégués auxiliaires qui sont en contrat précaire.
Il ne faut pas oublier que nous avons aussi, dans l'enseignement
général, un contingent très important de
délégués auxiliaires qui remettent chaque année
leur poste au rectorat en attendant que des titulaires nouvellement
agréés et formés les remplacent.
C'est un contexte social de l'emploi qui est géré de très
près. Il y a des inquiétudes à chaque rentrée, et
des difficultés éventuelles pour ces
délégués auxiliaires.
J'espère que les problèmes touchant ces personnels seront
prochainement examinés. Ici, on dit qu'ils relèvent du droit
privé et là, du droit public. Il existe un certain nombre de
problèmes sur l'identification juridique de ces personnels et sur leurs
conséquences tant sociales que financières.
Dans l'enseignement agricole, nous avons l'obligation de formation et de
qualification, non seulement pour la nomination des maîtres, mais aussi
pour celle du chef d'établissement. La formation du chef
d'établissement passe par un protocole d'accord avec l'Etat dans lequel
il est agréé pour diriger un établissement. C'est un point
important et novateur par rapport au concept de la loi Debré.
Ces enseignants nommés sont rémunérés par rapport
à des échelles de titulaires. Ensuite, c'est effectivement la
DRAF, tenant lieu de recteur d'académie, qui exerce toute
l'autorité sur ces enseignants contractuels de droit public. La DRAF
signe le contrat et emploie au nom du ministre de l'agriculture. Elle
procède aux vérifications pédagogiques et aux sanctions
éventuelles. Le statut des enseignants est d'une grande clarté
à ce propos et nous en sommes tous satisfaits.
Nous avons gardé la formule "sur proposition du chef
d'établissement". Celui-ci fait plusieurs propositions, mais la DRAF
peut également en faire. C'est une formule mixte dans laquelle on
examine les personnes disponibles. Dans l'enseignement professionnel, parfois
très qualifiant en BTS, nous sommes bien contents de prendre les
personnes qui ont les qualifications requises, d'où qu'ils viennent,
parce que l'on n'en trouve pas toujours.
Mme Hélène Luc -
Concernant la comparaison
des résultats, du baccalauréat essentiellement, pouvez-vous en
dire quelques mots ? Étant membre d'un conseil d'administration
à Choisy-le-Roi et représentante du conseil général
où j'ai été en charge des collèges, peut-on
considérer que, dans l'enseignement privé, existe une certaine
sélection ? Vous y avez fait allusion en disant que vous souhaitiez
une plus grande mixité. Je le constate à Choisy-le-Roi et dans le
Val-de-Marne.
D'autre part, que pensez-vous de la représentation des
collectivités locales ? Pour ma part, je représente le
Conseil général. J'ai toutefois le sentiment de ne pas servir
à grand-chose car je n'ai pas le droit de vote.
M. Pierre Daniel -
S'agissant des résultats du
baccalauréat, lorsqu'on prend la totalité des résultats,
et non pas ce qui apparaît dans les journaux, qui ne montrent que les
établissements d'excellence, nous arrivons quasiment aux mêmes
résultats que l'enseignement public, parfois légèrement en
dessous.
M. Fernand Girard -
Idem pour l'enseignement agricole.
M. Pierre Daniel -
Je regrette de telles parutions,
lorsqu'on n'indique pas ce que ces jeunes représentent socialement, dans
les lycées. Je ne suis pas contre les élites, mais je voudrais
que la clarification soit faite dans la publication des résultats.
M. le Président -
D'autres personnes, occupant des postes
très importants à l'éducation nationale, ont
exprimé le même regret.
M. Pierre Daniel -
Il me paraît curieux que les
parlementaires participent au conseil d'administration des
établissements qui vote le budget, sans aucun droit de vote. Il aurait
fallu donner un droit de contrôle ou de veto sur les investissements
faits par la collectivité locale, sur l'organisme
bénéficiaire, mais pas sur le reste. Il aurait fallu aller plus
loin.
M. le Président -
Merci, Madame la Présidente Luc,
d'avoir posé cette question. La réponse était
intéressante.
M. Claude Domeizel -
Je voudrais revenir sur la question
des remplaçants. Quelles sont les conditions pour être inscrit sur
la liste des remplaçants à votre disposition dans les
rectorats ? Quelle est la formation de ces remplaçants ? Qui
prend en charge leurs frais de déplacement ?
M. Pierre Daniel -
Nous pouvons répondre à
toutes vos questions, mais mon voisin pourra sans doute le faire mieux que moi
à certaines d'entre elles. La majorité de nos remplaçants
ont quasiment les mêmes diplômes que les titulaires, sans toutefois
avoir réussi aux concours.
Par ailleurs, nous privilégions ceux qui ont déjà
travaillé. Il est vrai qu'il faut débuter, mais aujourd'hui, un
remplaçant est une personne ayant déjà remplacé,
durant plusieurs années, des maîtres absents.
Ce sont bien souvent, ainsi que l'a mentionné M. Girard, d'anciens
délégués auxiliaires dont nous déclarons, de par la
loi, le poste vacant. En effet, ils sont remplacés par les
capésiens, ceux qui ont réussi un concours. La priorité
absolue de ces délégués est d'effectuer des remplacements.
Lorsqu'ils ne peuvent trouver une autre orientation, ils s'inscrivent sur des
listes de remplaçants qui peuvent être transmises à nos
organisations de l'enseignement catholique. Nous préparons les dossiers
que nous remettons au rectorat. Le recteur ne prépare ni dossier, ni la
demande de candidature.
Par contre, quand on demande au recteur si l'on peut prendre telle personne,
c'est lui qui prend la décision. Si le dossier est prêt et la
personne déjà dans les services, il y a 90 % de chances pour
que le recteur nomme ladite personne.
M. Pierre Martin -
S'agissant des transports...
M. Pierre Daniel -
Lorsqu'ils sont
délégués auxiliaires, ils effectuent des remplacements,
mais ils ne sont pas les remplaçants
stricto sensu
d'une personne
en congé pour une maladie courte.
M. Pierre Martin -
Ce n'est pas tout à fait la
question. J'ai ouï dire que pour accéder au poste de directeur, il
fallait suivre une formation. Dans l'éducation nationale, quels que
soient les enseignants, des formations sont offertes et même
recommandées. On les appelle des formations continuées. Qu'en
est-il dans l'enseignement privé et, dans l'affirmative, comment cela se
passe-t-il ?
M. Pierre Daniel -
Toute l'organisation de la formation
continue est faite par une association appelée l'Unapec. Cette
dernière a passé convention avec l'Etat et reçoit les
fonds de la formation continue répartis de manière
équilibrée par rapport au nombre de professeurs dans chaque
académie.
S'agissant des plans de formation, normalement nous traitons à
égalité de budget avec l'enseignement public sur les formations
continues. Ce plan de formation doit être agréé par les
autorités académiques. En fonction de ce plan, liberté est
donnée aux professeurs de s'inscrire dans ces formations, après
accord du chef d'établissement qui propose au recteur d'autoriser cet
enseignant à suivre cette formation.
Subsiste là aussi un point d'interrogation pour l'avenir dès lors
qu'il y aurait une réduction des suppléants. Il y aurait des
difficultés dans la mesure où l'on entend dire qu'une formation
ne pourrait plus être suivie pendant le temps scolaire. Cela poserait un
grave problème pour la formation continue des maîtres, qu'ils
soient de l'enseignement public ou privé.
La question des transports n'entre pas en jeu pour les suppléants de
l'enseignement privé. En effet, on leur demande de venir enseigner dans
tel établissement. A l'inverse, dans l'enseignement public, les
enseignants sont rattachés à un établissement, mais si on
leur demande d'aller dans un autre établissement, se pose alors le
problème du remboursement, selon les distances, des frais de
déplacement. Ce n'est pas le cas dans l'enseignement privé sous
contrat.
M. Claude Domeizel -
Je n'ai pas eu une entière
réponse quant à ma question sur la formation.
M. Fernand Girard -
Ils ont une licence ou une
maîtrise.
M. Claude Domeizel -
Quelle est leur formation ?
M. Fernand Girard -
Les suppléants sont
nommés pour un certain nombre de mois de travail. C'est un emploi
totalement précaire. A l'issue d'un remplacement de congé de
maternité par exemple, le suppléant se retrouve au chômage.
C'est un facteur très important dans la comparaison parité
public-privé. Dans le cadre du corps des titulaires remplaçants,
leurs qualifications, les possibilités offertes d'entrer dans la
carrière et d'être formés, un volume financier est
donné.
Nous devons être comparables en volume, si on ne l'est pas
complètement en manière de faire. Nous insistons souvent,
auprès du ministère, sur la comparaison en volume, même si
nous n'avons pas les mêmes modalités d'exercice.
Nous n'avons pas demandé à avoir des titulaires
remplaçants car cela représente un coût énorme pour
la collectivité nationale. Pour un système éducatif, il y
a là un problème central d'exercice d'une mission de gestion des
personnels. Mais c'est un problème compliqué.
D'une part, nous avons une gestion " sécurisée " pour
le personnel, mais sans aucune certitude sur le volume de travail à
faire et, d'autre part, une gestion " sécurisée " sur
le volume de travail à faire sans aucune certitude sur le personnel qui
fait le travail.
M. Pierre Daniel -
La loi Debré ne peut financer
que des professeurs devant élèves. C'est pourquoi nous n'avons
pas droit aux titulaires remplaçants.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
En fonction du
statut de l'enseignant -agrégé, certifié.. -, les heures
dues sont-elles les mêmes que dans l'enseignement public ?
Dans l'enseignement agricole, compte tenu de la limitation des effectifs, que
deviennent les élèves refusés ? Pour eux, c'est une
seconde chance.
M. Pierre Daniel -
Je répondrai par l'affirmative
à votre première question. En effet, c'est identique à
l'enseignement public.
M. Fernand Girard -
Le remplacement des enseignants dans
l'enseignement agricole est assuré par une enveloppe gérée
par les DRAF. Il y a également une enveloppe de moyens qui permet de
gérer les aléas d'une vie professionnelle (congé maladie,
congé maternité...) Cette enveloppe a tendance à se
restreindre.
La mobilité des enseignants est une question d'importance. En
période de rééquilibrage démographique sur un
territoire national, l'une des questions posées à toute la
collectivité est de savoir comment organiser la mobilité des
enseignants.
Nous évoquions tous deux ce matin le problème de professeurs
d'école à la campagne pour lesquels, si on veut organiser une
mobilité, il faut aussi penser à l'activité du conjoint.
Dans l'enseignement agricole, la mobilité des enseignants est
extrêmement compliquée. Nous avons beaucoup de femmes dans
l'enseignement secondaire. Les femmes vont-elles entraîner leur mari dans
la mobilité de l'emploi ? Il n'existe aucune aide à la
mobilité. Nous sommes vraiment face à un problème
très complexe.
Dans l'enseignement agricole, les établissements sont également
éloignés les uns des autres. La mobilité n'est pas simple
à organiser dans ce type de profession.
A l'inverse d'une entreprise, il n'y a pas d'aide prévue à la
mobilité. On nous demande de rééquilibrer les
établissements par rapport à l'évolution
démographique, mais nous ne savons pas comment procéder.
Pour répondre à la question de M. Carle sur la limitation
des effectifs et le devenir des élèves, l'enseignement agricole
public et privé a fait un bon travail social. Je suis d'accord pour
accélérer la mixité sociale, mais je m'estime
déjà satisfait de ce qu'elle est dans l'enseignement agricole.
Nous avons bien souvent servi de système de secours au système
éducatif, tout en recevant plus de critiques que de
félicitations.
Je le dis avec beaucoup de coeur. Je suis fils de paysan et j'aime ce milieu.
J'y travaille depuis vingt ans. J'ai été l'un des
négociateurs des lois de 1984. Je souligne très fermement
que nous ne souhaitons pas voir disparaître cette mission
d'accompagnement des jeunes du milieu agricole. En dépit d'une grande
mixité urbaine et rurale dans nos établissements, on y retrouve
un grand nombre de jeunes du milieu agricole. Je citerai également les
maisons familiales rurales qui rendent de nombreux services.
La limitation des effectifs fait que, quand on ne peut accueillir des jeunes,
certains rejoignent l'apprentissage où les places sont également
limitées. Certains d'entre eux rejoignent d'autres filières
d'enseignement sans être aucunement motivés. Il est grave d'amener
des jeunes dans des filières pour lesquelles ils ne sont absolument pas
motivés. Cela explique l'ennui, la violence de certains jeunes, les
accidents dramatiques que nous connaissons à l'école.
Je me dois de dire que réfléchir sur l'école, c'est
également réfléchir sur les capacités des uns et
des autres, donner une égale dignité aux filières de
formation. Je ne suis pas pour le cloisonnement par filière de
formation. Mais en voulant éviter le cloisonnement, ne tombons pas dans
la " stabulation " libre et naïve où l'on met tout un
chacun sur le même plancher et on observe ce qui se passe.
C'est peut-être valable en matière d'élevage, mais pas en
matière d'éducation. Je m'exprime très franchement et
clairement. Nous devons continuer à donner leur pleine dignité
à toutes les formations technologiques, poussées aujourd'hui et
si utiles dans notre pays, de tout ce qui est enseignement technique et
professionnel, et les valoriser.
On ne s'en sortira pas avec la massification de l'éducation uniquement
par les filières d'enseignement général, même avec
l'objectif de la diversification qui est plus vite dite que faite.
M. le Président -
Quels sont les moyens de contrôle
que se donne l'Etat pour vérifier la bonne application des règles
qui sont les siennes et la bonne utilisation des moyens qu'il attribue, en
particulier pour vérifier que l'effectif déclaré
correspond à l'effectif réel ?
M. Pierre Daniel -
Nous avons préparé un
dossier sur les contrôles que doit subir un établissement
privé sous contrat.
Il y a d'abord les inspections. Chaque année, on peut avoir un
contrôle de l'effectif. Chaque année, il y a l'obligation de
rendre tous ses comptes au trésorier-payeur général qui
peut diligenter une inspection générale de l'éducation
nationale. Il a l'obligation, depuis la loi de 1994, lorsqu'il
reçoit des subventions des collectivités territoriales, de passer
une convention avec cette collectivité, avec le suivi de l'amortissement
des bâtiments ou des classes construites. Dans le cas d'une rupture dans
cette convention de la part de l'établissement, ce dernier a obligation
de rembourser les sommes non amorties.
Sur ce point, nous sommes clairs, il y a aussi un contrôle sur les
crédits d'investissement exercé par la commission
académique qui doit être entendue avant que ces fonds puissent
être versés à l'établissement.
Il y a enfin le schéma prévisionnel des formations qui ne permet
pas à un établissement, de décider la création
d'une classe technologique, professionnelle... Il faut que cela entre dans ce
cadre-là et que le recteur prenne une décision positive pour
l'ouverture de la classe, mais aussi que l'avenant au contrat soit signé
par le préfet et le recteur.
Je vous ai cité tous les points importants des contrôles.
M. Fernand Girard -
Dans l'enseignement agricole, le
contrôle des effectifs, par l'Etat, est trimestriel. Je donne un autre
chiffre. A la rentrée 1999, dans les établissements relevant
du CNEAP, il y avait 52 469 élèves. Au
15 décembre, il y en a 52 315. On ne peut être plus
précis. Nous nous sommes réjouis de ces systèmes
validants. C'est un contrôle qualité du sérieux de nos
formations.
M. le Président -
Nous sommes au coeur des
préoccupations de notre commission d'enquête.
AUDITION DE M. JEAN-JACQUES ROMERO,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SYNDICAT NATIONAL
DES PERSONNELS DE DIRECTION DE
L'ÉDUCATION NATIONALE
(20 JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jean-Jacques Romero.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous avez la parole,
Monsieur le secrétaire général, pour un propos introductif
avant de répondre aux questions.
M. Jean-Jacques Romero -
Merci de nous avoir
invités à cette audition. Nous voudrions d'abord situer la
mission des personnels de direction dans l'évolution du système
éducatif. Depuis quinze ans, pris entre les tendances jacobines de
l'Etat et de ses strates hiérarchiques, la poussée
décentralisatrice des collectivités territoriales et le
rôle ambigu des conseils d'administration des EPLE, les chefs
d'établissements et leurs adjoints ont su inventer et faire vivre des
équilibres nouveaux porteurs de réels progrès. Nous
pensons que la qualité des femmes et des hommes placés à
la tête des établissements a joué un rôle. Pour nous,
c'est un point fort.
La question fondamentale posée à notre système est de
savoir qui, dans l'éducation nationale, passe le bon de commande
à l'EPLE par le truchement du chef d'établissement. Au sens
constitutionnel, au sens de la loi, la réponse est claire : d'une
part c'est la représentation nationale, donc vous, qui fixe la politique
éducative du pays ; d'autre part c'est la représentation
territoriale qui l'accompagne matériellement.
La réalité est tout autre : c'est un ensemble de lobbies qui
gouvernent l'éducation nationale. Le spectacle du Conseil
supérieur de l'éducation nous en donne d'ailleurs la preuve
à chaque fois. Y a-t-il un autre lieu dans l'éducation nationale
où l'élève est le plus absent du système, alors que
nous considérons que nous sommes là avant tout parce qu'il existe
des élèves ? Lorsque je dis "nous", je parle de tous les
personnels qui concourent à faire avancer le système
éducatif.
Nous devons, nous personnels d'éducation, nous donner un double
objectif : assurer la qualité du service public, exempt du moindre
défaut ou approchant le plus du défaut zéro, et nous
donner une exigence démocratique sans faille.
Nous souhaitons que les personnels de direction reçoivent de leur
ministre une première lettre de mission portant sur les domaines de la
pédagogie, de l'encadrement, de la gestion des ressources humaines, de
la gestion matérielle et financière et, d'autre part, une lettre
de mission de leur recteur, leur permettant d'agir dans le domaine d'autonomie
de l'établissement qui leur est confié. Je répondrai aux
questions si cet aspect des choses vous intéresse.
Je voudrais revenir sur un aspect que vous avez évoqué dans vos
auditions précédentes : le problème du recrutement
des personnels de direction. Chacun a constaté une baisse dans le
recrutement, mais personne n'a vraiment donné une analyse
complète, ou la plus complète possible, des causes de cette
baisse de recrutement.
La première d'entre elles vous intéressera au plus haut
chef : depuis la mise en application du statut des personnels de direction
de 1988, mise en oeuvre en 1989, jamais le nombre de postes de personnels de
direction mis au concours n'a atteint le nombre des départs à la
retraite. Dès lors que vous avez 400 départs en retraite par
an et que vous recrutez 350 personnels de direction, vous créez un
déficit. Ce déficit ne cesse de s'accroître d'année
en année.
Pour donner un exemple simple et significatif sur cet aspect des choses, en
1997, quand a été mis en oeuvre le CFA (congé de fin
d'activité), nous savions que 350 à 360 personnels de
direction bénéficieraient de ce nouveau système.
Il n'y a pas eu un seul recrutement supplémentaire. A partir de ce
moment-là, l'accroissement du nombre de postes vacants à la
rentrée 1998 a été de + 350, à dix
unités près. La réponse est évidente : il n'y
a eu aucune prévision de ce type pour le petit corps des personnels de
direction qui compte 13 000 personnes environ. Nous en sommes aujourd'hui
à 1 000 postes vacants environ. Je précise qu'il s'agit de
1 000 postes d'adjoints, essentiellement en collèges, difficiles de
surcroît. Les chiffres camouflent une réalité, et je tenais
à insister sur ce point.
Première raison, donc : une non évaluation des besoins. Et
ce n'est même pas pour faire des économies, puisqu'au bout du
compte les personnels seront là.
Seconde raison, du même ordre : Le malthusianisme des jurys de
concours. On nous dit que le niveau baisse d'année en année. Si
vous lisez comme moi les rapports de tous les concours, y compris ceux de
Polytechnique, de l'ENA, du Capes et de l'agrégation, il est vrai que le
niveau baisse. Le niveau baissant partout, on ne voit pas pourquoi cela ne
serait pas le cas chez les personnels de direction. Très
méchamment, il m'arrive de dire aux présidents et aux membres de
jurys : "Pourquoi le niveau ne baisserait-il pas parmi les membres du jury
eux-mêmes ?".
Nous ne souhaitons pas en rester là, car nous pensons qu'il y a
peut-être des analyses plus fondamentales à faire, en raison
peut-être d'un manque de candidats.
Pour expliquer le nombre de candidats, j'évoquerai trois raisons
possibles. Premièrement, il faut savoir que dans l'éducation
nationale existent des cultures. Le corps de personnels de direction
était composé, lorsqu'il a été créé
en 1989, de 65 % d'anciens PEGC ; 35 % étaient donc
d'anciens agrégés ou certifiés.
Dans le premier degré, il existait une culture de la direction ;
elle existe sans doute encore, et les PEGC étaient issus de cette
culture : on était instituteur, on devenait tout naturellement
directeur d'école. Cela n'était pas vrai -et ne l'est toujours
pas- dans le second degré. Même si celui qui vous parle est un
ancien professeur du second degré -tous ceux qui sont ici le sont, et il
ne s'agit pas d'oublier notre passé-, ce n'était pas une culture
forte.
Allons encore plus loin : les personnels qui se présentent au
concours ont peur de ce métier. Nous le disons avec force. Pour votre
information, il va y avoir des élections parmi les personnels de
direction en exercice, dont nous représentons 73 % ; nous
sommes donc hautement représentatifs. Au SNPDEN, nous aimons notre
métier et nous essayons de le valoriser à l'extérieur,
mais nous constatons que les collègues ont peur parce que c'est un
métier lourd. Quand vous quittez votre emploi d'enseignant (avec ses
18 heures et les 17 heures de préparation, on arrive à
36 voire 40 heures) pour passer du jour au lendemain à 65 ou
70 heures de présence dans un établissement scolaire, sans
beaucoup avancer du point de vue du salaire, en tout cas en début de
carrière, ce n'est pas si simple. Lorsque l'on présente ce projet
à un certain nombre de nos enseignants que nous considérons parmi
les meilleurs, ils hésitent et ont raison d'hésiter, tout en se
disant qu'ils auraient tort de refuser parce que c'est un métier
exaltant. Ce métier fait peur parce qu'il est lourd, que nos
responsabilités sont importantes, sans que (je ne parle pas seulement
des moyens matériels, même s'ils sont importants) les moyens
administratifs, réglementaires et légaux nous soient toujours
donnés de l'exercer.
Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, vice-président
Nous
constatons donc que les collègues ont peur de ce métier où
l'écart de salaire en début de carrière est de l'ordre de
mille francs par mois avec des horaires passant de 40 à 65-70
heures hebdomadaires. C'est bien de cela qu'il s'agit en début de
carrière, les inquiétudes sont fortes et les refus nombreux. Nous
pensons néanmoins que c'est un métier à valoriser, et que
nous devons pousser nos enseignants -mais pas seulement eux- à devenir
personnels de direction.
Voilà les raisons qui, à notre sens, expliquent la
désaffection de notre profession. Nous avons pensé qu'il fallait
avancer. Il y a actuellement une table ronde présidée par le
recteur de Paris, M. Blanchet. Nous souhaitons avancer fortement vers
un nouveau statut des personnels de direction. Disant cela, je ne pense pas
seulement à la carrière, et j'emploierais même plutôt
le terme de nouvelle "stature" des personnels de direction.
Nous souhaitons que la déconcentration aille au bout de sa logique. Les
personnels de direction, chefs et adjoints, doivent pouvoir exercer
véritablement leurs responsabilités. Nous n'emploierons pas le
mot "pouvoir", et encore, n'ayons peut-être pas peur des mots. Lorsque
l'on dit "responsabilité", il s'agit de la responsabilité dans
l'évaluation des personnels, dans la détermination du type de
postes dont nous avons besoin pour notre établissement, dans la
détermination avec les personnels de leur formation continue.
Je pourrais largement développer ces thèmes, mais je
répondrai plutôt à vos questions. Nous voulons donc des
responsabilités indispensables dans cette phase de
déconcentration, ainsi qu'une stature, un fonctionnement nous permettant
d'avoir des collaborateurs.
Le personnel de direction est là pour diriger. Actuellement il
administre, il gère, il éduque, il peut même enseigner.
Vous êtes sans doute déjà allés dans des conseils
d'administration d'établissements scolaires du second
degré ; c'est le chef d'établissement -ou son adjoint- qui
prépare son dossier de conseil d'administration ; il n'a jamais aucune
aide autour de lui. Nous pensons que nous devrions avoir à nos
côtés quelqu'un qui administre l'établissement, sous notre
responsabilité bien entendu. Nous pensons à des assistants de
direction. Nous pensons que devrait exister à côté de nous
(cela existe déjà, mais peut-être faudrait-il que cela se
fasse de manière plus nette) un personnel responsable d'un service, qui
gère l'établissement sur les plans financier et
matériel ; que devrait exister un vrai personnel d'éducation
(j'emploie ce terme à dessein) qui gère un service et qui soit
chef de service. Bien entendu il existe les C.P.E., mais d'après nous
leurs missions doivent être complètement revues, pour nous aider.
Quatrième secteur de responsabilité autour de nous : le
secteur médico-social, ce secteur existant si peu que j'ai scrupule
à en parler.
Enfin, nous souhaitons que les enseignants puissent avoir des responsables de
départements capables de travailler avec nous et d'avoir un rôle
actif. Voilà pour ce qui concerne nos collaborateurs.
Concernant notre recrutement, nous ne devons pas rester fermés dans
l'éducation nationale. A titre de revanche ou d'échange, un
certain nombre de fonctionnaires de la catégorie A, ou des
catégories A supérieures, pourraient devenir personnels de
direction.
Il est évident qu'il faut être un pédagogue
avéré pour être personnel de direction. Mais qu'est-ce
qu'être un pédagogue avéré ? Comment cela se
constate-t-il ? Le fait d'être enseignant fait-il
immédiatement de nous des pédagogues ? Je n'en suis pas
certain, mais en revanche je suis sûr qu'il y a des pédagogues
parmi les non-enseignants. Nous pensons donc qu'il faut élargir notre
base de recrutement, avec la possibilité pour les personnels de
direction d'aller eux aussi dans d'autres corps de l'Etat. Ce n'est pas pour
répondre à des difficultés conjoncturelles de
recrutement ; c'est vraiment sur le fond qu'il faut élargir notre
corps.
Pour l'avoir constaté dans notre pratique, nous pensons que la formation
des personnels de direction doit être améliorée, accrue,
fondamentalement transformée. Dans un institut national qui pourrait
correspondre à quelque chose comme l'ENA (je ne dis pas que nous
devrions être formés par l'ENA), ou quelque chose qui corresponde
à ce niveau, nous pouvons aller dans le sens d'une réelle
formation de vrais cadres de l'éducation nationale.
Les cadres de l'éducation nationale, inspecteurs et personnels de
direction, devraient se rapprocher. Passer de l'un à l'autre serait une
bonne chose pour le fonctionnement du système.
Enfin, même si j'ai encore beaucoup de choses à dire, je
terminerai en disant que l'évaluation des personnels de direction doit
être mise en oeuvre. Vous ne le savez peut-être pas, parce que je
ne l'ai pas vu écrit dans vos documents, mais nous ne sommes pas
évalués. Cela fait maintenant bientôt dix ans que nous
avons eu notre dernière note. Je ne dis pas forcément que la
notation est une évaluation, mais en tout cas depuis dix ans nous
n'avons ni notation ni évaluation officielle. Il est évident que
dès lors que l'on nous promeut ou que l'on nous mute, on nous
évalue d'une certaine manière, mais de façon indirecte et
non ouverte.
J'ai conscience d'avoir été trop long, aussi pour terminer, je
dirai que nous avons une ambition forte pour le système éducatif.
Il faut passer de la massification, réussie ou à peu près
réussie, à la démocratisation du système
éducatif. C'est tout l'enjeu des années à venir. C'est par
un accroissement fort des phénomènes de déconcentration
dans les établissements scolaires que nous progresserons, dès
lors que les personnels de direction auront les pouvoirs nécessaires
à l'accomplissement de leur mission.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Concernant le déficit de recrutement des chefs
d'établissements, vous avez évoqué un certain nombre de
causes : le déficit prévisionnel vis-à-vis des
personnels qui vont partir en retraite, la sévérité des
concours, le manque de candidats lié à la culture ou à la
peur du métier.
De façon plus précise, que faut-il faire pour faciliter le
recrutement de ces personnels de direction, notamment dans cette double
tâche qui est la vôtre, à savoir la gestion au
quotidien ? Vous avez parlé de mettre en place des assistants de
direction. Quid des personnels ATOS dont on sait que c'est un maillon
important, indispensable, qui aujourd'hui est quelquefois en situation
déficitaire. Comment voyez-vous les choses ? Cela doit-il rester
sous le statut que l'on connaît aujourd'hui ?
En ce qui concerne certaines tâches -que je qualifierai de
périphériques- relatives à l'hébergement et
à la restauration, ne faudrait-il pas faire preuve d'innovation ?
Aujourd'hui, chacun reconnaît que les collectivités locales font
des efforts dans le sens de l'amélioration matérielle des
conditions de vie de la communauté éducative, mais en revanche il
y a des manques en personnel d'entretien, de restauration et
d'hébergement.
Dans la seconde fonction, pédagogique, se pose le problème des
remplacements. Aujourd'hui, c'est un problème flagrant. La bivalence,
voire la polyvalence, des enseignants permettrait-elle d'améliorer la
situation ? Vous avez parlé de l'autonomie des chefs
d'établissements. Qu'est-ce que cela signifie ? L'autonomie peut
cacher beaucoup de choses. Comment faire avancer les choses vers une plus
grande autonomie de l'établissement et du chef
d'établissement ?
M. Jean-Jacques Romero -
Que faire pour faciliter le
recrutement ? Il me semble que j'ai parlé en ce sens à la
fin de mon exposé. Il est absolument indispensable que les personnels
autour de nous qui seront appelés à être de futurs
personnels de direction, sachent que la nation a confiance en eux ; la
nation telle qu'elle peut se concrétiser, soit par la hiérarchie,
soit par les collectivités territoriales et les élus qui nous
entourent. Il faut qu'ils sachent que l'on a confiance en eux.
Dès lors que le travail est fait de façon réfléchie
et organisée, que les choses sont faites en synergie avec un certain
nombre de forces dans l'établissement au sens plein du terme -il ne
s'agit pas de créer des potentats locaux-, il faut que cette confiance
existe et que, derrière, les gens s'attendent à avoir un
métier et une carrière qui correspondent à ces
inspirations.
Je crois que ce ministère -c'est peut-être plus global au niveau
de l'Etat, mais je parle de ce que je connais le mieux- n'a jamais bien su
gérer ses cadres, quel qu'en soit le niveau. Lorsque nous sommes
bloqués par des grilles indiciaires parce qu'une grille va "marcher sur
les pieds de l'autre" si vous m'autorisez cette expression, je dis qu'il ne
faut pas limiter la grille d'en-dessous parce que la grille du dessus est
limitée ; il faut faire progresser la grille du dessus. J'ai
déjà eu l'occasion de la dire à plusieurs ministres.
Quid des personnels ATOS ? C'est bien à un personnel ATOS que nous
pensons lorsque nous évoquons un assistant de direction. Bien entendu,
il faut évaluer la taille de chaque établissement : les
choses ne sont pas les mêmes dans un collège de
200 élèves et dans un lycée 2 500
élèves ou étudiants.
Ce personnel ATOS, au niveau des attachés, des personnes
compétentes en droit, en organisation, qui seraient en plus dans les
établissements, nous apporteraient beaucoup. Nous savons que le
personnel ATOS est celui qui supporte le plus lourdement les modifications de
fonctionnement dans les établissements. Il faut toujours qu'ils
répondent. Les besoins en enseignants ont été à peu
près rencontrés. Dans les établissements, nous n'avons pas
souffert de trop de difficultés au niveau des besoins en enseignants.
En revanche, pour les personnels ATOS, je pense notamment à des
académies périphériques de la région parisienne,
mais pas seulement, nous en avons souffert. Nous pensons donc qu'il y a un gros
effort à faire dans ce domaine. Je suis persuadé que nous devons
avancer vers une meilleure définition du rôle de ces personnels en
fonction de la décentralisation.
Les collectivités territoriales ont fait des efforts fabuleux au niveau
des établissements scolaires, dans les lycées comme dans les
collèges. Je comprends que la représentation élue soit
choquée de l'état dans lequel peuvent se trouver certains
établissement parce que nous n'avons pas les moyens de les entretenir.
Une avancée forte dans ce domaine est nécessaire.
Je ne reviens pas sur les remplacements, nous avons tous lu les rapports qui
ont été faits. Vous avez reçu M. le recteur
Daniel Bloch. Il est de la responsabilité des établissements
de s'assurer que les élèves ont droit à tous leurs cours,
mais en même temps il faut aussi donner aux chefs d'établissements
les moyens d'organiser cela.
Or, il faut savoir qu'actuellement, dans nos académies, nos moyens en
heures de remplacement ont été diminués d'année en
année, y compris l'an dernier et cette année. Au cours de ces
deux dernières années, nous avons eu une baisse des heures
supplémentaires permettant d'assurer des remplacements.
Au delà de cela, il est nécessaire et indispensable pour nous de
pouvoir organiser un remplacement au pied levé. Tout le monde le dit,
mais cela nécessite un courage politique fort et une modification du
statut des enseignants. Nous n'avons pas peur de dire -cela ne plaît pas
forcément à nos collègues des syndicats d'enseignants- que
dans le temps des enseignants, pour une proportion qui serait à examiner
et qui ne nous concerne pas -c'est un problème de relations entre le
ministre et ses personnels-, nous pensons que les enseignants devraient pouvoir
jouer un rôle de remplacement au pied levé. Cela implique d'autres
organisations d'établissements -on rejoint là l'autonomie- et des
bureaux pour les personnels enseignants. Il faut nous donner des moyens
matériels et techniques pour pouvoir résoudre ces
problèmes.
Parlons de l'autonomie de l'établissement. Dans la DHG (dotation horaire
globale) que nous recevons, il nous paraît indispensable d'avoir des
heures à disposition de l'établissement en dehors des horaires
nationaux ou dans un cadre des horaires nationaux
,
mais pas
affectées prioritairement ou définitivement à des
disciplines, qui nous permettent de travailler en fonction des besoins.
Les hasards de ma carrière m'ont fait passer, avec mes deux derniers
postes, d'un établissement "choc", un lycée de Créteil
assez difficile, à un établissement "chic" dans la commune
voisine, à Saint-Maur. J'ai constaté ce que je savais de
façon théorique auparavant, à savoir que les besoins
n'étaient pas les mêmes, que je n'avais pas besoin d'aider les
élèves de la même manière. Évidemment je le
savais, mais je l'ai vécu au quotidien.
Il y a une là belle occasion. On pense à d'autres horaires dans
les lycées, à un autre fonctionnement. Il y a un certain nombre
d'heures prévues pour des aides individualisées, de modules,
etc.. Et si nous utilisions ces heures pour les mettre à disposition des
établissements ?
Bien évidemment, c'est d'autonomie qu'il s'agit. Actuellement, quand un
collège reçoit sa DHG, il a deux à trois heures
d'autonomie sur une DHG de 600 ou 700 heures. Selon les cas, un
lycée qui est dans un secteur difficile, avec des aides plus fortes,
peut avoir vingt ou trente heures d'autonomie dans le meilleur des cas. La
plupart du temps, les heures que nous recevons correspondent exactement aux
besoins horaires fixés par les textes. Il me semble que ce n'est pas une
façon de faire progresser l'autonomie.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Je voulais revenir,
après mon collègue M. Carle, sur l'une des
préoccupations fortes de notre commission, à savoir les
remplacements des enseignants. Votre souhait serait qu'il y ait un certain
nombre d'heures à disposition de l'établissement, et que le chef
d'établissement puisse lui-même recourir à des
remplacements dans son établissement.
Cela sous-entend que les enseignants puissent être polyvalents, ou au
moins bivalents. Il serait intéressant d'avoir votre point de vue
précis à ce sujet, car avec la multitude des disciplines il sera
peut-être difficile, même si vous avez des heures à
disposition, de répondre aux demandes de remplacement des maîtres
qui, pour diverses raisons, sont en congé.
Nous avons eu l'autre jour, au cours de l'audition du recteur Bancel, dont
vous avez peut-être lu le compte-rendu, une idée qui nous
paraît intéressante ; je voulais savoir si vous la faites
vôtre. Dans l'académie de Lyon, le recteur a recours à des
étudiants aux diplômes largement suffisants pour exercer dans un
établissement. Ces étudiants, grâce à ces
remplacements, disposent d'environ 40 000 francs en moyenne par an,
ce qui les aide beaucoup dans la réalisation de leurs études,
leur permet une approche du métier qui sera peut-être le leur
demain, et leur apporte une motivation -toujours selon le recteur- tout
à fait extraordinaire.
Pensez-vous que l'on pourrait développer la solution lyonnaise ? Si
j'ai bien compris tout ce qui a été dit lors des auditions de
notre commission, le statut des titulaires remplaçants est source
d'énormes difficultés : parfois il vous en manque, mais
parfois il y en a trop ; certains restent chez eux et continuent à
être payés alors qu'ils n'exercent pas la moindre activité
professionnelle.
J'aimerais revenir sur le problème des ZEP que vous avez
évoqué en disant que vous avez exercé dans deux
établissements tout à fait différents. Tout d'abord,
considérez-vous que la création des ZEP est une bonne
chose ? Pensez-vous que les choix des communes ou des
établissements ZEP a été fait convenablement ?
Doit-il y avoir des évolutions dans ce classement, dans les deux sens,
et doit-on obligatoirement donner la responsabilité
d'établissements classés en ZEP à des chefs
d'établissements confirmés plutôt qu'à ceux qui
débutent dans le métier ?
L'autre problème souvent évoqué est celui des
maîtres auxiliaires. Nous avons tout entendu ; on a entendu que ces
maîtres auxiliaires devaient disparaître, des syndicats nous ont
dit qu'ils devaient rester et retrouver des salaires plus convenables que ceux
qu'ils ont.
Nous avons également pensé que peut-être certains chefs
d'établissements s'attachaient à leurs maîtres auxiliaires
et faisaient des pieds et des mains pour les garder alors que le ministre
semble vouloir les voir disparaître. Pouvez-vous renseigner notre
commission sur cette situation ?
M. Jean-Jacques Romero -
Si je n'ai pas répondu
tout à l'heure, c'était véritablement un oubli et je vous
demande de bien vouloir m'en excuser.
A propos de la notion de remplacement, sur les enseignants polyvalents,
bivalents ou monovalents. Tout d'abord, sur l'évolution du
fonctionnement des établissements, particulièrement pour les
collèges en l'occurrence, il nous paraît effectivement
nécessaire de réfléchir à un autre découpage
des champs disciplinaires. Le découpage extrêmement pointu qui
existe aujourd'hui est préjudiciable, et est source de
difficultés. Nous pensons qu'il faut avancer. En revanche, je ne lie pas
cette question à celle des remplacements.
Sur les remplacements, à partir du moment où les heures existent
et où le service des enseignants peut le prévoir, nous pouvons
probablement avoir des enseignants, même d'une autre discipline à
un moment donné, je parle de remplacements courts, mais de la classe
concernée bien évidemment, qui puissent assurer le remplacement
avant l'arrivée d'un enseignant plus spécialisé dans les
remplacements. Nous attendons une souplesse à ce niveau là, que
seuls les statuts peuvent prévoir.
Le recours à des étudiants nous paraît une bonne
idée, une bonne mise en oeuvre. J'ai lu ce qu'en a dit le
recteur Bancel.
Cela me permet de parler des surveillants. Nous pensons qu'il faut choisir
entre le fait d'avoir des surveillants recrutés sur des critères
sociaux, ou des surveillants recrutés parce que les
établissements en ont besoin.
Nous avons besoin de réfléchir. A côté de ces
surveillants recrutés sur des critères sociaux, on a
véritablement besoin d'un corps de personnels de surveillance
attachés à l'établissement, peut-être des
surveillants plus âgés et plus adultes, qui apporteraient beaucoup
à l'établissement.
De la même manière pour les ZEP, compte tenu des
phénomènes de violence, nous avons bien besoin de corps
d'éducateurs au sens plein du terme, qui nous aident dans notre
tâche. C'était à ceux-là que je pensais en
évoquant tout à l'heure des éducateurs de toute sorte
autour du CPE.
Les ZEP sont une bonne chose, elles ont énormément
apporté. Il faut connaître le fonctionnement des
établissements dans ces zones -je ne doute pas que vous le connaissiez-,
l'ingéniosité et le dévouement de tous les personnels,
personnels enseignants au premier chef, mais aussi personnels ATOS et
personnels de direction. Il faut savoir que ce qui a été fait
dans les ZEP est remarquable ;c'est encore l'un des secteurs du
fonctionnement de l'Etat qui tourne et qui fait que la fracture sociale
évoquée il y a quelques années n'est pas devenue un
gouffre.
Bien sûr, cela ne fonctionne pas de façon extraordinairement
bonne. On peut penser qu'il faudrait peut-être -travaillant à
l'académie de Créteil qui est très concernée, et
ayant dirigé un collège en ZEP, je connais bien le sujet)
davantage cibler les besoins ; il faudrait davantage d'autonomie pour ces
établissements. Nombre d'entre eux ont montré la voie dans
l'évolution des choses ; je crois que sans eux la situation serait
bien plus grave.
J'ai participé de près à l'élaboration de la
nouvelle carte des ZEP dans les discussions que j'ai pu avoir, tant au niveau
ministériel qu'au niveau rectoral. La situation est prise en main, nous
devrions avancer mais je reste prudent dans ce domaine car de jour en jour nous
avons des inquiétudes.
Des chefs d'établissements confirmés ? Oui, je crois que
cela a été dit par Mme Gille, mais peut-être
pourrais-je insister là-dessus. Nous, personnels de direction, n'avons
jamais revendiqué un quelconque barème pour notre affectation,
pour nos mutations. Nous nous sommes même insurgés contre ceux qui
le demandaient au sein même de notre corps. Nous pensons qu'on ne peut
pas devenir chef d'établissement ou adjoint dans tel ou tel
établissement... Prenons par exemple deux lycées totalement
opposés, que sont Louis le Grand à Paris ou Paul Eluard à
Saint-Denis ; ils sont tous deux de même catégorie. Il faut
des spécialistes, des gens qui sachent s'y investir. On ne peut pas
travailler dans l'un ou l'autre de façon improvisée et sans
expérience, ni par la vertu d'un barème. Donc oui, il faut des
chefs d'établissements confirmés.
Les chefs d'établissements qui s'attachent à des maîtres
auxiliaires - on suppose qu'il s'agit de maîtres auxiliaires donnant
satisfaction - s'attachent en fait à la stabilité de leurs
équipes. Quand on est à la tête d'un établissement,
et plus particulièrement d'un établissement difficile -et c'est
souvent là qu'il y a le plus grand nombre de maîtres auxiliaires-,
le travail fait dans une équipe pédagogique ou dans une classe
donnée peut être totalement détruit avec le départ
d'un individu, même s'il n'avait que le statut de maître
auxiliaire ; il s'agit quand même d'un individu dont on a pu
constater la force de conviction et d'entraînement.
C'est plus au ministre qu'à moi de parler des dispositions à
mettre en oeuvre. Au niveau des personnels, nous pensons que partout où
nous pouvons stabiliser les équipes pédagogiques, fût-ce
pour des maîtres auxiliaires, il faut avancer. Là, on retrouve la
mesure d'autonomie.
M. Jean-Léonce Dupont, président -
Avant de
passer la parole à M. Darcos, juste un point sur
l'expérience de l'académie lyonnaise.
M. Jean-Jacques Romero -
Je n'en connais que ce que j'ai pu en
lire, mais je pense que c'est positif. Tout que ce qui peut apporter des aides
pour les suppléances -en utilisant par exemple, un décret de 1990
ou de 1991, qui nous permet d'employer des vacataires, et je pense que c'est
dans ce cadre-là que le recteur Bancel a créé cette
structure-, nous paraît positif et nous y apportons notre soutien.
M. Xavier Darcos -
Je souhaiterais poser deux questions
à M. Romero. Je voudrais d'abord connaître son point de vue
sur la proposition de l'obligation de mobilité qu'on aurait pu imposer
aux chefs d'établissements, comme elle est imposée aux
inspecteurs d'académie par exemple. Nous en avons souvent
discuté, Monsieur Romero, et j'y étais d'ailleurs
très favorable parce qu'il y a de grandes différences de
situation entre les types d'établissements que l'on dirige, et de
grandes différences de capacité à diriger tel ou tel
établissement ; vous l'avez évoqué vous-même en
citant votre propre carrière.
Seconde remarque : nous sommes tous d'accord pour dire que le dispositif
actuel est très fragilisé par le fait que nous n'avons pas assez
de chefs d'établissements de très grande qualité ;
c'est le maillon le plus utile à l'évolution du système
éducatif. Dans les dix minutes qui suivent l'entrée dans un
établissement, on sait si l'on est dans un bon établissement et
quel type de proviseur on va rencontrer ; tous les inspecteurs le savent.
Cependant, l'une des difficultés que nous rencontrons est la
différence de traitement existant entre chefs d'établissements
sous contrat et chefs d'établissements publics. Le chef
d'établissement sous contrat recrute ses professeurs, par
conséquent il peut leur imposer un programme pédagogique et peut
négocier avec eux l'idée de communauté éducative et
de projet pédagogique véritable. Finalement, le fait que ce
dispositif n'existe pas du tout dans le système public n'est-il pas l'un
de ses handicaps principaux ? Votre syndicat a-t-il évolué
sur cette question, et partagez-vous mon sentiment ?
Bien entendu, il ne s'agit pas de dire que les chefs d'établissements
recruteraient les professeurs, mais que pour une partie ils pourraient faire
appel à des personnes de grande qualité qui s'adapteraient
à la situation particulière de l'établissement et qui par
conséquent permettraient de faire évoluer la communauté
éducative. Voilà les deux questions que je souhaitais poser.
M. le Président -
Je tenais simplement à
rappeler qu'il ne nous reste que quelques minutes. La parole est à M.
Lagauche.
M. Serge Lagauche -
La mobilité étant
admise et relativement obligatoire, pensez-vous qu'un chef
d'établissement -vous nous en avez parlé comme d'un chef
d'entreprise- pourrait être amené, avant d'intégrer
l'établissement, à choisir quelques collaborateurs au niveau de
la direction, et pas au niveau des enseignants ? Des équipes se
prépareraient avec un peu d'avance et qu'un mouvement se ferait dans les
établissements.
M. Gérard Braun -
Quelle est votre position sur
les emploi-jeunes ? Comment voyez-vous leur intégration future,
éventuellement, dans le monde de l'éducation ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Sur les
options qui sont sans doute facteurs d'attractivité pour les parents,
très consommatrices en personnels, comment voyez-vous les choses ?
Les nouvelles technologies de communication, notamment, peuvent-elles
permettre, dans le cadre de disciplines rares, de faire avancer les
choses ? Sans remettre en cause l'autonomie, il y a peut être aussi
quelque chose à voir au niveau d'un bassin d'emploi-formation.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Je
voudrais poser une dernière question, qui n'a pas été
évoquée, concernant les conseils d'administration des
établissements.
Vous présidez des conseils d'administration, vous avez des
représentants des collectivités locales dans ces conseils
d'administration et c'est bien ainsi, mais j'entends mes collègues qui
siègent dans ces conseils d'administration regretter leur longueur. Pour
un élu local, passer trois ou quatre heures dans un conseil
d'administration est pratiquement impossible.
Je me demande s'il ne serait pas possible de sérier les questions entre
celles qui peuvent intéresser l'élu de la collectivité
locale et celles qui, d'évidence, ne sont pas de sa
responsabilité, de manière à ne pas connaître une
telle désaffection. Si des chiffres étaient publiés sur la
désaffection des élus locaux aux conseils d'administration, ils
seraient sidérants. Comment peut-on, au contraire, encourager les
élus ? Il serait peut-être bénéfique
d'intéresser les élus à votre travail.
M. Serge Lagauche -
Comment réduire les effets de
la coexistence dont vous parliez tout à l'heure, entre les
établissements "chic" et "choc", quand les quartiers sont à
proximité ou que les communes ne sont pas très
éloignées ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
J'avais
proposé, lors d'une question orale qu'à l'instar de ce qui se
passe dans l'enseignement agricole, les conseils d'administration puissent
être présidés par une personnalité extérieure
plutôt que par le proviseur. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Jacques Romero -
Puisque vous avez été
provocateur, je commence par là, Monsieur le sénateur.
Vous savez que les chefs d'établissements, et mon organisation syndicale
notamment, sont très attachés à cette présidence de
conseils d'administration. Pourquoi ? D'abord, je peux répondre
a contrario
en disant que mes collègues des établissements
agricoles ne sont pas particulièrement satisfaits du système
actuel. C'est facile, mais je ne peux pas me permettre de ne pas le dire.
Second élément : à partir du moment où, me
semble-t-il, même si on y a songé au moment de la discussion des
lois de 1982 et 1983, personne ne pense dans l'état actuel des choses
à confier la présidence à un membre du conseil
d'administration actuel ; on pense plutôt, dans la réflexion
actuelle, à aller le chercher à l'extérieur. Vous savez
aussi bien que moi que les personnalités qualifiées que nous
faisons venir aux conseils d'administration, un ou deux selon les
établissements, viennent rarement. C'est peut-être à cause
des raisons que vous évoquiez tout à l'heure, Monsieur
le sénateur, mais en trouver 7 000 qui puissent
présider, préparer les délibérations et les mettre
en oeuvre, j'ai du mal à l'imaginer.
Sur le fond, les conseils d'administration -vous le vivez en tant
qu'élus- des établissements du second degré reposent sur
le consensus. A quelque moment que ce soit, imagine-t-on un conseil
d'administration adopter un projet d'établissement qui serait
voté par 23 voix contre 7, ces 7 voix étant celles des
enseignants ? On imagine mal le fonctionnement de l'établissement
dans cette hypothèse.
Nous nous disons donc que si cela ne fonctionne pas si mal, même si cela
devrait pouvoir fonctionner mieux, c'est peut-être parce que nous, chefs
d'établissements, nous jouons un rôle de persuasion. Cela repose
sur notre charisme plus ou moins grand, et cela fonctionne donc plus ou moins
bien. La préparation du conseil d'administration et le conseil
d'administration forment un tout.
En revanche, et je reviens sur la question du fonctionnement, il est vrai que,
pour des élus nationaux ou territoriaux mais aussi pour d'autres, passer
quatre heures dans un conseil d'administration est intolérable. Nous
avons des propositions pour modifier, non pas la composition du conseil
d'administration mais sa forme et le travail en amont. Nous pouvons modifier
assez fondamentalement le décret dans ce domaine pour faire en sorte que
les questions soient bien instruites, car actuellement il faut
reconnaître que cette commission permanente ne sert pas à
grand-chose ou qu'elle sert souvent mal ; cela fait souvent double emploi.
C'est dans cette direction qu'il faut avancer. Nous arrivons à des
conseils d'administration qui tiennent en deux heures ou deux heures
et demie selon l'ordre du jour. Il est vrai que nous n'avons pas tout
abordé, mais par exemple vous connaissez le nombre de contrats ou de
conventions que nous devons voter ; il faut bien les voter.
M. le Président -
Excusez-moi de vous interrompre,
mais nous avons encore quelques questions et le temps nous est vraiment
compté. Pourriez-vous revenir sur les problèmes de
mobilité des chefs d'établissements ?
M. Jean-Jacques Romero -
La question est : quelle
mobilité ? Géographique, fonctionnelle ou
inter-catégorielle ?
Mobilité géographique : c'est clair. Mobilité
fonctionnelle : d'un poste d'adjoint à un poste de chef, de
proviseur à principal, etc. La mobilité
inter-catégorielle, c'est ce que je disais tout à l'heure en
évoquant le "à charge de revanche" par rapport à d'autres
administrations ; c'est donc le fait que nous puissions passer d'une
administration à l'autre. J'ai aussi évoqué le fait de
passer d'inspecteur à chef d'établissement.
A partir du moment où nous avons résolu ce type de
problème, que l'on arrive peut-être pas à un corps unique
mais à quelque chose qui y ressemble, à partir du moment
où un certain nombre de problème de ce type sont résolus,
nous sommes favorables à une mobilité forte. Au delà d'une
opinion personnelle -mais après tout j'ai prêté serment
à titre personnel-, je dis aussi qu'après un certain nombre
d'années dans un établissement, non seulement on ne le fait pas
avancer, mais on le fait régresser. Personnellement, et je parle au nom
de la majorité de mon syndicat, même si cela n'est pas
écrit ainsi dans nos textes, je suis persuadé que nous sommes
favorables à une vraie mobilité des personnels de direction,
dès lors que certaines questions sont résolues.
Sur le recrutement des enseignants, cela me permet de développer un peu
ce que j'ai dit rapidement tout à l'heure. Actuellement, les statuts de
la fonction publique nous paraissent être un garant, en même temps
qu'une gêne par moments, mais en revanche nous pouvons avancer par le
détermination de postes à profil dans l'établissement, pas
seulement pour les enseignants mais aussi pour les personnels ATOS. Nous nous
retrouvons pleinement dans certaines propositions récentes qui
évoquaient le fait que les établissements pouvaient
déterminer les postes et recevoir les gens postulant à ces
emplois. Nous avons avancé depuis quelques années.
M. le Président -
Vous n'avez pas tout à
fait répondu à l'ensemble des questions, mais malheureusement
nous avons été pris par le temps et M. Richard est
arrivé.
Je remercie M. Romero pour l'ensemble de ses déclarations et leur
caractère très direct.
AUDITION DE M. JACKY RICHARD,
CHEF DU SERVICE DE
L'INSPECTION GÉNÉRALE
DE L'ADMINISTRATION DE
L'ÉDUCATION NATIONALE (IGAEN)
(20 JANVIER 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jacky Richard.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous avez la parole pour un
propos introductif avant de passer aux questions.
M. Jacky Richard -
Merci, Monsieur
le président. Je souhaite vous présenter
M. Charles Martin, secrétaire général de
l'inspection générale de l'administration de l'éducation
nationale, membre du corps, inspecteur général adjoint, qui
m'accompagne.
J'ai bien compris les règles du jeu. Je dirai d'abord ce qu'est
l'inspection générale de l'administration et ce qu'elle fait, eu
égard aux centres de préoccupations qui sont les vôtres
dans le cadre de cette commission d'enquête. L'inspection
générale de l'administration est un corps de contrôle, un
corps d'évaluation tout à fait classique, que l'on trouve dans
tous les départements ministériels, que ce soit l'inspection
générale de l'administration du ministère de
l'intérieur, des affaires sociales, l'IGAS, l'IGF (l'Inspection
Générale des Finances),
mutatis
mutandis
et toutes
choses égales par ailleurs. Ces corps de contrôle ont la charge de
vérifier pour le compte du ministre -ils sont rattachés
directement au ministre- le respect de la norme administrative,
financière, organisationnelle ; de vérifier que le
système général fonctionne correctement. C'est un large
champ de compétences générales que l'inspection
générale de l'administration a à connaître.
La particularité du ministère de l'éducation nationale est
qu'il a deux inspections générales. La commission a
auditionné récemment la doyenne de l'inspection
générale de l'éducation nationale, Mme Becquelin.
L'inspection générale de l'administration n'a pas vocation
à porter un jugement ou une appréciation sur l'acte
pédagogique ; cela va de soi, mais il est utile de le rappeler.
En revanche, tout ce qui concourt au fonctionnement général du
système éducatif et au bon accomplissement de l'acte
pédagogique, puisque la finalité du système
éducatif est évidemment l'élève et
l'étudiant, tout ce qui concourt donc à la bonne marche du
système éducatif relève du champ d'intervention de
l'inspection générale de l'administration, encore une fois de
manière très banale, comme cela se trouve dans tous les autres
ministères.
Pour ce faire, l'inspection générale de l'administration dispose
de 80 inspecteurs, d'une quinzaine de chargés de mission
intégrés aux services et participant aux services. Il s'agit
d'une organisation fondamentalement territoriale : l'inspection
générale de l'administration souhaite que les investigations sur
le terrain, au plus près de là où sont les
élèves et les étudiants, constituent une bonne
organisation. Cette organisation territoriale compte sept groupes territoriaux,
chaque groupe territorial couvrant quatre ou cinq académies. A la
tête de chaque groupe territorial, un inspecteur général
chevronné organise le travail et les missions sous la
responsabilité du chef du service.
L'inspection générale de l'administration a trois grands
types d'activités, trois grands volets d'intervention
définis annuellement par le ministre dans le cadre d'une lettre annuelle
de mission au chef du service pour l'organisation des travaux. Cette lettre de
mission prévoit ces trois grandes familles d'activités :
tout d'abord, des missions de suivi permanent dans les établissements
scolaires, et les établissements d'enseignement supérieur, car
l'IGAEN est compétente dans ce secteur, et dans les services
académiques.
Chaque année, l'inspection générale définit un
échantillon et visite les services, pour faire au ministre un rapport de
synthèse sur les trois niveaux qu'elle a vus : les
établissements scolaires, les établissements d'enseignement
supérieur et les services académiques, sur la base d'un
échantillon. Chaque année, on visite 120 à
150 établissements scolaires, une vingtaine d'établissements
d'enseignement supérieur et une vingtaine de services académiques.
C'est le premier volet : humer l'air du temps, voir ce qui se passe dans
les services, comment la politique ministérielle est mise en oeuvre,
comment réagissent les chefs d'établissements, les inspecteurs
d'académie, les recteurs ; rencontrer des professeurs et des
parents d'élèves lorsque l'on se rend dans les
établissements ; une sorte d'imprégnation que nous avons
dans le cadre de ce suivi permanent, et qui donne lieu tous les ans à
trois rapports de suivi permanent, que nous sortons en juin, juillet.
Deuxième type d'activité de l'administration : des missions
ponctuelles très précises, très pointues, lorsqu'un
dysfonctionnement s'est produit et qu'il a été signalé au
ministre par un recteur ou un président d'université. Le ministre
demande alors à son inspection générale de se rendre sur
place voir ce qui se passe, et nous menons une enquête pour comprendre
quel est le fait générateur du problème, qui a tort et qui
a raison, et comment on peut sortir de la difficulté.
Ce sont des mission ponctuelles, mais souvent révélatrices de
certains dysfonctionnements du système éducatif. Pour vous donner
quelques exemples, cela peut concerner un intendant, un gestionnaire
indélicat, un chef d'établissement en situation d'échec et
de rupture totale par rapport à son corps professoral, des missions
relatives au mauvais fonctionnement d'une division d'examens et concours
lorsqu'il y a eu des timbres fiscaux dérobés. Toutes choses
parfois extrêmement précises, qui n'ont pas grande importance,
mais qui sont révélatrices d'un mauvais fonctionnement et qui
peuvent déboucher sur du disciplinaire puisque, en
général, l'inspection générale va sur le terrain
pour faire son rapport, et est témoin au conseil de discipline pour que
la sanction soit juste et conforme à la réalité des
choses. L'inspection générale apparaît comme une instance
un peu indépendante, ayant le recul nécessaire.
Troisième grand volet d'activités : des thèmes
d'étude annuellement définis sur des sujets précis, un peu
lourds, que le ministre nous demande de traiter dans le cadre de sa lettre de
mission annuelle.
Je vous donne quelques exemples. Cette année nous avons travaillé
sur trois sujets précis. Premier sujet : la santé
scolaire, son organisation, son fonctionnement, sa pertinence, sa
performance ; ce sont des questions délicates, difficiles dans le
contexte actuel où apparaissent certaines maladies et certaines
insuffisances ; l'école est un bon endroit pour les percevoir.
Second sujet : la déconcentration des enseignants et des
non-enseignants dans l'enseignement supérieur. Troisième
sujet : les conditions de développement de la recherche au niveau
régional.
Le ministre de l'éducation nationale et de l'enseignement
supérieur est aussi ministre de la recherche. Il a demandé
à l'inspection générale de travailler sur le secteur de
l'administration de la recherche.
L'an passé, nous avions travaillé et fait un rapport sur la
déconcentration du mouvement des enseignants du second
degré ; on aura peut-être l'occasion d'en reparler. Nous
avons travaillé sur l'allocation des moyens dans le premier
degré, sur la répartition des postes d'instituteurs, et aussi sur
la mise en place des emplois-jeunes, sur la manière dont cette
nouveauté se mettait en place. Nous avons fait sur ces trois sujets un
rapport complet et substantiel d'une centaine de pages au ministre. Pour ce
faire, quatre ou cinq inspecteurs ont été déchargés
de toute autre activité pendant quatre mois, afin de ne se consacrer
qu'à cela.
Un quatrième volet apparaît depuis un an ou deux, une
quatrième série d'activités se situant entre les missions
ponctuelles et les thèmes : il arrive de plus en plus souvent que
la ministre nous demande, dans un délai de deux mois ou
deux mois et demi, d'étudier un problème et de faire des
propositions dans l'urgence, pour voir si la politique qu'elle souhaite voir
mise en oeuvre l'est effectivement, si ses projets sont jouables, faisables, et
si les conditions de réussite de ces réformes sont possibles.
Pour illustrer mon propos, je citerai quelques sujets qu'on nous a
demandé de traiter dans ces conditions : l'absentéisme des
enseignants, le bizutage, les conditions dans lesquelles certaines affaires de
pédophilie ont pu survenir, et comment le système
éducatif, au cours des années antérieures, il y a cinq ou
dix ans, avait d'une certaine manière vécu avec ces affaires
de pédophilie en connaissant un certain nombre de
responsabilités, sans aller jusqu'au bout de la sanction. Le ministre
nous avait demandé de faire une étude rétrospective sur
ces questions.
C'est un exemple ; je pourrais encore citer un travail, actuellement
demandé par le ministre, sur les conditions de recrutement, d'emploi et
de débouchés des maîtres d'internat et des surveillants
d'externat.
Ce quatrième type d'activité se développe de plus en
plus ; le ministre précédent l'avait également
expérimenté en nous demandant des travaux sur les maîtres
auxiliaires, leur réemploi -sujets qui intéressent la commission-
ou sur les conditions d'utilisation des heures supplémentaires pour
accueillir les maîtres auxiliaires.
Au total, l'inspection générale de l'administration
réalise 120 à 150 rapports par an : un rapport
général publié à la Documentation française,
et des rapports particuliers dont certains peuvent être publiés,
comme celui sur la déconcentration du mouvement des enseignants du
second degré, également à la Documentation
Française.
En guise de conclusion j'indiquerai que, dans le domaine d'investigation de la
commission d'enquête, l'IGAEN a notamment couvert des sujets tels que le
pilotage sur le terrain du système éducatif par les recteurs, par
les chefs d'établissements. Ce sont des questions sur lesquelles nous
avons des éléments à apporter à votre connaissance,
si vous le souhaitez. Nous avons beaucoup travaillé sur les conditions
de la réussite de la déconcentration du mouvement des enseignants
du second degré, et aussi sur l'absentéisme et le remplacement
des enseignants.
Il faut sans doute laisser un espace à la discussion et aux questions
que je m'efforcerai d'apporter à vos questions.
M. le Président -
Pouvez-vous préciser votre
rôle, ou plus exactement les responsabilités qui sont les
vôtres et celles de l'inspection générale de
l'éducation nationale, ou plus précisément du groupe de
"la vie scolaire" ? N'y a-t-il pas certains chevauchements, voire des
pertes d'énergie, entre l'IGAEN (l'inspection générale de
l'administration de l'éducation nationale) et l'inspection
générale de l'éducation nationale, en particulier pour ce
qui est du groupe de la vie scolaire ?
M. Jacky Richard -
En bon connaisseur du système
éducatif, Monsieur le président, vous mettez d'emblée
le doigt sur une difficulté, une particularité d'organisation. Il
y a sans doute quelques chevauchements de domaines d'activités et de
compétences. Cela dit, l'inspection générale de
l'éducation nationale, groupe "vie scolaire", a pour mission essentielle
de suivre le fonctionnement des établissements scolaires. En fait, le
rôle des inspecteurs généraux de la vie scolaire est
très important pour préparer le mouvement et les mutations des
chef d'établissements ; ils s'appuient sur le réseau des IPR
"vie scolaire", des proviseurs "vie scolaire", ils traitent aussi des questions
d'éducation au sens précis et statutaire du terme,
c'est-à-dire des personnels chargés de l'éducation et
conseillers principaux d'éducation qui participent à la vie de
l'établissement.
De son côté, l'IGAEN souhaite évidemment être
présente, et est très présente dans les
établissements, autour du fonctionnement de l'établissement, avec
une attention particulière sur les aspects administratifs et financiers.
Elle va jusqu'à la porte de la classe, sans la franchir puisque c'est le
domaine de l'IGEN disciplinaire ; ce qui bien évidemment
n'empêche pas l'IGAEN de rentrer dans la classe. L'IGAEN ne s'interdit
pas de traiter des questions de vie solaire, par exemple la bonne organisation
des emplois du temps, l'optimisation des moyens à la disposition du chef
d'établissement, le repérage de dysfonctionnements ou de
redondances au sein de l'établissement. Effectivement, il peut y avoir
un recouvrement de domaines.
La solution à cette chose est le travail en commun. Beaucoup de missions
qui se déploient dans les établissements scolaires sont des
missions conjointes IGAEN / IGEN / vie scolaire ; au
lieu de se surveiller et de se "marquer à la culotte" si vous me
permettez cette expression triviale, ces deux corps s'enrichissent de leurs
différences.
M. le Président -
A vrai dire, je voulais vous amener
là où vous êtes arrivé à la fin de votre
propos. Je me demandais si l'un des rôles tout à fait essentiels
-et que je m'étonnais un peu de n'avoir pas vu souligné dans ce
que vous avez dit tout à l'heure- de votre corps ne devait pas
être la vérification de la bonne utilisation des moyens mis
à la disposition des établissements. Cela ne devrait-il pas
être le rôle premier de votre corps d'inspection ?
M. Jacky Richard -
Je suis passé très vite
sur cette question au tout début de mon intervention, quand j'ai
parlé de la vérification par rapport à la norme
administrative et financière. Cela recouvrait effectivement la bonne
utilisation des crédits et des emplois. Dans notre suivi permanent des
services académiques et des établissements scolaires -mais
surtout des services académiques-, nous sommes
régulièrement conduits à vérifier que les postes
sont correctement utilisés, et que l'utilisation et la
répartition des emplois et des blocs-horaires -vous êtes sans
doute très averti de ces choses- se font dans de bonnes conditions.
M. le Président -
Nous sommes en plein dans le sujet.
M. Jacky Richard -
Nous travaillons sur ces sujets, bien
entendu.
M. le Président -
Sur ces sujets-là, faites-vous un
rapport régulier au Ministre ?
M. Jacky Richard -
Non, nous ne faisons pas de rapport
régulier sur ce que sujet. Il nous arrive très
régulièrement, dans tous nos rapports, d'indiquer si les moyens
sont bien utilisés, de manière optimale, moins bien ou mal
utilisés. Régulièrement, dans nos rapports, il y a une
dimension "utilisation des moyens" mais, pour répondre
précisément à votre question, il n'y a pas de rapport
spécifique sur l'utilisation des emplois et des crédits. Mais si,
par exemple, nous allons contrôler l'inspection académique du
Rhône ou le rectorat de Clermont-Ferrand, il y aura nécessairement
une partie sur l'utilisation des moyens dans le rapport remis au ministre.
M. le Président -
Pour en terminer sur le sujet, avant de
passer la parole à mes collègues, vous venez de parler du
contrôle que vous exercez sur les niveaux administratifs
académiques et départementaux, les inspections académiques
et les rectorats. Pouvez-vous nous dire comment cela se passe ? Qui est
votre interlocuteur dans un rectorat ? S'agit-il du recteur, ou bien
allez-vous voir le DRH ?
M. Jacky Richard -
Il est clair que lorsque nous
arrivons, nous rendons une visite de courtoisie au recteur, mais nous devons
aller au-delà et aux tréfonds du rectorat. Nous descendons, non
seulement au niveau du chef de division, du chef de bureau, mais encore au
niveau de celui qui instruit le dossier, qui fait les tâches. C'est
là qu'on s'aperçoit d'une bonne coordination des choses ou, au
contraire, de fonctionnements qui ne sont pas corrects.
Nos visites dans les rectorats et les inspections académiques sont de
deux sortes. On peut réaliser un audit ; par exemple, l'un de
nos collègues travaille actuellement sur l'inspection académique
de l'Essonne, grosse inspection académique en région
parisienne ; c'est d'ailleurs l'inspecteur d'académie
lui-même qui nous a demandé de venir. On y travaille, on y va
plusieurs fois, en plusieurs étapes.
Il y a également des contrôles plus réguliers : les
correspondants académiques, les inspecteurs généraux
chargés d'une académie entretiennent des rapports de travail
courtois mais indépendants avec les chefs de division et donc
régulièrement, une fois par mois, viennent discuter, relever un
tableau, voir où en est telle question d'actualité, etc..
Il y a deux aspects dans nos investigations sur le terrain : soit un
travail d'audit, de contrôle parce qu'on nous l'a demandé, et nous
le faisons de manière approfondie, mais aussi une approche qui
relève du suivi permanent et beaucoup plus libre ; souvent, on
apprend beaucoup de choses en instaurant des liens cordiaux et
réguliers, ce qui ne signifie pas qu'ils ne sont pas marqués par
la responsabilité et l'indépendance.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Le
ministre a fourni à plusieurs reprises des chiffres concernant
l'éducation nationale ; ce n'est pas la seule, mais c'est
peut-être l'une des raisons ayant motivé la création de
cette commission. Ces chiffres, largement diffusés, concernant
l'absentéisme, le taux d'encadrement, est-ce vous qui les avez fournis,
et pensez-vous qu'ils sont exacts ? Nous avons entendu ici tout et son
contraire.
M. le Président -
Bonne question !
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Veuillez pardonner la brutalité de ma question, mais je pense
que c'est une question importante pour la connaissance de la commission.
Deuxièmement, vous avez dit que pratiquement tout le travail que vous
faites est inspiré par le ministre qui vous demande un certain nombre de
rapports. Les ministres vous demandent-ils une tonalité pour ces
rapports, ou pouvez-vous nous assurer que ce travail est réalisé
en toute objectivité et en réponse à la seule question
posée par le ministre ?
Troisièmement, avez-vous l'impression que tous les rapports de
contrôle que vous faites aboutissent ? Sont-ils véritablement
utilisés, et comment ? L'utilité de contrôle est
évidente mais, dans la partie "propositions", considérez-vous
qu'il y a reprise de la part du ministre ?
Pensez-vous que la déconcentration du mouvement des enseignants,
à laquelle vous avez longuement travaillé, est
véritablement une bonne chose ? Y aura-t-il vraiment une meilleure
adéquation entre moyens existants et besoins disciplinaires ?
Question que nous posons pratiquement à toute personne
auditionnée ; j'entre peut-être dans le domaine
pédagogique, mais vous répondrez seulement si vous le
souhaitez : pensez-vous que la bivalence, notamment pour les
collèges, ne serait pas partiellement une réponse aux
difficultés d'organisation que rencontrent les
établissements ?
M. Jacky Richard -
Vous dites, Monsieur
le sénateur, que vous entendez beaucoup de chiffres, parfois
contradictoires. L'adage dit qu'on peut faire dire ce que l'on veut aux
chiffres ; effectivement, il faut savoir de quoi on parle.
Votre question est de savoir si c'est nous qui alimentons le ministre en
chiffres. La réponse est plutôt non, parce que le ministre a des
services pour cela : un service statistique, comme dans tous les
ministères, appelé "direction de l'évaluation et du
développement", anciennement service de l'évaluation et de la
prospective, la DEP.
La direction des affaires financières sur les moyens tient une
comptabilité et un contrôle des emplois, un contrôle de
consommation des crédits, des heures supplémentaires,
contrôle tout à fait évident et normal s'agissant d'une
direction des affaires financières qui a des comptes à rendre
à la direction du budget, qui négocie tous les jours avec elle,
et qui rencontre souvent la Cour des comptes. La direction des affaires
financières est donc aussi pourvoyeur des chiffres pour le ministre.
De son côté, de temps en temps, quand elle a fait un certain
nombre d'investigations sur le terrain, sur la base d'échantillons
qu'elle estime représentatifs, l'inspection générale de
l'administration ne déteste pas transmettre au ministre des
données chiffrées sur des évolutions, des tendances
lourdes qui se manifestent à deux ans, à cinq ans, sur
les éléments principaux.
Un exemple sur l'absentéisme avec une mission conjointe
IGEN / IGAEN : nous avons fourni au ministre un certain nombre
de chiffres qui n'était pas évidents. Si vous me le demandez, je
peux vous les communiquer.
M. le Président -
Si ma mémoire est bonne, il me
semble avoir entendu le ministre dire que, dans le premier ou le second
degré, je ne sais plus, l'absentéisme était de 12 %.
Est-ce vous qui avez fourni ce taux ?
M. Jacky Richard -
Il y a eu une polémique sur
cette question, et même récemment un article dans un journal du
soir... Est-ce 12 ou 6 % ...
M. le Président -
C'est le double !
M. Jacky Richard -
Effectivement, ce n'est pas tout
à fait pareil, d'où l'intérêt de l'article du
journal en question. Je crois qu'il s'agit du second degré.
Nous avons mené, avec l'IGEN, des travaux dans
913 établissements très précisément
(lycées, collèges, lycées professionnels), avec les IPR,
mais ce sont les deux inspections générales qui ont fait la
synthèse. Sur la base de cet échantillon non négligeable,
on a constaté qu'au total -mais les chiffres sont très
piégés et on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres-,
13 % des heures dues aux élèves n'était pas
assurées par le maître de la classe.
M. le Président -
Ce qui n'est pas la même chose.
M. Jacky Richard -
Si l'on tient compte du fait qu'un
certain nombre d'heures ne sont pas assurées par le maître pour
cause de formation, de maladie, de congé de maternité ou
d'organisation d'un examen, etc., et si l'on tient compte du fait qu'un certain
nombre de maîtres sont remplacés, on peut penser que 4 à
5 % des heures sont remplacées par des enseignants dont c'est le
métier d'être remplaçants. On arrive donc à 8 ou
9 % des heures dues aux élève qui ne sont pas du tout
remplacées. Cela n'est pas négligeable. Sur la base de ces
chiffres, le ministre a pu stigmatiser cette question.
Sur la tonalité des rapports, les choses doivent être
claires : le ministre demande des rapports ; une fois que la demande
est faite, il appartient au chef du service de répartir et de faire
faire le travail, de savoir quels inspecteurs, souvent en binôme, vont
faire le travail. Ensuite, on n'en entend plus parler. Autrement dit, il n'y a
pas de consignes, ni sur la tonalité et a fortiori, sur le contenu.
Si c'était le cas -et cela a pu se produire-, je vous prie de croire que
les collègues réagiraient vivement parce que le corps est
indépendant. Il est composé, à la faveur des alternances
de hauts fonctionnaires de tous horizons. Cette composition très
éclectique autorégule ce type de risque que vous évoquiez
en indiquant que le ministre, quel qu'il soit, pourrait attendre une certaine
tonalité ou un certain contenu.
Je peux vous rassurer à ce sujet si vous étiez inquiets, et vous
dire que nous avons déjà écrit et dit des choses qui n'ont
pas toujours rencontré l'enthousiasme de ceux qui avaient
commandé le rapport. Je ne fais pas allusion à des situations
récentes ; c'est quelque chose qui est vrai dans la moyenne ou
longue durée.
Troisième question sur le suivi des rapports : nos propositions
aboutissent-elles ou non ? Sont-elles reprises ? C'est le choix du
ministre. Il passe commande, nous faisons un rapport, des propositions. Que ces
propositions soient ou non suivies, ce n'est plus notre domaine d'intervention.
Il est vrai que les inspecteurs ayant travaillé sur un sujet aiment bien
que leurs propositions soient reprises, et cela arrive.
Je prendrai l'exemple de la déconcentration du mouvement des enseignants
du second degré. Ce rapport, fait en décembre 1997, contient
des propositions qui ont été plus que reprises, puisqu'elles sont
actuellement mises en oeuvre.
Votre quatrième question, Monsieur le sénateur, portait sur
la déconcentration du mouvement. Vous me demandiez si c'était une
bonne chose et si cela allait permettre de régler un certain nombre de
problèmes. Je ne pense pas que ce soit la panacée et qu'il
suffise de faire une réforme, aussi importante soit elle, pour
régler tous les problèmes.
Je crois vraiment et profondément que le mouvement national, tel qu'il
était fait, d'une part, était au bord de l'asphyxie, et que
deuxièmement il n'atteignait pas son propre objectif. Je
m'explique : le mouvement national permettait de répondre, pour
50 % de son volume, à des demandes intra-académiques. Sur
les 100 000 enseignants qui tous les ans demandent une mutation, la
moitié demandait à bouger d'un poste de l'académie
à un autre poste de l'académie. Sur les 40 000 enseignants
obtenant satisfaction, la moitié obtient satisfaction à
l'intérieur de l'académie.
Si l'on écoute les organisation syndicales, notamment la principale
d'entre elles sur cette question, qui dit que la déconcentration du
mouvement va faire entrer les enseignants dans une mécanique aveugle
où ils quitteront un poste précis sans savoir quel type de poste
ils auront avant la fin des opérations, je crois qu'il faut relativiser
cette crainte parce que les statistiques sont formelles. Je cite les chiffres
de 1997 : sur les 40 000 enseignants ayant obtenu satisfaction,
seul 4 % d'entre eux ont obtenu un poste précis en dehors de leur
académie d'origine. Le mouvement national est une mécanique
complexe qui, finalement, avait un rendement très faible par rapport
à ses objectifs .
Le mouvement déconcentré, qui reste national, que nous mettons en
place permet d'abord de mettre en conformité le droit et le fait, et
surtout il permet au recteur d'avoir toutes les cartes en main pour une
meilleure adéquation poste / personne.
Sur la question de la bivalence, il y a deux manières d'y
répondre : une bonne et une mauvaise.
La mauvaise : la bivalence est nécessaire pour faciliter la
gestion. Si on prend le problème ainsi, en disant qu'avec des
professeurs bivalents il est plus facile de compléter les emplois du
temps, de régler les problèmes des petits collèges, etc.
Cela est vrai, d'ailleurs : la bivalence facilite la gestion. Si on prend
le problème par ce bout, on va vers l'échec. Cela ne marchera
pas, les enseignants y sont opposés.
En revanche, la bonne façon de poser le problème est d'avoir une
approche vraiment pédagogique du problème, et de constater que
dans certaines conditions, certains domaines, par exemple pour favoriser le
travail en équipe, pour répondre à des questions et des
attentes de publics scolaires en difficulté, il est vrai que la
pluridisciplinarité est souvent une meilleure réponse à
ces questions que l'affirmation, l'approfondissement mono disciplinaire.
Si l'on veut avancer sur cette question de la bivalence, et je pense qu'il est
intéressant de le faire, il est nécessaire de problème en
termes pédagogique et non pas en termes gestionnaires.
M. Gérard Braun -
Avez-vous déjà
été saisi par les ministres d'une réflexion, une demande
de rapport sur les emplois-jeunes, et en particulier sur leur devenir dans le
monde de l'éducation nationale ?
Seconde question : vous arrive-t-il parfois d'aborder dans vos rapports et
réflexions le problème des investissements dans les
établissements scolaires ? Ce problème n'est plus du domaine
de l'éducation nationale et de l'Etat, puisqu'il relève des
différentes collectivités locales : départements pour
les collèges, régions pour les lycées. Vous arrive-t-il
d'aborder ces problèmes, de faire des recommandations ou de porter des
jugements sur cette politique menée par les collectivités
locales ?
M. Jacky Richard -
Pour répondre à votre
question sur les emplois-jeunes : oui, nous avons été saisis
par le ministre sur cette question dès janvier 1998,
c'est-à-dire moins de trois mois après les premiers
recrutements.
Nous avons fait un rapport, très rapidement, pour savoir comment
s'étaient passés les recrutements, comment les recteurs avaient
monté leurs commissions de recrutement, comment la déontologie
minimale avait pu être mise en place, etc. Nous avons prolongé ce
travail en juin 1998 par des investigations dans six académies
pour voir comment les emplois-jeunes étaient employés à
l'éducation nationale, quels types travaux ils faisaient, comment ils
étaient accueillis par les enseignants, par les familles etc. Ce
rapport, sorti en juin ou juillet, fait le point sur ces questions.
Il est trop tôt pour répondre à la question du devenir des
emplois-jeunes. Un an après la mise en place, on commence à avoir
une petite idée du
turn
-
over
, vilain mot qui nous permet
de savoir combien entrent et combien sortent, et pour quoi faire. Les quelques
chiffres que l'on a tournent autour de 5 % de sorties, ce qui est faible.
M. Gérard Braun -
Ce n'est pas beaucoup.
M. Jacky Richard -
Ils sont recrutés pour
cinq ans. On est dans une phase de "remplissage". Ce n'est que dans un an
que nous pourrons avoir une analyse plus fine des sorties et du devenir de ceux
qui partent, des débouchés. Les formations qu'on leur donne
montrent qu'un certain nombre d'entre eux, mais pas tous, se destinent à
des carrières dans l'éducation nationale, mais pas autant qu'on
pouvait le penser. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.
Votre seconde question portait sur les investissements. Depuis les lois de
décentralisation, il est vrai que nous sommes moins présents sur
ces secteurs pour des raisons évidentes. Lorsqu'on examine les cartes
des formations, lorsqu'on discute avec les rectorats sur les refontes de cartes
scolaires, lorsqu'on essaie de comprendre comment l'enseignement professionnel
évolue, etc., il nous arrive d'aller interroger, de prendre connaissance
d'un certain nombre de dossiers au conseil régional ou au conseil
général, pour les SEGPA par exemple, où il y a des
ateliers. Nous le faisons, mais cela n'est pas très
développé. La libre administration des collectivités
territoriales par elles-mêmes est un sujet cher à la haute
assemblée.
M. le Président -
Y a-t-il d'autres questions ?
Monsieur Dupont ?
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
J'ai été quelque peu choqué par votre
affirmation sur la bivalence. Vous avez dit qu'il y avait deux façons
d'aborder le problème, une bonne et une mauvaise. Je m'accorde tout
à fait avec vous sur la bonne, mais j'ai été
troublé par la mauvaise. Cela me fait penser à ce que nous vivons
dans certains domaines, je pense notamment à ce qu'on appelle la
départementalisation des services d'incendie, où les gens vous
disent : "Vous pouvez traiter des normes de sécurité mais
pas du coût". Or il me semble que, quelle que soit l'organisation, on
doit se soucier du coût de l'ensemble du service ou de l'institution.
Dire que les syndicats ne le supporteraient pas me paraît un peu court.
M. Jacky Richard -
Je me suis sans doute mal
exprimé. La mauvaise réponse concerne l'aboutissement de cette
réforme éventuelle.
Je l'ai peut-être dit de façon trop péremptoire. Si on pose
le problème en termes de gestion, on aura beaucoup de difficultés
à avancer dans cette solution. Ce que j'ai dit ne signifie pas que les
questions de coût, d'efficience et de bonne utilisation des deniers du
contribuable passent en seconde analyse. Il me semble que l'approche
pédagogique sur cette question doit être partagée. Si on
met l'autre, on aura davantage de mal. Voilà ce que j'ai voulu dire.
M. le Président -
Pouvez-vous préciser l'une de vos
affirmations ? Vous avez dit tout à l'heure que
l'inconvénient de la déconcentration, parfois
dénoncé par certains, devrait être relativisé ou
minoré. Vous avez parlé de 4 % des cas. Cela veut dire que
4 % des cas seraient mieux traités par le mouvement national que
par un mouvement déconcentré en deux temps. Est-ce cela que
vous avez voulu dire ?
M. Jacky Richard -
Non.
M. le Président -
Permettez-moi de préciser ma
question. J'ai un doute. Le mouvement national a théoriquement
l'avantage de permettre une affectation sur un poste donné qui
correspond aux voeux de l'intéressé ou qui s'en rapproche. Un
mouvement déconcentré a-t-il, ou aura-t-il, l'inconvénient
que je vais essayer de décrire ? Prenons le cas d'un enseignant
originaire du nord de l'académie de Toulouse et qui souhaite, par
exemple, être nommé dans l'Aveyron. Imaginons qu'il demande Rodez.
Premier temps : mouvement national ; on l'envoie dans
l'académie de Toulouse. Deuxième temps : mouvement
académique; il se retrouve à Cintegabelle, pour autant qu'il y
ait un collège là-bas. Il eût mieux valu qu'il fut
nommé à Mende s'il ne pouvait pas avoir Rodez, parce que c'est
plus près et que cela semble davantage correspondre à ce qu'il
recherche s'il souhaite se rapprocher de chez lui. Cet inconvénient du
mouvement déconcentré est-il réel, ou bien est-ce moi qui
l'imagine ?
M. Jacky Richard -
Si les choses se produisent comme vous
l'avez indiqué, c'est un inconvénient pour l'enseignant qui
voulait aller à Rodez et qui se retrouve au sud de la Haute-Garonne. Ce
que permettra la déconcentration, c'est l'adéquation
poste / personne. La réponse aux voeux strictement
géographiques des enseignants pourra être moins bonne. Mais ce qui
sera meilleur à mon avis, et c'est l'intérêt des
élèves, des enfants et de l'employeur qu'est l'éducation
nationale, c'est une bonne adéquation entre le profil de la personne et
celui du poste.
Quand le recteur procédera au mouvement intra-académie, il saura
que lui arrive, par le mouvement inter-académies, un enseignant qui
enseignait dans un grand lycée de centre ville de l'académie de
Lille, le lycée Faidherbe par exemple. Il sait qu'il n'a peut-être
pas intérêt à envoyer cet enseignant dans un petit
collège du Lauraguet, mais qu'il devrait plutôt lui trouver un
grand lycée de centre-ville du nord de l'Aveyron ou des
Hautes-Pyrénées. Ce n'est pas tout à fait la même
chose, il y a quand même 400 kilomètres entre Tarbes et
Rodez. En tout cas, l'adéquation poste / personne me
paraît mesurable parce que quelqu'un réfléchira à la
confrontation de tous ces éléments.
M. le Président -
A une condition toutefois, et c'est une
question. Cela ne sera possible que si le recteur a une certaine marge de
manoeuvre, mais si le mouvement académique est organisé sur la
base d'un barème national, on se retrouve dans le même cas de
figure que pour le mouvement national. Or, justement, que savez-vous de
cela ?
La crainte que j'exprime est que l'on ait un barème national et que le
recteur soit tenu, parce qu'il y aura des commissions académiques comme
il y a des commission nationales, de respecter ce barème national. Qu'en
pensez-vous ?
M. Jacky Richard -
Comparaison n'est pas raison mais j'ai
l'expérience. Quand j'étais directeur des personnels
non-enseignants, j'ai organisé la déconcentration d'un corps de
15 000 personnes. Ce que nous faisions à Paris était
totalement aberrant. Les recteurs, progressivement, ont pris cela en main. Dans
les premières années, les recteurs, soit par mimétisme,
soit pour d'autres raisons, ont repris
grosso modo
les règles du
mouvement national et, petit à petit, s'en sont progressivement
affranchis.
Je pense que le mouvement sera de même nature, progressivement, pour les
règles du mouvement intra-académique, les
spécificités de l'académie, concertées avec les
représentants des personnels au niveau académique. Il ne s'agit
pas de faire du recteur un chef qui sort de son chapeau un barème qui
serait à l'opposé du barème national.
La gestion académique sera une gestion concertée. Comment
pourrait-il en être autrement à l'éducation nationale? Le
recteur peut faire plus facilement admettre, de manière
concertée, la prise en compte d'éléments -que les
syndicats peuvent tout à fait prendre en compte-, à savoir
l'intérêt des élèves.
Il me semble que sur cette question du mouvement déconcentré,
l'intérêt des élèves et l'intérêt des
personnes entretiennent des convergences plus larges qu'on veut bien le croire.
Quel est l'intérêt d'un enseignant qui a longtemps enseigné
dans des classes de collèges ruraux de se retrouver soudainement, parce
qu'il a beaucoup de points au barème, dans un grand lycée de
centre-ville ? Je ne suis pas sûr que lui-même le souhaite. Je
pourrais prendre d'autres exemple à rebours.
L'intérêt du service et celui des personnes peuvent être,
sur cette question, plus facilement appréciés parce qu'on fait
des choses à taille humaine. L'ordinateur de la rue de Châteaudun
instruisait 100 000 demandes de mutation... Les compteurs
s'arrêtaient au 15 février. Voilà un autre gros
avantage de la déconcentration du mouvement : tout poste vacant, et
il y en avait beaucoup, après le 15 février disparaissait de
l'offre faite aux enseignants. Voilà quelque chose dans
l'intérêt des personnes : jusqu'au 15 ou 20 juin, tous
les postes vacants se libérant sont mis dans le "pot commun", et
davantage de possibilités s'offrent pour les bons postes.
Dans ce qui n'est pas encore l'ancien système, mais qui va l'être,
un poste vacant qui se déclare après le 15 février
est pourvu à titre provisoire pendant un an, et ne sera remis dans le
pot commun que l'année d'après. Pendant un an, un enseignant n'a
pas pu l'avoir à titre définitif. Quelqu'un l'a occupé
à titre provisoire comme titulaire académique ou maître
auxiliaire ; il sait qu'il ne peut pas s'investir dans un
établissement où il ne va pas rester. Ce n'est bon ni pour
l'enseignant ni pour les élèves. Voilà quelque chose qui
va augmenter le
turn-over
du dispositif.
Cet élément, à savoir une gestion prévisionnelle
plus fine, une meilleure connaissance des entrées et sorties le plus
tard possible, est une bonne chose pour que les ajustements se fassent jusqu'au
dernier moment. On peut le faire du chef-lieu du rectorat.
M. le Président -
Vous avez dit qu'il y avait des rapports
de synthèse. Naturellement, l'inspection générale a pour
rôle d'informer le ministre, et lui fournit des éléments
d'appréciation et de décision. Vous paraîtrait-il normal
que la représentation nationale soit systématiquement
informée non pas de tous vos rapports, c'est impossible, mais des
rapports les plus importants, des rapports de synthèse en
particulier ? Cela en changerait-il la nature, vous sentiriez-vous plus
contraints ?
M. Jacky Richard -
Non, pas du tout.
M. le Président -
En ce qui concerne la franchise dont vous
parliez tout à l'heure, il n'y aurait rien de changé ?
M. Jacky Richard -
La franchise que l'on doit au
ministre, premier destinataire du rapport, serait la même pour la
représentation nationale...
M. le Président -
L'un de nos rôles, et le plus
éminent, est de voter le budget et de nous assurer que les moyens que
nous attribuons aux services des différents ministères sont
convenablement utilisés. Cette mission-là, nous n'avons pas le
moyen courant, permanent, de bien la remplir. Ou alors il faut créer une
commission d'enquête, ce que nous avons fait. Qu'en pensez-vous ?
M. Jacky Richard -
Les rapports sont adressés au
ministre.
M. le Président -
J'ai en tête l'exemple, qui ne
concerne pas l'actuel ministre, d'un rapport dont nous n'avons pas pu obtenir
la communication, parce qu'il était considéré comme un
document interne. La commission d'enquête se fait tout communiquer. Si
nous arrivons chez vous, nous vous demanderons communication de certains
rapports. Cela, on ne peut pas le faire habituellement.
M. Jacky Richard -
Les règles qui président
à la communication des documents administratifs... Cela est
surveillé de manière très ouverte par la CADA, qui est une
haute instance indépendante. Je crois savoir qu'un rapport de
l'inspection générale, dès lors qu'il ne contient pas de
mention nominative dans le cadre d'une procédure disciplinaire ou
judiciaire, est un document communicable. La CADA a ainsi rendu de nombreux
rapports.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Sur les 8 à 9 % qui, déduction faite des
remplaçants, ne sont pas remplacés, cela représente
pratiquement un dixième, ce qui est extrêmement important.
Avez-vous fait une étude avec des préconisations pour essayer de
faire baisser ce taux ?
M. Jacky Richard -
Le travail de préconisation a
été mené par M. Bloch dans le cadre de la mission que
lui avait confiée le ministre, "Pas de classe sans maître".
Monsieur le recteur Bloch a fait des propositions au ministre ;
certaines d'entre elles sont en oeuvre.
Un petit comité, au sein duquel l'IGAEN est représenté, au
sein du ministère, suit la mise en place des mesures
préconisées par le recteur M. Bloch. Naturellement, les
préconisations portent sur le moment le plus opportun pour les
formations, sur la capacité de l'établissement, avec à sa
tête un vrai chef, à organiser les remplacements de courte
durée au sein de l'établissement par les collègues de
l'enseignant malade pour deux ou trois jours. Il y a toujours des
possibilités, mais il faut que le chef d'établissement en ait la
capacité, la légitimité. Cela n'est pas simple.
Voilà deux mesures, il y en a d'autres...
L'organisation des concours et examens, chose extrêmement difficile
à l'éducation nationale, est incontournable. On voit mal le bac
ou le brevet des collèges ne pas avoir lieu. Les examens et concours
mobilisent beaucoup d'enseignants et de salles. L'idée de reporter cela
au plus tard possible, à fin juin voire début juillet, me
paraît une préconisation difficile à présenter et
à faire accepter, mais il faut prendre les mesures qui s'imposent.
Voilà une série de dispositions qui pourraient faire reculer
notablement le nombre d'heures non assurées.
Depuis que les travaux du recteur Bloch ont été mis en
place, les services statistiques du ministère ont observé une
très nette diminution du nombre d'heures non assurées. Je pense
que c'est grâce à la bonne analyse que le recteur Bloch a
faite et aux décisions que le ministre a prises après cette
analyse.
M. le Président -
Pouvez-vous nous communiquer deux des
rapports que vous avez cités ? Il s'agit du rapport sur
l'absentéisme et de celui sur la déconcentration.
M. Jacky Richard -
Voici le rapport sur la
déconcentration. Je communiquerai à la commission d'enquête
celui sur l'absentéisme.
M. le Président -
Nous vous remercions.
AUDITION DE M. GILBERT SANTEL,
DIRECTEUR
GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
AU
MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE,
DE LA RÉFORME DE L'ETAT ET
DE LA DÉCENTRALISATION
(27 JANVIER 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Gilbert Santel.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous avez la
parole pour un exposé introductif.
M. Gilbert Santel -
Depuis huit mois, je suis directeur
général de l'administration et de la fonction publique, au
ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
la décentralisation. A ce titre, j'ai une double
responsabilité :
- responsable du statut général des fonctionnaires ;
- responsable de la coordination des statuts de la fonction publique de
l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique
hospitalière.
Cette direction est, de surcroît, responsable de la cohérence des
statuts particuliers. A ce titre, le ministre de la fonction publique et
moi-même sommes, par délégation, conduits à signer
l'ensemble des textes modifiant les statuts particuliers des divers corps, soit
d'autres textes de nature réglementaire, notamment les dispositions
indemnitaires.
Au plan national, l'administration générale de la fonction
publique est l'interlocuteur privilégié des organisations
syndicales de la fonction publique, ne serait-ce qu'aux travers des grandes
négociations sur les salaires, la formation, la sécurité.
Elle est conduite également à faire revivre le paritarisme au
niveau national, notamment dans le cadre de la fonction publique de l'Etat.
Une troisième fonction mérite attention, puisqu'elle concerne
l'animation des pratiques des différents ministères en
matière de gestion des ressources humaines. En ce domaine, les textes
doivent être respectés pleinement dans leur lettre et leur esprit,
mais ils ne valent que par les hommes qui les appliquent. Nous reviendrons sur
cette notion du professionnalisme de la gestion des ressources humaines dans la
fonction publique.
J'en terminerai sur mon rôle à la DGFP, en ajoutant que je n'ai
aucune responsabilité directes avec la gestion, hormis le cas
particulier du corps des administrateurs civils, puisqu'il s'agit là
d'un corps interministériel. L'ensemble des actes de gestion sont pris
par délégation du Premier ministre, au niveau de la direction
générale.
La délégation interministérielle à la
réforme de l'Etat a succédé au commissariat à la
réforme de l'Etat qui avait été mis en place en 1995
pour une durée de trois ans. Cette délégation a
conservé l'ensemble des attributions du commissariat.
Le changement d'appellation traduit deux évolutions :
- La mise sous une responsabilité unique de la direction de la
fonction publique et de cette délégation
interministérielle, qui étaient auparavant sous la
responsabilité d'un délégué et d'un directeur
général.
- La volonté d'inscrire dans la durée les actions conduites
en matière de réformes de l'Etat, c'est-à-dire, pour ma
part, la modernisation de l'administration.
Avant d'en venir à la gestion des effectifs et des zones au sein du
ministère de l'éducation nationale, je reviendrai sur quelques
aspects particuliers de ce ministère. Il est important, pour les travaux
de la commission, de replacer la situation de l'éducation nationale dans
le cadre plus général de la fonction publique.
Ma conviction est la suivante. Nous aurions tort de sous-estimer les
progrès réalisés au sein de la fonction publique, plus
particulièrement de la fonction publique de l'Etat, depuis une quinzaine
d'années, bien qu'il reste des progrès considérables
à faire. J'illustrerai mon propos au travers d'une première
esquisse de réponse à deux questions essentielles :
1) Les ministères, notamment celui de l'éducation nationale,
utilisent-ils au mieux les moyens mis à leur disposition par la
collectivité nationale, notamment dans le cadre du vote du budget
réalisé par le Parlement ?
2) Les modes de gestion et l'utilisation des dispositions
réglementaires du statut général et des statuts
particuliers permettent-ils réellement d'affecter les bonnes
compétences au bon endroit en temps utile ?
Si je formule ces deux questions essentielles en ces termes, c'est que le sujet
qui vous préoccupe pour un ministère donné est au centre
de mes préoccupations en tant directeur général de
l'administration et de la fonction publique, fort de l'affirmation selon
laquelle les meilleurs textes ne valent que par l'application qui en est faite.
M. le Président -
Si vous nous aidez à répondre
à ces deux questions, notre rapport est fait !
M. Gilbert Santel -
J'ai parlé d'une esquisse de
réponse. Si, posée en ces termes, on doit y répondre par
oui ou non, je répondrai par la négative, car je suis convaincu
que, quels que soient les ministères, des progrès importants
restent possibles. Toute la question est de savoir quels progrès l'on
vise et comment y parvenir.
Il est fréquent de comparer le secteur public au secteur privé.
Dans cette comparaison, on insiste sur les qualités de gestion du
secteur privé et les défauts quasiment congénitaux de la
fonction publique qui serait, par nature, mal gérée et aurait
vocation à le rester. Au-delà des différences importantes
dans la logique de fonctionnement entre les secteurs privé et public,
reste un point commun que je résumerai de la façon suivante. Il
nous faut être capable de raisonner en termes d'objectifs, de
résultats, de sanctions à ces résultats. Cette
démarche, valable pour le secteur privé, doit l'être
également pour la fonction publique.
Si la question est posée de savoir si, dans la fonction publique, au
niveau régional ou local, les objectifs sont clairement fixés et
si nous avons des indicateurs pour apprécier les résultats, nous
avons des progrès à accomplir.
Enfin, dès lors que les conditions de l'appréciation des
résultats ne sont toujours pas créés, il en va de
même pour les sanctions. C'est en positif ou négatif. C'est
collectif et individuel.
Dans ce domaine de la meilleure utilisation des moyens, quelques questions sont
fondamentales. La première est celle de la définition des
objectifs. Tous ministères confondus, il est très important que
le niveau national ou local explicite les objectifs attendus de l'action des
services et les priorités, et de pouvoir juger de l'efficacité
des services par rapport à ces objectifs.
En deuxième lieu, il est important de développer les outils de
contrôle de gestion. Par exemple, comment le ministère X
répartit-il ses effectifs sur l'ensemble du territoire ? On
s'aperçoit qu'à côté d'un savoir-faire réel
-des indicateurs démographiques, économiques et
géographiques-, nous avons certaines affectations de moyens plus
intuitives, moins rationnelles. Cet élément de contrôle de
gestion est fondamental.
La troisième idée concerne le développement de la
contractualisation entre administration centrale et services
déconcentrés. Si l'on veut avancer, il faut mettre chaque niveau,
notamment départemental car proche du terrain, en pleine situation de
responsabilité. A cet effet, il convient de leur indiquer leurs moyens,
les résultats attendus et de vérifier, année après
année, qu'avec les moyens dont ils disposent, les résultats
fixés sont effectivement atteints. C'est cette démarche qu'il
importe d'impulser dans l'ensemble de la fonction publique.
Qui dit contractualisation dit pluriannualité. On a trop longtemps
travaillé avec, non pas l'annualité budgétaire, mais avec
une vision intra-annuelle, c'est-à-dire qu'à travers un
dispositif d'échelle d'emploi, d'annulation et de régulation de
crédits, un gestionnaire local a une vision à quelques mois et,
très souvent, connaît les crédits dont il peut disposer
à la fin de l'année, parfois même après qu'il soit
possible de les engager.
A minima, il faut cette vision non seulement annuelle, mais également
pluriannuelle. Je reste respectueux de l'ordonnance organique, du vote annuel
du budget et de la responsabilité du Parlement. Si le Parlement
décide de telle ou telle action, on en tient compte dans la
démarche pluriannuelle envisagée. Il s'agit là d'un
instrument qu'il convient de développer. A la lumière de ces
divers éléments, j'ai le sentiment personnel que le
ministère de l'éducation nationale a eu la préoccupation
de commencer à avancer dans cette direction.
J'évoque, à la fois, un certain nombre d'outils mis en place pour
répartir les moyens entre les divers rectorats et établissements
ainsi que les premières expériences conduites en matière
de contractualisation avec des rectorats, à partir des projets
pédagogiques élaborés à ce niveau. Je suis
conscient que nous sommes, en partie, dans des phases expérimentales et
que nous ne pouvons gagner que si nous sommes capables d'aller vers une
généralisation et ce fonctionnement de "objectifs,
résultats et sanctions".
La seconde question que je voulais évoquer concerne la gestion des
ressources humaines. Sommes-nous en situation d'affecter, au bon endroit et au
bon moment, les compétences nécessaires ?
Je constate que la France est dans une situation atypique à
l'échelle internationale, en ce sens que les pays qui ont fait le choix
de la fonction publique de carrière, par rapport à la fonction
publique de l'emploi, sont maintenant minoritaires dans les pays
développés. Je veux toutefois insister sur le fait que,
même les pays ayant le choix de la fonction publique de carrière
hésitent à affirmer que l'on peut moderniser l'administration en
conservant cette fonction publique de carrière.
En d'autres termes, on considère souvent que la flexibilité et
l'adaptabilité nécessaires au service public peuvent être
atteintes par une sortie plus ou moins importante du statut
général.
Je veux vous faire part d'une conviction. Le statut général
constitue une contrainte, au moins autant qu'une opportunité. Quand on
évoque la dimension "contrainte" du statut général, elle
s'identifie soit à un manque de savoir-faire et de professionnalisme,
soit, dans certains cas, de laxisme ou de démission dans la gestion.
Le statut général est un équilibre entre les droits et les
devoirs. Il est du devoir de chacun de faire respecter les uns et les autres.
C'est aussi une convention collective. Le secteur privé travaille avec
des conventions collectives et ne s'en porte pas plus mal. L'équilibre
des droits et devoirs me paraît consubstantiel dans la fonction publique,
à condition de les faire respecter pleinement.
Je vous cite trois exemples succincts :
Premier exemple : Le recrutement. Jusqu'à la loi Le Pors
de 1983, on a recruté un grand nombre de contractuels à
durée indéterminée, dans la fonction publique de l'Etat.
Cette souplesse de gestion a été, dans des conditions variables,
largement utilisée par les ministères, notamment dans les
secteurs dans lesquels de nouvelles compétences étaient
nécessaires, où apparaissaient de nouveaux problèmes
à résoudre.
La loi de 1983 stipulait que tout emploi permanent devait être
occupé par un fonctionnaire. Pour le bon fonctionnement de ce
système, il faut donc être capable d'adapter profondément
les conditions de recrutement dans la fonction publique. Je ne remets pas en
cause le principe du concours. Toutefois, entre l'organisation d'un concours et
d'une formation d'ingénieur en trois ans et la possibilité de
recruter sur titre en deux mois sont là deux types de recrutement
radicalement différents.
En présence d'un besoin urgent à résoudre, s'il l'on suit
le premier cas de figure, on aura un poste vacant pendant trois ans. J'ai pris
cet exemple car il est nécessaire, tout en respectant les règles
de la fonction publique, de faire évoluer ces règles de
recrutement. Faute de quoi, il se passe la pire des choses. Comme les faits
sont têtus, on est conduit à utiliser des subterfuges, des moyens
parallèles, comme l'emploi précaire, et on voit revenir, à
échéance régulière, la nécessité de
régler un certain nombre d'emplois précaires.
Je prétends que ce n'est pas une fatalité, à condition
d'aborder ce problème de fond et d'y travailler.
Deuxième exemple : La mobilité. Je constate avec
stupéfaction que la mobilité n'est pas une donnée de
gestion partagée par l'ensemble des gestionnaires. Dans
l'intérêt des agents mais aussi dans celui du service public, nous
ne pouvons fonctionner que s'il y a mobilité raisonnable des agents de
l'Etat.
Disant cela, j'évoque à la fois l'intérêt d'avoir
des expériences professionnelles diversifiées et l'adaptation
à l'évolution des situations, les problèmes de
déontologie, et enfin le fait que tous les métiers et
compétences nécessaires figurent au sein de la fonction publique.
Toutefois, dans chaque service, on n'a pas toutes les compétences
nécessaires. Sans doute faut-il que des agents du ministère des
finances aillent aux affaires sociales et réciproquement.
Sur une telle question, j'insistais sur le professionnalisme. Il existe
quelques problèmes de gestion, quelque problèmes
réglementaires, des obstacles liés aux différences de
primes. Mais tous ces obstacles sont peu de choses à côté
du consensus implicite qui s'est établi entre les responsables
administratifs et les syndicats, selon lesquels chacun reste chez soi et tout
se passe le mieux possible. Pour ma part, il convient de tenir un discours
radicalement opposé.
Troisième exemple : la déconcentration. Dans leur
écrasante majorité, les organisations syndicales n'y sont pas
favorables. Mais la déconcentration est l'élément
fondamental d'une bonne gestion des ressources humaines dans la fonction
publique. Il s'agit là encore de respecter les règles du jeu. Par
exemple, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il considérait que, pour
une déconcentration pleine de la gestion, des unités de cinquante
personnes représentaient un seuil pertinent. Cet avis peut être
discuté. Il y a certainement quelques précautions à
prendre.
Les expériences tentées en matière de
déconcentration, tant à l'éducation nationale qu'au
ministère de l'équipement, s'avèrent chaque fois largement
concluantes du point de vue de la qualité du dialogue social et de la
gestion des ressources humaines.
Les commissions de discipline déconcentrées sont beaucoup plus
sévères que les commissions de discipline nationales. Cela
mérite réflexion. Mais surtout, cela permet une meilleure
adéquation des agents par rapport aux postes. Il y a
nécessité de donner un coup d'accélérateur
significatif.
Pour vous donner le fond de ma pensée, c'est un domaine sur lequel les
gouvernements successifs ont insisté. Les avancées,
significatives lorsqu'elles ont été réalisées, sont
toutefois restées globalement modestes dans l'ensemble de la fonction
publique. Faut-il continuer à faire confiance ou à passer par la
voie réglementaire pour imposer un certain nombre de dispositions de
déconcentration ? Si non, je crains que nous continuions à
prendre du retard.
Ce sont quelques éléments que je souhaitais mettre en exergue.
Tout n'est pas parfait au sein du ministère de l'éducation
nationale dont la taille a mis en évidence certaines difficultés.
Je constate néanmoins qu'en matière de déconcentration,
c'est l'un des ministères qui a le plus avancé. Je suis conscient
ainsi que mes collègues au ministère de l'éducation
nationale, des efforts qu'il reste à accomplir. Je tiens pour positives
les mesures prises récemment en matière de déconcentration
du mouvement.
Enfin, qu'il s'agisse de la bonne utilisation des crédits publics, des
moyens ou de la gestion des ressources humaines, si l'on peut considérer
que nous avons pris un certain retard, il faut être conscient qu'il y a
tout juste une quinzaine d'années que ces questions ont commencé
à être prises à bras le corps dans les ministères.
Longtemps, l'idée a été qu'un bon fonctionnaire
était un fonctionnaire compétent. La compétence des
fonctionnaires n'est pas contestée, que ce soit au niveau national ou
international. Toutefois, on a oublié de dire à l'ensemble de
l'encadrement qu'il avait aussi vocation à être chef
d'équipe, "patron" pour utiliser un terme compréhensible.
Former à la gestion des ressources humaines, professionnaliser cette
fonction ainsi que la dimension "managériale", fait partie des
priorités actuelles. Bien qu'un coup d'accélérateur
significatif est donné, je reste conscient de l'ampleur de la
tâche restant à accomplir.
M. le Président -
Nous passons aux questions.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Si je reprends la
trame de votre exposé, il est important de fixer des objectifs, de
constater des résultats et de prononcer des sanctions
éventuelles. Entre les objectifs et les résultats, il y a les
moyens à mettre en oeuvre. Vous indiquez que les objectifs ne sont pas
toujours très connus. C'est grave car des moyens sont mis en place sans
savoir exactement quels sont les objectifs.
Peut-on améliorer la prospective dans un domaine aussi difficile que
l'éducation nationale ? Comment, au regard des problèmes
démographiques, sociologiques, variations de programmes et autres,
verriez-vous, de façon significative, l'amélioration de la
prospective ? Est-ce par la communication, le management ?
Vous avez ensuite parlé de résultats et de sanctions. Un
contrôle financier est mis en place, depuis 1997, au niveau des TPG
sur le personnel de l'éducation nationale. Il semblerait que ce
contrôle global, qui réussit à déterminer que des
personnes existent et qu'elles sont payées, ne réussit pas
à déterminer ce qu'elles font.
Serait-il souhaitable et possible d'aller plus loin que le type de
contrôle effectué actuellement, afin de suivre la progression de
la personne dans ses diverses affectations ? Serait-ce de nature à
améliorer le fonctionnement global du système ?
Vous avez indiqué ensuite que des contrats pluriannuels entre
l'administration centrale et les administrations décentralisées
seraient indispensables. Cela signifie-t-il plus d'autonomie au niveau du
rectorat ou même, au niveau du chef d'établissement ?
Vous avez parlé d'évolution "managériale" avec des termes
utilisés habituellement dans le privé. Peut-on aller jusque
là au niveau de l'établissement, du rectorat et instaurer cette
culture dans l'administration ?
S'agissant de la seconde partie de votre exposé, j'aurais quelques
questions sur le surcalibrage et le recrutement. Dans l'éducation
nationale, on a un surcalibrage pour s'assurer des moyens, des variables
d'ajustement. Cela existe-t-il dans les autres administrations ? Une fois
les recrutements faits, les mutations se font-elles par rapport au
barème ? Pensez-vous qu'il serait souhaitable d'avoir d'autres
types de mutation que cette approche purement administrative et lesquels ?
Vous indiquez que, pour la déconcentration, le Conseil d'Etat avait
stipulé un minimum de cinquante personnes. Quel est, à votre
avis, le maximum que l'on peut raisonnablement manager ? Certes, ce n'est
pas un ordinateur central à Montrouge qui peut gérer quelques
centaines de milliers de personnes ; quelle serait donc la bonne
échelle ?
Enfin, vous avez parlé de culture à faire évoluer.
Pensez-vous qu'on puisse arriver à une culture de dialogue plus
qu'à une culture d'affrontement ?
M. Gilbert Santel
- Je suis enclin à dire que l'on peut
améliorer la prospective, tout en insistant sur les deux
éléments suivants. Faire de la prospective en matière
d'éducation nationale, c'est avoir la connaissance la plus
précise possible de l'évolution démographique. Il y a une
donnée de base, celle de l'augmentation ou de la diminution du nombre
d'élèves. C'est un premier facteur de calibrage des moyens.
Une seconde donnée tient au contenu pédagogique, au contenu de
l'enseignement. Il est évident que, si l'on envisage d'augmenter ou de
diminuer de façon importante le nombre d'heures de classe, les
conséquences sont directes sur les moyens.
Il existe une troisième notion, celle de l'appréciation des
résultats. La culture de départ de l'administration
française, toutes administrations confondues, a été trop
peu tournée vers l'usager et le citoyen. On a beaucoup plus
fonctionné à partir de logiques de procédure que de la
préoccupation de l'efficacité de l'action. Traditionnellement, un
bon agent est celui qui dépense ses crédits ; un bon
responsable est celui qui dépense ses crédits.
Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux vérifier que les crédits
ont été dépensés de façon appropriée
plutôt que de s'assurer qu'ils ont été
dépensés intégralement, et de montrer du doigt celui qui
n'en a dépensé que 90 %. Cela paraît trivial de le
présenter ainsi, mais il faut savoir que la culture de départ est
inverse.
J'illustrerai mon propos d'un exemple pris dans le secteur de la construction
dont j'ai été responsable. Dans le secteur du logement,
traditionnellement, on étudie si on a construit le nombre de PLA
prévus ou réhabilité le nombre de logements prévus.
C'est un critère de gestion. Par contre, il me paraît très
important de savoir si, après avoir effectué tous les travaux et
dépensé cet argent, les Français sont mieux ou moins bien
logés.
Le rapport qualité prix a-t-il ou non été
amélioré ? Cela suppose, domaine par domaine, production par
production, une réflexion sur les objectifs recherchés. Cela
s'applique également à l'éducation nationale.
J'ai lu, dans un article récent, des données comparées
concernant l'illettrisme. C'est un critère d'appréciation. On va
au résultat. On peut également s'interroger sur la socialisation
qui résulte de l'enseignement dispensé ou entre le bon
apprentissage de l'écriture et de la lecture, et la socialisation.
Qu'est est l'élément le plus important ? Est-on capable de
l'évaluer ? Y a-t-il des éléments prioritaires ?
Ce sont des questions fondamentales.
S'agissant du contrôle effectué par les TPG, il est primordial,
quels que soient les services -les écoles comme toute autre direction
départementale- d'avoir un certain nombre de ratios de gestion qui
permettent aux services de se comparer.
Le
"Bench marking"
ou l'analyse comparée est sûrement l'une
des voies de progrès les plus efficientes en matière de
modernisation de la fonction publique. Pour faire référence
à mon expérience passée, nous avions mis en place des
indicateurs de gestion simplistes, en soi faux, l'objectif n'étant pas
d'aller rechercher la moyenne : combien d'agents par kilomètre de
route nationale ou de permis de construire délivrés annuellement
par un agent ? Les écarts de 20 % font partie de la finesse de
la mesure ; les écarts de 50 % relèvent parfois des
réalités locales différentes, mais il convient de
s'interroger sur des écarts de 100 %.
Dès lors qu'on met en place des indicateurs, même simples de
gestion, quels que soient les domaines, on s'aperçoit que les
écarts sont plutôt de l'ordre de 100 % que de 20 %,
d'où la nécessité d'aller en ce sens.
Ce type de ratios permet de s'interroger sur les activités de ces
personnes. On a parlé de résultats et de sanctions, je
considère que le statut général ne doit pas avoir pour
conséquence une gestion générale à
l'ancienneté. Au contraire, il est dans l'esprit du statut, même
si on l'a quelque peu oublié, de considérer que l'activité
des uns et des autres mérite d'être reconnue. On rentre dans la
fonction publique en passant des diplômes ou un concours, mais les
personnes sont différentes. Notre devoir est de les utiliser le mieux
possible, en tenant compte de leurs qualités propres.
S'agissant de la contractualisation et du niveau, ce processus, ainsi que vous
l'avez pertinemment rappelé, intègre également la
dimension et les moyens. Ce ne sont pas uniquement des objectifs et des
résultats ; c'est un triptyque
objectifs - moyens - résultats.
Il faudrait essayer non seulement de le développer entre centrale et
services déconcentrés, mais également descendre jusqu'au
niveau de la cellule de base, c'est-à-dire l'établissement pour
les écoles, les administrations qui ont une organisation
intradépartementale (impôts, subdivisions de l'Equipement etc.).
En matière de recrutement et de mutations, le surcalibrage, qui est
réel concernant l'éducation nationale, a tenu à un
élément assez spécifique.
M. le Président -
Vous avez insisté sur trois
points : le recrutement, la mobilité, la déconcentration.
Sur le recrutement, vous avez distingué le recrutement sur concours et
le recrutement sur titres. Cela signifie-t-il que le recrutement sur titres
permet de mieux ajuster les recrutements aux besoins et d'éviter, par
exemple, les surcalibrages. Est-ce pour vous une solution ?
M. Gilbert Santel -
Ma réponse est clairement
positive. Prenez, par exemple, le corps d'ingénieurs des travaux publics
de l'Etat...
M. le Président -
Cela vous paraît-il possible dans le
domaine de l'enseignement ?
M. Gilbert Santel -
Ma réponse est
également positive.
Par exemple, on recrute à la sortie des classes préparatoires,
des ingénieurs des travaux publics de l'Etat. On les forme pendant trois
ans. Quelle que soit la qualité de la formation, il n'est pas certain de
pouvoir recruter à la sortie, pour un poste très
spécialisé en géologie ou en chimie, le spécialiste
que l'on aura formé en trois ans. Les conditions de recrutement ont donc
été adaptées, c'est-à-dire que l'on poursuit le
processus habituel, mais pour 5 %, on fait un recrutement sur titres pour
un poste particulier, en indiquant un poste vacant d'hydrogéologie est
disponible dans tel service. On recrute un DEA ou un DESS ayant une certaine
expérience pour le poste qui se trouve à Lyon ou à
Marseille.
Ce mode opératoire permet, à la fois, d'avoir la bonne
compétence, et ce au bon endroit. Par rapport aux contrats à
durée indéterminée, ce n'est pas tout à fait en
temps réel. L'organisation d'un recrutement sur titres se fait dans un
délai de trois mois, mais on peut se permettre une telle vacance.
J'ai surtout voulu insister sur le fait qu'en maintenant le principe des
concours, les modalités de l'égalité d'accès aux
emplois publics et les modes opératoires pouvaient être
diversifiés dès lors que l'on prenait conscience de ces
réalités et que l'on restait dans le cadre général
fixé.
M. le Président -
Ceci dans le respect du statut
général de la fonction publique.
M. Gilbert Santel -
Ce mode opératoire peut
également être adapté à l'éducation nationale.
Concernant les mutations et le barème, si nous voulons des services qui
fonctionnent, un chef de service doit pouvoir choisir ses collaborateurs. C'est
ma donnée de base.
Je le dis pour l'ensemble de la fonction publique, tout en étant
conscient du nombre de spécificités existant au sein de
l'éducation nationale. Toutefois, ne partons pas de l'idée que le
statut général signifie la mutation au barème. Je pense
l'inverse.
Je fais référence à un cas de ma connaissance. On publie
les postes, certains se portent candidats, le chef de service donne un avis
favorable ou non. S'il donne un avis défavorable, cela implique que la
candidature n'est pas examinée. Parmi les avis favorables, le chef de
service donne un ordre de priorité qui peut faire l'objet d'une
discussion dans le cadre d'une CAP avec divers critères, dont celui
d'ancienneté.
Si on entend, sur une question telle que la mobilité, gérer la
fonction publique avec des barèmes, tout est dit !
Dans un organisme tel que Météo France où la
compétence technique est fondamentale, les mutations se font assez
largement au barème, y compris pour l'encadrement. On s'aperçoit
que cela ne fonctionne pas. Un certain type de qualité est requis de
chaque candidat, selon que l'on souhaite en faire un spécialiste
technique dans un domaine donné ou le responsable de trente ou cinquante
personnes.
Dès lors que l'on est convaincu de ces arguments, il faut examiner ce
que cela signifie dans chaque cas. Si l'on envoie un enseignant, fragile
psychologiquement, dans une zone d'éducation prioritaire, le
résultat est inscrit d'avance. Si le barème doit conduire
à cela, on ne crée pas une gestion dynamique de la fonction
publique.
M. le Président -
Vous vous êtes félicité des
mesures de déconcentration prises ou envisagées au
ministère de l'éducation nationale. Pensez-vous que cette
déconcentration, pour être effective, doit se libérer du
barème national ?
Pour préciser ma question, les barèmes doivent-ils être
adaptés à la réalité de l'académie, dans le
cadre de laquelle se réalisera la déconcentration ou les
éléments du barème doivent-ils être
"parachutés" du ministère de l'éducation nationale ?
M. Gilbert Santel -
Le dialogue social est l'un des acquis de
la déconcentration. Quand on déconcentre, il faut en accepter
toutes les conséquences et le jouer à fond. S'agissant de la
question de la mobilité, il faudrait engager une discussion au niveau de
chaque rectorat et voir en fonction des réalités
spécifiques. Une affectation dans un établissement en
région parisienne ou dans l'académie de Toulouse ne se pose pas
dans les mêmes termes.
M. Gérard Braun -
Des freins essentiels à
l'évolution et à la modernisation de la fonction publique
-décentralisation, mobilité- ne sont-ils pas liés au
nombre de statuts différents existant dans la fonction publique, en
particulier dans l'éducation nationale ? Combien
dénombre-t-on de statuts différents dans la fonction publique et
dans l'éducation nationale ?
Quelle est votre position dans le cadre de la modernisation de l'Etat pour
réduire ce nombre de statuts qui empêche toute
mobilité ? Les gens sont dans un statut comme dans un cocon, ils ne
veulent pas en changer parce qu'ils perdraient tel ou tel avantage de logement
ou autre.
M. Gilbert Santel -
Sur ce point, on avance classiquement le
chiffre de 1 700 statuts pour l'ensemble de la fonction publique,
dont 600 sont des statuts en voie d'extinction, sachant que certains corps
vont de quelques agents à plusieurs dizaines de milliers. Il me
paraît donc hautement souhaitable d'aller vers une réduction
drastique du nombre de statuts.
Toutefois, un point me tient à coeur : il faut faire attention,
dans la fusion des corps, à ne pas subir de déperdition de
compétences. La marge de manoeuvre est considérable. Chaque corps
a été constitué en fonction de métiers
particuliers. Quand je cite des corps avec quelques agents, ce sont des
métiers très spécifiques. Dès lors qu'on les
intègre dans des ensembles plus vastes, il convient de s'assurer que la
compétence sera maintenue à travers la formation permanente etc.
Sur ce dossier de la réduction de corps, les choses avancent trop
lentement. Mais il faut comprendre que c'est une question de fond qui est
posée là.
Toute l'organisation de la fonction publique est fondée sur le tuyau
vertical : un ministre, des corps, des services. Il en est ainsi car le
fonctionnement d'ensemble, y compris l'ordonnance organique et les
modalités de vote du budget, est ainsi organisé. Il est clair que
c'est l'élément le mieux partagé par les organisations
syndicales, les gestionnaires, peut-être aussi par les ministres, chacun
voyant quelques avantages au maintien du
statu quo
.
Il faut donc essayer de saisir toutes les opportunités. J'évoque
à court terme deux éléments. Tout d'abord, il y a
déjà place pour des évolutions importantes en termes de
fusions de corps de centrale et de services déconcentrés.
L'avantage est que nous sommes dans les différents tuyaux. Il y a
beaucoup à gagner au fait que nos agents, en centrale en particulier,
connaissent le terrain. Dès lors qu'on réaliserait cette fusion
des corps, il y aurait une plus grande mobilité verticale.
Par ailleurs, il convient de profiter de toutes les réformes statutaires
pour poser la question de la fusion des corps. C'est un moment
privilégié pour améliorer la situation des uns et des
autres. On ne fait pas une réforme pour dégrader la situation.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Un
exemple de fusion des corps, qui a étonné la commission et
quelque peu contrarié les syndicats que nous avons entendus, est celui
des différents horaires selon la formation de l'enseignant :
professeur certifié et professeur agrégé. En effet, ces
derniers, qui ont reçu une formation différente mais enseignent
dans les mêmes classes, devant les mêmes élèves,
bénéficient de cette formation prolongée durant toute leur
carrière. La réponse des syndicats est d'aligner les
certifiés sur les agrégés. Ils ne peuvent avoir d'autres
réponses.
Dans cette fusion des statuts, envisagez-vous de corriger des anomalies de ce
type ? Je peux en citer d'autres. Il serait intéressant d'avoir
votre avis sur ce sujet.
S'agissant de la prospective évoquée par M. Grignon, nous
avons entendu que, peu à peu, les effectifs de l'éducation
nationale décroissent de plus en plus. S'il n'est pas possible de faire
des prévisions à 2020, il est certain que
jusqu'à 2006-2007, il y aura moins d'élèves
qu'auparavant. On a appris, avec surprise, que le nombre d'enseignants n'a
cessé d'augmenter. Dans vos prévisions, est-ce la même
situation qui va se produire ? En 2006 , par exemple, il y aura
311 000 élèves de moins dans le secondaire. Cela
va-t-il mener à une diminution des effectifs d'enseignants ou, au
contraire, comme cela a été le cas dernièrement, à
une augmentation ?
Une élément de fond me paraît essentiel et, au cours de
toutes les auditions, c'est celui qui m'a le plus étonné.
Savez-vous où se trouvent les postes de l'éducation
nationale ? Pouvez-vous affirmer que vous connaissez toutes les
affectations des fonctionnaires qui relèvent de ce
ministère ? J'ai entendu des choses ahurissantes
énoncées par des responsables de l'éducation
nationale : par exemple, dans le premier degré,
51 000 instituteurs ne seraient pas devant des élèves.
Mais où sont-ils alors ?
Pour certains d'entre eux, nous avons reçu des réponses, mais
lors de nos calculs, nous sommes arrivés à moins
2 500 personnes dont personne ne peut dire où elles sont
affectées. Est-il exact que, dans le secondaire, un certain nombre de
titulaires académiques remplaçants, à des périodes
où les vagues de grippe sont moins fortes, restent chez eux, percevant
leur salaire sans avoir la moindre activité ? J'aimerais en avoir
confirmation.
Un autre problème a également été
évoqué lors de ces auditions, celui du personnel précaire,
des maîtres auxiliaires et autres. Je sais que l'éducation
nationale n'est pas un ministère comme les autres. Certains
élèves ont plus besoin d'avoir quelqu'un en face d'eux que de ne
pas être accueillis. Cela dit, nous avons souvent été
surpris par la manière dont sont gérés les remplacements
dans ce ministère.
L'intervention du recteur de Lyon nous a paru intéressante. Ce recteur
est-il dans les règles de la fonction publique quand il supplée
les professeurs malades par des étudiants, ayant le niveau permettant
d'enseigner ? Il ne les utilise que pour ces tâches. Cela leur
permet d'avoir une rémunération annuelle de l'ordre de
40 000 francs pour leurs études. De plus, ces étudiants
s'acquittent remarquablement du travail qui leur est confié. Il a
même ajouté que ce travail lui paraissait plus intéressant
que celui que pouvait fournir les maîtres auxiliaires, qu'il semble
bannir de l'académie de Lyon.
S'agissant des décharges syndicales, nous avons eu quelques
débats avec les représentants des enseignants. Les
décharges syndicales attribuées aux fonctionnaires de
l'éducation nationale qui représentent le syndicat
correspondent-elles à un statut particulier de décharges ou
s'agit-il des décharges générales de la fonction
publique ?
Enfin, des enseignants sont-ils employés par des oeuvres, des
associations, des mutuelles, toutes sortes d'organismes péri ou
parascolaires ?
M. Gilbert Santel -
Dans un domaine tel que
l'éducation nationale, il faut développer la prospective, le
premier élément à connaître étant
l'évolution de la population à enseigner. Il serait singulier,
par exemple, que de façon importante, l'activité diminue et que
les moyens augmentent.
Cela étant, nous sommes au coeur du débat sur le fonctionnement
du service public.
J'ai été éduqué dans une classe unique d'une
quarantaine d'élèves. J'ai connu, en tant que parent
d'élèves, l'évolution vers les classes de
25 élèves. J'ai lu récemment des tracts, notamment
syndicaux, considérant qu'en zone d'éducation prioritaire, il
était important de descendre en dessous de 25 élèves.
Je rappelle ces éléments pour indiquer que les normes sociales
évoluent ainsi que l'acceptation sociale, comme évoluent
d'ailleurs la richesse du pays et la part que le pays peut consacrer à
ce type d'activité.
En d'autres termes, il faut être attentif à l'évolution du
nombre d'élèves ainsi qu'aux types d'enseignement et aux modes
pédagogiques que l'on entend retenir.
S'agissant des étudiants enseignant devant élèves,
j'imagine qu'ils sont utilisés dans le cadre de vacations.
Naturellement, surtout dans de grosses " machines " telle que
l'éducation nationale, il faut quelques facteurs de souplesse. Ce n'est
pas choquant. Ce qui le serait à l'inverse, serait que l'on consolide
ces instruments de souplesse pour en faire autant d'emplois permanents
complémentaires et qu'ensuite, on déplace en permanence le seuil
à partir duquel on déclenche les outils de flexibilité.
A propos des décharges syndicales, un décret de 1982
définit les règles du jeu. Il est défini pour l'ensemble
de la fonction publique et s'applique donc au ministère de
l'éducation nationale comme aux autres ministères.
Les observations qu'ont pu vous faire les interlocuteurs syndicaux, tiennent
moins au fait qu'on leur appliquerait un statut particulier qu'au fait que les
dispositions du décret de 1982 prévoient un quota
dégressif, en fonction de l'importance du ministère. Le
pourcentage attribué est d'autant plus important que le ministère
est petit. Un ministère aussi important que l'éducation nationale
est proportionnellement moins bien traité, en termes du nombre d'agents,
que celui de la Jeunesse et des Sports.
M. le Président -
Ne pensez-vous pas que le ministère de
l'éducation nationale tend à élargir le carcan ?
M. Gilbert Santel -
Sur ce point, les dispositions du
décret de 1982 sont explicites. Très honnêtement, je
n'ai pas d'information sur une plus grande souplesse qui serait donnée.
Concernant les enseignants employés par les mutuelles ou d'autres
organismes, il convient de revenir aux données du statut
général. Ce dernier prévoit certaines positions pour les
fonctionnaires : la position normale d'activité, la position de
détachement, la position de mise à disposition. Cette
dernière est prévue par le statut général, dans des
cas bien énumérés. En particulier, il y a la
possibilité de mise à disposition entre organismes d'Etat, mais
aussi pour des organismes d'intérêt général. Tout
dépend ensuite de l'utilisation faite de cette disposition.
J'estime que la mise à disposition d'un agent est un acte important,
lourd et significatif. Une convention, visée par le contrôleur
financier, doit être signée entre l'administration qui met
à disposition et l'organisme. Elle donne les raisons pour lesquelles on
peut être conduit à mettre à disposition de tel ou tel
organisme.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Ce
n'est pas sur la régularité. Ne trouvez-vous pas choquant qu'une
personne, formé pour enseigner devant des élèves, se
retrouve, à 30 ans, dans une mutuelle ou autre, et n'exerce plus la
fonction pour laquelle elle a été formée ? Que cela
soit fait régulièrement, je n'en doute pas.
M. Gilbert Santel -
Honnêtement, non. Tout
dépend de la manière dont une telle mise à disposition
s'inscrit dans un déroulement de carrière.
Je parle des agents administratifs d'une mutuelle. Si l'on recrute les
enseignants pour que toute leur carrière soit faite ailleurs, il y a
quelque chose d'anormal. Que, dans un déroulement de carrière, il
y ait deux ou trois ans passés dans une activité de mise à
disposition, ne me choque pas, dès lors que cela se fait en parfaite
régularité. Je pense à des agents passés par des
mises à disposition et qui avaient eu, de fait, une expérience
professionnelle complémentaire. Dès lors que le statut
général le prévoit et que l'application qui en est faite
est régulière, je ne vois rien à y redire.
Je n'ai pas répondu à votre question de savoir où sont les
fonctionnaires de l'éducation nationale. La gestion en est
assurée directement par le ministère. Sur ce point, les
informations dont je peux disposer sont celles que vous trouverez au
ministère de l'éducation nationale.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Je
reviens sur le triptyque très important que vous avez
évoqué : objectifs, résultats et sanctions.
S'agissant des sanctions, est-il possible d'en appliquer ou cela reste-t-il un
voeu pieux ? Vous avez dit que le statut est une opportunité à
saisir, mais qu'il implique également des contraintes. Il faut saisir
les opportunités, mais également vaincre les contraintes,
c'est-à-dire un certain nombre de corporatismes. Comment faire avancer
les choses ? Par la voie réglementaire ou par des
expérimentations ?
M. Gilbert Santel -
Un mot sur le terme de sanctions, qui
peuvent être positives. Dès lors que l'on a les résultats,
on analyse les conséquences que l'on en tire. J'ai précisé
que cela pouvait être collectif ou individuel.
Votre question concerne surtout les conséquences que l'on en tire sur le
plan individuel. Je ne pense pas que la lettre et l'esprit du statut
général de la fonction publique ou des statuts particuliers
soient l'égalitarisme, mais plutôt le contraire.
Par exemple, on a coutume de dire que le statut serait une contrainte et qu'il
ne permettrait pas de récompenser les meilleurs. La modification
annuelle d'ancienneté permet de gagner trois mois d'avancement, chaque
année, pour un avancement d'échelon. Amusons-nous à faire
le total des gains d'un agent qui bénéficierait de tous les
avancements d'ancienneté et d'un agent qui n'en
bénéficierait pas du tout ; cela fait déjà une
différence très importante.
Il y a également la promotion sociale au sein de la fonction publique,
notamment la possibilité de changer de grade, et surtout, de corps.
Là encore, il y a des différentiations importantes, qu'il faut
utiliser pleinement, entre celui qui passe très jeune et celui qui ne
passe jamais.
Le dernier élément est la rémunération. On a
coutume de dire que la rémunération est figée et qu'un
chef de service ne peut rien faire. La moyenne des primes, dans la fonction
publique, est de l'ordre de 15 %, avec des montants très variables
selon les catégories et les ministères. Utilise-t-on l'outil
indemnitaire pour différencier les situations ? Un régime
indemnitaire est fait pour permettre d'adapter et de tenir compte de
l'importance du poste, mais aussi de la manière de servir. Il faut aller
dans ce sens.
Enfin, faut-il des instruments réglementaires ou faire confiance aux
agents ? Par nature, je préfère la seconde hypothèse.
La modification indiciaire, qui a conduit à coder des postes et à
attribuer des points aux postes en question et, par conséquent, une
rémunération adaptée à l'importance du poste, est
l'outil qu'il convient d'utiliser. Dès lors qu'on a fait la cotation et
qu'on l'a affichée, elle conduit à moduler en fonction de
l'importance du poste.
Reste ensuite, sur l'autre partie du régime indemnitaire, à
utiliser les modulations en fonction de la manière de servir. Là,
on essaie de jouer, notamment pour l'encadrement supérieur, sur les deux
claviers.
Je considère qu'il est de mon devoir de vous tenir ce discours sur le
fait que la gestion de la fonction publique n'était pas
l'égalitarisme. Il me revient aussi de proposer diverses mesures
réglementaires permettant de garantir un certain nombre de modulations.
M. le Président -
Reste une question qu'on ne peut pas
ne pas vous poser. Vous avez une vue générale de la fonction
publique. A la suite de la revalorisation de la rémunération des
enseignants, lorsque M. Jospin fut ministre de l'éducation
nationale, les enseignants se situent-ils à un niveau satisfaisant eu
égard à leurs rémunérations ?
Par ailleurs, vous avez eu quelques mots sur ce que permet le statut
général de la fonction publique et la nécessité de
profiter des avancées pour faire évoluer les choses. Pensez-vous
que l'on ait profité de l'avancée que représente
l'augmentation des rémunérations des enseignants pour faire
évoluer les choses, et avancer dans la direction que vous-même
préconisez ?
M. Gilbert Santel -
Vos questions ne sont pas faciles.
Est-on au bon niveau en matière de rémunérations ? Il
faut prendre en compte deux facteurs : l'importance de la fonction
exercée et les références que l'on peut
éventuellement faire par rapport au marché du travail. Sur les
mesures prises, dont celles par M. Jospin lorsqu'il fut ministre de
l'éducation nationale, il convient de constater que, sur les dix
dernières années, chaque ministre de l'éducation nationale
a été conduit à prendre certaines mesures qui ont
concerné les statuts et les rémunérations.
J'ai le sentiment qu'il y a eu une indiscutable remise à niveau.
Toutefois, je ne suis pas sûr que cette remise à niveau, qui
globalement me paraît satisfaisante, conduise à bien
répondre à l'ensemble des situations particulières.
Prenons le cas de l'exercice des missions dans les quartiers les plus
difficiles. Dans des cas de cette nature, traite-t-on l'ensemble des agents en
toute justice ? La question mérite d'être posée.
Voilà ma réponse.
A-t-on profité de l'avancée pour promouvoir certaines
évolutions ? Prenons l'exemple du processus en cours actuellement
et qui n'est pas encore achevé, comme celui de la déconcentration
du mouvement. Personnellement, je pense qu'il a été rendu
possible, non seulement compte tenu de la volonté du ministre, mais
aussi de certains acquis antérieurs, y compris sur le plan de la
rémunération.
Autrement dit, fallait-il négocier la déconcentration au moment
où il y avait des améliorations et faire un paquet du tout ?
Cela se gère-t-il dans le temps ? Je ne suis pas aux commandes de
l'éducation nationale et pas suffisamment averti des choses de
l'éducation nationale pour pouvoir vous répondre de façon
définitive.
M. le Président -
Si elle n'est pas définitive, votre
réponse en est une quand même.
M. Gilbert Santel -
L'important est de pouvoir regarder, dans
chaque ministère, si les mesures prises, par rapport aux convictions que
j'ai exprimées, vont dans le bon sens. Par ailleurs, cela y va-t-il
suffisamment vite ?
Ce sont les deux questions que je me pose par rapport à chaque
ministère. J'ai sincèrement le sentiment que, tous
ministères confondus, on peut répondre par l'affirmative à
la première question, c'est-à-dire que des initiatives prises,
certes inégales, vont dans le bon sens. Cela va-t-il suffisamment
vite ? Globalement, je considère que non. Il est nécessaire
de donner un coup d'accélérateur, notamment dans la gestion des
ressources humaines.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Nous sommes dans un discours général : on fait le
maximum, "tout le monde est beau et gentil." Quand il y a un problème
d'ajustement quantitatif, on nous dit qu'il faut améliorer le
recrutement pour favoriser la mobilité. De temps à autre, il faut
prendre des décisions claires et nettes et, les effectifs diminuant,
envisager les moyens de faire sortir un certain nombre de postes. On a toujours
un effet " cliqué " à la hausse et un effet de blocage
à la baisse. Il y a donc un vrai problème d'ajustement.
Par ailleurs, quand vous dites qu'on peut faire des différences dans la
carrière et faire bénéficier annuellement d'une
ancienneté par prise de trois mois, on peut faire une promotion sociale
par changement de corps. Cela ne remet pas en cause 95 % de l'ensemble des
membres enseignants qui sont d'extraordinaire qualité. Mais, comme dans
tout grand corps, certains ne font pas convenablement leur travail et on note
bien une difficulté à les sanctionner. Je connais, dans mon
environnement, des enseignants qui ne font pas bien leur travail et contre
lesquels aucune sanction ne peut être prise. On peut aller jusqu'à
des exemples d'instituteurs qui battaient des élèves et pour
lesquels il a fallu des circonstances exceptionnelles pour prendre les
sanctions appropriées.
Peut-on positiver lorsqu'il y a lieu le faire ou prendre des sanctions ou des
ajustements quantitatifs quand il y a nécessité, et ne pas
arriver, comme dans certains ministères, où il y a plus de
fonctionnaires que de sujets traités ?
M. Gilbert Santel -
S'agissant des ajustements, si je
prends l'orientation retenue par le gouvernement qui est celle de la
stabilité des effectifs de la fonction publique, cela ne signifie pas
stabilité par ministère ou au sein de chaque ministère.
Des mesures ont été prises qui produiront leur effet sur
plusieurs années en matière de justice. Il est prévu des
créations d'emploi au ministère de la Justice. Si l'on dit
à la fois que l'on crée des emplois au ministère de la
justice et qu'il y a stabilisation globale de l'emploi des fonctionnaires, cela
signifie qu'il y aura du moins dans certains ministères. Que ce soit en
augmentation, en diminution ou en stabilité, s'agissant de l'affectation
des moyens, il y a place pour des redéploiements en fonction des
situations et de leur évolution, ceci me paraissant vrai pour l'ensemble
des ministères.
Sur le second point, de façon générale, je pense qu'il
vaut mieux guérir que punir. Cela passe par beaucoup de choses, y
compris dans le suivi plus précis et individuel des carrières,
quand il y a difficulté. Là encore, le statut
général prévoit des dispositions, y compris de sanctions,
lorsque l'on est en situation d'insuffisance professionnelle.
Il y a là un ensemble de règles du jeu. Cela étant, je
n'appelle pas à des mesures généralisées de
sanctions. Pour reprendre la formule, il vaut mieux guérir que punir.
Dans certains cas d'insuffisance, il y a aussi le fait que les conditions
générales n'ont pas été créées,
notamment en termes de management de l'ensemble. Si quelqu'un fait preuve de
laxisme en matière d'horaires et que vous faites une observation
dès que le problème se produit, il y a de fortes chances que cela
rentre dans l'ordre. Si vous le faites après dix ans, cela devient
difficile. On pourrait multiplier les exemples de cette nature.
M. le Président -
Si j'osais une comparaison, c'est un peu comme
les articulations du bras ou du genou qui doivent fonctionner. Mais il y a
parfois de l'arthrose. Nous aurions aimé savoir quelles mesures vous
préconisez pour réduire l'arthrose.
M. Gilbert Santel -
Les deux premières mesures
indispensables sont les suivantes :
1) Enoncer clairement les idées force, les éléments
constitutifs d'une gestion des ressources humaines dans la fonction publique.
J'ai évoqué la déconcentration, la mobilité, la
modulation des carrières et le recrutement. J'aurais dû insister
davantage sur l'évaluation.
J'ai demandé un rapport sur cette question. Je réunirai demain
l'ensemble des directeurs du personnel de tous les ministères pour
débattre de ce sujet. Mon souhait serait d'aller vers l'affichage d'une
charte de la gestion dans la fonction publique à laquelle chacun puisse
se référer. Elle serait bien évidemment discutée
avec l'ensemble des organisations syndicales.
2) Le professionnalisme. Il faut absolument créer les conditions
pour que l'ensemble des gestionnaires au niveau national, mais aussi ceux qui,
dans chaque ministère, assument la fonction gestion des ressources
humaines, soient pleinement reconnus et puissent bénéficier du
professionnalisme nécessaire.
Pour un certain nombre de cadres, la fonction GRH est considérée
comme la dernière fonction à pourvoir. Des mesures
particulières sont à prendre. Cela signifie très
simplement : comment est valorisé le passage à des fonctions
de ressources humaines dans un déroulement de carrière ?
Faut-il avoir, le cas échéant, un complément de
rémunération ou des primes pour des fonctions de cette
nature ? Certains ministères l'ont fait. Mon souci est de passer
à une généralisation de ce type de pratique.
Nous n'en sommes pas au niveau des textes de loi ou des dispositions
réglementaires, mais de la pratique. C'est pourquoi j'insistais
fortement sur le fait que les textes ne valaient que par les hommes qui les
appliquaient. Ensuite, je crois qu'un certain nombre de dispositions
réglementaires sont à prendre.
La question que je me pose, à laquelle je n'ai pas répondu, est
la suivante : faut-il avoir des dispositions réglementaires en
matière de déconcentration ? Faut-il faire évoluer le
dispositif d'évaluation ? Des dispositions réglementaires
sont certainement à prendre, mais sous réserve là aussi,
que les objectifs poursuivis soient clairement affichés et que les
hommes pour les mettre en oeuvre soient clairement identifiés et aient
les moyens de le faire.
M. le Président -
Nous vous remercions.
AUDITION DE M. JEAN-PAUL ROUX,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DE LA FEN,
ACCOMPAGNÉ DE M. CARRIE,
TRÉSORIER
(27 JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Jean-Paul Roux.
M. Adrien Gouteyron, Président -
Vous avez la
parole pour un propos d'introduction.
M. Jean-Paul Roux -
Je voudrais tout d'abord vous
présenter MM. Francis Carrie, trésorier national de la
FEN, professeur de collège et Gérard Demaison,
secrétaire national. Pour ma part, je suis secrétaire
général de la FEN et, professionnellement, je suis un
administratif, attaché de l'administration scolaire et universitaire,
c'est-à-dire "intendant" dans le jargon courant.
La FEN est une organisation fédérale, qui regroupe une trentaine
de syndicats nationaux, et couvre, à l'éducation nationale, tous
les personnels enseignants, y compris l'enseignement supérieur, ainsi
que les personnels de direction et d'inspection, les personnels infirmiers,
médecins, assistantes sociales, les personnels ouvriers, les personnels
administratifs ; bref la totalité du champ des personnels qui
concourent aux tâches éducatives.
Nous sommes heureux d'être auditionnés par la haute
assemblée car il nous semble que la question de la gestion de l'emploi
public, au plan général et plus particulièrement à
l'éducation nationale, est centrale.
En tant qu'organisation syndicale, nous ne pouvons répondre que sur la
partie qui est de notre compétence. Nous n'avons ni compétence du
côté ministériel et gouvernemental pour la gestion de ces
emplois, ni dans les domaines qui ne ressortissent pas à notre domaine
syndical.
Tout d'abord une réflexion de portée
générale : la gestion de l'emploi public n'a jamais fait
l'objet d'une problématique réfléchie et sérieuse,
au delà des alternances politiques. En effet, la gestion est finalement
et exclusivement budgétaire. S'il n'y a pas changement de nature, il
peut y avoir changement de niveau. Nous avons connu des périodes de
suppressions d'emplois. Dans la période actuelle, on ne supprime ni ne
crée d'emplois, mais la logique reste la même.
Dans le service public en général et dans l'éducation
nationale en particulier, il nous semble que ce sont la politique, l'objectif
et l'ambition du projet qui devraient dominer. Se fixent derrière un
projet, dans une discussion contradictoire où les moyens pèsent
de leur poids, les priorités et les moyens à y mettre.
C'est seulement si l'on est capable de suivre cette démarche dans cet
ordre que l'on pourrait traiter de la question centrale qu'est la gestion
prévisionnelle des effectifs, et des questions de modernisation des
modes de travail. Il convient en effet de s'interroger, en permanence, sur une
meilleure efficacité des moyens existants, sur l'adaptabilité et
l'évolution du service public, et sur l'évaluation
régulière du fonctionnement du service public et de ses moyens.
Ces quatre pôles de référence ne peuvent être
utilisés comme outils que dès lors qu'un projet est
élaboré collectivement et dont le gouvernement prend, à un
moment donné, la responsabilité. C'est une politique du contrat
qui se nourrit, dans l'éducation nationale, entre un gouvernement, la
nation, partie prenante avec les parents, les personnels, et surtout les jeunes
qui sont de plus en plus les acteurs directs du système éducatif.
Je n'en dirai pas plus dans mon propos préliminaire si ce n'est que,
pour avoir lu les auditions précédentes, je connais vos
interrogations.
Je souhaite d'abord intervenir sur la question de l'absentéisme. Tout
d'abord, je réfute ce mot, dont la connotation péjorative fait
référence à des absences non justifiées, et qui n'a
pas de sens dès lors qu'il existe un système administratif
censé contrôler ce type de choses. L'amalgame n'a pas non plus de
sens entre l'absence pour maladie, pour maternité, pour la formation
continue, les réunions de concertation administratives, les
autorisations d'absence à titre syndical. Il faudrait traiter chaque
sujet dans sa cohérence.
La notion d'absence pour des raisons personnelles liées à la
maladie ne sont pas plus fréquentes dans ce secteur que dans d'autres.
Les études ont montré qu'il n'y a pas plus d'absentéisme
dans ce secteur que dans d'autres secteurs privés ou publics. L'analyse
qu'il faut mener se situe plutôt en termes de comment gérer cet
inévitable système où l'absence existe pour les raisons
diverses et comment se donner les moyens de la remplacer et -pour reprendre les
mots du ministre de l'éducation nationale- pour faire en sorte qu'il y
ait toujours un maître face à une classe.
M. le Président -
Votre dernière remarque est
intéressante.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur vos propos
préliminaires, vous parlez de contrat que vous voyez en termes
d'objectifs et de moyens, mais le voyez-vous également en termes de
sanctions négatives ou positives, au regard de ces résultats.
Quels seraient pour vous les critères d'appréciation des
résultats ?
Pour revenir à des choses plus terre à terre et précises,
vous avez parlé d'une politique budgétaire, mais pensez-vous que
tout est fait, au niveau ministériel, de façon à bien
ajuster le recrutement aux besoins ? Imaginons que les professeurs de
philosophie soient déjà en surnombre, ne faudrait-il pas alors
oser le dire.
Dans les réformes du mouvement, ne pensez-vous pas que les choses seront
figées plus tôt que d'habitude ? Certes, les enseignants
sauront plus tôt où ils iront. Ne pensez-vous pas qu'on arrivera
à plus de souplesse car, si les choses sont figées dès mai
par exemple, on ne saura pas les orientations prises en juin et on risquera
d'avoir des manques en septembre, ici ou là, en raison même de ce
manque de souplesse.
Toujours au niveau de la souplesse, l'utilisation des jeunes issus des IUFM
serait-elle une solution ? Les professeurs d'école primaire sont
polyvalents car conduits à enseigner toutes les disciplines. Pensez-vous
que l'on pourrait impulser une démarche similaire dans le secondaire,
quitte à avoir un corps de "polyvalents" pour assurer les remplacements
avec d'autres statuts ?
Par rapport à votre organisation, quels sont les organismes qui
relèvent de la FEN et le nombre d'enseignants chargés de leur
animation ?
Enfin, on nous annonce pour les années à venir une baisse des
effectifs et des départs massifs en retraite. Quels seraient les grands
axes de redéploiement des moyens qui pourraient être
envisagés dans ces conditions ?
M. Jean-Paul Roux
- Le pays doit se doter d'un projet sur
l'éducation. Ce contrat doit s'établir entre ceux qui sont
chargés de gérer le pays et la nation et, dans le système
éducatif, entre les différents partenaires qui l'animent. S'il y
a projet, il se fixe des objectifs et des moyens adéquats. Dès
lors, la gestion prévisionnelle est possible. En effet, si on se fixe
tel ou tel objectif, en tenant compte de la projection démographique, il
est possible d'anticiper la demande et les besoins. On peut ainsi commencer
à recruter, en restant conscient que ces recrutements ne porteront effet
qu'après plusieurs années, de telle façon qu'ils soient
productifs aux moments opportuns.
Cette expérience commence à être menée dans le
secteur des non enseignants. Elle a été lancée il y sept
ou huit ans. L'idée était d'anticiper à cinq ans les
besoins dans tel et tel type de mission, pour tirer la conséquence des
recrutements nécessaires à une période donnée.
Globalement, ce système de gestion prévisionnelle a donné
quelques succès.
Ces moyens sont-ils suffisants ? Cela relève d'un autre
débat.
Mais un service public doit être évalué et, à
échéances régulières et en fonction du projet, on
doit pouvoir ainsi constater ce qui a marché ou pas. Cette
évaluation doit être productive d'effets et servir à
corriger les difficultés. Cela ne nous choque pas que cette
évaluation, faisant ressortir tel ou tel défaut du
système, soit l'objet d'une réflexion pour voir de quelle
façon corriger les défauts.
Or, on a toujours eu l'impression que, dans le service public, la contrainte
budgétaire passait avant le projet et devait être la
régulation suprême. C'est une difficulté.
Quels que soient les gouvernements, la dictature de notre système
budgétaire et son annualité qui interdit de se projeter dans
l'avenir, interdisent cela. Il faut dépasser ces difficultés.
Quand nous disons évaluation, nous entendons évaluation du
système ainsi qu'évaluation du personnel. Ceux-ci sortent d'un
système de notation antédiluvien et infantilisant. On ne met plus
de notes aux élèves, mais on continue à noter les
fonctionnaires. C'est une vraie question. On pourrait passer à un
système d'évaluation plus performant qui serait une
évaluation collective, dans une équipe. Y participeraient les
corps d'inspection et l'équipe en tirerait les conséquences
formatives pour transformer son mode de fonctionnement.
Cette autre dynamique implique en premier lieu l'adhésion de
l'équipe à un projet qui contribue à son
élaboration. Bien que cette logique nouvelle et différente tend
à se mettre en place, nous souhaiterions vis-à-vis de celle-ci
une politique plus volontariste.
S'agissant des listes complémentaires, nous ne comparons jamais les
premier et second degrés. Nous connaissons les différences et
dans le second degré, l'existence de disciplines complexifiées
par le développement excessif des options qui sont un moyen de
sélection redoutable. Les options sont en effet un moyen de
sélection redoutable dont l'effet peut être contre-productif.
Sur le second degré, on recrute par corps et par discipline. Cela
empêche que, dans chaque discipline, la liste de recrutement des
reçus soit accompagnée d'une liste complémentaire dans
laquelle on viendrait, au fur et à mesure des désistements
possibles, piocher pour compenser les départs, c'est-à-dire soit
les refus au moment de la nomination, soit les départs en cours
d'année.
C'est d'ailleurs un principe du statut général de la fonction
publique, peu ou mal appliqué. En effet, les politiques très
malthusiennes des jurys ont fait que certains postes mis aux concours n'ont pas
été comblés alors que les candidats existaient. En
revenant aux principes simples de la fonction publique, on aurait le moyen
d'éviter le risque du poste vacant, non pourvu par un titulaire. On
recrute donc un non titulaire et on crée ainsi un volant...
M. le Président -
Dans un pays comme le nôtre, n'est-ce pas
généraliser le système des "reçus collés
"dont on connaît le résultat ?
Vous établissez une liste en reconnaissant que ses membres ont
compétence pour enseigner, mais vous vous arrêtez à un
certain niveau en indiquant que ceux en dessous ne passent pas et qu'on ne fera
appel à eux qu'en cas de nécessité.
M. Jean-Paul Roux -
Je renvoie au statut
général de la fonction publique. Il y cent emplois vacants au
concours. Les cent premiers sont reçus, mais cent autres sont en liste
complémentaire. Ils savent qu'on peut faire appel à eux dans la
mesure où sur les cent premiers, on reçoit dix ou quinze refus
d'emploi. Cela n'a jamais présenté de difficultés dans
l'application. Il n'y a pas de "reçus collés", mais simplement un
potentiel de candidats en attente d'accéder à la liste
principale.
Les listes complémentaires, malgré l'existence des disciplines,
peuvent exister. S'agissant des disciplines rares, on est à la marge.
Déjà sur de grandes disciplines centrales, le système peut
fonctionner ; les efforts engagés ces temps derniers dans ce
domaine ont d'ailleurs porté leurs fruits. Il est vrai aussi que le
volant exorbitant de non titulaires, créé par l'administration,
met les intéressés dans une situation difficile. Notre voeu est
de les stabiliser, mais le fait qu'il y ait de moins en moins d'emplois vacants
fait qu'ils se retrouvent pris entre deux feux.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Dans l'enseignement
primaire, il existe un volant de professeurs des écoles pour effectuer
des remplacements. Dans le secondaire, ne pourrait-on pas avoir le même
dispositif avec des personnels polyvalents ?
M. Jean-Paul Roux -
J'ai répondu à votre
question sur les listes complémentaires, qui interviennent après
le concours. Les remplacements sont d'une autre nature. Ne comparons pas les
premier et second degrés. Pour le premier degré, c'est
l'homogénéité des missions, c'est relativement simple et
cela fonctionne correctement. Quant au second degré, je reconnais la
difficulté des disciplines.
Tout d'abord, ce système de titulaire remplaçant peut
déjà fonctionner pour un certain nombre de grandes disciplines.
Néanmoins, je ne crois pas que l'on puisse, compte tenu de la nature
même des disciplines, assurer les remplacements à courte
durée. Pour une heure ou trois heures d'absence sur une semaine, le
remplacement, discipline pour discipline et heure pour heure, sera infiniment
délicat à gérer. C'est là qu'il faudrait faire
preuve d'imagination.
Imaginons que ces heures ouvertes à un temps donné bref puissent
être utilisées par des collègues d'autres disciplines, pour
des temps de soutien, quitte à que ces heures puissent être
récupérées à un autre moment de l'année.
Si on convient que le temps scolaire s'étend sur la durée de
l'année scolaire, on peut imaginer ne pas figer cela dans la stricte
durée de la semaine. L'acte éducatif n'est pas un acte
haché entre les disciplines. Il y a là la souplesse
nécessaire qui permettrait, avec des séquences
interdisciplinaires, d'articuler ces remplacements courts par d'autres
activités.
M. Francis Grignon, rapporteur
- On pourrait annualiser
l'enseignement.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes à l'aise avec
l'annualisation. C'est une pratique qui peut fonctionner avec les bonnes
règles du jeu.
Une autre question concernait la bivalence. Ce n'est pas dans cette grande
maison que je dirai que l'initiative de mettre en voie d'extinction le corps
des PEGC est venue de vous ; elle est venue d'un ministre de
l'éducation nationale qui fut ensuite le président de cette
grande maison. Je crois que c'était une erreur. Non pas d'avoir mis en
voie d'extinction un corps dont nous avions dit qu'il fallait le faire
évoluer, mais de n'avoir pas été en mesure de faire
émerger un corps de professeurs de collège
spécialisés dans ce niveau très particulier d'enseignement
et capable d'enseigner, non pas sur une discipline étroite, mais sur des
champs disciplinaires -professeurs recrutés et formés au
même niveau-, comme le sont désormais les professeurs
d'école ou de lycée. C'était l'un des enjeux, avec un
horaire adapté et un enseignement différent.
On sait fort bien que, sur ce terrain, la diminution progressive du nombre de
PEGC amène de plus en plus une difficulté en gestion dans les
collèges.
M. le Président -
Cela fait 25 ans qu'on bute sur ce
point.
M. Jean-Paul Roux -
Ce n'est pas en supprimant ce corps,
sans savoir comment le remplacer, qu'on résoudra le problème. Le
problème semble dépassé car le débat statutaire est
désormais tracé sur d'autres voies. Mais, c'est une erreur qui
fut commise en 1986. Monsieur le rapporteur, vous avez certainement
gardé en mémoire les débats qui ont eu lieu à
l'époque.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Qu'envisagez-vous pour la corriger ? Je partage votre point de vue
quant au fait de dire que c'était une erreur. Concrètement, que
faites-vous ?
M. Jean-Paul Roux -
Il faudrait également poser la
question au gouvernement. On déborde le cadre de notre champ, mais il
convient de retracer les perspectives. L'urgence pour nous est d'assurer la
continuité éducative de l'école du premier degré et
du collège. C'est un tout. Il y a continuité. Si c'est le cas, il
faut que la rupture, au niveau de la 6
e
, soit atténuée
au maximum. Cela implique de trouver le moyen, par le travail en équipe,
au niveau du collège, de réduire la multiplicité des
interventions auprès des jeunes et d'empêcher ce basculement d'une
logique du maître unique à la logique de la multiplicité
des maîtres.
Le travail d'équipe est une réponse ainsi que
l'interdisciplinaire. Le terme de " champ disciplinaire " a
été utilisé dès 1988 par le ministre de
l'éducation nationale, lorsqu'il était conseiller auprès
du ministre de l'époque. Cette question n'a pas été
suffisamment creusée.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Concrètement, vous n'êtes pas opposé à
des systèmes de polyvalence tels que ceux que l'on trouve dans d'autres
pays européen ?
M. Jean-Paul Roux -
Pas du tout.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- J'apprécie votre dernière réponse concernant le
collège. En effet, la bivalence ou la polyvalence, certes souhaitable
sur le plan pédagogique, aurait un effet non négligeable sur le
plan économique. Nous avons entendu trop de personnes entièrement
opposées à ce système de bivalence dans les
collèges, du moins pour les petites classes.
Le ministre de l'éducation nationale a fait part, à plusieurs
reprises, d'anomalies dans le fonctionnement de l'éducation nationale.
C'est peut-être même lui qui a amené cette commission
d'enquête. Il vient de présenter sa réforme de
l'école du XXIème siècle. Quelle en est votre
appréciation globale ? S'agissant de la gestion des personnels,
pensez-vous que ces réformes annoncées vont amener une meilleure
situation ou ne changeront rien aux difficultés rencontrées ici
ou là ?
Que pensez-vous des emplois-jeunes pour lesquels nous avons eu des points de
vue divergents : certains disent que c'est une excellente chose, tandis
que d'autres disent qu'ils n'appartiennent pas à l'éducation
nationale et n'ont rien à faire dans les établissements
scolaires. Je caricature à peine.
Quelle est votre position quant au chef d'établissement ? Votre
syndicat couvre les personnels enseignants et non enseignants. Etes-vous
favorable à la redéfinition de leur mission et au renforcement
éventuel de leurs prérogatives auprès des
enseignants ?
M. Jean-Paul Roux -
Le projet de l'école du
XXI
e
siècle, présenté par le ministre,
concerne le premier degré. Les questions de réforme de gestion
des personnels concernent, en priorité, le second degré.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Nous sommes également interpellés sur le premier
degré.
M. Jean-Paul Roux -
Sur le premier degré,
la gestion des personnels n'est pas en cause, car déjà
déconcentrée depuis longtemps. Elle fonctionne à un niveau
où la proximité des organes de gestion des emploi est telle que
les ajustements se font dans de bonnes conditions.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Je
n'ai peut-être pas suffisamment développé ma question.
Dès lors que le ministre de l'éducation nationale annonce
certains intervenants extérieurs dans les établissement, je fais
la remarque suivante : les enseignants qui faisaient 27 heures
d'enseignement ne les feront plus, puisque d'autres les feront à leur
place. Si l'on veut quand même maintenir les 27 heures, ne va-t-on
pas gagner des postes sur le dos des collectivités locales ? Nous
aimerions avoir votre appréciation.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes favorables aux grandes
orientations du projet du ministre. Ce point de vue est partagé par les
enseignants et les parents d'élèves. Il faut ensuite s'attacher
à la mise en oeuvre, phase plus délicate. Le projet qui fixe,
dans le rythme de la vie du jeune, les périodes passées au sein
de l'école et celles en situation éducative hors de
l'école dans les activités périscolaires, ne peut plus
permettre de ne considérer que l'acte éducatif au sein de la
classe.
Aujourd'hui, et ce depuis des années, il existe des partenaires de
l'école qui travaillent autour de l'école -telles que les
associations et les collectivités locales- et sont impliqués dans
les tâches éducatives. Nous n'avons pas dit que la seule
tâche éducative se fait dans l'école ; elle est
beaucoup plus large. Il ne s'agit pas de concevoir un temps rythmé par
six heures de cours par jour et, comme c'était le cas dans le projet
précédent, une matinée de cours et un après-midi
sans cartable. Cela n'a pas aucun sens quant au rythme des jeunes.
Par contre, si on considère une période où le jeune, entre
8 heures et 18 heures, passe à une succession
d'activités, au sein de la classe, plus ludiques à
l'extérieur de la classe, puis retour à une activité plus
centrée sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux, passage en
études dirigées et soutien, nous avons là un rythme
où vont alterner, sous la responsabilité du maître, non
seulement l'acte d'enseignement du maître mais également ceux des
intervenants extérieurs. Le rôle des emplois-jeunes devient alors
fondamental. Ils assurent toutes ces interfaces entre ces différentes
périodes et la conduite de certaines activités de soutien.
Aujourd'hui, le bilan de la mise en place d'emplois-jeunes dans le premier
degré est une analyse positive. Nos collègues, très
majoritairement, le considèrent ainsi.
Pour enchaîner rapidement sur l'action des emplois-jeunes, nous avons
été favorables à une mise en place de ceux-ci. En effet,
l'une des formes les plus insupportables du chômage est celle du
chômage des jeunes. Etre chômeur avant d'être travailleur
revient à marquer le pays de risques sociaux que nous paierons dans les
années qui viennent, durablement. Rentrer dans la vie par le
chômage est la pire des choses. Ce pied à l'étrier, dans de
vrais emplois, garantis dans une durée suffisante et avec une formation,
nous paraît un bon outil.
Toutefois, on ne peut en rester à un objectif à finalité
courte. Dans cinq ans, lorsque l'expérience s'arrêtera, que
fera-t-on ? Plusieurs options sont possibles. Le première est que
nous sommes en présence d'emplois émergents. Dans quatre ou cinq
ans, on constatera la nécessité de les stabiliser et d'en faire
des emplois publics.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- On
crée un corps de fonctionnaires de plus !
M. Jean-Paul Roux -
Je ne dis pas cela, je dis qu'il y a
nécessité de...
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
De
stabilisation.
M. Jean-Paul Roux -
On les stabilise. Faut-il les
stabiliser sur des emplois de fonctionnaires ? C'est à la nation
d'en décider. Faut-il créer un type d'emploi nouveau qui serait
un emploi où des jeunes -car la condition de la jeunesse est
essentielle- se succéderaient, comme cela existe déjà dans
d'autres domaines, avec les emplois de surveillants d'internat et d'externat.
Pour les emplois-jeunes, ce serait le pied à l'étrier.
Cette interface entre le monde du travail et l'éducation manque
aujourd'hui, car souvent les patrons veulent des personnes ayant
déjà acquis une expérience professionnelle.
Cette interface formatrice pourrait voir se succéder en permanence des
jeunes, dont le rôle serait essentiel à l'éducation
nationale. Ils apporteraient, par leur niveau d'âge, leur fraîcheur
d'appréhension des problèmes, un air nouveau. Ce plus leur
permettrait ensuite d'accéder aux concours de la fonction publique, tout
comme d'aller dans le privé. Tous les Français n'ont pas vocation
à être fonctionnaires. L'emploi du privé est devenu
aujourd'hui terrifiant. Mais le droit à l'emploi est bien dans le sens
du droit au travail.
Si ces emplois-jeunes sont bien cette innovation, dans cinq ans, ils peuvent
être un outil nouveau de lutte contre le chômage et pour
l'insertion des jeunes.
Ce pari n'est pas gagné. Cela part dans un secteur donné, mais
surtout dès l'instant que l'on ne fait pas de la substitution à
l'emploi public. Cela marche dans le premier degré parce qu'on a rempli
un besoin qui n'était pas pourvu.
S'agissant du second degré, je serai plus réservé. Les
expériences menées dans les collectivités territoriales
ont montré que les effets d'aubaine consistent à utiliser des
emplois-jeunes comme un emploi public. Cela peut être redoutable. En
effet, comment traiter dans cinq ans des personnes recrutées sur des
missions de service public classique ? Il faudra peut-être en faire
alors des postes de fonctionnaire sans le financement, ce qui sera la
difficulté.
Enfin, je traiterai des décharges de service qui nous concernent
à titre syndical et non pas des mises à disposition, qui ne
relèvent pas de notre compétence. Nous sommes dans un domaine
normé. L'initiative première de ces créations dans la
fonction publique a été prise par M. Chaban-Delmas en
septembre 1970, rendue réglementaire par le décret
de 1982.
Ce système consiste à définir, chaque année, selon
des critères précis de représentativité, un certain
nombre d'autorisations de décharges de service, suivant un barème
très précis du ministère. Cela fait que l'éducation
nationale, de par son nombre de fonctionnaires, est probablement le
département ministériel le moins bien traité.
Je vous donne deux chiffres à cet égard. En vertu du
barème, au ministère de la Culture, il y a une décharge de
service possible pour 350 fonctionnaires tandis qu'à
l'éducation nationale, il y a une décharge de service possible
pour 2 000 fonctionnaires.
Cela fonctionne comme l'impôt sur le revenu en sens inverse : par
tranche. Dans ce domaine, l'éducation nationale n'est pas la plus grosse
consommatrice de décharges de service, bien au contraire.
Néanmoins, il y a une spécificité à
l'éducation nationale. Dans le droit syndical, outre la décharge
de service, il existe des autorisations d'absence dites au titre du
millième. En 1982, quand le texte a été
appliqué, Alain Savary, ministre de l'éducation nationale de
l'époque, nous avait demandé d'ouvrir une discussion sur la
possibilité de réduire ce nombre possible d'autorisations
d'absence dont il estimait qu'elles étaient difficiles à
gérer au niveau des remplacements, notamment pour les enseignants. Il
était préférable de les transformer en décharges,
car elles sont connues sur une année donnée et permettent ainsi
d'assurer le remplacement sur l'année.
Nous avions négocié, à l'époque, la transformation
de 50 % des autorisations d'absence en décharges de service.
En 1995, à la demande de M. Bayrou, ministre de
l'éducation nationale à l'époque, j'ai été
amené à négocier avec lui la transformation de
25 % supplémentaires d'autorisations d'absence en
décharges. Il ne reste plus que 25 % d'autorisations d'absence,
limitées aux congrès locaux, le restant étant
géré par des décharges de service totales ou partielles,
distribuées sur le pays, et que nous devons déclarer
impérativement dès le mois de mai, afin que les remplacements
soient assurés à la rentrée.
M. le Président -
Quel est le fondement de ces
autorisations ?
M. Carrie
- C'est l'article 14 du décret de 1982
et les décharges figurent à l'article 16. Il y a une
journée d'autorisation d'absence par 1.000 heures
travaillées.
M. le Président -
Pouvez-vous nous assurer que, hormis ces
décharges de service réglementaires qui découlent des
règles de la fonction publique et cette seconde catégorie qui
découle de la transformation d'autorisations d'absence en
décharges de service, il n'en existe pas une troisième moins
officielle qui se traite localement ?
M. Jean-Paul Roux -
Ce ministère est d'une rigueur
implacable dans l'attribution des décharges de service. Cela descend
ensuite dans les rectorats et les inspections académiques, car c'est
décliné au plan local. Chaque organisation a son contingent que
nous répartissons. Nous envoyons ensuite au ministère ces
décharges de service qui sont ensuite attribuées. Elles sont
ensuite déclinées sur le terrain, de façon très
rigoureuse.
Ayant une expérience de la fonction publique plus large que celle de
l'éducation nationale, c'est ce dernier ministère qui, dans ce
domaine, a la pratique la plus rigoureuse. J'allais dire hélas, mais je
ne le ferai pas car, dans ce domaine, la rigueur me paraît s'imposer.
Il peut arriver que les 25 % restants d'heures d'autorisations d'absence
fassent l'objet, au plan local, d'une transformation pour des ajustements
à la marge. Mais cela se fait sur des moyens qui vont de l'autorisation
d'absence à la décharge. C'est toujours géré dans
le cadre de l'enveloppe existante des moyens. Il appartient aux recteurs et aux
inspecteurs d'académie de faire ces ajustements.
M. Carrie
- Sur les transformations d'autorisation, dont les
commissaires de l'éducation nationale, cela représente 75 %.
Nous sommes aussi représentatifs dans plusieurs ministères. Au
ministère de la Culture et au ministère de la Jeunesse et des
Sports, il y a eu un accord pour que ce soit la totalité. En
contrepartie, en ce qui nous concerne, nous avons pris l'engagement que
personne de notre organisation ne demandera un jour de bénéficier
d'autorisations spéciales d'absence puisqu'on en a transformé la
totalité. C'est un complément que je voulais vous donner pour
avoir une vision correcte.
M. Jean-Paul Roux -
Pour la transparence, à la
rentrée 1998, la FEN et ses syndicats nationaux, au titre des deux
moyens (les décharges et les transformations en autorisations d'absence)
bénéficiaient de 440 décharges de service, dont 88 au
titre de la fédération et 352 au niveau de ses syndicats
nationaux les plus divers.
Ces chiffres sont publics. Il restait à utiliser 12 230 heures
d'autorisation d'absence au titre du millième, réparties en
2 447 journées fédérales et 9 783 au
niveau des syndicats nationaux. Cela résulte de la règle de trois
pratiquée au ministère.
M. le Président -
Vous dites 440 décharges. Cela
équivaut-il à 440 postes ?
M. Jean-Paul Roux -
Certaines décharges sont
fractionnées. Une petite minorité...
M. le Président -
Quand vous parlez de 440 décharges,
cela implique-t-il 440 personnes totalement ou partiellement
déchargées ?
M. Jean-Paul Roux
- Non, cela signifie
440 possibilités de décharges complètes, mais qui
sont pour la plupart des décharges partielles. Cela ressort des textes
de la fonction publique, à la virgule près.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Le
chef d'établissement est un personnage clef du système
éducatif dont, aujourd'hui, le recrutement connaît un
déficit. Quelles sont les raisons de ce déficit ? Comment le
réduire ou améliorer la situation ? Quant à leurs
missions, pensez-vous possible d'élargir leurs prérogatives,
notamment vis-à-vis des personnels et des enseignants ?
M. Jean-Paul Roux
- Ce sujet nous préoccupe. Le
SNPDEN est un syndicat de la FEN et reçoit environ 80 % des voix
aux élections professionnelles. C'est donc le syndicat de la profession.
Nous sommes aussi inquiets que vous sur la pénurie de recrutement. Cela
tient à la difficulté exorbitante du métier de chef
d'établissement, avec son interface entre les contraintes des
personnels, des collectivités, des parents, des élèves et
des enseignants.
Si l'on dépasse le cadre des chefs d'établissement, les
inspecteurs de l'éducation nationale ont également un rôle
essentiel. Ils irriguent tout un tissu d'encadrement déconcentré
essentiel. L'encadrement administratif a également son rôle
à jouer. Contrairement à ce que l'on dit, le système de
l'éducation nationale est très déconcentré depuis
longtemps.
Dans un tel système, le rôle des personnels de l'encadrement de
terrain est devenu essentiel. Cela passe par l'attractivité d'un
métier. Pour qu'un enseignant souhaite changer de métier -car
c'est un métier différent- et devenir chef
d'établissement, il faut lui en donner l'envie et que le métier
soit attractif. D'autre part, s'agissant des craintes que peut
légitimement susciter ce métier, il faut travailler sur la
formation. Cela s'apprend. C'est un métier différent qui consiste
à gérer de la matière humaine, matière très
délicate s'il en est.
En troisième lieu, je ne pense pas qu'on doive y travailler dans le sens
d'un renforcement. Tout du moins, en termes de hiérarchie, le chef
d'établissement doit devenir, de plus en plus, un animateur d'une
équipe éducative. Il est au coeur d'une équipe
éducative dans laquelle nous mettons les enseignants et tous les
personnels non enseignants. La communauté éducative qui fait
tourner l'établissement forme un tout, dont le chef
d'établissement est le coeur.
Son autorité restant ce qu'elle est, il doit pouvoir faire en sorte que
l'élaboration du projet, qui va rassembler sa communauté
éducative, soit de sa responsabilité. L'enjeu n'est pas d'en
faire un super chef de service qui va simplement appliquer les directives
venues d'en haut, mais aussi de faire naître une dynamique qui va souder
les diverses parties de la communauté éducative.
Dans certains établissements, cela se fait facilement. Dans les secteurs
que l'on baptise pudiquement "zones difficiles", c'est un métier
redoutable, physiquement. Une commission, mise en place par
M. Allègre et menée par le recteur Blanchet et à
laquelle participe également notre syndicat, se préoccupe de ces
questions. Il faut tracer de grandes pistes nouvelles qui permettent d'attirer
vers ce métier, non pas les meilleurs mais ceux qui y auront le plus
d'aptitude. Je ne peux en dire plus, la réflexion est en cours. Mais le
rapport du recteur Blanchet, de l'académie de Paris, sera essentiel.
Mme Hélène Luc
- Concernant le taux
d'encadrement dans l'école primaire, Certaines écoles, qui
pourraient être classées en ZEP, sont encore en zone sensible et
peuvent se retrouver en REP . Que pensez-vous du taux d'encadrement ?
Pensez-vous que la formation des I.U.F.M. correspond bien aux attentes ?
J'ajouterai quelques mots sur la bivalence des professeurs. Je parle pour les
collèges, car il n'y aucun problème pour les écoles
primaires, encore que pour l'éducation physique, il faudrait absolument
avoir des professeurs d'éducation physique. Mon fils qui est dans ce cas
de figure pense qu'à l'école primaire, les instituteurs doivent
pouvoir enseigner l'éducation physique. Le débat est donc
difficile. Personnellement, je suis contre la bivalence dans les
collèges.
M. Jean-Paul Roux -
Sur la seconde partie de votre
question, comme nous nous connaissons bien, je me doutais bien d'un point de
désaccord sur ce sujet. Il me semble qu'aujourd'hui, les faits nous
interpellent sur le collège et le fait, en particulier, que le ministre
de l'éducation nationale ait voulu traiter en dernier, dans sa boulimie
de réformes, le collège, montre bien qu'il est le noeud de toutes
les difficultés et le lieu de toutes les contradictions. Ce débat
mériterait une autre commission d'enquête.
Mme Hélène Luc
- La méthode se
discute.
M. Jean-Paul Roux
- La question du taux d'encadrement ne
peut être traitée par une norme nationale. Nous avons, depuis une
quinzaine d'années, prôné le traitement
différencié.
Nous avions été d'accord avec la politique des ZEP, sous deux
réserves :
Premièrement, la politique des ZEP, qui a produit des fruits à un
moment donné, a eu l'inconvénient, comme toute politique de
zonage, de tracer des frontières, toute frontière étant
arbitraire par nature.
On sait que la difficulté sociale ne va pas s'arrêter au
n° 43 de telle rue pour ensuite entrer dans une zone où les
choses vont mieux. Cela a créé un problème, non pas de
ghettoïsation, mais de zonage qui n'a pas rendu la réalité
complexe des difficultés sociales.
La seconde erreur aura été d'appliquer un traitement
différencié aux personnels, non pas en termes d'encadrement -car
il aurait fallu jouer sur les conditions de travail et d'encadrement- mais en
termes de rémunération. On a créé le risque d'une
fixation qui empêche de faire évoluer les choses.
Humainement, lorsqu'une ZEP a produit ses fruits, la logique voudrait qu'elle
sorte de ZEP. Mais le fait qu'elle produise des conséquences
individuelles sur des personnels en termes de rémunérations est
un frein. Si l'on avait travaillé en termes de moyens
supplémentaires, de taux d'encadrement, d'allégement horaire,
bénéfiques pour l'enseignement, on aurait pu avoir une gestion
plus souple. D'autant que la solution qui se met en place -de ne plus
travailler en zone mais en réseau- est une méthode plus souple et
qui s'adapte mieux à une réalité sociale, que l'on peut
faire évoluer au rythme du temps.
Nous sommes dans une période de basculement de logique, mais l'ancienne
logique a stratifié les choses. Nous sommes devant une véritable
difficulté que nous sommes, syndicalement, obligés de
gérer car concernés par ces questions et par les collègues
qui nous interrogent. Pourtant il faut en sortir.
La question de l'encadrement ne pourra pas se traiter autrement qu'en prenant
en compte les besoins sociaux de tel ou tel réseau, c'est-à-dire
de répondre en termes d'encadrement par les besoins et la
nécessité.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Une
petite réflexion. J'ai un point de désaccord fondamental. On pose
des hypothèses, on fait tourner le modèle et ensuite, on dit que
le modèle tourne bien en fonction des hypothèses. Le
problème est d'être d'accord sur les hypothèses de
départ.
Je ne suis pas d'accord quand vous dites qu'il faut fixer les objectifs et le
contrat puis, ensuite, voir les moyens et ce que l'on peut faire. On
étudie d'abord les moyens, ensuite on se fixe les objectifs. Dans une
famille comme au niveau de l'Etat, c'est le problème fondamental de la
fonction publique.
Peut-on réellement développer une politique des ressources
humaines dans une organisation où les syndicats informent de l'ensemble
des mouvements, avant l'organisation elle-même ? Par ailleurs,
combien avez-vous de personnels détachés ou mis à
disposition à la FEN et dans les diverses structures dépendant de
votre organisation ?
M. Jean-Paul Roux -
Je ne peux répondre que sur
les décharges. La mise à disposition est un principe de la
fonction publique : l'Etat met à la disposition d'associations ou
de mutuelles, pour partie pour le service public, des personnels que l'Etat
rémunère dans certains cas, mais qui font l'objet de
remboursement par l'organisation. Il conviendrait de poser cette question aux
associations et aux mutuelles qui participent à ce type de
système.
Les syndicats n'ont pas droit aux mises à disposition, mais seulement
aux décharges et aux détachements. Il y a donc une
séparation très claire.
M. Carrie
- Le total des détachés et mises
à disposition aux services de la FEN est égal à
zéro.
M. Jean-Paul Roux -
Pour l'anecdote, un cas de mise
à disposition datant du ministère précédent
concernait la société des agrégés. Je crois savoir
que le ministre actuel y a mis fin, en proposant un détachement, ce qui
est de bonne méthode.
Si vous posez le problème ainsi, nous aurons un désaccord de fond
sur la façon de procéder. Dans notre République, plusieurs
options sont possibles. Si vous connaissez notre organisation, nous n'avons
jamais dit qu'il suffit de donner des moyens pour résoudre les
problèmes. Cela n'a jamais été notre position. Les moyens
sont toujours en fonction d'une évolution, d'un changement, d'un projet
et d'un objectif.
Il est vrai que, dans une famille donnée, on ne peut aller
au-delà du budget, mais à l'intérieur, on peut faire des
choix de priorité. Il appartient à la nation de faire ces choix.
La nation n'a pas d'autre avenir qu'un projet éducatif qui donne,
à cette nation, la capacité de former les jeunes.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Il
y a la santé etc...
M. Jean-Paul Roux -
Mais comment mettre en place un
système de santé si les jeunes qui viendront assurer ce
système de santé ne sont pas formés ? C'est
l'élément premier. C'est, à la fois, la politique de
formation et d'insertion. Aucun pays au monde ne peut fonctionner si, au
départ, on n'a pas fait des jeunes, des citoyens, des travailleurs...
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Nous
sommes d'accord, mais ce sont des mots, car il faut aussi gérer un
budget.
M. Jean-Paul Roux -
Ce ne sont pas que des mots, mais
aussi des convictions.
Dans le budget, dès lors qu'on fait les choix, on décide
d'accorder, en fonction des objectifs, tel et tel choix, et on assure une
programmation. Il existait bien une loi de programmation militaire. Pourquoi
n'existerait-il pas une loi de programmation...
M. le Président -
Il ne faut pas faire cette
comparaison !
M. Jean-Paul Roux -
... sur cinq, dix ans pour planifier
les moyens dont le pays veut se doter pour son système éducatif.
Est-ce impensable ?
Par exemple, dans l'enseignement supérieur dont on voit les enjeux, il
n'y aurait pas nécessité, à cinq ou dix ans, de
connaître les moyens dont on va disposer, sachant que le nombre des
étudiants croît chaque année ?(
Protestations
).
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Les
effectifs baissent : moins 30 000 étudiants.
M. Jean-Paul Roux
- La proportion de jeunes
scolarisés a globalement tendance à être de plus en plus
forte, au niveau de l'enseignement supérieur, car nous sommes
arrivés à une période où près de 70 %
des jeunes arrivent au baccalauréat.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Parce que les générations sont moins nombreuses, mais
le nombre total est en baisse.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes arrivé à un
niveau où la massification que l'on a connue dans les collèges
à une certaine période, arrive dans le premier cycle de
l'enseignement supérieur.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
C'est
fini.
M. Jean-Paul Roux -
Cela exige un traitement d'une autre
nature que celui d'un aménagement à la marge. Cela veut dire
qu'aujourd'hui, l'hétérogénéité des jeunes
atteint l'enseignement supérieur et nécessite un traitement
différencié beaucoup plus complexe que celui qui était
appliqué lorsqu'il y avait 5 ou 10 % des jeunes lorsque je suis
entré à l'université.
M. le Président -
Je reviens au début de votre propos.
Vous avez parlé de l'absentéisme, vous en avez
énuméré les diverses causes en expliquant qu'il ne faut
pas tout mélanger. Ce n'est pas nous qui mélangeons tout ;
quelques déclarations au début ne brillaient pas par leur
clarté.
Vous avez dit aussi comment gérer les absences, c'est-à-dire -si
j'ai bien compris- comment faire pour que les absents soient remplacés
le plus rapidement possible, de sorte qu'il y ait toujours un enseignant devant
les élèves ? Ne peut-on aussi se demander comment faire pour
qu'il y ait moins d'absences ? Je ne parle pas des congés
maternité ou maladie pour lesquels on sait qu'il n'y a pas plus
d'absentéisme dans le corps enseignant qu'ailleurs.
En revanche, s'agissant de la formation continue ou des stages, j'avais cru
comprendre que le ministre envisageait de faire bouger les choses dans ce
domaine. Quelle est la position de votre organisation ?
M. Jean-Paul Roux -
Le ministre, par une maladresse
relativement lourde, en pratiquant les amalgames, a provoqué des
crispations inutiles alors que le sujet méritait un traitement plus fin.
La formation continue est une nécessité vitale aujourd'hui, non
seulement pour les enseignants, mais pour tout le monde. Le monde change vite,
on a besoin de formations. Depuis 1970, la formation se fait sur le temps
de travail.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Les
règles peuvent évoluer.
M. Jean-Paul Roux -
Il faut changer les lois de 1970
qui avaient été mises en place, à l'époque, par
M. Chaban-Delmas. Nous en avions trouvé l'intérêt
économique et social évident.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Vous dites que la formation continue se fait sur le temps de travail.
M. Jean-Paul Roux -
C'est la règle
générale. Il convient déjà de faire tomber un faux
débat sur lequel le ministre n'a pas insisté. La
difficulté vient du fait que les enseignants ont une part
chiffrée de leur temps de travail en présence des
élèves et une part non chiffré hors présence des
élèves.
Les enseignants, convoqués par l'administration pour suivre une
formation continue, le font à un jour et une heure donnés et en
fonction de leur emploi du temps. Cela se fait sur du temps de travail "en
présence des élèves" ou hors temps de travail :
lorsqu'un professeur certifié est convoqué un jeudi, qu'il a
trois heures de cours et qu'il fait six heures de formation, il a bien trois
heures de cours qui vont sauter, mais les trois autres heures seront faites sur
son temps normal de préparation. Cette question est une fausse question.
Une question plus difficile à résoudre peut l'être en
partant des propositions du rapport Meirieu. Si le métier
d'enseignant contraint à un certain nombre d'absences liées
à ce métier qui tiennent notamment à la
multiplicité nécessaire des concertations, du travail en
équipe, des rencontres pédagogiques nécessaires, pourquoi
ne pas intégrer, dans le service normal fixé, des heures
réservées à d'autres activités que celle de
cours ? (la proposition du rapport Meirieu est de 16 plus 2). Un
certain nombre de ces activités prendrait alors place dans ces deux
heures et viendrait donc moins imputer les seize heures
précédentes.
On ne résoudra pas tout ; la formation continue ne pourra pas tenir
dans ces heures, ce n'est pas leur objet. Mais il y a déjà des
concertations normales et naturelles du travail en équipe qui pourraient
déjà dégager d'autant les heures de cours et qui se
feraient dans le temps normal de travail.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Vous êtes pour cette proposition ?
M. Jean-Paul Roux -
Nous avons soutenu le
rapport Meirieu et notre seul regret est qu'il ne se mette pas en place
assez vite.
M. le Président -
Nous vous remercions.
AUDITION DE MME HÉLÈNE BERNARD,
DIRECTEUR
DE L'ADMINISTRATION AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE
LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(27 JANVIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
Mme Hélène Bernard.
M. Adrien Gouteyron, président -
Madame, nous vous
écoutons pour un propos introductif avant de vous poser des questions.
Mme Hélène Bernard -
Je suis en charge de la
direction de l'administration au ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie. Cette direction a en charge,
d'une part, tout ce qui concerne l'administration centrale, la gestion des
emplois de l'administration centrale du ministère, la gestion des
personnels affectés sur ces emplois et travaillant à
l'administration centrale, ainsi que la gestion du fonctionnement et de
l'investissement du ministère, entendu comme administration centrale.
Par ailleurs, la direction de l'administration regroupe un service de pilotage
des services académiques. A ce titre, une sous-direction gère les
moyens, les emplois des personnels ATOS des services déconcentrés
et des établissements, les moyens de fonctionnement des académies
et des services académiques, ainsi que les dossiers d'investissement, de
construction ou de maintenance des bâtiments administratifs.
Cette direction a également en charge les questions informatiques pour
l'ensemble du ministère. Je mets à part l'informatique
pédagogique qui relève de la direction de la technologie. Mais
une sous-direction de l'informatique de gestion et de communication assure une
maîtrise d'oeuvre assez générale sur les grandes
applications nationales et de gestion des personnels, notamment du
ministère.
Cette direction a été substantiellement modifiée dans ses
structures à l'issue de la réorganisation conduite par le
ministre et issue des décrets de décembre 1997. A
quitté la direction de l'administration, une sous-direction qui
était en charge de la gestion des personnels déconcentrés
ATOS, personnels d'administration scolaire et universitaire, maintenant
rattachée à la direction de Mme Gille.
La direction de l'administration s'est vu rattacher la direction de la
communication, petite structure de communication du ministère.
Cette direction a vocation générale à suivre la
modernisation de façon transversale. Je suis chargée de la
modernisation représentant le ministère. Nous avons
également un département de la modernisation qui suit ces
questions de façon transversale, entre directions.
On peut distinguer l'administration centrale et les personnels des services
déconcentrés. Quant à la section universitaire dont les
moyens en emplois sont gérés par la direction de l'enseignement
supérieur, elle n'est pas dans ma direction. J'ai le champ du scolaire,
centrale et services déconcentrés. Sur ces emplois, ma direction
gère 168 343 emplois : 4 203 emplois à
l'administration centrale et 164 140 pour les services
déconcentrés.
Je peux détailler ce qui relève de ces deux domaines. S'agissant
de l'administration centrale, aux 4 203 emplois, se sont vu ajouter
environ 300 emplois au budget 1999, pour comparer les chiffres, en
raison des regroupements des moyens de l'ancienne administration de la
recherche. Au budget 1999, la totalité de l'administration centrale
du ministère est donc regroupée sur un seul budget.
M. le Président -
Ils sont dans les 4 203.
Mme Hélène Bernard -
Si l'on veut donner une
idée de l'évolution des effectifs budgétaires de
l'administration centrale, depuis 1994, une succession de mesures de
suppression d'emploi se sont succédé lors de chaque budget. Au
final, nous avons eu 100 suppressions d'emploi l'année
dernière et 111 au budget 1999. Si l'on remonte dans le temps,
depuis 1985 à champ constant, l'administration centrale a perdu un
peu plus de 800 emplois, ce qui, sur environ 4 000, donne environ
20 % de diminution des effectifs de l'administration centrale.
Dans ces 4 203 emplois, figurent 185 emplois du ministère
de la jeunesse et du sport. Ce sont les seuls qui n'ont pas été
transférés au ministère de la jeunesse et du sport. Il
s'agit d'emplois correspondant à des fonctionnaires de corps de
centrale. Compte tenu de l'importance réduite de ce ministère, il
n'y a pas de corps propre ministériel. Ce sont des attachés, des
secrétaires d'administration, des administrateurs civils de
l'éducation nationale qui sont à la jeunesse et sports qui, par
ailleurs, dispose d'autres corps spécifiques et qui a maintenant ses
emplois pour ses services déconcentrés. Ils étaient
encore, jusqu'en 1991 ou 1992, inscrits au budget de l'éducation
nationale. Il y a eu ce transfert pour les services déconcentrés,
mais il nous reste 185 emplois au titre de la jeunesse et du sport.
S'agissant des services déconcentrés, qui représentent
plus de 164 000 emplois, la répartition à la
rentrée budgétaire 1999 est la suivante : les
personnels administratifs présents dans les services académiques,
les rectorats, les inspections d'académie et les établissement
représentent un tiers des personnels ATOS, soit 53 536 emplois.
57,8 %, soit 94 850 emplois, sont les personnels ouvriers et de
service des établissements scolaires. Les personnels de laboratoire sont
au nombre de 6 111 et les personnels de santé et sociaux,
9 643.
Au total, si l'on fait la distinction entre les structures et non pas entre les
catégories de personnels, sur ces 165 000 emplois, 20 000
sont implantés dans les services administratifs des rectorats et des
inspections d'académie, et 140 000 sont des emplois assurant le
potentiel des établissements scolaires du second degré.
S'agissant des emplois titulaires et contractuels, la quasi totalité
sont titulaires à 99,7 %. Seuls 0,3 % sont contractuels,
essentiellement de catégorie C. Les personnels non titulaires sont,
pour une grande part, implantés sur des emplois
rémunérés d'emplois de titulaires.
Quelques mots sur la répartition académique des emplois ATOS
entre les académies. Chaque année, nous procédons à
une répartition lors des créations d'emplois budgétaires.
En cas de non créations, on procède à des
redéploiements, voire à une répartition des suppressions
comme cela a pu être le cas dans les années récentes. On
note une rupture de tendance car, depuis le budget 1998, des emplois ATOS
sont créés pour les services déconcentrés,
essentiellement pour les établissements et les personnels de
santé scolaire.
Un classement des académies est établi, fondé sur
l'analyse comparée entre une situation réelle -la dotation
effective en emplois- et un classement théorique calculé sur la
base de certains critères de charge des académies tenant de la
démographie scolaire, du nombre d'établissements scolaires et de
leur nature, ce qui permet d'établir des ratio. Un certain nombre de
critères les plus objectifs possibles nous permettent de classer les
académies. Nous essayons ensuite de rapprocher ce qui résulte de
ce classement théorique, fondé sur l'appréciation la plus
fine possible de charge, et la situation de fait qui est une répartition
qui n'est, aujourd'hui encore, pas considérée comme optimale des
moyens entre les académies.
En effet, des académie sont considérées comme relativement
bien dotées. Elle ne le sont pas forcément en moyens ATOS. On
peut dire que la Corse, par exemple, est l'académie la mieux
dotée selon les critères que nous avons établis par
rapport à ces charges. A l'inverse, la Guyane, académie
départementale, est la plus déficitaire.
Nous essayons chaque année de répartir au mieux les
créations d'emploi quand il y en a, mais également de conduire
des redéploiements entre académies. Cela devient de plus en plus
difficile car les charges de travail ont tendance à s'accroître et
on crée des établissements nouveaux.
On arrive à la limite des possibilités de redéploiement.
On peut continuer, mais on sent qu'il sera difficile d'aller très loin
pour effectuer des redéploiements massifs d'une académie à
l'autre, en l'état actuel des charges académiques.
M. le Président -
La parole est au rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Vous
avez indiqué des chiffres concernant les personnels utilisés par
les services déconcentrés, vous avez parlé d'ATOS, de
personnels sociaux, de laboratoire, et d'ouvriers de service. Ces personnels ne
sont-ils pas également des ATOS ?
Mme Hélène Bernard -
Tous ces personnels sont
administratifs, techniques, ouvriers de service (ATOS), mais vous avez
également les personnels de santé et sociaux. Sont compris dans
cette catégorie, tous les personnels non enseignants. N'y sont pas
compris les corps d'inspection, en dehors de deux inspections
générales -pour mémoire, 245 emplois à la
centrale- et les chefs d'établissement.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- L'ensemble des personnels ATOS est sous votre responsabilité.
Mme Hélène Bernard -
Pour ce qui concerne la
gestion des emplois, l'ensemble de ces personnels ATOS est sous ma
responsabilité. Je répartis les moyens budgétaires, je
gère les enveloppes académiques, j'établis au moment de la
préparation de la loi de finance les demandes budgétaires, en
liaison avec les autres directions concernées et la direction des
affaires financières. Mais je ne gère plus les personnels ATOS
déconcentrés.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Par
conséquent, seule une partie des personnels ATOS est sous votre
responsabilité.
Mme Hélène Bernard -
Si on s'intéresse
à la gestion budgétaire, ils sont tous sous ma
responsabilité, sauf ceux de l'enseignement supérieur. Si on le
considère du point de vue de la gestion des personnels, du recrutement,
des avancements, des notations et des mutations, je gère les ATOS de
l'administration centrale, mais cette direction ne gère plus les corps
des services déconcentrés. Ceux-là sont
gérés par la direction des personnels administratifs, techniques
et d'encadrement.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Vous avez
avancé des chiffres très intéressants du budget 1988.
Pouvez-vous nous les donner sur plusieurs années ? Je ne sais pas
si cela a déjà été demandé par écrit,
mais nous aimerions voir l'évolution sur dix ans, par tranche de cinq
ans, pour voir la tendance et l'évolution des emplois
créés par les moyens mis en oeuvre dans le budget. Ne sont pas
compris non plus les personnels de surveillance, si j'ai bien compris. Vous
n'intégrez pas les problèmes locaux ou sociologiques
rencontrés ici ou là, mais uniquement l'intendance.
Mme Hélène Bernard -
Les personnels infirmiers
et médecins en font partie.
M. le Président -
Les moyens budgétaires sur lesquels sont
payés les personnels ATOS contribuent bien au rôle des agents
d'entretien, par exemple.
Mme Hélène Bernard -
Nous ne définissons
pas l'intendance en ce sens. Ce ne sont pas des moyens pédagogiques, ni
d'encadrement direct des élèves. Mais nous gérons tous
ceux qui contribuent, dans les établissements, à la
sécurité, au gardiennage, à la qualité des locaux,
à l'entretien mais aussi à l'administration.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Vous avez
parlé des moyens budgétaires et des critères qui vous
permettent de les affecter par académie. Tenez-vous compte des
remontées des académies, de leurs souhaits, afin d'assurer le
pilotage de ces moyens ?
Vous avez dit aussi que vous étiez en charge de la communication. A quel
niveau se situe cette communication et pour quels sujets ?
Enfin, vous avez mentionné une mission informatique de gestion de ce
personnel. Cela concerne-t-il l'ensemble du personnel, auquel cas nous aurons
d'autres questions sur ce point ?
Mme Hélène Bernard -
Je fournirai les
éléments chiffrés concernant l'évolution des
dotations budgétaires. De manière générale, on peut
dire que l'administration déconcentrée a perdu environ 1 500
emplois pour l'administration -je ne parle pas des personnels ou des ouvriers
d'établissements- sur les quinze dernières années.
Parallèlement, nous avons beaucoup déconcentré les
gestions de l'éducation nationale. Cela a été rendu
possible parce que l'on a redéployé, mais aussi
informatisé ces gestions.
A propos de la communication, il s'agit d'un service de communication
essentiellement nationale, interne et externe, qui comprend également le
service de presse. Ce service, qui dans la plupart des ministères est
très proche du cabinet du ministre, s'attache également à
développer une communication interne au sein de cette immense maison de
l'éducation nationale.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Y a-t-il autre
chose dans la communication ?
Mme Hélène Bernard -
Ce service a
créé, l'an dernier, un nouveau journal "XXIème
Siècle", diffusé à la totalité des personnels
enseignants. Il a donc vocation à intéresser l'ensemble des
personnels de l'éducation nationale sur l'ensemble du champ
ministériel. Cette mission va développer des supports de
communication plus institutionnels.
M. le Président -
Pourriez-vous en fournir un exemplaire à
tous les parlementaires ?
Mme Hélène Bernard -
En principe, il est
envoyé au Parlement.
M Serge Lagauche
- J'ai écrit et je l'ai
reçu.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Huit cents
exemplaires de plus, dans le cadre de votre budget...
Mme Hélène Bernard -
Nous en publions
1,2 million d'exemplaires.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Vous avez dit que
l'informatique était utilisée pour gérer les personnels.
Pouvez-vous nous donner un instantané, et une photo sur cinq et dix ans,
de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, et nous indiquer
jusqu'à quel degré de précision vous pouvez aller ?
S'agit-il d'approches purement budgétaires ou pouvez-vous dire ce qu'il
font et où ils sont ?
Mme Hélène Bernard -
La question est vaste. Je
crois que cela a été évoqué avec certains de mes
collègues. Les systèmes d'information...
M. Francis Grignon, rapporteur
- Je parlais de la
gestion des personnels.
Mme Hélène Bernard -
Les systèmes
d'information sont relativement intégrés et fonctionnent comme
des progiciels dans la mesure où ils ont des structures communes.
Que ce soit pour les personnels enseignants du second degré, les
personnels ATOS ou les personnels du premier degré, la gestion des
personnes, des emplois budgétaires et des moyens correspondants est
assurée par ces systèmes informatiques. Je peux vous communiquer
les fiches décrivant, de façon synthétique et claire, ces
dispositifs qui gèrent des nomenclatures et assurent la gestion
informatisée, collective et individuelle, des personnels.
La plupart des gestions étant maintenant déconcentrées, ce
sont les recteurs qui ont en charge ces gestions individuelles. Toutefois, nous
sommes en mesure de faire remonter les informations, ce que nous ne faisons pas
chaque jour car cela supposerait des remontées lourdes par
télétransmission. On le fait à l'instant T. De plus,
un système de remontées d'informations des bases
académiques permet de mettre en cohérence les informations que
l'on a sur les personnes, sur les moyens budgétaires. Ces outils
permettent de contrôler l'utilisation des moyens. Cela ne signifie pas
que, chaque jour, on peut savoir ce qu'il en est. Je peux vous donner le
descriptif.
M. Francis Grignon, rapporteur
- J'ai ici un
questionnaire envoyé à chaque académie. Pouvez-vous
répondre à ce questionnaire au niveau national ?
M. Jean-Philippe Lachenaud
- Vous avez parlé
d'effectifs budgétaires. Est-ce à dire que vous pensez qu'il
existe un décalage entre effectifs budgétaires et la
réalité, ce que l'on a parfois constaté, dans la gestion
des personnels ?
Vous avez évalué une réduction des effectifs de
l'administration centrale à environ huit cents emplois au cours des
dernières années. Pensez-vous qu'on puisse aller plus loin,
notamment dans le mouvement de déconcentration ? Peut-on
réduire encore les effectifs de l'administration centrale ?
Ma troisième question concerne un point très sensible sur le plan
de la géographie scolaire, à savoir les inégalités
entre académies. Vous avez mentionné qu'il y avait des
inégalités. Sont-elles importantes ? Vont-elles de un
à trois par exemple ? Avec vos critères et vos
systèmes d'évaluation des inégalités, un tableau
pourrait-il être rendu transparent et public et mesurer des
éléments que chacun d'entre nous, dans nos diverses
régions, ressentons mais que nous ne sommes pas en mesure
réellement d'apprécier ?
Mme Hélène Bernard -
Y a-t-il un décalage
entre les moyens budgétaires et la réalité des personnels
affectés des effectifs ? En ce qui concerne les moyens ATOS, il n'y
a pas de surnombre ni de dépassement, que ce soit à
l'administration centrale ou dans les services académiques. Cela a
été très exceptionnellement le cas au début des
années 90, mais résorbé depuis.
Par contre, des personnels dans les académies sont sur des emplois
vacants, faute d'avoir été pourvus par les concours. Il y a donc
des non titulaires sur emplois, mais il n'y a pas surnombre. Il n'y a pas
d'emploi vacant. Ils sont tous utilisés, mais peut-être y en
a-t-il ici ou là pendant l'année.
Vous m'avez demandé si nous prenions en compte les demandes
académiques lors de l'établissement des répartitions. Nous
le faisons bien évidemment dans la mesure des moyens disponibles et de
la capacité des redéploiements. On tient compte des classements
et des demandes académiques lorsque les académies ont à
faire face à certaines difficultés. Il n'est pas toujours facile
de redéployer d'un département à l'autre ou entre les
collèges et les lycées, en fonction du réseau des
établissements.
Il y a non seulement une gestion quantitative, mais aussi qualitative. Nous
avons alors besoin des académies, de façon assez contractuelle,
sur la base de leurs demandes de transformation d'emploi. Nous menons une
politique, depuis plusieurs années, d'amélioration de la
structure des emplois de nature à améliorer l'efficacité
globale des services. Il y a, par exemple, des demandes soit de requalification
pour les gestionnaires, soit d'amélioration au cas par cas par
catégorie ouvrière dans les établissements, des demandes
d'évolution de structures d'emploi. Nous avons également des
demandes d'amélioration de la couverture en personnels informaticiens ou
techniciens informatiques.
Des échanges importants se font avec les académies. Dès
cette année, nous allons essayer d'approfondir ces échanges avec
les recteurs, dans le cadre d'une politique plus contractualisée. Ce
travail est mené de façon transversale, avec les directions qui
gèrent les moyens, à savoir la direction de l'enseignement
scolaire et ma direction pour les académies, de manière à
avoir une meilleure connaissance des contraintes et des projets
académiques et à leur donner une marge de manoeuvre pour
globaliser les moyens.
Concernant l'administration centrale et la question de savoir si l'on peut
aller plus loin, les efforts ont été importants. Les chiffres
donnés sont importants en proportion. Si on compare cette administration
centrale, eu égard à l'importance des champs de services publics
qu'elle gère, à d'autres ministères, le ministère
de l'éducation nationale n'est pas surdoté.
En revanche, on peut tout à fait continuer à réduire ces
effectifs en fonction de l'effort de déconcentration qui sera
mené cette année et les années qui viennent. Le travail
demandé par le ministre consiste à identifier des champs de
déconcentration, de manière que l'administration centrale ne
garde plus que des fonctions de pilotage, d'évaluation, de
répartition de moyens budgétaires. C'est le cas, cette
année, avec la déconcentration du mouvement national
engagé qui permet de dégager quelques moyens.
Nous pourrons procéder à ces réductions d'effectifs au fur
et à mesure que seront déconcentrées les tâches sur
les services académiques.
M. Jean-Philippe Lachenaud
- Qu'en est-il des
degrés d'inégalité ?
Mme Hélène Bernard -
Je peux vous communiquer le
classement inter académique. Nous ne sommes pas dans une situation de 1
à 3. Je citais la Corse et la Guyane. Ce sont des différences
relatives. Que signifie 30 % d'excédent relatif ? Nous avons
fixé une situation académique moyenne. Par rapport à cette
estimation moyenne et aux charges calibrées de l'académie, on
considère que la Corse a un excédent relatif de 30 % par
rapport à la dotation normale moyenne constatée. Cette
dernière évolue, chaque année, en fonction des dotations
d'emploi annuelles.
Si la Guyane est en retard de 15 ou 16 %, c'est par rapport à cette
moyenne. Pour cette petite académie, cela signifie, en valeur absolue,
un déficit très important pour elle. Mais je vous fournirai tous
ces éléments de comparaison.
M. Serge Lagauche
- Dans le cadre de l'informatique, j'ai
entendu parler de serveurs dans chaque académie permettant à
chaque établissement, par un système Intranet, de correspondre
plus rapidement. Cette mise en place assez complexe, y compris dans les
établissements, entraîne-t-elle des redéploiements ou
à des créations d'emplois ?
Dans le cadre de la déconcentration, on a mentionné cette
publication destinée à l'ensemble des enseignants et qui semble
avoir été bien reçue. Le ministère envisage-t-il de
faire, par académie, ce même type d'information, en dehors des
notes de service et autres bulletins officiels, et éventuellement avec
quels moyens ?
Mme Hélène Bernard -
Il est intéressant
de noter qu'à l'occasion de la déconcentration de mouvements,
nous allons doter les établissements d'outils de communication,
d'information sur la gestion même de ce mouvement de 1999 avec des
techniques Intranet. Cela suppose un minimum d'équipement. Nous avons
demandé aux recteurs d'équiper en priorité les
établissements pour faire en sorte d'avoir un micro-ordinateur avec la
configuration adéquate, l'accès au système Internet
étant garanti par le rectorat, pour les liaisons Renater ou autres. Cela
dépend des régions, des rectorats...
Cela a été une priorité. L'objectif est que la
totalité des établissements soit équipée, car il
est important que les enseignants puissent être informés
directement dans l'établissement et accéder à ce nouvel
outil de communication. Pour ce faire, nous avons financé ces
équipements, sur les budgets informatiques du ministère.
Dans les établissements scolaires, les équipements n'ont pas tous
été financés par l'Etat. Certains d'entre eux se sont
équipés en micro sur leurs fonds propres et avec des financements
fournis par les collectivités.
M. le Président -
Il faut quand même dire que
certains recteurs demandent, pour cette opération, une participation aux
collectivités.
Mme Hélène Bernard -
Il a été dit
aux recteurs que, pour cette opération, ils utilisaient une dotation
prioritaire qui leur était affectée. 30 millions de francs
sur les crédits informatiques sont consacrés à cette
opération, à charge pour eux de l'utiliser en fonction des
besoins.
Cela ne signifie pas que tous les établissements auront
démultiplié les points d'accès Internet cette
année. Tout du moins, on souhaite que tout fonctionne, y compris dans
les collèges ruraux où l'on rencontre des difficultés.
Ces 30 millions de francs sont des dotations complémentaires. Au vu
des remontées des recteurs en fin d'année pour cette
opération, de l'équipement existant dans les
établissements sur la base des configurations indiquées, nous
avons estimé que les équipements complémentaires pour
aboutir à 100 % nécessitait un complément d'environ
30 millions de francs pour acheter des micros supplémentaires,
voire procéder à des câblages. C'est un complément,
ce n'est pas une dotation pour l'ensemble.
S'agissant des emplois pour cette opération, nous n'avons pas de
dotations particulières d'emplois dans les établissements, hormis
celles prévues pour l'opération de déconcentration du
mouvement. La déconcentration du mouvement, dans les
établissements scolaires, n'emporte pas de tâches de gestion.
L'établissement scolaire, en dehors de la remontée des postes et
de sa structure d'emploi, n'a pas de gestion particulière nouvelle plus
importante à faire que les années précédentes.
C'est dans le rectorat que le travail de déconcentration a un impact.
En revanche, il fallait, dans les établissements, installer les outils
de consultation du logiciel Siam, qui a été élaboré
et qui a commencé à fonctionner. Le service a été
ouvert ce lundi.
M. Serge Lagauche
- Vous installez un réseau
complexe avec des personnes peu compétentes. Certains
établissements sont en retard. On le voit au niveau des
collectivités territoriales. Ne prévoyez-vous, dans chaque
académie, une équipe chargée de veiller à la mise
en place de ce réseau ? Si cette équipe a été
prévue, à combien correspond-elle d'emplois
redéployés ou créés ?
Mme Hélène Bernard -
Bien évidemment,
dans chaque académie, des équipes sont en charge du
déploiement de ce nouveau système d'information, étant
entendu que l'élément le plus important est que le système
de gestion déconcentré soit en place dans les équipes
académiques. Il y a eu des plans de formation et d'accompagnement.
Les équipes sont mobilisées dans les rectorats pour suivre cela.
S'agissant des établissements, il s'agit pour l'essentiel de
l'implantation d'un logiciel d'information interactif qui ne nécessitait
pas d'implantation de moyens en emplois spécifiques.
De manière générale, la déconcentration et le
développement de nouvelles technologies font que, tant les services
académiques que les établissements, nécessitent des
techniciens, des informaticiens, des gestionnaires de réseau et c'est
dans ce domaine que nous rencontrons quelques difficultés. C'est bien
l'objet des dotations en emplois. Elles ne sont pas toujours à la
hauteur des besoins académie par académie. Nous devons recruter
un certain nombre de personnels techniciens et informaticiens.
Concernant l'opération de déconcentration du mouvement, tous les
moyens nécessaires ont été prévus pour que cela
fonctionne dès cette année. La question est plus
générale.
M. Serge Lagauche
- J'aurais aimé avoir des
chiffres.
Mme Hélène Bernard -
Je ne peux pas vous donner
de chiffres particuliers pour cette opération identifiée. Je peux
vous donner les chiffres de créations d'emplois donnés au
budget 1999.
M. Serge Lagauche
- La modernisation, l'informatisation, le
programme annoncé par le ministre -car cela ne s'arrête pas
uniquement aux problèmes que l'on a vus- appellent une politique
ambitieuse. Les collectivités territoriales sont d'accord pour
participer à l'équipement des établissements, sous
réserve que cela ne corresponde pas à des ordinateurs qui servent
de machine à écrire aux chefs d'établissement.
M. le Président -
Mme Bernard traite du
réseau informatique qui participe ou qui sert à l'administration
des établissements et permet des relations plus faciles entre le
rectorat, les inspections académiques et les établissements, bien
entendu. C'est bien ce dont vous parliez...
M. Serge Lagauche
- Je ne parlais pas de pédagogie
mais de la mise en place de ces moyens d'information.
Mme Hélène Bernard -
Je peux par ailleurs
préciser qu'au budget 1999, ont été
créés au-delà des emplois de santé sociaux,
216 emplois ATOS pour les académies alors qu'il y avait eu, l'an
dernier, 620 créations d'emplois d'ATOS, en dehors des
infirmières et des assistantes sociales. En deux ans, plus de
800 emplois ont été créés pour les services
académiques et les établissements.
Je rappelle que ces gestions sont déconcentrées ; on
répartit les dotations académiques. Ensuite, c'est au recteur de
répartir sa dotation académique au sein de ses
établissements et de ses services, en tenant compte des priorités
nationales et des contraintes particulières de son académie.
Ce n'est pas à l'administration centrale de dire que ces emplois sont
fléchés pour telle ou telle opération. Heureusement, les
recteurs sont en mesure d'apprécier les redéploiements
nécessaires et les répartitions qu'ils font eux-mêmes dans
leur académie.
M. le Président -
Selon vos responsabilités,
vous ne gérez que les moyens budgétaires affectés aux
académies. Comment se fait la répartition entre les services
administratifs et les établissements ? Sur la dotation que vous
attribuez au recteur, stipulez-vous que sur 30 postes donnés par
exemple, cinq sont pour les services administratifs et 25 pour les
établissements, ou fait-il lui-même sa répartition avec
l'enveloppe que vous lui accordez ?
Mme Hélène Bernard -
On lui
délègue une enveloppe académique qui n'est pas
indifférenciée. On peut déléguer en fonction de ce
qui existe au budget, des créations si ce sont des créations. On
peut avoir des emplois de catégories A ou B, d'ouvriers etc.
Le recteur procède lui-même à la répartition de
cette enveloppe. La coloration des emplois que nous déléguons
peut déterminer pour une part les implantations qu'il en fera. Il ne
mettra pas d'ouvriers professionnels dans les services administratifs.
Par contre, si ce sont des catégories B, par exemple, c'est
à lui de faire ces répartitions. Cela étant, il y a aussi
un minimum de transparence dans les gestions académiques. A la suite de
cet exercice, le recteur présente aux personnels et à leurs
partenaires, lors des CTP académiques, la politique d'affectation et de
redéploiement des moyens de son académie. Il y a débat.
Actuellement, il est vrai que les implantations des emplois ATOS,
créés par exemple aux deux derniers budgets, ont plus
bénéficié aux personnels ouvriers de service des
établissements qu'aux services académiques administratifs sur le
moyen terme. Les répartitions se sont faites plus au profit des
établissements scolaires que des services administratifs. Je vous
communiquerai les chiffres. Cela étant, le recteur est responsable de sa
gestion académique.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Les
personnels ATOS ont un rôle important dans le fonctionnement des
établissements, que ce soit dans le fonctionnement matériel ou la
pédagogie. Or, dans de nombreux établissements, la situation est
tendue, voire déficitaire, même s'il y a des
inégalités comme entre la Guyane et la Corse.
En dehors de la seule inflation budgétaire, la solution la plus simple,
en dehors du redéploiement -dont on voit les limites- pour
améliorer la situation ne serait-elle pas que cela passe par des
contractualisations avec les collectivités locales ? Celles-ci
construisent, rénovent, améliorent les bâtiments mais,
ensuite, ces bâtiments ne sont pas toujours entretenus comme il serait
souhaitable.
Ne faudrait-il pas, dans des missions périphériques telles que la
restauration, l'hébergement, l'entretien, chercher des solutions
innovantes, comme l'ont fait un certain nombre d'entreprises, dans lesquelles
ces activités étaient intégrées et qui sont
aujourd'hui faites différemment ?
Mme Hélène Bernard -
C'est un sujet
extrêmement sensible pour le bon fonctionnement du service public du
point de vue des personnels et des syndicats qui les représentent.
Quand il y a eu transfert des compétences en 1985 aux
collectivités, on n'est pas allé jusqu'au bout et on n'a pas
transféré, par exemple, les personnels ATOS qui étaient
chargés de l'entretien. Cela rend la gestion quelque peu
compliquée.
Vous avez raison, il y a des perspectives dont la plus simple est d'imaginer
des créations d'emploi supplémentaires dans un cadre de plus en
plus contraint. Il sera difficile de répondre à tous les besoins.
Vous parliez de la contractualisation. Je n'ai pas, à ce jour, de
planification particulière, ni de décision arrêtée.
Le ministre a pris des contacts avec un certain nombre de responsables de
collectivités territoriales et les présidents de région,
pour engager un dialogue sur ces questions et étudier dans quelle mesure
les collectivités pourraient participer au financement d'embauche de
personnel supplémentaire.
Des contacts ont été pris, mais je n'ai aucune information pour
vous dire que l'on va dans telle ou telle direction. Il faut être deux
dans un dialogue et une négociation pour se mettre d'accord.
La sous-traitance est déjà engagée pour certaines
fonctions. Pour la restauration, une enquête nationale est actuellement
lancée pour faire le point des situations, qui sont fort diverses :
les cuisines centrales gérées par les collectivités, les
restaurations classiques gérées avec des personnels de l'Etat.
Mais il existe des pistes d'externalisation pour un certain nombre de fonctions
ou de maintenance.
C'est aussi un sujet très sensible pour les personnels. On ne peut pas
traiter ce problème au cas par cas, au fil de l'eau. Il faut avoir des
positions claires, après avoir fait un point de la situation sur le
territoire.
Une autre piste, plus marginale et limitée, relève d'une
meilleure gestion académique. Il y a encore des possibilités
d'amélioration de l'utilisation des moyens. La mutualisation de
certaines fonctions par plusieurs établissements, au niveau d'un bassin
d'emploi ou de formation, pourrait être examinée et des recteurs
réfléchissent à de possibles mutualisations. Cela existe
déjà pour certaines fonctions ouvrières.
M. le Président -
Pour les équipes
d'entretien ?
Mme Hélène Bernard -
On songe à
développer les EMOP (équipe mutualisée d'ouvriers
professionnels). Dans le cadre de la contractualisation avec les
académies, c'est un thème que l'on souhaite mettre en avant, car
il y a peut-être des manières plus efficaces encore et plus
intelligentes de répartir les moyens. Cela demande également un
effort de la part des établissements, car chacun essaie de garder ses
moyens propres et de ne pas partager. On est toujours d'accord pour les autres
et jamais quand il s'agit de répartir ses propres moyens.
Ce sont des évolutions plutôt difficiles à mener, car on a
moins de marge de manoeuvre, mais on peut aussi approfondir cette piste de la
mutualisation, dans un cadre contractuel avec les recteurs. Au niveau de
l'administration centrale, nous pouvons les accompagner, y compris en
crédits, s'ils nécessitent des aides pour financer telle ou telle
opération, pour développer ces équipes mutualisées
ou ces mutualisations de moyens entre établissements scolaires.
M. le Président -
Y a-t-il déjà eu des
instructions données aux recteurs ?
Mme Hélène Bernard -
Dans la circulaire de
rentrée, en vue de la préparation de la rentrée suivante,
en même temps qu'on affiche et qu'on leur notifie les moyens dont ils
disposeront pour leur gestion l'année prochaine, il était
indiqué que l'on souhaitait qu'ils développent ces gestions et
que nous étions à leur écoute pour accompagner cette
action de modernisation.
M. le Président -
Vous avez parlé de faire le
point sur les questions d'externalisation. Quand ce point sera-t-il
terminé et inclura-t-il des études de coûts comparés
des différentes formules ?
Mme Hélène Bernard -
Nous allons procéder
à un état des lieux. Une enquête est en cours au niveau
national. Dans deux ou trois mois, nous aurons les premiers résultats de
cette enquête, qui nous permettront d'apprécier la part de ce qui
est ou non externalisé, les catégories d'établissement
concernées, avec au-delà -je n'ai pas en tête tout ce qui
figure dans l'enquête- la nécessité d'évaluer les
différente formules, de manière à apprécier
l'intérêt de telle ou telle...
M. le Président -
Si vous avez ce résultat d'ici
deux mois, pourrions-nous en bénéficier ?
Mme Hélène Bernard -
Si nous l'avons avant
l'achèvement de vos travaux, nous vous le communiquerons.
M. le Président -
Le rapport sera publié
début mai. Il faut que nous disposions des éléments un
mois plus tôt si nous voulons les intégrer.
Mme Hélène Bernard -
Cela risque d'être
trop court. Si j'avais des éléments même partiels, je vous
les communiquerai.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Sur
l'académie de Lyon ou de Grenoble, l'externalisation de la restauration
avait été décidée d'un commun accord avec le
recteur. Il y a là quelques pistes et quelques expériences pour
tirer des enseignements.
Mme Hélène Bernard -
Nous avons aussi des
situations dans lesquelles la région ou le département
souhaitent, à l'inverse, abandonner ce qu'ils finançaient et
sous-traitaient. Nous devrons donc alors examiner avec le recteur comment
prendre en charge des gestions nouvelles pour des établissements qui
étaient gérés différemment auparavant. Nous avons
à faire face à toutes les situations.
M. le Président -
Précédemment, vous avez
parlé d'environ 800 postes qui avaient été
supprimés. Vous nous donnerez le chiffre précis. Vous avez
également parlé des conséquences de la
déconcentration ou de la décentralisation. On ne peut pas ne pas
penser aux constructions scolaires, lorsque ce ministère se flattait de
construire un collège par jour, le tout étant géré
par le ministère lui-même, avec les relais des DDE et des services
de construction du rectorat. Cet objectif affiché, par certains
ministres, d'un collège par jour était considérable.
Est venue la décentralisation. La responsabilité des services de
l'Etat, dans la construction des établissements -je ne parle pas ici des
Universités- est actuellement réduite à très peu de
choses. Ce sont les régions ou les départements qui construisent.
A votre avis, a-t-on tiré toutes les conséquences possibles de
cette décentralisation très importante à tous les niveaux,
que ce soit central et à celui des services déconcentrés
de l'Etat ? Dans les rectorats, n'y a-t-il pas encore des
ingénieurs des constructions qui font je ne sais quoi ? N'y a-t-il
pas encore, dans ce domaine, des choses à faire ?
Inversement, la situation des établissements n'exige-t-elle pas que vous
fassiez un effort particulier et massif sur les postes à
caractère social (assistantes sociales), médical
(infirmières, médecins), sur tous ces postes qui permettent de
suivre les élèves et ceux qui en ont le plus besoin, dans les
établissements très difficiles ?
Mme Hélène Bernard -
Concernant la
décentralisation de 1985, l'impact au ministère a
été réel et effectif, car la direction des constructions a
été supprimée, non pas du jour au lendemain, mais
progressivement, puis transformée en sous-direction, puis finalement
supprimée. Quand j'ai dit qu'il y avait eu des suppressions d'emplois
à l'administration centrale, il y en a eu du fait de la
décentralisation.
M. le Président -
Combien d'emplois cela
représentait-il ?
Mme Hélène Bernard -
Je ne voudrais pas vous
donner de chiffres inexacts, mais entre cinquante et cent personnes,
absorbées dans les suppressions d'emplois plus importantes que j'ai
citées précédemment à l'administration centrale.
Au niveau des services académiques, il existe un réseau
d'ingénieurs de l'équipement, ingénieurs TPE ou
ingénieurs urbanistes, qui sont dans les rectorats et qui, au coup par
coup, dans certaines académies, en accord avec les régions ou les
départements, sont mis à disposition. On rencontre toutes les
situations. Il s'agit d'un tout petit effectif qui, aujourd'hui, n'est pas du
tout inutilisé, mais travaille à un plan de charge assez lourd.
Ils ont deux responsabilités : la gestion des bâtiments de
l'Etat que sont les bâtiments académiques. Les recteurs ont tous
le souci de regrouper ou d'étendre leurs services, souvent
éparpillés dans les villes centres. De plus, ils ont en charge
les dossiers de développement universitaire. Ils sont les relais des
recteurs en relation avec l'administration centrale. Quand
Université 2000 a été engagé, ces services de
construction des rectorats avaient une très lourde charge de travail.
Les perspectives du plan U3M les occuperont tout autant.
Je ne crois pas qu'il y ait là beaucoup de marge de transfert pour les
collectivités.
Cela avait été expertisé par la Cour des comptes.
L'évaluation de ce qu'auraient pu représenter les transferts
d'emplois vers les collectivités était d'environ
500 emplois, non pas au titre des constructions mais au titre de la
gestion du fonctionnement. Il y a eu des mises à disposition
ponctuelles, locales, et ce sujet n'est pas revenu.
Par contre, concernant les besoins en personnels médico-sociaux, je
rappelle les créations importantes du budget 1998. Ce sont bien des
compétences d'Etat : 600 emplois l'an dernier,
400 emplois au budget 1999 ; 1 000 emplois en deux ans
pour les infirmières et les assistantes sociales, et 30 emplois de
médecin cette année. Il y a un réel effort du budget de
l'Etat sur les fonctions médico-sociales.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Concernant les équipements pédagogiques, n'y a-t-il pas
des chevauchements entre certains services des rectorats ou des
académies, et certains services régionaux ou
départementaux quant au choix de ces équipements ? Il y
aurait peut-être une meilleure coordination possible et des "gains"
à trouver.
Mme Hélène Bernard -
Je ne dis pas le contraire.
Il s'agit là d'organisation des services académiques et
d'organisation du travail avec les régions. Sur ces questions
particulières, je ne suis pas directement en charge de ce dossier...
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Tout
cela étant géré par l'argent du contribuable !
Mme Hélène Bernard -
...hormis ce qui
relève de l'organisation académique, qui est parfois dans mon
champ de compétence.
M. le Président -
Avez-vous un schéma
général d'organisation des niveaux académiques, des
inspections académiques et des niveaux départementaux ? Tous
les rectorats de France, de Navarre et d'outre-mer sont-ils bâtis sur le
même modèle administratif ?
M. Jean-Philippe Lachenaud
- A effectifs comparables.
Mme Hélène Bernard -
De fait, pratiquement oui.
Certains rectorats sont plus ou moins lourds. On ne peut comparer le rectorat
de Créteil à celui de Limoges, mais de fait, oui. On constate que
les rectorats sont organisés avec des divisions gestionnaires de
personnels et de paie, pour les enseignants et les non enseignants. Dans chaque
rectorat, des divisions d'organisation scolaire gèrent les moyens des
établissements, en termes de structures et d'offres de formation. Dans
chaque rectorat, il existe une division des examens et des concours, et un
service de formation continue pour les personnels ATOS.
Les appellations ne sont pas forcément les mêmes, mais la
structure académique est pratiquement homogène. Idem pour les
inspections académiques, car les missions exercées sont les
mêmes. Les compétences sont homogènes. L'organisation tient
compte de la taille de l'académie, mais elle est homogène. Pour
autant, on ne fonctionne pas comme le ministère de l'intérieur
avec des catégories de préfecture où il y a trois ou
quatre directions. Là, en l'occurrence, le nombre de divisions n'est pas
fonction de la taille de l'académie, mais des missions exercées.
Ce sont des services lourds, même dans les régions les moins
peuplées. Il est vrai que les rectorats sont les services
régionaux les plus importants des services de l'Etat. Mais
l'organisation est assez homothétique.
M. le Président -
Nous vous remercions.
Mme Hélène Bernard -
Nous vous ferons parvenir
tous les éléments que vous avez demandés.
M. le Président -
Surtout n'oubliez pas le désir
exprimé par mes collègues de recevoir la publication
destinée aux enseignants...
Mme Hélène Bernard -
J'en ai pris bonne note. Je
peux même vous faire parvenir le dernier numéro.
AUDITION DE M. CHRISTIAN FORESTIER,
RECTEUR DE
L'ACADÉMIE DE VERSAILLES
(3 FÉVRIER
1999)
AUDITION À HUIS CLOS
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
AUDITION DE M. Gérard VAYSSE,
président de la
Conférence des directeurs d'IUFM
(3 février
1999)
M. Adrien Gouteyron, président -
Nous
poursuivons nos auditions. Nous allons maintenant entendre M. VAYSSE, qui
est le président de la conférence des directeurs des IUFM. Cette
conférence s'est constituée sur le modèle de la
conférence des présidents d'université quand celle-ci
s'est mise en place.
Le président lit la note sur le protocole de publicité des
travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Gérard VAYSSE.
M. Le Président -
Voulez-vous faire un propos
introductif, court car nous avons pris du retard et je ne voudrais pas priver
mes collègues de questions ? En effet, les questions nous
permettent bien souvent, de clarifier les choses.
M. Gérard Vaysse -
Monsieur le Président, comme
vous l'avez introduit, il y a 29 instituts universitaires de formation de
maîtres en France. Ils accueillent, dans le cadre de la formation
initiale des enseignants de tous les corps d'enseignants. Il y a de l'ordre de
80 000 à 90 000 personnes en formation dans les 29 IUFM
parmi lesquelles sortiront titularisés environ 25 000 jeunes
enseignants par an. Ces jeunes sont formés durant deux années.
Ils entrent dans ces établissements en étant détenteurs
d'un diplôme de niveau bac + 3 délivré par un des Etats de
la Communauté européenne (pour nous, c'est la licence). Les IUFM
doivent former de l'ordre de 80 types d'enseignants.
Il y a donc un IUFM par académie. Une seule académie en est
dépourvue si l'on fait allusion aux Antilles-Guyane.
M. Le Président -
Nous passons donc aux questions. Nous
nous sommes aperçus au fil des auditions que le recrutement des
enseignants, le volume et le profil de ces recrutements sont une des clefs du
dispositif. Avez-vous votre mot à dire sur le nombre d'enseignants que
devez former, dans tel ou tel IUFM ?
M. Gérard Vaysse -
En deuxième année, ils
sont des fonctionnaires stagiaires. Le budget de l'Etat fixe le nombre de
stagiaires en deuxième année, selon le nombre de postes ouverts
aux concours. Aussi, nous n'avons pas d'influence sur ce nombre.
En revanche, en première année, ils ont un statut
d'étudiant et les textes réglementaires indiquent que
l'établissement peut accueillir les étudiants en fonction de sa
capacité d'accueil. Ce sujet, en effet, pose problème parfois car
la demande sociale d'admission en première année d'IUFM est
énorme : il y a trois à quatre fois plus d'étudiants
souhaitant rentrer en première année d'IUFM que l'ensemble des
établissements n'en accueille.
De plus, en raison du fait que la fin de la première année
s'achève par un concours, nous estimons qu'il n'est peut-être pas
nécessaire de disperser la formation sur un nombre de jeunes dont la
probabilité d'admission au concours est relativement faible.
En conséquence, il y a environ 50 000 étudiants dans
les IUFM et, comme je disais, il y a, suivant les années, entre
20 000 et 25 000 lauréats à ces concours.
M. Francis Grignon, rapporteur adjoint -
La
prospective est-elle prise en compte au niveau de l'IUFM ? Y a-t-il des
plans pluriannuels de formation en fonction des besoins ?
Les élèves que vous recrutez, en principe, sont
spécialisés dans une discipline. Est-ce un frein à la
polyvalence ou pouvez-vous introduire cette polyvalence à
l'IUFM ? Est-ce souhaitable ou pas ?
Vos élèves stagiaires pourraient-ils être utilisés
pour des remplacements ? Est-ce bon ou mauvais ? Quelle marge de
manoeuvre cela donnerait-il ?
Enfin, anticipez-vous les départs à la retraite qui
interviendront dans les années à venir ?
M. Gérard Vaysse -
Je réponds sur l'aspect
polyvalence dans un premier temps, car la polyvalence est un terme
consacré pour les enseignants du premier degré. Elle signifie que
l'enseignant est à la fois littéraire et mathématicien,
qu'il enseigne les langues étrangères en même temps qu'il
familiarise les jeunes avec les sciences. Il s'agit là de l'enseignant
du premier degré.
Or, dans les cycles universitaires, il n'y a pas de formation universitaire
centrée de façon monocaténaire sur la préparation
de jeunes à devenir des enseignants du premier degré. On peut
prendre l'exemple du droit qui est une discipline qui ne s'enseigne pas dans le
premier degré. Tout étudiant détenteur d'une licence peut
être candidat.
Une sélection est faite à l'entrée des
établissements. Je parle au nom des IUFM, mais ils sont autonomes et une
politique d'établissement est définie par chaque
établissement. Je donne donc une idée de la variabilité
des éléments, mais il n'y a pas de procédure nationale.
Chaque établissement évalue ses capacités d'accueil et
tient compte du vivier étudiant local.
S'agissant de compléter la formation, des plans de formation
prévoient, en effet, de compléter la valence que la formation
universitaire a déséquilibrée. La fin de l'année
s'achève par un concours. Il ne s'agit donc pas d'un complément
de formation de pure forme puisqu'à la fin de l'année, tout
candidat se présente aux mêmes épreuves. Ces
épreuves démarrent par des épreuves de français et
de mathématiques, puis se poursuivent par l'histoire, la
géographie, la biologie, l'éducation physique, etc.
En conséquence, le complément de formation est en fait une
préparation à des épreuves communes du concours.
J'espère avoir répondu à votre question sur la polyvalence.
L'accueil des étudiants se destinant au professorat des écoles,
c'est-à-dire à l'enseignement dans le premier degré ne
représente qu'une fraction de notre population. En effet, la
diversité des filières d'enseignement du second degré, de
l'enseignement général, technique et professionnel,
génère plus d'étudiants de première année et
même plus d'emplois au total, que ne le fait le premier degré.
Dans ce contexte, on ne parlera donc pas de polyvalence, mais vous avez aussi
employé le terme de bivalence. Certes, il y a des enseignants bivalents,
comme un professeur d'histoire et de géographie. On accède
à ce métier en n'ayant fait qu'une licence en histoire ou une
licence de géographie. Le professeur de physique-chimie est
également bivalent. On accède à ce métier en ayant
fait une licence de physique ou une licence chimie.
En effet, dans l'enseignement général, il y a quelques
métiers d'enseignants bivalents, mais c'est l'exception. En revanche,
les enseignants qui dispensent l'enseignement général
(l'histoire, la géographie, les mathématiques, le
français) dans l'enseignement professionnel (dans un
établissement où l'on fait du génie électrique, du
génie mécanique, du secteur tertiaire), sont bivalents.
Ils arrivent dans nos établissements avec une forte valence. Ils ont une
licence d'anglais ou de mathématiques et nous complétons leur
formation pour leur faire acquérir une bivalence qu'atteste un concours
national où ils sont en compétition, tous IUFM confondus, pour se
présenter à des épreuves.
Le complément de formation de première année n'est donc
pas une teinture destinée à compléter une formation
universitaire déséquilibrée, mais une préparation
aux épreuves d'un concours national.
L'épreuve de mathématiques d'un professeur de physique-chimie est
la même, que l'on ait été à l'origine
détenteur d'une licence de mathématiques ou de physique. Cette
formation bivalente est de niveau important.
L'utilisation des stagiaires pour des remplacements est une hypothèse de
réflexion vers laquelle le ministre nous a entraînés dans
l'instant.
M. Le Président -
Cela vous choquerait-il ?
M. Gérard Vaysse -
Je ne pense pas que ce soit
choquant. C'est une hypothèse de réflexion qui peut être
prise en compte. Les professeurs stagiaires, passent le concours en juillet et,
dès le 8 septembre, les lauréats du concours sont en pleine
responsabilité des classes dans un lycée professionnel,
technique, etc.
Il y a ceux qui ont suivi une première année d'IUFM en ayant
déjà eu une teinture pédagogique. Ils ont fait des stages
en établissement et connaissent un peu la réalité du
métier d'enseignant. En revanche, tous les candidats libres, ainsi que
les lauréats de l'agrégation n'ont pas été
nécessairement confrontés à des tâches
d'enseignement en préalable.
La personne passe donc directement du statut d'étudiant à celui
de professeur, en pleine responsabilité de sa classe, sans tuteur. C'est
très formateur mais cela nécessite une prise en main de soi. Ce
jeune enseignant est face aux demandes des parents, à celles de ces
collègues et il a donc une pleine responsabilité.
Nous pouvons nous interroger pour savoir si, ce professeur n'étant
soumis qu'à des tâches de remplacement, plus limitées dans
le temps donc de moindre responsabilité dans le cadre de l'orientation
des élèves, ce serait pénalisant pour les
élèves ? Je ne le pense pas. Est-ce enrichissant pour leur
propre formation ? Cela assurerait que dès la première
année, ils aient deux ou trois expériences contrastées
dans des établissements divers, cela repousserait à
l'année suivante leur expérience de pleine responsabilité
d'une classe, c'est-à-dire prendre les élèves le premier
jour pour les conduire jusqu'à une orientation finale de fin
d'année.
Cette hypothèse ne choque pas mes collègues directeurs. C'est une
hypothèse de réflexion, nous essayerions de mettre ces
éléments en forme si cela devait se muer en une décision.
M. Francis Grignon, rapporteur adjoint -
Les
départs massifs à la retraite dans quelques années, les
anticipez-vous ?
M. Gérard Vaysse -
Nous y réfléchissons.
Notre capacité d'accueil permettrait d'avoir et plus étudiants et
plus de professeurs stagiaires. Nous sommes dans un petit creux de vague. Dans
les années 92/94, nous avons eu plus d'usagers que depuis deux ou trois
ans, donc, nous ferions face, sans difficulté, à une reprise de
recrutement plus important.
M. Francis Grignon, rapporteur adjoint -
Pourquoi en
avez-vous moins ?
M. Gérard Vaysse -
Parce qu'il y a moins de places aux
concours. La pyramide des âges n'est pas une courbe très
lissée, elle présente quelques inflexions. Je connais mal ces
mécanismes car je ne les ai jamais gérés. Des formules
d'assouplissement et d'incitation de départ à la retraite
peuvent, par ailleurs, année par année, générer tel
ou tel phénomène. Nous savons que nous aurons une reprise des
recrutements plus importante dans trois ou quatre ans.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Je ne
vais m'écarter qu'apparemment des objectifs de notre mission car en
écoutant M. VAYSSE, il me revient à l'esprit ce qu'a dit le
Professeur DE GENNES que nous entendions ce matin à la
commission des finances. Il nous disait que notre jeunesse est très mal
formée à l'économie et à l'entreprise parce que les
enseignants eux-mêmes sont mal formés à cela. Il souhaitait
que les enseignants, mêmes ceux en exercice, puissent avoir un moment
sabbatique, qu'il évalue à au moins six mois, pour exercer
des responsabilités dans une entreprise.
D'après lui, ce n'est que par une présence dans le monde
économique que l'on peut appréhender tous les problèmes
liés au XXI
e
siècle. Il a une réflexion un peu
dure en disant que les enseignants d'aujourd'hui sont plus du
XIX
e
siècle que du XXI
e
. Pourriez-vous nous
donner votre appréciation sur cette réflexion ?
M. Gérard Vaysse -
On ne peut être que
flatté qu'un prix Nobel reconnaisse le rôle éminent des
enseignants dans le parcours professionnel de la jeunesse. Il dénonce un
certain nombre de faits que nous pouvons tous déplorer.
C'est la tradition française d'une formation plus conceptuelle que
pratique. Il l'a dénoncé par ailleurs dans beaucoup d'ouvrages de
vulgarisation.
Quels sont les obstacles actuels ? Tout d'abord, un certain nombre
d'enseignants ont un stage obligatoire en entreprise. Tous les enseignants qui
se destinent à l'enseignement technique et professionnel ont au moins un
stage de trois mois en entreprise.
Par ailleurs, dans le public se destinant aux métiers de l'enseignement,
beaucoup de personnes ont préalablement exercé une
activité professionnelle en entreprise. Ce n'est donc pas le
désert complet.
En revanche, il est exact que dans le cadre de l'enseignement
général, suivi par la majorité des élèves,
les enseignants n'ont pas d'obligation d'être familiarisés avec le
monde de l'entreprise.
Parmi les obstacles majeurs, le moindre n'est pas le type de concours de
recrutement de la fonction enseignante. On ne devient professeur de
mathématiques que parce que l'on sait très vite résoudre
des problèmes de mathématiques dans un délai donné.
On ne devient professeur de latin que parce que dans le délai du
concours, on rend une copie convenable.
Il faudrait que le mode de recrutement des enseignants soit changé.
Cependant, si le passage souhaité en entreprise ne donne lieu à
aucun type d'épreuves au concours, comment allons-nous discriminer des
étudiants qui y ont consacré du temps par rapport à
d'autres qui n'ont fait qu'un stage superficiel ?
Une réflexion est probablement à entreprendre concernant la
nature des épreuves du concours. Les concours ne nous permettent pas de
nous assurer que nous recrutons des futurs enseignants. Ils nous assurent que
nous recrutons des jeunes ayant une bonne maîtrise des savoirs
conceptuels diffusés à l'université.
Nous savons organiser ce genre de concours et nous sommes enviés par
divers pays pour cela. En revanche, nous n'avons pas d'épreuves
proprement pédagogiques : nous ne sommes pas assurés que les
jeunes recrutés seront des enseignants pouvant s'adapter aux situations
que traverse le système éducatif aujourd'hui.
Je n'ai pas d'hostilité à ce qui a été dit. Il
convient probablement que les enseignants se préoccupent de ce qui se
passe dans la société. Cependant, tout les conduit à ne
penser qu'en termes disciplinaires leur entrée dans le métier.
Puis, les premières années leur font tomber les écailles
des yeux quand ils sont affectés dans des établissements
où le social pèse beaucoup plus que le disciplinaire. C'est
à la faveur de cette expérience que l'adaptation au métier
se fait.
M. Le Président -
Elle est parfois rude.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Premièrement, où enseignent les enseignants qui sortent des
IUFM ?
Deuxièmement, chaque établissement évalue ses
capacités d'accueil. Quels sont les critères
d'évaluation ? Est-ce la capacité physique d'accueil de
l'établissement, les besoins de l'académie et à quel
terme ?
Troisièmement, vous avez dit que les enseignants qui sortent des IUFM
sont formés à une certaine bivalence ? Sont-il
opérationnels pour assurer celle-ci quand ils sont affectés dans
un établissement ?
Enfin, sur la formation des enseignants et notamment leur stage ou leur passage
dans l'entreprise, j'ai compris que tous les enseignants qui allaient enseigner
une discipline professionnelle suivaient un stage dans une entreprise, ce qui
semble tout à fait souhaitable. Ce stage en entreprise ne serait-il pas
souhaitable pour tous les enseignants qui passent dans les IUFM ?
En effet, l'enseignant dans le primaire est celui qui prend le relais
après les parents et sa connaissance de l'économie, notamment
locale, influera sur le jeune. Certes, l'orientation ne se décide pas en
primaire ou au collège, mais elle commence là.
Or, comme le disait notre prix Nobel, les enseignants ont peut-être une
vison faussée ou fausse d'un certain nombre de métiers qui fait
qu'aujourd'hui, nous avons cette inadéquation entre les besoins de
l'économie et les orientations des jeunes.
M. Gérard Vaysse -
L'affectation des professeurs
stagiaires est assurée par les services du ministère. Lorsque le
professeur stagiaire est titularisé, à la fin de la
deuxième année de l'IUFM (à bac + 5 au minimum) ;
s'il est un enseignant du second degré, jusqu'à cette
année, il était affecté par le ministère dans une
académie et dans un établissement.
Le mouvement est un peu modifié à la rentrée
prochaine : il sera affecté dans une académie au sein de
laquelle le recteur l'affectera dans un établissement, si c'est un
professeur du second degré.
En revanche, si c'est un professeur du premier degré, il a
été recruté au titre d'un département
géographique et c'est l'inspecteur d'académie de ce
département qui l'affectera dans une école.
Autrement dit, il n'appartient pas à l'IUFM de les affecter. Nous sommes
une école de formation, mais le corps de fonctionnaires reste au service
du ministre. C'est le ministre qui affecte ou délègue au recteur
à partir de la rentrée prochaine.
Nous ne savons toujours pas quel sera le département d'affectation du
jeune formé dans nos établissements.
Jusqu'à présent, je n'ai parlé que du rôle de
formation initiale, mais nous avons aussi un rôle dans la formation
continue.
Revenons sur la capacité d'accueil : vous avez raison, les locaux
sont un facteur de réponse. Le deuxième élément est
le vivier local. Par ailleurs, nous avons un regard sur le type de recrutement
précédent.
Par exemple, nous savons que des milliers de jeunes se destinent aux
activités physiques et sportives (STAPS). Nous avons un cursus
universitaire sur ces activités et nous serons probablement, dès
cette année, assaillis par des centaines, voire des milliers de
lauréats d'une licence d'éducation physique et sportive en
France. Le budget de l'Etat n'a pas suggéré au ministre de
créer des centaines d'emplois de professeurs d'éducation physique
et sportive. Nous aurons donc, ici ou là, des frictions. Il nous faudra
plus élargir que nous ne pensions le faire pour accueillir ces centaines
de jeunes détenteurs de cette licence de STAPS.
Il y a donc une question de capacité pédagogique. Puis
désormais, nous avons sept ans d'expérience. Dirigeant
moi-même un établissement, je connais à peu près
d'une année sur l'autre, nos effectifs de lauréats à tel
concours. Faut-il prendre plus de trois fois cette estimation de
lauréats au concours, sachant que l'on fait perdre une année
complète à un jeune s'y préparant ? Certes, il est
souhaitable que la République se ménage un vivier plus important
pour ses corps de fonctionnaires, mais est-il nécessaire de disperser
des milliers de jeunes et de leur faire perdre du temps et des deniers ?
M. Le Président -
Sur la deuxième question
posée par M. CARLE, vous nous avez expliqué que
l'établissement avait une marge de manoeuvre relativement importante
pour le recrutement en première année. Il lui appartenait donc
d'adapter ce recrutement à sa capacité d'accueil, au vivier et
aux possibilités de recrutements par la voie du concours.
Alors, le fait que les établissements recrutent "librement" en
première année ne constitue-t-il pas, pour le ministre qui
arrête les postes au concours, une espèce de contrainte ?
Autrement dit, si la masse des étudiants admis à l'IUFM en
première année est très importante, le ministre se trouve
devant une situation politiquement difficile à gérer. De ce fait,
ne peut-il pas être conduit à mettre au concours plus de postes
que n'en exigeraient les besoins de l'enseignement ?
M. Gérard Vaysse -
Comme je n'ai jamais exercé
cette charge, j'ai du mal à savoir comment se font les choix. J'ai
tendance à penser le contraire car nous avons parfois trompé les
étudiants, quand par exemple nous apprenons en février-mars que
le nombre de postes au concours va être réduit de moitié
dans une discipline, alors que nous avons des étudiants depuis
septembre. Cela génère un tel tapage dans nos maisons que si le
M. le ministre pouvait prendre sa décision un an plus tôt,
cela nous arrangerait.
Pour vous répondre, il n'y a pas de lien entre les deux.
M. Le Président -
A quel moment est prise la
décision ?
M. Gérard Vaysse -
Aussitôt que l'Etat a
voté son budget.
M. Le Président -
A quelle date recevez-vous la
notification des postes ouverts aux concours ?
M. Gérard Vaysse -
Janvier-février, alors que
nous avons des étudiants depuis septembre et qu'ils se sont
pré-inscrits depuis janvier dernier. Nous ouvrons actuellement le
registre des étudiants pour la rentrée prochaine, alors que nous
ne saurons combien de postes seront mis au concours qu'en juin 2000, quand le
Parlement l'aura adopté.
Je vois bien que lorsqu'il y a une forte pression à la marge, il est
rajouté une petite poignée de postes. Il n'est pas
étonnant que quelques postes soient rajoutés, alors qu'il y a eu
beaucoup de bruits dans les STAPS cette année, mais c'est de l'ordre du
symbole et non pas une logique de gestion.
La bivalence : il faut être modeste ; nous n'avons pas la
prétention d'avoir totalement formé les enseignants en deux
années. Il y a la formation permanente et continue. Il serait illusoire
qu'un enseignant imagine que, parce qu'il vient d'être titularisé
en juin, il possède son bagage pédagogique pendant 37 ans.
Nous attirons l'attention de ces jeunes professeurs sur un certain nombre de
fragilités, dans l'aspect disciplinaire du point de vue de la bivalence
et nous les préparons à la réalité du métier
qui est très éloignée de la représentation qu'en
font les études universitaires.
Dans les études universitaires, et c'est leur fonction, pendant trois
ans (par exemple le temps de la licence), voire au-delà, il y a un
centrage sur un savoir disciplinaire et, à notre avis, le concours
caricature encore plus cet aspect des choses.
Une quatrième année est consacrée à bien
maîtriser le savoir disciplinaire. C'est un travers mais aussi une
qualité des enseignants français par rapport à d'autres
qui ont fait beaucoup plus de pédagogie et sont moins sûrs de
leurs bases disciplinaires.
La deuxième année, ils sont professeurs stagiaires,
c'est-à-dire qu'ils exercent le tiers des charges de service d'un
enseignant statutaire, tandis que nous assurons un complément de
formation dans les deux tiers du temps.
La bivalence va-t-elle suffisamment loin ? Probablement pas, mais nous
essayons d'attirer l'attention sur ses faiblesses.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Un
professeur d'histoire-géographie sortant de chez vous, peut-il
être opérationnel pour faire des remplacements en histoire, par
exemple ?
M. Gérard Vaysse -
Oui bien sûr, mais sera-t-il
susceptible de se voir confier une classe
préparatoire ? Peut-être pas. Nos enseignants sont,
d'emblée, affectés dans des classes de BTS. Cela se saurait s'ils
étaient tous défaillants. Bien évidemment, nous leur
conseillons la modestie et leur disons que le métier s'acquiert.
Vous avez parlé du passage à l'entreprise : la
préoccupation d'une ouverture sur la société et sur le
secteur économique doit accompagner le cheminement de
l'élève. Le professeur, s'adressant à des adolescents que
l'insertion professionnelle commence à préoccuper, devrait
être plus réaliste sur cet aspect, mais je ne suis pas
assuré qu'il faille absolument que tous les enseignants aillent en
entreprise.
En effet, nous ne pouvons pas avoir un plan de formation qui soit le cumul
arithmétique de toutes nos missions : la violence, l'insertion
professionnelle, la parité hommes/femmes, etc. Certes, il faut y
consacrer du temps. Ceux qui ont vocation à insérer des
élèves dans la vie professionnelle (c'est le cas de
l'enseignement technique et professionnel) doivent avoir cette teinture. Le
faut-il pour tous les enseignants ? Je reste plus mesuré.
Mme Hélène Luc -
Je voulais vous demander ce que
vous pensiez du recrutement des élèves en IUFM et vous y avez en
partie répondu. Les premières années, il a fallu donner
des allocations pour encourager des élèves à rentrer.
Ensuite, cela n'a plus été nécessaire car il y avait trop
de candidats. L'académie de Créteil, par exemple, a vu venir des
médecins, des ingénieurs très hautement formés, qui
ne venaient que parce qu'ils ne trouvaient pas d'emploi ailleurs.
Cela a changé et il y a maintenant un nombre de places plus en rapport
avec les demandes. Cependant, pour avoir de bons enseignants, il faudrait que
nous ayons des enseignants encore plus motivés.
Ils le sont déjà plus maintenant qu'ils l'étaient il y a
cinq ou six ans, car c'est difficile et ceux qui veulent y arriver sont
même déjà un peu " militants ".
Alors, ne devrait-on pas encourager des personnes qui ont vraiment envie
d'être enseignants et qui n'en ont pas les moyens ? Je ne dis pas
pour l'ensemble, mais au moins pour une partie.
M. Gérard Vaysse -
En première
année ?
Mme Hélène Luc -
Oui.
Par ailleurs, j'évoquerai le problème de la parité dans
l'enseignement : j'aimerais qu'il y ait plus d'hommes dans l'enseignement.
Y fait-on attention dans le recrutement ? En effet, le fait qu'un
élève n'ait jamais eu d'homme comme instituteur constitue un
problème, d'autant plus si cet élève n'a pas de
père chez lui.
Nous avons déjà parlé de la bivalence, mais dites-nous
votre sentiment personnel : pensez-vous que c'est bien ?
Ensuite, quelles implications voyez-vous de la déconcentration ?
Enfin, comment se fait l'intégration des MAFPEN dans les IUFM ?
M. Le Président -
Je voudrais compléter une des
questions de Mme LUC. Vous nous avez expliqué que le professeur de
physique peut enseigner la chimie et que le professeur d'histoire peut
enseigner la géographie, qu'ils étaient formés pour cela.
Pensez-vous qu'il est envisageable que le professeur de français
enseigne l'histoire et inversement, que le professeur de mathématiques
enseigne la physique-chimie et inversement, enfin, que le professeur de
technologie enseigne la physique et inversement ?
Mme Hélène Luc -
Comme les universités
élisent leur président (parce qu'elles sont autonomes), le temps
ne serait-il pas venu que les IUFM élisent leur président ?
La nomination par le ministre me pose un problème.
M. Gérard Vaysse -
A propos de la motivation, en effet,
lorsqu'en 1991 les IUFM ont été créés, la France
manquait de certaines catégories de professeurs. Nous ne trouvions pas
de professeurs de mathématiques, par exemple. C'étaient souvent
des étudiants maghrébins, qui sont de très bons
mathématiciens, qui en assuraient l'enseignement.
Cependant, ils étaient de mauvais locuteurs en français, aussi,
les élèves n'avaient pas de difficulté à suivre les
mathématiques, mais avaient du mal à écouter le
professeur.
A ce moment-là, les allocations ont parfaitement répondu à
ce pourquoi elles étaient destinées, à savoir, aider les
étudiants nécessiteux et diriger vers l'enseignement des jeunes
que la nécessité d'activité professionnelle
écartait de cette possibilité.
Ces allocations ont été supprimées globalement, dès
lors que le nombre de candidats a été suffisant.
Néanmoins, cela s'est fait de façon aveugle car il reste des
filières, notamment de l'enseignement professionnel ou technologique,
pour lesquelles le recrutement va recommencer à devenir difficile. La
reprise économique est peut-être un facteur de cette
raréfaction, ce qui est légitime, mais cela peut mettre
l'éducation nationale en difficulté de recrutement.
En conséquence, cette mesure pourrait être aménagée
par les directeurs d'IUFM pour quelques filières de l'enseignement
technique.
Par ailleurs, les préparations de concours sont aléatoires et les
étudiants boursiers, qui le restent en première année
d'IUFM, se voient la plupart du temps supprimer la bourse à la suite
d'un échec au concours. Or parfois, le niveau de l'étudiant est
bon et seule la limitation des places aux concours est la cause de
l'échec. Il faudrait donc assouplir le système des bourses pour
que les étudiants puissent se représenter une deuxième
fois au concours.
La motivation est là, mais elle n'est pas facile à
évaluer. Dans les textes régissant l'admission en première
année d'IUFM, il y a une lettre de motivation, mais maintenant, l'on
trouve des lettres-types éditées sur des manuels et ce n'est plus
un facteur discriminant.
Toutes les fois que nous faisons passer un entretien à ces
étudiants, nous nous faisons une opinion, mais c'est une métrique
aléatoire.
Il faudrait recruter davantage d'hommes et c'est un véritable
problème car c'est une entorse à un concours national que
d'instaurer des quotas. C'est un débat d'actualité dans d'autres
domaines. En termes d'égalité républicaine, c'est
difficile.
Pour le concours de professeur des élèves instituteurs dans les
années 80, il y avait deux concours parallèles et parfois,
on prétendait que tel concours était plus simple que l'autre et
c'était tout à l'honneur des dames.
Il est exact que nous ne redressons pas ce " sex-ratio " qui reste
encore très déséquilibré, avec un spectre
disciplinaire variable : en génie électrique et
mécanique, il y a davantage d'hommes, en revanche, en lettres, le corps
enseignant est encore féminin et les petits garçons ont des
difficultés de transfert, comme vous l'évoquiez, Madame.
La bivalence, est-ce bien ? Est-ce mieux ? Pour
l'intérêt de l'élève, c'est mieux dans des classes
qui suivent la scolarité primaire.
J'ai été pendant cinq ans professeur de science naturelle au
début de ma carrière. Etait-il préférable que j'aie
des élèves une heure par semaine, étant purement
disciplinaire, plutôt que d'enseigner deux disciplines ? Je crois
qu'il vaudrait mieux, au niveau du collège, que les enseignants puissent
être bivalents. Ce serait dans l'intérêt de
l'élève : on passe d'un enseignant unique à quatre,
cinq ou six enseignants.
Cela permet de rééquilibrer les déformations qu'induit
chaque enseignant, sans pour autant passer à une dizaine d'enseignants
dont certains n'enseignent qu'une heure par semaine ; cen'est pas
forcément un bien pour l'élève.
En revanche, nous pouvons estimer qu'au lycée, l'enseignement
disciplinaire doive être maintenu, compte tenu du niveau auquel il doit
être enseigné.
Par ailleurs, cela apporterait de la souplesse en matière de gestion des
personnels. En effet, dans bien des régions, certains
établissements scolaires sont ramenés à une classe de
sixième ou de cinquième et cela devient un exploit que
d'établir un emploi du temps pour des enseignants en si petit nombre.
D'ailleurs, dans les faits, un certain nombre d'enseignants s'accommodent de
cette bivalence.
Quelles seront les conséquences de la déconcentration ?
Elles seront réduites pour les IUFM à la rentrée
prochaine. La déconcentration pourrait cependant donner lieu, dans le
futur, à des recrutements à réalité plus
académique ou inter-académique, bien qu'étant nationaux.
Si tel était le cas, cela mériterait d'être analysé,
mais puisque vous me demandez mon avis, je ne crois pas que cela se traduirait
par un affaiblissement du niveau. Le recrutement des enseignants du premier
degré est bien académique ; de même, jadis les sujets
du baccalauréat étaient académiques et personne ne venait
à dire dans telle académie, que le niveau était plus
faible qu'ailleurs.
Nous pouvons avoir un recrutement académique quand cela a un sens. Des
disciplines recrutent 1 500 professeurs dans l'année et un
recrutement académique ménagerait un niveau. D'autres disciplines
recrutent 30 enseignants, il est évident que le concours doit
rester national. Cela dépend de l'effectif. Ai-je répondu
à votre question ?
Mme Hélène Luc -
La déconcentration
signifie-t-elle que les élèves formés dans
l'académie iraient dans les départements de
l'académie ?
M. Gérard Vaysse -
L'affectation est nationale. Comme
l'an dernier, les étudiants de l'académie de Créteil s'en
remettront à l'ordinateur national pour leur affectation dans une
académie. En revanche, au sein de l'académie, seul l'ordinateur
du recteur les affecte, et non plus l'ordinateur national.
Je réponds à votre question sur le transfert des MAFPEN. Cela se
fait dans de bonnes conditions pédagogiques. Il n'y a pas non plus de
difficulté sur les aspects de plan de formation, seulement, les moyens
correspondants n'ont pas été transférés avec la
mission. Pour l'essentiel, ces moyens sont restés dans les rectorats et
les IUFM sont en difficulté sur ce plan.
Mme Hélène Luc -
Les moyens sont restés
dans les rectorats ?
M. Gérard Vaysse -
Oui, le budget de l'Etat les a
toujours affectés dans les rectorats.
Par ailleurs, les emplois qui géraient la MAFPEN restent
rattachés, pour l'essentiel au recteur de l'académie, qu'il
s'agisse d'enseignants ou d'administratifs. Pour le second degré, ce
transfert ne s'est pas accompagné d'un transfert bien
équilibré des ressources humaines et financières. Cela
peut ne pas être encore définitif car si tel était le cas,
cela placerait nos établissements en difficulté pour la formation
continue du premier degré prévue à la rentrée
prochaine.
M. Le Président -
Il faudra que nous regardions cela.
Mme Hélène Luc -
Et l'élection des
présidents ?
M. Gérard Vaysse -
Notre désignation se fait en
deux tours. Le conseil d'administration doit proposer au ministre trois noms.
Ce n'est pas le propre des IUFM, c'est le cas de tous les établissements
publics à caractère administratif.
Le conseil d'administration fait une proposition de trois noms, classés
au non, et le ministre ne peut pas suggérer un quatrième nom,
mais il n'est pas obligé de désigner le premier nom classé
par le conseil d'administration.
Nous sommes, pour partie, issus d'une élection au sein d'un conseil
d'administration et, pour partie, nommés par le ministre.
Cette situation n'est pas comparable à la présidence d'une
université, mais ce n'est pas un inconvénient majeur pour un EPA
car nous formons les acteurs du ministère. Il peut être
souhaitable pour un ministre d'avoir une part dans la désignation du
responsable de l'établissement. Nous n'avons, certes, qu'une courte
expérience, mais les ministres ont très souvent suivi le
classement du conseil d'administration.
M. Serge Lagauche -
Avez-vous mis au point un système
d'évaluation avec les inspections pour les enseignants que vous
formez ?
En outre, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire au bout d'un
certain temps (trois ou quatre ans peut-être) d'envisager de recycler les
enseignants au cours d'un long stage obligatoire ? Cela permettrait de
faire à la fois des évaluations individuelles et peut-être
des mises à niveau ?
M. Gérard Vaysse -
Rarement des établissements
ont été plus évalués que les IUFM. Le Sénat
a produit deux rapports, l'académie des sciences également, ainsi
que l'inspection générale que vous évoquiez. Nous avons
été, tous les ans, sous des vocables différents,
passés à l'analyse extérieure. Cela nous a
été très utile.
L'inspection générale de l'éducation nationale a
déjà réalisé plusieurs expertises sur les IUFM,
notamment sur le produit fini. C'était le rapport de l'inspection
générale de 1996 diligentée en 1995. Cette enquête a
été conduite sur des jeunes professeurs qui, ayant terminé
leur formation en IUFM, étaient affectés sur le territoire
national. Au-delà de la performance de ces enseignants, on a
analysé la différence par rapport à des professeurs
formés dans d'autres conditions. Ces rapports d'inspection
générale indiquent que les résultats sont plutôt
meilleurs.
Il y a donc un suivi. La Direction de l'évaluation de la prospective, en
son temps, dans notre propre ministère nous avait également
expertisés.
Quant au recyclage que vous évoquez, c'est tout l'objet de la
réflexion du ministre actuel. Quand il a souhaité que la
formation continue des enseignants soit placée dans les IUFM, c'est pour
ne plus avoir de coupure entre une formation initiale et le démarrage
d'une formation continue.
Antérieurement, il fallait qu'il s'écoule
réglementairement un certain nombre d'années avant qu'un jeune
enseignant puisse revenir en formation continue, puisqu'il avait
bénéficié d'une formation initiale.
Maintenant, c'est l'inverse. La formation, désormais, ne s'achève
pas. Les enseignants quittent l'IUFM, mais dès l'année suivante,
ils ont des stages de formation. Le caractère obligatoire, dans
l'instant, n'a pas été imposé aux fonctionnaires. La
formation continue reste encore une démarche individuelle.
Cela peut évoluer, mais les statistiques montrent que des enseignants
passent entre les mailles de la formation continue et, à l'inverse,
d'autres sont tous les ans en formation continue, peut-être
exagérément. C'est une liberté laissée aux
fonctionnaires.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Vous aviez dit qu'il y avait environ 50 000 étudiants dans les IUFM
et que vous en sortiez 20 000 à 25 000 par an. Sur deux ans,
en fin de première année, tout le monde passe.
M. Gérard Vaysse -
Non, en fin de première
année, au mieux, la moitié passe entre les mailles. Par exemple,
à Toulouse, nous avons 10 000 candidats par an. Nous en admettons
2 500 et nous sommes très contents quand 1 500 professeurs
stagiaires l'année suivante ont franchi le cap des concours, à la
fin de la première année.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Il
y a des pertes de 80 %.
M. Gérard Vaysse -
Non, nationalement, c'est le tiers.
C'est variable. Il peut arriver des années où nous n'avons que
1 000 lauréats. Il y a eu des périodes très
difficiles et d'autres plus simples. Les concours sont difficiles actuellement.
M. Jacques Legendre -
Sur la question récurrente de la
bivalence, je voulais rappeler que dans le passé, il y avait un CAPET de
lettres et d'histoire. Cela ne choquait pas à l'époque.
M. Gérard Vaysse -
Cela reste vrai. On recrute toujours.
M. Jacques Legendre -
Il faut le rappeler.
M. Le Président -
J'ai cité des exemples tout
à l'heure, mais vous n'avez pas répondu. Pourriez-vous former des
bivalents lettres-histoire, mathématiques-sciences,
technologie-physique ?
M. Gérard Vaysse -
Nous en fabriquons tous les ans,
mais dans l'enseignement technique et professionnel, pas dans l'enseignement
général.
M. Jacques Legendre -
Aujourd'hui, en quoi la composition de
l'encadrement et des professeurs d'IUFM leur donne-t-elle une
spécificité ou une expérience professionnelle
particulière qu'ils peuvent transmettre aux futurs élèves
professeurs ?
M. Gérard Vaysse -
Les formateurs permanents d'IUFM
doivent être de l'ordre de 4 000 parmi lesquels 800 enseignants
chercheurs. Les autres appartiennent, pour l'essentiel, au corps d'enseignants
du second degré, des agrégés, des capésiens, mais
aussi des " capétiens ", des collègues titulaires PLP1
au PLP2. Tous les corps d'enseignants sont représentés. Il y a
par ailleurs des corps d'inspection, des conseillers principaux
d'éducation.
En conséquence, le spectre des permanents est assez diversifié,
mais le corps majeur est celui des enseignants du second degré. Je parle
là des formateurs permanents.
A ces formateurs permanents sont adjoints des formateurs occasionnels que nous
appelons les formateurs associés. Ce sont des instituteurs maîtres
formateurs, c'est-à-dire soit des enseignants du premier degré
qui, pour former des maîtres du premier degré, consacrent un tiers
de leur temps à l'IUFM, soit des professeurs de lycée et
collège, conseillers pédagogiques dont un tiers de la charge
d'enseignant est consacré à former des professeurs.
Tous les professeurs stagiaires de deuxième année ont un
conseiller pédagogique de ce type, impliqué dans leur formation.
Chacun est sous la responsabilité d'un professeur conseiller
pédagogique.
Par ailleurs, interviennent les universitaires des universités voisines.
Il faut donc concevoir nos établissements avec un corps limité de
formateurs permanents et un nombre beaucoup plus important de formateurs
occasionnels qui viennent soit de l'université pour compléter les
apports disciplinaire, soit du terrain pour apporter la dimension
professionnelle du métier.
M. Le Président -
Merci beaucoup Monsieur le
Président. Vous avez répondu à nos questions et aussi
apporté des éléments de réflexion.
M. Gérard Vaysse -
Merci.
AUDITION DE M. JACQUES BACHELIN,
CONTRÔLEUR
FINANCIER AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
DE LA
RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
(3 FÉVRIER 1999)
M.
Adrien Gouteyron, Président -
Nous recevons maintenant
M. BACHELIN, contrôleur financier au ministère de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur,
vous nous expliquerez en quoi consiste vos fonctions.
Le président lit la note sur le protocole de publicité des
travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jacques BACHELIN.
M. Le Président -
Si vous le voulez bien, vous
pourriez, en introduction, présenter vos fonctions et dire ce que vous
avez à dire. Puis, nous vous poserions des questions.
M. Jacques Bachelin -
La situation des emplois
représente, pour le contrôleur financier de l'éducation
nationale, une de ses principales préoccupations, dans la mesure
où les enjeux financiers sont des enjeux de rémunération,
donc des problèmes d'effectifs.
Le non-respect des dotations d'emploi peut entraîner des dérives
budgétaires importantes, de la même façon, toute politique
volontariste en matière d'emploi, passe par la capacité à
connaître et à maîtriser les effectifs.
Pourtant, c'est dans ce secteur que les résultats sont les moins
satisfaisants, du point de vue du contrôle financier. Cette situation est
ancienne, mais elle pourrait évoluer prochainement avec la mise en place
d'un dispositif de contrôle des emplois, permettant à
l'éducation nationale d'optimiser ses moyens dans le respect de
l'impératif budgétaire.
Je vous propose de décrire la situation actuelle, puis d'expliciter
cette évolution.
Je rappelle en deux mots l'activité de contrôle financier.
M. Le Président -
Qui vous nomme, Monsieur le
contrôleur ?
M. Jacques Bachelin -
Le ministre du Budget.
M. Le Président -
C'était important que tout le
monde le sache.
M. Jacques Bachelin -
Le contrôleur financier
délivre des visas a priori sur l'ensemble des actes de gestion ayant une
incidence sur la dépense publique. Le contrôle financier
s'applique donc aux crédits budgétaires (les engagements, les
délégations, les ordonnances de paiement) et aux personnels (tous
les actes de gestion individuels et collectifs relatifs aux individus).
Deux objectifs sont poursuivis :
- assurer la régularité de la mise en oeuvre de la dépense
publique, dans le respect du contexte légal et
réglementaire ;
- assurer le respect de l'autorisation parlementaire, c'est-à-dire le
respect des dotations en crédits et en effectifs, autrement dit,
exécuter le budget, tout le budget mais rien que le budget.
Une évolution significative du contrôle financier est intervenue
depuis quelques années, qui a adapté les modalités de
contrôle aux enjeux. Le contrôle a priori est extrêmement
lourd car les actes passant par le contrôleur financier sont tout
à fait considérables. D'où l'intérêt, quand
le ministère essaye de développer sa productivité, que le
contrôle financier s'adapte à cette réalité et
centre son activité sur ce qui est significatif.
Je donne deux exemples pour le contrôle des personnels : nous avons
supprimé des visas a priori sur des actes de gestion incontournables et
systématiques, comme les départs en retraite, le visa du
contrôleur financier n'apportant pas grand-chose de plus. De la
même façon, nous avons supprimé le visa de contrôle
financier sur des actes de gestion courante comme les demandes de temps
partiel.
On voit l'intérêt de cet allégement, cela décharge
le contrôleur financier et l'administration, mais la contrepartie est une
perte d'information qui ne permet plus de tenir une comptabilité
contradictoire des effectifs en temps réel. En effet, nous n'obtenons
l'information qu'a posteriori.
Au ministère de l'éducation nationale, ce n'est pas un gros
problème, dans la mesure où cette évolution sanctionnait
une réalité qui était que nous n'avions pas de
comptabilité contradictoire. Nous ne connaissons pas les effectifs en
tant que contrôle financier, il faut le dire.
Ce n'est pas la seule spécificité du contrôle financier
dans ce ministère. En matière de crédits, la part
représentée par les crédits de rémunération,
soit 95 % de 180 milliards sur 300 en 1999, est mise en paiement sans
ordonnancement préalable. Pourtant, nous délivrons sur les
crédits environ 20 000 visas par an : 5 000 sur les
ordonnances de délégations et plus de 15 000 sur les
ordonnances de paiement.
Pour les personnels, le contrôle financier ne s'exerce pas non plus comme
dans les autres ministères, en raison de la dimension et de la
complexité du ministère.
Avec 1 100 000 personnes, ce ministère en a plus que tous les
autres additionnés. Il faut donc l'aborder différemment. A titre
d'exemple, pour l'enseignement scolaire, environ 60 a 70 corps de
fonctionnaires titulaires sont concernés par des concours chaque
année (concours externes, internes, réservés,
professionnels et autres). Si nous y rajoutons les listes d'aptitude,
70 000 personnes sont concernées par ces concours et ces
promotions.
Vis-à-vis des arrêtés individuels et collectifs soumis au
contrôleur financier, en 1998 par exemple, nous avons
délivré entre 20 000 et 25 000 visas sur les actes de
personnel. Ce sont les nominations, les classements, des
réintégrations, des détachements, des promotions, des
avancements, bref, toutes les situations pouvant survenir à un
fonctionnaire ou un contractuel.
Ce ministère est aussi spécifique en raison de sa
complexité, au niveau de la lecture des droits ouverts et en
exécution. Pour les droit ouverts, les lignes de dotation pour
déterminer les effectifs de l'éducation nationale étaient
au nombre de 1 300 en 1998, réparties dans 28 chapitres ou
articles. C'est extrêmement difficile à lire et je ne suis pas
certain que tout le monde en ait la même lecture, avec des niveaux de
précision qui contrastent sensiblement avec la capacité
d'information réelle dont dispose le contrôleur financier.
M. Le Président -
Combien délivrez-vous chaque
année de visas ?
M. Jacques Bachelin -
45 000 à peu près.
En exécution, c'est également un ministère complexe avec
des règles de gestion et une forte déconcentration.
Au niveau des imputations, par exemple, les personnels relevant d'un chapitre
budgétaire, se retrouvent un peu éparpillés. Les ATOS se
retrouvent sur tous les chapitres, de même les enseignants du second
degré qui se retrouvent aussi bien sur les chapitres d'ATOS, que du
premier degré, du supérieur, de la recherche, etc.
De la même façon, les recrutements de contractuels se font sur des
chapitres spécifiques. Par exemple, les maîtres auxiliaires se
recrutent sur le 31-97 depuis une année ou deux, mais on les retrouve
aussi sur des emplois de titulaires vacants.
M. Le Président -
Vous ne les visez pas, ils sont
recrutés par les recteurs.
M. Jacques Bachelin -
C'est un des problèmes. Il est
difficile d'appréhender la notion de vacance d'emploi à travers
ce genre de mécanisme.
Le constat est très différent, selon que l'on regarde les
effectifs de l'administration centrale ou des services
déconcentrés.
En administration centrale, la situation est tout à fait satisfaisante.
Cela concerne 3 760 agents, d'après la loi de finances. Il y a
une comptabilisation mensuelle, donc actualisée, un partage de
l'information entre le gestionnaire et le contrôleur financier,
l'accès pour le contrôleur financier aux bases de données,
Agora, la validation mensuelle des emplois vacants en début de mois et
une mise en commun des perspectives à très court terme, dans les
quatre mois.
Il y a également des aménagements permettant de tenir compte des
contraintes conjoncturelles, c'est-à-dire de faire des gages de gestion
dans le respect des consommations indiciaires, c'est-à-dire sans
surcoût.
D'un point de vue de contrôle financier, la situation est claire,
objective et permet de travailler correctement.
Pour les services déconcentrés, il n'en va pas de même. Ils
concernent 950 000 agents et le contrôleur financier ne dispose
pas d'une information satisfaisante pour délivrer les visas qui lui sont
demandés. De plus, son champ de compétences est trop
rétréci pour maîtriser la situation des effectifs.
En matière d'effectifs, le contrôleur financier vise toutes les
ouvertures de concours, à l'exception de celles des concours
réservés, ces concours étant entérinés par
le Budget, comme le cas des recrutements "loi Perben".
Ces visas sont délivrés soit sous ma propre
responsabilité, après l'examen des demandes, soit sur instruction
du ministre du Budget à la suite d'un arbitrage du Premier ministre.
C'est le cas quand il y a un surcalibrage de concours, comme c'est le cas
pratiquement chaque année pour les enseignants du second degré.
M. Le Président -
Quand le ministre défini le
nombre d'enseignants à recruter dans telle ou telle discipline, son acte
administratif est soumis à votre visa. Avez-vous la possibilité
de bloquer, si vous estimez que le nombre de postes ouverts aux concours,
dépasse les possibilités budgétaires ? Comment cela
se passe-t-il ?
M. Jacques Bachelin -
Les chiffres sont donnés
globalement et se répartissent par type de concours mais pas par
spécialités.
M. Le Président -
Une répartition par CAPES,
CAPET, agrégation ?
M. Jacques Bachelin -
Oui. Le contrôle financier en
viendrait à faire de l'opportunité et ce serait
désagréable pour tout le monde.
M. Le Président -
Cela vous arrive-t-il de constater
que le nombre de postes ouverts dépasse les dotations
budgétaires ?
M. Jacques Bachelin -
Il y a un surnombre sur le secondaire,
aussi, si on devait respecter la dotation budgétaire, on limiterait les
concours du second degré.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Cela s'élève à combien ?
M. Jacques Bachelin -
Pour 1999, l'arbitrage de calibrage des
concours prévoyait un surnombre d'environ 3 000 personnes qui se
rajoutent avec les autres déjà en surnombre. Il y a une sorte de
cumul de surnombres.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
C'est un surnombre supplémentaire.
M. Jacques Bachelin -
Cela résultait de la
décision propre aux concours du second degré
décidés à l'automne 1998. En ouvrant 25 000 places
aux concours, on prévoyait, je crois, de créer 3 000
personnes en surnombre au moment où ces gens seraient nommés et
entreraient en activité.
M. Le Président -
Le ministre vous propose un
arrêté, lorsque vous constatez qu'il y a surnombre, alertez-vous
votre ministère et lui demandez-vous l'aval ?
M. Jacques Bachelin -
Je refuse de viser.
M. Le Président -
Ce refus entraîne-t-il un
dialogue entre les deux ministères ?
M. Jacques Bachelin -
Pour un concours d'ATOS par exemple,
imaginons que le nombre de vacances soit de 100 et l'on propose 120 postes au
concours. Si je refuse de viser, deux solutions se présentent au
ministère : soit il considère que c'est nécessaire et
il demande à passer outre, soit il se rend à cet argument
objectif et limite les postes au concours au nombre de vacances.
M. Le Président -
Il s'adresse à Bercy pour
passer outre ?
M. Jacques Bachelin -
Oui. Pour les concours du second
degré, nous ne découvrons pas cette situation chaque
année. C'est devenu une sorte de répétition : tous
les ans, il y a un arbitrage de Premier ministre où le volume des
dépassements est arrêté.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Cela concerne aussi bien le corps professoral que les ATOS?
M. Jacques Bachelin -
Non, pour les ATOS, il n'y a pas de
surnombre.
M. Le Président -
Etes-vous capable d'évaluer
l'effet cumulatif des dépassements annuels ?
M. Jacques Bachelin -
Non.
M. Le Président -
Vous ne connaissez pas les effectifs.
M. Jacques Bachelin -
Tout est relatif. Une enquête
annuelle permet de faire le point sur la base d'un décomptage des
effectifs à fin décembre et fin janvier. Chaque année,
cela permet de comptabiliser la réalité des effectifs de
l'éducation nationale.
Je dis que je ne connais pas car au moment où je dois prendre une
décision pour viser un concours, je n'ai pas connaissance de l'effectif
actualisé du corps considéré. L'information à ma
disposition sur la réalité des existants relève de cette
enquête de l'année précédente.
Dans ce cas, nous recevons une annexe transmise à la Fonction publique,
sur laquelle figurent des chiffres d'effectifs fournis par le service, avec des
prévisions d'entrée et de sortie jusqu'au moment du
déroulement du concours. C'est une information que je ne peux pas
vérifier. Je fais un contrôle de cohérence, de
vraisemblance avec des informations relatives aux années
antérieures. Ce n'est pas satisfaisant car nous n'éliminons pas
le risque d'une possibilité de surnombre.
Pour les ATOS, c'est généralement suffisant parce que les
demandes d'ouverture de concours y sont généralement
inférieures, parfois très inférieures, aux
possibilités. Pour les enseignants du premier et second degré, il
y a arbitrage du Premier ministre.
En conséquence, nous n'avons pas trop de problème, malgré
une procédure désagréable dans les faits, sur la
maîtrise de l'appréciation des effectifs.
M. Pierre Martin -
Les surnombres tels que vous venez d'en
parler sont constatés a posteriori. Annuellement, accepte-t-on des
surnombres ?
M. Jacques Bachelin -
Oui.
M. Pierre Martin -
Ils se cumulent ?
M. Jacques Bachelin -
Oui.
M. Pierre Martin -
Ce n'est pas à vous que nous devons
poser la question du pourquoi, mais... ?
M. Pierre Martin -
Quand l'arbitrage du Premier ministre
décide de 25 000 ouvertures de concours pour les enseignants du
second degré, c'est accompagné par l'acceptation d'un surnombre
de 3 000 enseignants. Ces chiffres sont à titre d'exemple.
M. Le Président -
Pourra-t-on avoir les chiffres
exacts ?
M. Jacques Bachelin -
Oui, le ministère en dispose. Ce
volume de surnombre est une prévision, puisque qu'un concours
autorisé en novembre 1998 portera ses effets un, deux, voire trois ans
plus tard dans certaines catégories. Puis, il y a le constat au jour le
jour de la situation des enseignants, le niveau de surnombre aujourd'hui,
compte tenu des décisions antérieures, des entrées et des
sorties de cette catégorie des population. Ce sont deux questions
différentes.
Nous voyons donc que la position du contrôleur financier n'est pas
très facile car l'information n'est pas disponible. D'autres
éléments sont également pénalisants : par
exemple, tous les recrutements locaux de contractuels échappent au visa
(maîtres auxiliaires, contractuels, ATOS, etc.) Le
plafond dépend alors de la déontologie de l'autorité
locale qui respectera ou pas les dotations qui lui ont été
octroyées.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Qui les
vise ?
M. Jacques Bachelin -
Personne.
M. Le Président -
Nous y reviendrons peut-être
quand nous reparlerons du contrôle local.
M. Jacques Bachelin -
J'y arrive. J'espère que demain,
nous aurons un dispositif plus satisfaisant pour le contrôle financier au
budget et pour le ministère.
Les nominations sur listes complémentaires pour les titulaires à
gestion déconcentrée sont une autre pénalisation. Le
contrôleur financier donne un visa sur un chiffre global pour un
concours. Ensuite, ce concours est décliné au niveau
académique. Il y aura une liste de lauréats nommés et une
liste complémentaire. L'autorité locale peut tirer sur cette
liste complémentaire, ce qui pourrait avoir des conséquences
considérables.
Par exemple, pour les professeurs des écoles, un inspecteur
d'académie pourrait aller jusqu'à 300 % de la liste des
admis. C'est une hypothèse d'école, mais théoriquement,
cela se peut. Il n'y a pas de blocage objectif. Cela dépend du
comportement des uns et des autres.
Enfin, le troisième élément est peut-être le plus
significatif pour expliquer cette problématique des emplois à
l'éducation nationale.
M. Le Président -
Pardonnez-moi. Pourquoi la liste
complémentaire peut-elle entraîner une dépense
supplémentaire ? Les gens figurant sur cette liste ne sont pas
recrutés. Que vous manque-t-il ?
M. Jacques Bachelin -
Par exemple, il est ouvert
1 000 emplois pour un concours. Cela se déroule dans
20 académies, ce qui fait donc 50 lauréats dans chaque
académie. 50 personnes seront nommées dans chaque
académie. On aura ainsi respecté les 1 000 possibles
visés au nombre de vacances.
L'autorité locale pourra puiser dans la liste complémentaire si
un des lauréats fait défaut.
M. Le Président -
Nous ne dépassons toujours pas
le quota.
M. Jacques Bachelin -
Cependant, elle peut aussi tirer cette
liste complémentaire, indépendamment du fait qu'il y a une
défection sur la liste principale.
M. Le Président -
D'accord.
M. Jacques Bachelin -
La liste complémentaire sert
à pallier l'absence de candidats reçus, mais elle permet aussi de
trouver des candidats jusqu'à l'ouverture de nouveaux concours parce que
des vacances ont été constatées.
M. Jacques Legendre -
Ce n'est pas un ajout, c'est une
substitution.
M. Jacques Bachelin -
Non, c'est une substitution si c'est par
rapport à un lauréat déficient, mais c'est un ajout si on
estime qu'une vacance doit être pourvue et le candidat vient se rajouter
à la liste des admis.
M. Le Président -
L'autorité locale
décide d'établir une liste complémentaire de 50 parmi
lesquels elle recrute 10 ou 20 personnes qui ne correspondent pas à la
liste principale.
M. Jacques Bachelin -
C'est réglementairement possible.
M. Jacques Legendre -
Il nous faut être redoutablement
précis dans les termes que nous employons.
M. Le Président -
Cela nous oblige à être
précis.
M. Pierre Martin -
Qu'appelez-vous vacance ?
M. Le Président -
Un poste vacant. Nous confondons deux
choses. Vous parlez des autorisations de recrutement et non des autorisations
d'ouverture de poste. Il s'agit des autorisations de mettre tant de postes au
concours. C'est par rapport à cette autorisation qu'il peut y avoir des
dépassements par l'intermédiaire des listes
complémentaires. Vous avez bien distingué vos deux types de
visa : celui sur les recrutements et celui sur les emplois.
M. Jacques Bachelin -
Quand je disais 25 000, je ne
parlais pas des recrutements. Ce sont les visas sur les actes de gestion.
M. Le Président -
Tout à fait.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Que
se passe-t-il quand la " vacance n'est plus vacante " et que la
personne a été prise sur la liste complémentaire ?
M. Jacques Bachelin -
Cela fait un surnombre. Une
délégation vous donne 100 emplois. Vous avez
90 personnes et vous en recrutez 10, cela fait 100. Si vous estimez qu'une
personne a disparu et vous en prenez 11, cela en fera 101 et vous aurez un
surnombre.
M. Pierre Martin -
C'était la différence entre
vacance et ouverture de poste. Il peut y avoir ouverture de poste et la vacance
continue d'être payée.
M. Jacques Bachelin -
L'ouverture des postes est
destinée à combler les vacances. On permettra de compenser ces
vacances par des entrants à partir de concours, le problème
étant d'arriver à doser ces entrants par rapport aux vacants.
Au niveau local, il y a une certaine souplesse pour adapter le volume
d'effectifs à partir de ces concours, avec l'estimation des vacances sur
le plan local.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Comment
est payé dans votre exemple le "un" en surnombre ?
M. Jacques Bachelin -
C'est autre chose. Il y a un
problème d'effectifs et un problème de
rémunération. Les rémunérations sont
déterminées d'une façon très théorique. Il y
a un mécanisme compliqué, avec les lignes souples. Tout le monde
est payé, fort heureusement.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
C'est le
problème des emplois autorisés dans le cadre de la loi de
finances. Où est affecté le "un" ? Est-il en
supplément ?
M. Jacques Bachelin -
On l'imputera sur un chapitre de
rémunération. Si c'est un ATOS, il sera sur le 31-90, si c'est un
maître auxiliaire, il sera sur le 31-97. Puis, il sera payé
à la fin du mois sans aucun problème. Le payeur ne va pas limiter
le nombre de bénéficiaires à l'équivalence des
dotations.
Une explication du dérapage tient au fait que le ministère
utilise des outils et des règles de gestion qui ne coïncide pas
avec la mandature budgétaire. Cela résulte du fonctionnement, de
l'organisation, de l'objet et des contraintes de l'éducation nationale.
Une nomenclature fonctionnelle se démarque de la nomenclature
budgétaire.
Par exemple, pour l'éducation nationale, on parle d'un emploi
d'enseignant dans le second degré, mais sur le plan budgétaire,
on ne sait pas ce qu'est un enseignant. On connaît l'agrégé
et le certifié. Ce sont deux réalités qui ne sont pas
nécessairement toujours cohérentes.
Les services gestionnaires ont recours à cette nomenclature qui,
à travers un mécanisme relativement complexe et long, permet de
passer des emplois aux postes et aux personnels.
Il s'ensuit que les délégations d'emplois dont
bénéficient les académies n'ont qu'un caractère
indicatif. Autrement dit, elles ne sont pas systématiquement
considérées pour l'implantation des postes. On peut implanter des
postes, volontairement ou involontairement, sans être contraint par la
référence budgétaire que représente la
délégation. C'est ce qui permet d'avoir des surnombres.
Le rapprochement entre les effectifs et la référence
budgétaire est effectué annuellement, c'est l'enquête EMI,
(enquête des masses indiciaires). Cette enquête est
intéressante, mais n'est disponible que tardivement et ne permet pas de
tirer des conséquences opérationnelles, notamment lors de
l'élaboration de la loi de finances en mai, lors des conférences
budgétaires.
En résumé, le contrôleur financier ne dispose pas de
situation actualisée des effectifs des services
déconcentrés. Il vise les ouvertures de concours sans pouvoir
garantir la régularité des volumes autorisés. Des
décisions locales conduisent à recruter des titulaires et des
contractuels, sans autorisation préalable et sans considération
de l'aspect contraignant de la référence budgétaire, que
la nomenclature de gestion n'a pas intégrée.
Cette situation n'est satisfaisante pour aucun des acteurs concernés,
que ce soit du côté finances ou du côté
éducation nationale.
Le ministre de l'éducation nationale a souhaité, en 1997, en
partenariat avec le directeur du budget, mettre en place un dispositif
permettant de parvenir à un contrôle des emplois. A partir de ce
moment, nous sommes entrés dans une nouvelle perspective, complexe
à construire et à mettre en place, mais dont l'ambition est
d'assurer l'objectivité de la connaissance et de la maîtrise
d'effectifs tout en préservant les spécificités des
effectifs, tout en préservant aussi les spécificités de
gestion de l'éducation nationale, en particulier la nomenclature
fonctionnelle.
Il ne s'agit pas de transformer le mode de gestion de l'éducation
nationale pour parvenir à un contrôle des emplois. Il s'agit de
prendre en compte la réalité et de l'approcher par une forme
originale pour parvenir à ce résultat.
Le dispositif repose sur la mise en oeuvre d'une application informatique
élaborée par la Direction des affaires financières,
dénommée "contrôle national des emplois". Cette application
a dû être élaborée en 1992/93. Depuis 1996, elle
permet pour les personnels administratifs et du second degré, de
disposer d'états de synthèse des emplois et de consommation des
moyens comme sous-produit des applications de gestion Agora et EPP (Emplois
poste personnel), qui sont respectivement l'application de gestion du personnel
administratif et l'application de gestion des personnels du second
degré.
Cette application "contrôle national des emplois" agrège ces
données autour d'une interface entre la nomenclature de gestion et la
nomenclature budgétaires. Ce concept permet désormais
d'établir une cohérence entre des nomenclatures
parallèles, qui pouvaient converger mais qui ne le faisaient pas
nécessairement et, de ce fait, d'obtenir une cohérence entre les
droits ouverts et répartis, c'est-à-dire les dotations
exprimées en agrégats et la consommation réelle des
moyens, exprimées également en agrégats.
Nous pouvons voir les principes de ce dispositif et ensuite sa mise en place.
Les principes : le champ du dispositif recouvre une part importante des
effectifs des services déconcentrés. 98 % des chapitres
budgétaires ayant des rémunérations de personnels sont
concernés. Il y a essentiellement quatre chapitres :
- deux pour les ATOS, le 31-90 et le 36-60.
- deux pour les enseignants, premier et second degré, 31-92 et 31-93.
Cela doit faire 943 000 agents sur les 950 000 possibles.
Ce dispositif est conçu en deux volets.
Le premier volet est une recherche de comptabilisation des effectifs des
services déconcentrés. Le second est la mise en place d'un
contrôle juridique des emplois.
Notez que pour les enseignants du second degré, le dispositif est
limité au simple décompte des effectifs, sans mise en oeuvre d'un
contrôle juridique des emplois.
La comptabilisation des effectifs des services déconcentrés peut
être découpée en trois phases :
- la notion d'enveloppe de gestion ;
- l'élaboration de situations mensuelles d'emplois dans les
services académiques ;
- et l'agrégation nationale des données
déconcentrées.
L'enveloppe de gestion est la traduction, après ajustement, des
dotations de la loi de finances. Il sera incorporé les surnombres
autorisés et pratiqué des compensations internes afin d'adapter
cette dotation à la réalité des besoins. Par exemple, on
peut avoir besoin de plus d'adjoints administratifs que d'agents
administratifs, de maîtres ouvriers plutôt que d'ouvriers
professionnels. En conséquence, dans la réservation du coût
indiciaire de ces emplois, cette loi de finance sera rectifiée pour
l'adapter aux besoin d'une gestion.
Globalement, une bonne traduction de la loi de finance fournira ces enveloppes
de gestion en agrégats, c'est-à-dire en dotations
budgétaires regroupées. Ces agrégats sont des
regroupements plus ou moins importants. Au niveau des ATOS,
généralement cela regroupe des corps (attachés,
secrétaire administratif, CASU, etc.). Au niveau des enseignants,
l'agrégation est très forte, puisque pour le premier
degré, il n'y a qu'un seul agrégat. Pour le second degré,
il doit y avoir cinq agrégats, en faisant la distinction entre le
personnel enseignants, le personnel de Direction, d'orientation, etc.
Ces démarches sont apparues comme étant le degré le plus
fin pouvant être géré dans les deux nomenclatures.
Ces enveloppes de gestion feront l'objet d'un visa par le contrôle
financier central. L'existence de ce visa est impératif pour permettre
aux Directions gestionnaires de procéder aux délégations
entre les différentes académies, sachant que celles-ci doivent
s'inscrire dans le plafond des enveloppes.
M. Le Président -
Sans transfert d'un agrégat
à l'autre ?
M. Jacques Bachelin -
Nous visons tous les agrégats
l'un après l'autre. Il doit y avoir 80 agrégats donc autant de
visas qui dureront tant que le total des délégations restera
inférieur ou égal à l'enveloppe de gestion. S'il y a
dépassement, le visa tombe et il n'y a plus de délégation.
C'est le système du visa bloquant.
Dans ce système, les délégations sont
nécessairement compatibles avec les dotations de la loi de finances
initiale. Il n'est délégué dans les académies que
la LFI et pas davantage. C'est une donnée objective sur laquelle tout le
monde joue le jeu de façon ouverte.
Pour que ce soit possible, le contrôle financier doit délivrer ses
visas extrêmement rapidement pour ne pas bloquer le ministère dans
l'attente de validation d'une nouvelle proposition du service gestionnaires.
L'élaboration de situations mensuelles d'emploi par les rectorats :
ces situations sont établies suivant le concept d'agrégats. Elles
présentent, pour chaque académie, les stocks de dotations (et non
des droits ouverts) et les stocks d'effectifs, c'est-à-dire la
population gérée dans le rectorat.
Pour un mois, nous avons 80 agrégats, deux colonnes :
dotations, effectifs. D'un mois à l'autre, nous avons des flux entrants
et sortants.
Ces situations nous donnent une capacité d'appréhension
immédiate et actuelle de la situation d'effectifs de l'académie.
Cela permet de prendre les décisions nécessaires, dans la mesure
où ces situations sont communiquées aux contrôles
financiers régionaux et serviront de base pour que ces contrôleurs
financiers régionaux visent les demandes de recrutement.
M. Le Président -
Cela fonctionne-t-il
déjà ?
M. Jacques Bachelin -
L'établissement des situations et
leur communication aux contrôles financiers régionaux
fonctionnent, mais pas partout. Le système a été
enclenché.
L'agrégation des données rectorales : tous ces effectifs pourront
être agrégés au niveau national. Tous les mois, il y aura
une connaissance actualisée de l'ensemble des effectifs du
ministère, rapprochée avec les enveloppes de gestion et non pas
des délégations, car celles-ci sont inférieures ou
égales aux enveloppes de gestion (les droits ouverts sont donc bien les
enveloppes de gestion).
Nous aurons une vision immédiate et objective des vacances et des
surnombres. Cette information sera à la connaissance du ministère
et du contrôle financier.
Ce système est aujourd'hui faisable puisque nous avons les outils pour
cela et se met en place progressivement.
La mise en oeuvre du contrôle juridique des emplois au niveau
local : c'est l'exercice de délivrance des visas a priori des
contrôleurs financiers régionaux sur les recrutements
déconcentrés de titulaires et de contractuels.
M. Le Président -
Cela vise-t-il les
instituteurs ?
M. Jacques Bachelin -
Cela vise toutes les catégories
de titulaires à gestion déconcentrés, c'est-à-dire
tous les ATOS catégorie B et C, les enseignants du premier degré,
et tous les contractuels.
M. Le Président -
Cela ne vise pas les maîtres
auxiliaires ?
M. Jacques Bachelin -
Si. Ce sont des contractuels.
A travers ce visa des contrôleurs financiers régionaux sur le
recrutement des titulaires à gestion déconcentrés et des
contractuels locaux, trois objectifs sont poursuivis.
Le premier est un objectif quantitatif. C'est le respect des dotations, avec la
comparaison des situations élaborées par les rectorats
mensuellement pour connaître les vacances ou pouvoir viser un
recrutement, dans la mesure où il y a des vacances. C'est une
activité tout à fait traditionnelle qui ne se fait pas
aujourd'hui.
Le deuxième objectif est beaucoup plus délicat. Il s'agit de
veiller au respect de la réglementation des directives de la fonction
publique, pour ne pas entretenir ou créer de la précarité.
C'est toute la problématique des contractuels sur emploi permanent. Il y
a une règle du jeu, il faut l'appliquer et on s'aperçoit, au
niveau local, mais ce n'est pas propre à l'éducation nationale,
qu'il est difficile de ne pas utiliser les contractuels dans des situations non
réglementaires.
Le troisième objectif est de pouvoir traduire concrètement les
engagements pris par le ministère de l'éducation nationale lors
de l'élaboration de la loi de finances. Par exemple, quand le
ministère décide de ne pas recruter de nouveaux maîtres
auxiliaires, si cette procédure fonctionnait, les contrôleurs
financiers régionaux, seraient en droit de refuser des visas a priori de
recrutement de maîtres auxiliaires.
M. Le Président -
Ce n'est pas le cas ?
M. Jacques Bachelin -
Non. Nous allons voir où en est
la mise en oeuvre de tout ce dispositif.
C'est ambitieux et complexe, pour des raisons techniques et aussi de
mentalité de comportement. Ce que le ministre et l'administration
centrale ont décidé dans leur grande sagesse, n'est pas
nécessairement vécu avec un enthousiasme débordant sur le
plan local.
Pour ce qui concerne le premier volet, la comptabilisation des effectifs des
services déconcentrés, entre fin 1997 et mi-1998, nous avons
réalisé le contrôle des emplois au niveau central.
Nous avons élaboré des règles et des modalités de
fonctionnement du dispositif. Nous avons défini de façon
opérationnelle les notions d'enveloppe et d'agrégats. Nous avons
déterminé les conditions de délivrance du visa, a priori,
celui du contrôleur financier central. Nous avons réalisé
l'outil informatique pour délivrer le visa et nous avons
formalisé les délégations pour l'ensemble des corps
concernés. Tout cela a été fait au premier semestre
1998.
A partir de la rentrée scolaire 1998/1999, l'administration centrale a
délégué les emplois dans le strict respect des dotations
de la loi de finances. C'est le cas aujourd'hui. Les rectorats et les
contrôleurs financiers régionaux ont reçu
systématiquement chaque début de mois, les nouvelles dotations
représentant les droits ouverts en matière d'emplois. Autrement
dit, dans chaque rectorat, on connaît la règle du jeu.
En 1999, l'objectif sera de faire en sorte que l'ensemble des services
déconcentrés établisse systématiquement leur
situation mensuelle et la transmette dans les temps convenus aux
contrôleurs financiers régionaux. Dans la mesure où ce sera
fait systématiquement tous les mois par l'ensemble des académies,
cela pourra être agrégé et on aura une vision d'ensemble
des effectifs de l'éducation nationale.
Nous avons demandé aux contrôleurs financiers régionaux ce
qu'ils reçoivent de la part de leur partenaire dans les rectorats et
à quoi cela ressemble. Aujourd'hui, la grosse majorité le fait,
mais dans des conditions non encore exploitables.
Nous sommes à un point de passage important car l'enquête des
masses indiciaires se déroulent fin décembre pour les enseignants
de premier degré et fin janvier pour les autres personnels. En
conséquence, les académies seront obligées de sortir leur
situation, tous les mois, désormais. Le but du jeu est, à partir
de cette opération de janvier, d'enclencher sur la production
systématique de ces situations.
Les académies auront, avec les contrôleurs financiers
régionaux, des relations de partenariat permettant à ces derniers
de regarder ces situations, d'une façon informative dans un premier
temps, pour enclencher le système.
Pour ce qui concerne le contrôle juridique des emplois, les choses sont
à la fois mieux formalisées et moins bien faites. En effet, des
groupes de travail ont explicité depuis 1997 un certain nombre de
modalités de fonctionnement, notamment la sélection des actes
devant faire l'objet d'un contrôle a priori et la délivrance des
visas.
C'est très compliqué. Que doit-on soumettre a priori aux
contrôles financiers régionaux ? Comment doit-on le
transmettre, à partir de quelle pièce ? Faut-il des dossiers
très importants ? Quels seront les délais ? Un
contrôle financier ne peut pas bloquer la gestion d'un service, surtout
s'il s'agit d'un visa a priori. Il faut donc une capacité de
réponse extrêmement rapide.
Ces réflexions n'ont pas encore abouti de façon définitive
et vont se prolonger en 1999, avec une hypothèse intéressante
mais délicate qui est la délivrance d'un visa informatisé,
intervenant directement dans les bases de gestion. On gagne du temps et du
papier mais, en même temps, cela entraîne des conséquences
assez compliquées.
En conclusion, avec les dispositifs de contrôle des emplois, nous entrons
dans une nouvelle logique de fonctionnement. Le ministère de
l'éducation nationale devrait désormais pouvoir gérer ses
effectifs et satisfaire ses besoins dans la transparence et dans
l'objectivité.
C'est un choix mais cela peut se faire. Pour que le contrôle financier
puisse exercer ses prérogatives, il faudra que ces objectifs soient
atteints, mais aussi compléter le dispositif sur trois points dont deux
sont techniques et l'un stratégique. Les points techniques sont :
- tout d'abord, l'extension de l'application micro "contrôle national des
emplois" au premier degré ; ce n'est pas fait aujourd'hui ;
c'est l'application Agape et les synthèses sont manuelles.
- ensuite, la généralisation du menu "paye" dans toutes les
applications afin d'avoir la garantie d'une identité entre les
informations traitées en gestion et en paye.
Par exemple aujourd'hui, vous pouvez avoir quelqu'un géré comme
un ATOS sur le 31-90 et qui sera payé sur le 36-60. Il n'y a pas
d'incohérence en tant que telle car les systèmes ne sont pas
liés et peuvent se développer différemment. De même,
les nomenclatures de catégories et d'individus ne sont pas identiques
entre la gestion et la paye. Nous recevons une source d'information autonome en
matière d'effectifs de la part de la comptabilité publique qui
est la comptabilisation des personnels payés chaque mois, mais c'est
inexploitable car les biais de gestion ne permettent pas de faire le
rapprochement de la réalité et de cette comptabilisation.
Quand nous aurons systématiquement des applications informatiques
intégrant le module paye, nous ne pourrons pas payer quelqu'un s'il
n'est pas géré et nous aurons la même information d'un
côté comme de l'autre. D'où une objectivité totale
du système.
La troisième évolution est stratégique. C'est
l'élargissement du dispositif à l'ensemble des chapitres assurant
la rémunération de personnels sur emploi, afin d'avoir
l'exhaustivité et donc l'étanchéité du
système.
Ces évolutions exigent une réelle volonté politique de la
part de l'ensemble des parties prenantes. Elles nécessitent aussi
l'élaboration de procédures nouvelles et la construction d'outils
informatiques adaptés.
Sur le plan de la démarche, la maîtrise d'une telle
opération, complexe, passe par la constitution dès le premier
trimestre 1999 (ce n'est pas encore mis en place mais ce le sera d'ici la fin
du premier du trimestre) d'un groupe de pilotage réunissant les
administrations centrales de l'éducation nationale et des finances, les
services rectoraux et le réseau de contrôle central et
régional.
Ce groupe tentera d'apporter des réponses de principe et des
réponses pragmatiques qui se poseront au fur et à mesure que le
système montrera ses difficultés et que l'on identifiera les
problèmes.
M. Le Président -
Merci Monsieur le contrôleur.
Nous restons sans question. Pourriez-vous nous communiquer votre
document ? Cela nous aidera.
M. Jacques Bachelin -
Bien entendu.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Je
soupçonnais déjà la complexité, pour ne pas dire
l'opacité du système, mais je ne croyais pas que c'était
à ce niveau. Vous nous avez dit qu'il fallait améliorer la
connaissance et la maîtrise des effectifs et vous nous donnez quelques
pistes. Seulement, c'est difficile car on ne connaît pas les effectifs.
Le système mis en place permettra-t-il, au moins tous les mois, de
s'assurer de la conformité des décisions prises ? Cela
permettra-t-il d'éviter les dérives ?
On ne pourra plus payer quelqu'un qui n'est pas géré, avez-vous
dit. Cela veut-il dire qu'aujourd'hui, qu'on peut payer quelqu'un qui n'est pas
géré ?
M. Le Président -
Que veut dire "gérer
quelqu'un" ?
M. Jacques Bachelin -
Je parle de gérer dans les bases
informatiques. Aujourd'hui, nous pouvons faire des payes manuelles, afin qu'une
personne non intégrée dans le système puisse être
payée, car elle est recrutée.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Ce n'est
pas dans le sens administratif ou hiérarchique du terme.
M. Jacques Bachelin -
S'il y a cette coïncidence entre la
gestion informatique et la paye, il y aura adéquation entre postes
délégués et postes occupés et si l'on ne paye que
les gens qui sont dans le système, on aura une identité entre les
gens payés et ceux occupant des postes en conformité avec les
postes délégués.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Ce n'est
pas le cas.
M. Jacques Bachelin -
L'informatique n'est pas bouclée.
Dans certaines académies, le module paye est associé au module de
gestion, mais ce n'est pas généralisé.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
La
déconcentration améliorera-t-elle le système ou le
complexifiera-t-elle encore davantage ?
M. Jacques Bachelin -
Je ne suis pas un spécialiste de
la déconcentration. Il me semble que cela ne peut que favoriser les
choses, dans la mesure où les dossiers individuels seront traités
plus rapidement sans faire l'aller-retour avec l'administration centrale.
M. Jacques Legendre -
Je ne suis pas sûr d'avoir tout
compris, tant tout ceci est complexe. Si jusqu'ici c'était presque la
nuit, vous avez à peu près achevé de mettre en place des
procédures devant permettre d'y voir plus clair. Notre réflexion
arrive donc un peu tard car les choses devraient être marquées par
la clarté.
M. Jacques Bachelin -
C'est un problème de temps. Je ne
pense que ce dispositif de contrôle des emplois puisse être
opérationnel dans sa réalité avant un certain temps.
M. Le Président -
Pouvez-vous être plus
précis ?
M. Jacques Bachelin -
J'espère que fin 1999, nous
pourrons faire fonctionner le premier volet de la comptabilisation des
effectifs et l'agrégation de ces informations.
Ensuite, il faudra plusieurs années pour que le système soit
totalement fiabilisé, étanche et que les contrôles
financiers régionaux puissent pratiquer les contrôles et visas a
priori sur les actes de gestion.
En effet, il faut former les contrôleurs financiers. Le contrôle
des effectifs est beaucoup plus compliqué que celui des crédits.
Des gens s'en vont, d'autres reviennent. Une vacance est une notion très
fluctuante. Il faut des systèmes, des procédures, les faire
fonctionner, c'est très délicat. Surtout, il ne faut pas bloquer
le système.
M. Le Président -
Ma remarque porte justement sur ce
point. Supposons que votre système soit parfaitement transparent,
aveuglant de clarté, ne risque-t-on pas de bloquer la machine ? Le
recteur, qui doit faire face à des situations concrètes parfois
délicates, aura-t-il les moyens d'en sortir ?
M. Jacques Bachelin -
C'est une des questions fondamentales
qu'il faut se poser, indépendamment de la construction technique du
système.
S'il est constaté des surnombres dans une académie, par exemple,
cela ne veut pas dire grand-chose en tant que tel car nous pouvons avoir des
vacances dans l'académie voisine. En conséquence, il faut
définir la notion de surnombre, probablement sur un plan national.
Le danger numéro un serait d'utiliser brutalement un système et
d'avoir une vision très étriquée en faisant des refus de
visas car il y aurait deux oreilles de plus. Si nous devions en arriver
là, il faudrait s'arrêter tout de suite.
Le but du jeu n'est pas de limiter la capacité d'action du recteur. Si
une classe n'a pas de professeur, il est évident que c'est une
priorité pas rapport à autre chose. L'importance est de faire en
sorte que cette situation soit connue et d'en tirer les conséquences.
L'intérêt est d'avoir un retour et de savoir qu'à un
certain moment, nous avons des surnombres justifiés par des besoins,
bien évidemment.
Cependant, soit nous saurons si ces besoins auraient pu être
résolus différemment, avec des moyens optimisés et le
ministère aura alors la possibilité de se mobiliser d'une
façon plus efficace ; soit nous saurons si ces moyens n'étaient
pas suffisants.
M. Le Président -
Votre dispositif peut avoir
l'avantage de mieux informer le Parlement de la situation réelle et des
besoins, quand il prend ses décisions budgétaires. Actuellement,
les informations que nous avons ne sont pas d'une très grande
précision.
M. Jacques Bachelin -
L'intérêt du dispositif du
contrôle des emplois est de donner des informations. C'est autre chose de
savoir ce que l'on en fait après.
M. Jacques Legendre -
Il me vient une idée quant
à l'illustration que nous pourrions donner de notre rapport : il y
a au Sénat un tableau où chacun sait que le nombre des pieds des
soldats ne correspondent au nombre de ces soldats. C'est bien la situation de
l'éducation nationale !
(Rires)
M. Le Président -
Cela peut faire un titre.
Merci.
AUDITION DE M. JEAN-CLAUDE LEBOSSÉ,
INSPECTEUR
GÉNÉRAL DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(10 FÉVRIER
1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Jean-Claude Lebossé.
M. Adrien Gouteyron, président -
Mes chers collègues,
nous accueillons aujourd'hui M. Jean-Claude Lebossé,
inspecteur général de l'éducation nationale, qui a
rédigé un rapport sur la présence des
établissements d'enseignement en zones rurales. C'est à ce titre
que nous allons l'écouter et lui poser des questions, sans oublier les
responsabilités qu'il a exercées pendant plusieurs années
au sein d'un cabinet ministériel de l'ancien Président de la
République. Il a donc une expérience intéressante, et nous
lui poserons toutes nos questions après l'exposé liminaire qu'il
voudra bien nous faire.
Monsieur Lebossé, vous disposez donc d'une dizaine de minutes pour
cet exposé qui servira d'introduction à nos échanges.
M. Jean-Claude Lebossé -
Merci,
Monsieur le Président. Tout d'abord, je vous présente
mes excuses pour mon retard résultant d'une manifestation rue de
Vaugirard.
Pour compléter ce que vous venez de dire, j'ai effectivement
été un collaborateur de l'ancien Président de la
République pendant cinq ans. Depuis quelques mois, je suis revenu dans
les cabinets ministériels puisque Jean Glavany m'a demandé
d'être chargé de mission depuis fin octobre. Je m'occupe de tout
et de rien, comme on dit, sur l'ensemble des dossiers sensibles.
M. le Président -
Ce sont souvent les gens importants qui
font cela...
M. Jean-Claude Lebossé -
Je suis également
élu local dans une zone urbaine de l'agglomération nantaise dont
les préoccupations sont relativement éloignées des
problèmes concernant les zones rurales.
Le rapport que j'ai présenté à
Mme Ségolène Royal à la fin du mois de
juin 1997 a été fait suite à la mission qu'elle
m'avait proposée un an auparavant, sur la question de l'école
rurale en milieu isolé. A la fin des années 1980,
début des années 1990, j'avais travaillé sur un sujet
similaire au cabinet de M. Henri Nallet, au ministère de
l'agriculture, où j'avais été chargé d'une mission
conjointe avec M. Pierre Maugé, inspecteur de
l'éducation nationale au cabinet de Lionel Jospin, à
l'époque ministre de l'éducation nationale, portant
également sur l'école rurale en milieu isolé.
Nous avions alors travaillé sur six départements
caractérisés comme étant des départements à
population dispersée ou peu dense.
J'avais ensuite abandonné ces questions lorsque j'avais rejoint le
cabinet du Président de la République, mais ce rapport venait
à un moment qui suivait la loi d'orientation sur l'enseignement
proposée par M. Lionel Jospin, qui tournait autour de l'idée
des trois cycles. Le rapport présenté à ce
moment-là par Pierre Maugé a été compris -ce
n'était d'ailleurs pas forcément ce qui était contenu dans
le rapport- comme l'idée qu'il fallait regrouper les structures
scolaires dans les toutes petites communes ; l'idée ressortait que
toutes les écoles à classe unique étaient plutôt
négatives au plan de la qualité pédagogique. Cela
n'était pas dit dans le rapport, mais avait été compris de
cette façon.
Autour de cela, il y a eu l'idée d'un mouvement de regroupement des
écoles et des classes. Cela a donné lieu à quelques
regroupements dans des départements où l'enquête avait
été faite. Il y a eu ensuite un mouvement contraire de balancier
avec le gel des fermetures d'écoles dans le cadre du moratoire
instauré sous le gouvernement de M. Balladur.
Compte tenu de ces allées et venues des pouvoirs publics, indiquant
parfois qu'il fallait insister uniquement sur l'aspect "qualité de la
pédagogie", parfois exclusivement sur l'aspect "aménagement du
territoire", j'avais l'impression qu'une épée de Damoclès
pesait sur les acteurs de l'école en milieu rural. Ils ne savaient
jamais si la structure scolaire dans laquelle ils travaillaient pouvait
être assurée de pérennité.
S'ajoutant à cela, on se demandait aussi si, pour une bonne
qualité pédagogique, il fallait des écoles à
plusieurs classes, un nombre minimum d'élèves par classe etc. A
un moment donné, les spécialistes affirmaient qu'il fallait une
structure minimum pour obtenir une certaine qualité.
Ces débats ont été tranchés de diverses
façons. Peu à peu, on est arrivé à un certain
consensus. Des enquêtes faites par l'éducation nationale ont
montré que, au moins pour l'école primaire, et pour les
premières classes des collèges, dans les matières
fondamentales, on ne trouvait pas de différence de niveau entre les
élèves issus d'écoles à classes uniques ou à
classes multiples.
Finalement, on pouvait dire que l'efficacité pédagogique devait
être mis en arrière plan, mais que la pérennisation de ces
établissements demeurait.
Par ailleurs, la mission que j'ai menée ne portait pas sur
l'école rurale en général. Je suis élu dans l'ouest
de la France ; si je prends mon département de la Loire-Atlantique,
ou la Vendée, la ruralité n'a pas d'effet sur la taille des
établissements. On a un milieu rural dense, où les écoles
ont des classes multiples, et dont les effectifs sont à peu près
identiques à ceux que l'on connaît en zone urbaine.
Mon enquête a porté sur les zones rurales à population peu
dense, ou zones rurales isolées, où existe un problème
d'effectifs et de maintien des effectifs. La question est de savoir s'il faut
maintenir ou non les structures.
Pendant une période, on était dans une logique où il
fallait fermer toutes les écoles à petits effectifs pour les
regrouper ; ensuite on est passé au discours inverse, selon lequel
il fallait maintenir toutes les écoles existantes, dans le cadre du
moratoire. Une solution extrême dans un sens ou dans l'autre n'est pas
bonne.
En outre, la responsabilité revenait souvent au ministère de
l'éducation nationale qui décidait, via l'inspection
académique, de maintenir ou fermer les établissements et, d'une
certaine manière, décidait de la déresponsabilisation des
acteurs locaux, des élus qui, lorsque l'école fermait,
considéraient que la responsabilité en revenait à
l'éducation nationale et non à eux-mêmes ni aux acteurs
locaux.
Les propositions que j'ai faites -fondées sur les constats sur lesquels
nous pourrons revenir-, visaient à passer à une politique de
projet dans ce domaine. L'école en milieu rural isolé ne
fonctionnera pas sans l'appui et l'engagement des acteurs locaux, mais à
partir d'un engagement de tous les acteurs et à partir de projets.
Dans ces zones, les enseignants, sont souvent relativement isolés.
Certains sont à l'image de la population, de plus en plus urbaine.
Souvent, ils n'ont pas choisi de venir travailler dans ces zones rurales
isolées. A partir de là, on constate qu'il y avait dans ces
zones, comme dans d'autres zones urbaines connaissant des difficultés,
un taux de rotation des enseignants très important. D'abord, parce
qu'ils n'avaient pas choisi ; ils arrivaient dans un milieu qu'ils ne
connaissaient pas, et s'intégraient donc plus faiblement dans ce milieu.
Souvent, dans ces zones isolées, les enseignants sont plutôt en
fin de carrière ; ils correspondent encore, pour certains d'entre
eux, à l'image classique de l'instituteur en même temps
secrétaire de mairie, mais cette image est en train de
disparaître. D'autre part, on avait des enseignants relativement jeunes,
restant peu de temps dans ces structures. Il y avait donc un problème de
pérennité et de mise en oeuvre des projets pédagogiques.
Certains parents d'élèves disaient vouloir une structure scolaire
relativement proche ; en réalité certains d'entre eux,
lorsqu'ils le souhaitaient, faisaient en sorte que leurs enfants ne soient pas
scolarisés sur la commune même, mais souvent sur le chef-lieu de
canton (lorsqu'ils avaient les moyens de conduire leurs enfants à
l'école du chef lieu de canton).
J'ai rencontré un certain nombre d'élus ruraux, la
fédération française des maires ruraux, qui
présentaient un discours très volontariste sur le maintien de
l'école en milieu rural. Mais en discutant avec eux, on s'apercevait
qu'aucune commission n'avait été mise en oeuvre par cette
fédération pour revoir les conditions du maintien de ces
écoles. Comme on était dans une logique où la
responsabilité revenait à l'Etat et à ses administrations
déconcentrées, on protestait mais finalement on acceptait que
l'école disparaisse.
L'idée développée, à la fois pour l'école
primaire et aussi pour les collèges, était de passer à une
politique de projet, de faire en sorte que s'investissent, autour d'un projet
d'école en zone rurale, non seulement l'éducation nationale mais
encore les élus, le milieu associatif, de façon à ce que
le projet puisse pallier les manques que connaissent les enfants en zone
rurale, notamment au plan périscolaire.
Sur les enseignements fondamentaux, il n'y a pas de différence, mais
l'accès au sport ou à la culture sont plus difficiles parce que
les temps de déplacement sont plus longs. Les communes elles-mêmes
ne sont pas toujours en mesure de mettre en place ces activités que l'on
retrouve en milieu urbain. Cela pouvait être aussi une situation de
maintien de ces écoles en zone rurale. Autour de l'école, il faut
que les collectivités territoriales et le milieu associatif se
mobilisent.
En ce qui concerne la restructuration, pendant un certain temps, il y a eu la
logique des "regroupements pédagogiques intercommunaux",
centralisés ou décentralisés. Dans certains projets,
plusieurs communes regroupaient l'école en une seule commune, et on
avait alors des problèmes de temps de déplacement. Ou bien,
certains regroupements pédagogiques intercommunaux
déconcentrés, maintenaient une structure scolaire
spécifique dans les différentes communes : CP, CE1 et CE2
dans une commune, cours moyen dans une autre commune. Cela permettait à
certaines communes de maintenir une structure d'école, mais
n'évitait pas le problème du déplacement des enfants.
Sur cette notion de regroupements pédagogiques intercommunaux, le
rapport propose la constitution possible de réseaux d'écoles en
utilisant les nouveaux moyens de communication, permettant de maintenir des
écoles avec de petits effectifs. Dans ces classes à petits
effectifs, les enfants peuvent entrer en communication avec d'autres enfants
dans les autres classes, ceci permettant certains regroupements, et permettant
d'avoir accès à des moyens impossibles à obtenir en
restant dans des classes complètement isolées les unes des autres.
La question du déplacement et de l'hébergement a également
été abordée. Lorsque les pouvoirs publics décident
de fermer une école, cela se traduit par une économie, mais
aussi, immédiatement, et de manière directe, par une
dépense supplémentaire pour le conseil général qui
va devoir prendre en charge les déplacements des enfants. Il n'a jamais
été fait parce que cela dépend de budgets
différents, mais le solde net de ces économies et de ces
dépenses paraît intéressant à examiner. Certaines
enquêtes ont été faites, en particulier dans la
Nièvre je crois, montrant les économies et les dépenses
réalisées en regroupant l'ensemble des écoles ou en les
maintenant dispersées.
Une autre idée consiste aussi à dire que, dès lors que
l'on élabore un projet de restructuration du milieu scolaire, il
convient au préalable de réaliser un bilan budgétaire sur
les recettes et les dépenses supplémentaires. A partir de
là, il faut voir comment se répartissent les économies ou
les dépenses supplémentaires, ce qui n'a pas été
fait jusqu'à maintenant.
Concernant l'hébergement, on a assisté -en particulier dans le
secteur public- à une réduction progressive de la présence
des internats. Le secteur privé a maintenu des internats, en particulier
en zone rurale ; le secteur public les a progressivement
abandonnés. Pour un même nombre d'élèves, il y a
deux fois plus d'internes dans le secteur privé que dans le public.
Le fait qu'il y ait des internats a, d'une certaine manière,
favorisé ici et là l'augmentation des effectifs dans les
collèges du secteur privé. On n'en est plus à l'internat
traditionnel, ce sont des hébergements de qualité nouvelle, avec
des petits effectifs. L'intérêt de ces internats est de permettre
aux enfants, au lieu de se déplacer tous les jours, de pouvoir utiliser
ces longs temps de déplacement à des activités qu'ils
n'avaient pas le temps de faire. Il y a aussi l'idée, autour de ces
nouveaux internats, de pouvoir mettre en oeuvre des activités
périscolaires ou parascolaires que les enfants n'ont pas le temps de
faire par ailleurs.
Au niveau des collèges, des propositions ont été faites
pour voir comment on pouvait redéfinir une forme d'internat en zone
rurale. J'avais fait des propositions pour le primaire, mais cela pose quelques
difficultés : pour les enfants plus petits, mettre en place des
internats -même s'il s'agit d'hébergements nouveaux avec de petits
effectifs- pose problème. On pourrait imaginer, et j'en avais
discuté en particulier avec la fédération des foyers
ruraux, un hébergement de l'enfant un ou deux soirs par semaine sur le
lieu de l'école ; pendant ces soirées, il pourrait alors
bénéficier alors d'activités périscolaires
auxquelles il n'aurait pas accès en cas de déplacement.
Voilà, très rapidement, les diverses orientations qui ont
été proposées. Le rapport que j'ai présenté
à Mme Ségolène Royal a fait l'objet, au mois de
décembre, d'une circulaire d'application. Une grande partie des
propositions faites dans ce rapport ont été transformées
en circulaires et transmises aux recteurs et aux instituteurs
d'académie, et seront donc progressivement mises en place au cours de
cette année scolaire et de la suivante.
M. le Président -
Merci. Dans votre rapport, estimez-vous le
coût des mesures que vous proposez ?
M. Jean-Claude Lebossé -
Je n'ai pas
procédé à une analyse quantitative du coût. J'ai
beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait avoir une démarche
"coût/avantage" sur toutes les décisions prises. Comme je l'ai
indiqué, on s'aperçoit souvent que lorsque l'Etat décide
de fermer une école, cela se traduit pour lui par une économie,
mais génère pour l'économie territoriale une
dépense généralement supplémentaire à
l'économie ainsi réalisée.
Lorsque l'on fait une proposition de regroupement ou de maintien, toutes les
institutions concernées par cette décision doivent pouvoir
analyser les coûts et les économies. S'il y a coût
supplémentaire, il faut voir comment partager ces coûts. Si l'on
maintient une école, il y aura alors un projet pédagogique autour
de ce maintien. Si l'on décide de fermer un établissement, il
faut voir comment l'économie générée par l'Etat
peut être en partie redistribuée aux collectivités
territoriales, par les dotations globales de fonctionnement en particulier,
afin que la répartition puisse bénéficier au
département qui va devoir prendre en charge les déplacements.
Mais je n'ai pas fait d'analyse globale de l'ensemble des coûts.
M. Francis Grignon, rapporteur -
L'objet de notre
commission d'enquête étant d'analyser en détail les emplois
de l'éducation nationale, mes questions seront très
précises. Je ne sais pas si vous pourrez y répondre maintenant,
ou si vous le ferez par la suite.
Aujourd'hui, à partir de combien d'élèves ferme-t-on une
classe unique ? D'autre part, quel est actuellement le nombre
d'écoles à classe unique dans le pays, et quelle est la moyenne
des élèves dans ces classes uniques ? Ceci pour essayer
d'apprécier la situation d'un point de vue économique, purement
théorique, sans préjuger des décisions de ce que cela
implique.
Ensuite, quel est le taux d'absence des enseignants à classe
unique ? Les remplacements sont-ils bien faits, et par qui ?
Voilà déjà une première série de questions
concernant le premier degré.
Pour le second degré, c'est-à-dire d'abord les collèges...
J'imagine que les petits collèges ont au moins quatre classes :
sixième, cinquième, quatrième et troisième.
Connaissez-vous le nombre de petits collèges existants, la moyenne des
élèves dans ces petits collèges, les absences et les
remplacements, puisque nous sommes ciblés sur l'utilisation des
emplois ?
M. Jean-Claude Lebossé -
Sur les premières
questions concernant le primaire, je n'ai pas de réponse précise
à vous donner, en particulier sur le nombre d'écoles à
classe unique. Ces statistiques existent au ministère de
l'éducation nationale.
En ce qui concerne le nombre d'élèves en-deçà
duquel on commence à réfléchir à la fermeture, il
faut d'abord prendre en compte la taille de l'école et celle de la
classe. Si on a moins de quinze élèves, en
général il y a une classe. Au-delà, on peut avoir deux
classes, mais en général à plusieurs niveaux.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Les classes uniques...
En dessous de combien d'élèves pour leur suppression ?
M. Jean-Claude Lebossé -
C'est variable. Sept ou
huit.
M. le Président -
En-dessous de neuf ?
M. Jean-Claude Lebossé -
C'est cela. Les
situations sont très diverses. En zone de montagne, où les
déplacements sont très difficiles, on accepte de maintenir des
classes uniques à un niveau plus faible parce que leur fermeture
entraînerait des déplacements extrêmement importants pour
les enfants. On raisonne plus en termes de durée du déplacement
qu'en nombre de kilomètres.
Pour les collèges, les dernières statistiques que j'avais
reprises montraient qu'il y avait, dans le public, 120 collèges de
moins de 100 élèves, et 200 collèges de moins de
100 élèves dans le secteur privé. Nous avons
même quelques exemples de collèges avec
30 élèves ; l'un d'entre eux (de quatre classes) a
été fermé l'an dernier, dans l'académie de
Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme. La fermeture avait
été décidée à la rentrée 1997,
elle a eu lieu en 1998. Cela pose un véritable problème.
Dans ces collèges , tout cela pose le problème du choix des
enfants. Il est bien entendu que s'y a une sixième, une
cinquième, une quatrième et une troisième, on ne va pas
offrir deux langues vivantes en sixième, par exemple. Il y a certains
cas où, même en quatrième, on n'avait pas toujours la
possibilité d'apprendre une seconde langue, c'était souvent la
première langue qui était renforcée.
Nous avons aussi des problèmes d'encadrement pour tout ce que l'on
appelle, à tort, les matières d'environnement : la culture,
l'éducation physique... pour lesquelles on a des difficultés
à mobiliser un enseignant. Ces tout petits collèges fonctionnent
encore beaucoup avec un corps en voie d'extinction, à savoir les
professeurs d'enseignement des collèges généraux (PEGC),
qui acceptent, parce que ce sont d'anciens instituteurs, d'enseigner plusieurs
disciplines. Avec le système de renouvellement du recrutement des
enseignants, ceci est beaucoup plus difficile à faire accepter. Un
enseignant titulaire du CAPES en français acceptera plus difficilement
d'enseigner le français, l'histoire et la géographie ; ce
sera la même chose avec un capésien de mathématiques si on
lui demande d'enseigner les mathématiques, la physique et la chimie.
Regardons comment se répartissent aujourd'hui les PEGC. Une grande
partie d'entre eux se trouvent dans ces petits collèges ruraux. Pourtant
ces personnes, en tant qu'anciens instituteurs, sont assez impliquées
dans le milieu.
Ce que je disais sur l'implication des enseignants en zone rurale isolée
se retrouve dans les collèges et dans le primaire. Le taux de rotation
dans ces petits collèges... On trouvera toujours des exceptions :
quelqu'un qui, issu d'un milieu urbain, a décidé de partir en
milieu rural, ou de revenir dans son pays. Mais souvent ces affectations ne
sont pas choisies.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Y a-t-il des taux
d'absence plus importants qu'ailleurs, et des remplacements plus
difficiles ?
M. Jean-Claude Lebossé -
Le taux d'absence n'est
pas plus important qu'ailleurs, par contre il y a des niveaux de remplacement
plus difficiles. Cela pose d'ailleurs beaucoup de difficultés :
dans une école à classe unique, lorsque l'enseignant est malade,
l'école ferme. Elle ne peut pas fonctionner, sauf si on trouve un
remplaçant.
Autre problème dans ces écoles : les soutiens scolaires sont
beaucoup moins présents que dans les zones plus peuplées. Les
réseaux d'aide scolaire sont peu présents. Dans ces zones, on a
un manque de véritables maternelles. On a beaucoup de classes
enfantines, à savoir des classes préscolaires, les enfants se
retrouvant souvent avec des enfants de CP ou de CE2. Nous sommes très
attachés à une scolarisation en maternelle
particulièrement. Or, il y a une véritable difficulté pour
les enseignants à s'occuper à la fois d'une scolarisation en
maternelle et d'une scolarisation en primaire.
L'une de mes propositions dans ce rapport consiste à créer un
corps d'enseignants bivalents, qui seraient affectés une
demi-journée pour créer de véritables sections de
maternelle. Le matin est le moment actif et effectif de l'encadrement des
petits enfants ; l'après-midi, ces enseignants pourraient
être utilisés pour du soutien scolaire dans les sections
primaires. Je crois d'ailleurs que Mme Ségolène Royal a
commencé à mettre en oeuvre cette proposition. Ce n'est pas
toujours très facile, car il faut trouver des enseignants volontaires.
Mais cela permettrait à la fois de résoudre le problème
d'un véritable enseignement maternel dans ces zones rurales, et aussi de
pallier le manque de soutien scolaire dans ces écoles.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Monsieur
l'inspecteur, vous avez commencé votre propos en indiquant que l'une des
raisons ayant motivé le rapport était une appréciation
portée sur la qualité de l'enseignement dans ces zones rurales,
dans ces classes uniques, dans ces petits collèges.
J'aimerais connaître votre point de vue, puisque vous avez
travaillé le sujet. Y a-t-il véritablement une qualité
d'enseignement moindre dans ces zones ? Nous sommes nombreux à
penser le contraire, nous aimerions donc avoir votre point de vue et savoir
s'il y a effectivement un problème de qualité dans les petits
établissements, voire dans les classes uniques.
Ma seconde question concerne le coût. Vous n'avez sans doute pas les
chiffres, mais j'aimerais que la commission sache ce que coûte
véritablement à l'Etat le maintien des classes uniques, en tenant
compte du ramassage scolaire. Je crois qu'il serait intéressant d'en
connaître le coût, de le comparer avec certaines autres
dérives qu'il nous semble avoir été constatées, et
de voir si il y a là un problème important de dispersion de
l'argent public dans l'éducation nationale.
Le dernier point porte sur les PEGC et ces collèges. Puisque les
professeurs refusent la bivalence, voire la polyvalence qu'avaient
accepté les PEGC, nous allons vers la fermeture des petits
collèges. Sans avoir des collèges à 30, il y a quand
même des collèges à 200, à 250, ayant une
utilité évidente dans les zones rurales.
Pensez-vous que l'abandon progressif de la bivalence, voire de la polyvalence
-les PEGC partant en retraite- va conduire à la disparition de ces
collèges, ou y a-t-il d'autres mesures à prendre ? N'y
a-t-il pas possibilité, au moins pour ces collèges, d'un retour
à une formule de type PEGC ?
M. Pierre Martin -
C'est un élément
incontournable pour les écoles, et en particulier en milieu rural. Quand
on dit qu'en classe unique la réussite n'est pas moindre qu'ailleurs, je
crois qu'on se base sur les connaissances à acquérir ; on ne
s'appuie pas sur un environnement. Vous parliez en effet de ce que l'on peut
apporter à travers le périscolaire. Il est évident que,
dans des classes uniques, il est impensable d'offrir ce que l'on peut offrir
dans des regroupements centralisés.
Vous parlez du coût. C'est vrai, pour l'Etat c'est un enseignant. Mais
pour une commune, il faut aussi poser la question de coût d'un
élève. A combien revient un élève dans une commune
où il y a six enfants dans l'école ? Cela aussi a son
importance.
Je pose la question de l'utilisation des moyens, que ce soit au niveau de
l'Etat ou des communes.
M. Xavier Darcos -
En ce qui concerne le moratoire, je
n'ai jamais vu de texte qui l'ait abrogé de manière
définitive. Je voudrais savoir ce qu'il en est effectivement. Est-ce par
incitation, par discussion ? Pour parler clairement, le moratoire
n'existe-t-il plus ?
Seconde question : qu'en est-il de cette nouvelle notion de "bassin
d'école" que l'on voit apparaître, qui semble se substituer au
regroupement pédagogique, et dont je n'ai pas compris exactement ce
qu'elle pouvait être ? J'aimerais savoir de quoi il est question
lorsqu'on parle de bassin d'école. Cela dit, les élèves
des classes uniques ont bien de la chance de ne pas avoir à subir le
parascolaire périphérique que subissent les élèves
dans les autres établissements. Au moins, ils font des choses
sérieuses, ils apprennent à lire, écrire et compter.
C'était une parenthèse.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Quelle est la
taille minimum souhaitée pour un collège, intégrant bien
sûr les frais fixes à la qualité de l'enseignement, et la
nécessité aussi de certaines options, notamment en matière
de langues ?
M. Jean-Claude Lebossé -
J'aurais dû
préciser deux éléments au début de mon
intervention. J'avais proposé cette mission à Mme
Ségolène Royal car c'était un dossier sur lequel on
se renvoyait des arguments. Je trouvais qu'il fallait sortir de ce
manichéisme.
L'école rurale tenait à la fois de la qualité et de
l'aménagement du territoire ; c'est un peu les deux. J'ai
essayé d'avoir une démarche non partisane sur cette
question ; c'est plus facile à dire qu'à mettre en oeuvre.
Autour de moi, j'ai constitué un groupe de travail dans lequel j'ai pris
l'ensemble des mouvances du milieu rural, que ce soient des élus ou des
parents d'élèves. J'ai volontairement exclu les acteurs directs,
dans ce groupe de travail je n'ai mis ni les parents d'élèves ni
les syndicats enseignants, qui ont été auditionnées par le
groupe mais ne faisaient pas partie du groupe, de façon à ne pas
avoir de prises de position
a priori
. Par contre, il y avait dans ce
groupe deux ou trois enseignants travaillant dans des écoles à
classe unique, et qui ont pu apporter leur position.
Deuxièmement, j'ai un peu abandonné ces questions depuis le mois
de novembre, actuellement je m'occupe plus des problèmes de
l'Agenda 2000 et de la loi d'orientation agricole que des questions de
l'école rurale. Je vais essayer de répondre à la question
sur les bassins d'écoles, mais ce sont des notions qui ont
évolué depuis le mois d'octobre.
Il faut examiner la question de la qualité avec circonspection : on
peut mesurer la qualité par des tests auxquels on peut donner une
fonction objective, encore que l'on sait très bien que les enfants en
classe unique dans tel ou tel bassin rural, n'ont pas les mêmes origines
sociales que des enfants de même âge en zone urbaine.
L'environnement a une grande importance sur ce genre de résultats. Si on
suppose que l'on peut éliminer tous ces biais, effectivement sur les
enseignements fondamentaux (orthographe, arithmétique), les
différences sont absolument insensibles. On s'aperçoit qu'en
arithmétique, si on prend les tests faits en CM1 ou CM2, la moyenne doit
être de 0,2 supérieure à celle en zone urbaine. Et de 0,1
si on compare les résultats des enfants en zone rurale et en zone
urbaine, classe unique ou non. Si l'on considère ces aspects-là,
il n'y a pas de différence significative.
Je reviens à ce qu'a dit M. Darcos, je n'ai pas bien compris sa
réflexion sur le parascolaire.
Il y a un vrai problème d'environnement. Les études
réalisées montrent qu'à la fin du CM2, à la fin de
la troisième, que les élèves soient dans des structures
à classe unique, des petites structures, des petits ou des grands
collèges, il n'y a pas de différence fondamentale sur les acquis
fondamentaux.
Il n'y a pas d'études contradictoires. A partir du moment où les
enfants quittent l'école primaire ou le collège, où
à chaque fois, en général, ils ont été dans
des petites structures, dans une sorte de cocon, bien encadrés,
lorsqu'ils passent en seconde, ou lorsqu'ils s'orientent dans des
filières professionnelles ou technologiques, ils se retrouvent
quasi-généralement (sauf pour ceux qui choisissent les maisons
familiales) dans des structures plus importantes. Ils quittent leur lieu de
résidence, ils s'éloignent un peu plus.
On constate que, pour les enfants issus de classes uniques ou de petits
collèges, le taux d'échec à la fin de la seconde serait
de 20 à 25 % supérieur. A quoi tient ce
taux ? Au fait que les enfants ont été
éloignés, ont quitté leur milieu, se retrouvent dans des
établissement plus importants.
Ce que disait Xavier Darcos m'interpelle un peu. Tout l'enseignement
périscolaire (c'est-à-dire l'accès à la culture, au
sport, etc.) n'est-il pas un élément qui manque aux enfants
entrant en seconde ? C'est un peu tout cela.
Quelles conséquences peut-on tirer de ce constat ? Il faut fermer
toutes ces structures qui aboutiraient à un taux d'échec plus
important ? Faisons en sorte que les enfants dans ces petites structures
bénéficient davantage de l'ouverture à la culture et des
activités sportives.
Parce que dans les communes ou dans les collèges, il n'y a pas une
diversité leur permettant d'avoir accès à toutes ces
fonctions, essayons de faire en sorte de pallier ces manques sans
forcément fermer ces structures. On peut le faire, mais
l'éducation nationale ne peut pas le faire seule ; il faut un
engagement de l'ensemble des acteurs sociaux. Nous devons voir comment
travailler avec une collectivité territoriale, avec les
départements ou les communes, avec le milieu associatif, de façon
à voir si en maintenant ces structures, les enfants peuvent avoir les
mêmes chances de réussite.
Sur la question des collèges, je ne sais pas si on peut
déterminer un seuil minimal. Je pense cependant qu'il faut
réfléchir à la pérennité des
établissements où il n'y a plus que trente élèves.
Faut-il s'arrêter à 90 ou à 100 ? Cela
dépend des conditions.
Mes propositions, qui ne sont pas novatrices, seraient les suivantes : que
ces établissements deviennent "multifonctionnels" ; maintenir ces
enseignants ; qu'ils soient de plus en plus
spécialisés ; les utiliser pour faire de l'enseignement dans
l'enseignement initial, mais aussi de la formation professionnelle et de
l'animation.
Cela nécessite des conventions entre l'éducation nationale et les
collectivités territoriales, afin qu'une partie des enseignants soit
utilisée le soir, comme une partie des équipements. Les
équipements informatiques, en particulier, ne sont utilisés que
quelques heures dans la journée par les élèves ; ils
pourraient l'être aussi par les adultes dans le cadre de certaines
activités.
Quant aux collèges et à la réhabilitation d'internats,
l'idée serait de permettre à ces collèges de devenir des
pôles d'animation rurale, alors qu'aujourd'hui ce sont souvent des
équipements, mais aussi des moyens humains, qui sont utilisés
sans efficacité optimale.
Si on raisonne uniquement "éducation nationale", l'efficacité
serait de décider que s'il n'y a pas vingt élèves et deux
sections, on ferme
.
Pour les élèves, il faut que ces
structures demeurent. Cela provoque un surcoût ; comment le
répartir sur d'autres activités ?
L'idée est d'établir une convention permettant au collège
de s'ouvrir, en évitant les dérives. Le collège s'ouvre,
mais il y a des limites. J'ai vu, pendant ma mission, quelques exemples d'un ou
deux principaux qui ont voulu le faire sans avoir vraiment l'accord des
collectivités territoriales ; les collèges devenaient en
quelque sorte des endroits où il se passait tout et n'importe
quoi ; les enfants ne savaient plus trop si c'était une
école ou un lieu d'animation continuelle.
Je crois que la solution est plutôt d'élargir l'utilisation des
moyens humains et des équipements, de façon à
éviter la fermeture de ces structures. On pourrait ainsi
bénéficier de ces structures et de ces moyens humains pour
d'autres besoins.
M. le Président -
Une dernière question très
générale, en vous demandant simplement votre avis ou l'expression
de votre opinion, même si cela n'est pas l'objet de votre rapport.
Pensez-vous que l'arbitrage (qui, de toute façon, se fait explicitement,
ou implicitement) entre les besoins des zones urbaines -avec leurs
difficultés, la violence, etc - et ceux, moins évidents mais
réels, des zones rurales, se fait correctement, clairement ? Vous
êtes-vous penché sur ce problème ? L'arbitrage se
fait, forcément.
M. Jean-Claude Lebossé -
L'arbitrage se fait au
niveau de l'inspection d'académie. Lorsque l'inspecteur
d'académie a le choix entre fermer une classe en zone rurale -cela
dépend du lieu de cette fermeture- et permettre de réduire les
effectifs dans des zones urbaines difficiles, je crains que l'arbitrage ne se
fasse souvent en faveur de la zone urbaine. Certains problèmes se
concrétisent par des manifestations, et le choix va souvent se faire
dans ce sens.
Le moratoire n'a pas été supprimé, j'étais
d'ailleurs opposé à sa suppression. Il fallait d'abord mettre en
place cette notion de projet de conventionnement, et progressivement, autour de
cela, supprimer le moratoire.
J'ai pu constater l'un des aspects négatifs du moratoire dans mes
déplacement dans certains départements où la notion
d'école et de classes "moratoires" avaient pris une connotation assez
négative : on disait que cela faisait un peu "mouroir". Tant que le
maire n'a pas demandé la fermeture de l'école, on ne ferme pas.
Mais vous n'avez plus aucune initiative, plus aucun projet pédagogique.
Le regroupement global ou le maintien à tout prix ne sont pas les bonnes
solutions. Je ne crois pas beaucoup à l'idée que la fermeture de
l'école conduise à la mort du village. Malheureusement, à
mon avis, quand on a fermé l'école du village, c'est que le
village n'était plus en très bonne santé.
Il faut donc mobiliser tout le monde, afin qu'il y ait adéquation entre
discours et pratique. Combien de parents d'élèves ai-je entendus
qui voulaient à tout prix maintenir l'école et qui critiquaient
les menaces de fermeture ? Et je m'apercevais que ceux qui critiquaient le
plus ne mettaient pas leurs enfants dans l'école du village, y compris
certains élus !
Il faut que tout le monde prenne ses responsabilités. Ce n'est pas
l'éducation nationale qui, seule, va régler le problème de
l'école en zone rurale. La collectivité territoriale doit
également s'en occuper, à la condition aussi que
l'éducation nationale accepte de s'ouvrir un peu et de discuter avec les
collectivités territoriales. Il y a des frilosités et des
pétitions de principe de certains syndicats enseignants souhaitant que
l'enseignant reste uniquement dans une tâche enseignante.
Je crois à la polyvalence des services publics en zone rurale, et c'est
la même chose pour l'école. Je pense qu'on ne pourra maintenir et
renforcer nos fonctionnaires et nos équipements en zone rurale que si
l'on accepte une certaine polyvalence, à la fois des moyens humains et
des équipements.
M. le Président -
Je vous remercie.
AUDITION DE M. JEAN-LOUIS
GUIGOU,
DÉLÉGUÉ DE LA DATAR (DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE)
(10 FÉVRIER
1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jean-Louis Guigou.
M. Adrien Gouteyron, président -
Je vous renouvelle mes
excuses ; je suis obligé de vous quitter pour présider la
commission des affaires culturelle qui reçoit M. Allègre. Je
vous laisse avec mes collègues sous la présidence de
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président de la commission
d'enquête. Je me tiendrai informé de ce qui se sera passé.
Monsieur Guigou, vous avez la parole pour un propos introductif d'une
dizaine de minutes avant les questions.
M. Jean-Louis Guigou -
. Monsieur le Président,
merci. Je regrette votre départ, mais la qualité des personnes
ici présentes l'atténuera.
Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, vice-président
M. Jean-Louis Guigou -
J'ai
été
surpris de recevoir l'invitation de votre Président à me rendre
à cette commission, ce domaine ne relevant pas de ma compétence.
J'ai un certain nombre d'attributions sur l'aménagement du territoire,
mais je ne me sens pas directement concerné. C'est la raison pour
laquelle, si vous m'y autorisez, dans ce laps de temps relativement restreint,
je ferai un exposé en amont par rapport aux questions que vous vous
posez et je déboucherai sur un certain nombre de questions sur la
gestion des personnels.
En guise d'introduction, ma conviction est que l'aménagement du
territoire change de nature, que nous sommes de plus en plus sur le
développement des territoires et, qu'après une longue
période où nous avons fait des infrastructures, des routes, des
autoroutes, de grands équipements lourds, les aspects immatériels
(et notamment les aspects d'éducation et de recherche) deviendront de
plus en plus prioritaires. Les entreprises recherchent des espaces attractifs
et la qualité de la main d'oeuvre y est pour beaucoup.
L'enseignement, la recherche, l'éducation, vont devenir des
éléments essentiels. C'est là l'objet de mon introduction.
Essentiels, pour deux raisons : tout d'abord, pour spécifier
l'attractivité des territoires. Dans un monde où tout est mobile
(mobilité des hommes, des activités, des capitaux et des
marchandises), si vous n'avez pas de territoires attractifs, ce n'est pas la
peine de travailler.
Ce ne sont pas nécessairement des échangeurs d'autoroutes qui
rendent les territoires attractifs. Ce sont l'environnement, la culture, la
paix sociale, la qualification de la main d'oeuvre, la proximité des
universités... Et je me plais à dire que les universités
seront, pour le 21ème siècle, comparables à ce que
furent au 19ème siècle les gisements de charbon et d'acier.
Les entreprises viennent à proximité des universités car
il y a là de la recherche, de l'innovation et du personnel de
qualité.
Seconde considération : toujours dans l'attractivité des
territoires, l'éducation et la recherche, c'est-à-dire les
économies externes. Il est surprenant de constater que les petites,
moyennes et grandes entreprises sont obligées de faire appel à
toutes les économies possibles dans la compétition mondiale.
Or, il y a deux gisements d'économie : tout d'abord le gisement des
économies d'échelle internes, la productivité du travail
et du capital ; ensuite, ce que nous avons longtemps ignoré, et que
l'on appelle les économies externes. Les Allemands sont passés
maîtres dans la production d'économies externes. C'est tout
l'environnement des entreprises, qui comprend la formation de la main d'oeuvre,
l'innovation, les centres de transfert de technologie ; tout cela est la
base de la qualification de la population. Il ne fait aucun doute que
l'éducation nationale (et le système de formation) est un grand
producteur d'économie externe ; les chefs d'entreprises en sont
très friands.
Troisième considération : les services publics et les
services d'Etat. Depuis le CIAT du 15 décembre, le premier ministre
a demandé à la DATAR de faire un effort considérable sur
l'ouverture, la fermeture, la réorganisation des services publics et des
services collectifs.
Cette gestion est délicate. Fermeture des lycées, des
écoles, des postes, des hôpitaux... Il ne fait aucun doute que
certains services de quotidienneté ne sont pas au premier rang dans
l'attention qu'ont les élus à leur égard, mais il y a la
santé et l'éducation, et les élus sont très proches
de la répartition de ces systèmes publics. Il y a donc une forte
attente des élus et de la population.
Après cette brève introduction, j'insisterai sur le contexte dans
lequel nous devons situer votre réflexion et les propositions que vous
devez faire. La France présente le contraste suivant : il y a de
moins en moins de situations moyennes. Nous devons gérer deux espaces
extrêmes, à savoir les espaces ruraux en voie de
dépopulation et les espaces de banlieue et de quartiers, en voie de
surconcentration et aussi de dégradation.
Donc, la France ne peut plus gérer une situation moyenne de
cent habitants au kilomètre carré. Nous sommes de plus en
plus attirés par ces deux pôles extrêmes, extrêmement
délicats et difficiles. Toute loi, toute politique sur une ville
moyenne, un espace rural en général, serait condamnée
à une moindre efficacité. Il faut prendre en considération
ces deux espaces extrêmes, à savoir la forte densité dans
les banlieues, et une très faible densité avec vieillissement
dans les 425 cantons. Nous attendons avec impatience le recensement 1999 de
cette fin de siècle.
Aux dernières informations, 425 cantons sur 3800 sont en perte
constante de population et de vieillissement. Dans le même temps, les
246 quartiers traités par Claude Bartholone, font l'objet des
contrats de ville. Nous devons gérer -c'est un défi à
l'intelligence- les 250 quartiers difficiles et les 425 cantons en
voie de dépopulation. Contraste formidable !
J'étais hier avec le sénateur Besse, qui me racontait ce qui
se passe dans le Cantal ; dans le même temps je recevais des gens de
Seine-Saint-Denis. Chez eux, c'est la jeunesse qui est en train de les
perturber. Trop de jeunes couples venant à Paris, qui procréent,
beaucoup de jeunes dans les banlieues et,
a contrario
, un
vieillissement. Si nous ne savons pas nous adapter, et si l'éducation
nationale doit traiter une norme et se tenir à un niveau moyen, nous
sommes dans l'échec. Ce que je dis pour l'éducation nationale se
retrouve pour les hôpitaux. Nous venons d'apprendre que nous avons un
déficit chronique important sur les hôpitaux pour les personnes
âgées.
Deuxièmement, concernant les zones rurales en particulier, pour ces 425
à 430 cantons, nous nous trouvons face à la situation
suivante : deux logiques très fortes s'affrontent, avec des groupes
de pression, et il nous semble que ni l'un ni l'autre ne sont dans le vrai.
La première logique est celle du ministère : au nom de la
rentabilité et de la qualité peut-être, on ferme des
écoles en milieu rural. On ferme, jusqu'à atteindre des villes de
2 000 à 3 000 habitants à partir desquelles on peut
stabiliser le retrait des services publics, et en particulier de
l'école.
L'autre logique, plutôt celle des élus, est celle anciennement du
moratoire : on fige tout, on vitrifie le territoire, et on veut maintenir
les écoles en milieu rural. Il nous semble que l'une et l'autre de ces
politiques nous condamnent à l'échec. L'une recherche le maintien
et la proximité, et l'autre la rentabilité et
l'efficacité. Il faut chercher des voies moyennes.
D'une manière générale, les enquêtes nous montrent
que sur le service d'Etat et les services publics -ce que je dis pour
l'école vaut pour les hôpitaux- nos concitoyens, contrairement aux
élus, sont de plus en plus enclins à préférer la
qualité à la proximité ; les élus, pour des
raisons d'emploi, pour des raisons multiples, se battent encore avec leur
logique sur des thèmes de proximité.
Si l'école veut être une école de qualité, elle doit
déboucher sur un modèle différent d'ouverture, de
contractualisation, de diversification et de pluri-activité.
Troisièmement, dans les zones urbaines fortement denses, la
mixité est la grande absente de ce débat. La
ségrégation est poussée à l'extrême entre
lycées : d'un côté des enseignements de qualité
avec des élèves de qualité, et de l'autre
côté, des lycées avec des enseignants de moindre
qualité, des bâtiments de moindre qualité, et des
catégories sociales défavorisées. Ce dualisme prend des
proportions maintenant insupportables, et soulève l'angoisse des
parents, la désapprobation du personnel et, bien évidemment, le
désaveu des élus. Et, pour nous tous, ce problème de la
non-mixité est un défi.
Quatrièmement, les propositions de la DATAR : nous avons un certain
nombre de solutions ou de préconisations, aussi bien pour les zones en
voie de dépopulation que dans les zones de forte densité,
même si nous avons davantage l'habitude de travailler dans le rural que
dans l'urbain de forte densité.
En premier lieu, nous devons porter une attention particulière au
problème du périscolaire de qualité. C'est-à-dire
que l'enseignement ne doit pas se limiter au sens strict à la fonction
éducative mais, puisqu'il y a souvent des déficits des familles
et un environnement peu propice, l'enseignement et l'éducation doivent
s'intéresser aux problèmes périscolaires.
Deuxièmement, les projets et la contractualisation. Pour nous, un
élément est essentiel : savoir comment, à partir des
projets d'établissements, tenant compte des contextes local et
sociologique, peuvent déboucher sur des contrats. Nous tenons beaucoup
à la procédure de contractualisation. Pour le moment, ces
procédures ne sont pas toutes incluses -loin s'en faut- dans les
contrats de plan Etat-régions et dans les contrats de pays ou
d'agglomération que nous n'avons pas encore mis en place.
Cela dit, nous voudrions faire un effort pour que, sur la période
2000-2006, nous offrions à l'ensemble des élus
intéressés par ces sujets, une période de
contractualisation à l'intérieur des contrats de plan, des
contrats de pays et d'agglomération.
Troisième préconisation : les problèmes de mise en
réseau pour rompre l'isolement des maîtres
.
Cette mise en
réseau par l'intermédiaire des nouvelles technologies est une
chose que nous pratiquons par l'intermédiaire des appels à
projets. Le fait est que nous devons, avec les élus, effectuer des
pressions assez fortes sur les parents pour que la scolarisation des enfants se
fasse dès l'âge de deux ans. Dans ces milieux assez
défavorisés, les enquêtes statistiques nous montrent que
lorsque les enfants sont scolarisés à partir de deux ans, on
arrive à pallier les déficits de l'environnement, et
qu'après les enfants suivent bien.
Une idée nous tient également à coeur, à savoir
l'ouverture, la diversification des lieux d'enseignement. Comment faire qu'en
milieu rural ou urbain, l'école devienne un lieu d'accueil
réservé en priorité pour sa fonction centrale, mais aussi
très ouverte sur la pluri-activité ? Comment faire pour les
enfants issus de classe unique ou les enfants issus de petits
collèges ? Comment faire en sorte que le soir ces
établissements se transforment en maisons de la culture ? Comment
faire en sorte que du matériel informatique utilisé dans la
journée puisse être utilisé le soir par les parents, pour
la formation professionnelle ? Comment faire en sorte que des lieux
d'établissement et de formation soient couplés avec des
activités culturelles du ministère, avec des
bibliothèques, des nouvelles technologies ?
On peut aboutir à des systèmes de pluri-activité. C'est
une idée que nous défendons dans les contrats de plan. Si
l'école reste 100 % école, si l'hôpital reste
100 % hôpital, si la Poste reste uniquement Poste, alors nous serons
obligés d'aller rechercher des pôles-centres assez importants pour
viabiliser et rentabiliser ces fonctions. Si, par contre, nous acceptons, et
avec nous, les salariés et les ministères, la
pluri-activité et le mixage des actions qui, au départ, peuvent
être publiques-publiques, on pourrait admettre le mixage
public-privé. Quand le buraliste " fait bistrot " et vend des
timbres-poste, des timbres fiscaux ou des vignettes, il est bien l'agent du
Trésor.
Nous savons que l'éducation nationale, dans les milieux les plus
défavorisés, faiblement ou fortement densifiés -je pense
à Poitou Charente, chez M. Raffarin- trouve des formules
très originales que nous voudrions contractualiser et élargir.
Cinquième point : les actions de la DATAR portent notamment sur la
contractualisation. Nous voudrions que, dans les prochains contrats de plan
Etat-régions et dans les contrats d'agglomération et de pays, les
volets éducation et éducatif soient très fortement
développés.
Deuxièmement : nous menons des actions à l'interface entre
lycées et milieux socioprofessionnels, P.M.E./P.M.I. Cette
opération se fait avec des académies pilotes. C'est exemplaire.
Je l'ai vue fonctionner en Poitou-Charente. Il s'agit de mettre en relation les
professeurs de lycées professionnels (tourneurs, comptables, professeurs
très spécialisés dans des métiers), avec les
entreprises de petite taille qui sont proches. Ces entreprises de petite taille
ne peuvent pas se payer de grands ingénieurs sortant des grandes
écoles, souvent trop chers. Nous mettons là en relation les
P.M.E./P.M.I. avec les lycées professionnels. Nous avons toujours eu
énormément de succès dans ce mixage et ce rapprochement.
Troisièmement, nous avons lancé des appels d'offres sur les
nouvelles technologies. Nous avons mis deux fois 10 millions. Ce fut un
succès. Tout d'abord, une première opération a
été ouverte à tous les établissements, consistant
à mettre en réseau les établissements de façon
à ce que les enseignants comme le personnel d'encadrement puissent
dialoguer et échanger.
A l'heure actuelle, 2 600 établissements sont connectés
entre eux et font du télé-enseignement. Dans les appels à
projets, 600 écoles sont interconnectées. C'est
considérable. Les enseignants ne sont donc plus isolés.
Le deuxième appel à projet de 10 millions consiste à
mettre en relation les écoles maternelles et primaires de façon
à ce que leurs, souvent isolés, puissent échanger leurs
programmes, leurs expériences, leurs succès et leurs
échecs.
Je termine sur une idée qui me tient à coeur, et que je vais
proposer au ministre. Je veux monter un groupe de réflexion prospective
sur "enseignement et territoire" car je suis persuadé qu'après la
période des bâtisseurs et de la construction des grandes
infrastructures, nous avons une réflexion prospective à mener sur
l'avenir.
Je terminerai bien modestement sur les questions de personnel, sachant que ce
domaine n'est pas de ma compétence, et j'avance donc avec prudence sur
le sujet qui est essentiellement celui qui vous tient à coeur.
Je vous fais part de quelques idées : la première est de
mieux adapter la formation des enseignants, à travers les instituts
universitaires de formation des maîtres (IUFM), à ces deux espaces
extrêmes que constituent le rural en voie de dévitalisation et les
banlieues. On n'envoie pas des enseignants quelque part sans les
prévenir de ce qui les attend. On n'est plus dans un espace moyen avec
des écoles moyennes et un environnement normal ; on est dans des
situations délicates. Il faudrait donc que les IUFM les forment.
Deuxième idée que nous nous permettons de suggérer :
la poursuite de la déconcentration du mouvement des enseignants pour les
lycées et les collèges. Notre opinion tient compte de notre
expérience. Il nous semble que, jusqu'à il y a une dizaine
d'années, l'offre d'enseignement était adaptée à
une demande d'enseignement à peu près homogène sur le
territoire. Il était normal que l'offre d'enseignement soit uniforme par
rapport à une demande à peu près moyenne et
homogène sur l'ensemble d'un territoire, celui-ci n'étant pas
trop différencié.
Désormais, avec des espaces extrêmes, et avec la
différenciation de la demande autour des projets d'enseignement, avec de
plus en plus d'établissements s'ouvrant sur la réalité
locale s'adaptant aux situations précises des lieux dans lesquels ils se
trouvent, si nous avons une différenciation de la demande, il faut
impérativement que l'offre d'enseignement soit
différenciée. Or l'offre est toujours monolithique et
homogène pour des enseignements et des espaces de projets de plus en
plus différenciés.
Comment projeter des enseignants sans tenir compte des projets des
établissements? Cette question nous pose problème, et nous
pensons qu'il faut poursuivre le mouvement de déconcentration.
Troisièmement : la gestion des personnels. Compte tenu des efforts
que nous faisons avec des primes d'aménagement du territoire, avec tout
ce que M. Pasqua a créé sur la différenciation
positive, les ZRR (zones de revitalisation rurale), ZRU (zones de
redynamisation urbaine) -tous ces zonages pour essayer de compenser par des
primes à des territoires- je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas de
différenciation pour les enseignants.
Pourquoi ? Il y a des différenciations importantes. Nous avons
compté les zonages Pasqua, ZRR (zones de revitalisation rurale), ZRU
(zones de redynamisation urbaine), la défiscalisation, la suppression
des cotisations sociales, la facilité donnée à
l'amortissement etc. Vous ne pouvez pas imaginer la masse et
l'ingéniosité des parlementaires et des sénateurs pour
trouver des éléments de différenciation pour les
territoires en difficulté en créant des zones franches.
Je ne vois pas pourquoi, pour le personnel enseignant, il n'y a pas des primes
spéciales pour ces espaces délicats. Pourquoi ne pas dire que,
pour les enseignants talentueux que l'on mettrait dans ces espaces, il y a des
avantages et des points supplémentaires leur permettant, au bout de cinq
ans d'un contrat, d'avoir un peu plus... une année
sabbatique ? Pourquoi n'y aurait-il pas une année sabbatique pour
des enseignants ayant passé cinq ou six ans dans des espaces
très difficiles ? Ils auraient besoin de se former, de se
réformer, de se transformer. Je poursuis sur ce sujet, et
j'empiète avec modestie dans votre domaine.
Je ne vois pas pourquoi nous imaginons des éléments de
différenciation pour les entreprises, pour les ménages
essentiellement, et pourquoi nous n'imaginerions pas de tels
éléments pour le personnel enseignant.
Quatrième proposition : pourquoi ne pas imaginer à nouveau
-c'est demandé- qu'il y ait dans chaque département des
internats-foyers pour l'accueil des personnes éloignées
éprouvant des difficultés ?
Cinquièmement : j'aurais aimé le suggérer au
ministre, mais puisque vous me donnez l'occasion de le dire ici pour la
première fois : je ressens comme une nécessité de
créer dans chaque département un lycée ou un
département international.
Notre population n'est pas du tout formée aux langues
étrangères, et cela constitue incontestablement un déficit
dans l'attractivité des territoires. Lorsque Toyota est venue à
Valenciennes, dans le contrat figurait la création d'une école.
Savez-vous que des usines américaines voudraient s'implanter à
Périgueux ou à Bayonne, et refusent d'y aller parce qu'il n'y a
pas de lycée bilingue pour les cadres et le personnel ? C'est
aberrant !
Pourquoi ne pas lancer le slogan : "Un département, un lycée
international" pour les enfants, dès la sixième, et
peut-être avant, soit pour les Français autochtones, soit pour les
cadres des entreprises internationalement mobiles ?
Nous allons annoncer dans peu de jours, avec Mme Voynet, un volume
important, -permettez que je ne donne pas exactement le chiffre dont il revient
au ministre de le donner- beaucoup plus important que celui de l'année
dernière : 4 000 emplois créés par les
investissements internationalement mobiles. On est proche de 30 000. Et
nous n'avons pas progressé dans l'internationalisation de nos
lycées. C'est là un goulot d'étranglement, une
difficulté : les villes riches s'enrichissent parce qu'elles ont
des enseignements étrangers.
Cinquièmement : la transformation, à travers les
schémas départementaux, des collèges en milieux ruraux.
Nous voudrions que les collèges et les lycées en milieu rural,
comme c'est le cas en Poitou-Charente, deviennent des maisons de la culture,
des maisons multimédia, et que l'on raccroche autour de ces
lycées les éléments de la modernité. Que ces
établissements deviennent de vraies maisons de la culture, et non pas un
lieu exclusif de formation qui ouvre le matin à 8 heures et ferme
le soir à 18 heures.
Je terminerai sur un souhait, à savoir qu'à travers votre
travail, vos auditions et les informations que vous pourrez communiquer aux
fonctionnaires et aux hommes politiques, dans la rédaction de vos
conclusions, vous puissiez mettre en évidence, parmi les
préconisations que vous allez faire, les éléments qui
pourraient être contractualisés.
Je souhaiterais pouvoir contractualiser davantage sur l'éducation
nationale, et peut-être un peu moins sur les grands équipements
routiers et autoroutiers. Notre pays manque de formations et d'ouvertures pour
les lycées et collèges. Les transformations sont importantes. Sur
le reste, cela poursuit son chemin normalement.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Monsieur le
délégué, l'objet de notre commission d'enquête est
d'analyser l'utilisation des emplois dans l'éducation nationale. Vous
vous êtes défendu de ne pas avoir d'influence. Mais tous les
objectifs que vous avez indiqués nécessitent forcément des
moyens. On sait, par exemple, que quand on augmente d'une heure telle
matière dans les collèges, cela induit des centaines
d'enseignants en plus, des gens que l'on met trois ans à recruter et que
l'on embauche pour trente ans. Il faut donc avoir conscience des moyens.
S'agissant des objectifs fort intéressants que vous nous avez
exposés, les avez-vous systématiquement traduits en moyens
supplémentaires pour l'éducation nationale ? De plus, comme
vous avez parlé de contractualisation, quels seraient ces moyens
nécessaires pour l'Etat, pour les communes, pour les regroupements
communaux, les départements, les régions ? C'est ma
première question.
La seconde, plus centrée sur l'éducation (si vous pouvez y
répondre, car je ne connais pas les degrés d'analyse de vos
services dans ce domaine) est la suivante : il y a actuellement des
besoins dans les ZEP, où l'on veut concentrer un nombre plus grand
d'enseignants ; il y a des besoins en milieu rural où l'on veut
garder les écoles. Pensez-vous que globalement, la diminution, à
long terme, des effectifs scolarisés va permettre, par
redéploiement, à moyens constants de répondre à
tous ces besoins
?
Sur les aspects immatériels que vous évoquez, je prends l'exemple
de mon village : 1 400 habitants, 14 associations encadrant
environ 400 jeunes. Si je compare cela à une banlieue, de
Strasbourg ou d'ailleurs, où il y a trois immeubles, je doute qu'il y
ait ces 14 associations pour encadrer ces 400 jeunes. Faut-il tout
centrer sur l'éducation nationale dans ces banlieues ?
Vous avez parlé du périscolaire, et c'est important : la
preuve en est que dans ma commune on le règle, mais de cette
façon. Faut-il, dans les endroits difficiles comme les villes et les
agglomérations, tout concentrer sur l'éducation nationale ?
En effet, automatiquement, les enseignants vont dire qu'ils ne sont plus
occupés seulement à enseigner, qu'ils auront d'autres
tâches, donc il faudra des effectifs supplémentaires. Quelle est
votre philosophie pour contractualiser et voir qui fera quoi ? Ne faut-il
pas, dans le fond, multiplier la vie associative dans les banlieues, avec plus
d'espace vital pour régler ce problème ?
Ma troisième question concerne les aspects immatériels. Vous avez
parlé d'innovation. J'ai une question à laquelle vous pouvez
répondre, car vous êtes au coeur du sujet : quand je vois la
différence de culture entre le monde de l'entreprise et le monde de
l'enseignement -je vois le monde de l'enseignement en détail depuis
quelques semaines, et j'ai vécu le monde de l'entreprise pendant vingt
ans-, ne faut-il pas, quand on voit les barrières entre les deux,
imposer aux enseignants de faire une année en entreprise pour se rendre
compte des problèmes des entreprises, et revenir ensuite dans
l'enseignement ?
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Vous avez
parlé d'année sabbatique, de période d'interruption de la
profession. Cela ne pourrait-il pas être mis à profit pour des
séjours en entreprise des enseignants ? Beaucoup le demandent. Lors
d'une autre audition, je disais l'autre jour que j'avais écouté
le professeur Gilles De Gennes, qui a tout à fait le même
point de vue, et qui considère qu'il est indispensable et très
urgent aujourd'hui que les enseignants découvrent le monde de
l'entreprise le plus rapidement possible.
Je voulais revenir sur un certain nombre de propositions que vous avez faites
dans les cinq ou six points que vous avez développés. Pour
ma part, j'ai éprouvé du plaisir à vous entendre tout en
pensant que si vous aviez face à vous les délégations des
syndicats, quels hurlements entendrions-nous dans cette salle à
l'énoncé de ces propos ? Tout au long de ces auditions,
c'est le "conservatisme" du monde enseignant qui nous a le plus
stupéfiés.
Lorsque vous avez évoqué le sujet particulièrement
intéressant de l'ouverture des établissements (qu'il s'agisse des
lycées ou des collèges) au monde qui les entoure, je me disais
que ces établissements ne sont ouverts en réalité qu'un
jour sur trois, si vous faites le total, sur l'année, des vacances, des
samedis et des dimanches. Voilà donc des bâtiments qui ont
coûté à la collectivité publique des sommes
considérables, et qui sont fermés deux jours sur trois. J'ignore
ce qui se passe en Poitou-Charentes, mais toutes les initiatives prises dans ma
région pour ouvrir ces établissements à des associations,
à des clubs informatiques et autres associations culturelles, se sont
heurtées au refus très ferme du monde enseignant qui n'a pas
accepté cela.
Vous avez aussi évoqué la déconcentration du mouvement.
Vous avez dit que c'était une bonne chose. Je constate qu'aujourd'hui,
ou hier, ou demain, il y aura encore des milliers d'enseignants dans la rue
pour protester contre cette initiative. Lorsque vous évoquez, sujet
brûlant, la différenciation des enseignants selon le poste qu'ils
occupent, selon leur formation, nous allons aussi vers des sujets
particulièrement explosifs, et pour lesquels nous nous heurterons
obligatoirement encore au monde enseignant.
J'aimerais enfin évoquer un point que je n'ai pas très bien
compris. Ce n'est peut-être pas exactement ce vous avez voulu dire. Vous
avez dit que nos concitoyens préfèrent la qualité à
la proximité. Moi, je pense qu'ils préfèrent la
qualité et la proximité. C'est une boutade, mais j'évoque
ce point parce que vous n'avez peut-être pas, dans le système
éducatif, donné votre point de vue sur la place que doit avoir la
ville moyenne dans la planification de l'éducation nationale dans notre
pays. Y voyez-vous un rôle particulier ? Etes-vous favorable, sur le
plan de l'éducation nationale, au développement d'écoles
moyennes ? Voyez-vous ces villes moyennes comme étant le support de
bon nombre d'initiatives éducatives ne pouvant d'évidence
être prises dans des villes de taille plus modeste ? J'aimerais que
vous évoquiez le problème des villes moyennes.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Et sur le
périscolaire, le problème des responsabilités qui
constituent souvent un blocage.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Deux questions,
Monsieur Guigou. Vous nous dites que l'école doit s'ouvrir à
la pluri-activité, et je suis tout à fait d'accord. Vous ajoutez
que l'éducation nationale doit, pour cela, trouver des formules
originales. Peut-elle le faire à moyens constants, soit par
redéploiement, ou doit-on encore une fois encore recourir à ce
qu'il y a de plus facile, c'est-à-dire l'inflation
budgétaire ?
Ma seconde question sort un peu du cadre de notre enquête, mais nous
avons la chance d'avoir le patron de la DATAR et nous sommes à la veille
des contrats de plan. Vous avez parlé de la contractualisation. Ces
contrats de plan, aujourd'hui -force est de le constater- ne sont plus des
éléments importants de structuration des territoires, notamment
pour les grands équipements routiers, car il faudrait vingt ou
trente ans pour réaliser un équipement. Ne devrait-on pas
les centrer sur les problèmes de l'éducation ? C'est vrai,
je suis d'accord avec vous, les élus locaux que nous sommes ont trop une
" culture du goudron et du béton ", et il nous faut
peut-être acquérir cette culture de l'éducation et de la
formation.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Il y a encore des
besoins.
M. Jean-Louis Guigou -
Pour ces besoins, il faudra
trouver d'autres formules que les contrats de plan Etat-régions.
M. Jean-Léonce Dupont, président -
Parmi
toutes ces questions, il conviendrait peut-être d'insister sur
l'idée qui ressort de votre propos des deux zones extrêmes, et sur
l'absence de prise en compte des villes moyennes.
M. Jean-Louis Guigou -
Concernant les moyens face
à la multiplicité, peut-être le foisonnement, l'utopie des
propos que j'ai pu tenir, vous dites : "Où trouver l'argent ?
Aura-t-on assez d'argent pour faire face ?"
La façon de travailler de la DATAR est assez singulière. C'est
pourquoi je me permets d'avoir des idées qui, dans un premier temps
peut-être, ne sont pas transposables partout. Ce qui m'intéresse
est de faire des expériences, de lancer des projets, et de laisser
à d'autres ensuite le soin de les réguler. Je ne botte pas en
touche.
Nous avons lancé avec M. Pasqua, mais c'était
déjà dans l'esprit du temps, les pays, un mythe mobilisateur.
Cette année, nous mettrons encore 30 millions pour soutenir les
pays. Mais nous allons signer les contrats de pays et je me retirerai. C'est un
autre ministère qui les prendra en charge. Nous lançons les
systèmes productifs locaux, les districts à l'italienne. Pour les
villes moyennes, c'est fabuleux !
La semaine dernière, j'étais à Calais, j'ai vu ce
qu'était la dentelle de Calais. Cela représentait 45 000
salariés, une centaine d'entreprises. Il n'y a plus maintenant qu'une
vingtaine d'entreprises et 3 000 salariés, mais alors des chefs
d'entreprises d'une nouvelle génération ; ils travaillent
tous ensemble. Ce n'est plus une activité patrimoniale. Des patrons
travaillent tous ensemble pour défendre le Calaisis et la dentelle, qui
s'échangent des produits, des idées ; sont tous à la
conquête du monde. Il y a toute une stratégie différente.
Nous soutenons très fortement les systèmes productifs locaux,
mais après je donnerai cela au ministère de l'industrie.
En en mot, ce que nous cherchons à faire avec l'éducation
nationale, c'est trouver des élus, je pensais au président de
Poitou-Charentes, mais je pense aussi à Adrien Zeller, à
M. Delebarre ; des présidents qui font de l'éducation
quelque chose d'essentiel. Nous allons trouver avec eux des expériences
et, avec l'accord du ministre, promouvoir des expériences, mais deux ou
trois expériences dans les 22 régions. Et nous trouverons.
Je paierai ces expériences, sur mes crédits, avec
l'éducation nationale. Mais après, je suis dans
l'impossibilité de pouvoir comptabiliser la généralisation
de ces méthodes. Ce n'est pas ma pratique. Ma pratique, c'est
l'expérimentation, la validation ; la généralisation
appartient aux autres ministères.
Si nous arrivions à transformer quelques lycées agricoles... Ce
qui est bizarre, c'est que nous avons plus de facilité à
travailler avec les lycées agricoles, qui vont nous permettre de monter
dans ces lycées des lieux d'expérimentation, qu'avec
l'éducation nationale. Nous allons retenir peut-être, avec
M. Glavany et M. Bernet, le directeur général de
l'enseignement agricole, 350 lycées pour faire une
expérience grandeur nature sur tous les lycées agricoles, pour
faire en sorte qu'ils deviennent la base arrière du développement
local, avec de la formation en économie, de la stratégie du
développement ; pour faire en sorte que le lycée agricole
soit un lieu d'ouverture, de culture, un lieu des nouvelles technologies. Mais
je ne peux vous répondre que sur mes crédits et sur les
expérimentations.
Concernant votre deuxième question, relative aux effectifs, vous me
dites que le baby-boom est fini. M. Allègre a raison de dire que la
période de contraction des effectifs a commencé depuis 1990. Nous
sommes en présence du vieillissement et de la contraction. Nous avons
tellement poussé les pseudopodes, les terminaux de l'Etat
éducation dans les lycées, dans les STS, dans des lycées
ou des IUT, à Cahors... Je ne citerai pas de villes, mais l'on a
poussé très loin, car il y avait cette pression
démographique. Maintenant, on est en phase de contraction. Et que
fait-on de ces éléments d'avant-garde qui vont maintenant se
trouver sans clients, sans élève ? Il y a là un vrai
problème de modification, de transformation.
Votre question est la suivante : la contraction des effectifs,
c'est-à-dire de la demande, du nombre d'élèves, va-t-elle
permettre de trouver des possibilités de redéploiement des
effectifs des enseignants, et leur permettre de disposer de 10 % des
moyens pour se réformer pour assurer la relève et se transformer
radicalement ? C'est une chose à comptabiliser, à effectuer
et à envisager. Vous posez fort bien le problème.
Faut-il tout concentrer sur l'éducation nationale ? On avait comme lieux
d'intégration la ville, le service militaire et l'école. Le
service militaire n'en est plus un ; la ville est plutôt un lieu de
dislocation. On veut donc faire jouer à l'éducation nationale le
travail de l'armée, celui de la famille qui ne remplit plus son
rôle. Et sur ces braves enseignants tombent toutes les corvées.
M. Francis Grignon, rapporteur -
A partir de
deux ans ?
M. Jean-Louis Guigou -
Cette idée de
deux ans est importante, comme le montrent les statistiques. Faut-il tout
concentrer sur l'éducation nationale ? Personnellement, je n'ai pas
tous les éléments, mais il me semble que si l'éducation
nationale doit s'ouvrir et diversifier ses activités, alors nous
pourrions concevoir -cela s'est fait dans plusieurs départements- par
exemple, que la poste crée dans des lycées des centres
multimédia pour les nouvelles technologies plutôt que de les
isoler.
Prenons l'exemple des hôpitaux, nous reviendrons ensuite sur
l'éducation nationale, mais je ne veux pas qu'il y ait
d'équivoque. Si les hôpitaux restent purement sanitaires, avec des
médecins en blanc, des malades que l'on soigne, on ira là
où il y en a, et l'on verra bien. Mais si les hôpitaux dans les
milieux ruraux -j'en discutais avec Bernard Kouchner- se voient
confortés autour d'eux par des centres de remise en forme ; si la
piscine de la ville ou du village, au lieu d'être isolée, est
à côté de l'hôpital, pour qu'il y ait un mixage avec
les secteurs de la remise en forme, de la diététique, des
massages, d'activités diverses, des écoles culinaires pour les
femmes, dans une société où la santé va devenir
prioritaire, et où la semaine sera de quatre ou cinq jours de travail,
voyez l'intérêt d'avoir des centres diversifiés !
On peut imaginer que l'école devienne maison de la culture, de la
formation à la fois professionnelle et initiale, maison des
multimédia, bibliothèque, centre Internet. Si l'éducation
nationale ne reste qu'éducation nationale et ne s'ouvre pas sur la
diversification des fonctions annexes, avec complémentarité
d'autres ministères, on négligerait une réelle
opportunité.
Les entreprises et les enseignants : deux cultures différentes,
certes, mais à qui la faute ? La faute est partagée. Votre
expérience d'hommes politiques vous amène à penser que
nous n'avions pas, peut-être, des chefs d'entreprises ouverts.
Peut-être ces entreprises étaient-elles fermées sur
elles-mêmes, patrimoniales ? L'éducation était
fermée aussi. Tout le monde était un peu fermé, pour de
multiples raisons. Il y a eu ces conflits, ces rapports de force entre les
chefs d'entreprises, le monde de l'économie et celui de
l'éducation nationale.
Etant moi-même professeur des universités, je peux dire que la
transformation est radicale depuis dix ans. La transformation a
commencé dans les milieux de la recherche, où l'on nous a dit que
les crédits de recherche ne seraient plus uniquement des crédits
publics, et qu'il faudrait se tourner vers les laboratoires et les
collectivités locales. La recherche s'est ouverte au monde des
entreprises, puis ce fut le cas de l'enseignement supérieur, mais
l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire n'ont pas eu encore de
motifs de s'ouvrir au monde de l'entreprise.
Dans l'enseignement supérieur, la suppression des crédits de
recherche a induit la recherche de contrats, il a fallu s'ouvrir. Il faudra
trouver les modalités pour que cette ouverture s'effectue. Vous pouvez
imaginer pour cela des stages, des primes, des années sabbatiques, ou ce
qui se fait dans d'autres pays faisant appel, à côté du
personnel enseignant certifié (cela rentre dans la diversification),
à des personnels de la société civile qui viennent pour
éduquer sur des points précis. On peut fort bien imaginer que,
dans des lycées et des collèges, des diplômés de
sciences politiques, des ingénieurs, des agronomes, des Supelec, des
gens de formations diverses, sans être certifiés par
l'éducation nationale, viennent parler dans un premier temps de leur
métier, mais aussi pour éduquer.
Qu'est-ce que les nouvelles technologie de l'information? On ferait appel
à des gens de France Télécom, on leur donnerait la
possibilité d'aller dans les lycées et les écoles
maternelles...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Cette révolution
culturelle est faite dans les écoles d'ingénieurs, mais pas dans
les collèges.
M. Jean-Louis Guigou -
Peut-être,
mais
puisque l'on me dit qu'il y a dans d'autres pays européens des
personnels enseignants qui ne sont pas strictement issu du moule de
l'éducation nationale, pourquoi ne pas imaginer des cadres et des
ingénieurs, comme cela se fait dans les universités ? C'est
le statut de professeur associé. Pourquoi ne pas imaginer que des
parents d'élèves ayant la compétence nécessaire
n'iraient pas expliquer la comptabilité ? Voilà des solutions.
Concernant le conservatisme des enseignants, vous avez évoqué
cette question. Vous avez dit que les bâtiments étaient
fermés plusieurs jours par semaine.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Je suis tout
à fait d'accord avec vous à propos du monde de l'entreprise
venant dans l'établissement, ainsi que des parents
d'élèves, mais c'est une révolution à laquelle les
enseignants ne sont pas prêts. Nous en sommes tout à fait
convaincus après les auditions que nous avons réalisées,
après les visites que nous avons faites sur le terrain. Je vois mal que
cela soit accepté ; cela va au-delà de l'utilisation des
locaux.
M. le Président -
C'est une évolution
culturelle, pour ne pas dire une révolution.
M. Jean-Louis Guigou -
Laissez-moi vous dire une chose,
que j'ai apprise des Suédois et des Scandinaves. Travaillant beaucoup
sur les problèmes européens quand j'étais directeur, je me
rendais une fois par mois à Bruxelles dans un comité de
développement spatial. J'ai fréquenté ces gens du nord. Je
leur parlais des difficultés que nous avions, nous, Etat
français, pour maintenir des activités dans le Massif Central. Je
parlais de nos 425 cantons. Ils m'ont parlé de l'entretien de la
Laponie, soulignant que c'était autre chose que l'entretien du Massif
Central. Progressivement, ils m'ont expliqué ce qu'ils faisaient. Je
vois cette idée arriver. Ils me disaient : "l'Etat suédois, ou
norvégien, en tant qu'Etat public, n'est plus en mesure comme l'Etat
français d'entretenir les écoles et les hôpitaux. Mais ce
que nous avons fait, et la révolution que la France va faire est la
suivante : dans ces pays du nord de l'Europe, il y a, à
côté du secteur privé marchand et du secteur public, le
secteur collectif, c'est à dire des communautés, des mutuelles,
des coopératives, qui gèrent. Or, nous avons essentiellement
école privée et école publique, hôpital privé
et hôpital public.
Pour de multiples raisons, le secteur collectif n'a pas été
développé chez nous, ou il est marginalisé. Chez eux, dans
les zones difficiles, les hôpitaux et les écoles ne sont ni
privés ni publics ; ils sont collectifs. Il y a un mixage entre les
collectivités locales et les populations pour maintenir
l'activité et tous les parents, tout le monde, contribuent à
l'aide et au financement. Toute une série de mesures sont prises. On
voit le mixage dans l'ouverture, et on voit des enseignants qui ne sont pas
nécessairement des enseignants qualifiés par l'Etat. Ceci va
venir chez nous. Il faudra peut-être attendre dix ans. Ce que fait
Mme Aubry sur les nouveaux métiers, c'est l'émergence de ce
secteur collectif, en espérant qu'on arrive à créer
après cinq ans des secteurs différents, ni privés ni
publics, mais collectifs.
J'ai demandé à mes services de la DATAR de voir s'il n'existait
pas des écoles ni privées ni publiques, mais prises dans un
système collectif. Il m'étonnerait que dans le Pays basque je ne
puisse pas trouver des exemples, car le sentiment communautariste est
très fort, de même qu'en pays bigouden, des formes très
originales, pour le moment méconnues, de services qui ne sont plus
publics mais collectifs, offrant de grandes qualités aux populations,
mais avec un engagement de l'ensemble de la communauté. Pour le moment,
tout cela est bien distinct et cloisonné.
Concernant les villes moyennes, celles ci ne sont pas du tout absentes de notre
schéma. Nous avons à gérer les deux espaces
extrêmes. Nous focalisons de plus en plus sur ces villes moyennes, sans
trop le dire car nous n'avons pas encore trouvé le langage politique,
parce qu'elles présentent pour nous un intérêt majeur. Et,
en particulier, les systèmes productifs locaux, et les pays, sont
très liés aux villes moyennes. Nous voyons des expériences
remarquables. Si la sur-concentration dans des métropoles et les
phénomènes de péri-urbanisation n'arrivent pas à
leur terme, ils commencent néanmoins à présenter un
tassement. Et le vieillissement de la population mettra un terme, plus
rapidement que prévu, au problème de la péri-urbanisation.
Les populations âgées ne veulent pas se péri-urbaniser, et
préfèrent les villes moyennes, encore faut-il les structurer.
Je terminerai sur le contenu des contrats de plan. Dans l'ancienne
génération des contrats de plan, 1994-1999, sur six ans :
86 milliards de la part de l'Etat promis, 81 milliards engagés
dont 75 à 80 % concernaient des grandes infrastructures lourdes. Il
m'est demandé de baisser cette proportion d'infrastructures lourdes,
pour y mettre des initiatives beaucoup plus porteuses d'emploi et de
bien-être pour le concitoyen.
Nous sommes on train de faire le tour des ministères. Et je suis
très heureux, depuis trois heures, parce que, avant de quitter la
DATAR, je suis allé voir la responsable des contrats de plan., qui fait
actuellement la somme de tout le travail fait dans chaque ministère.
Avec le ministère de l'économie et les finances, la DATAR a
reçu chaque ministère, leur demandant d'exposer ce qu'ils
voulaient contractualiser, combien d'argent ils voulaient mobiliser pour ces
actions, les lignes budgétaires et les opérations.
On fera sortir les routes, les autoroutes et le TGV. Depuis que le ministre dit
"moins d'infrastructures lourdes, moins de béton, et plus d'emploi, plus
d'imagination, plus d'organisation des territoires", je suis heureux parce
qu'on m'a dit que j'aurai ce soir, le chiffre et la somme de tous les
ministres. Il y a 19 % d'actions contractualisables profondément
nouvelles. C'est-à-dire que les ministères ont compris.
On ne va pas continuer à contractualiser sur le TGV-Est
.
M. Vauzelle ne veut pas contractualiser sur le tunnel de Toulon.
M. Besse me disait ne pas vouloir contractualiser sur ce tunnel du Cantal,
vieux de 30 ans, important mais véritable goulot
d'étranglement, en déclarant : "Si on me fait contractualiser sur
ce tunnel, qui handicape le Cantal, cela consommera 600 millions. Le
contrat de plan, dans ce cas, c'est le tunnel".
De même, si l'on fait contractualiser M. Vauzelle, dans le Midi, sur
la traversée de Toulon, c'est un milliard qu'il faut mobiliser. On ne
peut pas intégrer ces grosses opérations. Il faudra trouver des
choses plus porteuses d'emploi.
On pourrait être étonné de ce que nous allons proposer. Par
conséquent, et pour conclure ce propos, tout ce que vous pourriez
imaginer ou suggérer qui rentrerait dans la contractualisation 2000-2006
serait le bienvenu.
M. le Président -
Nous vous remercions.
AUDITION DE M. BERNARD KUNTZ,
PRÉSIDENT DU SNALC
(SYNDICAT NATIONAL DES LYCÉES ET COLLÈGES)
(10
FÉVRIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Bernard Kuntz.
M. Jean-Léonce Dupont, président
-
Vous avez la parole pour un exposé liminaire avant de
répondre aux questions de l'ensemble des sénateurs.
M. Bernard Kuntz -
Si nous avons bien compris, il nous a
été demandé de nous présenter devant vous pour
aborder la question des personnels de l'éducation nationale et de leur
gestion. Nous avons essayé de décomposer cette
problématique en différents points. Bien entendu, je
répondrai avec grand plaisir à toutes les questions que vous
voudrez bien me poser.
Dans cette problématique, nous voyons d'abord le thème des
décharges syndicales, qui est relié à la question des
personnels présents devant les élèves ou non. Cette
question des décharges nous conduit à nous interroger sur
l'absentéisme des professeurs (je n'y vois aucune connotation
péjorative pour l'instant), sur la gestion des personnels,
accusée d'être trop opaque -ce qui sous-entend de se poser le
problème de l'autonomie, de la déconcentration et
éventuellement de la décentralisation des établissements
scolaires-, sur les programmes de la pédagogie -ce qui nous
amènera à nous interroger sur une éventuelle
réforme du système d'inspection.
Cela nous a amené à nous poser en quatrième point le
problème du temps de travail, et en cinquième point la question
des statuts des personnels de l'éducation nationale.
Concernant les décharges syndicales exclusivement -je vous prie de
m'excuser de commencer par là, mais on commence toujours par le point le
plus sensible- il faut savoir que le mode de calcul est fondé sur les
lois Le Pors de 1982. Le mode de calcul s'impose à toute la
fonction publique, toutefois les articles d'application à
l'éducation nationale font état d'une proportion de
décharges allouées à chaque organisation syndicale en
pourcentage, en fonction de ses résultats aux élections
professionnelles. Mais un second article parle de journées d'absence
accordées aux mêmes organisations syndicales, toujours en fonction
de leurs résultats aux élections professionnelles.
Le texte prévoit, pour tous les personnels d'éducation, la
possibilité de répartir 50 % de ces journées
d'absence octroyées en décharges complètes,
c'est-à-dire la transformation de ces journées en heures de
décharge. Depuis quatre ans, le chiffre a été
porté à 75 % pour les personnels enseignants, et rien que
pour eux dans l'éducation nationale, les autres personnels restant
à 50 %.
Nous voudrions attirer l'attention de la commission sur l'aspect important de
ce dispositif; et nous souhaiterions -nous le réclamons depuis
longtemps- que cette pratique soit légalisée, parce que la
pratique des journées d'absence présente de nombreux
inconvénients pour le fonctionnement même des
établissements. Il est très difficile, dans le dispositif actuel,
de convoquer des professeurs pour des réunions diverses, y compris
celles auxquelles l'administration les convie, sur des journées
d'absence, sachant que ces dernières ne seront pas nécessairement
remplacées.
Donc, nous souhaiterions que la pratique des 75 % soit officialisée
et ne fasse plus l'objet, chaque année, d'une révision qui
pourrait éventuellement devenir arbitraire. Nous voudrions aussi attirer
l'attention de la commission sur le fait que ces décharges syndicales,
d'une part font partie d'une règle de la fonction publique, mais d'autre
part ne sont pas nécessairement inutiles, sont l'occasion d'un travail
approfondi de la part des chargés syndicaux, et ne représentent
pas une grande part des professeurs réputés ne pas se trouver
devant leurs élèves.
Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur le danger qu'il pourrait
éventuellement y avoir à une réduction de ces heures de
décharge : celle-ci pourrait avoir des conséquences sur les
équilibres syndicaux, qui ne seraient pas forcément perceptibles
de prime abord. L'actuelle pratique ministérielle des réformes,
contre-réformes, réformes, contre-réformes, circulaires,
contre-circulaires, entraîne une espèce de sur-régime dans
la pratique de la concertation, -terme auquel je mettrais des guillemets- et
qui, pour nous, représente une énorme charge de travail.
D'autre part, la déconcentration du mouvement des personnels, qui va
amplifier la complexité des procédures, demandera aux
organisations syndicales un surcroît d'effort et de travail pour mieux
servir les personnels. Il est évident que si des restrictions
apparaissaient dans les décharges, seules une ou peut-être deux
organisations parviendraient encore à fonctionner, et cela se traduirait
donc par une modification du paysage syndical qui n'irait pas dans le sens du
pluralisme. Voici pour la question des décharges.
Concernant la question de l'absentéisme des professeurs, les chiffres
qui ont été cités à diverses reprises -je parle
sous le contrôle de Jean-Claude Goui ici présent- sont faux.
M. Jean-Claude Goui -
J'ai travaillé au sein de la
commission Bloch, où j'ai représenté notre
confédération, et au Conseil supérieur de
l'éducation, où j'ai également l'occasion de siéger.
Sur cette notion d'absentéisme prise au sens large, en début
d'année scolaire nous avons eu l'annonce d'un chiffre global de
12 % d'absents. En fait, les travaux du recteur Bloch -ce n'est donc pas
uniquement notre position- ont conclu que le taux d'absence était de 3
à 4 % dans l'enseignement primaire ou
pré-élémentaire, avec une part d'incertitude, car ce sont
des chiffres collectés dans les départements et moins
centralisés que d'autres chiffres : 6 % au
collège ; 9,5 % en lycées, lycées techniques,
généraux ou professionnels.
Il faut savoir qu'il s'agit de pourcentages qui prennent en compte les absences
pour jury d'examen, et nous avons la faiblesse de penser que lorsqu'un
enseignant fait passer un examen et qu'il est dans un jury, il travaille ;
il n'est pas vraiment absent. Nous avons également conclu, avec la
commission Bloch, qu'un tiers de ces absences correspondaient donc à ces
périodes d'examens et que, pendant ce temps, les élèves
eux-mêmes en général passaient les mêmes examens.
Il est donc vrai qu'à ce moment-là, les collègues ne sont
pas dans leur établissement. Ils ne sont pas -heureusement pour la bonne
marche des examens- en présence de leurs propres élèves
mais, si j'ose dire, les deux partenaires, enseignants et élèves,
sont au travail même s'ils sont considérés dans ces
statistiques, au départ, comme absents.
Nous récusons ceci : nous ne sommes pas d'accord, y compris avec
les chiffres retenus par la commission. Nous en concluons donc qu'il y a
à peu près 4 à 6 % de professeurs absents, dont un
dixième environ en stage. Là aussi, on est loin des fameux
12 % pour "stages poterie".
Nous estimons que, dans un métier de plus de plus en première
ligne -on le voit avec les événements qui peuvent
désormais se produire presque tous les jours-, 4 ou 6 % de
collègues absents pour maladie ou éventuellement, dans certains
cas très graves, dépression ou difficulté à tenir
ce choc en première ligne, n'est pas un taux anormal ni
déshonorant. Cela nous paraît un taux correspondant à une
réalité, à une pratique professionnelle tout à fait
normale.
M. le Président -
Nous avons eu les données
du rapport Bloch.
M. Jean-Claude Goui -
Je vous donne un
éclairage... Nous ne sommes pas non plus tellement d'accord avec le
rapport Bloch lui-même.
Un second aspect est repris dans le rapport Bloch avec les conclusions duquel
nous ne sommes pas forcément d'accord. Il y a un handicap reconnu,
à savoir qu'au départ, dans le secondaire, les moyens en
remplacements sont inférieurs, justement, à ces 3 à
4 % incompressibles, ne serait-ce qu'en raison des arrêts maladie ou
congés maternité tout à fait réguliers, alors que
dans l'enseignement primaire, sauf lorsque ces moyens sont
détournés et mis dès le début de l'année en
charges à plein temps dans une classe, donc retirés de leur
rôle de remplacement en cours d'année, ces moyens de remplacement
couvrent à peu près, dès le départ, les besoins
d'un département.
Nous tenons à insister sur ce point. Dès le départ, il y a
un handicap pour le bon fonctionnement du système éducatif dans
le secondaire, puisque jusqu'à présent les moyens de remplacement
étaient inférieurs de 1 ou 2 %, dès le
départ, mécaniquement, aux besoins normaux constatés sur
plusieurs années.
M. Bernard Kuntz -
En matière de personnels,
l'opacité de la gestion nous semble appeler une réflexion sur la
déconcentration, sur l'autonomie des établissements, sur la
question des programmes et de la pédagogie en général.
Sur la gestion des personnels, et en particulier en ce qui concerne le
mouvement national, je rappelle que le SNALC, depuis le début, s'est
déclaré non opposé à une éventuelle
déconcentration du mouvement des personnels. Jusqu'à
présent, nous n'avons eu aucune opposition de principe à
l'idée d'une déconcentration permettant de donner davantage de
souplesse et de transparence à l'ensemble.
Cependant, depuis le début des réformes mises en place par
l'actuel ministre, nous avons fait remarquer que le dispositif adopté
l'avait été quasiment "à la hussarde", presque par
oukase
, sans concertation, et qu'il présentait en tant que tel,
et non pas en tant que déconcentré, un certain nombre
d'inconvénients de nature à rendre la gestion des personnels
encore plus opaque et difficile.
Nous pensons que le système en deux temps choisi par le
ministère, dans la mesure où il va engendrer, pour un grand
nombre de professeurs, une sorte de mutation à l'aveuglette sur des
zones géographiques fort larges, risque aussi à terme d'induire
une précarisation générale des postes des professeurs, peu
propice à un bon fonctionnement du système éducatif en
général. Nous voudrions également faire remarquer que
l'estimation du nombre de personnes travaillant actuellement dans
l'éducation nationale a été rendue impossible en partie
même à cause de la déconcentration des personnels
déjà effectuée.
Nous pensons donc que le dispositif choisi, tel qu'il a été mis
en place, n'apportera aucune amélioration aux difficultés
constatées en matière de gestion des personnels. Au contraire,
nous craignons même que ce dispositif n'engendre un surcroît de
difficultés et, de toute façon, un surcroît de puissance
syndicale dans la mesure où le mouvement, en particulier dans sa
deuxième phase, réclamera un soutien encore plus approfondi des
organisations syndicales pour conseiller les personnels.
Il est évident que la situation nous semble maintenant fort
délicate à tous points de vue, tant il est vrai que si le
fonctionnement s'avère aussi peu satisfaisant que nous le craignons, un
retour en arrière sera extrêmement difficile et serait, de toute
façon, perçu comme une victoire de toutes les forces
opposées à une éventuelle déconcentration.
Pour nous résumer, nous craignons que les difficultés
engendrées par ce dispositif ne rendent extrêmement difficile,
dans l'avenir, la mise en place d'une véritable déconcentration
qui fasse l'unanimité et qui soit performante.
Concernant l'autonomie et la déconcentration en matière
d'établissements, nous voudrions attirer votre attention sur
l'hostilité quasi-unanime de l'ensemble des professeurs au concept de
recrutement par le chef d'établissement. Il est à peu près
certain qu'un tel dispositif, dont on peut penser ce que l'on veut,
affiché comme tel, se heurterait à la désapprobation
unanime de l'ensemble des professeurs, et donc de leurs organisations, avec les
conséquences que l'on pourrait imaginer.
Nous voulons également attirer votre attention sur les
difficultés d'imaginer une décentralisation de
l'établissement scolaire, compte tenu des modes de fonctionnement de
l'éducation nationale. Je pourrai développer ce point s'il vous
intéresse. Nous craignons qu'un accroissement
"inconsidéré" de l'autonomie des établissements
n'entraîne de nouveau un surcroît de pouvoir syndical plutôt
qu'un assouplissement du système en lui-même.
En d'autres termes nous estimons, en tant qu'organisation syndicale, que si des
réformes de structure sont nécessaires, il y a quelque illusion
à s'imaginer que ces seules réformes de structure seraient de
nature à faire évoluer le système d'éducation. Nous
pensons qu'une prise de conscience d'ordre idéologique et politique est
nécessaire, et prioritaire sur la seule réforme structurelle.
Nous souhaiterions en particulier qu'à la seule question de l'autonomie
des établissements, on substitue les questions de la gestion
générale des flux d'élèves dans l'éducation
nationale, de l'allongement de la durée de la scolarité, de
l'accroissement du taux de scolarisation, du moule unique de la sixième
à la fin de la classe de seconde, de l'accroissement massif du nombre
des étudiants à Bac +1, Bac +2, Bac +3, sans
adéquation avec le système d'économie, et qu'on se pose la
question de la dépense nécessitée pour un tel
système, et de la réalité de son efficience en termes de
lutte contre le chômage et d'emploi pour les nouvelles
générations.
Cette question de l'autonomie et de la déconcentration en matière
d'établissements scolaires nous a amenés à nous interroger
sur la gestion des programmes et la gestion pédagogique du
système d'éducation. Nous tenons à signaler que nous
regrettons que l'inspection générale et sa
délégation, en l'espèce l'inspection pédagogique
régionale, ait été tenue quasiment à l'écart
de toutes les évolutions de ces dernières années en
matière de réflexion sur les programmes et le contenu des
enseignements.
En son temps, nous avons dénoncé à la fois l'envahissement
de l'IUFM par une idéologie pédagogiste, qui n'était pas
nécessairement contenue dans les orientations de l'inspection
générale. Nous avons aussi dénoncé
l'opération qui consistait à créer, en 1989, un conseil
national des programmes nommé exclusivement par le ministère,
sans référence à l'inspection générale en
matière de programmes. Nous avons par la suite demandé la
suppression pure et simple de ce conseil national des programmes.
Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême difficulté
des professeurs, à l'heure actuelle, de trouver de véritables
références dans le fouillis textuel qui nous assaille au
quotidien. Nous protestons également contre la raréfaction de
l'inspection, en estimant que "l'amenuisement" d'un organe institutionnel et
transparent d'évaluation des professeurs induit, par définition,
des risques sur la liberté pédagogique, pose des problèmes
quant à l'évaluation des professeurs et à leur
mérite, et ouvre la porte à de nombreuses dérives telles
que l'accroissement du pouvoir de la rumeur, et créée des
conditions de risque pour la liberté pédagogique. Là
encore, je pourrai développer ce point si vous le souhaitez.
Nous demandons donc que soit réhabilité un organe institutionnel
d'inspection, et qu'une réforme générale de l'inspection
soit entreprise, sous peine de dénaturer le système
éducatif dans son ensemble. Nous craignons par ailleurs que cette
dénaturation ait déjà commencé à travers la
réforme des lycées et la restriction des horaires et des
enseignements, telle qu'elle apparait lorsqu'on examine les derniers textes
issus du ministère.
Un dernier point : la question du temps de travail des enseignants. Nous
avons eu, aujourd'hui, les premiers résultats de la mission Zuccarelli
concernant les fonctionnaires.
Nous voulons, là encore, attirer votre attention sur la question du
temps de travail des professeurs. Nous estimons naturellement que ce temps de
travail est extrêmement difficile à déterminer en dehors
des heures devant les élèves, et que les modes de calcul dont on
peut se prévaloir ne sont pas nécessairement objectifs. Nous
serions en mesure à tout moment de fournir, à partir de notre
base, des chiffres qui ne correspondraient pas nécessairement à
ceux de la mission. Nous voudrions attirer votre attention sur l'extrême
lourdeur de la charge de travail des professeurs de l'enseignement du second
degré, en particulier en lycée.
Nous concevons quelque inquiétude en découvrant que les
préconisations de la mission induisent une augmentation de la charge de
travail des professeurs d'environ 300 heures par an. Il est clair qu'une
telle mesure, dans le contexte actuel, provoquerait un fort
mécontentement des enseignants, mais ne correspondrait pas du tout
à la réalité effective de leur travail, en particulier
dans l'enseignement secondaire. Je ne prends pas position pour l'école
élémentaire, ce domaine ne relevant pas de notre champ de
syndicalisation.
Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur les statuts des personnels de
l'éducation nationale recrutés par concours nationaux. Ces
personnels considèrent qu'ils ont pris un engagement, et qu'en retour on
doit respecter leur statut.
Il est clair, au risque de paraître désuet ou corporatiste, qu'une
organisation comme la nôtre ne saurait admettre une remise en cause
arbitraire des statuts des personnels enseignants. Nous craignons de voir qu'un
certain nombre de réformes mettent plus ou moins en cause, à
travers le temps de travail et les objectifs mêmes de l'éducation
nationale, le statut et la mission des personnels de l'enseignement secondaire.
Le problème va bien au delà de la seule défense
corporatiste, dans la mesure où la liberté pédagogique,
qui est partie intégrante de l'enseignement secondaire, menacée,
serait de nature à entraîner la disparition de la tradition
même de la transmission des connaissances et des savoirs à
l'intérieur du système d'éducation, en ce qui concerne
l'enseignement secondaire.
Mme la déléguée du SNALC -
Puisqu'il s'agit
d'une mesure qui est en train de se mettre en place à titre
expérimental dans certaines académies, dont l'académie de
Lille, je voudrais revenir sur l'inspection.
A titre expérimental, on a mis en place, dans deux ou
trois académies (dont celle de Lille), des administrateurs
scolaires. L'administrateur scolaire est un super-proviseur qui a en charge
tout un réseau d'établissements correspondant, en gros, à
un bassin d'emploi (ce que l'on appelle bassin emploi-formation), un
réseau d'établissements allant de l'école primaire au
lycée inclus.
Le rôle de ces administrateurs scolaires serait tout simplement de faire
appliquer la politique prônée par le recteur, c'est-à-dire
que nous passerions d'un système qui était fondé sur la
pédagogie et l'inspection pédagogique -les inspecteurs perdraient
en grande partie leurs prérogatives- à un système qui, en
quelque sorte, privilégierait la politique. Bien entendu, ces
administrateurs scolaires ajusteraient la politique académique du
recteur en fonction du bassin d'emploi.
On pourrait également envisager de parvenir à des
différences très importantes entre les bassins d'emploi, et
à ce que l'enseignement transmis dans tel ou tel bassin de
formation-emploi soit extrêmement variable, non seulement d'une
région à l'autre, mais aussi d'une partie d'un département
à l'autre.
Nous considérons donc que ces administrateurs scolaires sont un
réel danger pour la liberté pédagogique, pour la
qualité de l'enseignement, et également pour la liberté
tout court : nous aurions affaire à un embrigadement de
l'éducation, de la maternelle à la terminale incluse.
C'était un point que je voulais préciser. Cela se fait
actuellement à titre expérimental dans l'académie de Lille.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Je reviens sur le
premier point que vous avez évoqué, à savoir les
décharges syndicales. Je n'ai pas très bien compris votre
revendication sur les 75 %. Pourriez-vous, en deux mots, nous
préciser ce point ?
Deuxième question : sur ces décharges, combien
d'équivalents temps plein avez-vous dans votre organisation sachant que
vous ne vous occupez que du second degré, et combien de personnes cela
représente-t-il effectivement ?
M. Bernard Kuntz -
On doit pouvoir vous donner les
chiffres.
M. Jean-Claude Goui -
Pour vous donner un ordre de
grandeur, cela correspondrait, pas uniquement pour l'enseignement secondaire,
mais pour notre confédération syndicale toute entière, y
compris le supérieur -il faudrait totaliser l'ensemble- sur toutes les
académies, à une cinquantaine de collègues qui, pour
certains, ont une heure ou deux de décharge.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Ce ne sont pas des
équivalents temps-plein.
M. le Président -
Par qui sont accordées
ces décharges ?
M. Bernard Kuntz -
Par l'organisation syndicale elle
même.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'ai le chiffre global.
Pour le second degré, il est de 861 équivalents temps-plein.
M. Jean-Claude Goui -
Pour notre organisation syndicale,
cela représenterait une vingtaine de personnes, au total, sur l'ensemble
de la France.
M. Bernard Kuntz -
Nous représentons 10 %
environ aux élections professionnelles, donc il est évident que
par comparaison avec un syndicat comme le SNES qui représente 57 %,
avec une charge de travail qui n'est pas nécessairement moindre...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Même avec
10 %, on me dit que c'est 2 763 personnes dans le second
degré, soit 861 équivalents temps-plein. Vous devriez en
avoir au moins 300, 270...
M. Jean-Claude Goui -
Nous n'avons pas 86
équivalents temps-plein.
Je suis désolé, je n'ai
pas les chiffres. Nous avons un service qui s'en occupe, je peux vous les faire
envoyer si vous voulez.
M. Francis Grignon, rapporteur -
J'ai d'autres
questions, mais pourriez-vous revenir sur les 75 % ?
M. Bernard Kuntz -
Le mode de calcul des décharges
syndicales de la fonction publique est valable pour l'ensemble de la fonction
publique. On accorde, en fonction des élections professionnelles, un
pourcentage par rapport au nombre global des fonctionnaires. Ensuite,
l'éducation nationale attribue elle-même ses décharges en
fonction du résultat aux élections professionnelles qui ont lieu
tous les trois ans. Ces heures de décharge, qui sont données
en équivalent-poste (c'est-à-dire 18 heures pour un
certifié, équivalent temps-plein, 15 heures pour un
agrégé, 35 heures pour un IATOS) sont donc attribuées
proportionnellement aux résultats obtenus par chaque organisation aux
élections professionnelles.
Nous recevons donc globalement ces heures de décharge, et ensuite une
commission des décharges au sein de notre organisation répartit
ces décharges, et puis les académies. Je ne sais pas comment
fonctionnent les autres organisations de ce point de vue ; pour nous,
c'est une commission nationale qui se réunit en général au
mois de juin, qui attribue les décharges. Nous avons l'habitude de le
faire en fonction du nombre d'adhérents par académie, mais ce
sont des modes de calcul internes.
A propos des 75 %, l'application des décharges au sein de
l'éducation nationale se fait selon deux modalités : les
heures de décharge pour l'année et les journées
d'autorisation d'absence (non pas sur l'année mais pour telle ou telle
fonction, à l'occasion de telle ou telle réunion) que les
organisations peuvent prendre, le nombre maximum accordé à chaque
organisation étant toujours calculé en fonction des
résultats aux élections professionnelles.
Les textes prévoient que 50 % de ces journées d'autorisation
d'absence peuvent être transformées en heures de
décharge-année. Mais depuis quatre ans -ce dispositif a
été mis en place à l'époque de M. Bayrou-
l'usage a été de porter ce contingent de journées
d'absence en heures de décharge de 50 à 75 %, en raison des
difficultés à prendre des journées d'absence au sein de
l'éducation nationale. Par exemple, si tel collègue est
professeur dans tel établissement et qu'il n'a pas de décharge,
mais que, en tant que commissaire paritaire académique, il est tenu de
participer aux réunions des formations paritaires académiques
pour la carte scolaire, la promotion d'échelons pour certifiés,
le mouvement académique, le second mouvement...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Cela donne davantage de
souplesse à la gestion...
M. Bernard Kuntz -
La difficulté est que, si cela
est pris en journée d'absence, le professeur est absent devant ses
élèves, et cela multiplie donc les absences ; or les
absences d'un jour ne sont pas remplacées.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Il faudrait
annualiser les absences.
M. Jean-Claude Goui -
C'est ce qui s'est passé
d'une certaine manière, puisqu'on a transféré des
journées en heures annualisées, de façon à
éviter cette difficulté. Mais dans la mesure où le texte
prévoit 50 %, l'usage des 75 % peut à tout moment
être remis en cause. L'année dernière, le ministère
nous a fait patienter jusqu'au dernier moment avant de nous dire si on
maintenait le dispositif des 75 % ou si l'on revenait aux 50 %.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pourquoi ?
M. Jean-Claude Goui -
Ce que je sais, c'est que cela nous
a posé d'énormes problèmes, parce que nous devions
prévenir nos collègues pour savoir combien de décharges
ils auraient, pour qu'ils puissent prévenir leurs chefs
d'établissement, et nous n'avions aucune réponse du
ministère.
A cet égard, nous voulions attirer votre attention sur le fait qu'une
réduction importante des heures de décharge attribuées
à chaque organisation syndicale aurait probablement pour
conséquence d'empêcher quasiment des organisations moins
importantes de tourner, alors que des organisations plus importantes
continueraient probablement à exister tant bien que mal. Ce type de
mesure induirait des conséquences tragiques pour le pluralisme syndical.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous avez parlé
des absences et des absences qui n'en n'étaient pas. La formation
continue n'est pas une absence. Vous n'en n'avez pas parlé. Cela
représente-t-il beaucoup ? D'après vous, fait-on
suffisamment de formation continue ? Pour mieux gérer l'ensemble,
seriez-vous prêts à accepter que des heures soit payées en
plus des horaires normaux, sur lesquels on fait de la formation continue ?
M. Jean-Claude Goui -
Cela représente un
dixième de toutes les absences reconnues comme telles. Sur la
proposition d'assurer ces formations hors journées d'enseignement, cela
existe déjà. Beaucoup de stages, de journées de formation,
se déroulent le mercredi ou le samedi. S'il y avait obligation que cela
se fasse forcément hors journées d'enseignement, il est bien
évident que la compensation d'heures supplémentaires ou
complémentaires ponctuelles pourrait être envisagée.
M. Bernard Kuntz -
Bien entendu, nous n'avons
d'hostilité à l'encontre d'aucune évolution du
système d'éducation, pour peu qu'elle ne se fasse pas par la
contrainte. Nous ne serions donc pas opposés à ce type de
dispositif, à la seule condition que les professeurs ne soient pas
contraints à accepter des heures en plus de leur service, compte tenu du
fait que -je le répète-, contrairement à une
légende malheureusement trop répandue dans l'opinion,
peut-être en raison de certaines déclarations
ministérielles, les professeurs ne sont pas sous-employés, en
particulier dans les lycées, mais aussi dans les collèges pour
d'autres raisons. Ils ont déjà une quantité de travail
énorme.
Un professeur de lettres qui a deux classes de première à 38
élèves et deux classes de seconde avec le même effectif,
est littéralement proche de l'implosion en termes de quantité de
travail. On ne peut pas imaginer qu'il soit davantage surchargé sans
qu'il y ait une régression importante en termes de transmission des
savoirs.
M. le Président -
Les professeurs
d'éducation physique également, j'imagine ?
M. Bernard Kuntz -
On ne peut pas tout mélanger.
Les professeurs d'éducation physique ont des conditions de travail
extrêmement pénibles, mais pour d'autres raisons. En ce moment,
par exemple, je ne souhaiterais pas être professeur d'éducation
physique. Il fait beaucoup moins chaud dehors qu'ici...
M. le Président -
Je vous inviterai dans ma ville.
Je crois qu'ils y sont bien !
M. Bernard Kuntz -
Je comprends le sens de votre
réflexion. Il y a quand même un problème ; il s'agit
de corps de professeurs. Remettre en cause les horaires d'une catégorie
entraîne une remise en cause de l'ensemble. Il faut donc agir avec une
grande prudence.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur la
déconcentration, vous avez émis des réserves, en
disant : "Attention, on sera peut-être obligés de faire
marche arrière, etc." Si j'ai bien compris, vous pensez qu'avec cette
gestion locale, cela va peut-être encore multiplier les contraintes.
Avez-vous une idée des moyens, que va entraîner cette
déconcentration, du fait que les choses ne se décident plus au
niveau central ?
Je vous rappelle que l'objectif de cette commission est d'analyser les emplois
de l'éducation nationale. Faire cette déconcentration,
d'après ce que j'ai compris tout à l'heure, va signifier qu'au
lieu d'une réunion centrale à Paris, il y en aura dans chaque
académie. Quels sont les moyens supplémentaires que cela risque
d'entraîner ?
M. Bernard Kuntz -
Sur ce sujet, mon collègue a un
raisonnement qui pourra peut-être vous intéresser.
M. Jean-Claude Goui -
A priori, la déconcentration
du mouvement va se faire à moyens constants. Il va rester un travail
relativement limité à la centrale. Les deux tiers des personnels
de la rue de Châteaudun sont partis. Dans les rectorats, à notre
connaissance, il n'y a pas vraiment eu, globalement, de moyens
supplémentaires.
Les personnels des rectorats ont fait en décembre, en janvier, ou sont
en train de le faire, les actes de gestion qu'ils faisaient sur mai/juin les
années précédentes. Les mêmes personnels des
rectorats vont ensuite faire le mouvement déconcentré.
Peut-être qu'ici ou là, pour une ou deux personnes, on trouverait
des exemples de rectorats ayant reçu une personne formée à
la centrale qui a demandé ou accepté sa mutation, mais la
réponse est que, en gros, cela va se faire à moyens constants de
la part de l'administration.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Si les choses se
font dorénavant au niveau du rectorat, on va supprimer des postes
à l'administration centrale.
M. Jean-Claude Goui -
D'ores et déjà, je ne
m'engagerai pas sur le chiffre des deux tiers, mais une grande majorité
des personnels de la division des personnels enseignants de la rue de
Châteaudun ont été replacés dans d'autres services
centraux, ou ont dû demander leur mutation pour des rectorats. Le
personnel de la DPE a été en grande partie
transféré. Cela s'est fait à l'automne.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Ce que vous
venez de dire me fait penser aux opérations de décentralisation,
qui n'ont pas fait baisser le nombre de fonctionnaires de la centrale, mais ont
obligé les collectivités locales à recruter pour assumer
les tâches nouvelles qui leur étaient confiées.
D'après ce que vous venez de dire, c'est un peu ce que vous vivez pour
la déconcentration du mouvement.
Vous avez évoqué le problème du temps de travail des
enseignants ; vous avez indiqué que pour votre syndicat il
n'était absolument pas question de toucher aux statuts.
Un problème a été évoqué fortement au sein
de cette commission : celui du temps de présence des professeurs du
secondaire devant les élèves. Si nous comprenons bien qu'un
professeur agrégé, qui a une formation supérieure et des
responsabilités plus importantes, ait un meilleur salaire, nous ne
comprenons pas que son horaire de travail devant les mêmes
élèves, et avec les mêmes responsabilités, soit
différent de celui d'un professeur certifié. Pourriez-vous donner
la position exacte de votre syndicat sur ce point ?
Concernant les chefs d'établissements, vous avez indiqué que vous
étiez tout à fait opposés -nous sommes nombreux ici
à partager votre point de vue- à ce que les chefs
d'établissements recrutent directement le personnel affecté
à leur établissement. Cela étant, pensez-vous que les
chefs d'établissements doivent avoir des prérogatives
vis-à-vis des enseignants ? Doit-on redéfinir le statut des
chefs d'établissements ? Doit-on transformer leur travail ?
Doit-on leur permettre de donner des appréciations sur le personnel
affecté à l'établissement ?
Troisième question : pensez-vous que le collège unique est
encore d'actualité ?
Concernant le collège, pensez-vous que la bivalence que nous avons aussi
très largement évoquée, doit être
définitivement abandonnée, voire la polyvalence, ou bien
reprise ?
Dernier point : vous avez indiqué, il y a un instant, l'exemple de
classes de première avec 38 élèves. Il est vrai que
cela existe. Comment expliquez-vous que le taux d'encadrement soit de un pour
douze et qu'il y ait des classes de 38 élèves en classe de
première ? Avez-vous une explication ?
M. Bernard Kuntz -
A propos des agrégés, il
y a un aspect technique que M. Jean-Claude Goui pourra
développer. Je voudrais répondre sur le fond. Le problème
que vous posez à propos des agrégés se pose depuis des
années. Pourquoi les agrégés ont-ils moins d'heures ?
On y joint en général la question de savoir si les
agrégés doivent enseigner ou non dans un collège
où, théoriquement, ils n'ont pas leur place. Voilà le
genre de discours auquel nous sommes confrontés.
Nous avons tendance à prendre le problème dans l'autre sens. S'il
existe, au sein de l'éducation nationale, un concours de recrutement de
niveau agrégation, qui est d'ailleurs une rareté par rapport aux
autres pays européens, l'existence d'un pôle d'excellence dans les
concours de recrutement des professeurs nous semble être une garantie -je
ne plaide pas pour ma paroisse parce que je ne suis pas agrégé-
de la haute qualification des personnels enseignants de l'enseignement
secondaire.
Il nous semble que cette éternelle question visant à
réduire ou à augmenter la charge de travail des
agrégés doit être en même temps
éclairée par la réflexion "Est-il utile ou non qu'il y
ait, pour le système d'éducation, un concours d'excellence comme
l'agrégation ?"
Il est évident que si l'on est opposé à l'existence
même de l'agrégation, revendication que certaines organisations
syndicales ont mise en avant il y a quelques années, je crois qu'il y a
lieu de s'attaquer à ce qu'il faut considérer comme des
privilèges. Si toutefois on est attaché à la
qualité du recrutement sous-jacent à l'existence de
l'agrégation, il me semble qu'il faut admettre que ces professeurs
bénéficient d'un traitement supérieur, et d'un horaire
correspondant à leur degré de qualification, à leur niveau
de préparation, et aussi -ne l'oublions pas- aux heures
attribuées pour une éventuelle recherche.
M. Adrien Gouteyron -
J'ai bien entendu ce que vous avez
dit des agrégés, mais je reprend vos propos. Au niveau de
qualification, soit. Il est normal qu'ils aient un traitement
différent ; on peut l'accepter. Un service différent pour le
même travail est plus contestable, non ?
M. Bernard Kuntz -
Dans ce cas, monsieur le
sénateur, si on veut absolument que les professeurs de lycée
aient tous le même horaire, nous suggérons d'aligner l'horaire des
certifiés sur celui des agrégés.
M. Adrien Gouteyron -
C'est une bonne position
syndicale !
M. le Président -
C'est-à-dire un effort
supplémentaire de la nation, en termes de coût.
M. Bernard Kuntz -
Ce n'est pas nous qui avons
posé cette question.
M. Adrien Gouteyron -
C'était simplement pour vous
faire préciser...
M. Jean-Claude Goui -
Sur un plan technique, nos
propositions ne vont pas tout à fait aussi loin. Mais si c'est un
problème d'égalité, autant mettre tout le monde à
12 heures plutôt qu'à 15 ou 18 heures.
Techniquement, nos propositions sont un petit peu différentes. Depuis
déjà trois ou quatre ans, nous avons déposé
des propositions d'aménagement des services en fonction du nombre
réel d'élèves par classes et des situations
concrètes des collèges. Nous avons déposé des
propositions qui, sans exclure tout à fait la possibilité pour un
agrégé de voir son temps réduit en présence de
classes particulièrement chargées, conduisent dans la pratique
les agrégés à rester à leur situation actuelle. Par
contre, que ce soit en lycée ou en collège, on donnerait la
possibilité aux autres professeurs ayant réellement devant eux un
grand nombre de classes, avec un nombre important d'élèves, et
avec un système dans lequel plus ils ont de classes de cette nature, de
leur accorder une réduction de service...
Notre proposition (très syndicale, je le reconnais) est plutôt
d'aligner, petit à petit chacun sur l'horaire des agrégés.
On n'a pas essayé de le faire en sens inverse. Cet alignement offrirait
pratiquement à tout le monde la possibilité de se rapprocher de
l'horaire des agrégés, mais en fonction de la
réalité concrète de service. Un certifié n'ayant
pas, dans son service, de classes avec un grand nombre d'élèves,
ne bénéficierait pas de notre proposition. Nous avons
essayé d'établir des propositions pas trop démagogiques,
allant vers la diminution des services des certifiés, et non pas
l'égalisation en ajoutant du temps de travail aux agrégés.
J'insiste sur trois problèmes ponctuels qui ne sont pas du corporatisme.
Il faut régler assez vite le problème des enseignants des
disciplines artistiques. Il faut reconnaître qu'ils voient défiler
une classe par heure ; on peut admettre qu'au bout de 20 heures en
collège, dans les situations actuelles, ce collègue passe de 20
heures à 18 heures ; c'est pour nous une priorité.
De même pour les collègues d'EPS : il faut reconnaître
-même si je sais que cette opinion n'est pas partagée par tous-
qu'ils ont la contrainte -même si de l'extérieur cela paraît
moins difficile que de donner un cours- de surveiller les vestiaires, de
transporter le matériel ; ils ont également des
activités physiques, pour ceux qui font leur métier,
évidemment. Donc nous ne considérons pas qu'il soit
forcément injuste de demander, pour eux aussi, un alignement sur le sort
des certifiés.
Pour répondre techniquement aux questions qui nous ont été
posée, concernant les agrégés, je crois que, sur le fond,
la réponse a été donnée. De plus, c'est en quelque
sorte un contrat. Le professeur agrégé -qui a
préparé et passé un concours difficile- sait au
départ, car cela fait partie du contrat, qu'il aura 12 heures
d'enseignement. Je ne suis pas sûr, mais je ne voudrais pas
répéter ce qui a été dit, surtout dans les
circonstances actuelles, que quelqu'un qui prépare l'agrégation,
apprenant que le temps de service serait aligné à plus
trois heures...
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Ne
pourrait-on pas imaginer que le contrat soit changé pour les nouveaux
recrutés ?
M. le Président -
Non, parce qu'ils demanderont à
être alignés sur les anciens.
M. Jean-Claude Goui -
Je ne suis pas sûr que, dans
ce cas, vous attireriez beaucoup de nouveaux candidats. Nous avons
éventuellement des propositions qui permettraient de progresser un peu.
M. le Président -
La motivation au concours est
donc proportionnelle à la durée de travail réel ?
M. Jean-Claude Goui -
C'est un élément.
M. Bernard Kuntz -
Je ne peux pas laisser dire qu'un
collègue passe l'agrégation interne pour travailler le moins
possible. La motivation légitime de ce collègue est la
volonté d'améliorer sa carrière, ses conditions de travail
et aussi, et pas accessoirement, sa qualification. Il est certain, et je le
maintiens, que les professeurs de lycée -en particulier dans certaines
disciplines- sont surchargés de travail. Ce n'est pas un hasard si
nombre de professeurs de philosophie, de lettres, de mathématiques et de
biologie souhaitent passer l'agrégation interne quand ils sont en
situation, parce leur charge est d'une extrême lourdeur, pour ne pas dire
insupportable.
M. Adrien Gouteyron -
Dans certains
établissements, sûrement !
M. Bernard Kuntz -
Sur les prérogatives du chef
d'établissement, nous pensons qu'il faut augmenter les pouvoirs des
chefs d'établissements, notamment en matière de traitement des
problèmes de violence, de discipline, de délinquance au sein des
établissements scolaires.
D'autre part, nous avons très souvent entendu la critique suivante
à propos des chefs d'établissement : ceux-ci seraient
obligés d'assumer une situation qu'ils ne seraient pas capables de
gérer dans la mesure où ils ne peuvent pas recruter leur
personnel, donc ils ne peuvent pas constituer des équipes
homogènes autour d'eux.
Le problème pourrait être résolu par un système de
déconcentration, mieux conçu que l'actuel. En particulier,
personne ne s'est jamais véritablement interrogé sur
l'opportunité de réfléchir à une
déconcentration sur une zone géographique plus restreinte que la
seule académie, et de savoir si, au sein de zones plus restreintes, il
n'y aurait pas des possibilités pour renforcer la cohésion des
équipes pédagogiques sur le terrain, et mieux les adapter aux
réalités locales.
En matière d'évaluation par les chefs d'établissement,
nous pensons que le chef d'établissement est tout à fait apte
à apprécier la présence du professeur, sa
ponctualité. Il est vrai que nous avons quelques réticences quant
au concept de rayonnement, qui ne nous semble pas particulièrement
clair.
Une chose est sûre : nous sommes catégoriquement
opposés à toute ingérence du chef d'établissement
dans la sphère du pédagogique pour des raisons qui nous semblent
évidentes : si le chef d'établissement est un ancien
professeur de mathématiques, je le vois mal allant voir ce qui se passe
dans la classe d'un collègue de lettres, et réciproquement. Nous
sommes ouverts à toute évolution dans les prérogatives du
chef d'établissement, à l'exception de la question
pédagogique ; nous souhaitons que celle-ci soit
réservée à une inspection entièrement
rénovée, réformée, et indépendante du
pouvoir politique.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Qui fait respecter
la discipline ?
M. Bernard Kuntz -
La capacité à faire
respecter la discipline dans la classe, c'est cela qui, selon moi, est
actuellement envisagé dans le concept d'autorité et de
rayonnement. Peut-être ce concept de rayonnement demanderait-il à
être précisé ? Un chef d'établissement est
parfaitement capable de déterminer si un professeur fait respecter ou
non la discipline dans sa classe. Etant entendu que dans certaines zones, je ne
suis pas persuadé qu'il soit seulement possible de faire respecter la
discipline dans une classe.
Là aussi, il y a peut-être une restriction à
apporter ; n'oublions pas que le système actuel de fonctionnement
de l'éducation nationale -nous ne sommes certainement pas les seuls
à l'avoir déjà remarqué- induit des comportements
tels que, en cas de difficultés dans un établissement, un grand
nombre de chefs d'établissement ont tendance à les
"étouffer" pour éviter que cela ne remonte trop haut et puisse
mettre en cause la réputation de l'établissement.
Il convient donc de prendre des précautions importantes pour que
l'accroissement d'éventuelles prérogatives du chef
d'établissement ne se traduise pas par une mise en cause
systématique du professeur à chaque fois qu'il y a des histoires,
pour éviter d'en subir soi-même les conséquences. C'est une
tendance du système : actuellement, quand un professeur est
confronté à des difficultés avec les élèves
-l'ensemble de nos collègues attire notre attention sur ce point-,
nombre de chefs d'établissement ont tendance à considérer
que le professeur doit être mis en cause. Les professeurs en ont assez
d'être les exclus du système d'éducation, et d'être
mis en cause pour leur "incompétence" à chaque fois que la
société oublie ses devoirs vis-à-vis d'eux.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Sur les
collèges uniques et le taux d'encadrement ?
M. Bernard Kuntz -
Sur le collège unique, nous
estimons que la plupart des maux du système d'éducation actuel
provient de la réforme Haby de 1975, qui a instauré le
collège unique sous la pression d'organisations syndicales qui voulaient
promouvoir une certaine vision du système d'éducation.
Nous considérons que le collège unique pose d'énormes
problèmes, peut-être pas intégralement dans sa structure
initiale. Je concéderais qu'au départ, un certain nombre de
structures étaient destinées à éviter les
dégâts de l'hétérogénéité
généralisée.
Cependant, l'expérience et les faits démontrent que, sur la
structure du "collège unique", s'est greffé un esprit
égalitariste qui a dévoyé l'ensemble de la structure de
l'enseignement secondaire en induisant des inconvénients graves en
amont, à l'école élémentaire, par l'irruption du
pédagogisme et la généralisation de méthodes
douteuses sur le plan cognitif, et en aval, par la généralisation
de la mentalité du collège unique au lycée, qui sera
bientôt consacrée par le lycée unique adapté enfin
au collège unique triomphant.
L'hétérogénéité de la classe est un obstacle
à la pédagogie et à l'enseignement. Le dispositif
consistant à mettre tous les élèves dans un cursus unique
est un dispositif socialement condamnable, car il induit des effets
d'inégalité criants par adaptation sauvage, mise en place de
filières sauvages de classes "CAMIF", et par le fait tout simple qu'un
élève qui ne dispose plus de la possibilité
d'acquérir des connaissances à l'école, s'il ne l'a pas
dans la famille ou par l'héritage culturel, sera voué à
l'échec social.
Pour résumer ma pensée, le collège unique est pour nous la
structure par laquelle se créent la fracture sociale et les
inégalités les plus scandaleuses. Nous demandons d'urgence, et
nous l'avons dit depuis le début : ce n'est pas le lycée
qu'il faut réformer et reconstruire actuellement, mais le
collège. Si le collège était correctement construit et
organisé, il imposerait logiquement une refonte du lycée, mais
qui devrait intervenir après.
Le collège unique induit lui-même une distorsion complète
du système d'orientation, qui produit l'inflation que l'on sait dans les
cycles ultérieurs, un tassement pyramidal vers le bas de la transmission
des connaissances, une dévalorisation des diplômes, et donc un
échec général de l'ensemble du système
d'éducation qui ne répond plus à sa mission telle qu'elle
a été définie par Condorcet et par ses fondateurs,
à savoir la transmission des savoirs et l'égalité
républicaine devant l'accès à la connaissance.
Sur la bivalence, je donnerai une réponse syndicale où
j'introduirai un peu de souplesse pour vous faire plaisir. Notre réponse
est claire : nous sommes catégoriquement opposés à
toute réintroduction de la bivalence, même en collège.
Cette revendication est introduite subrepticement par des organisations
syndicales qui, ayant vu leur champ de syndicalisation se réduire
à néant, souhaiteraient retrouver par ce biais un potentiel de
développement. Nous sommes donc radicalement opposés à
tout retour de la bivalence, nous n'en voyons pas la nécessité.
Bien que je ne doive pas dire cela, compte tenu de ce que je vient d'affirmer,
je crois que nos élus, et le SNALC d'une façon
générale, sont prêts à certaines concessions, non
pas sur les principes, mais en matière d'adaptation.
Nous reconnaissons bien volontiers que, dans un établissement rural
où il y a très peu d'élèves, il est parfois
nécessaire de procéder à des ajustements. Chaque fois que
cela a été nécessaire, et souhaité par nos
collègues, nous n'y avons pas vu de mal, mais nous souhaiterions que
l'on en reste à ce type de pratiques et que l'on ne débouche pas
sur une réforme de principe. Nous craignons, là aussi, surtout
pour les effets induits.
M. Jean-Claude Goui -
Pour conclure sur cet aspect de la
bivalence, nous estimons que, pédagogiquement, il est nettement
préférable pour tout le monde -y compris pour les
élèves- qu'un professeur soit formé dans une discipline.
Et, si l'on peut discuter dans la pratique, il nous semble
préférable d'être formé dans une seule discipline,
plutôt que de disperser ses forces sur plusieurs disciplines.
M. Adrien Gouteyron -
Je serai sans doute quelque peu
brutal : ne pensez-vous pas que votre position est plus justifiée
quand on prend en compte une certaine catégorie d'élèves,
que l'ensemble des élèves qui entrent au collège ?
Cela rejoint peut-être d'ailleurs vos propos sur le collège
unique.
D'autre part, pensez-vous vraiment que, pour tous les élèves, il
vaut mieux des professeurs formés dans une seule discipline ?
M. Jean-Claude Goui -
Tout à fait. Nous constatons
même assez souvent que ce qui est décisif, qu'il soit monovalent
ou bivalent dans les secteurs particulièrement difficiles que vous
évoquez, c'est la valeur professionnelle du professeur. C'est
très clair.
Un professeur même monovalent, pas très à l'aise, peut
avoir des difficultés, je suis prêt à le reconnaître.
Nous constatons que parmi les collègues arrivant à
intéresser, à faire progresser les élèves en
secteur difficile, c'est souvent, à condition qu'il s'y accroche et
qu'il s'y forme bien, éventuellement le jeune agrégé
maîtrisant très bien sa discipline et apportant donc aux
élèves quelque chose qui sort un peu de l'ordinaire, qui passe
mieux. On a réfléchi au problème, et cela n'a pas affaibli
notre conviction de fond. Mais on trouvera toujours l'exception inverse, c'est
évident.
M. Bernard Kuntz -
Il m'a semblé percevoir un
sous-entendu dans votre question.
M. Adrien Gouteyron -
Pas du tout.
M. Bernard Kuntz -
Mais un sous-entendu tout à
fait intellectuel ! Je crois que la position que nous avons là est
à resituer dans le cadre actuel. Il est évident que nous ne
sommes bloqués sur rien. Si une vraie réforme du système
d'éducation, et en particulier du collège unique, intervenait,
nous sommes prêts à en examiner toutes les conséquences
éventuelles.
M. Jean-Claude Goui -
Sur les points auxquels nous
n'avons pas répondu, j'ajouterai ces quelques précisions Tous les
quatre ou cinq ans, nous essayons par une enquête auprès des
collègues, qui vaut ce qu'elle vaut, d'évaluer la charge de
travail qu'eux-mêmes supportent. Et comme il s'agit d'une enquête
interne, nous avons la faiblesse de penser qu'ils nous disent à peu
près la vérité ; il suffit aussi d'éliminer
éventuellement des extrêmes pour trouver un chiffre à peu
près valable.
Depuis une quinzaine d'années, en lycée, les collègues
nous disent que leur temps global de travail -les cours, la préparation,
la correction, les conseils de classe, sachant que cela peut varier aussi d'un
mois à l'autre- oscille entre 41 et 47 heures, 47 heures pour
les professeurs de lettres, une dissertation étant évidemment
très longue à corriger. Ce sont donc eux qui tirent vers le haut.
En gros, les collègues se situent à peu près dans ce
créneau de travail réel, en éliminant -je le
répète- les cas des professeurs qui effectivement travailleraient
un peu moins ou d'autres qui dépasseraient les 47 heures. Ceci pour
compléter ce que nous avons dit sur la charge réelle de travail.
M. le Président -
47 heures
hebdomadaires ?
M. Jean-Claude Goui -
Oui, tout à fait.
M. Serge Lagauche
- Faites-vous votre moyenne sur une année
complète ?
M. Jean-Claude Goui -
Nous faisons notre moyenne sur
chaque semaine de travail dans l'année. Les collègues raisonnent
par année réelle de travail. Pour chaque semaine hors vacances,
ils nous disent à peu près avoir une charge de travail de 41
à 47 heures. Ce n'est pas la moyenne sur l'année. Pour eux,
il s'agit de la charge de travail qu'ils ont pendant les semaines où ils
travaillent, pour les lycées.
En collège, c'est beaucoup plus variable. Il faut reconnaître
là encore, sans faire de démagogie, que dans certains
établissements très difficiles, les collègues qui le
souhaiteraient ont bien du mal à préparer ou corriger des copies.
Ils ont, hélas, à faire des interventions d'urgence très
différentes. Le temps de travail ne peut pas se mesurer de la même
manière. Il y a l'aspect de soutien des élèves, le stress
personnel, plus délicats encore à aborder. Voilà pour les
chiffres concernant les lycées.
Concernant le problème du fameux taux d'encadrement, globalement, il y a
une différence qui s'explique par le fait que ce taux prend en compte
tous les moyens d'enseignants d'un côté, et tous les
enseignés de l'autre. Mais c'est un taux qui correspondrait à
quelque chose d'impossible, comme si tout le monde travaillait et se prenait en
charge en même temps.
Or, pour les professeurs et les élèves qui travaillent par
discipline, vous avez forcément dans les emplois du temps des heures
où un professeur ne travaille pas, et où des élèves
travaillent, et inversement. Ce taux est donc fictif. C'est comme si, la
même heure, en même temps, tous les élèves
étaient occupés en présence du même
professeur : c'est fictif. Il y a une déperdition, une
répartition du travail. Ce chiffre serait valable si un seul professeur
accueillait tout le temps, dans toutes les disciplines, tous les
élèves. Cette globalisation n'est pas fausse, mais c'est un taux
fictif.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Comment peut on
avoir, encore aujourd'hui, des classes de 38 ou 40 élèves,
et vous n'êtes pas les seuls à le dire puisque les lycéens
le disent dans la rue, alors qu'on les mettait en cause il y a 10 ans. Or,
d'après les chiffres communiqués par le ministère, il y a
beaucoup moins d'élèves et beaucoup plus de professeurs. Admettez
que cela puisse nous intriguer : ce maintien des classes à 38 et
40 élèves avec une diminution du nombre des enseignés
et une augmentation des enseignants.
M. Jean-Claude Goui -
L'une des explications est fournie
par les options qui font que, dans certains cas et dans certaines disciplines,
un seul professeur va prendre en charge un tout petit nombre
d'élèves. Nous sommes fermement attachés à
l'existence de ces options. En matière de gestion et de financement,
cela peut coûter cher. Mais qu'un professeur ait ici ou là trois,
quatre ou cinq élèves de latin ou de grec nous paraît
être un investissement pas forcément mauvais pour l'avenir. Un
professeur occupé une heure en présence de trois, quatre ou cinq
élèves dans une option ou une langue 3 fait forcément
baisser la moyenne.
Parallèlement, avec la dotation globale horaire, que nous n'avons pas
évoquée puisque nous sommes farouchement hostiles à ce
système réducteur, soit les chefs d'établissement
suppriment les options, et cela leur permet de baisser le nombre
d'élèves par classes -je schématise, le problème
étant en réalité très complexe-, soit ils
maintiennent un maximum d'options, ne serait-ce qu'à la demande des
familles, et inversement il faut charger davantage d'autres classes.
Voilà le principal point. Cela peut être ensuite une politique
d'établissement.
En gros, sauf à vouloir réduire le nombre de disciplines ou
d'options, ce qui fait à notre avis la richesse culturelle que l'on doit
aux élèves et à leurs familles, il ne peut pas y avoir
à chaque heure de répartition " militaire ".
Les chefs d'établissements, qui font de leur mieux, naviguent un peu
à mi-chemin entre les deux, essayant de maintenir les options, bien que
la suppression de celles-ci leur simplifierait parfois la tâche.
M. Adrien Gouteyron -
Une dernière question, qui
suppose une réponse très brève. Vous nous avez
parlé tout à l'heure des décharges syndicales de service,
du mode de calcul. Pensez-vous qu'en sus de ces décharges officielles,
il en existe d'autres, moins officielles ?
M. Bernard Kuntz -
Il est très difficile d'avoir
une réponse objective à une telle question. Nous le pensons, oui,
mais très honnêtement, nous sommes incapables de le prouver.
M. Adrien Gouteyron -
Je voudrais revenir sur la
déconcentration du mouvement. Si je suis bien informé, ce qui
n'est peut-être pas le cas, les règles qui vont régir le
mouvement à l'intérieur des académies, dont le
barème, sont établies sur des bases nationalement
édictées, ce qui pose une limite très claire à la
déconcentration et à son efficacité.
En tout cas, cela peut apparaître comme une entrave à la
nécessaire adaptation des choix qui permettraient de mettre dans tel
poste tel professeur ayant tel profil. Votre organisation est-elle favorable
à ce système, ou accepteriez-vous un système plus
réellement déconcentré, c'est-à-dire un
système dans lequel l'échelon académique, sans
définir cette notion, qui supposerait un travail avec les organisations
représentatives, aurait une plus grande marge de manoeuvre ?
M. Jean-Claude Goui -
Vous avez raison de faire cette
remarque. A la limite, cette année, les recteurs auront moins de pouvoir
qu'ils n'en avaient l'an dernier. L'an dernier, ils pouvaient nommer qui ils
voulaient dans les établissements sensibles. Cette année, y
compris dans ces établissements sensibles, particulièrement
difficiles, ils doivent se soumettre à ce barème. Ils ne peuvent
influer que sur quelques points, alors qu'à présent ils
décidaient eux mêmes. C'est même un recul pour les recteurs
par rapport à la déconcentration.
Effectivement, beaucoup de recteurs avaient préparé, sans porter
de jugement de fond, des barèmes académiques, et ils ont
été obligés éventuellement de les publier en
expliquant qu'ils l'appliqueraient dans trois ans si tout allait bien dans ce
sens là. Je ne suis pas sûr que le mouvement
déconcentré actuel ne soit pas un recul de ce point de vue, aussi
paradoxal que cela puisse paraître.
Pour l'instant, y a donc un barème académique commun
imposé à toutes les académies pour trois ans. Nous y
sommes favorables par souci d'équité. On peut critiquer un
barème, il y a forcément toujours des éléments
discutables : pendant des années nous avons plaidé pour que
cela tienne compte de la note pédagogique. Une évolution
égalitaire a emporté la chose. Nous sommes attachés
à l'existence d'un barème commun qui a au moins le mérite
d'éviter des inégalités ; le barème est connu
de tout le monde.
Je siège depuis une douzaine d'années dans les commissions
paritaires nationales. On a toujours muté mes collègues en
appliquant ce barème. On peut critiquer le principe, mais cela nous
paraît garantir une certaine équité, quelle que soit par
ailleurs la force de tel ou tel syndicat. Si fort que soit le syndicat, pour
l'instant c'est national et bien contrôlé par des personnels rue
de Châteaudun qui étaient très bien formés, qui
maîtrisaient parfaitement cela, et par des élus de toute formation
syndicale formés depuis longtemps, il ne pouvait y avoir de tricherie de
cette nature.
Sur ce qui pourrait se passer cette année dans telle ou telle
académie, c'est un autre problème. Nous ne sommes pas
fermés pour l'avenir. En particulier, nous admettons tout à fait
l'idée que certains postes particuliers...
M. le Président -
Les postes en ZEP ?
M. Jean-Claude Goui -
...soient des postes
particulièrement difficiles demandant peut être une
expérience et une qualification pédagogique particulière,
ou dans un autre ordre d'idée, des postes demandant une maîtrise
disciplinaire, un talent particulier. Il en existe déjà avec des
sections internationales par exemple. Nous ne sommes pas opposés
à ce qu'il y ait plus de postes à profil, cela ne nous choque pas
du tout. Du moment que les profils sont bien déterminés à
l'avance, et ne sont pas laissés au gré d'un choix local qui
aurait des arrière-pensées ; ce qui nous gênerait.
Pour un grand nombre de cas, on sait très bien que certains postes
n'étaient pas mis au mouvement par un recteur, ou qu'un poste avait une
étiquette particulière parce qu'il s'agissait de faire muter ou
de ne pas faire muter quelqu'un. Nous ne sommes pas opposés à ce
qu'il y ait un plus grand nombre de postes où le barème ne
jouerait plus. Nous nous distinguons de beaucoup d'autres d'organisations
syndicales sur ce point. Par contre, un barème identique pour tous sur
l'ensemble du territoire nous paraît présenter des garanties
d'équité que nous ne sommes peut-être pas prêts
à abandonner en échange de plus de souplesse.
De même le fameux argument qui explique que pour aller de Lille à
Roubaix, il n'est pas nécessaire de passer par Paris : l'avantage
que présentait le mouvement concentré est qu'il induisait une
égalité entre toutes personnes voulant aller à Lille,
alors que dans le système de cette année, la double phase ne nous
convient pas. Nous serions, dans ce cas, pour une déconcentration
totale, une seule phase, gérée par les académies, pour
aller dans votre sens, sous réserve de précautions techniques que
l'on a déjà élaborées.
Par contre, dans le cadre de ce qui va se passer, il y aura, qu'on le veuille
ou non, un avantage aux collègues déjà en place dans une
académie par rapport à ceux qui n'y sont pas encore. On peut
peut-être parler de préférence locale. Il y a
peut-être des arguments. Cela peut ne pas être choquant pour
certains. Mais nous ne sommes pas d'accord.
Pour l'instant, nous appartenons à des corps nationaux, sauf PEGC, corps
académiques ; mais pour les corps recrutés sur une base
nationale, nous pensons qu'il y a inégalité cette année.
Tous les collègues demandant leur mutation ne seront pas tout à
fait traités à égalité. Dans cette phase
intermédiaire, un bon mouvement national concentré aurait
été tout à fait possible. Nous avions de nombreuses
idées d'amélioration, et la suppression des postes
académiques aurait suffi à régler beaucoup de
problèmes de calendrier, d'affectations tardives de professeurs.
Cela dit, maintenant que l'on va déconcentrer, on ne va pas faire un
virage chaque année à 180 degrés. Il est clair que ce
système vaudra pour au moins trois ans. Les collègues vont
adapter leur stratégie, et l'on ne va pas l'année prochaine,
même si nous le souhaitons, dire "revenons en arrière et
reconcentrons tout" Quoi que l'on en pense, cela ne serait pas normal pour ces
collègues. Nous serions même assez, sous réserve que nos
propositions techniques soient retenues, pour une déconcentration
totale. Cela ne veut pas dire décision hors barème, ni
décision selon un barème qui serait très différent
d'une académie à l'autre.
Par contre, qu'il y ait plus de différences sur certains postes, ou que
ces postes plus nombreux qu'actuellement soient donnés au mouvement sur
des critères hors barème, nous en sommes tout à fait
d'accord. Nous sommes très ouverts sur ce point.
M. Bernard Kuntz -
Plus le point de chute
géographique du collègue muté serait restreint, plus on
pourrait envisager de la souplesse dans le barème, dans l'affectation
définitive.
Nous pensons que l'académie n'est pas le bon échelon pour une
déconcentration.
M. Adrien Gouteyron -
... Le département ?
M. Bernard Kuntz -
Nous le voyons plus restreint encore.
Pour les zones d'éducation par exemple, il y a là toute une
prospective intéressante qui permettrait de développer
l'autonomie de l'établissement.
M. le Président -
Nous vous remercions.
AUDITION DE M. JEAN-MARC MONTEIL,
RECTEUR DE
L'ACADÉMIE DE BORDEAUX
(17 FÉVRIER
1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Jean-Marc Monteil.
M. Adrien Gouteyron, président -
J'ai
beaucoup de plaisir à accueillir Jean-Marc Monteil, ne fût-ce que
parce que nous nous connaissons depuis très longtemps : c'est
l'Auvergne qui l'a fourni à la haute administration de
l'éducation nationale. Je lui souhaite la bienvenue devant cette
commission d'enquête.
Monsieur le recteur, vous avez la parole pour un exposé d'une dizaine de
minutes ; nous vous poserons ensuite des questions.
M. Jean-Marc Monteil -
La mission qui m'a
été confiée est extrêmement récente : il
me sera donc difficile d'apporter des éléments à votre
commission, à part des éléments personnels.
Elle consiste à engager une réflexion sur la notation des
personnels enseignants. Comme vous le savez, ce problème est, sinon
redoutable, du moins difficile puisqu'il s'agit de parvenir à une
appréciation à la fois pédagogique, par les corps
d'inspection, et administrative, par les chefs d'établissement. Ainsi,
un double regard est porté sur eux, d'une part, sur la façon
d'enseigner, de distribuer le savoir et, d'autre part, sur la façon de
servir plus largement l'intérêt d'un établissement public.
Dans ces deux approches, apparaît déjà, sinon une
réalité quelque peu conflictuelle, au moins une difficulté
à rendre les choses cohérentes. En effet, dimensions
administratives et dimensions pédagogiques sont certes dissociées
mais également associées sur certains points : les relations
entre chefs d'établissement et corps d'inspection existent mais de
manière non organique, très épisodique dans la mesure
où les corps d'inspection ne sont pas suffisamment nombreux pour visiter
les établissements régulièrement et
systématiquement.
Il convient donc de trouver en ce domaine une forme d'économie qui
permettrait de prendre en compte deux éléments importants :
d'abord, une appréciation la plus juste possible de l'acte d'enseigner,
de manière à éviter que la première notation ne
soit un étiquetage à partir duquel l'ensemble des notations
suivantes soient réalisées et d'obtenir ainsi un effet de source.
Une fois bien noté, on l'est à vie ; si l'on est mal
noté, ce sera parfois aussi à vie. Les correctifs sont parfois
uniquement de nature statistique.
Faut-il une notation immédiate et coter dès ses débuts un
jeune professeur, ou attendre un peu ? L'auteur de la seconde notation
doit-il connaître la première ? C'est un aspect très
important qui relève à la fois de la docimologie et d'une
éthique de l'évaluation. L'évaluation est un vrai
problème quand on sait que la promotion et les carrières des
enseignants peuvent y être attachés.
Il faut envisager les choses dans un perspective d'évaluation
positive : il faut que l'évaluation ait une fonction formative,
tant pour celui qui évalue que pour celui qui est évalué,
et pas seulement une dimension sommative.
La notation est un point de l'évaluation mais l'évaluation n'est
pas réductible à la notation. Il est important que la notation
rende compte d'une évaluation, donc d'une information donnée
à l'enseignant sur la façon dont il s'y prend pour enseigner.
C'est un retour sur son activité, une indispensable rétroaction
sur son activité.
Fondamentalement, il n'existe pas de différence considérable
entre l'évaluation des élèves, des enseignants, des corps
d'inspection, bref l'évaluation rencontrée dans tous les corps,
administratif, pédagogique, voire d'autres secteurs. Ce problème
d'évaluation est donc très difficile : il faut l'aborder
sans a priori.
C'est ce à quoi je vais m'attacher dans le cadre de la mission que m'a
confiée le ministre qui me demande de réfléchir et
d'analyser les principes à partir desquels s'organise la notation et
à partir desquels, dans une perspective d'évaluation positive,
nous pourrions concevoir un dispositif capable d'améliorer la situation.
J'avoue que je ne me suis pas encore engagé dans une réflexion
approfondie.
S'agissant de l'approche de la gestion du dispositif éducation nationale
et à partir de mon expérience de recteur, je voudrais ajouter
deux ou trois choses simples.
La gestion des personnels de l'éducation nationale est très
complexe : d'abord, pour une raison qui me paraît tellement
naturelle qu'elle doit sauter aux yeux de chacun ; une raison strictement
de territoire, c'est-à-dire d'organisation de la géographie.
En effet, si l'on analyse les choses, l'éducation nationale est le
dernier aménageur du territoire. Elle est présente partout ou
pratiquement partout. Au fond de la vallée d'Aspe, de la vallée
d'Aoste, sont implantés des écoles, des petits collèges,
voire des petits lycées. L'éducation nationale est donc
présente dans des endroits du territoire où il n'existe
pratiquement plus d'autres service publics.
La conséquence immédiate est que, du point de vue de la gestion
et de l'utilisation des ressources humaines, vous ne pouvez pas traiter de la
même façon un établissement situé dans un
département profondément rural et un établissement en zone
urbaine. Autant vous pouvez tenir une gestion des personnels, enseignants et
non enseignants, quelque peu rationalisée dans un dispositif urbain ou
suburbain, autant le problème est tout à fait autre dans un
dispositif rural.
La raison en est simple : par exemple, si, dans les zones rurales, vous ne
dispensez pas les options que vous adoptez dans les zones urbaines, vous ne
respectez plus l'égalité à l'égard de
l'accès à l'éducation. Pour servir des options en zone
rurale, vous êtes parfois forcés d'utiliser un potentiel
d'enseignement qui peut apparaître surdimensionné par rapport
à l'effectif auquel il s'adresse. C'est en quelque sorte un dispositif
binaire, en 0-1 : vous faites ou non. De la même façon, pour
le premier degré, dans un département très rural, vous
avez nécessairement un nombre important d'écoles avec une seule
classe ou deux.
Dans une telle situation, les notions d'effectifs, de nombre
d'élèves par instituteur ou professeur ne se posent pas de la
même façon qu'au centre de Paris ou de Bordeaux. Si notre regard
est par trop macroscopique, certes, on a l'information indispensable mais non
suffisante pour comprendre comment organiser le dispositif gestionnaire des
ressources humaines.
Cette dimension de territoire est essentielle, car elle peut induire des
différences importantes de gestion pour les dispositifs
académiques. Voilà pour le premier point.
Le deuxième point est étroitement lié au premier : la
carte des formations. Je suis profondément convaincu que, dans les
régions, dans les académies à forte ruralité et
à faible tissu industriel, par définition, là où
l'on rencontre non pas des PME-PMI mais de toutes petites PME-PMI ou de gros
artisans, il est indispensable d'organiser un aménagement de formation
continue à travers le dispositif d'enseignement. Il permettrait à
ces toutes petites entreprises (TPE), ou à ces gros artisans de
maintenir un niveau d'innovation, à la fois dans les domaines
technologique, commercial, de la réflexion sur les produits, qui
pourrait aider au maintien de l'emploi, voire même à son
développement.
L'obsolescence des techniques et des savoirs est extrêmement rapide pour
des gens qui sont loin des grands centres d'interaction. Il faut donc pouvoir
mettre à disposition cet aménageur du territoire qu'est
l'éducation nationale.
Voilà qui est très difficile et redoutable, mais c'est
probablement indispensable pour deux raisons : dans les zones de
dépeuplement, nous perdons des élèves, mais nous gardons
un potentiel humain et technologique dans un certain nombre de cas. En tout
cas, on conserve un appareil intellectuel et de formation.
Dans la société dans laquelle nous vivons, le retour en formation
est très vite une exigence absolue pour chacun. Dépeuplement et
baisse de la démographie scolaire peuvent être partiellement
compensés par accroissement de la démographie, lié
à la formation continue des adultes, des jeunes adultes ou des
adolescents. Sortis tôt du dispositif scolaire, éventuellement en
situation de difficulté, ils peuvent revenir sur des dispositifs et des
modalités diplômantes ou qualifiantes en formation continue.
Tous ces dispositifs existent, de façon assez naturelle, dans les grands
centres avec les universités, des lycées technologiques, des
lycées d'enseignement professionnel importants : post-bac,
systèmes d'apprentissage, relations avec des entreprises, tissu
économique dense. Mais plus on s'éloigne des grands centres
urbains, moins cette réalité existe. Il convient donc de trouver
un dispositif de cette nature.
La gestion des moyens de l'éducation nationale dans leur ensemble me
paraît devoir être appréhendée dans une telle
perspective. Si nous la regardons de cette manière, nous nous retrouvons
dans une notion de service public qui s'adresse à tous.
Sans cela, le risque est, à mon avis, double : d'abord, l'appareil
de formation éducation nationale se verrait doublé d'un appareil
de formation parallèle. L'appareil éducation nationale se verrait
alors sous-employé, insuffisamment utilisé ainsi que ses
compétences. Ensuite, il me semble nécessaire de trouver des
formes d'organisation qui associent étroitement formation initiale et
formation continue. Pour cette raison et pour une deuxième raison
importante liée au fait que la formation initiale ne peut évoluer
seulement sous la pression d'une réflexion strictement
académique, la formation initiale doit aussi pouvoir évoluer
à partir des problèmes posés par la formation continue,
qui renvoie une certaine image des besoins rencontrés sur le terrain,
des pratiques sociales, économiques et culturelles.
Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'asservir le dispositif d'éducation
nationale à des besoins définis en aval. Sinon, nous aurions une
situation catastrophique qui nous conduirait à un dispositif très
vite inadapté à la suite de l'évolution rapide de l'aval.
Si nous rendions l'amont contingent à l'aval, nous n'aurions plus de
dispositif d'éducation avec formation initiale.
Entre ces deux dimensions, il existe encore celle qui consiste à
créer de fortes interactions qui exigent un partenariat fort avec des
collectivités, avec l'environnement économique et surtout avec
les établissements d'enseignement où il convient d'organiser
cette solidarité et cette mutualisation des compétences.
En effet, aujourd'hui, nous vivons trop dans une culture de
différenciation inter-établissements. Autrement dit -il s'agit
ici d'un paradoxe-, dans l'éducation nationale, un établissement
peut considérer qu'il est éventuellement dans une logique de
compétition avec un autre établissement, sur un même site.
Cette logique vaudrait si nous ne n'étions pas dans une logique de
service public de l'éducation où ce qui prévaut
réside dans la complémentarité des établissements
sur un même site.
Un exemple encore : si deux ou trois lycées, se situant dans une
même périphérie, rivalisent pour présenter le plus
d'options possibles pour se retrouver avec des effectifs ridicules dans chaque
option, au prétexte d'utiliser ces options comme autant de produits
d'appel. On voit alors fleurir des dérogations pour accéder
à tel établissement qui utilise tel ou tel appel optionnel pour
parvenir à un tri des élèves.
Or, la question ne se pose pas en ces termes : il faut servir les options
qui doivent l'être mais éviter d'entrer en fausse concurrence
entre établissements en entraînant des effets
délétères.
Nous savons bien qu'on peut utiliser la langue de bois et dire que c'est
marginal. Mais ce n'est pas le cas : il est difficile aujourd'hui de faire
accepter que chaque établissement soit parfaitement connu de tous les
autres dans ses structures pédagogiques. Il me paraîtrait
essentiel que, dans une académie, dans un département, dans un
site géographique, on puisse exposer clairement la structure des
établissements, leurs options, le nombre d'élèves par
classe, le rapport des professeurs sur l'élève, le budget
consolidé de chaque établissement. Tout cela devrait être
parfaitement connu de chacun des autres établissements. Ainsi,
réunissant tous les acteurs d'un site, il serait possible de montrer que
l'on tient à mener une politique de site, visant à optimiser les
capacités de formation.
Voilà une démarche de service public. Cette mutualisation est
indispensable. Il ne s'agit pas pour autant d'en arriver à ce que cette
absence de différenciation aboutisse à des effets uniformisants.
La compétition ne peut porter sur la qualité des
établissements à travers ce qu'ils sont capables d'obtenir, dans
une politique de guichet, à l'endroit de l'administration centrale ou du
rectorat.
L'important est de pouvoir servir l'ensemble des formations disponibles, mais
avec une complémentarité nécessaire sur le site. De ce
point de vue, nous obtenons des économies d'échelle tant sur la
qualité que sur la quantité des moyens. C'est difficile partout
et je ne crois pas que cela soit spécifique à l'académie
dans laquelle j'exerce.
Que suppose une démarche plus mutualisante ? D'abord, que les
établissements aient des projets éducatifs pluriannuels. Il est
impossible de piloter un dispositif simplement de manière annuelle, et
ce pour une raison simple : prenons l'exemple d'un collège
où les enfants entrent en sixième ; ils y sont au moins pour
quatre ans. Le projet doit donc être conçu au moins pour quatre
années.
Les établissements doivent donc décider de projets. En outre, les
projets des établissements doivent pouvoir être
élaborés en fonction de la réalité du secteur
territorial sur lequel ils sont situés. Une fois remplies les
obligations d'enseignement obligatoire et de service public, le projet de
l'établissement doit s'inscrire pour une part dans le projet de
l'ensemble des établissements du site.
Il ne suffit pas de dire qu'il faut des relations entre le primaire et le
collège, entre le collège et les lycées ; encore
faut-il qu'elles existent dans des projets d'un site donné. C'est
simple : le passage du CM 2 en sixième n'est pas affaire
facile ; l'orientation post troisième ne l'est guère plus.
Il est important que des chefs d'établissement, des enseignants et des
personnels non-enseignants d'un lycée d'enseignement professionnel aient
une connaissance étroite du collège situé à vingt
kilomètres, à cinq kilomètres ou parfois à
500 mètres d'eux, et réciproquement. Simplement pour pouvoir
organiser convenablement les filiations naturelles qui doivent exister de
l'école élémentaire à l'université.
Ce que je dis ici vaut pour la relation entre l'école
élémentaire et le collège, entre le collège et le
lycée, mais aussi entre le lycée et l'université. Or, de
ce point de vue, nous accusons un certain nombre de déficits. La notion
d'orientation, pour être largement utilisée, n'est pas
complètement pratiquée en toute connaissance de cause.
Par exemple, je suis frappé, voire même choqué, de
constater que des élèves qui peuvent passer plusieurs
années dans le système scolaire peuvent en sortir pour passer
ensuite, un bilan de compétences dans un centre de bilan, public ou
parapublic : il est paradoxal de se faire établir un bilan de
compétences alors que, pendant des années, on a fait l'objet
d'une évaluation de ses compétences. L'éducation nationale
pourrait être un excellent "bilanteur" d'élèves (le
néologisme n'est pas des plus heureux) alors que l'on s'aperçoit
que les bilans de compétences se font ailleurs. C'est paradoxal.
L'élève se situe dans une continuité mais passe dans
divers établissements : il devrait exister une filiation entre eux.
Je ferais volontiers une analogie : il me semble indispensable qu'il y ait
des filiations inter-générationnelles et une vraie filiation
inter-niveaux d'enseignement. La difficulté est que cela se passe
plutôt en termes de rupture qu'en termes de filiation.
Un autre point que je voudrais développer, assez étroitement
lié aux deux premiers : la formation des personnels et, plus
largement, de toutes les ressources humaines de l'éducation nationale.
Il conviendrait d'utiliser davantage ce que j'appellerais les savoir-faire, les
tours de main des enseignants dans la formation initiale et la formation
continue des personnels. Autrement dit, dans notre système, il existe
des enseignants qui disposent de trucs, qui savent faire des choses qui
marchent. Il est important que toutes ces compétences puissent
être partagées et transmises. Dans la formation des enseignants,
une part doit être constituée de formation par les pairs, par ceux
qui, comme nous, travaillent à ce que l'échec scolaire soit
l'exception et la réussite scolaire la règle.
Cette dimension est plus importante à mes yeux que celle consistant
à gloser à partir d'un lexique savant sur la manière de
lutter contre l'échec scolaire. Sur le terrain, des gens sont capables
de faire certaines choses. Sur le modèle des compagnons du Tour de
France, ils devraient pouvoir en faire bénéficier leurs camarades.
Il ne faudrait pas tomber dans le travers affirmant que la formation n'est
constituée que de savoir-faire, de pratiques ou de formes de
pragmatisme. Une deuxième dimension reste capitale : la lutte
permanente contre l'obsolescence des savoirs pour un enseignant expert dans une
discipline. L'évolution des sciences et des techniques est très
rapide. Des secteurs de la science, notamment, évoluent à une
vitesse considérable. Il est capital que les enseignants soient en
mesure de suivre cette évolution.
Le deuxième volet de cette formation est donc le volet
académique, le volet disciplinaire, indispensable pour maintenir au
meilleur niveau de la connaissance les savoirs les plus actuels pour l'ensemble
des personnels enseignants.
Troisième dimension à ne pas négliger : la dimension
didactique qui constitue le lien entre la dimension académique d'une
connaissance toujours actualisée des savoirs les plus récents de
la science moderne, et le partage et la mutualisation des pratiques et des
savoir-faire d'enseignement.
Cette dimension didactique appartient aux cadres de l'éducation
nationale, notamment les corps d'inspection, dont le rôle est de
réaliser la transaction entre les savoirs académiques et les
savoir-faire, en essayant d'aider les enseignants à présenter les
savoirs de la manière la plus efficace pour faire l'objet
d'apprentissage chez les élèves. Nous en revenons ainsi au
problème de la notation et de l'évaluation. Voilà pour la
partie didactique.
Les savoirs, les savoir-faire et les modes de transmission : dans ce
champ, les corps d'inspection ont naturellement leur place, mais aussi les
universitaires.
Ces trois éléments que j'ai essayé brièvement de
développer sont probablement trois chantiers, ouverts depuis très
longtemps, déjà largement travaillés mais qui demandent
à être travaillés de manière continue, avec
opiniâtreté. L'enjeu est de taille. Au moment où l'on nous
suspecte de vouloir affaiblir le système à travers la
modification des contenus des programmes, de faire de la formation "light".
C'est là un discours stéréotypé.
L'important est que tout enseignant soit parfaitement en mesure de
maîtriser les contenus qu'il est censé transmettre ; il doit
être en mesure de maîtriser les façons de transmettre et
disposer de suffisamment de ressources partagées avec ses
collègues pour assurer sa pratique.
La réflexion sur les contenus appartient à la fois aux
réflexions sur les programmes et à la manière de pouvoir
les intégrer dans nos manuels, ce qui est une vraie question. Cela dit,
pour moi, la première question reste :
"Comment fait-on avec ce
dont on dispose aujourd'hui pour installer correctement une formation continue
des personnels, qui permettra d'intégrer toutes les évolutions de
programmes ?"
Voilà, en peu de mots, ma vision des choses. Je suis prêt à
répondre à vos questions.
M. le président -
Pour entamer les questions,
je passe d'abord la parole au rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur la
première partie de votre exposé, concernant la mission qui vous
est confiée et la gestion des ressources humaines qui en découle,
j'ai une série de questions.
Sur l'évaluation positive, je suis d'accord. Je l'ai
éprouvée dans d'autres lieux, dans l'entreprise en particulier.
Je suis intimement persuadé qu'on arrive mieux à gérer les
ressources humaines en développant les atouts des gens qu'en accentuant
leurs défauts ; il est nettement préférable d'aller
dans ce sens.
Cela étant, le corollaire de cette approche est aussi d'avoir une
évaluation sur les résultats peut-être en d'autres lieux.
Première question : à partir de cette démarche
très positive consistant à mettre en confiance les gens afin d'en
tirer le meilleur d'eux-mêmes, à l'autre bout de la chaîne,
regardera-t-on les résultats ? Je songe aux résultats qui
restent à définir en termes d'évaluation pour les
élèves, des résultats aux examens ou en termes
d'insertion. Seriez-vous prêt à aller dans ce sens ?
Pour aller plus loin, si au bout du compte, grâce à ces vraies
évaluations qui ne sont pas des notes brutales, mais qui donnent des
éléments positifs sur la personnalité des gens, on se rend
compte que certaines personnes ne sont pas tout à fait faites pour
rester là où elles sont ; dans le cadre d'une
démarche positive, est-on prêt à leur ménager des
portes de sortie pour faire autre chose, dans l'éducation nationale ou
ailleurs, où leurs compétences abordées de façon
positive seraient mieux utilisées ?
Deuxième question : seriez-vous prêt, les esprits sont-ils
assez mûrs pour que cette évaluation positive soit
réalisée en association avec les élèves et les
parents d'élèves ? Après tout, ce sont eux les
"clients" des professeurs. Or, dans tous les domaines, on demande toujours
l'avis de ceux à qui on rend un service. Pensez-vous que cette
démarche soit envisageable ?
Ma troisième question découle de la notation et se pose
plutôt en termes de gestion des ressources humaines. J'observe, dans
l'enseignement primaire de mon ressort, qu'un inspecteur des écoles
primaires connaît bien ses écoles, qu'il gère avec elles
les personnels, les remplacements et qu'il se comporte un peu comme un chef
d'établissement pour un pool d'écoles primaires. Je trouve que le
système fonctionne très bien. Comme l'objet de notre
enquête traite de l'utilisation du personnel, j'y reviens de suite :
le système permet de bien organiser les choses, par exemple, pour faire
appel au titulaire remplaçant au bon moment.
Par comparaison avec le secondaire, collèges et lycées,
pensez-vous que les chefs d'établissement devraient disposer de
davantage de prérogatives pour jouer ce rôle ?
Vous l'avez abordé en parlant de notation, il existe la notation
administrative et la notation pédagogique : elles sont
dissociées. Que je sache, dans le primaire, c'est la même personne
qui les attribue. L'image est un peu osée : j'ai l'impression que
l'inspecteur joue un rôle de chef d'établissement pour les
écoles. Pensez-vous qu'on puisse avoir la même logique dans le
secondaire ?
Ma dernière question, que je relie directement à l'objet de notre
commission : en faisant appel à votre expérience de recteur,
pensez-vous que le taux d'utilisation des titulaires remplaçants a la
même efficacité dans le primaire que dans le secondaire ? Il
faut en effet savoir que, dans le primaire, les personnes sont parfaitement
polyvalentes, gérées par un inspecteur ; dans le secondaire,
au contraire, les gens sont spécialisés et les chefs
d'établissement doivent se débrouiller. Sans citer de chiffres
que nous aurons par ailleurs, avez-vous le sentiment que ces dispositifs ont la
même efficacité ?
Voilà une première série de questions, liée
à la notation et à la gestion des ressources humaines.
M. Jean-Marc Monteil -
Sur l'évaluation positive
et l'évaluation corrélative des résultats, à quel
aune en mesure-t-on l'efficacité ?
Le problème est plus complexe que dans d'autres dispositifs, non
éducatifs. En effet, les résultats sont nécessairement
ceux des élèves, ce qui pose la question de l'évaluation
des performances des élèves, sur deux plans :
évaluation des performances des élèves par rapport
à eux-mêmes et évaluation des performances
élèves par rapport à l'ensemble auquel ils appartiennent.
Ce n'est pas pareil.
Le danger de l'évaluation des résultats bruts est d'obtenir une
évaluation en termes de résultats -examens, moyennes obtenues par
une classe-, sans qu'on puisse comparer les choses puisque les choses ne sont
pas égales par ailleurs ; c'est difficile à réaliser.
Je vous présente un exemple intéressant tiré de
statistiques récoltées dans mon académie. S'agissant de
l'évaluation des professeurs, les hommes sont aujourd'hui mieux
évalués que les femmes, toutes choses égales par ailleurs,
sur une inspection pédagogique. Les professeurs qui travaillent dans des
établissements difficiles sont souvent moins bien évalués
que ceux qui travaillent dans les établissements plus faciles. Les
résultats aboutissent ainsi à des biais
révélateurs : un certain nombre d'éléments se
rencontrent et se traversent. Quand je dis que les femmes sont moins bien
évaluées que les hommes sur le plan pédagogique, elles le
sont aussi moins bien par les inspecteurs femmes ; que l'on se comprenne
bien.
M. le président -
"Moins bien
évaluées" signifie bien que les résultats de leur
évaluation sont moins bons ?
M. Jean-Marc Monteil -
Effectivement. Leur
évaluation est significative-ment inférieure à celle des
hommes. Les biais sont donc nombreux.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pouvez-vous dire,
connaissant les potentialités d'un enfant, si cet enfant les
exploite ? C'est là que se situe le problème.
M. Jean-Marc Monteil -
Avec mon exemple, j'ai fait une
digression ; excusez-moi. Elle montre bien la difficulté de la
notion d'évaluation et de la notion de résultat : la machine
qui évalue est la machine humaine, qui présente certains
éléments faillibles.
J'en reviens à l'élève : la connaissance des
potentialités de l'élève est une exploration quasiment
infaisable de nos jours. Ma spécialité m'autorise quelques
remarques à ce sujet. Essayer de définir le potentiel d'un
élève à l'entrée est très difficile. Pour
évaluer les résultats de l'élève par rapport
à eux-mêmes, l'important est de faire en sorte que, dans une
progression programmée, il soit possible d'observer comment
l'élève progresse dans ses apprentissages. Qu'est-il capable de
faire de plus aujourd'hui qu'hier ? C'est le plus important parce que
c'est ce qui permet de mener à une évaluation positive de
l'élève.
Mais, comparé à la cohorte à laquelle il appartient, cet
élève peut se trouver dans une position défavorable.
L'acte éducatif est bien de lui permettre de développer au mieux
ses possibilités. Pour évaluer les résultats, il faut le
faire au vu de la progression de l'élève par rapport à
lui-même et par rapport à des indicateurs macroscopiques :
baccalauréat, BEPC, etc., c'est-à-dire la plus-value des
établissements. Pouvoir situer la part de l'enseignant me paraît
extrêmement difficile.
En revanche, ce qui peut être apprécié de manière
plus flagrante, c'est la part de l'établissement, c'est-à-dire la
façon dont le potentiel d'experts est géré dans un
établissement donné. D'ailleurs, de nos jours, c'est
calculé : au regard de la géographie de l'école,
certains établissements devraient présenter des plus-values et
n'en présentent pas, compte tenu des caractéristique
sociologiques de leur population.
Je parle d'évaluation positive, mais je devrais plutôt utiliser
l'expression d'évaluation formative, c'est-à-dire destinée
à faire en sorte que l'évaluation du professeur permette
d'établir certaines corrections éventuelles de sa pratique,
susceptibles d'engendrer des effets sur les résultats des
élèves. Voilà qui peut s'évaluer.
Il faut cependant prendre toutes les précautions. L'approche ne peut se
contenter d'être strictement statistique ou quantitative : on
passerait à côté de certaines choses. Il existe des
progressions non linéaires dans l'apprentissage des
élèves, des effets de potentialisation qui ont diverses
conséquences.
Il s'agit d'un univers très compliqué et je conserve une grande
modestie à son endroit. Je connais relativement bien le problème
de l'évaluation et il faut le prendre avec des pincettes. Il me semble
important que toute pratique fasse l'objet d'un regard extérieur et il
faut regarder ensuite si cette pratique et sa correction éventuelle ont
des effets sur l'objet de l'évaluation.
Deuxième élément : faut-il que les
élèves et les parents participent à l'évaluation de
l'enseignant ? Vous avez même parlé de "clients" à ce
propos. Pardonnez-moi de me montrer direct, mais je trouve que le terme ne sied
pas du tout à l'élève ; l'élève n'est
pas un client. D'abord, parce qu'il n'achète rien ; il est en
situation de développement et d'apprentissage, ce qui est
différent. En outre, l'approche est très différente selon
que l'on se trouve avec des élèves étudiants, post-bac, ou
avec des élèves de sixième, de seconde ou de
première.
Sinon nous en arriverions à une situation extraordinaire : un
élève peut être en mesure d'apprécier la
qualité de l'enseignement donné. A l'université, cela ne
présente aucune difficulté. A l'époque où
j'étais président de l'université, dans ma discipline
ainsi que dans d'autres comme les sciences de la terre, j'avais mis en place
l'évaluation de l'enseignement des professeurs par les étudiants.
D'ailleurs, on aurait presque pu s'en passer : il suffisait de faire une
évaluation de couloir pour savoir comment les choses
fonctionnaient !
Il est évidemment impossible de demander la même chose à
des élèves de collèges, de porter des jugements sur la
façon dont le professeur enseigne : ce qu'expriment les
élèves sont des sentiments à l'endroit de la relation
qu'ils ont nouée avec lui.
"Je ne comprends rien avec lui ! Le
cours est trop difficile !"
Mais il serait extrêmement dangereux
d'organiser une démarche de cette nature, chez les enfants jeunes. A
l'université, je serais favorable à ce dispositif qui se pratique
d'ailleurs dans d'autres pays.
S'agissant des parents, le problème est extrêmement
complexe : je suis placé dans une situation difficile, comme
beaucoup de collègues qui reçoivent des courriers de parents
à l'endroit de tel ou tel professeur. La diversité de ce qui est
dit à l'endroit d'un même professeur par les parents est telle
qu'on peut se poser des questions. Se baser sur eux peut être très
dangereux. Aujourd'hui, l'évaluation est quelque chose de très
complexe, difficile, exigeant beaucoup d'expertise. Les corps d'inspection ont
même beaucoup de mal à réaliser une
évaluation ; celle réalisée par les
élèves et leurs parents serait très impressionniste et
totalement rapportée aux préoccupations de l'élève
et de la famille, sans pouvoir prendre en compte la réalité de la
classe. Laisser le soin aux élèves et aux parents de piloter une
telle évaluation amènerait plus d'inconvénients que
d'avantages.
En outre, parce que le phénomène s'accroît, il me
paraît important de rappeler que les parents doivent participer.
L'instruction, la partie instructive, enseigner à apprendre
relèvent d'une expertise professionnelle dont les experts sont les
enseignants. Cette instruction ne se partage pas. Sinon tout le monde peut
faire de l'enseignement. En revanche, la partie éducative n'est pas
l'expertise exclusive des enseignants ; heureusement. Elle se partage avec
la famille, avec les pairs, avec les associations, avec l'ensemble des groupes
sociaux.
L'éducation est donc un espace partagé et l'instruction est un
espace d'expertise. Si l'on demande que les professeurs soient
évalués par les élèves et les parents, que va-t-on
évaluer ? C'est toute la question posée : on aurait
finalement une évaluation en termes de
"J'aime, je n'aime pas !
Il me va bien, il ne me va pas bien !"
Nous n'obtiendrions rien qui
nous permettrait de saisir l'expertise du professeur.
Il ne faut pas se cacher derrière ce discours : il est
évident que certains enseignants, dans cette profession comme dans
d'autres, présentent des insuffisances telles que l'évaluation
est facile à faire par n'importe qui : élèves,
parents, personnalités extérieures, à tout moment. Tout
cela n'est pas bon. Mais l'évaluation n'est pas difficile quand on est
dans les extrêmes : ce maître charismatique que tout le monde
regarde avec admiration ou cet incapable que tout le monde a situé.
C'est dans la zone intermédiaire que les choses sont difficiles et
réclament une expertise.
A ce niveau, il est inadmissible de laisser la possibilité de juger
à la discrétion de ceux qui reçoivent l'enseignement.
D'abord, ils sont en situation d'apprendre : les savoirs ne sont pas
partagés. Plus on monte dans la hiérarchie de l'enseignement,
plus les savoirs peuvent être partagés, comme à
l'université : l'étudiant de troisième cycle peut
être meilleur que son professeur dans certains domaines, mais pas dans
l'appréhension globale des problèmes. Il peut donc porter un
certain jugement. L'élève de troisième qui apprend la
mathématique peut seulement dire que le professeur ne lui convient pas,
qu'il parle trop vite. Si l'on instituait une telle dimension, ce serait
inaudible et aurait plus d'effets pervers que positifs.
Votre troisième question concerne l'IEN, l'inspecteur de
l'éducation nationale, qui fonctionne sur un dispositif en réseau
et qui pilote bien ces personnels considérés. D'abord,
l'enseignement élémentaire a une très grande
qualité : il est organisé en réseau. C'est
extrêmement positif du fait de cette logique de proximité.
Néanmoins, il faut convenir que cette logique de proximité est
moins liée à la qualité intrinsèque des gens
qu'à des conditions objectives, en l'espèce le maître
unique dans chaque classe, ce qui permet de partager davantage avec ses
élèves qu'en ne les ayant que trois heures par semaine pour un
cours de mathématique.
Le chef d'établissement peut-il jouer un rôle dans
l'évaluation ? A travers la commission Blanchet, il m'a
semblé que c'était le souhait des chefs d'établissement,
mais pas forcément celui des professeurs. Nous sommes en pleine
contradiction.
Ce n'est vraiment pas un réponse de Normand : je pense que
l'évaluation est très sérieuse et très
difficile ; c'est un moyen de développement important de notre
dispositif. Mais si, demain, chefs d'établissement et inspecteurs
doivent partager une évaluation du professeur, il est essentiel que la
formation des uns et des autres soit singulièrement
améliorée. Ainsi, on n'en arriverait pas à une
espèce d'évaluation composée de 90 % de
subjectivité et 10 % d'objectivité. Il convient de faire
attention : un chef d'établissement est un animateur de ressources
humaines.
Cet aspect est l'un des plus tendus du dispositif. Il existe actuellement une
note administrative donnée par les chefs d'établissement aux
professeurs : autorité, rayonnement etc. L'impact n'est pas
considérable. La question posée est de savoir si, dans
l'évaluation pédagogique réalisée, la part
évaluative du chef d'établissement doit entrer de la même
façon que celle apportée par le corps d'inspection qui juge de la
capacité supposée à enseigner du maître. Sur quoi
doit porter l'évaluation ? Quels sont les observables sur lesquels
doit porter l'évaluation ? Evaluer suppose des observables.
A propos d'évaluation, une observation : pour une évaluation
vraie, au sens de la physique, pour parvenir à stabiliser la note d'une
copie de philosophie, il faut 126 correcteurs ; en mathématique, il
en faut 47 ! Lisez les traités de docimologie ; vous utilisez
la méthode de l'erreur physique. Ce n'est pas très
compliqué. Je dis bien que, pour stabiliser la note, il faut autant de
correcteurs. La part de variation est tout à fait importante. Beaucoup
de travaux ont été faits : les notes au baccalauréat
ont été comparées chez différents
évaluateurs.
L'évaluation est donc très importante. C'est pour cette raison
qu'il faut dissocier les notations des évaluations. Nous savons que les
évaluations faites sur les professeurs le traduisent en une note qui
augmente avec le temps et au fil des inspections. Parfois, les temps
d'inspection sont très larges. Il me semble important -et c'est l'un des
éléments de la mission que le ministre m'a confiée-
d'essayer d'enclencher dès le début, chez l'enseignant, un
dispositif qui ne soit pas déterminant à titre définitif
de son évolution, c'est-à-dire un marquage initial qui
fonctionnera comme le "marqueur" biologique.
Autre question : le problème des remplacements. La gestion des
remplacements évolue. Dans mon académie, j'ai mis en place
25 zones de remplacements. J'ai donc affecté à des
établissements secondaires, dits mutualisateurs, des personnels
enseignants. Le primaire a son dispositif de remplacement organisé.
Cette affectation est décidée selon un calcul prévisionnel
consistant à dire que, sur les trois ou quatre dernières
années, dans telle discipline, les absences se sont distribuées
de cette manière sur le plan statistique.
Dans cette zone, j'attribue un stock de remplaçants supposé
pouvoir répondre aux absences habituelles. Les absences de très
courte durée sont gérées par le chef
d'établissement ; les absences plus longues, exigeant la
mobilisation d'un personnel remplaçant, sont gérées par
l'établissement mutualisateur. Si on ne parvient pas à trouver la
personne adéquate à cet échelon, le niveau
départemental constitue un deuxième niveau de recherche. Si,
à ce niveau, les recherches restent infructueuses, on accède
alors à un troisième niveau : le niveau académique.
Effectivement, dans certaines disciplines, il est difficile de trouver le
remplaçant adéquat. Ainsi, il existe une organisation de zones
-que j'ai appelée zones de remplacements- que j'ai fait correspondre
à des zones d'animation pédagogique.
M. le président -
Cette organisation
correspond-elle à un schéma que vous a suggéré le
ministère ?
M. Jean-Marc Monteil -
Non. Pas pour la définition
des zones de remplacements. C'est un type d'organisation que nous avons
défini académiquement pour gérer le mieux possible les
personnels de remplacement sur la base d'un constat établi à
l'échelon ministériel : il consiste à dire qu'un
professeur absent dans un collège pouvait être remplacé par
un professeur du lycée ; comme collège et lycée n'ont
pas de relations, le collège ne sait pas que quelqu'un est disponible
à côté. Il convenait d'essayer d'organiser ces
échanges.
Il convenait également de prendre en compte la notion de zone
d'animation pédagogique qui recouvre l'idée de bassin de
formation. Elle permet de gérer à hauteur d'homme, si j'ose dire,
dans un espace territorial déterminé, en fonction des ressources
humaines, de la carte des formations ou de la carte des options, afin que les
chefs d'établissement puissent travailler.
Peut-on envisager une approche de la notation qui associe plusieurs personnes,
qui soit collégiale, issue des corps d'inspection et des chefs
d'établissement ? C'est une question que j'ai écrite en gros
sur ma feuille blanche.
Votre dernière question portait sur l'utilisation des remplaçants.
M. le président -
Nous disposons de très
peu de temps : M. Baro, que nous entendons ensuite vient d'arriver.
Je passe maintenant la parole à M. Darcos.
M. Xavier Darcos -
L'exposé de
M. Jean-Marc Monteil a été très
intéressant. Il a centré son exposé sur le problème
de la notation et de l'évaluation. Ce qui frappe dans le système
éducatif, c'est l'abondance des dispositifs qui permettent d'obtenir ces
notes. Une direction est chargée de calculer l'efficacité des
établissements, leur intérêt en fonction de la zone dans
laquelle ils se trouvent, de manière à les faire progresser. Donc
évaluer et noter, nous savons faire.
En revanche, ce qui a été légèrement
esquivé, car l'exposé ne permettait pas d'entrer dans le
détail, est le lien pouvant exister entre l'évaluation et/ou la
notation et la formation continue. Or, le système éducatif
possède des outils de formation, mais aucune obligation d'y participer
n'est adressée aux enseignants. Ainsi, ceux qui suivent des formations,
qui utilisent le plan national de formation, sont essentiellement des
professeurs déjà excellents, motivés pour continuer
à se former et pas ceux qui en auraient besoin.
En fait, la question à poser, assez difficile à résoudre,
est de savoir comment lier la notation, quelle qu'elle soit, par qui que ce
soit, avec une obligation de formation, d'autant que le recteur Monteil a
lui-même rappelé à quel point l'obsolescence des savoirs,
des disciplines et des méthodes était grande.
Ma deuxième question : j'ai été très
intéressé par son exposé sur la mutualisation des lieux de
formation dans les sites. Tout simplement, ce qui se trouve derrière
tout cela n'est-il pas tant la volonté de l'établissement de se
faire identifier, que de trouver une solution à la massification. Les
établissements ont créé des options pour essayer d'amener
à eux de bons élèves.
La massification est-elle une réussite ? De tels propos, on
perçoit l'idée qu'après le collège unique, il
faudrait fonder le lycée unique, un grand lycée
départemental où l'on répartirait entre divers
établissements certaines options particulières. Le recteur
Monteil le sait puisque nous nous connaissons fort bien et que nous nous
tutoyons : je suis persuadé qu'au niveau du lycée, nous
risquons de retrouver ce qui a déjà été
réalisé au niveau du collège et que je dénonce,
à savoir une globalisation, une
hétérogénéité renforcée, un lieu
unique de formation pour tout le monde ; bref, l'unicité qui ne me
paraît pas répondre à la situation sociologique actuelle.
M. Jacques Mahéas -
Ma première question
concerne le même sujet que je voudrais compléter. Ce qu'a dit mon
collègue est très important : l'évaluation est un
élément intéressant, la notation également encore
que, quelquefois, elle n'est malgré tout pas faite de façon
systématique : parfois, les temps entre les évaluations et
les inspections sont si longs que les notes sont
réévaluées de façon automatique.
M. Jean-Marc Monteil -
C'est encore vrai.
M. Jacques Mahéas -
Oui, c'est encore vrai,
d'ailleurs. Une telle méthode me paraît la première des
choses à laquelle il conviendrait de remédier.
Pour rejoindre mon collègue, la question se pose quand on se trouve face
à une évaluation d'un enseignant en grande difficulté.
Encourager un bon enseignant c'est fort bien. Mais pour un enseignant en grande
difficulté par manque de formation, ou parce qu'il enseigne dans des
milieux particuliers, voire difficiles surtout pour un jeune enseignant, ou
encore parce qu'il manque de pédagogie, qu'il a lui-même un
problème particulier à régler, alors l'évaluation,
assez facile à établir, se heurte néanmoins à une
difficulté : comment aider ces enseignants?
Ne faudrait-il pas organiser une réflexion profonde sur
l'évaluation et les conséquences de la notation ?
Autres questions : j'ai été conquis par votre idée
qu'en milieu où apparaissent des marges disponibles d'enseignants et
d'heures disponibles d'enseignants, ils puissent participer à la
formation continue de petites villes et de villages. Cette idée me
paraît très intéressante.
Dans le même ordre d'idée, nous assistons à quelque chose
d'extraordinaire. Je suis de Seine-Saint-Denis, où nous avons des
milieux pas faciles : nous percevons le découragement des
enseignants. J'ai vu poindre au cours de votre discours l'idée de
l'enseignant avant celle de l'éducateur.
Pardonnez-moi, dans nos milieux difficiles, c'est d'abord d'éducation
qu'il s'agit. J'oserais même dire que la matière à
enseigner n'est pas fondamentale avant le baccalauréat. Ce qui me
paraît extraordinaire, c'est d'entendre les enseignants dire qu'ils
distribuent des notes de comportement. Au sein de l'école, cela se passe
bien. Dès le seuil de l'école franchi, ce n'est plus le
même monde, ce ne sont plus les mêmes lois, ce ne sont plus les
mêmes règles.
On assiste à cette dichotomie extraordinaire dans nos milieux. Les
enseignants nous avouent ne plus savoir comment faire. Les opérations de
citoyenneté et d'autres expériences ont été
réalisées : ils ne perçoivent pas les fruits de cette
éducation sur un comportement citoyen. Avez-vous réfléchi
à ce problème ?
M. le président -
Vous avez cinq minutes pour
réagir sur ces questions qui mériteraient de plus longs
développements.
M. Jean-Marc Monteil -
D'abord, le lien entre
évaluation et formation. L'évaluation de l'enseignant, quand elle
fait apparaître des difficultés, devrait déboucher sur une
proposition de correction de ces difficultés par la formation, en-dehors
du fait que la formation est un processus continu.
M. le président -
Sans qu'il soit imposé
aux enseignants.
M. Jean-Marc Monteil -
A partir du moment où
l'évaluation sera requalifiée, il apparaîtra naturel que la
formation puisse venir soutenir une progression sur l'échelle
d'évaluation et l'échelle de promotion. On n'engage pas les gens
sans une dynamique de cette nature. Le lien entre évaluation et
formation est donc très important.
Deuxième point : collège unique, lycée unique. Il ne
s'agit pas d'aller à l'unicité. Nous avons un dispositif
relativement intéressant : il intègre l'enseignement
professionnel, l'enseignement technologique et l'enseignement
général. Cette réalité et cette diversité
présentent un intérêt réel.
Par ailleurs, quand les établissements utilisent des options dans la
perspective d'attirer les bons élèves, c'est dans un souci
d'homogénéisation par le haut ; c'est clair. Mais on sait
que des gens homogènes dans une classe deviennent
hétérogènes trois semaines après. Un exemple type
est celui des classes préparatoires : tout le monde a la mention
très bien au bac et, trois mois après, l'un obtient 5 et l'autre
15. Homogénéité et
hétérogénéité constituent donc un vrai
problème.
Un point me paraît important à propos du lycée. Le
problème se pose en ces termes : nous constatons que les
lycées périphériques sont progressivement vidés et
s'homogénéisent d'une façon dangereuse, car il s'agit ici
d'une homogénéisation par le bas, avec toutes les
conséquences qu'elle implique. Si on laisse aller les choses, le coeur
des cités possédera trois ou quatre lycées qui proposeront
les langues rares, les options rares, celles qui attirent les
élèves. Il faudra aussi fermer les lycées de la
périphérie pour transporter les élèves à
cinquante ou soixante kilomètres !
Ce n'est pas ainsi qu'on aménagera le dispositif des services publics en
termes d'aménagement du territoire. L'objectif est de pouvoir plus ou
moins équitablement offrir aux élèves l'ensemble des
options possibles. Cela suppose que, dans des sites particuliers, il faudra
parfois s'organiser pour mutualiser certaines compétences.
Sur les enseignants en difficulté : les personnels en
difficulté, les professionnels en difficulté, quelle que soit la
nature de ces difficultés -mais restons-en à l'école-
constituent un élément dramatique que nous ne pouvons pas saisir,
vis-à-vis duquel nous ne savons pas comment nous y prendre, ni
même comment l'écarter. Nous ne sommes même pas dans la
situation de pouvoir répondre à la question de savoir s'il y a
une alternative professionnelle à une incapacité personnelle,
pour sortir de l'incapacité professionnelle qui peut être
liée à de la mauvaise volonté, à l'absence de
travail. Nous savons que cela existe, que des gens souffrent et nous ne savons
pas quoi faire. Une réflexion a conduire à ce sujet me semble
indispensable.
La question est de savoir, s'il peut exister, dans cette profession comme dans
d'autres, une incapacité à assumer une réalité
professionnelle qu'on n'avait pas bien appréhendée ou qui s'est
dégradée, pour des raisons diverses, si l'on peut offrir, dans le
service éducation nationale ou dans le service public d'autres
collectivités, la possibilité d'une réorientation ou d'une
requalification. Cela suppose une vraie relation et un travail entre certaines
politiques publiques. La mobilité entre les services publics me
paraît importante de ce point de vue.
Une personne qui n'est pas en situation de faire face à un groupe
d'élèves, qui s'en trouve dans l'incapacité totale peut
avoir une compétence pour autre chose. Nous savons cela par les
statistiques. Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de traiter ce sujet. On
peut très bien voir des gens "gâcher" une génération
d'élèves faute d'avoir pu repérer ces incapacités,
faute d'en avoir eu connaissance.
Nous travaillons actuellement dans la gestion des ressources humaines avec des
relations de proximité de plus en plus grandes ; cela
m'amène à votre deuxième question.
Aujourd'hui comme hier, l'enseignant est dans une forme d'isolement
réel. Je parlais d'absence de visibilité des
établissements entre eux, l'absence de partage de leurs
réalisations, mais ce que vous réussissez en tant qu'enseignant
ou ce en quoi vous échouez, vous ne le partagez pas ou peu avec vos
collègues : les lieux, les moments, les temps de partage existent
peu. Il y a une espèce de fonctionnement proche du repli sur soi, qu'on
peut appeler indépendance à l'intérieur de la classe, qui
fait que, quand on y est mal, on ne le dira pas et, quand on y est bien, on
n'en exprimera pas nécessairement les raisons à celui qui s'y
sent moins bien.
Il faut donc la mutualisation. La formation a son importance pour dire ses
réussites et ses échecs qui deviennent partageables, car nous
essayons d'améliorer une expertise collective et pas seulement
individuelle. Vous avez dit que vous aviez perçu dans mes propos que je
plaçais l'instruction, l'enseignement avant l'éducation. Je
n'oppose pas instruction à éducation mais je ne pense pas qu'on
puisse éduquer sans maîtriser certaines données de base
minimales.
M. Jacques Mahéas -
Je ne suis pas d'accord.
M. Jean-Marc Monteil -
Cette distinction n'est pas
toujours bien faite. Nous avons connu, dans l'histoire de l'éducation,
des temps où l'éducation a été le primat et
l'instruction la dérivée. Autrement dit, c'était le temps
où le professeur disait que l'élève en savait autant que
lui et que l'important était d'apprendre à vivre ensemble.
Certes, il faut apprendre à vivre ensemble, mais il faut partager
certains codes communs minimaux qui relèvent de l'instruction. Il est
très important que les professeurs remplissent cette dimension. La
dimension éducative n'est nullement dérivée,
parallèle : elle est consubstantielle à l'acte d'instruire.
Mais la réciproque n'est pas vraie : éduquer n'instruit pas
nécessairement, au sens cognitif du terme.
M. Jacques Mahéas -
D'accord, sauf que
l'éducation citoyenne est quand même de l'éducation.
M. Jean-Marc Monteil -
D'accord avec vous, mais ce n'est
pas cela que je suis en train de dire. Je dis que, si le gamin qui passe devant
l'épicerie ne voit pas ce qui est écrit, il n'en profitera pas.
M. le président -
Je crois que l'éducation
est faite pour certains et l'instruction pour d'autres.
M. Xavier Darcos -
Ces propos sont tout à fait
hérétiques par rapport à la vulgate de M. Meirieu.
M. Jean-Marc Monteil -
Non, cela constitue un
débat de fond : instruction, éducation. On les oppose alors
qu'il faut les lier, fondamentalement. Aujourd'hui, quels sont ceux qui sont en
déficit d'instruction ? Désolé, mais ce sont les
enfants défavorisés ; or, ils sont aussi en déficit
d'éducation.
M. Jacques Mahéas -
Excusez moi de dire : surtout
d'éducation.
M. le président -
Merci, monsieur le recteur. Vous
voyez comme vous nous avez passionnés. Si nous avons besoin
d'informations complémentaires, nous ne manquerons pas de faire appel
à vous.
AUDITION DE M. HERVÉ BARO,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES ENSEIGNANTS
(17 FÉVRIER
1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Baro.
M. Adrien Gouteyron, président -
La parole
est à M. Hervé Baro pour son exposé. Ensuite, nous lui
poserons nos questions.
M. Hervé Baro -
Monsieur le président,
merci d'avoir sollicité notre audition. Avant tout, il me semble utile
de vous présenter le syndicat des enseignants. Notre syndicat regroupe
les enseignants de la maternelle au lycée et est affilié à
la Fédération de l'éducation nationale (FEN) que vous avez
auditionnée. Par le biais de la Fédération de
l'éducation nationale, nous sommes affiliés à l'Union
nationale des Syndicats autonomes, c'est-à-dire à l'UNSA.
Pour rester dans le cadre des compétences et des préoccupations
de votre commission, je dois vous dire que, par définition, en tant
qu'organisation syndicale indépendante, nous sommes opposés
à la cogestion et, par contre, que nous sommes favorables à un
contrôle par les organismes paritaires de la gestion des personnels et du
système éducatif. Nous sommes attachés à
l'amélioration générale du fonctionnement du
système éducatif. Dans ce cadre, nous plaçons notre action
pour une meilleure efficacité de notre école ; cela nous
amène à prendre position en faveur des réformes du
système éducatif que nous jugeons les plus justes et les plus
utiles, particulièrement celles qui ont pour but de favoriser les
élèves des milieux sociaux les plus défavorisés.
Ce regard que nous portons sur le système éducatif et cette
volonté de le réformer, de l'améliorer, de le faire
évoluer dans le sens que j'indique, nous amène à poser la
question des moyens. Nous sommes, comme tout citoyen de ce pays, soucieux de la
bonne gestion des moyens dévolus au système éducatif dans
notre pays. Cela ne nous empêche pas de revendiquer l'augmentation des
moyens accordés à l'école publique.
D'abord, même si la question peut m'être posée, je vous
indique que nous avons approuvé la création des
aides-éducateurs. Ils constituent un apport important : ils sont
une contribution à la lutte contre le chômage et ils contribuent
aussi à l'amélioration du fonctionnement du système. Nous
les considérons comme du personnel à part entière du
système éducatif.
Pour ce qui concerne les moyens en personnels enseignants dans le premier
degré -ce qui relève des personnels non-enseignants est de la
compétence de notre fédération mais n'entre pas dans le
champ de compétence de notre syndicat- nous considérons qu'il
convient d'utiliser la baisse démographique réelle, que nous ne
contestons nullement. Nous devons utiliser cette baisse démographique
pour améliorer la qualité du système éducatif. Et
ce, d'autant plus que se met en place une réforme de l'école
primaire sous le vocable de "Charte pour bâtir l'école du
21
ème
siècle"
.
Dans cet esprit, nous avons
besoin de moyens pour améliorer le fonctionnement de l'école.
Nous sommes attachés particulièrement à deux aspects qui
nous paraissent mis à mal par l'actuel gouvernement : le
remplacement et la formation continue. Nous avons approuvé tout ce qui
peut s'intituler "Politique du zéro défaut"
,
mais il ne
faut pas qu'au nom de cette politique, des régressions soient induites,
par exemple, vis-à-vis des moyens dévolus aux remplacements ou
des moyens attachés à la formation continue des enseignants
où nous constatons une certaine régression.
Concernant le second degré, nous sommes attachés à la
politique de déconcentration de la gestion des personnels enseignants.
Nous approuvons cette démarche, car nous considérons qu'elle va
en faveur des personnels enseignants qui seront gérés au plus
près du terrain et qu'elle pourra peut-être réduire
certains dysfonctionnements que nous avons pu constater.
Ce que j'ai dit pour le premier degré est faux pour le second
degré, encore que le contexte soit différent dans la mesure
où, premièrement, il n'y a pas la baisse démographique
constatée dans le premier degré et, deuxièmement,
l'évolution démographique du second degré durant les
années précédentes n'a pas été
compensée par des créations d'emploi en nombre suffisant.
Dans le second degré, il nous semble que l'effort doit porter
également sur la question du remplacement. Dans le premier degré,
il existe des moyens en remplacement ; dans le second degré, les
moyens en remplacement existants sont largement insuffisants. Il faut trouver
une solution pour remplacer les maîtres absents, quelle que soit la
raison de leur absence. Il nous semble, en particulier, qu'il faut faire
évoluer le statut des titulaires académiques et des titulaires
remplaçants pour les fusionner en un seul statut.
Voilà ce que je souhaitais dire pour vous indiquer notre état
d'esprit, à la fois sur la réforme des systèmes
éducatifs et sur la question des moyens, ce qui fait partie des
principaux soucis de votre commission.
M. Grignon, rapporteur -
Pensez-vous qu'aujourd'hui, on peut
avoir une meilleure utilisation des personnels de l'éducation en
agissant, soit au niveau des méthodes, soit au niveau de
l'évolution des compétences, soit encore au niveau des
moyens ?
Ces trois variables existent : au niveau des méthodes, par exemple,
c'est la déconcentration mais cela peut aller plus loin. Au niveau des
compétences, ce peut être grâce à la formation
continue, ce peut être l'instauration d'une certaine bivalence. Vous avez
déjà évoqué le niveau des moyens.
Pensez-vous que, dans l'état actuel des choses, nous pourrions en faire
une meilleure utilisation ? Dans quelle direction pourrions-nous
aller ? Pour les systèmes de remplacement, dans le secondaire
particulièrement, comment verriez-vous les choses ? Vous avez
parlé de moyens, certes, mais, au niveau des méthodes et de
l'évolution des compétences, n'y aurait-il pas des pistes pour
améliorer le remplacement dans le secondaire ?
M. Hervé Baro -
J'ai déjà
répondu en partie à la question concernant une meilleure
utilisation des personnels enseignants ; au Syndicat des enseignants, nous
pensons que la déconcentration de la gestion des personnels enseignants
est une méthode qui doit permettre de mieux gérer et de mieux
utiliser les personnels.
Dans le système antérieur -qui est en cours de modification- nous
avons fait le constat d'une grande déperdition dans la gestion des
personnels enseignants du second degré en raison même de la
façon dont elle était conçue. Dans le cadre de cette
gestion, à la condition que l'administration de l'éducation
nationale la dote d'outils fiables pour apprécier les besoins en
fonction des moyens dont elle dispose, nous espérons que la
déconcentration puisse être une méthode permettant de mieux
utiliser les personnels, permettant d'être profitable à la fois au
système et aux personnels eux-mêmes.
Sur les compétences, nous avions ouvert une piste, celle de la
bivalence. Ce sujet ne concerne que le second degré, bien entendu, dans
la mesure...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Dans la mesure où
l'on a introduit beaucoup de spécialistes dans différentes
disciplines ?
M. Hervé Baro -
...dans la mesure où, dans le
premier degré, les enseignants sont polyvalents. Les
spécialisations qui interviennent dans le premier degré sont des
apports de compétence : nous constatons que les enseignants du
premier degré ne peuvent pas répondre à toutes les demande
de l'enseignement, même au niveau du premier degré, en particulier
dans certaines disciplines.
Sans entrer dans un débat dogmatique sur la bivalence ou la monovalence,
pour le second degré, nous sommes favorables à une
évolution du collège qui devrait être mieux rattaché
à l'école primaire et fonder un bloc commun
école-collège, qui assoie de façon visible l'école
de la scolarité obligatoire.
D'un point de vue pédagogique, cela peut rejoindre, par la suite, des
impératifs de gestion. Dans ce cadre, nous pensons qu'il convient de
réfléchir et de nous attacher à introduire, au niveau du
collège, une différenciation disciplinaire progressive,
c'est-à-dire aller progressivement vers une différenciation plus
marquée, notamment à l'entrée au lycée.
Un tel système, qui obéit à un impératif
pédagogique, ne peut avoir que des conséquences sur la gestion
des personnels qui s'en trouveraient améliorés et
simplifiés ; il aurait donc des incidences sur la question du
remplacement par exemple, sujet difficile à aborder dans le second
degré. Dans le premier degré, c'est relativement facile dans la
mesure où les enseignants sont polyvalents et où les instituteurs
ou les professeurs des écoles peuvent remplacer n'importe lequel de
leurs collègues. Dans le second degré, il est assez difficile de
demander à un professeur d'anglais de remplacer un professeur de
mathématique ; c'est beaucoup plus compliqué.
Cela étant, aujourd'hui, dans le premier degré, le volume du
personnel destiné au remplacement est relativement important : il
permet de répondre de façon assez satisfaisante aux
remplacements, mais pas partout et pas en toutes circonstances. Dans le second
degré, en revanche, on se trouve très loin de cet objectif qui ne
pourra être atteint qu'en augmentant de façon considérable
le nombre de titulaires remplaçants.
A cet égard, il serait bon de définir des aires
géographiques de remplacement, d'étendues variables selon les
disciplines et la géographie des académies, et que l'on
transforme les actuels emplois de titulaires académiques en emplois de
titulaires remplaçants.
M. le Président -
Sur ce point, pouvez-vous nous en dire un
peu plus, en expliquant la différence entre titulaire académique
et titulaire remplaçant ?
M. Hervé Baro -
Dans le premier degré, il
n'existe que des titulaires ou des titulaires remplaçants. Pour le
premier degré, un titulaire est titulaire d'un poste de classe. Grosso
modo, et en fonction des départements vu la diversité des
politiques départementales, il existe deux types de
remplaçants : les brigades départementales qui sont des
personnes chargées d'assurer les remplacements longs sur l'ensemble du
département et des "ziliens", chargés des remplacements courts
sur des zones localisées, la ZIL étant la "zone d'intervention
localisée". Ce système fonctionne convenablement, mais il est
toujours possible, sans doute, de trouver des moyens de l'améliorer.
Dans le second degré, il existe des titulaires remplaçants ;
leur nombre est de l'ordre de 2000 ou de 3.000. En tout cas, il reste
très faible au regard des 400.000 et quelques enseignants du second
degré. Ce sont des titulaires remplaçants, des personnes
affectées sur des zones de remplacement très larges. En effet,
ces gens appartiennent à une discipline, chargés de remplacer les
personnels absents dans la discipline concernée. Pour qu'ils soient
employés à temps complet, leurs zones doivent être
étendues. Il est aussi prévu qu'ils fonctionnent hors zone de
remplacement.
Vous pouvez vérifier les chiffres que je vous cite de mémoire
auprès des services compétents du ministère de
l'éducation nationale.
Par ailleurs, à côté de cette catégorie, il existe
40 à 45.000 titulaires académiques, personnels rattachés
auprès du recteur mais non affectés définitivement ni sur
un poste ni sur une zone précise. Ils sont mis à disposition des
recteurs à la rentrée. Le recteur de l'académie ou les
services du rectorat sont amenés à les affecter soit sur des
postes à l'année, soit sur des remplacements à
l'année, soit sur des remplacements.
M. le Président -
Merci de votre précision et de
la clarification, mais je voulais surtout vous demander si vous étiez
partisan de transformer les postes de titulaires académiques en postes
de titulaires remplaçants, nombre pour nombre ?
M. Hervé Baro -
Tout à fait. Je ne sais pas
si c'est nombre pour nombre mais, tant du point de vue de la simple gestion que
pour l'intérêt même des personnes, nous ne pouvons pas
laisser des gens dans l'ignorance de leur affectation jusqu'au jour de la
rentrée, voire au-delà. Il convient de définir des zones
de remplacement de taille raisonnable pour ces enseignants. Et il faut que les
personnes en question sachent qu'elles auront des remplacements à
effectuer dans la zone dans laquelle elles seront affectées et dans la
discipline qui est la leur.
M. le Président -
Dernière observation :
"dans la discipline qui est la leur",
n'est-ce pas contradictoire avec
ce que vous avez dit sur la polyvalence et la bivalence ?
M. Hervé Baro -
Monsieur le président, je
me situe dans la situation d'aujourd'hui, du découpage disciplinaire tel
qu'il est.
M. le Président -
Très bien : tel
qu'il est. La parole est à M. le rapporteur adjoint.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Monsieur le secrétaire général, vous êtes
soucieux de la bonne gestion des moyens accordés à l'école
publique. C'est l'objectif même de notre mission d'enquête, c'est
ce vers quoi nous devons tendre.
Peut-on y parvenir à moyens constants et non, comme cela a toujours
été fait jusqu'à présent, par la seule inflation
budgétaire, qui est la réponse la plus facile ? Peut-on
améliorer le système à moyens constants, notamment par des
redéploiements ?
Ma deuxième question a trait aux remplacements : vous avez
parlé des divers statuts qui montrent qu'il y a autant de contraintes
que de freins. Les remplacements nécessitent une
réactivité et une souplesse. L'appel à un "corps de
vacataires" dont il faudrait peut-être définir le statut ou qu'il
conviendrait de choisir parmi les étudiants peut-il permettre
d'améliorer le système ?
Ma troisième question concerne les options, sans doute très
intéressantes et facteurs certains d'attractivité pour les
établissements, mais très consommatrices de moyens humains. Ces
options sont-elles toutes nécessaires et indispensables ou ne
conviendrait-il pas, en ce domaine aussi, de rationaliser et de mutualiser un
certain nombre d'options ?
M. Hervé Baro -
Peut-on améliorer le
système à moyens constants ? Ma réponse est oui,
certainement. Depuis le début, j'ai dit, par exemple, que la
déconcentration de la gestion des personnels était une
façon d'y parvenir. A mon point de vue, cela ne signifie pas qu'on fera
mieux avec moins de moyens. Il faut distinguer la bonne gestion de la question
des moyens.
Ces éléments ne sont pas pour autant contradictoires ? Nous
pouvons rajouter des moyens au système éducatif et ne pas obtenir
d'amélioration en termes de résultat. Nous cherchons donc
à la fois une meilleure utilisation des moyens existants et, quand c'est
nécessaire, la création d'emplois supplémentaires.
J'ai dit tout à l'heure que, pour l'école primaire, il nous
semblait que la politique de moyens constants était intéressante,
qu'elle pouvait permettre une amélioration qualitative. Nous sommes
conscients que cela passe par un minimum de redéploiements que nous
n'avons jamais contestés, à condition que ces
redéploiements consistent à mieux répartir la richesse
nationale ou à donner plus à ceux qui ont le plus de besoins.
Nous sommes partisans d'une politique de gestion et -bien que le terme soit
malheureux- de "discrimination positive" dans l'éducation nationale.
En ce qui concerne les remplacements, je dis très nettement que nous
sommes opposés au recours à des vacataires. Je ne vous en ai pas
parlé mais nous connaissons l'expérience, qui existe encore, des
maîtres auxiliaires comme nous avions connu, dans un passé
lointain, l'expérience des suppléants éventuels dans le
premier degré. Le fait que nous soyons quasiment sortis de l'appel aux
suppléants éventuels dans le premier degré fait que nous
sommes arrivés à une gestion plus saine et plus efficace. Il
reste encore des suppléants éventuels en petit nombre, notamment
dans deux départements d'outre-mer et dans quelques départements
de la métropole. En Guyane et à la Réunion, il en reste un
nombre assez important.
A titre d'exemple, cette année, il a été
créé par le ministère de l'éducation nationale -par
le précédent gouvernement mais mis en place par l'actuel
gouvernement- un concours spécifique pour résorber les
suppléants éventuels, non titulaires de la licence -qui nous
posent problème du fait qu'ils ne peuvent accéder au corps des
professeurs des écoles- afin de leur permettre d'accéder au corps
des instituteurs. Ce concours spécifique est créé pour une
durée de quatre ans. De mémoire, la première année
de sa mise en oeuvre, le département de la Guyane a
bénéficié de 110 emplois ouverts. Ce département
recrute d'ailleurs, encore actuellement, des suppléants éventuels.
M. le Président -
Peut-on considérer que le
corps des instituteurs est en voie d'extinction ?
M. Hervé Baro -
On peut le considérer.
M. le Président -
C'est bizarre : organiser
un concours pour permettre d'entrer dans un corps en voie d'extinction.
M. Hervé Baro -
La Guyane vit une situation
particulière. Inutile d'en parler plus longuement pour l'instant :
puisque vous avez l'occasion d'y aller, vous verrez vous-mêmes.
Dans ce département, il y a une démographie mal
maîtrisée, une immigration importante et une population en
âge scolaire mais non scolarisée très importante. Le nombre
d'enfants actuellement non scolarisés en Guyane est estimé
à environ 4.000. Voilà qui explique le retard important du
système éducatif guyanais. Par ailleurs, comme
l'université guyanaise en tant que telle n'existe pas puisqu'il
s'agissait de l'université des Antilles et de la Guyane, le nombre des
jeunes titulaires d'une licence est insuffisant pour pourvoir les postes mis au
concours de recrutement de professeurs des écoles ; d'où les
problèmes de suppléants éventuels que j'ai
signalés.
Pour en revenir à la question des remplacements, nous sommes
opposés au recours à des vacataires. Dans le premier
degré, il est mis fin aux suppléants éventuels. Dans le
second degré, on s'attaque, mais insuffisamment rapidement, à la
résorption de l'auxiliariat. Il subsiste encore 28.000 maîtres
auxiliaires, ce qui -je le rappelle- une situation précaire, je le
rappelle.
Aujourd'hui, nous regrettons, puisque les maîtres auxiliaires ne sont
plus recrutés, que l'on fasse appel à des vacataires, à
des contractuels pour assurer les remplacements. Ces personnels, quelles que
soient leurs qualités, n'ont pas les compétences et ne sont pas
formés pour venir en aide aux élèves ou les prendre en
charge, particulièrement dans les endroit les plus difficiles, mais
aussi, au-delà de cette question d'élèves en
difficulté, quel que soit l'endroit.
Le dernier point est la question des options. Il faut associer la
diversité que l'on doit offrir aux jeunes dans le cadre de leur cursus
scolaire, sans tomber dans l'outrancier -c'est votre souci- qui, à la
fois, conduit à une consommation excessive de moyens et, d'après
moi, à un effet encore plus pervers : les options sont les moyens
de sélection, de filiarisation qui font qu'aujourd'hui certains
lycées sont nobles, chics à côté d'autres qui le
sont moins. A la limite, nous serions favorables à l'existence d'options
rares à condition de les implanter dans les établissements
où existent le plus de difficultés scolaires. Or, tel n'est pas
le cas : les lycées les plus consommateurs d'options rares sont
ceux qui scolarisent les élèves à moindres
difficultés.
M. le Président -
Une question connexe à
l'une de celles posées par Jean-Claude Carle : quelle est votre
position sur les MI-SE. (maître d'internat et surveillant d'externat),
sur les surveillants dans les établissements scolaires dont -si j'ai
bien compris- le ministre a envisagé de modifier le recrutement pour
faire face à certaines tâches pédagogiques, y compris
à des remplacements ?
M. Hervé Baro -
C'est vrai qu'à un moment,
le ministre a voulu modifier le statut des maîtres d'internat. Nous
sommes favorables au maintien et même à l'augmentation du
recrutement des MI-SE mais ce dossier doit être examiné en
même temps que le statut social de l'étudiant. En effet, les MI-SE
sont des étudiants salariés, à la différence des
éducateurs qui sont des salariés.
Nous pensons que ces jeunes doivent être en nombre relativement important
dans les établissements scolaires, qu'ils doivent remplir des
tâches de surveillance et des tâches d'éducation. Leur
statut actuel leur permet d'assurer des remplacements de courte durée.
Nous ne se sommes pas hostiles à l'idée qu'ils puissent assurer,
dès lors qu'ils sont volontaires et en ont la compétence, en
particulier les titulaires d'une licence, des remplacements de courte
durée. Il faut que ce soient vraiment des remplacements de courte
durée.
Dernier point sur la question des MI-SE : nous sommes favorables à
la réduction de leur horaire de présence. Comme ce sont des
étudiants salariés, il ne faut pas oublier qu'ils sont d'abord
étudiants. L'objectif des MI-SE est surtout de réussir leurs
études universitaires. Le nombre d'heures qu'ils doivent accomplir
aujourd'hui est relativement important, puisqu'il est de l'ordre de 27 à
28 heures, et ne permet pas d'assurer leur réussite universitaire.
Mme Hélène Luc -
A propos de la
déconcentration, j'ai l'impression, pour en avoir quelques échos,
que beaucoup de professeurs ne savent pas comment cela va se passer, qu'ils
manquent d'informations. En cas de mouvement inter-académique, les
choses sont assez simples mais le mouvement intra-académique est plus
compliqué.
Certains professeurs occupent un poste qui n'est pas mis en mouvement depuis un
certain temps et sur lequel ils comptent rester. Voilà qui pose
problème. En avez-vous personnellement des échos ?
Ma deuxième question concerne la dotation des collèges.
Actuellement, les conseils d'administration ne décident pas, car ils
reçoivent une enveloppe qu'ils ont à répartir. De
nombreuses questions se posent, y compris dans des collèges en ZEP qui
ne sont pas satisfaits de la dotation en enseignants. J'en ai un exemple
à Choisy : certains professeurs pensent que ce n'est plus
suffisant.
Que pensez-vous des Réseaux d'éducation prioritaires, qui se
situent entre la zone banale, normale et la zone d'éducation
prioritaire ? En dépit d'un supplément d'horaire à
assurer, les professeurs n'ont pas d'indemnité alors que les professeurs
de zone d'éducation prioritaire en perçoivent une. Comment
pensez-vous que cela se passe ?
M. Hervé Baro -
Sur la question du mouvement
déconcentré, quand on change le système pour passer
à un autre, il est légitime que les enseignants -c'est vrai aussi
pour tout citoyen- manifestent une forte inquiétude. Une information a
été faite par les soins de notre organisation syndicale
auprès de nos mandants pour leur venir en aide.
Cela n'empêche pas que nous ayons une certaine inquiétude, car
nous ne savons pas comment réagiront les services académiques qui
seront confrontés à une nouvelle forme de gestion à
laquelle ils n'ont pas été tous préparés. Face
à ce mouvement, il y a des interrogations. Nous sommes convaincus qu'au
bout du compte, ce dispositif contribuera à bonifier la gestion des
personnels, qu'il apportera un mieux-être aux personnes et qu'il
améliorera la gestion du système. Bien sûr, comme dans tout
changement, il demeure des inconnues. Nous ignorons comment réagiront
les divers échelons administratifs.
Avec la question de la dotation, pour en revenir à un problème
qui touche aux moyens, améliorer le système à moyens
constants est souhaitable mais, à certains moments, il faut des moyens
supplémentaires. L'inquiétude que vous soulignez concernant les
collèges pourrait aussi être étendue aux lycées,
voire aux écoles, ici ou là dans certains départements.
C'est vrai que nous sommes alertés par des collèges qui
considèrent que la dotation qui leur est accordée ne leur
permettra pas de fonctionner dans de bonnes conditions à la
rentrée prochaine.
Sur la question des ZEP et des REP, à l'origine, c'est-à-dire en
1981, nous n'avions pas été de farouches partisans de
l'introduction d'une indemnité pour les ZEP. En effet, nous ne
considérons pas que la prime de risque supprime le risque. Nous pensons
que, pour traiter la question de la difficulté scolaire, c'est par un
aménagement des rythmes scolaires, par des dotations
supplémentaires en personnel, par une autre organisation du
système qu'on y parviendra. Quant à la valorisation des
personnes, si nous avions à choisir, nous préférerions des
formules de type "accélération de carrière" au type
"indemnitaire"
Vous me demandez la différence que je fais entre les zones
d'éducation prioritaire (ZEP) et les réseaux d'éducation
prioritaire (REP). Vous l'avez trouvée vous-même : la
différence entre les deux, c'est une indemnité dans un cas et pas
dans l'autre ; ce qui prouve d'ailleurs les limites du système.
Mme Hélène Luc -
En plus, pour les REP, on
fait ce qu'on peut.
M. Hervé Baro -
Pour les REP, on fait ce qu'on
peut et, pour les ZEP, c'est à peu près la même
chose : nous aurions peut-être dû resserrer le dispositif,
transformer les indemnités en accélération de
carrière de façon à ne pas perturber le système par
le biais indemnitaire. L'occasion aurait dû être saisie
d'intégrer cette indemnité dans le traitement de ceux qui la
percevaient de façon à ne rien faire perdre aux collègues
et de traiter la question de la difficulté scolaire par une
amélioration en termes de personnel, de moyens, d'organisation des
services plutôt que par le biais indemnitaire. Nous avons ainsi un
dispositif qui, je le crains, restera figé pour longtemps.
M. le Président -
Je vais vous poser une question
brutale sur un tout autre sujet : toutes les organisations syndicales
bénéficient de mises à disposition. Les textes qui
régissent la fonction publique en définissent les règles
et établissent des barèmes. Votre organisation syndicale
bénéficie-t-elle de mises à disposition au-delà de
ce que les textes permettent ?
M. Hervé Baro -
Monsieur le président,
permettez-moi une rectification : les organisations syndicales ne
bénéficient pas de mises à disposition mais de
décharges syndicales, ce qui n'est pas pareil. Les mises à
disposition et les détachements sont accordés aux associations
périscolaires, par exemple, la Ligue de l'enseignement, pour n'en citer
qu'une. Les décharges d'activités de service dont nous
bénéficions sont définies par le décret du
28 mai 1982.
A la question précise que vous me posez, avec la rectification que j'ai
apportée, ma réponse est simple : nous
bénéficions du nombre exact de décharges qui nous sont
dévolues par la loi ou par le décret. Elles sont actuellement
pour nous au nombre de 212. Pour éviter toute ambiguïté, je
précise qu'il s'agit de 212 équivalents temps plein, inclus dans
le nombre de décharges dont la FEN a signalé qu'elle
bénéficiait et ne s'y rajoutent donc pas.
M. le Président -
J'ai posé la même
question à la FEN. J'insiste un peu : les recteurs n'en
rajoutent-ils pas un peu pour vous faire plaisir ?
(signe de
dénégation de M. Baro)
C'est certain ?
M. Hervé Baro -
C'est sûr que non. Pour
être précis et ne rien oublier, en plus des décharge de
service, la réglementation prévoit des journées
d'autorisation d'absence. A ce titre, en plus des 212 équivalents
temps plein des décharges dont je vous ai parlé, nous profitons
de 1.292 journées d'autorisation d'absence. Il se peut que, dans
certains rectorats, une partie de ces journées soit transformée
en équivalents temps plein.
M. le Président -
Il me semble que l'on nous avait
expliqué que cette transformation avait été admise sur le
plan national ? A raison de 75 % ?
M. Hervé Baro -
Absolument.
M. le Président -
Abandonnons ce sujet. Les
collègues ont demandé à poser des questions et je laisse
la parole à M. Martin.
M. Pierre Martin -
Vous avez exprimé votre
désaccord avec la politique du gouvernement concernant le traitement des
remplacements et la formation continue.
On sait que les professeurs titulaires sont en surnombre. Evidemment, ils ont
été formés pour exercer sur une spécialité.
Les maîtres auxiliaires sont aussi dans ce cas. Trouvez-vous normal que
certains, parmi les titulaires, refusent ce qui leur est proposé, et
plus encore parmi les maîtres auxiliaires, alors qu'ils sont avant tout
des enseignants ? Le besoin du service est bien d'avoir un enseignant
devant les enfants plutôt que des enfants sans enseignant ou dans une
autre situation ?
M. Hervé Baro -
Je vous laisse la
responsabilité de votre question. C'est vrai qu'il y a des enseignants
en surnombre. Je veux dire par là qu'il y a un nombre d'enseignants
supérieur au nombre de supports budgétaires existants. C'est une
réalité. Que des enseignants refusent, si tel est le cas, cela ne
me paraît pas normal, sauf, bien sûr, s'ils refusent d'enseigner
dans une discipline très éloignée de la leur.
En revanche, je pense que tout enseignant, titulaire ou auxiliaire,
bénéficie d'un salaire ou d'une rémunération et
doit donc être utilisé. S'il n'y a pas de remplacement à
confier, s'agissant de personnels non affectés à des postes, on
peut très utilement les affecter à des tâches de soutien
aux élèves, dans les établissements auxquels ils sont
rattachés. C'est ce que nous souhaitons. Bien entendu, il faut que ce
dispositif permette à ces personnels d'être détachés
de cette aide et de ce soutien si un remplacement ou un autre besoin se fait
jour.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Une
question qui concerne les chefs d'établissement. Aujourd'hui, nous
constatons un déficit dans le recrutement des chefs
d'établissements. A quoi cela tient-il ? Comment remédier
à cette situation ? Vous paraît-il souhaitable de
redéfinir les missions du chef d'établissement, voire de
renforcer ses prérogatives vis-à-vis des enseignants ?
M. Hervé Baro -
Je suis incompétent pour
parler des chefs d'établissement, dans la mesure où cela ne se
situe pas dans notre champ de syndicalisation pour le personnel enseignant du
second degré. Je saisis l'occasion pour parler des directeurs
d'école.
En effet, la question que vous évoquez sur la désaffection envers
la fonction de chef d'établissement existe également dans le
premier degré. Nous atteignons là des limites qui devraient
alerter les pouvoirs publics et le ministre de l'éducation nationale.
Aujourd'hui, on demande aux directeurs d'école d'accomplir des
tâches et des missions de plus en plus importantes. Il leur est
demandé de prendre de plus en plus de responsabilités : par
exemple, certains d'entre eux ont été sollicités pour
absorber l'arrivée des aides-éducateurs ; il est leur
demandé d'animer toujours davantage d'activités, d'assurer les
relations avec la famille, d'assurer les liens avec les collectivités
locales. Vous êtes très attachés à cette question en
tant qu'élus locaux.
Nous, nous souhaitons aller vers une amélioration de la situation des
directeurs d'école. Notre demande essentielle sur ce problème est
d'améliorer leurs décharges de service.
M. le Président -
Hier, nous nous trouvions
à l'académie de Paris. Nous nous sommes faits expliquer le
régime dont bénéficient les directeurs d'école de
Paris. Est-ce le modèle que vous visez ?
M. Hervé Baro -
Non, le modèle de Paris est
ce qu'il est. Nous pensons que les directeurs d'école doivent demeurer
-sauf dans les très grosses écoles où il sont dès
à présent déchargés de service- des enseignants,
des animateurs pédagogique et qu'ils doivent consacrer une partie de
leur service à des tâches d'enseignement.
Cela dit, nous estimons que le régime des décharges doit
être amélioré. Il faudrait dégager de leur temps
d'enseignement un temps durant lequel ils pourraient exercer leurs fonctions de
directeur d'école. Cela peut être un quart de décharge ou
une demi-décharge de service. Pour les plus petites écoles,
peut-être une journée mensuelle de décharge. Il faut
considérer que la tâche de directeur d'école est devenue de
plus en plus complexe et prenante : impossible d'ignorer cette
réalité.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Une
question plus générale : comment expliquez-vous
culturellement cette difficulté à envisager une diminution des
effectifs pour l'adapter à l'évolution
démographique ? Vous avez dit qu'il fallait utiliser la baisse de
la démographie pour améliorer la qualité. Je ne suis pas
tout à fait d'accord. Pourquoi ce blocage ? Pourquoi ne pas adapter
les moyens aux besoins ?
Avec une diminution de 25 % de la population scolaire, allons-nous
maintenir le nombre des enseignants pour augmenter la qualité, de
façon indéfinie ? A un moment, il faut corréler
l'évolution des effectifs à la population et surtout aux moyens
de la nation. Pourquoi un tel blocage culturel à ce propos ?
M. Hervé Baro -
C'est votre opinion, monsieur le
sénateur. Personnellement, j'en ai développé une autre,
à l'opposé de la vôtre. D'après moi, il faut
rechercher la meilleure efficacité du système ; elle se
mesure en résultats pour les élèves. Tant que nous
constatons que des élèves arrivent au terme de l'école
primaire avec des difficultés en lecture, en calcul, en expression
orale ; tant que nous constatons que des élèves sortent du
système éducatif sans qualification -50, 60 ou 100.000 par an, en
tout cas un nombre assez important- ; tant que nous constatons que
l'école reproduit, d'une manière certaine, les
inégalités sociales, nous pensons que le système n'est pas
totalement à l'image de ce que doit être la République,
c'est-à-dire égalitaire.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Monsieur le secrétaire général, c'est
déjà le cas : nous avons sans cesse augmenté les
moyens et nous constatons a priori, statistiquement, une augmentation de
l'illettrisme !
M. Hervé Baro. -
Nous avons une augmentation
de l'illettrisme, nous avons une diminution et même une réduction
importante du nombre d'élèves sortant sans qualification. Les
statistiques et les études montrent qu'il sera de plus en plus difficile
de réduire ce nombre, d'où la nécessité d'augmenter
l'encadrement éducatif pour réduire le nombre de sorties sans
qualification.
Je ne dis pas ici qu'il faut augmenter systématiquement les moyens.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Toute votre démonstration a consisté à nous
expliquer que, quand les effectifs diminuent, on ne pouvait pas diminuer mais,
par contre, des besoins nouveaux devaient être couverts, notamment par
les aides-éducateurs. D'ailleurs, on se posera le problème de
leur avenir dans cinq ans ; non pas parce que les besoins n'existent pas,
car ils existent. Comment trouver les moyens de répondre aux besoins qui
sont infinis ?
M. Hervé Baro -
Pour ma part, je suis
attaché à l'amélioration de la performance du
système. Je ne crois pas, contrairement à vous, que l'on puisse
améliorer le système en corrélant la diminution des
effectifs d'élèves à la diminution des effectifs
d'enseignants, sinon le système va régresser au lieu de
progresser.
(Signe de dénégation de M. Dupont.)
Pourtant, au Syndicat des enseignants, comme pour vous, notre souci est
d'arriver à un système le plus performant possible. Or, il a
été démontré qu'il ne faut pas espérer
améliorer le système d'un point de vue qualitatif en diminuant de
façon quantitative le nombre de personnels d'enseignement.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
C'est un a priori. Les nouvelles technologies et un certain nombre
de donnes peuvent laisser penser qu'il y aura demain des façons
d'évoluer différentes.
M. Hervé Baro -
Quand il aura été
démontré que les nouvelles technologies sont des instruments
à la disposition de toutes les écoles, de tous les
collèges et de tous les lycées, que les nouvelles technologies
peuvent permettre de réduire les effectifs en enseignants,...
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
...d'adapter, de corréler les effectifs à la
diminution de la population scolaire...
M. Hervé Baro -
...alors, nous serons prêts
à reprendre les débats. Pour l'instant, s'agissant des nouvelles
technologies, je constate que nous n'en sommes qu'au stade du balbutiement
à l'éducation nationale ; je ne parle que de ce que je connais.
Je suis partisan du développement des nouvelles technologies et je suis
partisan de l'adaptation du monde enseignant à leur utilisation, mais je
ne veux pas lâcher la proie pour l'ombre et considérer que les
nouvelles technologies nous permettront de mieux faire qu'aujourd'hui, à
moindre coût. Nous verrons.
M. le Président -
Très bien, monsieur le
secrétaire général. Merci pour vos réponses
très franches.
AUDITION DE M. GEORGES SEPTOURS,
INSPECTEUR
GÉNÉRAL DE L'ÉDUCATION NATIONALE
(17 FÉVRIER
1999)
AUDITION À HUIS CLOS
Audition de M. OLIVIER SCHRAMECK,
DIRECTEUR DU CABINET DU PREMIER
MINISTRE
(10 MARS 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Olivier Schrameck.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous n'avez pas
souhaité faire de déclaration liminaire, préférant
vous livrer d'entrée aux questions. Ces questions pourront porter sur
votre expérience actuelle et les responsabilités éminentes
que vous exercez actuellement, mais aussi sur celles que vous avez
exercées lorsque le Premier ministre actuel était ministre de
l'éducation nationale.
Je vous poserai une première question qui portera sur le
passé : M. Jospin, lorsqu'il était ministre de
l'éducation nationale, a obtenu une revalorisation importante des
salaires et rémunérations des enseignants. Je voudrais vous
demander quels étaient les objectifs initialement poursuivis par cette
revalorisation. Pensez-vous que ces objectifs ont été
atteints ? Plus clairement : ne pensez-vous pas que l'on a
manqué là une occasion de changer un certain nombre de
choses ?
En effet, je crois savoir qu'il y a eu quelque débat au sein même
du gouvernement de l'époque, certains ayant considéré que
les avantages supplémentaires donnés aux enseignants l'avaient
été sans contrepartie et qu'une chance a peut-être
été manquée.
Voilà la question que vous attendiez sans doute.
M. Olivier Schrameck -
Je n'en suis pas surpris, Monsieur
le Président. C'est une question très large qui appelle,
à mon sens, plusieurs éléments de réponse.
Il convient d'abord de se replacer dans le contexte des
années 1987/88. C'est d'ailleurs à dessein que je parle de
l'année 1987, cette revalorisation de la condition, ou de la
profession enseignante (les deux termes étaient employés à
l'époque) étant une promesse de M. René Monory
qui l'avait exprimée en termes extrêmement précis,
même si elle s'était heurtée à une certaine
incrédulité de la part des syndicats enseignants. Elle a
été portée, y compris dans la campagne électorale
de 1988, par ce qui devait devenir l'opposition. Il y avait donc
l'apparence d'un consensus politique sur cette question, puisque les forces
politiques qui devaient devenir la majorité parlementaire avaient fait,
à la suite du Président de la République sollicitant son
renouvellement, de la priorité à l'éducation nationale un
objectif d'ensemble.
Cette situation ne peut pas s'expliquer sans prendre en compte l'état
d'esprit de la profession enseignante à l'époque, état
d'esprit qui correspondait à une réalité détectable
à travers, par exemple, les résultats des concours
d'entrée dans la profession.
Il y avait une sensation ambiante de dévalorisation, de
méconnaissance de l'importance des fonctions par la
société, qui n'était pas seulement matérielle, mais
aussi psychologique, et qui s'expliquait par l'insuffisance perçue comme
telle des rémunérations, mais aussi par les conditions de travail
et par l'accent porté au moins dans une partie de la
société politique sur des valeurs dans lesquelles les enseignants
ne se reconnaissaient pas. Accent porté sur l'entreprise on parlait de
l'entreprise France à l'époque très fréquemment,
entre 1986 et 1988, et les valeurs du service public apparaissaient comme
étant relativement dévalorisées aux yeux d'un certain
nombre de syndicats enseignants. Voilà quelle était la situation
psychologique.
Je parlais des indicateurs objectifs. Par exemple, en ce qui concerne le CAPES
externe, près de 60 % des places étaient pourvues. Beaucoup
de candidats inscrits ne se présentaient pas et, parmi les candidats
inscrits, les jurys considéraient que la qualité des candidats ne
permettait pas de pourvoir une grande partie des postes, soit près de
40 %. Au surplus, il y avait au sein des écoles normales,
s'agissant du premier degré, un certain sentiment d'enfermement dans un
milieu trop peu ouvert sur le monde extérieur.
Tout cela forme un contexte psychologique dont les organisations syndicales se
sont évidemment prévalu pour réclamer d'abord une
amélioration des conditions matérielles de leurs mandants ;
amélioration qui, dans son principe, leur avait d'ores et
déjà été promise sous d'autres formes techniques. A
l'époque, par le biais des heures supplémentaires, M. Monory
ministre de l'éducation nationale, avait fait valoir qu'il assurerait
une augmentation des rémunérations.
Lorsque M. Jospin est arrivé rue de Grenelle, il a donc eu
face à lui des interlocuteurs extrêmement revendicatifs, qui lui
demandaient de tenir des promesses auxquelles, de différentes
façons, le monde politique s'était engagé dans son
ensemble.
Vous m'avez interrogé sur les objectifs, les modalités, et aussi
les éventuelles compensations de ces mesures indiciaires et
indemnitaires que l'on a parfois qualifiées de "plan Jospin".
Il y avait trois objectifs :
- Le premier était de rétablir une reconnaissance, au sein de la
nation, de la fonction enseignante, par les actes et par le discours, mais le
discours ne pouvait pas, pour les raisons que je viens d'évoquer, se
passer des actes, et notamment les mesures financières.
- Le second objectif avait trait à la formation. Le ministre de
l'éducation nationale de l'époque était persuadé
que les modalités de formation étaient devenues très
insuffisantes. Il n'a jamais voulu s'inscrire dans la distinction
traditionnelle entre savoir et pédagogie. Il considérait que les
deux étaient intimement liés. Pour autant, il lui semblait que la
reconnaissance même de la fonction enseignante supposait qu'il y
eût des lieux de formation reconnus comme tels, et bien adaptés
à ce que devait être le profil de la profession enseignante, ce
qui suppose de faire bénéficier de son savoir par des
méthodes pédagogiques adaptées.
D'où l'idée, inséparable de la revalorisation, de la
création des Instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM), qui avaient vocation à accueillir les futurs enseignants du
premier degré et du second degré, avec un certain nombres de
contacts, d'échanges et de formations communes, même s'il ne
s'agissait nullement de nier la spécificité des milieux scolaires
des premier et second degrés.
Il y avait aussi le souci d'assurer une meilleure formation universitaire
préalable avant la phase de préparation à la profession,
ce qui a notamment motivé les exigences universitaires posées
pour la formation des maîtres du premier degré. Au-delà de
ces exigences proprement dites, il y a eu le souci de reconnaître une
sorte "d'égale dignité" entre les fonctions du premier
degré et celles du second degré, qui ne devait se traduire ni par
une hiérarchie psychologique, ni par une hiérarchie indiciaire,
le gouvernement de l'époque étant persuadé que beaucoup se
jouait dès l'enfance en matière de discrimination scolaire, et
qu'il était essentiel que les meilleurs des enseignants motivés
puissent se diriger vers les carrières du premier degré.
Voilà un second objectif, important, qui relève de la fonction
enseignante en tant que telle.
- Le troisième objectif, au centre duquel s'est trouvée la
question de la création ou non d'un corps de professeurs des
collèges, a été de faciliter la gestion des enseignants,
et de les mobiliser au bénéfice des tâches qui
apparaissaient les plus urgentes et les plus difficiles. On aurait pu
procéder en matière de revalorisation, soit comme le
suggérait M. Monory par une augmentation des heures
supplémentaires, soit comme le réclamaient les organisations
syndicales par une augmentation aussi uniforme que possible des montants
indiciaires correspondant aux différents échelons et grades des
corps. Ce n'est pas, pour l'essentiel, la voie qui a été choisie.
On a choisi de procéder essentiellement à la création d'un
régime indemnitaire, car l'une des particularités de la fonction
enseignante parmi les diverses professions de la fonction publique était
d'être presque totalement dépourvue de régime indemnitaire,
puisqu'à l'époque il n'y avait qu'une indemnité, jamais
revalorisée, qui devait être de 23 francs, si mes souvenirs
sont exacts...
M. Xavier Darcos -
... et 33 centimes.
M. Olivier Schrameck -
Il nous a semblé que, si le
régime indemnitaire pouvait avoir une utilité, c'était
précisément d'introduire davantage de souplesse dans la politique
des rémunérations, et aussi d'inciter les enseignants à
affronter des conditions peut-être plus difficiles d'exercice de la
profession qu'ils ne l'auraient fait spontanément. D'où les types
d'indemnités qui ont été mis en oeuvre à
l'époque, et que je rappelle :
- les indemnités, dites de ZEP, étaient une innovation
complète et accompagnaient le mouvement de relance des zones
d'éducation prioritaires dès l'année 1988 ;
- le régime des indemnités de première affectation
facilitaient les débuts de carrière des enseignants, notamment
dans les disciplines déficitaires, ce qui devait encourager les futurs
enseignants à se présenter aux concours de ces disciplines
déficitaires ;
- les indemnités péri-éducatives, c'est-à-dire
celles qui devaient pousser les enseignants, au delà de leurs heures de
classe, à encadrer les activités collectives de leurs
élèves et dont on retrouve l'inspiration dans les programmes de
réforme actuelle.
Bien sûr, il y avait des mesures de nature indiciaire, sinon ce plan
n'aurait pas été de nature à être accepté.
Mais encore une fois, plutôt que de consentir à des augmentations
uniformes, nous avons procédé à un prolongement de
carrière, puisque l'une des grandes insatisfactions des enseignants
d'alors était que leur carrière se déroulait
entièrement sur une période de 25 années.
Nous avons donc voulu leur donner des perspectives qui puissent les motiver
au-delà, d'où la création de la "hors-classe" dont le
principe de départ avait été qu'elle ne serait pas
susceptible d'être pourvue automatiquement à l'ancienneté.
L'ouverture progressive de la hors-classe a fait qu'en réalité la
possibilité en a été donnée progressivement
à la quasi-totalité des enseignants.
Cette hors-classe s'accompagnait, pour le second degré, de la
perspective de la création d'un mécanisme de même nature
pour le premier degré, toujours selon le même parallélisme
des carrières.
A la question de savoir si j'estime que les résultats ont
été atteints, je ferai d'abord une observation
expérimentale. Ce thème de la revalorisation de la condition
enseignante, que l'on trouvait à la manchette de tous les journaux,
quotidiens ou hebdomadaires, a complètement disparu en deux à
trois ans.
Même les organisations syndicales, qui ont réclamé depuis
de nouveaux plans de revalorisation, n'ont jamais invoqué comme ils
l'avaient fait par le passé ce sentiment diffus et général
d'insatisfaction qui se cristallisait autour de ces formulations.
De manière tout aussi décelable, à travers les
résultats des concours, on a perçu une remontée
générale des candidatures qui ne s'explique pas, à mon
sens, uniquement par l'attrait pour des carrières prolongées et
améliorées. Elle s'explique aussi par l'appareil de formation mis
en place. Il y a eu une reconnaissance du rôle des IUFM comme
écoles professionnelles de formation. Bien sûr, il y a eu des
critiques dès l'origine mais, malgré tout, cette
expérience entièrement nouvelle a motivé un certain nombre
de générations et de promotions d'étudiants à
emprunter cette voie. On peut dire qu'il n'y a plus de crise de recrutement
dans l'éducation nationale aujourd'hui.
Cela a eu un certain coût, sachant que tout doit être
relativisé eu égard aux masses considérables que
représente l'éducation nationale. Je rappelle que le plan
originel était de 17 milliards de francs échelonné
sur dix ans (10 milliards sur les cinq premières
années, sept milliards sur les suivantes). On a calculé
a
posteriori
qu'en fait il aura coûté 19 milliards.
Par rapport aux masses des rémunérations, cela comportait une
augmentation de 1,6 % par an des rémunérations des
enseignants. Il faut donc relativiser globalement cet effort de mise à
niveau.
J'ai n'éluderai pas, Monsieur le président, la question
mentionnée explicitement à travers votre triple
interrogation : aurait-on pu, aurait-on du négocier une sorte de
compensation préalable à la revalorisation de la fonction
enseignante ?
Je vous dirai très nettement même si je sais que cela peut ne pas
correspondre au sentiment de certains participants que le ministre de
l'éducation nationale de l'époque ne l'a pas pensé.
D'abord, parce qu'il estimait que les organisations syndicales et les
enseignants n'étaient absolument pas prêts à ce type de
discours. Certes, une organisation syndicale importante, la
Fédération de l'Education Nationale, avait
développé au congrès de La Rochelle un discours sur
le "travailler autrement". La FEN était représentée au
sein du second degré par le SNES, et à l'époque la
scission n'était pas faite, même si elle était
déjà imaginée par certains le SNES avait des positions
radicalement inverses de celles de la FEN, et aucune velléité de
cette nature n'avait été exprimée par elle.
Par ailleurs, les contacts normaux qui avaient pu être menés dans
la concertation avec la FEN n'avaient pas conduit à dégager des
propositions de mesures préalables en termes d'alourdissement des
horaires, par exemple, que l'on aurait pu imaginer même si, bien
sûr, on les avait formulées différemment.
La démarche du ministre de l'éducation nationale a
été inverse : elle a été de reconnaître
qu'il y avait un vrai problème de reconnaissance et de
dévalorisation
a contrario
de la fonction enseignante, qu'il
fallait prendre appui sur un geste de confiance fait à l'égard
des enseignants pour promouvoir une pédagogie nouvelle. Telle a
été la philosophie de la loi d'orientation sur
l'éducation, votée définitivement par le Parlement
dès la session du printemps 1989, et qui est devenue la loi du
10 juillet 1989.
Cette loi d'orientation a rencontré dès l'origine, et bien
au-delà, un très large consensus, et pose les bases d'une
pédagogie nouvelle qui s'est développée depuis, notamment
en ce qui concerne l'accompagnement, l'encadrement des élèves, le
travail en équipe, et aussi la réforme de l'appareil de
formation. Je crois que le vote et l'application de cette loi d'orientation
auraient été inconcevables si le gouvernement n'avait pas
manifesté au préalable sa volonté de répondre
à une revendication reconnue comme légitime par l'ensemble de la
société politique.
M. Xavier Darcos -
Face à M. Schrameck, que
je considère plus comme un généraliste actuel que comme un
spécialiste de naguère, je voudrais faire une observation et
poser deux questions.
Première observation : le plan de revalorisation est
considéré aujourd'hui comme faisant partie des évidences,
et plus personne ne discute le fait qu'il était nécessaire de le
faire à un certain moment. En revanche, en ce qui concerne les
enseignants du premier degré, cela crée une difficulté qui
n'est pas réglée : lorsque des enseignants recrutés
aujourd'hui intègrent leur premier poste, ils ont très souvent
une rémunération supérieure à ceux qui enseignent
dans les mêmes conditions, dans les mêmes classes, pour la
même fonction, avec les mêmes horaires, depuis une trentaine
d'année, parce qu'ils sont instituteurs.
Concernant les questions plus générales qui nous
préoccupent, nous faisons deux observations. La première est que
l'on dépense en France environ un milliard par jour pour
l'éducation nationale.
Je ne polémique pas. Nous avons même accéléré
le plan d'intégration des professeurs des écoles. Un milliard par
jour, c'est beaucoup. Et pourtant, on a toujours le sentiment que le discours
revendicatif aussi bien des enseignants que parfois même des parents
d'élèves est qu'il manque quelque chose, et qu'il faut donner
plus. Est-ce votre sentiment ? Cela vous paraît-il juste ? Dans le cas
contraire, d'où vient cette optique continuelle du quantitatif que l'on
ne semble pas pouvoir dégager de l'esprit des gens ? Et ce n'est
pas seulement le SNES qui dit cela.
Ma seconde question porte sur les chefs d'établissements. Je crois, en
effet, que le recrutement aujourd'hui est abondant, mais ce n'est pas vrai pour
les chefs d'établissements. On n'a pas de bons candidats. Les concours
ne fournissent pas des gens de qualité. Les chefs d'établissement
ne sont pas très heureux de leurs fonctions. On a des gens très
variés, surtout parmi les chefs d'établissements en
collèges. Partagez-vous cette analyse ? Quelles solutions
imaginez-vous ? Ne faudrait-il pas faire quelque chose d'important sur la
fonction des chefs d'établissements, envisager une autre conception de
la fonction, une autre relation d'autorité avec les enseignants ?
Enfin, dernière question : nous observons également, depuis
que nous avançons dans notre enquête, alors que le rapport entre
le nombre d'enseignants et d'élèves n'est pas défavorable
(un sur douze), que la distribution des postes par rapport à la
population scolaire est très difficile à gérer, qu'il y a
des situations très contrastées, que beaucoup d'utilisateurs de
l'école ont le sentiment que les classes sont surchargées, que le
système des options et des disciplines très nombreuses complique
aussi la redistribution des postes ; il nous semble que tous les
observateurs et tous les spécialistes, de quelque bord qu'ils soient,
pensent que l'une des solutions à cette difficulté est la
bivalence des enseignants du collège.
Nous nous demandons s'il a été heureux d'entrer dans une voie
d'extinction des corps des PEGC, s'il a été heureux que,
finalement, le projet précédent au vôtre, qui consistait
à créer des professeurs brevetés, ait été
abandonné. Je voudrais connaître votre sentiment à ce sujet.
M. Olivier Schrameck -
Vous m'avez posé quatre
types de questions différentes. Pour ce qui concerne la situation des
enseignants du premier degré, nous avions perçu le
problème que vous soulignez, et qui existe. Mais en matière de
revalorisation du premier degré, nous avions le choix entre
deux perspectives : revaloriser les rémunérations des
instituteurs (ce qui n'aurait rien changé au fonctionnement du
système) ou créer un corps nouveau (que l'on a qualifié de
professeurs des écoles) fondé sur un système de formation
nouveau (celui des IUFM), qui bénéficierait de perspectives de
carrière plus attractives.
Je rappelle qu'en francs d'aujourd'hui, un instituteur pouvait espérer
terminer sa carrière à 11 300 francs, et un professeur
du second degré à 14 400 francs. Il y avait d'abord une
marge importante et ensuite, les perspectives des instituteurs étaient
singulièrement réduites. Donc nous avons choisi de créer
ce nouveau corps, ce qui permettait d'étaler la charge
financière.
Bien entendu, la situation transitoire est toujours difficile à
gérer. Je reconnais bien volontiers que plus le corps de professeur des
écoles s'accroît, plus l'effet de contraste s'amplifie lui aussi.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un protocole d'accord a
été signé avec les enseignants du premier degré,
qui comporte d'ailleurs un certain nombre de mesures de compensation, notamment
en matière de formation continue, extrait du temps de travail, pour
régler plus aisément les problèmes de présence des
enseignants, et qui prévoit que le mécanisme d'extinction du
corps des instituteurs prendra fin en 2007.
Si l'on avait appliqué mécaniquement les règles, cette
extinction aurait été retardée de près de
dix années supplémentaires. C'est un problème
à la fois objectif et psychologique qui, malheureusement, ne pouvait
être réglé autrement, sauf par une augmentation uniforme
à l'intérieur du corps existant des instituteurs.
Seconde question : le problème général du coût
de l'éducation nationale, auquel il est difficile de répondre en
quelque phrases.
La revendication quantitative dans notre pays n'est pas le seul fait des
enseignants ou de leurs syndicats. L'opinion publique est acquise à
l'idée qu'il faut faire davantage d'efforts en matière
d'éducation nationale, même s'il peut y avoir une approche un peu
schizophrénique entre le contribuable et le citoyen. Il suffit
d'ailleurs de voir les problèmes que vous connaissez bien, en tant que
représentants des territoires, et qui se posent avant chaque
rentrée scolaire, concernant les redéploiements
nécessaires.
Si l'on décidait effectivement de s'aligner sur l'évolution des
effectifs scolaires (et donc ne pas augmenter relativement la masse des moyens
lorsque les effectifs n'augmentent pas, voire de les diminuer lorsqu'ils
décroissent), on provoquerait des réactions politiques
extrêmement fortes.
Un chiffre étonnant concerne la situation du premier degré,
puisqu'il y a 300 000 élèves en moins dans
l'enseignement du premier degré, et qu'il n'y a pas eu de diminution des
effectifs ! Pour l'année prochaine, le Gouvernement a
décidé de faire des redéploiements à emplois
constants, et pourtant l'on connaît tous les problèmes que posent,
notamment dans la France rurale, les fermetures de classes ou, pires, les
fermetures d'écoles.
Une réaction naturelle des organisations syndicales est de demander
davantage ce n'est pas propre à l'éducation nationale mais il y a
aussi une propension de l'opinion à considérer que l'on ne doit
surtout pas faire d'économies sur le réseau éducatif
existant, ce qui suppose de dépenser plus dans la mesure où l'on
doit consacrer de nouveaux efforts, de nouveaux investissements (en
équipements, en locaux ou en postes) pour faire face à
l'augmentation des besoins sur certaines zones du territoire.
La situation des chefs d'établissements me paraît un point
essentiel. D'ailleurs, beaucoup de parents d'élèves manifestent,
par expérience, qu'un établissement vaut d'abord par la
qualité de son chef d'établissement. Qui ne connaît
d'établissements de valeur qui ont beaucoup décru en
qualité à l'occasion du changement d'un chef
d'établissement et bien entendu, inversement, qui se sont
redressés grâce aux qualités d'un nouveau chef
d'établissement ?
C'est un problème très difficile, qui ne peut se traiter
uniquement par des problèmes de revalorisation. Il y a eu, si je ne
m'abuse, quatre revalorisations successives des chefs d'établissements.
Ceux-ci ont connu les revalorisations relativement les plus
élevées depuis 1988.
Je crois sans esprit partisan que l'erreur première a été
commise en 1987, avec la mise en place par M. Monory du concours de chef
d'établissement. Nous avons beaucoup hésité d'ailleurs en
1988 pour le remettre en cause, parce qu'il nous semblait que les
critères de recrutement n'était pas adaptés à la
fonction de chef d'établissement.
Il faut bien dire que le système antérieur n'était pas
satisfaisant non plus. On comprend pourquoi M. Monory a souhaité le
changer. C'était un recrutement au choix qui n'offrait pas toutes les
garanties d'objectivité nécessaires. Mais je ne pense pas que le
système actuel que l'on a essayé de redresser en
professionnalisant les concours, de les simplifier (les premiers concours tels
qu'ils avaient été conçus étaient d'une très
grande complexité) réponde vraiment à un changement total
de fonction. Entre la fonction d'enseignant et celle de chef
d'établissement, il y a un changement radical de nature.
Un autre phénomène me paraît très insatisfaisant,
c'est une certaine crise de confiance entre les enseignants et les chefs
d'établissements. L'un des éléments qui m'ont le plus
frappé, lorsque j'ai fait connaissance avec les milieux scolaires, est
cette méfiance viscérale des enseignants à l'égard
des chefs d'établissements. Ils craignent toujours que ces derniers
viennent empiéter sur leurs compétences pédagogiques, sur
leurs compétences disciplinaires, alors qu'ils ne les reconnaissent pas
d'un point de vue disciplinaire et pédagogique.
Faut-il réfléchir à une double compétence
d'animateur pédagogique et de gestionnaire d'établissement ?
Je n'ai pas la réponse, n'y ayant pas suffisamment
réfléchi durant ces dernières années, mais je pense
que l'un des problèmes névralgiques de l'éducation
nationale réside bien dans l'exercice de cette profession.
Quatrième question : le problème de la distribution des
postes. J'y ai en partie répondu par avance, mais il comporte d'autres
aspects que celui de la redistribution territoriale. Il y a effectivement un
problème de gestion des carrières.
Nous espérons que la déconcentration, souhaitée par
plusieurs ministres de l'éducation nationale quelle que soit leurs
appartenances politiques, portera ses fruits. Je ne dis pas qu'elle les portera
immédiatement ; il y aura certainement, durant la première
année de son application, un certain nombre de difficultés, comme
toujours quand on substitue un nouveau système à un ancien. Elle
devrait néanmoins permettre, d'abord aux enseignants de faire des choix
mieux raisonnés en matière d'affectation, de diminuer les
frustrations nées de l'impossibilité de mutations
souhaitées depuis des années (voire des dizaines
d'années), et aussi de faciliter le contact entre l'autorité
gestionnaire et l'enseignant lui-même, qui a trop souvent l'impression
d'être traité comme un numéro et un chiffre de
barème.
Le problème des options est une des grandes difficultés de
gestion du système. Dès que l'on souhaite rationaliser et
simplifier les options, ce que beaucoup de ministres de l'éducation
nationale se sont essayé à faire, ils se sont à leur corps
défendant prêtés à des procès d'intention sur
la baisse des niveaux d'exigences. On l'a vu encore tout récemment. Un
certain nombre d'établissements vivent sur un système d'options
trop favorable au regard des contraintes générales du
système, qui crée des inégalités injustifiables
entre les établissements.
Certes, il faut maintenir des options spécialisées ; certes
les lycéens qui souhaitent cultiver les langues anciennes ou rares
doivent pouvoir le faire. Mais alors, sans doute faut-il qu'ils supportent un
regroupement des options et acceptent d'aller dans un établissement un
peu plus éloigné de leur domicile pour suivre ces options. Il
faut tenir un langage très clair à cet égard.
Concernant la bivalence des professeurs des collèges, le problème
s'est posé en 1988. Là encore, le ministre de
l'éducation nationale a beaucoup hésité sur cette question
qui pouvait ouvrir une perspective intéressante. Il ne l'a pas fait car,
à l'époque, créer d'emblée un corps de professeurs
de collèges à l'intérieur de l'enseignement du second
degré aurait entraîné à son avis une plus grande
complexité dans la gestion, notamment dans les mécanismes de
mobilité, qu'elle n'aurait généré d'avantages.
Il ne l'a pas fait aussi en raison d'un refus frontal des organisations
syndicales que j'ai mentionnées tout à l'heure, et il y aurait eu
immédiatement un procès d'intention sur la dévalorisation
relative des savoirs des enseignants.
Je ne pense pas que cette idée doive pour autant être
laissée de côté sur le long terme. Encourager à
condition de ne pas l'imposer les bivalences peut présenter un double
intérêt : un intérêt de gestion, notamment dans
l'optique des remplacements, ou des gestions de quart-temps ou de demi-temps
dans les plus petits collèges, et aussi un intérêt
pédagogique. Car pour les élèves, il peut être
intéressant d'avoir le même enseignant dans des disciplines
pouvant être considérées comme connexes du point de vue de
leur apprentissage. L'erreur serait de donner une portée statutaire
à ce qui doit d'abord être un changement pédagogique.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Une question sur les
objectifs, une autre sur les moyens. L'éducation nationale est l'objet,
au gré des ministres, de nombreuses réformes.
On nous a dit ici que quand on change une heure de cours, cela signifie
5 000 professeurs en plus, qui mettent trois ans à
être formés et cinq ans à être
opérationnels, et qu'on les garde pour trente ans. Ne pensez-vous
pas, avec votre grande expérience à la fois de
généraliste et de spécialiste, comme le disait notre
collègue Xavier Darcos, qu'on pourrait faire une pause dans ce
domaine, se mettre tous autour d'une table et voir exactement où l'on
veut aller, d'une façon raisonnable, en intégrant bien sûr
les forts besoins de la population quoiqu'il y ait, à mon avis, parmi
les options, des options sélectives et des options démagogiques,
et qu'il faudrait peut-être, un jour, avoir le courage de revenir
là dessus ? Voilà en ce qui concerne les objectifs.
Au niveau des moyens : je rencontre, dans ma commune, un problème
à l'école maternelle qui compte un peu plus de
60 élèves. La semaine dernière j'ai rencontré
l'inspecteur, qui m'a dit qu'un emploi-jeune allait être mis en place
pour arranger les choses. J'en suis enchanté, encore plus dans la mesure
où c'est l'Etat qui le prend en charge, et non la commune. Mais dans
deux ou trois ans, je n'aurai plus besoin de cet emploi-jeune, car la
démographie diminue. Qu'allez-vous faire de tous ces emplois-jeunes mis
en place ? C'est très bien pour le moment, mais quels sont vos
objectifs à long terme pour ces emplois-jeunes ?
M. Olivier Schrameck -
Sur le premier point, je voudrais
souligner l'extraordinaire difficulté que rencontrent les ministres et
les gouvernements successifs pour traiter cette question des contenus
d'enseignement et de leur traduction en moyens.
Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale, avait
essayé d'aborder la question en créant le conseil national des
programmes, en faisant en sorte que des autorités scientifiquement
reconnues acceptent d'envisager des simplifications des cursus d'enseignement
puisque le ministre actuel de l'éducation nationale insiste sur ce point
l'on procède le plus souvent par stratifications successives. On ne
remet pas en cause les contenus anciens, et on en ajoute de nouveaux. Pourtant,
on ne peut pas dire que la réussite soit totale.
Quand j'étais lycéen, j'ai commencé à
étudier la physique en seconde. J'ai fait des études de physique
qui m'ont conduit en mathématiques élémentaires et qui
m'ont permis, je crois, d'acquérir le bagage que l'on peut demander
à chaque lycéen. Savoir comment je m'en suis servi depuis est une
autre histoire. Dans le système d'enseignement tel qu'il existait
en 1988, on avait commencé l'enseignement de la physique dès
la classe de sixième, et cela s'était ajouté aux autres
enseignements que l'on n'avait pas voulu réduire.
Lorsque, sur la proposition du Conseil national des programmes, il a
été proposé de ne commencer la physique qu'en
quatrième, c'est-à-dire de faire deux années de plus que
ce que ma génération avait connu, il y a eu une levée de
bouclier de tous les enseignants, de toutes les organisations syndicales, de
toutes les sommités scientifiques, sauf celles qui l'avaient
proposé et qui ne parlaient pas trop fort à l'époque, sur
le thème "vous dévalorisez l'enseignement scientifique de nos
lycées". On pourrait multiplier les exemples de ce type.
On nous a aussi accusés, à l'époque, de ne faire cela que
par souci gestionnaire, parce que nous n'avions pas suffisamment d'enseignants
en physique et que, par conséquent, nous voulions reporter des
compétences rares des premières classes de l'enseignement du
premier degré aux classes les plus avancées.
On ne peut recevoir que favorablement votre appel aux bonnes volontés,
mais l'exercice est singulièrement plus difficile qu'il n'y paraît
de prime abord.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, vous n'attendez sûrement pas de
moi des déclarations définitives sur leur avenir. Il est un peu
tôt pour se poser cette question. Ils ont été conçus
sur une période de cinq années mais, en matière
d'enseignement du premier degré, ils ont été
intégrés dans une approche générale et nouvelle de
l'enseignement du premier degré à laquelle
Claude Allègre et Ségolène Royal se sont
attachés. Il faudra faire un bilan de cette école du XXIe
siècle au bout de deux ou trois ans, faire le bilan de ce qui a
été réalisé.
Puisque nous parlons d'aspects pédagogiques, je rappelle que cette
pédagogie de l'évaluation et du bilan a été
engagée par M. Monory qui a créé la direction de
l'évaluation et de la prospective au ministère de
l'éducation nationale. Elle a été beaucoup
développée à la fin des années 1980 et au
début des années 1990.
En ce qui concerne l'école primaire, c'est à ce moment là
qu'ont été mises en place les évaluations à
l'entrée en CM2 et à l'entrée en sixième. Ce qui a
été le moyen, pour la première fois, d'apprécier
véritablement les acquis et les méthodes de l'enseignement du
premier degré. Il faudra faire un bilan d'ici deux ou trois ans.
Ces aides éducateurs peuvent-ils harmonieusement s'intégrer dans
le système pédagogique, ou l'expérience sera-t-elle moins
concluante ? Il faudra alors en tirer les conclusions, tant en ce qui
concerne les emplois qu'en ce qui concerne leur prise en charge.
Mme Hélène Luc
- Trois observations :
la première, sur les chefs d'établissements et les maîtres
directeurs. Je me rappelle très bien de cette réforme. Cela nous
a valu, au Sénat, d'être envahis par les instituteurs.
Les difficultés, la crise entre les chefs d'établissements et les
enseignants, sont en quelque sorte traditionnelles. Les professeurs ont peur
que le chef d'établissement empiète sur leur domaine
pédagogique. Cela peut se comprendre. Je pense qu'il y a à cela
des raisons plus profondes, et qui s'accentuent, à savoir les conditions
plus difficiles dans lesquelles la profession d'enseignant s'exerce.
Quand nombre d'élèves échouent, quand il y a de la
violence, tous les problèmes que l'on connaît, cela ne peut
qu'augmenter ces difficultés. D'autre part, les chefs
d'établissements travaillent aussi dans des conditions difficiles :
ils font absolument tout, parfois même la dactylographie. En tant membre
de trois conseils d'administration de collèges, je peux vous dire que
les principaux sont des militants. Par moment, je dis à mes trois
principales :
"Vous êtes comme moi, vous ne comptez pas vos
heures"
. Elles travaillent énormément. Leurs conditions,
leurs salaires, ne sont pas à la hauteur. Ils n'ont pas toute la
considération qu'ils devraient avoir. Je pense donc qu'il y a quelque
chose à faire.
Deuxièmement, à propos des IUFM : vous travailliez avec
M. Jospin à l'époque. J'ai voté la création
des IUFM, et je pense que cela a été une très bonne chose.
Pensez-vous que les IUFM progressent au rythme où il le faudrait, et
innovent suffisamment ? Je pose la question car je pense que ce n'est pas
le cas. Il y a un gros effort à faire pour avoir l'enseignement qu'on
voudrait que les enseignants donnent aux élèves, et qu'ils
réagissent mieux en fonction des connaissances fondamentales comme le
dit bien M. Allègre, mais aussi en fonction de ce que sont les
élèves et de l'environnement.
Une question piège : que pensez-vous de la mesure prise sur le
non-paiement des heures supplémentaires, du moins de leur
diminution ?
Dernière question, à propos des emplois-jeunes : j'ai
voté pour. J'ai vu des jeunes sauvés par les emplois-jeunes, qui
viennent nous remercier dans les conseils d'administration, et qui nous
disent :
"Enfin, je vis, j'ai l'espoir, et je vais faire quelque
chose".
C'est pour moi quelque chose de formidable. Mais, il y a un
"mais" : dernièrement, la principale d'un collège nous
proposait d'en employer trois. On n'a voté finalement que pour un. On
leur propose en fait de remplacer des surveillants, qui ont commencé
à dire pourquoi ils étaient contre. Les enseignants ont
voté contre parce qu'un problème se pose.
Ne faut-il pas créer, pour ces emplois-jeunes, les conditions pour
qu'ils puissent passer des concours, pour les stimuler, les encourager ?
Certains veulent devenir enseignants. Je pense qu'on manque d'enseignants
motivés au départ. C'est pourquoi je suis toujours
attachée à l'aide financière qu'on pourrait donner
à certains étudiants qui n'ont pas les moyens nécessaires,
mais qui ont envie d'être enseignants.
M. Olivier Schrameck -
Je vais essayer d'apporter
quelques éléments de réponse à ces questions
très concrètes. Vous avez rappelé la situation des
responsables d'établissements, et je prends un terme
générique puisque vous avez fait allusion à la fois aux
maîtres-directeurs (réforme que le gouvernement avait
abandonnée en 1988) et au nouveau profil de carrière des chefs
d'établissements. Ces derniers éprouvent un sentiment
d'interrogation et d'incertitude qui s'exprime d'ailleurs par la voie
syndicale.
Comme je m'intéresse à ces questions, je lis les prises de
position de M. Romero. Je suis frappé par le fait que,
manifestement, le climat psychologique que j'ai connu il y a dix ans ne
s'est pas vraiment amélioré. Cela vient certainement, au
delà des problèmes de revalorisation que j'ai déjà
évoqués, de la plus grande difficulté du métier, et
aussi des plus grandes exigences adressées à l'école et au
système scolaire en général. Ces exigences se
personnalisent, se cristallisent autour de la personne du chef
d'établissement. Il a donc l'impression d'avoir sur les épaules
des charges considérables, matérielles, psychologiques,
affectives même, auxquelles il n'est pas en mesure de répondre.
Je perçois comme vous le problème, même si je n'ai pas de
solution miracle pour le résoudre.
La profession d'enseignant devient de plus en plus difficile. La fonction
d'enseignant du second degré que ma génération a connue
n'a plus grand chose à voir avec celle qui se présente
aujourd'hui, depuis que le lycée accueille de nombreuses
catégories sociales qui n'y avaient pas accès auparavant. C'est
en quelque sorte une grande révolution démocratique.
Le lycée s'est généralisé dans son implantation
géographique, et le contenu même de la fonction enseignante a
changé. Ce qui était encore concevable dans les lycées de
centre-ville d'autrefois, avec des professeurs qui pouvaient se limiter
à leurs heures de cours et faire confiance à l'environnement de
l'élève pour l'accompagner en dehors ne l'est plus aujourd'hui,
ou est en tout cas socialement très discriminateur.
A propos des IUFM, les données dont je dispose ne me permettent pas de
répondre avec précision à votre question. Cela dit, je
pense que l'acquis est considérable, que les IUFM sont devenus la maison
de formation des enseignants, et qu'ils sont devenus indispensables. Le
système des écoles normales avait vieilli, s'était un peu
sclérosé, refermé sur lui même, et les
méthodes de formation dans les centres pédagogiques
régionaux des enseignants du second degré étaient
inadaptées. Nous avons maintenant un instrument qu'il faut parfaire,
améliorer, mais dont les fondations me semblent posées.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, l'insertion de ces jeunes dans le milieu
éducatif est peut-être plus délicate et plus difficile que
dans d'autres milieux. Ce problème a été
évoqué lors du dernier conseil de sécurité
intérieure.
Le gouvernement a décidé de créer
10 000 emplois-jeunes supplémentaires dans l'éducation
nationale. Plutôt que de reproduire des modèles déjà
expérimentés, nous avons ouvert une réflexion sur un
profil nouveau d'aide-éducateur qui ne soit pas la reproduction du
surveillant d'externat, ou du maître d'internat que nous connaissons
bien, mais qui puisse assurer à ces jeunes une véritable
formation, les ouvrir aux concours, non seulement d'enseignants mais aussi des
personnels ATOS de l'éducation nationale, et fondé sur un
système de recrutement plus large, l'une des limites de notre
expérience actuelle étant l'insuffisante proportion des jeunes
issus des quartiers.
L'exigence de bac+2, que l'on peut comprendre pour des raisons d'insertion dans
les établissements, a été un obstacle à la
diversité du recrutement. La réflexion est ouverte. Nous l'avons
évoquée récemment en réunion de directeurs de
cabinet avec les responsables de l'éducation nationale.
Quant à la question des heures supplémentaires, elle se pose dans
le cadre plus général des moyens. Nous avons dû faire un
effort considérable dans l'éducation nationale, notamment pour le
recrutement des emplois-jeunes qui sont pris en charge à 100 % par
l'Etat (80 % sur le budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité, et 20 % sur celui de l'éducation nationale). Il
a été estimé alors que l'on pouvait réorganiser le
système des heures supplémentaires .
Je n'entrerai pas dans les controverses sur les modes de calcul des heures
supplémentaires, la prise en compte ou non des semaines correspondant
aux congés. On doit constater que, même si le système avait
vieilli, même s'il était mal adapté (on peut le
concéder), l'effet psychologique et matériel pour les enseignants
a été très négatif. Lorsqu'un agent de
l'éducation nationale, qu'il soit fonctionnaire ou salarié,
s'aperçoit que sa rémunération nette a été
objectivement diminuée alors que ses charges ne l'ont pas
été, il a une réaction négative.
Cette question aura vocation à être reprise en concertation avec
l'ensemble des partenaires syndicaux, et aussi au regard des contraintes
générales du budget de l'éducation nationale. Je rappelle
tout de même que l'ensemble des heures supplémentaires en cause
représente 700 millions de francs. On ne peut procéder
à de simples abondements au regard du budget de l'éducation
nationale voté chaque année par le Parlement.
M. le Président -
Y a-t-il d'autres questions ?
Mme Hélène Luc
- On pourrait discuter
très longtemps.
M. le Président -
Bien entendu, quand nous publierons notre
rapport, nous le ferons parvenir au Premier ministre et à
vous-même.
AUDITION DE M. ROGER BELOT,
PRÉSIDENT DIRECTEUR
GÉNÉRAL DE LA MAIF
(10 MARS 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Roger Belot.
M. Adrien Gouteyron, président -
Nous allons
opérer en deux temps, pour vous permettre de faire une introduction
à votre propos, puis de répondre aux différentes questions
des sénateurs.
M. Roger Belot -
Je vous remercie. Je dois avouer que je
ne connais pas précisément les raisons pour lesquelles vous avez
souhaité m'entendre. Je peux vous présenter la MAIF, mais
j'ignore si tel est votre souhait.
M. le Président -
La commission d'enquête
créée a pour but d'étudier les moyens et les personnels
mis à disposition de l'éducation nationale dans le premier et le
second degré, et de voir les choses qui peuvent être
améliorées, modifiées, transformées, ou ce qui
marche bien. La commission s'interroge à la fois sur la gestion des
personnels ATOS, du personnel d'enseignement, et sur la gestion des moyens.
Nous souhaitions donc vous entendre sur les personnels mis à disposition
ou non des organismes.
Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, président
M. Roger Belot -
J'avais imaginé
que
vous souhaitiez m'entendre dans ce cadre. La MAIF, dans le cadre d'une
convention signée avec le ministère de l'éducation
nationale, bénéficie de dix mises à disposition, dont sept
personnes à mi-temps et trois à temps plein. Dans le cadre de
cette convention, la MAIF rembourse intégralement au ministère de
l'éducation nationale les salaires de ces collègues, charges
comprises.
La MAIF est une mutuelle qui a été créée en 1934
par des enseignants, instituteurs, pour l'assurance de leurs risques et de
leurs biens. Nous sommes une mutuelle d'assurance accident. Depuis toujours, la
MAIF est dirigée par ses sociétaires. Elle intègre, outre
des enseignants, puisque nous sommes la mutuelle de l'éducation
nationale, les gens de la recherche, de la culture et des loisirs.
Le fonctionnement démocratique de notre mutuelle fait que nous avons de
nombreux militants, qui sont engagés dans tous les départements
pour développer notre mutuelle. Ces militants, au nombre de 550, sont
des enseignants soit en activité, soit en retraite et exercent leur
activité, sur leur temps de loisir, en complément de leurs
fonctions dans l'éducation nationale, ou dans la recherche, dans la
culture, même si les enseignants sont majoritaires.
Les seules mises à disposition dont nous bénéficions
concernent les membres du conseil d'administration Le conseil d'administration
de la MAIF est composée de 21 membres élus par
l'assemblée générale des sociétaires, dont
près de la moitié est composée d'enseignants à la
retraite, pour lesquels nous n'avons pas besoin de demandes de temps
particulières. Les dix autres sont des enseignants en activité
qui, pour pouvoir exercer leur mandat d'administrateur, ont besoin de temps,
parce qu'ils viennent de toute la France.
Notre siège social est basé Niort. Nos réunions et les
missions nécessitent que du temps soit libéré par rapport
à leur fonction dans l'éducation nationale. C'est pourquoi nous
avons sollicité et obtenu cette convention avec le ministère de
l'éducation nationale.
M. Jean-Léonce Dupont, président
-
Concernant les personnes mises à disposition, pouvez-vous
préciser les avantages que vous retirez d'un recours à ces
personnels de l'éducation nationale, et les incidences
financières ?
Par ailleurs, pouvez-vous préciser si la MAIF reçoit des
subventions de l'éducation nationale ?
M. Roger Belot -
Les avantages sont essentiellement
liés au fonctionnement de la mutuelle. Une disponibilité est
nécessaire pour que les élus exercent réellement le
pouvoir dans cette importante mutuelle. Nous avons aujourd'hui
4 800 salariés dans le groupe MAIF, pour environ
11 milliards de chiffre d'affaire dans le groupe.
Ce qui nous distingue des sociétés traditionnelles est que le
pouvoir est exercé par les sociétaires. La présence de
sociétaires au plus haut niveau dans la mutuelle exige la
présence d'élus, d'une part, de techniciens, salariés,
professionnels de l'assurance, d'autre part.
On peut faire la comparaison avec une municipalité où le maire
est élu, et où le secrétaire-général de la
mairie et les services, qui sont des professionnels, exécutent les
décisions du conseil municipal. Nous tenons beaucoup à ce que le
pouvoir reste aux sociétaires ; les administrateurs élus
sont leurs représentants.
En ce qui concerne la question des subventions, nous remboursons
intégralement l'éducation nationale, ce qui représente une
somme annuelle de 2 MF pour les sept emplois demi-postes et les trois
plein-temps.
Nous ne recevons aucune autre subvention. Nous en accordons même quelques
unes. Dans le cadre de l'activité de la MAIF, nous avons
créé une association "prévention MAIF", dont la vocation
est de développer auprès des enfants des actions de
prévention dans le domaine de la sécurité routière,
ou des accidents domestiques. Dans ce cadre, nous avons des partenariats, dont
nous sommes les financeurs. A titre d'exemple, le dernier en date avec le
ministère de l'éducation nationale porte sur le financement d'une
brochure à destination des élèves qui viendra
compléter le nouveau dispositif mis en place pour le brevet de
sécurité routière enseigné dans les
collèges. Nous avons aussi des partenariats avec le ministère des
transports.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Revenons à
la question des emplois qui nous intéresse. Dans les rapports entre la
MAIF et l'éducation nationale, vous avez indiqué qu'il n'y a que
des mises à disposition. Quand vous dites éducation nationale,
c'est aussi bien administration centrale que rectorats.
N'y a-t-il pas, en plus des situations particulières en province, dont
les recteurs s'arrangent ? N'y a-t-il pas, par ailleurs, des distorsions
de concurrence ? La MAIF a été créée pour
l'éducation nationale, mais la MAIF s'adresse-t-elle uniquement à
l'éducation nationale, ou va-t-elle plus loin ?
M. Roger Belot -
Je ne suis pas surpris par votre
question sur la concurrence, car il est légitime à mon sens de se
la poser. Si la MAIF bénéficiait d'avantages financiers, ce
serait sans doute condamnable et nos concurrents ne manqueraient pas de le
faire. Mais la MAIF ne bénéficie d'aucun avantage financier
puisqu'elle rembourse intégralement l'éducation nationale.
Aujourd'hui, les 21 membres élus du conseil d'administration
relèvent du ministère de l'éducation nationale, mais la
MAIF a des statuts ciblés. Nous utilisons le mot "sociétaire"
plutôt que le mot "client". Nos sociétaires relèvent de
l'éducation nationale et aussi de la recherche, de la culture et des
loisirs. C'est un champ qui est tout de même bien fermé. Rien
n'interdirait à l'assemblée générale d'élire
comme administrateur quelqu'un relevant du ministère de la recherche, ou
d'un ministère autre que l'éducation nationale. Mais les
enseignants restent le noyau dur de la MAIF et la grande majorité ;
le reste existe mais est minoritaire.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Concernant les
mises à disposition, quelle est leur durée moyenne ? Un
enseignant peut-il faire toute sa carrière, ou la quasi-totalité
de sa carrière, à la MAIF ?
M. Roger Belot -
La réponse est non. D'abord, pour
être mis à disposition, il faut être élu au conseil
d'administration. C'est une position par définition fragile. Le mandat
est de six ans. Au terme du mandat, la démocratie jouant,
l'administrateur peut-être réélu certes, car il n'y a pas
de limitation du nombre de mandats, mais il peut aussi ne pas l'être.
D'où l'utilité de la mise à disposition pour que ce
collègue, le cas échéant, puisse retrouver un emploi.
Par ailleurs, on n'entre pas à 20 ou 30 ans au conseil
d'administration de la MAIF même si ce n'est pas interdit. Pour
être élu au conseil d'administration, la démocratie joue
son rôle. Et un sociétaire qui n'aurait que deux ans
d'ancienneté pourrait formellement être élu. Dans ce
système, notre réseau de militants dans nos départements
ne bénéficient d'aucun avantage particulier. J'ai occupé
cette fonction pendant des années avant de devenir administrateur, puis
président. Le militant ne bénéficie d'aucune
disponibilité. C'est là que l'on fait ses preuves, avant de
pouvoir espérer être élu au conseil d'administration de la
MAIF.
Le sociétaire anonyme qui se présente devant l'assemblée
générale pour être élu en a certes le droit, mais il
a tout de même peu de chances de l'être car il ne sera pas connu
comme militant, ayant déjà donné beaucoup de son temps,
ayant fait preuve d'un véritable engagement pour sa mutuelle.
Jusqu'à présent, les administrateurs ont toujours
été des collègues qui, dans le passé et pendant de
nombreuses années, ont fait preuve de leur attachement à la
mutuelle.
C'est pourquoi l'âge moyen d'élection des administrateurs se situe
aujourd'hui autour de cinquante ans. La personne élue
bénéficiera alors d'une mise à disposition de
cinq ans pour le corps des ex-instituteurs, et au maximum dix ans
avant l'âge de la retraite. Aujourd'hui sur nos 21 élus, il y
dix actifs, et cela se renouvelle. Il y a généralement
parité entre le nombre d'actifs et de retraités.
La durée moyenne de mise à disposition se situe entre six et
dix ans. On ne fait pas toute sa carrière à la MAIF. Ce
n'est pas un endroit où l'on peut se réfugier ; il y a un
vrai travail. La mission d'administrateur est très prenante ; ce
n'est pas une sinécure. Nos administrateurs sont élus,
l'assemblée générale les répartit
géographiquement sur le territoire et leur attribue de nombreuses
missions et déplacements. Ces heures de militantisme ressemblent
beaucoup à des heures de travail.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Vous
parlez d'organisation sur le territoire. Comment êtes vous
organisés ? Y a-t-il des caisses locales ?
M. Roger Belot-
Nous avons 135 délégations
départementales, qui sont à la fois des bureaux et des lieux de
rencontres entre le sociétaire et son assureur mutualiste. Dans ces
délégations départementales figurent une double
structure : des sociétaires consacrent leur temps, militent
à la MAIF, ceci sans aucun avantage particulier, et les salariés
compétents, les techniciens d'assurance procèdent aux
opérations techniques.
Ce réseau de 135 délégations départementales
représente près de la moitié de nos effectifs
salariés avec 2.000 salariés répartis et
550 militants que l'on appelle les correspondants ou
délégués départementaux.
Notre siège social est basé à Niort et regroupe les
fonctions centrales de l'entreprise et la direction. C'est là que se
réunit le conseil d'administration, qui vient quelquefois à Paris
pour des raisons de commodité. Les administrateurs ont pour mission de
veiller à la pratique et au maintien des valeurs mutualistes dans les
départements. Ils participent donc non seulement au conseil
d'administration et aux commissions, aux groupes de travail, mais il vont aussi
sur le terrain pour effectuer des visites de délégation, et ce,
au rythme environ d'une fois tous les trois ans.
Ce travail est réparti entre les administrateurs. Ils ont donc une
véritable mission. J'ai arrêté de faire à la fois la
classe et la MAIF, parce qu'à un moment donné, il est impossible
de faire correctement les deux. J'ai toujours pensé qu'il fallait
être d'abord un bon enseignant si on veut être un bon
administrateur de la MAIF. Ce n'est pas un refuge.
M. Jean Bernadaux -
Les délégués
départementaux sont-ils rétribués ? Si oui, par qui
le sont-ils ? La CAMIF, qui est une consoeur de la MAIF, a-t-elle
des mises en disponibilité ?
M. Roger Belot -
Il n'y a pas de rétribution des
délégués départementaux.
M. Jean Bernadaux -
Ce sont des
bénévoles ?
M. Roger Belot -
Oui, ils perçoivent des
indemnités correspondant au remboursement de leurs frais, mais ce ne
sont pas des salariés de la MAIF. Nous tenons beaucoup à cette
distinction.
M. Jean Bernadaux -
Cela devrait plaire à
Mme Luc. Dommage qu'elle ne soit pas là !
M. Roger Belot -
Parce que vous pensez que le
militantisme n'est plus possible ?
M. Jean Bernadaux -
Je suis sociétaire de la MAIF.
M. Roger Belot -
J'espère que vous êtes un
sociétaire satisfait.
Lorsque l'on milite dans une association ou un syndicat, on n'est pas
rémunéré a priori, mais simplement indemnisé des
frais divers, des frais de déplacements. Nous tenons beaucoup à
cette distinction entre une structure salariée d'entreprise et une
structure militante composée de sociétaires, dont la plupart sont
enseignants, mais dont quelques uns relèvent du ministère de la
culture par exemple, qui donnent de leur temps pour leur mutuelle.
Ce temps n'est pas permanent. Une permanence est assurée, y compris
durant les congés, les vacances, l'été, où il se
répartissent par rotation.
Quant à la CAMIF, je ne me sens pas vraiment habilité pour
répondre à votre question. A l'origine, la CAMIF est une
création de la MAIF qui avait l'idée d'en faire une caisse de
solidarité ; du moins que les excédents des ventes de cette
coopérative bénéficient à la collectivité
des sociétaires de la MAIF sous la forme de caisse de solidarité.
C'était à une époque où nos garanties
n'étaient pas aussi complètes qu'aujourd'hui, et où les
sociétaires pouvaient rester dans la difficulté après un
événement car une partie des dommages subis pouvait ne pas
être couverte par l'assurance.
Nos garanties se sont élargies, et la CAMIF a volé de ses propres
ailes. Au-delà de l'affinité, il n'y a plus aujourd'hui aucun
lien institutionnel entre la MAIF et la CAMIF. Ce sont des amis, nous avons
beaucoup d'affinités, mais structurellement, économiquement, sur
tous les plans, la CAMIF est pleinement autonome. Les liens avec la MAIF sont
des liens d'affinité, et dus au fait que la CAMIF s'adresse d'abord
à nos sociétaires et à un public plus élargi.
Cela dit, je ne me sens pas habilité à parler de la CAMIF, mais
je sais qu'ils n'ont pas de mises à dispositions.
M. le Président -
Avez-vous des participations dans
certaines sociétés, du type MAE, etc. ?
M. Roger Belot -
Non. Nous avons de bonnes relations car
nous sommes complémentaires. C'est le cas avec la MGEN jusqu'à
aujourd'hui. La plupart des assureurs proposent une assurance santé.
Nous nous le sommes interdit jusqu'à présent, parce dans le monde
de l'éducation nationale, d'autres oeuvres couvrent ces besoins.
Par exemple, nous ne sommes pas un assureur santé, car il y a la
Mutuelle Générale de l'Education Nationale ; nous ne sommes
pas une banque, la CASDEN-Banque Populaire proposant ses services à nos
collègues. Cela cible notre champ. Nous avons donc des relations
d'organisations amies, de partenariat, nous n'avons pas de relations
financières puisque eux comme nous ne sont pas des
sociétés de capitaux.
M. le Président -
Pouvez-vous nous préciser la place
de la MAIF sur le marché des assurances et des mutuelles, ainsi que les
conditions pour être sociétaire ?
M. Roger Belot -
Je ne veux pas faire de
prosélytisme. La MAIF aujourd'hui, c'est la MAIF et une filiale. Les
statuts de la MAIF stricto sensu, ce sont les salariés de
l'éducation nationale, du monde de la recherche, de la culture et des
loisirs, ainsi que les personnes morales qui agissent dans ces domaines, et les
salariés de ces personnes morales.
Par exemple, un centre d'action culturelle ou une maison de la culture peut
être assuré à la MAIF, et ses salariés
également. Aujourd'hui, sur un
1 700 000 sociétaires à la MAIF, deux tiers sont
composés d'enseignants, d'agents de l'éducation nationale et
l'autre tiers de ces publics plus divers.
La MAIF a également créé il y a dix à onze ans
une filiale, société anonyme pour en conserver la maîtrise,
essentiellement destinée à conserver en son sein les enfants des
sociétaires de la MAIF lorsqu'ils ont atteint un âge et une
fonction, une profession qui ne leur permet plus de rester à la MAIF.
J'illustre ce propos. Autrefois, un enfant de sociétaire de la MAIF
faisait ses études. Il était couvert par le contrat de ses
parents. Il atteignait l'âge de 26 ans, et accédait alors
à une fonction. Il devenait médecin, il n'avait plus
qualité pour adhérer à la MAIF. Il ne remplissait plus les
conditions statutaires, nous ne pouvions plus l'assurer. Nous "l'offrions"
alors à nos concurrents, qui s'en régalaient alors que nous
avions assumé la période la plus coûteuse, c'est à
dire celle du jeune conducteur entre 18 et 25 ans. C'était à
une époque où l'on pouvait s'interroger sur les évolutions
de recrutement de personnels de l'éducation nationale, et la mutuelle
craignait de ne pas avoir un développement suffisant.
Comme d'autres, nous avons besoin de développement. D'où
l'idée de créer cette filiale, pour conserver les enfants de
sociétaires. C'est ce qui constitue aujourd'hui majoritairement la
filiale, qui compte désormais 480 000 adhérents. Nous y
gardons aussi les ex-sociétaires qui divorcent, qui se séparent,
qui changent de métier. Un enseignant qui abandonne la profession perd
la qualité d'adhérer à la MAIF. Nous lui proposons
d'adhérer à la filiale. C'est une société anonyme.
Les tarifs sont un peu plus élevés, et les conditions ne sont pas
totalement identiques.
M. le Président -
Puis-je vous demander le nom de cette
filiale ?
M. Roger Belot -
Filia-MAIF.
M. le Président -
Y a-t-il des détachements dans
cette filiale ?
M. Roger Belot -
Pas du tout.
M. le Président -
Le ministère de la culture
connaît-il aussi des détachements, comme le ministère de
l'éducation nationale ?
M. Roger Belot -
Nous n'avons pas été
confrontés à cela. Nous y serions si nous avions un
administrateur élu et si une assemblée générale
prochaine élisait un administrateur relevant du ministère de la
culture, et non pas du ministère de l'éducation nationale. Nous
n'avons jamais été confrontés à ce cas de figure
jusqu'à présent. Mais si cela se présentait, nous
solliciterions certainement le ministère concerné. C'est peu
probable à court terme. La MAIF reste quand même majoritairement
la mutuelle des enseignants.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Proposez-vous d'autres produits que l'assurance ?
M. Roger Belot -
Non. Mais nous avons désormais
l'assurance de biens, de dommages, et maintenant une filiale d'assurance-vie.
Nous restons dans le champ de notre métier, nous avons
décidé de ne pas en sortir. L'assurance-vie fait pleinement
partie de ce champ. Notre filiale d'assurance-vie a une douzaine
d'années d'existence ; elle propose à nos sociétaires
des produits d'épargne-retraite classiques. Si nous ne le faisons pas,
nos concurrents le font. Nous devons fidéliser les sociétaires en
proposant une gamme de produits répondant à leurs besoins.
M. Jean Bernadaux -
La MAIF bénéficie de
quelques avantages venant de l'éducation nationale, en particulier des
mises à disposition, mais elle a des adhérents raisonnables.
C'est ce qui fait la valeur de la MAIF. Et si les enfants ont
bénéficié des qualités de leurs parents, ce n'est
pas la peine de les laisser partir ailleurs.
Quel est le nombre de sinistres qu'un ancien instituteur a dans sa vie ?
Ce n'est pratiquement rien. C'est cela qui a fait le démarrage de la
MAIF, et la valeur de la mutuelle.
M. Pierre Martin -
Au niveau de l'habitat, cela se
comprend. Ce sont les communes qui entretiennent.
M. Roger Belot -
De moins en moins, car les logements de
fonction disparaissent. Cela a pu être vrai à une époque,
mais cela ne l'est plus aujourd'hui. Il y a de moins en moins d'instituteurs et
de moins en moins de logements de fonction. Je ne suis pas sûr, et je
doute même fortement -cela relève de la responsabilité des
maires- que s'il y avait un incendie dans le logement de fonction, la
municipalité le prendrait en charge sans lui demander de faire une
déclaration à son assureur.
M. Pierre Martin -
A travers vos diverses
activités, il est évident que vous vous professionnalisez.
Pensez-vous que des gens formés pour être dans des écoles
sont plus aptes que de vrais professionnels pour être dans des conseils
d'administration de la MAIF ? Est-ce véritablement une façon
de vous développer, ou préférez-vous le
clientélisme au professionnalisme ?
M. Roger Belot -
Je ne pense pas qu'il s'agisse de
clientélisme. La MAIF prouve depuis l'origine son succès -j'ose
prononcer le mot- dans un marché de plus en plus difficile. Nous sommes
de plus en plus soumis à la concurrence, avec le développement de
la banque-assurance notamment. Cela montre que le système mis en place
par la MAIF est viable et qu'il n'est pas incompatible d'avoir d'un
côté une structure politique garante des valeurs qui font la
différence par rapport à une société d'assurance
traditionnelle et de l'autre des professionnels de haut niveau concourant
à la prise de décisions, et ensuite à la mise en oeuvre
des décisions qui font se développer la mutuelle.
Au plan politique, vous devez aussi vivre cela. Vous avez à prendre des
orientations et des décisions politiques dans des domaines qui ne sont
pas forcément, à moins d'être omniscients, de votre
compétence. Il n'en reste pas moins que vous avez une vision globale de
la société que vous voulez construire pour les citoyens.
Nos administrateurs ont une vision de la mutualité. Il faut ensuite la
confronter aux réalités professionnelles et économiques.
Nous sommes conscients d'être à la fois mutuelle et entreprise.
Nos structures permettent de conjuguer les deux. La force de la MAIF
réside dans sa complémentarité : une structure de
professionnels qui sont aussi compétents que ceux de n'importe qu'elle
société d'assurance. Nous avons les moyens de nous offrir les
compétences techniques nécessaires.
Le plus est la présence d'une structure politique garante de valeurs et
qui contribue à la fidélité d'un sociétariat qu'il
faut entretenir. Ce n'est plus aussi spontané que dans les années
de fondation et dans les années juste après-guerre. Nous devons
expliquer à nos sociétaires la différence. Le rôle
des militants est d'expliquer la différence, car nous refusons la
banalisation. En ce sens, leur présence est utile et nécessaire.
Ce n'est pas du clientélisme. C'est au contraire le fondement de la
mutualité. Le sociétaire est conscient, comme les anciens, qu'il
adhère à une mutuelle. Il n'est pas un client banal d'une
société d'assurance banale. Il fait un choix lorsqu'il
adhère. Et, par sa cotisation, il contribue à la fois à
être un assureur. Il apporte d'abord sa cotisation pour créer une
collectivité qui assure les autres. Et s'il est lui même victime
d'un sinistre, la collectivité va lui donner sa qualité
d'assuré et l'indemniser au titre de son sinistre. La différence
est qu'on est à la fois assureur et assuré. C'est toute la
différence, et il faut des gens qui continuent à divulguer ce
message et le promouvoir, sinon ce sera la banalisation.
M. le Président -
Les emplois-jeunes peuvent-ils
adhérer ?
M. Roger Belot -
Nous acceptons les emplois-jeunes dans
le champ statutaire. L'emploi-jeune employé à l'hôpital de
Niort n'a pas qualité pour adhérer à la MAIF. Mais ceux de
l'éducation nationale ou d'un centre d'action culturelle ont
qualité pour adhérer. Nous avons fait adhérer l'an dernier
7 000 emplois-jeunes. Par rapport au volume total des emplois-jeunes,
tous ne sont pas venus chez nous. Ils n'ont malheureusement pas beaucoup de
biens à assurer. C'est souvent le contrat des parents qui les assure. Ce
chiffre n'est pas très significatif.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Quelle est votre position par rapport à d'autres groupes
d'assurances ? Vous avez un chiffre d'affaire de 30 milliards ?
M. Roger Belot -
Nous sommes essentiellement un assureur
de particuliers. Pour les risques professionnels, les groupes d'assurances
encaissent des cotisations ou des primes d'assurances
considérables ; les chiffres d'affaires ne sont pas comparables. A
titre de comparaison, le plus grand assureur mutualiste est la MACIF. Elle a
quatre millions d'assurés, alors que, MAIF plus FILIA-MAIF, nous
atteignons deux millions. Ils ont le double de nous parce que leur
potentiel est énorme. Ils s'adressent à tous les salariés
du commerce et de l'industrie.
La MAIF a initié la création de la MAAF d'abord, et de la MACIF
ensuite. La MAIF, à l'époque, plutôt que d'élargir
ses statuts, a contribué à la création d'autres mutuelles
pour que le principe se propage à d'autres. La MACIF nous a largement
dépassés, et compte aujourd'hui quatre millions de
sociétaires.
La MAAF est à peu près comme nous. Le champ de la MAAF a
dépassé les artisans. Elle s'est beaucoup plus ouverte que nous.
Elle a créé une société anonyme. Il reste un petit
bout de mutuelle et une grande société anonyme qui fait de la
publicité à la télévision. C'est son choix.
Nous sommes le huitième assureur de dommages en France, toutes
sociétés confondues. Les grands comme AXA sont loin devant nous.
Et parmi les mutuelles, c'est la MACIF la plus grande. Nous sommes un peu plus
grands que la MATMUT, qui est la quatrième des grandes mutuelles
françaises. La MAIF se situe au second rang, avec la MAAF.
La MATMUT est la mutuelle-assurance des travailleurs mutualistes. Son
siège est à Rouen. Elle est greffée sur la
mutualité santé. Elle a comme partenaires les
mutuelles-santé, à l'exception de la MGEN, c'est à dire
plutôt les mutuelles de la FNMF. Toute personne qui a une
mutuelle-santé relevant de la fédération nationale de la
mutualité française a qualité pour s'assurer à la
MATMUT. Le champ est ici considérable ; il n'est pas
socioprofessionnel comme nous. C'est la grande différence avec la MAAF,
la MAIF et la MACIF, qui avaient un secteur socioprofessionnel. La MATMUT
concerne les travailleurs bénéficiant d'une
mutuelle-santé, ce qui donne un potentiel important.
M. le Président -
Y a-t-il d'autres questions ?
Non.
AUDITION DE M. PIERRE TOURNEMIRE,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL ADJOINT DE LA LIGUE FRANÇAISE
DE L'ENSEIGNEMENT
ET DE L'ÉDUCATION PERMANENTE
(10 MARS 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Pierre Tournemire.
M. Jean-Léonce Dupont, président -
Monsieur le
secrétaire général adjoint, je vous remercie de votre
présence à cette commission d'enquête. Je vous propose de
rappeler les raisons de la création de la Ligue française de
l'enseignement et les modalités de son organisation actuelle, et
peut-être quelles en sont aujourd'hui les principales
caractéristiques. Nous passerons ensuite aux questions.
M. Pierre Tournemire -
Je représente une association,
la Ligue française de l'enseignement et de l'éducation
permanente, qui bénéficie d'enseignants mis à disposition
par l'éducation nationale et d'une subvention permettant d'employer des
fonctionnaires détachés ou des salariés de droit
privé. Je vais d'abord présenter brièvement la Ligue de
l'enseignement, avant de vous indiquer à quoi correspondent les emplois
financés par l'éducation nationale.
La Ligue de l'enseignement est l'une des plus anciennes associations de ce
pays, puisqu'elle a été créée en 1866, sous le
Second empire. Ses fondateurs, à l'image de celui qui en a pris
l'initiative, Jean Macé, étaient des républicains
marqués par l'échec de la seconde République et le coup
d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Considérant que le
suffrage universel ne suffisait pas pour restaurer la démocratie de
façon durable, il était donc indispensable de former des
citoyens.
Ils vont y contribuer, à la fois en créant dans l'opinion
publique un mouvement pour que l'Etat instaure une instruction obligatoire
gratuite et laïque, et en organisant eux-mêmes des cours du soir ou
en créant des bibliothèques. Forte du soutien de l'opinion
publique, et comptant parmi ses membres de fortes personnalités telles
que Gambetta, Jules Ferry, Paul Bert ou Ferdinand Buisson, la
Ligue de l'enseignement a fortement contribué à la mise en place
du système éducatif républicain. Parallèlement
à la promotion de l'école publique, elle a organisé des
conférences, contribué à la promotion sociale,
constitué des amicales d'anciens élèves, multiplié
les oeuvres péri- et post-scolaires, des cantines scolaires aux colonies
de vacances. Elle a préparé des réformes, de
l'éducation civique à la formation professionnelle.
Dissoute par le gouvernement de Vichy, elle s'est reconstituée dans la
clandestinité avant de retrouver force et vigueur à la
Libération pour développer les oeuvres complémentaires de
l'enseignement public et, progressivement, élargir son action dans la
cité par des activités éducatives, sociales, culturelles,
sportives, ou de loisir. Elle regroupe aujourd'hui deux millions
d'adhérents (600 000 adultes et 1,4 million d'enfants ou
de jeunes), réunis dans 33 000 associations locales aux noms
très divers, et affiliées dans chaque département à
une fédération; le plus souvent appelée
fédération des oeuvres laïques, ces
fédérations étant coordonnées dans chaque
région par une union régionale.
Cet ensemble constitue une association nationale qui est à la fois un
partenaire important de l'éducation nationale développant
à l'école et à sa périphérie des actions
éducatives, culturelles et sportives. Il est à la fois un
partenaire important de l'éducation, une fédération
d'associations locales diverses qui, aussi bien dans les quartiers urbains
qu'en milieu rural, tissent des liens sociaux tendant à se distendre
dans notre société. Elle est, enfin, un mouvement de
réflexion sur la citoyenneté et sur la laïcité,
notamment au travers du réseau des cercles Condorcet.
Partenaire de toujours de l'éducation nationale, la Ligue
bénéficie à la fois depuis longtemps de sa reconnaissance
et de son soutien. Dès la fin du siècle dernier,
Raymond Poincaré, alors ministre de l'instruction publique,
décide de soutenir fortement les oeuvres laïques afin qu'elles
contribuent à la formation de la jeunesse républicaine. Dans
l'entre-deux guerres, quelques enseignants seront mis à sa disposition.
Le mouvement s'amplifiera de façon importante à la
Libération puisqu'en 1945, malgré la pénurie de
fonctionnaires, le ministre de l'éducation nationale du
Général De Gaulle, René Capitant, va
affecter 200 enseignants pour l'encadrement des fédérations
départementales de la Ligue de l'enseignement, afin que renaissent
à côté de l'école des associations prolongeant son
action. Ils seront plus de 500 en 1949, et dépasseront dans
les années qui suivent les 600. Pour l'essentiel, ces postes
étaient gérés par les inspecteurs d'académie qui
décidaient l'affectation d'enseignants aux fédérations
d'oeuvres laïques en fonction du dynamisme de la fédération
et des moyens dont disposaient ces inspecteurs d'académie.
Depuis 1984, la gestion de ces postes est faite directement par le
ministère de l'éducation nationale, qui a attribué par
convention, en 1986, 663 postes à la Ligue de l'enseignement pour
qu'elle les affecte dans les divers départements. En 1986,
René Monory, ministre de l'éducation nationale,
décide de remplacer les mises à disposition par une subvention
permettant d'employer, soit des fonctionnaires détachés, soit des
salariés de droit privé. En 1988 Lionel Jospin, nouveau
ministre de l'éducation nationale, décide de rétablir
partiellement les mises à disposition et de maintenir la subvention pour
les autres postes. Nous sommes toujours dans cette situation, même si la
réduction des moyens a entraîné la suppression de
35 postes.
A ce jour, la Ligue de l'enseignement dispose de 628 postes
financés par l'éducation nationale, qui se décomposent en
200 postes d'enseignants mis à disposition et donc pris en charge
directement par l'éducation nationale, et une subvention 98,
7 millions permettant donc le financement de 428 postes de
salariés de la Ligue, dont 151 fonctionnaires
détachés. Ces 628 postes sont répartis sur le
territoire de la façon suivante : 560 postes dans les
102 fédérations départementales, 23 dans les unions
ou antennes régionales, et 45 au niveau national. Ces personnels, quels
que soient leur statut, ont aussi bien aux niveaux national, régional ou
départemental, des responsabilités éducatives dans
l'organisation d'activités, qu'il serait trop long
d'énumérer ici, mais que l'on peut schématiquement
résumer ainsi.
D'abord, l'appui et le soutien aux associations locales pour l'organisation
d'activités périscolaires, d'accompagnement scolaire et
éducatif, d'aménagement des temps et espaces de vie des enfants
et des jeunes pour mieux prendre en compte leurs rythmes, leurs demandes et
leurs besoins.
D'autre part, l'organisation d'activités physiques et de rencontres
sportives dans le cadre de la délégation faite par le
ministère de l'éducation nationale à l'USSEP pour le sport
à l'école maternelle et élémentaire, l'USSEP
étant l'équivalent de l'UNSS pour le second degré.
Deux millions d'enfants sont concernés par l'USSEP. Cela
représente 5, 3 millions de journées sportives sur le
temps scolaire, et 800 000 hors du temps scolaire.
Pour les jeunes adultes par ailleurs, 10 800 associations
développent dans des quartiers ou en milieu rural une autre idée
du sport au sein d'une fédération multi-sports. D'autre part, ces
postes correspondent à l'organisation d'activités culturelles,
aussi bien dans les établissements scolaires que dans des associations
ou dans le cadre de réseaux de diffusion du spectacle vivant ou du
cinéma. Deux millions de spectateurs sur les réseaux du
cinéma en milieu rural en 1998, 1,4 million de jeunes
spectateurs et 900 000 adultes pour le spectacle vivant.
A cela s'ajoutent les activités autour de la lecture, par des rencontres
avec des écrivains ou des ateliers d'écriture, la diffusion
d'expositions, la fréquentation des oeuvres, etc.
Quatrièmement, l'organisation de classes de découverte, classes
de mer, de neige, permettant la découverte du patrimoine,
l'éducation scientifique ou les nouvelles technologies, la pratique
d'activités sportives, artistiques, l'organisation de voyages scolaires
éducatifs en France et en Europe, et l'organisation de centres de
loisirs ou de vacances. Au cours de l'année scolaire
écoulée, plus de 500 000 enfants sont partis avec la
Ligue en classe de découverte ou en voyage scolaire éducatif,
38 000 en séjours linguistiques, et 300 000 enfants ont
participé à des séjours en centres de vacances
organisés par la Ligue.
Cinquièmement, l'organisation de sessions de formation pour les
délégués-élèves des collèges et des
lycées, pour les responsables des activités culturelles et
sportives, les animateurs et directeurs de centres de vacances, et la
participation à la formation des enseignants ; la mise en place
d'opérations de solidarité internationale, notamment par des
jumelages avec des écoles, des associations africaines ou des
échanges européens. Et enfin, la participation aux campagnes
nationales, organisées par la Ligue de l'enseignement seule ou en
collaboration avec d'autres structures : semaine d'éducation contre
le racisme, la semaine de la presse à l'école, la quinzaine de
l'école publique, colloques, etc.
Ces activités sont le plus souvent en articulation avec les projets
d'écoles ou d'établissements, et s'inscrivent dans une
éducation à la citoyenneté à travers les pratiques
associatives, la prise de responsabilité et l'engagement civique. Elle
s'inscrivent aussi dans le prolongement du service public d'éducation,
comme cela est défini dans la loi d'orientation de juillet 1989, et
dans la nécessaire évolution du rôle de l'école
aujourd'hui. C'est à ce titre que la Ligue bénéficie d'une
aide importante du ministère.
La Ligue de l'enseignement a par ailleurs, dans le domaine du tourisme social,
de la formation professionnelle, de l'insertion sociale, des réflexions
diverses, de nombreuses activités à tous les niveaux. Aussi
l'aide du ministère de l'éducation nationale n'est-elle pas la
seule source de fonctionnement de la Ligue. Au delà de l'appui d'autres
ministères, plus de 500 000 personnes (dont la moitié
sont des enseignants), encadrent le fonctionnement de la Ligue.
42 000 personnes ont été salariées par la Ligue
et les fédérations en 1997, ces 42 000 personnes
représentant en équivalents temps-plein 9 000 emplois
auxquels il faudrait ajouter l'équivalent au niveau de l'ensemble des
associations locales adhérentes. La Ligue s'est par ailleurs fortement
impliquée dans le programme nouveaux services emplois-jeunes,
puisqu'à ce jour près de 700 emplois-jeunes ont
été créés au sein de la Ligue de l'enseignement.
En conclusion, au siècle dernier, la Ligue s'est mobilisée pour
la généralisation de l'instruction. C'était le combat de
l'école pour tous. Aujourd'hui, on se bat pour l'école de tous,
associant l'ensemble des acteurs de l'éducation pour contribuer à
l'égalité des chances sur tout le territoire, dans les zones
rurales menacées de désertification comme dans les quartiers en
difficulté, au sein des zones ou réseaux d'éducation
populaire, comme dans le cadre des contrats éducatifs locaux. C'est ce
rôle de l'école que nous mettrons en évidence du 24 au
28 novembre prochain au parc des expositions de la porte de Versailles,
dans le cadre d'un grand salon de l'éducation que le ministre de
l'éducation nationale a décidé de soutenir.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Revenons sur les
emplois, les ressources, puisque nous avons bien compris les objectifs... Au
niveau des emplois, il y a ces personnes affectées par
l'éducation nationale. Il y également d'autres employés,
42 000. Vous avez donné le calcul en équivalents temps
plein. S'agit-il d'enseignants ou de personnes de la société
civile qui ont un tout autre métier ?
J'aimerais comprendre la structure d'encadrement de toute l'organisation, aussi
bien au niveau central que local, pour voir, même si ce n'est pas
rémunéré, l'impact des personnels de l'éducation
nationale sur la structure de votre encadrement. In fine c'est ce qui
m'intéresse.
Au niveau des ressources, vous nous avez parlé de postes
financés. Vous avez indiqué des subventions. Quel est le budget
annuel de la Ligue pour encadrer deux millions de personnes, voire
plus ? Quelles sont les ressources budgétaires en grande
masse ?
M. Pierre Tournemire
- Sur les 42 000
salariés, certains l'ont été pour un ou trois mois.
Une bonne partie d'entre eux sont employés au sein des activités
vacances, qui sont une activité importante de la Ligue en volume
budgétaire. Activités vacances soit en direction d'enfants ou
d'adolescents, avec une forte dimension éducative, mais aussi dans le
cadre du tourisme social, puisque la Ligue gère plus de
300 équipements sur le territoire correspondant aux
nécessités de cours organisés dans des villages de
vacances.
Par ailleurs, nous gérons un certain nombre d'établissements dits
"à prix de journée" pour des publics handicapés, qui
nécessitent là aussi des personnels importants. La très
grande masse des salariés de la Ligue est constituée de
salariés de droit privé. La proportion est inverse au niveau de
l'encadrement. Les responsables des fédérations
départementales sont pour une bonne part issus de l'éducation
nationale, ne serait-ce que par tradition historique, mais aussi parce que la
nature même des activités, la connotation éducative que
nous voulons donner à ces activités nécessitent un
personnel qui, de près ou de loin, a des liens avec le milieu
enseignant.
La part des enseignants affectés par l'éducation nationale, mais
aussi la part des enseignants agissant bénévolement au sein de
l'organisation contribue, je crois, à l'encadrement de la structure,
même s'ils sont minoritaires en nombre de salariés. Le budget
global de l'association est difficile à indiquer, puisque chaque
fédération départementale a une entité juridique et
une indépendance financière. Quand on fait le total des budgets
de ces fédérations départementales au niveau national, on
arrive à 3 milliards de francs. Le chiffre est faux dans la mesure
où il n'y a pas de bilan consolidé. Il faudrait en extraire
toutes les activités économiques de fédération
à fédération, et l'on peut considérer que cette
activité, même si elle n'est pas négligeable dans le
domaine des vacances, ne représente pas un quart de l'ensemble.
On peut estimer le budget de la Ligue de l'enseignement à ces
différentes composantes départementales, mais sans tenir compte
des associations locales, puisque ce serait impossible. Il existe 33 000
associations, ce qui représente 2,5 milliards de budget. Quant aux
budgets des associations locales, ils sont difficiles à évaluer,
dans la mesure où ces budgets peuvent aller de l'association scolaire
qui a 5 000 francs, ou 15 000 francs de budget lié
à des activités essentiellement sportives ou éducatives
dans l'école, à des structures associatives dans la cité
qui peuvent gérer des équipements et qui, en relation avec les
collectivités locales, peuvent avoir des budgets dépassant le
million de francs. Il est difficile de faire le recensement des
33 000 associations.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Quelle est la part des
subventions ?
M. Pierre Tournemire -
La part des subventions est faible
en pourcentage, ce qui est normal dans la mesure où une partie non
négligeable de ces trois milliards est constituée par
l'activité vacances, ce qui signifie beaucoup d'entrées mais
aussi beaucoup de sorties. Si l'on voulait avoir une idée de la part de
ce budget là, il faudrait uniquement garder la plus-value qui peut
être dégagée sur ces activités, ce qui est
relativement faible.
L'essentiel des ressources provient des activités par la contribution de
l'adhésion, par des aides apportées ou par le financement
d'activités, et une partie non négligeable est accordée
par les collectivités locales. Beaucoup d'opérations, notamment
dans le cadre des actions en complément de l'école sont souvent
financées par les mairies ou les conseils généraux, qui
peuvent d'ailleurs aider aussi au fonctionnement de la fédération
départementale. Pour le niveau national, outre l'aide du
ministère de l'éducation nationale, nous avons une subvention
importante du ministère de la jeunesse et des sports, qui
s'élève environ à deux millions de francs, et de
façon moins importante, d'autres ministères, comme celui de
l'agriculture qui nous accorde 400 000 francs, et celui de la Culture,
800 000 francs, et ponctuellement, sur des opérations bien
précises, du ministère de la coopération ou des affaires
européennes, en liaison avec opérations de solidarité avec
les pays africains.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Quelle est la durée moyenne des détachements ? Un
enseignant peut il, dans des cas extrêmes, faire toute sa carrière
à la Ligue dans les différentes associations ?
Un seconde question relative à la fonction plus commerciale de votre
association, même si elle a une vocation
sociale : êtes-vous soumis à TVA ?
M. Pierre Tournemire -
La durée des
détachements est très variable. Parmi les personnels, certains
font une partie très importante de leur carrière au sein de la
Ligue de l'enseignement, dans la mesure où, après sept ou
huit ans, il devient très difficile de redevenir enseignant,
même si la dimension éducative reste forte. La nature des
missions, les relations que cela entraîne, la capacité
d'autonomie, rendent plus délicate la réinsertion.
L'enseignant qui souhaite justement ne pas se couper de son corps d'origine, ne
dépasse pas cette durée de sept ou huit ans. Ceux qui la
dépassent peuvent faire vingt ans. On n'arrive pas très tôt
détaché ou mis à disposition. En règle
générale, les gens qui arrivent détachés ont au
moins dix à quinze ans d'ancienneté dans l'enseignement, ce
qui est nécessaire si l'on veut qu'ils aient un lien avec le milieu
enseignant, et qu'ils le conservent .
Quant à la fiscalité, la question est en débat
actuellement. Une instruction fiscale a été mise en oeuvre le
15 septembre. L'instruction complémentaire est sortie
récemment. Cela a fait l'objet d'un grand débat au sein des
assises nationales de la vie associative. Pour l'essentiel de nos
activités aujourd'hui, nous n'étions pas fiscalisés. Par
contre, les activités de tourisme d'adultes, correspondant à ce
que pouvait faire une agence de voyages, étaient d'ores et
déjà assujetties aux impôts commerciaux.
Notre position sur le fond est de considérer qu'il était tout
à fait nécessaire -nous avions approuvé l'initiative qui
avait été déjà prise par le précédent
gouvernement- de clarifier la situation fiscale. Car sous le statut associatif
se cachent beaucoup de pavillons de complaisance qui dénaturent à
la fois la réalité associative, et masquent la nature commerciale
des activités. Une instruction fiscale pouvait être le moyen de
faire le ménage à ce niveau-là. Nous avons donc
approuvé l'instruction.
Nous considérons que, par définition, par ses origines, par ses
activités, par sa nature même, la Ligue de l'enseignement est
forcément une association à but non lucratif, donc à
gestion désintéressée qui ne peut pas globalement
être assujettie aux impôts commerciaux. Par contre, certaines de
ses activités, à partir du moment où elles sont dans le
champ concurrentiel et s'apparentent à des pratiques commerciales,
doivent être soumises à ces impôts. Nous sommes en train de
discuter avec le ministère des finances pour notre statut particulier.
Une partie des activités de tourisme social sera assujettie, même
si nous espérons avoir une TVA favorable, ce qui semble le cas au niveau
des instructions européennes.
Pour les activités d'enfants et d'adolescents, nous considérons
que la dimension éducative et sociale de l'activité est
première. C'est une activité qui, par conséquent, ne
s'apparente pas à l'activité marchande et ne doit pas relever de
ce champ.
M. le Président -
Vous avez parlé des
33 000 associations locales différentes. Y a-t-il, dans ces
associations également, des mises à dispositions ou des aides
financières du ministère ?
M. Pierre Tournemire
- A ma connaissance, non. Je ne dis
pas que cela n'existe pas ici ou là, mais cela ne peut être que
marginal.
Le ministère a souhaité, depuis 15 ans, gérer
nationalement les mises à disposition. Il peut y avoir aussi ici ou
là des aides accordées par l'inspecteur d'académie
à la fédération départementale de façon
exceptionnelle, en liaison avec des situations particulières du
département, mais cela est relativement mineur.
Ce sont des postes nationaux, attribués par le ministère, au sein
des 628 postes que j'ai évoqués.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Peut-il aussi y
avoir des postes attribués par les recteurs ?
M. Pierre Tournemire -
Non.
M. Pierre Martin -
Peut-il y avoir des postes
attribués par le ministère de la jeunesse et des sports ?
M. Pierre Tournemire -
Je n'ai pas le chiffre exact de
départements, mais il y a effectivement 300 postes FONJEP,
représentant une aide forfaitaire de 45 000 francs sur ces
postes. FONJEP signifie "fonds de jeunesse et d'éducation populaire". Ce
fonds a été constitué il y a très longtemps, dans
le début des années soixante, pour contribuer à l'emploi
dans le domaine de l'animation. L'idée au départ était que
le ministère de la jeunesse et des sports passait une convention,
essentiellement avec une collectivité locale, et chacun finançait
le poste à hauteur de 50 % chacun. C'était le cas dans les
années soixante. Les salaires ont augmenté, et l'aide du
ministère est restée pratiquement la même, ce qui fait
qu'aujourd'hui les 50 % se sont transformés en 15 % à
20 %.
M. le Président -
Ce sont donc 300 emplois qui n'ont
rien à voir avec ceux dont vous avez parlé tout à l'heure.
M. Pierre Tournemire -
Non. En général, les
emplois FONJEP sont des emplois d'animateurs ; ce sont des personnels qui
ont des fonctions techniques ou de responsabilité dans des structures de
type maisons des jeunes.
M. le Président -
Par rapport à l'ensemble des
personnes mises à disposition, pouvez-vous nous dire quelle est leur
origine ? Y-a-t-il un pourcentage important du premier degré, du
second degré ?
M. Pierre Tournemire -
Pour beaucoup, du premier
degré : 169 emplois sont des emplois du premier degré,
31 emplois du second degré, au sein des mises à disposition.
Au niveau des détachés, 140 sont du premier degré, six du
second degré, et cinq d'autres administrations. Ces derniers doivent
être essentiellement des agents des collectivités locales. Pour
l'essentiel, il s'agit du premier degré.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Etes-vous favorable aux emplois-jeunes ?
M. Pierre Tournemire -
Oui. Nous sommes même
fortement impliqués dans les emplois-jeunes puisque l'ensemble du
réseau Ligue de l'enseignement a créé 700 emplois au
31 décembre.
Nous avons été avec les FRANCA, les CBA, les pupilles et
Léo Lagrange, la première organisation à signer les
accords-cadres dès la sortie de la loi, avec les deux ministres de
l'éducation nationale, la ministre de la jeunesse et des sports et la
ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons signé par
ailleurs une convention-cadre avec la fédération nationale des
foyers ruraux et le ministère de l'agriculture pour développer
les emplois-jeunes en milieu rural.
Dans le cadre des accords-cadres comme dans celui des initiatives que les
fédérations départementales ont prises, il y a des emplois
directs créés au niveau des fédérations
départementales et des associations locales, et des emplois qui sont
créés avec les collectivités locales, essentiellement dans
l'environnement de l'école.
Nous travaillons avec le ministère de l'éducation nationale pour
rendre plus compatible, surtout dans une perspective de professionnalisation et
de pérennisation de ces postes, une articulation entre les
aides-éducateurs de l'éducation nationale et ces postes, pour ne
pas se trouver à terme sur le marché du travail avec des gens
présentant des statuts divers, en situation de concurrence.
Il nous paraît, et je pense que l'éducation nationale nous suit
sur ce plan, que si les éducateurs ont des fonctions indispensables dans
l'école, pour autant il faut trouver des articulations avec les
associations et les collectivités locales pour générer et
pérenniser sur la durée des emplois dans l'accompagnement, dans
l'interscolarité, ou dans le prolongement de l'école. Il y a
là un gisement d'emplois non négligeable pour les années
à venir.
M. le Président -
Ces emplois-jeunes sont financés
à 80 % par l'Etat. Par qui sont financés les 20 %
restants ?
M. Pierre Tournemire -
Ce n'est pas 20 %, car ces
emplois sont créés dans le cadre de la convention collective de
l'animation socio-culturelle. Ces gens ne sont pas payés au SMIC, mais
au tarif de la convention en fonction de l'emploi fait. Toutes les
possibilités existent. Soit le complément de salaire est
lié à l'activité produite, soit il y a des aides,
notamment des collectivités locales. Beaucoup de conseils
généraux, de municipalités, apportent des
compléments de financement pour la création d'emplois. Le solde
est à charge de l'association. Il est lié à
l'activité. A priori, nous n'avons pas cherché à faire du
chiffre, pas forcément sur les nouveaux métiers, mais en tout cas
sur les nouveaux services qui pouvaient à terme être partiellement
solvables. Il fallait que d'entrée l'activité puisse
générer une part de ressources contribuant au salaire.
M. le Président -
Par exemple ?
M. Pierre Tournemire -
Essentiellement dans les
activités périscolaires, dans les centres de vacances par
exemple. L'accord-cadre signé était soit pour l'accueil le matin
des élèves, soit pour des activités menées dans le
cadre des centres de loisirs après l'école, soit dans le cadre
d'activités des contrats éducatifs locaux. Ce sont surtout des
activités d'animateur et, en cela, ce ne sont pas vraiment de nouveaux
métiers, mais plutôt des services nouveaux dans des endroits
où, pour des raisons de solvabilité, l'emploi n'existait pas,
où grâce à l'aide de l'Etat l'association a pu trouver les
quatre sous restants, le maire a pu aider à la recherche de
financements, et ils ont décidé de créer un emploi dans
l'activité autour de l'école.
M. le Président -
Et votre point de vue sur les
" quatre sous " restants, au delà des cinq ans ?
M. Pierre Martin -
Il est évident que ces
emplois-jeunes sont créés pour une durée limitée.
Vous souhaitez une pérennité. Avec quels financements
l'envisagez-vous ? Et s'il n'y a pas pérennité, cotisez-vous
pour que ces gens soient indemnisés, car cela sera de votre
responsabilité ultérieurement ?
M. Pierre Tournemire -
Ce sont des emplois ordinaires.
Nous cotisons donc à tous les droits que peut avoir un travailleur, par
rapport à un éventuel chômage. S'il y avait licenciement,
ils auraient droit aux indemnités de licenciement afférentes.
Je ne suis pas devin, et je ne sais pas ce que sera la situation dans
cinq ans. Ce qui est sûr, c'est que ces emplois correspondaient
à une attente forte des jeunes aujourd'hui. Ils ont trouvé
là un moyen de se rendre utiles, avec une rémunération
convenable, et une durée devant eux permettant de pouvoir
s'établir.
Il est clair que cela peut-être une bombe à retardement. Si en
2002, brutalement, se retrouvent sur le marché du travail tous ces
gens-là, cela va provoquer une situation explosive. On peut penser que
si les services créés sont de qualité, ils devront
être maintenus. Le besoin étant créé, il faudra
trouver les financements pour que ces services perdurent. Les familles devront
sans doute y contribuer, les collectivités locales seront fortement
sollicitées, les caisses d'allocations familiales contribueront
très certainement.
Il faudrait arriver à ce qu'il y ait une montée en charge pour ne
pas devoir financer de façon brutale, d'un coup, 75 % ou 100 %
du salaire. Tout dépendra de la qualité des services rendus, et
de la satisfaction du besoin qui aura été suscité. Quand
on se sera habitué à voir ses enfants accueillis le matin
tôt à l'école, et tard le soir, que cela correspondra
à un service tout à fait réel, les personnes accepteront
progressivement de contribuer à ce financement. Des articulations
doivent être trouvées. Il faudra certainement imaginer des
croisements de financements entre l'Etat, qui peut-être ne se
désengagera pas brutalement. Il paraît que la situation de
l'emploi, d'un point de vue démographique, va s'améliorer
à partir de 2006, et on peut penser que d'ici là, des solutions
seront trouvées pour des besoins. Les emplois CES ont été
maintenus.
En tout cas, il y a une vraie question. On a cinq ans pour trouver des
réponses, d'où les problèmes de professionnalisation de
ces postes, qui nécessitent d'agir à la fois sur la formation et
sur la structuration du service, pour qu'ils dégagent une certaine
solvabilité à terme, mais que la personne puisse, par la
formation, trouver une réelle qualification professionnelle, soit dans
le poste, soit ailleurs. On peut aussi imaginer des dispositifs qui
permettraient à ces jeunes d'acquérir une première
expérience professionnelle, qu'ils pourraient valoriser ailleurs. Cette
situation s'est déjà produite dans le passé avec les CES,
les TUC, ou les emplois de jeunes-volontaires.
M. Pierre Martin-
Il est vrai que l'on ne créera
pas deux fois ces postes, ce qui veut dire qu'à terme, d'autres
générations de jeunes arriveront. On ne pourra peut-être
pas leur proposer la même chose. Le paradoxe viendra du fait que ces
emplois auront été créés par les associations, et
certainement que, pour les pérenniser, on se tournera vers les
collectivités. Or, les budgets des collectivités ne sont pas
extensibles, tels qu'on le souhaiterait. Le vrai problème, vous le
soulevez. Ce n'est pas parce qu'on le soulève, et qu'il y a espoir,
qu'il sera réglé.
M. Pierre Tournemire -
Fallait-il, parce qu'on
n'était pas certain de régler le problème dans cinq ans,
laisser des jeunes en déshérence aujourd'hui ? Je ne le
crois pas. Cela correspondait à une attente forte des jeunes. A nous,
les uns et les autres, de trouver les solutions pour dans cinq ans.
Les collectivités locales ne pourront se substituer purement et
simplement à l'Etat. Mais il y aura peut-être des financements
croisés à imaginer. Nous avons l'obligation de faire preuve
d'imagination d'ici là, car nous sommes confrontés à une
situation explosive.
Le pays ne peut pas se permettre d'avoir un tiers de sa jeunesse qui commence
sa vie par le chômage, sans aucune perspective de stabilité. Aller
de petits boulots en petits boulot ne donne pas les gages d'un engagement
civique, d'une vie citoyenne et épanouie. Il est impératif de
trouver des solutions. Les emplois-jeunes ne sont qu'un pis-aller, mais ils
permettent à un jeune d'avoir une situation pendant cinq ans, de pouvoir
faire des projets, de pouvoir commencer à s'investir socialement et de
ne pas tomber dans l'amertume, voire la délinquance.
M. Pierre Martin-
Sur la question de la cotisation
à l'UNEDIC : dans mon département, mais cela a dû se
produire ailleurs, le problème était la participation à
l'UNEDIC puisque les jeunes n'étaient pas couverts. Pour les
associations, cela posait le problème de cette participation, c'est
à dire des cotisations à verser. J'avais cru comprendre, en
recevant les associations, que beaucoup de ces associations ne souhaitaient pas
verser ces cotisations.
M. Pierre Tournemire -
Ce n'est pas notre cas.
M. Pierre Martin -
Toutes les fédérations
régionales participent-elles ?
M. Pierre Tournemire
- Il n'y a pas de façon
légale d'être hors-la-loi. Les associations sont soumises à
une convention collective élargie. Nous avons donc l'obligation, dans le
cadre du Code du travail, d'embaucher et de payer les cotisations
afférentes. C'est un emploi ordinaire. Cet emploi est aidé par
l'Etat, mais il est de droit commun. Ce n'est pas le cas de l'Etat. Les
aides-éducateurs, l'Etat étant son propre assureur, ne cotisent
pas à l'UNEDIC. S'ils sont au chômage, il appartiendra à
l'Etat de leur verser les allocations de chômage. L'estimation est de
l'ordre de huit milliards de francs. Les associations sont quant à
elles soumises aux cotisations. Je ne vois mal comment elles pourraient s'y
soustraire.
M. le Président -
Nous allons clore ce chapitre sur les
emplois-jeunes. Il m'avait semblé à l'époque, quand on
avait proposé cette orientation, qu'il s'agissait d'emplois temporaires
qui devraient déboucher sur des secteurs créant leurs propres
ressources. On voit bien, d'après ce que nous regardons sur le terrain,
comme d'après vos déclarations, qu'on est en train de transformer
cela en un besoin permanent pour lequel il faudra trouver les ressources. Et
que ces ressources, vous pensez pouvoir les trouver dans le principe de la
contractualisation, c'est-à-dire de la participation des
collectivités territoriales, et la pression sera terrible. Mais cela
dépasse le cadre de notre commission d'enquête.
Y a-t-il d'autres questions ? Non. Je vous remercie.
AUDITION DE M. PIERRE JOXE,
PREMIER PRÉSIDENT DE
LA COUR DES COMPTES,
ET DE M. COLLINET,
PRÉSIDENT DE LA
TROISIÈME CHAMBRE
(17 MARS
1999)
AUDITION À HUIS CLOS
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
AUDITION DE M. JEAN-PHILIPPE HUCHET,
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DE LA MGEN
(17 MARS 1999)
M.
Adrien Gouteyron, président
- Nous allons procéder à
l'audition de M. Jean-Philippe Huchet, secrétaire
général de la Mutuelle générale de
l'éducation nationale.
Le président lit la note sur le protocole de publicité des
travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jean-Philippe Huchet.
M. le Président
- Je vous passe la parole pour un exposé
introductif. Notre commission d'enquête s'occupe de la gestion des moyens
et des personnels affectés à l'éducation nationale.
Nous vous entendons pour que vous nous expliquiez comment la MGEN dispose d'un
certain nombre d'enseignants formés par l'éducation nationale
pour enseigner, qui viennent chez vous pour faire un certain nombre de
tâches. Comment sont-ils recrutés ? A quelle conditions
financières ? Quels sont vos rapports avec le
ministère ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Je vous ai préparé un document.
M. le Président
- Merci, cela nous sera utile. Nous arrivons au
terme de nos auditions et nous en viendrons bientôt à la
rédaction du rapport pour lequel nous avons une matière
très considérable. Il sera publié en mai.
M. Jean-Philippe Huchet
- Je me suis permis de préparer ce petit
document pour que vous suiviez plus aisément les quelques
éléments d'information que je souhaitais vous apporter avant de
répondre à vos questions.
A la page 4, vous avez les textes relatifs aux mises à disposition
relevant des lois du 19 mars et du 9 avril 1947, connues sous le nom
de lois MORICE. Elles ont confié aux sections des sociétés
mutualistes de fonctionnaires la gestion de la sécurité sociale
des fonctionnaires. Cette référence n'existe pas forcément
pour d'autres organisations de l'éducation nationale, car cette loi est
spécifique à la gestion de la sécurité sociale.
Je vous ai rappelé brièvement un certain nombre de textes et de
décrets venus renforcer ces premières lois et qui ont
précisé les conditions de ces mises à disposition.
A cet égard, la circulaire du 20 novembre 1948 précise
quels étaient les personnels qui devaient être mis à
disposition et quelles étaient leurs fonctions dans la gestion du
régime de sécurité sociale, en précisant qu'il ne
pouvait s'agir que de personnel de direction ou d'encadrement.
D'autres textes ont ensuite élargi ces mises à disposition
à d'autres personnels que ceux de direction ou d'encadrement.
Cependant, la MGEN n'a jamais utilisé cette possibilité et s'est
limitée à des personnels de direction.
Des textes de 1949 sont également indiqués dans ce chapitre et
parlent de la réglementation spécifique des mises à
disposition de la MGEN. Il s'agit donc de l'application des lois de 1948 dans
le ministère de l'éducation nationale. En effet, au départ
ces lois étaient communes à l'ensemble de la fonction publique.
Ces textes de 1949 parlent notamment des effectifs et l'on voit que la MGEN est
bien en deçà des chiffres indiqués. Ils parlent
également de la notion de remboursement. Ce sont les premiers passages
où il est convenu que la Mutuelle remboursera à l'Etat des
salaires d'enseignants remplaçants pour permettre à celui-ci de
remplacer poste pour poste les personnels mis à disposition de la MGEN
pour gérer la sécurité sociale.
Par ailleurs, la MGEN rembourse l'intégralité des traitements.
Autrement dit, nous allons au-delà de la loi puisque nous remboursons
à l'Etat les salaires et les charges des personnels mis à
disposition.
La page 6 fait état d'une actualité plus récente, avec
notamment la loi du 11 janvier 1984 et le décret du
16 septembre 1985, qui ont permis de réglementer la mise
à disposition de fonctionnaires de l'Etat auprès d'organismes
privés chargés de la gestion d'un service d'intérêt
général, ce qui est le cas de la MGEN.
Cependant, même si ces textes existent, nous nous référons
toujours aux textes de base (lois MORICE) qui nous confient la gestion de la
sécurité sociale en l'assumant avec des fonctionnaires mis
à disposition.
En 1986, le ministère a décidé de nous retirer
l'intégralité des mises à disposition. Cette
décision couvrait l'ensemble de l'éducation nationale.
Cependant, les lois MORICE, stipulaient que nos mises à disposition
n'étaient pas tout à fait les mêmes que celles
accordées à d'autres oeuvres.
Nous pouvons comprendre que le ministère, par convention, accorde
librement les mises à disposition à bien des oeuvres, cependant,
en ce qui concerne la MGEN, il n'a pas la liberté totale car une loi lui
imposait de nous conserver des mises à disposition.
Néanmoins, cette décision politique enlevait toutes les mises
à disposition de l'éducation nationale, mis à part 35
collègues qui avaient des fonctions élues. Le ministère
avait admis que sans cette dérogation, il décapitait la mutuelle
car il n'était pas possible de remplacer des mises à disposition
par des détachements.
En effet, les élus de la mutuelle ne peuvent pas être
détachés puisque le détachement s'assimile à une
situation de salariés, ce qui aurait empêché les
élus d'exercer leurs mandats. Le ministère en avait convenu et
nous avait autorisé 35 mises à disposition correspondant aux
élus de la mutuelle.
Il a ensuite fixé un maximum de 500 cadres de la mutuelle pour
gérer la sécurité sociale, les MAD étant
transformées en détachements.
Depuis cette date, la MGEN revendique la pleine application des textes
existants et a obtenu une restauration progressive des mises à
disposition. Cent emplois nous ont été restitués en 1990,
70 en 1992 et 150 en 1993.
En 1993, nous étions revenus à 320 mises à
disposition, ainsi, nous n'avions plus de détachés à ce
titre. Il restait, bien entendu, les quelque 30 élus toujours mis
à disposition.
Le ministère du budget a remis en cause en 1994 les 150 derniers emplois
qui nous avaient été octroyés en 1993, ce qui a
ramené le nombre de mises à disposition de la MGEN à 170
et nous sommes toujours dans cette situation aujourd'hui.
Vous avez ensuite quelques autres informations, notamment sur les conventions
que nous signons avec le ministère prévoyant ces mises à
disposition. J'insiste sur le fait que les mises à disposition du
ministère vont au-delà de la loi MORICE, ainsi, nous avons trois
annexes à la convention passée avec le ministère.
La première concerne ces fonctionnaires mis à disposition pour
gérer la sécurité sociale. Nous en avons 170, mais nous
souhaiterions que les détachés soient transformés en mises
à disposition.
Nous avons les élus de la mutuelle dans une deuxième annexe, dont
la situation n'est pas régie par la loi MORICE. C'est une
possibilité de militer offerte par le ministère à des
collègues. Bien évidemment, nous remboursons leur salaire.
Une troisième annexe concerne les militants de sections
départementales, qui sont le plus souvent présidents de section
et qui sont partiellement déchargés de service. Dans ce cas
aussi, nous remboursons intégralement les salaires et les charges
à l'administration.
A partir de la page 9, vous avez les chiffres. Des tableaux montrent que les
enseignants ne sont pas les seuls mis à disposition de la MGEN.
L'annexe 1 de la convention détaille les 170 mises à
disposition pour gérer la sécurité sociale. Ce sont des
collègues des sections départementales qui ne sont pas des
élus de la mutuelle. Un certain nombre sont des personnels de
l'administration ou des conseillers principaux, bien que la plupart soient
enseignants.
L'annexe 2 concerne les élus, c'est-à-dire les 35 à
l'époque qui sont 33 aujourd'hui dont 25 dans le premier degré, 6
dans le second degré, une infirmière et un agent
d'administration.
L'annexe 3 concerne quelques militants sur le plan local qui
bénéficient d'heures de décharge. Le ministère fait
un effort de 6,92 équivalents temps plein en emplois couvrant 16
personnes (8 dans le premier degré, 8 dans le second degré). Ce
sont des décharges partielles. Nous ne réclamons jamais des
décharges entières pour nos présidents.
Deux autres tableaux couvrent le champ de votre enquête. Le premier
concerne les détachés que nous avons obtenus quand l'on nous a
retiré la part des mises à disposition. Nous souhaitons
transformer 133 détachés en MAD puisqu'ils gèrent la
sécurité sociale et, ce, conformément à la loi.
Vous avez la ventilation de ces 133 personnes.
Le dernier tableau, pour mémoire, concerne
40 détachés qui ne relèvent d'aucun texte. C'est une
possibilité d'avoir des personnels de l'éducation nationale
à la tête de nos oeuvres sanitaires et sociales. Nous ne demandons
rien pour ces personnes, sinon la poursuite du détachement. Les
détachés ne coûtent rien à l'Etat et nous n'avons
donc rien à rembourser à celui-ci.
Le récapitulatif est fait page 14 : 33 MAD élus, 170 non
élus, 6,92 emplois équivalents temps plein, ce qui a fait qu'en
1997, nous avons remboursé à l'Etat 55 209 296 F. Pour
1998, il est prévu de rembourser 56 238 359 F.
La dernière partie du document concerne l'activité des
collègues mis à disposition de la MGEN pour gérer la
sécurité sociale.
Il s'agit d'une activité gestionnaire de l'assurance maladie dans un
certain nombre de domaines. On connaît l'actualité de l'assurance
maladie qui fait que ces collègues ne manquent pas de tâches.
Il y a l'activité d'encadrement, d'organisation et de gestion des
ressources humaines. Il y a les relations avec les différents acteurs
sociaux pour faire prévaloir les spécificités de nos
professions.
Puis, il y a les activités d'accueil et d'information des assurés
sociaux et tout ce qui concerne les missions d'action sociale pratiquement
gérées au titre du ministère de l'éducation
nationale. Il s'agit de l'action sociale en faveur des fonctionnaires et agents
contractuels de l'Etat. Je vise les commissions d'action sociale
académiques ou départementales et un certain nombre d'actions de
prévention et de formation en partenariat avec les IUFM.
Je vous laisse découvrir la conclusion de ce document. Un petit
paragraphe concerne les 33 mises à disposition d'élus qui restent
et dont je n'ai pas développé l'activité. Elle est
conforme au code de la mutualité et à nos statuts.
M. le Président
- Merci. Le document nous sera très utile
car est il très clair.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Que représentent les
392 personnes concernées par rapport au personnel global de la
MGEN ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Nous avons 9 000 salariés.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Pourquoi insistez-vous sur le fait de
transformer les détachés en MAD ? Certes, la loi le
prévoit mais, en-dehors de cette règle, cela vous apporte-t-il
quelque chose d'important quantitativement ou qualitativement ?
Les enseignants mis à disposition ou détachés chez vous,
font-ils toute leur carrière chez vous ou ne sont-ils que de
passage ? Enfin, recevez-vous des subventions de l'éducation
nationale ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Je vous ai précisé que nous
remboursions intégralement les salaires et les charges et, pour nous, un
MAD et un détaché coûtent exactement la même somme.
Alors pourquoi ? Parce que la loi le prévoit ! Y a-t-il besoin
d'autres raisons ? Est-ce étonnant de demander l'application d'une
loi ?
Dans l'esprit, il y a une différence :
- le MAD poursuit sa carrière à l'intérieur de
l'éducation nationale et garde un lien plus fort avec ses
collègues. Il a des possibilités plus fortes de mobilité.
A la limite, la mise à disposition peut être remise en cause tous
les ans.
- le détaché a un contrat de cinq ans, avec la
possibilité, pour le ministère, de ne pas le
réintégrer, bien que cela ne se fasse jamais, néanmoins la
possibilité existe. Pour nous, c'est une question essentielle de
principe.
Le détaché, au-delà de tout ce que l'on pourra dire, est
un salarié de la MGEN. En cela, il a droit au comité d'entreprise
de la MGEN et à être représenté au niveau syndical.
Tandis que nous concevons le MAD comme un collègue représentant
les mutualistes c'est-à-dire les réels propriétaires de la
mutuelle. Il y a un problème, à notre sens, à ce niveau.
Nous ne faisons que demander l'application de la loi et j'insiste : il n'y
a pas de différence au niveau financier. Nous payons la totalité
de ce qui figure sur les feuilles de paye de la fonction publique.
Peut-on faire toute sa carrière à la MGEN ? La gestion de la
sécurité sociale s'apprend. La formation dure un an, mais l'on
n'est pas opérationnel en un an. Il faut rentrer dans une autre logique.
C'est un prolongement à l'activité, mais c'est une nouvelle
activité.
De nombreux collègues, à partir du moment où ils sont
devenus MAD, finissent leur carrière à la MGEN. Ce n'est pas le
cas de tous : certains repartent pour un certain nombre de raisons et,
actuellement, c'est un phénomène qui va plutôt en
s'accroissant.
En effet, les charges de travail à la MGEN poussent un nombre plus grand
de collègues à mettre fin à leur militantisme et surtout
à leur activité d'encadrement de la gestion de la
sécurité sociale. Néanmoins, ils restent proches de la
MGEN.
M. Francis Grignon, rapporteur
- A quel âge arrivent-ils chez
vous ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Nous avons une règle selon laquelle les
instituteurs doivent s'arrêter à 55 ans. Certains arrivent
à 40 ans, d'autres à 30 ans. Il n'y a pas de profil type, cela
dépend de l'équilibre dans une section. Nous insistons sur la
connaissance du terrain. Nous aurons tendance à prendre quelqu'un
d'installé, connaissant le terrain.
M. le Président
- Qui prononce la mise à disposition ou le
détachement ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Le ministère.
M. le Président
- Même si la gestion des corps est
académique ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Oui.
Pour les subventions, j'ai en tête deux idées. L'une concerne les
actions concertées. Nous avons une mission de service public et d'action
sociale.
A ce titre, nous gérons les actions concertées avec le
ministère. C'est une somme de 16 millions de francs dont le
ministère décide la finalité.
Je n'ai rien apporté sur cela, mais je prends un exemple :
supposons que sur ces 16 MF, le ministère souhaite que 4,5 MF
aillent à l'orphelinat. Nous identifierons et suivrons le cursus des
mutualistes et des non mutualistes (puisque nous gérons la
sécurité sociale de la totalité des personnels de
l'éducation nationale), nous en rendrons compte et attribuerons ces
4,5 MF suivant certains critères.
La deuxième subvention est la subvention légale versée
à toutes les mutuelles de fonctionnaires.
En effet, l'Etat étant un des employeurs les moins
généreux en ce qui concerne l'action sociale de ses personnels,
c'est une manière pour lui de participer à un retour social sur
les mutualistes.
Dans les textes, cette subvention légale peut se monter jusqu'à
25 % des cotisations des mutualistes.
Cependant, nos cotisations s'élevant à 6 milliards de
francs, vous voyez ce que font 25 %. Nous nous contentons d'une subvention
légale de 100 millions de francs.
M. le Président
- Vous nous dites que la
rémunération des MAD est intégralement compensée
par la MGEN. Ma remarque est inspirée du rapprochement entre ce que vous
nous dites et votre document.
En 1986, il a été décidé de remplacer les mises
à disposition par des détachements, ces derniers étant
partiellement compensés par des subventions. Est-ce cela?
M. Jean-Philippe Huchet
- Pas exactement.
M. le Président
- Je lis :
"Le ministère a
décidé de substituer un système de subventionnement et de
détachement au système de mise à disposition pour
l'ensemble de l'éducation nationale."
M. Jean-Philippe Huchet
- Oui,
"pour l'ensemble de l'éducation
nationale".
Pour toutes les organisations.
M. le Président
- Donc pour la vôtre ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Pour la nôtre, nous n'avons rien eu.
M. le Président
- Autrement dit, les détachements n'ont
pas donné lieu à versement de subventions, je n'ose dire
compensatrices ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Absolument aucune.
M. le Président
- Mon erreur expliquait ma question car j'allais
vous dire que vous avez intérêt à avoir des
détachements.
M. Jean-Philippe Huchet
- Bien évidemment, mais sur le principe,
cela n'aurait pas fonctionné.
M. le President
- Laissons les principes et regardons l'argent. Vous
affirmez que les détachements ne donnent pas lieu à versement de
subvention. Comment s'explique alors ce paragraphe ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Je lis ce paragraphe page 5 :
"Le
ministère de l'éducation nationale a décidé de
substituer un système de subventionnement et de détachement au
système de mise à disposition pour l'ensemble de
l'éducation nationale."
Cela couvrait également l'ensemble
des organisations là où il y avait des mises à
disposition.
Le paragraphe suivant dit :
"cette décision a abouti à la
convention du 15 juin 1987 (pour la MGEN) prévoyant 35 mises à
disposition correspondant à ses administrateurs élus et à
un maximum de 500 détachés."
Pour nous, cela s'est traduit par le droit d'avoir 500 détachés.
Il n'y a pas eu de volet subvention.
M. Jacques Legendre, vice-président
- Je gardais en
mémoire les débats qui avaient eu lieu du temps où M.
MONORY était ministre de l'éducation nationale et avait voulu
supprimer un certain nombre de ces personnels. Il avait été dit,
à l'époque, que si les organismes remboursaient à l'Etat
les personnels qu'ils utilisaient, ils toucheraient en contrepartie une
subvention.
Or, vous dites que ce n'est pas le cas de la MGEN. Pouvez-vous dire si c'est le
cas d'autres organismes de l'éducation nationale, à votre
connaissance ? Pourquoi y aurait-il une exception au détriment de
la MGEN ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Encore une fois, les mises à
dispositions ne sont pas toutes identiques. Les nôtres relèvent de
la loi MORICE, c'est la gestion de la sécurité sociale. Les
autres mises à disposition l'ont été à d'autres
titres.
Les mouvements d'éducation populaire notamment ont toujours
été aidés par le ministère, mais il ne s'agissait
pas de MAD comme les nôtres. Il s'agissait d'efforts du ministère
pour participer à l'éducation populaire. Ces mises à
disposition n'étaient pas compensées du tout.
En retour, les mouvements d'éducation populaire ne reversaient rien au
ministère. C'était bien une aide qu'apportait le ministère
pour faire fonctionner ses oeuvres.
A partir de 1986, quand le ministère a décidé de supprimer
cette aide, il l'a compensée : à la place, il a donné
les moyens de payer des détachés.
Au niveau de la MGEN, le problème est différent. Encore une fois,
nos mises à disposition étaient issues d'un autre texte et nous
remboursions les traitements. Il n'y avait aucune raison que le
ministère nous donne de quoi payer des détachés et nous ne
l'avions jamais demandé. Cela aurait été une erreur pour
le ministère et il n'avait aucunement l'intention de la commettre.
Peut-être que la subvention de 16 millions de francs sur les actions
concertées avait été gagée sur cela, bien avant, au
début de la mise en place de ces lois. La MGEN reverse une somme
à l'Etat, mais cela ne sert pas forcément à embaucher des
instituteurs remplaçants ; il avait peut-être
été prévu un rééquilibrage sur les actions
concertées.
Quoi qu'il en soit en 1986, nous remboursions la totalité des salaires
et nous n'avons eu aucune subvention.
M. André Vallet, rapporteur-adjoint
- A vous écouter, je
suis conforté dans une opinion que j'avais depuis longtemps : ce
n'est pas à la MGEN qu'il y a une dérive de postes et la MGEN
n'est pas ce qui coûte le plus aux contribuables, vous venez de le
confirmer.
Cependant, un point me choque qui a été évoqué tout
à l'heure par M. GRIGNON. Il s'agit de ce personnel mis à
disposition qui fait pratiquement carrière à la MGEN. Ce
personnel a été formé pour enseigner, il reçoit une
formation de plus en plus longue.
Ensuite, vous nous avez dit :
"mais il faut qu'il apprenne son
métier à la MGEN."
Il a appris deux métiers différents dans sa carrière.
Est-il besoin qu'il apprenne le premier s'il ne l'exerce pas ? Pourquoi
n'a-t-il pas appris directement le second ? Ne serait-il pas
préférable de recruter directement du personnel administratif
pour gérer la MGEN plutôt que de puiser dans un personnel
formé pour autre chose ?
Je fais une exception pour les élus. Je comprends très bien
qu'une mutuelle de cette importance doive avoir un conseil d'administration
ainsi composé. C'est légitime et normal.
Cependant, un élu n'est que de passage. Il ne peut pas faire une
carrière. Que pendant le temps de son mandat, il dispose de ces
facilités de décharges de service, voire de mise à
disposition, etc., je le comprends.
Pour les non élus, formés actuellement par l'éducation
nationale, pourquoi ne pas les recruter directement dans la
société civile plutôt que dans l'éducation nationale
qui a fait un effort pour les préparer à un métier qu'ils
n'exerceront pas ?
M. Jean-Philippe Huchet
- C'est un des débats de fond qui existe
à la MGEN. Peut-être qu'un jour, ce choix sera fait. La MGEN a
aujourd'hui 50 ans et nous avons tenu à ce que les mutualistes, vrais
propriétaires de la mutuelle, puissent exercer ces
responsabilités à tous les niveaux. Nous avons conscience de ce
que vous dites...
M. le Président
- La question de M. VALLET est d'autant
mieux venue que l'on constate que les mutualistes en question sont quasiment
tous des maîtres de l'enseignement primaire.
M. Jean-Philippe Huchet
- Sur les mises à disposition, en effet
140 le sont. La question est très importante. Dans l'esprit des lois
MORICE, l'idée était que pour gérer le social, il fallait
des personnels certes qualifiés, (nous avons 9 000 salariés
privés à la MGEN), mais nous tenons à avoir aux postes
d'encadrement, que ce soit au niveau des sections ou au niveau national, les
véritables propriétaires de la mutuelle.
Alors, cela sert-il de les avoir formés pour un premier métier et
de leur faire apprendre un deuxième métier ? Nous voyons
cela comme un complément. Les gens formés uniquement au
deuxième métier n'apporteraient absolument pas le service
apporté par les collègues de l'éducation nationale. Il
s'agit d'un million et demi de personnes gérées en
sécurité sociale et nous revendiquons 300 personnes pour les
gérer : le quota n'a rien à voir avec ce qui se fait dans la
fonction publique en général.
Je précise que nous sommes les moins bien lotis de l'ensemble de la
fonction publique. Partout ailleurs, on n'a jamais remis en cause les mises
à disposition, dans aucun autre ministère. Dans la plupart des
autres ministères, les mutuelles ne remboursent pas les traitements des
mises à disposition.
On fait beaucoup d'honneur à la MGEN en lui demandant un certain nombre
d'explications mais, ailleurs, ce genre d'explication n'a pas cours.
Un texte prévoyait une mise à disposition pour 5 000
mutualistes. Nous en sommes très loin et nous ne le revendiquons pas.
Cependant pour nous, la moindre des choses est que l'Etat continue à
nous accorder ces personnels, certes déjà formés à
des métiers de l'éducation, mais nous sommes persuadés que
s'ils n'avaient pas baigné dans ce milieu de l'éducation, de la
recherche et de la culture, nous n'aurions pas la qualité de service au
niveau où nous les prenons.
En effet, nous ne les prenons pas pour gérer des feuilles de
sécurité sociale. Il s'agit bien de l'encadrement, du travail sur
la prévention, de l'action sociale, de la direction donnée
à la gestion. S'ils n'avaient pas baigné dans ce premier
métier, ils n'auraient pas la même vision ni le même souci
de voir se développer l'appareil gestionnaire au seul service de leurs
collègues.
Les anciens enseignants, qui sont depuis cinquante ans à la MGEN,
comptent beaucoup sur les responsables actuels de la MGEN pour poursuivre dans
cette voie, estimant que si jamais on ne le faisait pas, la MGEN pourrait
perdre beaucoup de son originalité et de sa spécificité.
Vous avez eu raison de souligner que les élus étaient à
part. D'ailleurs, quels que soient les ministères, nous n'avons jamais
eu aucun problème avec ces élus et tous les ministres successifs
n'ont jamais remis en cause les MAD d'élus. Chez nous, les mandats
durent six ans et il est bien évident qu'il peut y avoir un turn-over.
C'est une possibilité donnée pendant le mandat et pas
au-delà.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Vous avez dit que
la mutuelle rembourse à l'Etat la rémunération des
remplaçants, salaires et charges. Vous rémunérez donc les
remplaçants. Y a-t-il un différentiel entre le coût global
des personnes réellement mises en détachement et les
remplaçants ?
M. Jean-Philippe Huchet
- La loi nous obligeait à rembourser,
mais nous faisons mieux que la loi, puisque l'on rembourse intégralement
ce qui a été versé, salaires plus charges. Cela va
au-delà du coût réel. Nous trouvons cette formule juste.
Nous sommes pratiquement les seuls dans la fonction publique à le faire.
Sur l'action sociale, le ministère des finances par exemple, donne dix
fois plus par agent que ce qui est donné au personnel de
l'éducation nationale. Au niveau de l'éducation nationale, nous
pouvons aller la tête haute dans de nombreux endroits, nous sommes les
moins bien traités de l'ensemble de l'administration, y compris sur ce
plan.
Ailleurs, on ne rembourse pas de cette manière. Ailleurs, les mutuelles
sont logées, tandis que nous n'avons pas un seul bâtiment public
à notre disposition. Tout appartient aux mutualistes qui ont payé
en cinquante ans sur leurs cotisations, l'intégralité du
patrimoine de la MGEN.
Ailleurs, dans la fonction publique, les mutuelles sont logées, les MAD
ne sont pas remboursées, mais nous ne sommes pas jaloux. Nous ne
demandons ni d'être logés ni de ne pas rembourser. Nous demandons
seulement l'application de la loi qui nous autorise à
bénéficier de mises à disposition.
M. le Président
- La prochaine commission d'enquête pourra
porter sur ce sujet.
(Sourires)
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Les élus
reçoivent des indemnités pour leur fonction, qui viennent se
cumuler à leur rémunération.
M. Jean-Philippe Huchet
- Cela vient se cumuler à ce que nous
remboursons à l'Etat, pour l'individu. La MGEN rembourse à l'Etat
l'intégralité du salaire et des charges et donne une
indemnité à celui qui est mis à disposition.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- L'élu
touche sa rémunération plus l'indemnité ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Oui.
M. André Vallet, rapporteur-adjoint
- A quel pourcentage du
traitement ?
M. Jean-Philippe Huchet
- C'est variable en fonction de ce qui est
prévu dans le code de la mutualité.
M. André Vallet, rapporteur-adjoint
- Cela signifie-t-il qu'un
instituteur a intérêt à être élu à la
MGEN pour sa rémunération ? Gagnera-t-il plus à
être élu à la MGEN qu'à être dans sa
classe ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Ce ne sont pas des salaires, ce sont des
indemnités. C'est prévu dans le code de la mutualité.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Alors que cela
devient leur activité principale.
M. Jean-Philippe Huchet
- C'est leur activité principale car ils
sont mis à disposition. Là aussi, nous avons une
originalité. Le code de la mutualité permet d'indemniser
l'intégralité des élus, mais nous n'indemnisons que ceux
qui ont des sujétions.
Par exemple, bon nombre de nos militants dans nos cent sections
départementales, ainsi que les présidents de section, y compris
ceux qui figurent ici avec les six et quelque équivalents temps plein,
ne bénéficient d'aucune indemnité.
En revanche, nous indemnisons celui qui est mis à disposition ou
détaché au titre de la gestion de la sécurité
sociale. L'enseignant, par exemple, n'a plus les vacances d'enseignants, il n'a
plus les mêmes horaires. Nous faisons des formations le week-end, etc.,
ce sont des sujétions. L'indemnité couvre cela.
Cependant, l'indemnité n'est pas forcément liée au fait
d'être élu.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Il existe une
indemnité de base.
M. Jean-Philippe Huchet
- Oui, variable suivant la fonction
exercée.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Par exemple, une
personne mise à disposition ou en détachement ne donne pas
satisfaction. Que devient-elle ?
M. Jean-Philippe Huchet
- Si elle est mise à disposition, nous
demandons au ministère d'y mettre fin. Pour les détachements,
c'est plus compliqué, nous demandons la fin du détachement.
M. Francis Grignon, rapporteur
- A M. Vallet qui parlait de deux
métiers, vous avez répondu que cela permet d'avoir des gens
à la MGEN qui ont l'esprit éducation nationale. Cette
argumentation peut se discuter car cela conforte le fait que les enseignants
vivent dans un système fermé.
Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, vice-président.
M.
Jean-Philippe Huchet
- Nous sommes en train de discuter de l'application
d'une loi. Cette discussion se ferait au niveau du Parlement si l'on
décidait de changer la loi. Nous ne demandons que l'application de la
loi. Nous pensons que cette loi est bonne. Certes, on peut en débattre
et bien des éléments étayeraient mon argumentation, je
vous en dirai un ou deux.
M. Jean-Léonce Dupont, président
- S'il n'y a pas d'autres
interventions, vous pourrez ainsi conclure votre intervention.
M. Jean-Philippe Huchet
- La MGEN a 50 ans. Elle souhaite poursuivre ses
missions de service public. Elle a la mission de gérer la
sécurité sociale et nous pensons avoir démontré,
tant en termes de gestion qu'en d'autres termes, notre efficacité avec
des résultats tout à fait comparables au coût de gestion de
l'assuré social géré par l'assurance maladie. Nous sommes
dans les dix meilleures caisses sur les cent cinquante au niveau national.
Nous avons donc ces résultats, tout en supportant, encore une fois, la
totalité des charges du personnel, y compris des mises à
disposition.
De la même manière, nous gérons un certain nombre
d'établissements sanitaires et sociaux au titre du service public et
nous souhaitons pouvoir continuer.
Le fait que des personnels de l'éducation gèrent la mutuelle
n'est pas sans effets. Contrairement à ce qui se développe
maintenant dans la mutualité, nous ne souhaitons ni faire d'options, ni
donner un choix aux mutualistes. Nous souhaitons que les mutualistes continuent
de verser une cotisation strictement proportionnelle aux revenus, soit
2,5 %.
C'est une protection globale et entière qui permet aux personnels de
l'éducation nationale, de la recherche et de la culture d'être
réellement couverts en cas de problème, et pas seulement en
matière de complémentaire santé.
La complémentaire santé représente 75 % de nos
prestations. Les 25 % restants nous servent dans le domaine de la
maternité et de la famille. Nous développons aussi des services
originaux en matière d'habitat.
Nous avons été les premiers à cautionner des enseignants
qui souhaitaient construire leur habitation. Nous l'avons fait il y a 35 ans,
quand le crédit n'était pas ce qu'il est aujourd'hui. D'ailleurs
à l'époque, le milieu bancaire nous a été
très hostile.
Pourquoi nous en sommes-nous mêlés ? C'est parce que nos
fonctionnaires avaient souvent des logements de fonction et se trouvaient dans
des situations difficiles quand ils n'en bénéficiaient plus.
Aujourd'hui, les banques se battent pour avoir la caution de la MGEN mais,
à l'époque, personne n'en voulait.
M. le Président
- Monsieur le secrétaire
général, je ne retire rien à l'intérêt de vos
propos, mais ils me semblent s'écarter du cadre de notre commission
d'enquête.
M. Jean-Philippe Huchet
- Je vais alors parler de ce que nous faisons en
matière de perte d'autonomie. Si nous n'avions pas notre structure, nous
n'aurions jamais pu répondre à l'attente des personnels de
l'éducation ayant des enfants handicapés et qui, l'âge
venant, n'ont plus confiance en personne. Ils se disent qu'ils partiront et se
demandent qui s'occupera de leurs enfants handicapés.
Seuls ces collègues, que la loi avait prévu de mettre à
disposition de la MGEN, s'occupent de la tutelle. Le dernier juge des tutelles
que j'ai rencontré me disait :
"en France, seuls
deux organismes perdent de l'argent sur les tutelles, ce sont les Petit
frères des pauvres et la MGEN".
Le premier objectif de la MGEN, à l'origine, était de subvenir
aux besoins. Lors d'un décès du membre de la famille, par
exemple, nous avons la couverture complète.
Les Présidents de la République successifs ont souhaité
qu'il y ait un statut de l'élu mutualiste. Le législateur n'y a
pas pensé ; bien que nous ayons des MAD et des
détachés, nous avons beaucoup de mal à avoir des
autorisations d'absence pour nous rendre à des réunions
statuaires.
Un rapport a été adopté par le Sénat sur ce
thème. Certains sénateurs se sont interrogés sur le fait
que les mutuelles étaient mieux traitées que les compagnies
d'assurance.
Or, les compagnies d'assurance sont des sociétés de capitaux.
Leur objectif premier est de rémunérer le capital des
actionnaires, investi dans la compagnie. C'est très bien, car dans une
société, les épargnants doivent pouvoir placer des
économies qui leur rapportent. Je trouve logique que par rapport
à cette rémunération du capital, il y ait une taxation sur
les revenus des capitaux.
S'il doit nous rester une ambition sociale pour cette Europe en train de se
faire, le citoyen européen doit pouvoir choisir, soit d'être
client, et d'être protégé par des lois à ce titre,
soit de s'associer avec un groupe de citoyens et de ne pas vouloir être
client d'une compagnie, surtout quand il s'agit de la santé et du
social.
Il doit pouvoir choisir de s'organiser avec ses concitoyens et la
mutualité n'est pas autre chose : chaque mois, on se met entre soi
autour d'une table et on redistribue en fonction de ses propres règles.
Il ne s'agit pas de rémunérer des capitaux, il s'agit de
redistribuer. La MGEN cette année reverse 93 % des cotisations
qu'elle a perçues.
M. le Président
- Vos propos ont été tout à
fait intéressants. Pardonnez-moi d'avoir été quelque peu
directif mais nous avons une série d'auditions à mener. Au nom de
la commission, je vous remercie.
M. Jean-Philippe Huchet
- Merci à vous.
AUDITION DE MLLE OLIVIA JEAN,
PRÉSIDENTE DE LA
FIDL
(17 MARS 1999)
(Mlle
Olivia JEAN n'a pas déféré
à la convocation de
la commission d'enquête)
AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER,
SECRÉTAIRE
D'ETAT AU BUDGET
(24 MARS 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, Président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Christian Sautter.
M. Adrien Gouteyron, président -
Monsieur le
ministre, vous ouvrez une série d'auditions importantes cet
après-midi. Je suis heureux de vous accueillir. Vous connaissez les
sujets de préoccupation de notre commission d'enquête.
Je vous propose de commencer par un propos introductif qui nous permettra de
bien cibler les questions.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Merci, monsieur le Président, messieurs les Sénateurs,
je suis à la fois honoré et heureux d'être
auditionné par cette commission d'enquête du Sénat.
Je voulais vous remercier de cette occasion de poursuivre et d'approfondir le
débat budgétaire que nous avons eu à l'automne dernier sur
le budget de l'éducation nationale. Votre approche, qui consiste
à évaluer les déterminants et les résultats d'une
politique publique, rejoint celle du président de l'Assemblée
nationale qui a souhaité que le Parlement joue un rôle accru en
matière de contrôle budgétaire.
Vous avez déjà recueilli de très nombreuses informations
auprès de fonctionnaires, de personnalités. Vous allez
écouter après moi les ministres les plus directement en charge de
l'éducation nationale. Je voudrais vous dire, de là où je
suis, comme ministre chargé du budget, quelles sont les lignes de force
du budget de l'éducation nationale et quelles sont les pistes sur
lesquelles il est possible de s'engager pour améliorer la dépense
publique. J'insisterai sur la gestion des personnels qui est au coeur de votre
enquête.
Les lignes de force du budget de l'éducation nationale peuvent
être placées dans un cadre européen ou occidental. La
France se situe, en matière de dépenses d'éducation par
rapport au P.I.B. (produit intérieur brut), dans la moyenne des pays de
l'OCDE, tous enseignements confondus. Les dernières données de
l'OCDE remontent à 1994. La dépense d'éducation
était à 6,2 % du P.I.B. (produit intérieur brut)
à comparer à une moyenne de 5,9 %. Mais il y a des
différences selon les niveaux d'enseignement.
D'après ces comparaisons internationales sommaires, nous sommes dans la
moyenne pour l'enseignement primaire, plutôt économes,
c'est-à-dire que nous dépensons plutôt moins pour
l'enseignement supérieur, même si les chiffres se rapprochent. Ce
qui caractérise l'enseignement secondaire, d'après une
comparaison internationale assez grossière, c'est qu'il est de 35 %
environ plus coûteux que la moyenne des pays de l'Union
européenne.
Les grands chiffres, vous les connaissez : la dépense
intérieure d'éducation a atteint 592 milliards de francs en
1997. Cela représente un peu plus de 10.100 francs par habitant et
35.700 francs par élève ou étudiant. Si on se
réfère à 1975, cette dépense progresse plus vite
que la richesse nationale. En 22 ans, elle a été
multipliée par 1,8, abstraction faite de la hausse des prix.
Dans cette dépense de l'éducation nationale, la dépense de
personnels représente l'essentiel ; 94 % du budget de
l'enseignement scolaire. En 1980, c'était "seulement" 87 %. Depuis,
deux événements sont intervenus sur lesquels je passerai
rapidement : d'une part, les lois de décentralisation de 1983 ont
transféré la compétence de la construction, de la
reconstruction, de l'extension, des grosses réparations et du
fonctionnement des établissements scolaires à diverses
collectivités locales.
Ce sont autant de dépenses en moins directement pour l'Etat, même
s'il y a une compensation, aussi bien pour le fonctionnement que pour
l'équipement, par la dotation globale de décentralisation ou par
des dotations départementales d'équipement des collèges ou
la dotation régionale d'équipement scolaire pour les
lycées.
D'autre part, un certain nombre de dépenses d'accompagnement social sont
montées en charge. Je rappellerai le quadruplement de l'allocation de
rentrée scolaire remontant à l'été 1997, la
création du fonds social des cantines et le retour de la gestion des
bourses de collèges au sein des établissements scolaires.
L'important est de constater que le budget de l'éducation nationale est
avant tout un budget de personnels.
Dans le budget 1999 que vous avez examiné, il y a coïncidence quasi
parfaite entre la progression du budget de l'éducation nationale
(4,3 %) et la progression de la masse salariale de l'éducation
nationale (4,1 %).
Ce budget de personnels est étroitement conditionné par les
règles posées en matière de fonction publique. Il y a
830.619 enseignants et 238.945 retraités, soit plus d'un million de
personnes qui drainent un budget comprenant une première masse de
221 milliards de francs pour les salaires et les charges sociales des
actifs, et une seconde masse de 58 milliards de francs pour les
dépenses de pensions de retraites.
Ces dépenses sont influencées par trois déterminants
généraux :
- l'évaluation du point de la fonction publique. Pour donner une
illustration, 1 % d'augmentation du point représente
2,2 milliards de francs de dépenses supplémentaires sur les
dépenses salariales hors pensions ;
- le glissement vieillesse technicité (GVT), qui, pour le budget 1999,
représente une progression de 2,2 milliards de francs ;
- enfin, phénomène général,
démographique : la montée en charge des pensions. Ces
pensions des retraités de l'éducation nationale seront
multipliées par 2 entre 1998, (53 milliards de francs), et
l'année 2010, (108 milliards de francs.)
Il s'agit là des déterminants généraux de la
fonction publique. Des mesures catégorielles, c'est-à-dire des
plans de revalorisation de carrière des enseignants, ont
été mises en oeuvre pour redonner aux enseignants la place que
mérite la mission très importante qu'ils exercent.
Pour poser des ordres de grandeur, le coût des divers protocoles terme
officiel des plans catégoriels peut être évalué
à 30,6 milliards de francs sur la période de 1990 à
1999. C'est l'équivalent de 11 % de la masse salariale. Cette
revalorisation représente en moyenne 33.600 francs par emploi
d'enseignant.
Ces mesures catégorielles se succèdent depuis plusieurs
années. Dans le budget 1999, trois d'entre elles sont
importantes : la première est l'accélération de
l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs
d'école, accélérée pour s'achever en 2007 au lieu
de 2011 ; la deuxième est l'amélioration de la pyramide des
grades d'enseignants du second degré ; la troisième est
l'extension et la refonte de la carte des zones d'éducation prioritaire
(ZEP).
Les dépenses de personnels de l'éducation nationale ont une
très forte inertie et sont, pour l'essentiel, programmées, soit
par des mesures générales concernant la fonction publique, soit
par des plans catégoriels qui s'étalent sur plusieurs
années. Reste un instrument possible sur lequel il serait possible de
jouer : celui des effectifs.
Je dépasse le constat pour voir quelles pourraient être les voies
d'amélioration de la gestion du budget de l'éducation nationale,
particulièrement concernant les effectifs.
S'agissant de l'éducation nationale, et comme pour toutes les politiques
publiques, on peut se poser la question de savoir si les moyens sont
adaptés aux objectifs visés. Dans les débats
budgétaires, et
a fortiori
dans le prochain, j'insiste avec mes
collègues, y compris de l'éducation nationale, pour qu'ils
définissent, non seulement les moyens nécessaires pour poursuivre
leur action, mais aussi les indicateurs de résultats à atteindre.
En termes de résultats, les bilans dressés
régulièrement dans " l'état de l'école "
montrent que, pour un niveau scolaire donné, ces résultats
restent sensiblement constants. On peut donc constater un formidable
progrès du niveau d'éducation dans notre pays, résultant
pour l'essentiel de la prolongation de la scolarité, et donc d'une
population accrue de collégiens et de lycéens qui poursuivent des
études longues.
Le bilan est donc globalement bon malgré un certain nombre de taches
d'ombre que vous connaissez : le constat, en 1997, qu'à
l'entrée en 6
ème
, un élève sur dix
n'avait pas toutes les compétences de base en écriture, lecture
et calcul et que, chaque année, 60.000 jeunes sortent du
système scolaire sans qualification.
Il y a donc eu un formidable progrès quantitatif des effectifs qui
s'explique en partie par la démographie, mais aussi par cette
volonté nationale d'allonger la scolarisation des enfants et des
adolescents. Le budget de l'éducation nationale a suivi puisqu'il a
progressé de 54 % en franc constant depuis l'année 1980.
Le défi de la quantité a été surmonté
brillamment puisqu'il n'y a pas eu de baisse, niveau par niveau, mais il reste
encore à améliorer la qualité, dont mon collègue
Claude Allègre et ma collègue
Ségolène Royal vous parleront en détail. D'autant que
l'on demande à l'école, non seulement d'apprendre à lire,
écrire et compter, mais qu'il y a des exigences en matière
d'aménagement du territoire -auquel le Sénat est
particulièrement sensible- en matière de prévention de la
délinquance, d'insertion sociale des jeunes en difficulté, de
prévention des exclusions. Les défis qualitatifs que
l'école doit rencontrer sont donc multiples.
Afin de garder le plus de temps possible pour vos questions,
j'énumère rapidement trois pistes pour essayer de
progresser :
- mieux s'adapter aux évolutions démographiques ;
- améliorer la gestion ;
- procéder à des réformes pédagogiques.
Concernant la démographie, les tendances apparaissent clairement :
en 2002, le système éducatif, dans son ensemble, tous niveaux
confondus, accueillera 740.000 élèves, c'est-à-dire
100.000 de moins que ceux présents à la fin des
années 60. Les générations se suivent, mais sont
moins amples.
Pour le premier degré, enseignement public et privé confondus, le
nombre d'élèves a baissé en métropole de 300.000
entre 1985 et 1997. La baisse devrait être de
220.000 élèves entre 1997 et 2001. Il y a donc une
diminution des effectifs à scolariser. Dans le second degré, les
spécialistes anticipent une baisse de 330.000 enfants ou
adolescents à scolariser.
Jusqu'à présent, les gouvernements, quels qu'ils soient, n'ont
pas voulu tirer de conséquences mécaniques de cette baisse des
effectifs. Pourquoi ? Parce que le système éducatif est
complexe. Pour en tenir compte, il y a bien d'autres considérations que
la démographie : l'allongement de la scolarité ;
l'entrée, presque systématique, de la scolarisation à
deux ans en maternelle ; enfin, des considérations
géographiques très importantes ont joué.
Si l'on trouve dans le premier degré un enseignant pour vingt
élèves en zone urbaine, on en trouve un pour seize en zone
rurale. En Lozère, département particulièrement
touché par la démographie, on a un enseignant, un instituteur
pour onze élèves. Il n'y a pas à porter de jugement moral
sur ce point.
Certains peuvent trouver que l'adaptation est lente, d'autres, comme le
sénateur Delong, dans son rapport de la commission des finances du
Sénat sur le budget de 1999, se réjouissait que 400 classes,
qui auraient dû être fermées, aient été
maintenues.
Je ne veux pas prendre partie dans ce débat. C'est un choix
éminemment politique qui appartient au Gouvernement et au Parlement.
L'important, en termes de méthode, est que l'on sorte des discussions
annuelles des budgets et des effectifs et que l'on adopte une vision
pluriannuelle. C'est dans ce sens que je cherche à travailler avec mes
deux collègues de l'éducation nationale. Il faut donc plus de
cohérence dans le temps pour éviter les à-coups. Il faut
aussi, en cours d'année -car on a besoin des enseignants à la
rentrée de septembre-, avoir plus de cohérence entre les
décisions budgétaires qui se font en année calendaire, les
ouvertures de postes, la carte scolaire. Tout cela mérite d'être
mieux géré, ne serait-ce que pour éviter des surnombres
temporaires ; après les mesures d'urgences qui ont
été prises, ils peuvent s'imposer par exemple en
Seine-Saint-Denis, mais il faut essayer de les éviter.
Après cette approche pluriannuelle qui permet de mettre la gestion des
effectifs en perspective, je voudrais souligner l'amélioration de la
gestion du système éducatif et rendre hommage aux mesures prises
par Claude Allègre et Ségolène Royal pour
l'amélioration du fonctionnement de notre système
éducatif : la déconcentration du mouvement national des
enseignants, l'adaptation des structures du ministère, la réforme
du remplacement et de la formation. Tout cela est très important, permet
de gérer plus près du terrain et avec davantage
d'économies et de moyens, les effectifs importants, mais pas infinis,
que gère le ministère de l'éducation nationale.
Le dernier point est la question des réformes pédagogiques.
Pourquoi un ministre en charge du budget se soucie-t-il de réformes
pédagogiques ? Il peut le faire en tant que citoyen ou parent.
Pourquoi en tant que ministre ? Parce qu'il y a un lien entre la
multiplicité des filières, des options proposées, la
faible polyvalence de notre système éducatif et le fait que notre
enseignement secondaire coûte en moyenne 35 % de plus que chez nos
voisins européens.
Il y a chez nous une sorte de paradoxe sur lequel vous vous êtes
déjà penchés : une proportion relativement
élevée d'élèves par classe avec
29 élèves par classe dans les lycées
généraux et un taux d'encadrement très élevé
avec, en métropole, un enseignant pour 11,8 élèves.
D'une part, il y a beaucoup d'élèves dans chaque classe et
d'autre part, il y a beaucoup d'enseignants par élève. La
réponse tient à la très grande diversité des
options offertes et dont certaines d'entre elles n'ont pas les effectifs
suffisants pour mobiliser complètement les enseignants correspondants.
Pour conclure, je pense que la réforme des lycées
présentée par Claude Allègre,
« Un
lycée pour le XXIe siècle »,
mettant l'accent
sur le savoir de base, sur le soutien individualisé par petits groupes
dès la seconde ou par des travaux personnels encadrés en
première et en terminale, correspond à la fois aux besoins des
élèves et à un appui particulier, une sorte de
discrimination positive à l'égard des enfants qui ont le plus de
difficultés ou qui, ayant des difficultés, n'ont pas la
possibilité de se faire payer des "petits cours".
Cette réforme proposée par Claude Allègre va dans le
sens d'une plus grande démocratisation et d'une meilleure
égalité des chances au lycée. Elle peut contenir une
certaine amorce de rationalisation de notre dispositif éducatif.
Dans l'enseignement du premier degré, les contraintes
d'aménagement du territoire sont très fortes. Je sais que vous y
êtes particulièrement sensibles. En conclusion, il est facile de
souligner certains manques concernant l'éducation nationale. Certains
peuvent avoir la tentation, non pas au sein du Gouvernement mais au sein de
l'opinion publique, d'ajouter toujours des moyens supplémentaires pour
remplir des missions nouvelles. C'est la voie du "dépenser plus" qui
conduit à terme à une redondance, voire à un gaspillage de
moyens.
La vraie réponse, qui est celle du Gouvernement et de l'ensemble des
ministres, est de faire en sorte d'adapter le dispositif éducatif et de
trouver le moyen de remplir les missions prioritaires en redéployant les
moyens vers ces missions prioritaires. Nous avons la chance d'avoir des
effectifs nombreux d'enseignants de grande qualité, très
motivés. Il est de l'intérêt du pays, de
l'intérêt des enseignants, de l'intérêt des
élèves, de chercher à ce que ces personnels soient
utilisés le mieux possible. La volonté de dépenser mieux
rejoint une aspiration collective des contribuables, des parents
d'élèves et des enseignants.
M. le Président -
Dépenser mieux, c'est bien l'esprit dans
lequel a été constituée notre commission d'enquête.
Je voudrais vous poser une question très générale. J'ai
bien relevé les trois lignes d'actions que vous avez
énumérées : s'adapter à la démographie,
améliorer la gestion et réformer.
Dans votre esprit, monsieur le ministre, vous qui êtes responsable du
budget, pensez-vous que l'on puisse réformer à moyens
constants ? Après tout, la démographie évoluant
substantiellement à la baisse, les marges dégagées doivent
permettre de réformer.
Pensez-vous que pour réformer, il faut ajouter des moyens
supplémentaires ou pensez-vous que l'on peut réformer tout en
tenant compte, dans l'attribution des moyens par le Parlement au service de
l'éducation nationale, de l'évolution démographique ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Vous posez la question essentielle. Peut-on réformer à
moyens constants ? Ma réponse est oui. Pour ceux qui ont
participé au débat budgétaire, pas seulement pour le
budget de l'éducation nationale mais pour l'ensemble du budget de
l'Etat, nous avons redéployé 30 milliards de francs de
budgets moins prioritaires vers des budgets prioritaires.
A l'intérieur de chaque budget, il est possible de redéployer des
moyens sans trop brusquer les choses. En matière de personnels, les
départs à la retraite correspondent à 2 ou 3 %
de la population des enseignants. Vous n'êtes pas systématiquement
obligés de renouveler sur place les personnels qui partent à la
retraite. En outre, les enseignants, comme tous les autres fonctionnaires, ont
des aspirations à la mobilité. Il est donc possible de pourvoir
des zones prioritaires ; cela a été le cas pour la
Seine-Saint-Denis.
Dans un premier temps, il faut des surnombres, car les enseignants se
déplacent au rythme des fins d'année scolaire, mais on va peu
à peu ramener ces mouvements dans le mouvement normal. Il y a donc des
possibilités de réformer à moyens constants.
Il est clair que, dans le cadre de l'éducation nationale, la politique
du Gouvernement, qui a été de stabiliser les effectifs
d'enseignants alors que le nombre d'enfants à scolariser diminuait, a
été un choix délibéré. Il s'agissait non pas
d'une faiblesse, mais d'une marque de volonté, celle d'améliorer
la qualité de l'enseignement en milieu rural, dans les ZEP (zone
d'éducation prioritaire), dont le champ a été
étendu et dont les moyens ont été renforcés et,
d'une façon générale, d'améliorer la qualité
de l'enseignement sur l'ensemble du territoire.
Je crois donc que l'on peut réformer à moyens constants. Sans
ouvrir de polémique, lorsque dans son budget alternatif, la
majorité sénatoriale a souhaité couper dans les
crédits de l'éducation nationale en pensant qu'il était
possible d'assurer la même qualité de service public de
l'éducation nationale avec moins de moyens en personnels, je dirai
courtoisement que le Gouvernement -dont je fais partie- et la majorité
qui le soutient dans le pays depuis juin 1997, n'étaient pas
d'accord avec cette approche.
Le pays garde un souvenir cuisant des réductions d'effectifs
d'enseignants entre 1993 et 1997. La stabilité des effectifs
d'enseignants permet d'améliorer la qualité de
l'éducation.
L'éducation, c'est très important. Je n'ai pas fait
d'exposé liminaire sur l'importance de l'éducation. Elle est
importante pour épanouir la personnalité, pour former les
citoyens et préparer aux métiers de demain. On ne peut pas parler
de guerre de l'intelligence entre les grands pays occidentaux et ne pas
investir massivement dans l'éducation nationale. C'est ce que fait le
Gouvernement.
M. le Président -
Avant de passer la parole à mes
collègues, je rappelle que nous sommes tous là pour poser des
questions et non pas pour présenter nos positions respectives.
Monsieur le ministre, je pourrais vous répondre. Je me bornerai
à une phrase : en réduisant certains crédits, le
Sénat a pris une position indicative pour inciter le Gouvernement
à mieux utiliser les crédits dont il dispose. C'est l'objet
même de la commission d'enquête.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Monsieur le
ministre, dans vos propos liminaires, vous avez indiqué que les
dépenses de l'éducation nationale représentaient
6,2 % du PIB.
Avez-vous intégré toutes les dépenses
d'éducation ? Les communes, les conseils généraux,
etc. participent aussi bien en personnels qu'en dépenses. Avez-vous pris
en compte la dépense globale nationale, au moins de l'argent public,
sans parler des dépenses des familles, en direction de
l'éducation ?
Vous avez introduit une notion de résultat dans vos approches
pluriannuelles. Lorsque vous avez parlé d'objectifs, de moyens, de
résultats, j'ai senti une logique d'entreprise dans vos approches.
Envisagez-vous d'aller jusqu'aux sanctions, qu'elles soient positives ou
négatives, pour compléter la logique du système ?
Dans les trois approches que vous avez présentées, vous avez
parlé des réformes pédagogiques qui s'avèrent
nécessaires. Or, tout au long de cette enquête, nous avons compris
que dès qu'on changeait quelque chose, une heure de cours
représentait 1.500 emplois en plus ou en moins, qu'il fallait cinq
ans pour mettre en route ces emplois, qu'ensuite il fallait les assumer pendant
50 ans. De quelle réforme s'agit-il ? Il faut être
prudent dans ce domaine.
Vous avez parlé de faible polyvalence. Pensez-vous que l'on pourrait
réintroduire un corps de PEGC, qui donnerait plus de polyvalences,
sachant que cela existe dans d'autres pays ? Exercez-vous un rôle
dans le calibrage des concours ?
Pour en revenir à des aspects budgétaires, nous avons
constaté des surnombres budgétaires sans que cela crée des
difficultés en fin d'année. Les budgets laissent-ils des marges
de manoeuvre pour faire face à ces surnombres et aux aléas ?
Enfin, sur les contrôles financiers, nous avons constaté qu'ils
étaient faits de manière inégale selon les
académies. Deux exemples : à Strasbourg, on peut
appréhender chaque mois les surnombres ; à la
Réunion, ce contrôle n'a pas encore commencé par manque de
moyens. Trouvez-vous cela normal ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Les comparaisons de l'OCDE sont faites avec autant de scrupules que
possible. Mais les pays ont des systèmes éducatifs et des
financements différents. Le chiffre " franco-français "
est de 7,3 % du PIB. Ce chiffre inclut aussi les dépenses des
collectivités locales auxquelles vous avez fait allusion.
Par ailleurs -excusez-moi de vous contredire-, mais une démarche
objectifs / moyens / résultats n'est pas celle d'une
logique d'entreprise : c'est une démarche de bonne gestion. La
logique d'entreprise privée serait une logique marchande où l'on
vendrait des services avec des profits et des pertes. Je ne me place absolument
pas, en ce qui concerne un service public aussi exemplaire que
l'éducation nationale, dans cette optique. Ce service public ne vend
rien et ne vendra rien, du moins en France. Dans certains pays, on
achète de l'éducation ; chez nous, elle est payée par
le contribuable et c'est un service offert, sinon gratuitement, du moins
à un prix très faible.
Dans cette logique de bonne gestion, cette démarche
objectifs / moyens / résultats peut être
développée, tant dans l'utilisation des personnels que dans celle
des bâtiments. Claude Allègre est très attaché
au fait que les bâtiments universitaires ne soient pas fermés
pendant les vacances d'été ; ces locaux pourraient
être utilisés pour la formation permanente des salariés ou
pour l'université du troisième âge. La volonté de
bien utiliser les moyens, de mettre en relation des moyens et des
résultats me paraît de bonne gestion.
Concernant la réforme, vous insistez sur l'inertie très
grande : entre la décision de recruter un professeur et le moment
où celui-ci est devant sa classe, il s'écoule un temps assez
long. Ensuite, il est recruté avec les garanties du statut de la
fonction publique, pour longtemps.
C'est pourquoi la démarche pluriannuelle que j'ai recommandée me
semble intéressante : il faut essayer de raisonner en fonction de
l'évolution des populations d'élèves, des missions de
service public ; il faut essayer de prendre du recul.
Sur la polyvalence, je n'ai pas de commentaire particulier à faire. A ma
connaissance, il n'y a pas de réforme statutaire qui soit en cours. Cela
dit, notamment dans le premier degré et même dans les
collèges, la spécialisation est peut-être forte, voire
excessive ici ou là, mais je n'ai pas de commentaire à faire sur
ce point.
Concernant les surnombres et les marges de manoeuvre, on peut évaluer
-je ne dis pas chiffrer- les surnombres théoriques à la
rentrée 1999 à 1050 enseignants dans le premier
degré -350 remontent à 1997 et 1998 et 700 viennent de la
rentrée précédente- et à 5.450 dans le second
degré. Il y a là des à-coups que l'on devrait pouvoir
éviter par une approche pluriannuelle. Cela dit, par rapport à
des effectifs portant sur près d'un million de personnes et sur plus de
830.000 enseignants, ce volant ne me paraît pas excessif.
Un de mes prédécesseurs avait lancé le contrôle
financier déconcentré pour que toutes les dépenses de
l'éducation nationale ne soient pas contrôlées à
Paris de façon centrale, mais plutôt sur le terrain. Ce
contrôle financier déconcentré va peu à peu
s'étendre aux emplois. On pourra alors répondre avec plus de
précision à votre question. Le contrôle
déconcentré des emplois de titulaires et autres sera, je
l'espère, opérationnel fin 1999. Cet instrument de gestion fait
actuellement défaut.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Monsieur le ministre, j'apprécie vos remarques sur votre
vision pluriannuelle du budget de l'éducation nationale. Je suis de ceux
qui pensent qu'une présentation des budgets avec cette vision sur
plusieurs années serait intéressante.
Vous avez indiqué que vous vouliez sortir des discussions annuelles. Les
partenaires sociaux vous permettront-ils de sortir des discussions
annuelles ? Vous avez dit que votre point de vue était
partagé par les autres ministres qui ont en charge l'éducation
nationale. Avez-vous parlé de cette vision pluriannuelle avec vos
collègues ministres, et avec les représentants des syndicats
enseignants ?
Je reviens sur ce qu'a dit mon collègue Grignon concernant les
dépenses d'éducation. J'ai été surpris tout
à l'heure, car c'était en contradiction avec ce que j'ai entendu
d'autres personnes auditionnées. Nous arrivons très difficilement
à savoir les chiffres exacts concernant la participation de notre pays
à ses dépenses d'éducation. Vous les chiffrez à
7,3 % du P.I.B. Si tel est le cas, nous serions l'un des pays d'Europe,
pour ne pas dire le premier après la Finlande, à consacrer un
effort aussi important pour l'éducation. Ai-je raison ?
Contestez-vous mon appréciation ?
Sur les ZEP, avez-vous estimé ce qu'elles représentent comme
surcoûts ? Si elles n'étaient pas prioritaires, elles
coûteraient moins cher sans doute.
M. Claude Allègre a déclaré dimanche dernier qu'il
revenait sur l'abaissement de la rémunération des heures
supplémentaires.
M. le Président -
Année !
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Nous avons posé la question hier au ministère de
l'éducation nationale ; deux chiffres quelque peu différents
sont apparus. Les déclarations de M. Allègre ont-elles
été chiffrées ? Sait-on ce que cela va coûter
au budget de notre pays ?
D'autre part, la réforme des lycées, telle qu'elle est
annoncée, a-t-elle été véritablement bien
chiffrée ? Sait-on où l'on va et combien cela va
coûter ?
Concernant le pourcentage des élèves qui ne savent ni lire ni
écrire à l'entrée en sixième et les
60.000 jeunes qui sortent sans qualification du système
éducatif, j'ai entendu d'autres chiffres. Les chiffres publiés
par le ministère de la défense font état de 15 %,
18 %, voire même 20 % . A mon avis, la
vérité se situe entre 10 et 20 %.
Vous avez évoqué votre position en tant que citoyen. Ne
trouvez-vous pas excessif qu'un système éducatif qui coûte
autant au pays puisse rejeter autant d'élèves ?
Enfin, j'aimerais que vous indiquiez le coût des emplois-jeunes et ce
qu'il représente pour le budget.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat -
S'agissant de l'approche pluriannuelle, je crois qu'il faut introduire des
éléments pluriannuels dans la gestion de l'éducation
nationale. Cela ne veut pas dire que je serais partisan d'une loi de
programmation éducative comme il existe une loi de programmation
militaire. Mais sur un certain nombre d'actions peut-être pas sur
l'ensemble de l'éducation nationale, il serait possible de passer une
sorte de contrat en disant que sur telle action particulière, nous
allons engager des moyens ayant telles caractéristiques pour atteindre
tel ou tel résultat.
M. Xavier Darcos -
A ma connaissance, la loi sur le
nouveau contrat pour l'école, votée en 1995, contient des
documents annexés qui programment des recrutements sur cinq ans. Elle a
pour sous-titre :
« Loi de programmation »
.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Cette précision est d'importance. Nous avons eu la chance en
arrivant en juin 1997 de trouver beaucoup de lois de programmation :
une loi de programmation dans le domaine militaire, que l'on exécute
scrupuleusement, une dans le domaine de la justice, une dans le domaine de la
culture, une dans le domaine de l'éducation. Je crois que trop de lois
de programmation tuent la programmation. Il me semble en effet qu'il faut un
minimum de souplesse dans la gestion de l'Etat.
Je reviens à ma remarque : une pluriannualité partielle sur
des actions bien définies avec les objectifs, les moyens et les
résultats, me paraît être une bonne démarche. Les
partenaires sociaux seraient-ils favorables à une telle approche ?
Tout dépend de l'action. Dans le cadre de la modernisation de l'Etat,
Lionel Jospin pousse pour que nous ayons des parties pluriannuelles dans
les budgets, mais pas dans tous les budgets, car sinon les assemblées
n'auraient plus matière à débattre chaque année.
Les dépenses d'éducation sont dans la moyenne européenne,
voire au-dessus de cette moyenne, sauf pour l'enseignement supérieur
où l'on dépense moins. Je ne peux pas nous situer par rapport
à la Finlande. Pour les lycées, nous dépensons plus. Au
total, nous ne sommes pas mal placés. La collectivité nationale a
fait un effort budgétaire depuis de longues années pour donner
à ses enfants une bonne éducation.
Je peux vous donner un chiffre concernant le surcoût des ZEP. Dans le
budget de 1999, les crédits indemnitaires pour les personnels
travaillant en ZEP s'élèvent à 740 millions de
francs. Je peux vous donner la décomposition ou le transmettre au
secrétariat de votre commission.
Enfin, des efforts sont également faits sur les bâtiments, sachant
que cela dépend au moins autant des collectivités locales. Cela
ne comprend pas les contrats-jeunes. Ce sont des dépenses pures qui
portent sur les enseignants.
M. le Président -
Vous nous assurez aussi que cela ne comprend
pas non plus le coût d'un meilleur encadrement des élèves
dans les classes de ZEP. La somme que vous nous indiquez concerne les
indemnités versées aux enseignants.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Absolument. Le fait qu'il y ait plus d'éducateurs pour cent
élèves qu'ailleurs, n'est pas pris en compte. Je ne peux pas vous
faire une évaluation exhaustive pour répondre à votre
question.
Sur la réforme des heures supplémentaires année, cette
réforme partait de l'idée que les heures supplémentaires
étaient antérieurement payées sur une base de
43 semaines alors que l'année scolaire n'en comporte que 36.
Une mesure s'est traduite par une réduction du nombre d'heures
supplémentaires payées et une majoration du taux de ces heures
supplémentaires de 6 %. Cela représente une économie
nette de 774 millions de francs en année pleine qui a permis de
financer partiellement les emplois-jeunes de l'éducation nationale.
Claude Allègre sera devant vous tout à l'heure. Il a
parlé de rétablir le pouvoir d'achat des heures
supplémentaires. Un dialogue est en cours ; il sera mieux
placé que moi pour vous en parler.
M. le Président -
Il nous intéresse de savoir si, avant
cette annonce, vous avez été consulté ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Rassurez-vous, le Gouvernement travaille bien. Mes collaborateurs et
ceux de Claude Allègre travaillent en permanence en réunion
interministérielle sur tous les sujets. Il n'y a pas de décision
inopinée.
M. le Président -
Vous me confirmez ici qu'une réunion
interministérielle a eu lieu avant que le ministre de l'éducation
nationale n'ait fait cette annonce ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Sur l'éducation nationale, comme sur beaucoup d'autres
sujets, je vous confirme qu'il y a en permanence des réunions
interministérielles. Ce sujet a été abordé, comme
bien d'autres sujets.
M. le Président -
Des conférences
téléphoniques.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Nous n'en sommes pas encore à la
vidéoconférence.
Concernant les 10 % d'élèves qui ne savent pas lire,
écrire, compter, je ne veux pas porter de jugement sur ce point. Il y a
une responsabilité de l'éducation nationale, mais aussi des
familles. Des enfants qui passent des heures et des heures devant la
télévision ne sont pas entraînés à la lecture
et à l'expression orale. Nous avons tous une petite
responsabilité en la matière, mais les familles les plus fragiles
ont-elles plus de responsabilités que d'autres...? Il faut donc apporter
un soutien particulier aux familles en difficulté.
Deux coûts concernent les emplois-jeunes : les 80 % qui sont
dans le budget général des mesures en faveur de l'emploi et les
20 % qui complètent ces 80 %, car les emplois-jeunes sont
payés à 100 % par l'Etat. En 1999, c'est un coût de
1 100 millions de francs qui couvre les 20 % des emplois-jeunes
de l'éducation nationale. Si vous le multipliez par 5, vous aurez le
coût total pour la collectivité nationale des emplois-jeunes de
l'éducation nationale.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Je
reviens sur la possibilité de gérer à moyens constants.
Votre réponse est oui. N'est-ce pas un voeu pieux ? Cela ne
reste-t-il pas au niveau du discours ? J'en veux pour preuve la
dernière décision du ministre qui va dans le sens inverse,
d'autant plus que vous venez de nous dire que vous y étiez
associé.
Quel est le coût global moyen d'un enseignant sur l'ensemble de sa
carrière, c'est-à-dire lorsqu'il est en fonction et au moment de
la retraite ? Nous avons une estimation de 10.000 surnombres ;
si l'on multiplie sur l'ensemble d'une carrière, je pense que ce n'est
pas neutre.
Concernant le contrôle des emplois qui se met en place, sans doute
nécessaire pour ne pas dire indispensable, cela ne va-t-il pas
rigidifier davantage un système qui manque déjà
sérieusement de souplesse ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Sur les moyens constants, ce précepte que j'ai
énoncé ne s'applique pas à toutes les décisions.
Attendez que nous ayons l'occasion de débattre du budget pour
l'an 2000 en ce qui concerne l'éducation nationale pour,
peut-être, aborder le sujet dans son ensemble.
Je ne veux pas entrer dans l'idée du coût global d'un enseignant
sur sa carrière ; c'est quasiment le coût global d'une
automobile. J'aimerais que l'on parle de l'avantage global d'un enseignant sur
toute sa carrière. Les enseignants ont un coût, comme tous les
fonctionnaires, mais ils apportent en contrepartie un avantage qui ne peut,
lui, être chiffré. Intellectuellement, je ne peux pas dire combien
de milliers ou millions de francs représente un enseignant. La question,
posée en-dehors de tout contexte, me paraît éluder le fait
que les enseignants rapportent beaucoup à la collectivité
nationale. Leur apport à la collectivité nationale est encore
plus difficile à chiffrer.
Sur le contrôle des emplois, cela ne signifie pas du tout que l'on va
rigidifier la gestion des emplois. Cela veut dire que le trésorier
payeur général, qui a compétence sur une académie
nos académies ont le bon goût de ne pas recouvrir les
départements et les régions françaises pourra, avec
l'inspecteur d'académie, suivre l'évolution des effectifs. Cela
ne limitera en rien la capacité pour les autorités
académiques de créer des emplois ou de mettre des emplois
là où ils sont les plus nécessaires.
Pour répondre à votre question, je ne pense pas que la
transparence soit source de rigidité ; elle est au contraire une
source de bonne gestion à laquelle nous avons tous à gagner.
M. le Président -
Avant de donner la parole à
Mme Luc, nous avons besoin de creuser la question posée par
M. Carle. Vous avez dit que vous ne pouviez pas estimer le coût d'un
enseignant.
C'est difficile à faire, mais lorsque vous faites vos prévisions
budgétaires, vous les faites à partir du coût moyen d'un
enseignant, en calculant ce prix moyen à partir de l'indice le plus bas
ou le plus haut et en tenant compte de la pyramide d'âge de chacun des
corps.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Je suis capable, et nous le sommes tous, de prendre la masse
salariale de l'éducation nationale et de diviser par le nombre
d'enseignants pour obtenir le coût moyen par enseignant.
Mais la question de M. Carle allait plus loin : il ne voulait pas
savoir ce que « coûte » un enseignant en 1999, mais
quelle est la dépense totale faite sur toute sa carrière. Cela
suppose que l'on imagine des profils de carrière. Votre question, qui
est très intéressante, est techniquement très pointue, ce
qui ne me surprend pas.
Mme Hélène Luc
- Pour compléter la question
sur les heures supplémentaires, M. Allègre a dit qu'il
compenserait le pouvoir d'achat sur les heures supplémentaires. Cela
veut-il dire que l'on calculera les augmentations de prix depuis qu'elles ont
été supprimées et qu'on les remettra à
hauteur ?
Ma seconde question s'adresse aussi bien au ministre de l'éducation
nationale qu'à vous-même. Estimez-vous que l'éducation
nationale dispose de moyens suffisants pour faire face à ses nouvelles
missions ?
Personnellement, je n'ai pas voté le budget. Je me suis abstenue parce
que je pensais qu'il n'y avait pas assez de crédits. Les
événements me donnent plutôt raison.
J'ai des exemples où l'on ferme une classe dans une école parce
qu'il manque deux élèves ! Je ne sais pas si vous vous
rendez compte. Je pense que ce n'est pas ainsi que l'on ira vers la
qualité.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Sur les heures supplémentaires, vous pourrez interroger
Claude Allègre qui sera bientôt présent ici
même. Claude Allègre est en cours de débat avec les
partenaires sociaux de l'éducation nationale sur cette question.
Pour un certain nombre d'enseignants, la réduction des heures
supplémentaires est justifiée, puisqu'on peut difficilement
verser des heures supplémentaires pour des semaines où il n'y a
pas de travail. Il a pu y avoir une discontinuité de pouvoir d'achat
pour un certain nombre d'enseignants. Claude Allègre débat
actuellement avec les partenaires sociaux. Je ne peux pas vous en donner le
résultat. Il n'est pas question de revenir sur l'ensemble de la mesure
qui a été prise dans le cadre du budget 1999. Le
débat n'étant pas terminé, je ne peux en dire plus
aujourd'hui.
Peut-on garder la qualité de l'enseignement avec le budget actuel ?
Je pense que oui. Si nous avions une logique comptable
Claude Allègre, Ségolène Royale, le Premier
ministre, tout le Gouvernement, refusent cette logique comptable nous aurions
dû réduire les effectifs d'enseignants du premier degré
afin de garder un nombre constant d'enseignants par élève, la
diminution du nombre d'élèves étant patente.
Or, la décision inverse a été prise : stabiliser les
effectifs d'enseignants du premier degré. Cela veut dire très
mécaniquement qu'il y aura soit moins d'élèves par classe,
soit plus d'enseignants pour 100 élèves. La
difficulté est que tout le territoire national n'est pas
semblable ; il y a des communes, des départements où le
nombre d'enfants croît et où il faut mettre davantage
d'enseignants, et des communes où le nombre d'élèves
diminue, même si, grâce à cette volonté de stabiliser
les effectifs dans leur ensemble, il est normal qu'il y ait quelques mouvements
d'enseignants au niveau du département, de la région ou de la
nation.
Entre la rentrée 1999, qui se fera à moyens constants
d'enseignants, les rentrées de 1996 ou 1997, qui se faisaient avec des
moyens en réduction, aucune comparaison n'est possible. Il peut y avoir
des difficultés ponctuelles ici ou là. Les inspecteurs
d'académies ont pour mission de discuter sur le terrain avec tous les
intéressés. Les décisions doivent être
expliquées. Nous avons le temps, d'ici la rentrée, de prendre de
bonnes décisions et de les justifier.
M. le Président -
Monsieur le ministre, je voudrais vous poser
trois questions.
En regardant la rentrée dernière, de mémoire
3.300 postes ont été créés pour le second
degré. Pouvez-vous nous dire si ces créations correspondent
à l'application du principe que vous avez énoncé tout
à l'heure en répondant en ma question :
« On
peut réformer à moyens constants » ?
A quelle
nécessité correspondent ces 3.300 postes ?
Sous-question : s'agit-il de moyens
« frais »
ou compensés par des suppressions ici ou là ?
A la rentrée 1997, le ministre de l'éducation nationale a
annoncé le maintien en fonction de quelque 27.000 maîtres
auxiliaires je ne porte pas de jugement de valeur sur la mesure dont les effets
budgétaires sont évidents. Avez-vous été
consulté et qu'en pensez-vous ?
Un certain nombre d'enseignants, payés sur le budget de
l'éducation nationale, ne sont pas devant une classe. Ils sont mis
à disposition de tel ou tel organisme ou déchargés pour
telle ou telle raison correspondant à des textes réglementaires.
Il est quelque peu frustrant pour le Parlement de ne pas en connaître le
nombre exact et de ne pas avoir le point chaque année. Un document
annexe au document budgétaire que nous examinons, pourrait-il faire
apparaître ce nombre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Dans le projet de loi de finances 1999, vous avez raison de dire que
3300 emplois de personnels ont été créés dans
le second degré. J'y ajouterai 216 personnels ATOS et
400 emplois de personnels de santé. Dans ces 3300 personnels
du second degré, il y a 3050 enseignants et 250 conseillers
principaux d'éducation. Si on ajoute toutes ces créations de
postes budgétaires, cela fait 3916 emplois budgétaires
supplémentaires, gagés par la suppression d'autant de postes.
L'éducation nationale a supprimé 3300 postes de
maîtres d'internats et de surveillants d'externats qui sont payés
sur des crédits. On a également supprimé un certain nombre
d'autres enseignants.
Il peut donc y avoir des créations de postes d'enseignants
"gagées" par des suppressions d'autres postes. Concernant les
maîtres auxiliaires...
M. le Président -
Je n'ai pas bien compris. Je ne se suis
peut-être pas habitué aux manipulations budgétaires. Vous
nous dites que ces 3300 postes ont été gagés par des
suppressions de postes de maîtres d'internats, surveillants d'externats
qu'il a bien fallu continuer de payer, et ce sur des crédits. Cela veut
donc dire qu'ils ont quand même été payés. Par
conséquent, il y a bien eu une dépense
supplémentaire ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Vous ne vous trompez évidemment pas.
M. le Président -
Toutes ces manipulations sont
compliquées.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Ce ne sont pas des manipulations. Nous avons effectivement
gardé un nombre constant de postes budgétaires. Nous avons
jugé que les maîtres d'internats et les surveillants d'externats
n'avaient pas vocation à occuper des postes permanents. Nous les avons
payés sur les crédits de vacataires en quelque sorte.
M. le Président -
Je n'ai pas cherché à porter de
jugement. Je cherchais à comprendre le mécanisme.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
C'est à mon tour de ne pas avoir bien compris votre question
sur les 27.000 maîtres auxiliaires de 1997.
M. le Président -
Maintenus en fonction.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Est-ce avant ou après juin 1997 ou au budget 1997 ?
M. le Président -
L'annonce a été faite à la
rentrée 1997. Socialement, cette mesure est très importante.
Comment cela se passe-t-il entre le ministre de l'éducation nationale
qui annonce la mesure et le ministre responsable du budget ? Les effets
budgétaires de cette mesure sont importants.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Je comprends mieux votre question. A notre arrivée en
juin 1997, nous avons décidé de réemployer en 1997
les maîtres auxiliaires qui avaient été embauchés
antérieurement pour une période courte. Cette décision a
été prise parce qu'il s'agissait de personnels en situation de
précarité et également parce que ces maîtres
auxiliaires jouaient, pour la rentrée 1997, un rôle
important. Je ne sais pas ce que Mme Hélène Luc en
aurait pensé, mais on ne pouvait pas retirer d'un coup
27.000 maîtres auxiliaires. Nous les avons donc maintenus.
Grâce à cela, la rentrée 1997 s'est bien passée
ainsi que la rentrée 1998. J'espère, avec vous tous, que
celle de 1999, dans nos campagnes, nos banlieues et nos villes, se passera bien
également.
Ces maîtres auxiliaires ne restent pas maîtres auxiliaires
éternellement. Ils se présentent à des concours de
titularisation. Les meilleurs d'entre eux seront titularisés dans
l'éducation nationale. Ils passent des concours sur des postes ouverts.
Ils viennent ensuite se réinsérer dans l'éducation
nationale sur des postes existants au fur et à mesure que les titulaires
partent à la retraite.
Concernant les décharges d'enseignement, je n'ai pas de chiffres.
M. le Président -
Il y a aussi les mises à disposition,
etc. Je n'ai pas de chiffres non plus.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
J'ai entendu des chiffres, mais je ne veux pas les citer. Un certain
nombre de directeurs d'écoles sont déchargés
d'enseignement. C'est légitime, car dès que l'école a une
certaine importance, il faut un responsable de l'école à plein
temps. Mais certains enseignants sont également mis à disposition
d'associations, de syndicats, d'autres administrations ou font de la
coopération internationale. Je n'ai pas de liste exhaustive en la
matière.
M. le Président -
Vous paraîtrait-il possible, afin
d'améliorer le travail du Parlement et sa connaissance du budget, qu'un
document annexe fasse apparaître le nombre de ces emplois, ou le nombre
de ces heures d'enseignement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
J'ai le souvenir d'avoir vu le chiffre dans des documents
budgétaires ou de la Cour des comptes. A priori, rien ne s'oppose
à ce que cela figure en annexe d'un document budgétaire.
M. le Président -
Je ne l'ai vu nulle part. Peut-être
suis-je mal informé ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Si la chose est possible, on le fera.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
On
nous a dit, dans les divers entretiens que nous avons eus, qu'il n'y avait pas
adéquation entre les emplois votés par le Parlement et la
réalité.
On nous a dit également que les rectorats pouvaient décider de la
création de certains postes en cours d'année, postes qui
n'étaient pas budgétés ; cela donne lieu à
certains arbitrages. Pouvez-vous nous parler de la façon dont se passent
ces arbitrages et des montants ?
Concernant le problème du premier degré, vous nous dites qu'il ne
faut pas tomber dans une approche comptable. Cela me paraît
évident. Cela étant, nous irons difficilement avec des
diminutions fortes d'élèves sans au moins une certaine adaptation
du corps professoral. Cela passe-t-il par une évolution du statut ou du
mode de fonctionnement des ressources humaines au sein de
l'administration ?
Concernant le second degré, vous dites que nous dépensons
35 % en plus par rapport à la moyenne européenne. C'est un
pourcentage important ; vous avez raisonné par rapport au 6,2. Si
nous passons au 7,3 des collectivités locales et si nous y ajoutons les
80 % des emplois-jeunes, qui sont dans le budget général,
j'imagine que nous allons vers un montant encore plus important.
Dans votre démarche
« objectifs-moyens-résultats »,
comment
concrètement, sans modifier le mode de fonctionnement des ressources
humaines actuelles, pensez-vous pouvoir y arriver ?
Enfin, vous avez parlé de pluriannualité, vous avez
indiqué que nous allions passer de 1998 à 2010 d'un montant de
retraites de 53 milliards à 108 milliards. Pensez-vous,
là encore, dans cette démarche objectifs / moyens /
résultats que cela passe par un aménagement des conditions de
départ en retraite des personnels de l'éducation nationale ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Sur la première question, il est un fait que l'on
connaît mal les emplois vacants. De fait, il y a sur le terrain, je n'y
ai peut-être pas assez insisté une distorsion entre les effectifs
budgétaires et les effectifs réels. Cela résulte en partie
du fait que l'année scolaire n'est pas l'année calendaire. Il est
clair que l'on ne va pas attendre le 1
er
janvier pour mettre
des professeurs devant les classes.
J'ai poussé à ce que l'on ait une meilleure connaissance en la
matière. Le contrôle financier déconcentré devrait
permettre aux recteurs et aux inspecteurs d'académies de connaître
la situation chez eux, et de faire une synthèse nationale qui n'existe
pas.
Sur le premier degré, sur les éventuelles fermetures de classes,
ce ne sont pas les enseignants qui résistent le plus. Parfois, ce sont
les élus et les familles. Je ne suis pas un pédagogue
professionnel, mais il y a un nombre d'élèves minima en
deçà duquel la qualité de l'enseignement s'en ressent.
Par le simple jeu des mutations, des départs à la retraite, on
pourrait fort bien, dans le premier degré, ajuster progressivement, et
de façon très humaine, les effectifs d'enseignants aux effectifs
d'élèves. Il faut placer cela dans une perspective plus large et
non comptable. Il faut que l'inspecteur d'académie puisse parler avec
les élus, avec les familles. Mais je ne pense pas que ce soient les
enseignants eux-mêmes qui fassent systématiquement problème
sur ce point.
J'ai dit que les lycées coûtaient en moyenne 35 % de plus que
la moyenne européenne. Il faut se méfier de ces chiffres ;
c'est peut-être parce qu'en France, le lycée va plus loin que dans
d'autres pays. Il faudrait faire des comparaisons assez fines. Il est vrai que
le système actuel, avec sa profusion de branches d'orientations,
d'options, son grand panorama de baccalauréats, est coûteux.
Est-ce bien ou mal ? C'est à chacun d'en décider. Cela dit,
outre l'aspect budgétaire, la multiplication des options pose aussi une
question qui dépasse de loin les questions budgétaires.
Sur les retraites, je vous ai indiqué un chiffre. Les retraites montrent
que les enseignants sont une partie de la question des retraites de la fonction
publique. Le commissaire au plan, M. Charpin, remet son rapport qui couvre
l'ensemble des retraites du secteur privé et public. L'éducation
nationale constitue un contingent particulièrement important des
fonctionnaires. Il n'y a pas le problème particulier des
retraités de l'éducation nationale, mais une question vaste qui
est de maintenir les systèmes de retraites par répartition et de
la fonction publique pour l'ensemble des fonctionnaires et des salariés
du secteur privé. Telle est la réponse que je peux vous donner
à ce stade.
M. Xavier Darcos -
Nous avons fait une observation au
cours de nos enquêtes. Dans les dernières années, quasi
systématiquement, il y a eu presque tous les ans un plan de
titularisation à moyen terme des auxiliaires, soit par
intégration, soit par engagement de l'Etat.
A la dernière rentrée, les 27.000 maîtres auxiliaires
ont reçu la promesse de rester dans le système, et non pas
d'être titularisés dans tel ou tel corps. On leur a simplement dit
qu'on les gardait. Dans le même temps, des concours pour les titulariser
ont été mis en place (concours internes, concours
réservés etc.).
Nous avons observé, au moment même où ce dispositif lourd
se met en place, que des maîtres auxiliaires, que l'on appelle
contractuels, sont recrutés, pour compenser parfois des enseignants
absents dans certaines disciplines. Dans le même temps, d'autres
enseignants, parce qu'ils sont en excédent, ne travaillent pas du tout.
Nous avons également observé, dans de nombreux rectorats et
établissements, des professeurs en surnombre.
Le ministre du budget peut sans aucun doute comprendre notre question et nous
répondre : sur quels crédits sont payés ces personnes
recrutées soit comme contractuels ex-maîtres auxiliaires soit en
surnombre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Les maîtres auxiliaires sont titularisés. Je peux vous
donner les chiffres. Durant l'année calendaire 1997,
6.323 maîtres auxiliaires ont été titularisés,
5.524 en 1998, 5.159 en1999. A un rythme de 5 à 6.000, on devrait
résorber rapidement un effectif de maîtres auxiliaires de 27.000.
Il peut y avoir ici ou là -c'est la transparence dont on parlait tout
à l'heure- la tentation ou la pratique de recruter des contractuels. Je
crois très sincèrement qu'il faut titulariser ces maîtres
auxiliaires par concours. Je vous ai indiqué des chiffres qui marquent
un rythme soutenu de titularisation. Il faut ensuite parvenir, par la
concertation, à une gestion suffisamment souple des effectifs des
enseignants pour qu'il y ait adéquation, même en cas d'ajustement.
Le nombre d'élèves, de collégiens, de lycéens
diminuant, nous devrions arriver à couvrir les moyens plus facilement
que par le passé, sauf désaccord ponctuel.
Je ne peux que renouveler le souhait d'avoir une meilleure connaissance des
effectifs de l'éducation nationale (effectifs de titulaires, postes
vacants, contractuels) et que nous prenions un peu d'avance, un peu de recul,
de façon qu'une gestion pluriannuelle évite ces évolutions
en dents de scie que vous avez signalées.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pour revenir sur le
strict contrôle financier et budgétaire déconcentré,
vous n'avez pas tout à fait répondu. Le système n'est pas
avancé de la même manière sur l'ensemble du territoire, non
pas au niveau des rectorats, mais au niveau des TPG. Vous avez dit que ce
serait au clair fin 1999. Y mettez-vous les moyens pour faire avancer tout
cela ?
J'irai plus loin : on s'aperçoit que le recteur embauche et que le
TPG fait une simulation en novembre, voit si cela fonctionne. Dans le fond,
ça marche. Ce n'est pas à ce rythme-là qu'on supprimera
les surnombres. Y aura-t-il un jour un visa du TPG à l'embauche qui
permettra de vérifier en amont qu'on ne crée pas des emplois qui
ne sont pas prévus au budget ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
-
Le contrôle financier déconcentré a
été mis en place il y a quatre ou cinq ans et a d'abord
porté sur ce qui était plus facile, à savoir les
dépenses.
On a commencé par deux régions pilotes : Champagne-Ardennes
et Aquitaine. Peu à peu, le contrôle financier
déconcentré des dépenses, hors personnels, s'est mis en
place. Le passage à l'étape personnels prend du temps. La
décision de mettre en oeuvre le contrôle financier
déconcentré des emplois de l'éducation nationale a
été prise en janvier 1997. C'est une lourde machine qui
suppose des moyens et qui suppose aussi une bonne volonté
réciproque. Je vous annonce que je souhaite vivement que ce
contrôle financier déconcentré des emplois de
l'éducation nationale soit mis en place d'ici la fin de
l'année 1999.
Quel est le but visé ? Alors que le système central porte
sur des enveloppes de moyens budgétaires, il s'agit de descendre sur le
terrain, avec un raisonnement en termes d'emplois fonctionnels on passe
d'enveloppes à des emplois précis pour améliorer la
comptabilité contradictoire entre le ministère dépensier
qu'est l'éducation nationale et le représentant du
ministère du budget, pour recentrer le visa préalable dont vous
avez parlé en fonction des enjeux. Il est clair que l'on ne va pas
demander le visa du TPG pour tout recrutement d'une personne sur une semaine.
L'un d'entre vous a parlé de rigidité. Il faudra faire cela avec
souplesse. Mais il peut se trouver que, ici ou là, des surnombres soient
vraiment abusifs. Il y aura au minimum un dialogue.
Nous n'avons pas encore défini les modalités de ce visa
préalable, mais nous allons dans la bonne direction. Aurons-nous tout
bouclé d'ici la fin 1999 ? Je le souhaite, mais c'est ce qui
est le plus difficile à faire en matière de contrôle
financier. Tout le monde y travaille, et cette tâche qui aurait dû
être entreprise depuis longtemps doit vraiment être menée
à terme maintenant. Si votre commission peut aider à ce que cela
progresse, ce sera une raison de plus de vous être reconnaissants.
M. le Président -
Nous vous sommes reconnaissants de vous
être prêté de bonne grâce à nos
questions.
AUDITION DE MME SÉGOLÈNE ROYAL,
MINISTRE
DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE L'ENSEIGNEMENT
SCOLAIRE
(24 MARS 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme
Ségolène Royal.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous avez la
parole pour un exposé avant que nous vous posions des questions
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée
-
Monsieur le président, madame et messieurs les
sénateurs, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de dire mon
point de vue sur l'enquête que vous avez décidée de mener
qui couvre un sujet très intéressant. L'ensemble des responsables
des services, et donc des deniers publics sont amenés, à chaque
fois qu'ils ont une décision à prendre, à se poser la
question que vous avez décidé d'examiner :
« Y
a-t-il adéquation entre les moyens humains mis en oeuvre par le service
public de l'éducation nationale et les objectifs
pédagogiques ? »
.
Je me limiterai à quelques éléments d'introduction pour
laisser une place importante aux questions. La question sous-jacente est en
fait de savoir s'il y a des gaspillages dans le système scolaire.
Le nombre d'élèves entre bien dans la vision budgétaire
des choses. Dès qu'il y a arbitrage budgétaire, c'est le premier
critère qui est avancé par les services qui ont la charge de la
bonne utilisation des deniers publics. Cette baisse d'élèves
touche le premier degré. Nous reviendrons sur la façon dont nous
gérons ces moyens au niveau du premier degré lors des questions.
Le Gouvernement a fait le choix du maintien de ces moyens pour la
troisième rentrée scolaire dont j'ai la charge. Je le constate
sur le territoire. Il l'a fait en observant qu'un certain nombre de besoins
n'étaient pas encore couverts. Mais ce maintien des moyens n'exclut pas
la nécessité d'une réorganisation que nous avons
engagée avec Claude Allègre dès 1997. Tout ce que le
Sénat pourra nous dire sur ce sujet afin de nous aider à
poursuivre cette réorganisation sera bienvenu.
La préoccupation de fond dans l'organisation des moyens et
l'adéquation par rapport aux besoins scolaires non couverts
constatés sur le territoire, est de savoir comment nous articulons les
missions du système scolaire avec les programmes scolaires, les
méthodes pédagogiques et la formation des enseignants.
C'est sans doute parce qu'il est difficile aujourd'hui de définir les
objectifs et leur adéquation de ces quatre pôles sur lesquels
repose le système scolaire que le système scolaire est en
interrogation ; certains disent en crise.
Si la crise est salutaire par rapport à ces questions fondamentales qui
interrogent la société entière et si nous pouvons sortir
de ces interrogations en allant de l'avant, en mettant de la cohérence
dans la définition des missions de l'école par rapport au contenu
des programmes, à la définition des méthodes
pédagogiques et à la formation des maîtres, nous ferons
progresser le système scolaire.
Un exemple pour illustrer ce propos : aujourd'hui la mission de
l'école reste toujours de transmettre des savoirs, mais nous savons que
nous accueillons des élèves de plus en plus
hétérogènes, de plus en plus diversifiés. La
gestion de la diversité des élèves, tant au sein de la
classe que de l'établissement scolaire, est une interrogation
fondamentale dans le cadre de la bonne répartition des moyens et de la
préparation de la carte scolaire du premier degré.
Je ressens la même question fondamentale au niveau du débat sur
les collèges aujourd'hui, et en préparant les états
généraux de la lecture et des langages qui auront lieu à
Nantes au début du mois de mai. Je cite ces trois chantiers de fond car
les questions soulevées se résument aux trois questions
essentielles suivantes :
- Comment gère-t-on la diversité des élèves ?
Comment l'école de la République apporte-t-elle à chacun,
en fonction de ce qu'il est et de ce vers quoi on veut l'élever, tout en
restant fidèle à sa mission de transmettre un savoir
homogène, égal pour tous ? Quel équilibre
retrouve-t-on ?
- Comment doit évoluer le métier par rapport à ce
défi nouveau de plus en plus prégnant puisque l'école
accueille de plus en plus tous les élèves ? Elle a
réussi ce défi de la massification.
- Comment aller de l'avant sur l'interdisciplinarité ?
Une prise de conscience très forte aujourd'hui explique sans doute une
partie du malaise enseignant. Nous avons à faire l'interaction entre une
matière et des élèves. Dans le monde que nous
préparons, c'est l'interdisciplinarité qui doit aller de l'avant
pour permettre aux élèves de se situer dans le monde dans lequel
ils vivent, d'appréhender le futur, et surtout d'apprendre à
apprendre toute la vie.
Je reviens aux questions plus techniques déjà
évoquées : des évolutions démographiques
réelles qui ne sont pas contestables. D'autres que moi vous l'ont dit.
Plus de 200.000 élèves en moins depuis 1992-1993 dans le
premier degré et moins 50.000 élèves dans le second
degré. Des moyens d'enseignement qui se sont maintenus dans le premier
degré et qui continuent d'augmenter dans le second, du fait notamment de
la résorption des surnombres budgétaires et de la titularisation
des maîtres auxiliaires.
Comment profiter de la baisse démographique pour mettre en oeuvre une
politique qualitative afin de répondre aux besoins non couverts ?
Je relève plusieurs priorités qui me tiennent à coeur et
que j'essaie de mettre en application sur le territoire au fur et à
mesure des décisions prises :
- premièrement, la prise en compte de la grande difficulté
scolaire liée aux difficultés sociales avec la relance de la
politique d'éducation prioritaire et le développement
nécessaire des emplois dans les secteurs médico-sociaux ;
- deuxièmement, les progrès à poursuivre dans l'accueil
des enfants de moins de trois ans, la scolarisation en école maternelle.
Nous savons aujourd'hui que c'est l'une des conditions fondamentales de la
bonne maîtrise des langages, de la lutte devant l'échec scolaire
de la lecture qui reste l'un des problèmes majeurs du système
scolaire auquel il faut s'attaquer ;
- troisièmement, la baisse des effectifs recouvre des évolutions
démographiques contrastées. Année après
année, quand on essaie de redéployer des moyens, les choses sont
de moins en moins "élastiques". Il faut donc tenir compte du rôle
de l'école dans l'aménagement du territoire. On ne peut pas, bien
évidemment, procéder de façon brutale dans la
répartition de ces moyens.
Cela implique de nouvelles méthodes. Au-delà des chiffres, du
dispositif arithmétique, le système scolaire
accélérera sa progression s'il est conscient de la
nécessité d'évoluer au niveau des méthodes.
Je prends un exemple, déjà évoqué devant votre
commission : le problème du moratoire pour la fermeture des
écoles à classe unique. Pour cette rentrée scolaire, nous
allons fermer des classes uniques pour la première fois. Cela se fait
sans bruit. C'est un travail que j'ai préparé depuis six mois, en
partenariat, sur le territoire. Nous avons dit aux élus qu'il n'y a pas
l'éducation nationale contre les élus, il y a les
élèves.
A partir du moment où l'on sait que dans certaines classes uniques les
élèves ne bénéficient pas d'une une certaine
densité pédagogique, que les enseignants souffrent d'isolement et
qu'il vaut mieux mettre les écoles en réseau en maintenant les
moyens pédagogiques, en les mettant en commun entre plusieurs structures
scolaires, on peut restructurer le système scolaire et donner un plus
aux élèves.
On fait comprendre à l'éducation nationale, qui a longtemps
considéré qu'elle était un monde clos, qui décidait
toute seule, qu'elle a intérêt au partenariat. Ce n'est pas
toujours évident. Cela ne se fait pas toujours facilement pour les
restructurations. On lui fait comprendre également qu'elle a
intérêt à investir en temps dans ce partenariat et à
faire comprendre ses décisions. C'est ainsi que j'ai créé
les comités locaux d'éducation qui fonctionnent plus ou moins
bien, mais qui impulsent un nouvel état d'esprit. Chaque fois que je
rencontre les inspecteurs d'académies ou de circonscriptions, je leur
demande de discuter avec les partenaires de l'école. Je leur dis que
cela leur facilitera le travail et qu'ensuite ils feront ainsi comprendre leurs
difficultés de gestion.
Répondre à ces besoins nouveaux ne doit pas nous empêcher
de procéder à une réorganisation profonde. Cette
réorganisation est mise en oeuvre depuis 1997, mais on peut aller
au-delà. Elle est fondée sur l'utilisation des moyens disponibles
en fonction des priorités pédagogiques.
Je voudrais citer à ce titre la reconfiguration de la carte des ZEP qui
est un exercice difficile. Je pense l'avoir acheminée dans de bonnes
conditions. La carte des ZEP n'avait pas bougé depuis dix ans. Il a
fallu procéder avec tact, le sens du dialogue, prendre son temps. Au
total, 640 établissements scolaires sortent de ZEP et
1600 établissements entrent en zone d'éducation prioritaire.
Par conséquent, c'est une restructuration non négligeable de
cette carte.
Autre exemple de réorganisation, la gestion du remplacement dans lequel
s'est beaucoup investi Claude Allègre qui y reviendra sans doute.
Pour ma part, je citerai la carte scolaire du premier degré qui a
été faite dans un souci de rééquilibrage, de
transparence. J'en reviens au problème de méthode. J'ai mis sur
la table les critères de répartition des moyens par
académie, des critères démographiques, mais pas seulement.
Ces critères démographiques ont été assouplis par
des critères sociaux pour maintenir les encadrements là où
les élèves en ont le plus besoin, par des critères
d'aménagement du territoire. Les règles démographiques ont
été également assouplies pour que, dans le réseau
rural, on maintienne des structures scolaires viables et on encourage les
écoles à se mettre en réseau.
Au total, j'ai veillé à ce que, dans tous les départements
de France, le redéploiement des postes aboutisse à une
amélioration de l'encadrement scolaire, même si cela se fait
à la marge. Autrement dit, aucun endroit du territoire, au niveau
départemental, ne subit un recul de l'encadrement scolaire, du nombre
d'enseignants pour cent élèves. Il reste encore des
inégalités entre les départements, nous les corrigeons
progressivement. Nous ne pouvons pas le faire du jour au lendemain car cela
serait trop douloureux pour certains.
Cette restructuration s'appuie aussi sur notre volonté de prévoir
les évolutions pluriannuelles. Il est souvent difficile d'en convaincre
le budget, mais nous arrivons quand même à mettre en place une
gestion pluriannuelle en contractualisant avec les académies. Dans cet
esprit de contractualisation qui correspond à une attente du territoire,
les partenaires de l'école éprouvant le besoin de s'engager sur
deux ou trois ans je pense à l'école rurale ou aux ZEP quant
à l'évolution des moyens pour trouver une stabilisation, pour ne
pas perturber le système scolaire chaque année par des
redéploiements, les engagements de l'Etat s'accompagnent d'un
engagement, en retour, de bien viser des objectifs pédagogiques en
termes de réussite des élèves.
Je crois que l'on pourra améliorer les choses par une gestion des
ressources humaines proches du terrain. C'est bien sûr toute la logique
de la déconcentration, mais pas seulement.
Je termine en disant que l'on ne peut faire l'économie, dans une
réflexion sur une bonne gestion des moyens, d'une interrogation profonde
sur l'évolution de tous les métiers. On parle beaucoup de
l'évolution du métier d'enseignant. Quelque chose d'essentiel se
joue dans l'évolution de tous les corps intermédiaires.
L'éducation nationale a beaucoup de corps intermédiaires entre le
ministère, la hiérarchie et l'enseignant qui est dans sa classe.
Tout le monde doit redéfinir son métier et pas seulement
l'enseignant qui remet en cause son métier tous les jours en
étant confronté à ses élèves. Souvent, les
innovations pédagogiques existent dans la classe et parfois, avec un
certain décalage, au niveau des échelons intermédiaires,
des inspecteurs pédagogiques régionaux, des animateurs divers,
des responsables des réseaux que je rencontre actuellement sur la
question du langage etc.
Toutes les professions de l'éducation nationale, notamment celles qui
ont des charges d'inspection ou administratives, doivent comprendre que leur
métier doit évoluer. Par exemple, les missions d'un inspecteur
résident autant dans le fait d'inspecter et de noter que d'être un
entraîneur d'hommes et de femmes, capable d'encourager,
d'entraîner, de conseiller, d'innover, d'animer.
De même que, dans toutes les structures humaines, les métiers
évoluent dans ce sens. Nous sommes aujourd'hui autant performants parce
que nous avons une capacité à animer, à entraîner,
à cristalliser les énergies, à tirer le meilleur de
chacun. Dans l'éducation nationale également. J'observe encore
certaines pesanteurs, mais nous devons avoir la capacité dans les mois
et les années qui viennent à redéfinir le plus rapidement
possible les missions qui sont attendues de chaque catégorie de
personnels.
Pour terminer, je prends l'exemple des chefs d'établissement ; j'en
ai réuni aujourd'hui une quinzaine dans le cadre des débats sur
les collèges. Ils me disaient leur envie d'avoir du temps pour animer
l'équipe pédagogique, de ne pas être dévorés
par les charges administratives, de recevoir chaque année une lettre de
mission ministérielle leur disant ce que nous attendons d'eux et le
temps qu'ils doivent consacrer pour animer l'équipe pédagogique
des enseignants afin d'identifier le projet du collège, les actions
auprès des élèves en difficulté, la façon
dont on tire tous les élèves vers le haut et pas seulement ceux
en difficulté, l'organisation au niveau du collège, la
répartition des moyens en fonction des parcours diversifiés ou
des objectifs de chaque cycle.
Bref, chaque profession s'interroge sur ses missions. L'une de nos
responsabilités est d'aider à la redéfinition de ces
missions, car la bonne utilisation des moyens se calcule autant en termes
quantitatifs qu'en termes d'utilisation du temps de chaque fonctionnaire, de
chaque agent public qui est au service du plus beau service public du pays, il
faut bien le dire.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Madame la ministre,
vous avez posé trois questions fondamentales : quelle école,
quel métier et comment répondre à
l'interdisciplinarité qui s'impose à nous ?
Dans vos réponses, j'ai surtout soulevé des interrogations.
J'aimerais que vous précisiez plus encore. Dès lors que le
rôle de l'école ne se limite pas aux fondamentaux ni même
à apprendre, mais qu'elle a en plus un rôle social d'encadrement,
comment faire dans le primaire et dans le secondaire pour répondre
à cela, sachant que dans le primaire, il y a déjà un
potentiel de professeurs ? Va-t-on les former pour leur apprendre à
mieux aborder les problèmes ?
Bien qu'ils soient habitués à avoir une approche plus globale,
quels sont les moyens ou les changements progressifs de culture que vous allez
mettre en oeuvre dans le primaire pour répondre à ces
exigences ?
Dans le secondaire cela me paraît beaucoup plus difficile en raison de la
spécialisation des personnes. Pour la transition entre le primaire et le
secondaire, envisagez-vous des mesures ? Il est parfois difficile, pour
des jeunes qui sortent de l'école primaire et qui ont eu un professeur
d'école, un instituteur, de passer subitement devant plusieurs
personnes.
Dans le secondaire, vous avez aussi parlé des chefs
d'établissement. J'ai discuté avec beaucoup d'entre eux. Ils se
plaignent de ne pas savoir gérer les extrêmes, tant en ce qui
concerne les professeurs que les élèves. Pensez-vous leur donner
des moyens je n'utiliserai pas le terme de
management
qui me
paraît impropre
d'agir encore mieux dans ces directions pour mieux
gérer leur établissement ? Je ne pose pas de question en
terme quantitatif. Nous avons les chiffres.
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Les questions que vous posez nécessiteraient un
débat et touchent à la mission fondamentale du système
scolaire.
Pour répondre à ces missions, il nous faut d'abord admettre, et
faire admettre par les enseignants, que le métier évolue et
qu'ils ont une certaine liberté de manoeuvre sur la gestion de leur
temps. Ils en ont conscience en étant confrontés chaque jour
à leurs élèves.
L'une des clefs de la réponse sur ces trois missions de l'école
réside sans doute dans plus de liberté et plus d'autonomie aux
établissements. Cela suppose que l'on en soit capable au niveau
national, parce qu'il ne faut pas non plus une
hétérogénéité totale sur le territoire.
C'est ce que nous faisons à la fois dans le cadre de l'école du
XXIe siècle et dans les divers chantiers ouverts. Par exemple, mes
instructions sur l'utilisation des évaluations annuelles des
élèves de CE² et des élèves de
6
ème
déterminent assez strictement la façon
dont les enseignants doivent s'y prendre pour utiliser ces évaluations
et surtout apporter aux élèves une aide individuelle dans le
repérage de leurs faiblesses.
C'est la première fois que l'on validait, dans le système
scolaire, des pratiques pédagogiques qui existaient déjà
depuis longtemps ; depuis toujours, les enseignants ont aidé les
élèves de façon individuelle. Mais il y avait une sorte de
mythe du groupe classe et une certaine réticence, sauf en zone
d'éducation prioritaire où nous constatons beaucoup d'innovations
pédagogiques, car on utilise tous les moyens quand on est
confronté à la grande difficulté.
L'une de mes idées, que je mets en application, notamment dans le
repérage de la difficulté des élèves, est de
généraliser dans le système scolaire ce qui a
été inventé, mis au point et réalisé dans
les endroits les plus difficiles. Là, en effet, par la force des choses,
on leur a laissé une grande liberté pédagogique. Si cela
réussit là où c'est le plus difficile et que, par
définition, on a laissé cette liberté, pourquoi ne
réussirait-elle pas ailleurs ? Des élèves sont en
difficulté même hors zone d'éducation prioritaire.
Il faut réaffirmer que le système scolaire, dès lors qu'il
a vocation ce qui est un progrès formidable pour notre pays à
accueillir tous les élèves, a aussi la légitimité
d'apporter une aide individuelle aux élèves.
Je crois que cette mutation culturelle de l'école est en marche ;
elle n'est plus contestée. Une valorisation du travail a
déjà été faite dans les écoles.
L'arrivée des aides-éducateurs, qui en est à ses
débuts au niveau de l'évaluation, est un nouvel atout
extraordinaire pour permettre, pendant que l'éducateur fait
réviser la classe, à l'enseignant de dégager du temps pour
les élèves les plus en difficulté. Je ne peux pas aborder
toutes les réponses à la question que vous avez posée. Je
m'en tiens aux points essentiels.
Quant à votre question, très importante, de l'articulation entre
le primaire et le secondaire, je l'approfondis dans le cadre du chantier de la
réflexion de la consultation sur les collèges et ce thème
revient très fréquemment.
Les pistes sur lesquelles nous travaillons consistent à faire des
échanges d'enseignants entre le CM² et la 6
e
en
repérant des réalisations de terrain qui marchent. Des
élèves bien encadrés dans le premier degré, parce
qu'ils n'ont qu'un adulte référant, se retrouvent
déstabilisés en classe de 6
e
parce qu'ils se
retrouvent avec huit adultes en face d'eux. Quelques élèves,
très bons en primaire, plongent au collège, ne serait-ce que
parce qu'ils sont insuffisamment encadrés.
Des actions seront donc mises en place sur l'articulation entre les CM² et
la 6
e
, c'est-à-dire à la fois la venue du professeur
de CM² au collège, y compris pour continuer à suivre
certains élèves, et l'intervention des professeurs du
collège en CM² pendant toute la durée de l'année
scolaire à des rythmes variables ; cela dans le cadre de la mise en
réseau des écoles. En particulier, dans les réseaux
d'éducation prioritaire (REP) que j'ai mis en place, l'une des actions
les plus fréquentes est cet échange d'enseignants entre la
6
e
et le CM². On peut donc bien le généraliser
à l'ensemble du système scolaire.
Enfin l'une des idées qui me tient à coeur, et que je pense
pouvoir réaliser, est la mise en place de tutorats. On sait que le
professeur principal a une classe en charge. Le tutorat consisterait à
avoir un adulte référant dans le collège pour les
élèves qui le souhaitent, et pas seulement pour les
élèves en difficulté. Des élèves fragiles
qui ne sont pas forcément repérés en difficulté
peuvent avoir besoin d'un adulte référant qui puisse dialoguer
avec l'élève dès qu'il y a une difficulté :
problème scolaire, personnel, de vie scolaire. chaque
élève qui le souhaite aurait ainsi dans le collège un
adulte référant, avec lequel il serait en phase.
M. le Président -
Pour que les choses soient encore plus
précises, à propos de la liaison collège-lycée vous
en avez rappelé les raisons pédagogiques, très fortes
d'ailleurs je voudrais rappeler les soucis de
M. Claude Allègre concernant le remplacement des
maîtres.
Je relie cette remarque au sujet que vous étiez en train de traiter en
me posant la question suivante : pensez-vous que le
périmètre je ne parle pas de polyvalence ni de bivalence des
champs disciplinaires qu'ont à couvrir les enseignants de collège
doit être le même que celui qu'ont à couvrir les enseignants
de lycée ?
Pensez-vous que, dans les collèges, les professeurs peuvent avoir une
"compétence" plus large que celle qu'ont les professeurs de lycée
pour tenir compte de ce que sont les élèves et pour faciliter
cette transition dont vous êtes en train de nous parler ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Ce sont des sujets un peu tabous ; vous connaissez
le poids des disciplines. Le moment est sans doute mûr pour faire
évoluer les choses et aller au-delà de
l'interdisciplinarité, pour qu'un enseignant de collège ait deux,
voire trois disciplines.
Cela dit, je crois que les choses doivent évoluer par étape. Si
dans un premier temps, nous parvenons dans tous les collèges à
faire des actions en interdisciplinarité, nous aurons déjà
franchi un pas très important. D'ailleurs, les parcours
diversifiés sont, de ce point de vue, une grande réussite.
Plusieurs enseignants se mettent ensemble au service d'un même projet
pour un groupe d'élèves. Ce travail en interdisciplinarité
est extrêmement fructueux et préfigure ce que seront
peut-être, dans plusieurs années, la formation, le profil et les
compétences des enseignants.
Autrement dit, à brusquer les choses, nous bloquerions le
dispositif ; en revanche, en utilisant la prise de conscience, aujourd'hui
réelle, qu'il faut travailler ensemble et approfondir
l'interdisciplinarité, nous pouvons déjà, au sein de la
classe et des établissements scolaires, réformer les
méthodes de travail en profondeur.
Si j'en ai la possibilité à l'issue du débat sur le
collège, je voudrais donner aux collèges une certaine
quantité d'heures utilisables en liberté par rapport à
cette préoccupation d'interdisciplinarité en organisant
différemment la journée, la semaine et l'organisation du temps
des enseignants, comme cela se fait déjà dans certains
collèges.
Par exemple, au lieu d'avoir le module traditionnel qui me semble parfois
devoir être remis en cause de l'adulte face à la classe, avec la
gestion des adolescents, de leurs pulsions, de leur activisme, de leur
parole... Ils sont très gentils, mais il faut savoir les gérer.
Quand on est parent avec un ou deux à gérer, ou quand on en a
vingt-cinq, ce n'est plus le même métier aujourd'hui.
Physiquement, les adolescents dépassent souvent l'enseignant en
taille ; ils ont une tonicité extraordinaire, souvent
interprétée comme de la violence alors que c'est leur corpulence
et leur mode d'expression qui apparaissent aux adultes qui ne font pas partie
de cette même génération comme des phénomènes
de violence. Aujourd'hui, il y a une difficulté, presque physique,
à se retrouver face à un groupe de grands adolescents.
L'idée du maître seul face à la classe doit sans doute
évoluer. Je voudrais laisser la liberté aux établissements
scolaires de regrouper des classes et d'avoir deux enseignants face à la
classe. Ils peuvent rester deux heures avec des interruptions par petit groupe.
Les aides-éducateurs peuvent faire du travail scolaire pendant que
l'enseignant continue avec un autre groupe. Il vaut mieux avoir deux adultes
référants pendant deux heures face aux groupes classes que des
adultes qui se succèdent, mais avec une liberté d'organisation
dans l'équipe pédagogique au sein de l'établissement afin
de réfléchir à ces modes d'organisation et de gestion des
élèves.
On en revient à la question essentielle : quel est le rôle
d'un chef d'établissement par rapport à cette liberté
nouvelle qui serait donnée aux collèges pour rassembler les
enseignants, discuter sur la répartition des moyens horaires, sur la
gestion des classes et sur la gestion de
l'hétérogénéité des classes ?
C'est en donnant de la liberté au niveau de l'utilisation des moyens
d'enseignement, du nombre d'heures que l'on attribue à un
collège, que l'on arrivera à gérer
l'hétérogénéité des classes sans
reconstituer des filières de relégation.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Avez-vous
simulé les moyens supplémentaires nécessaires ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée
-
Nous avons simulé des moyens supplémentaires
nécessaires en heures supplémentaires. Nous sommes dans un
contexte où nous ne créons plus d'emplois, surtout face à
l'urgence de résorber les surnombres, d'affecter les auxiliaires sur des
postes, etc. Nous avons simulé des moyens supplémentaires en
termes de volume d'heures à donner aux établissements pour
gérer cette liberté pédagogique.
Outre un travail interne dans le cadre des moyens existants, des modules
d'heures supplémentaires seraient donnés pour mettre en place le
tutorat, les parcours diversifiés, pour continuer à faire du
travail par petits groupes, etc.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Face
à la diversité des élèves ou des publics pour
reprendre votre expression et face aux réalités du quotidien
marquées par la violence et les problèmes
d'insécurité, qui demandent sans doute des moyens importants ou
adaptés, mais face aussi à la baisse des effectifs qui peut
générer une économie en terme de moyens, la réponse
peut-elle être apportée par un budget constant ou, une fois
encore, aura-t-on recours à l'inflation budgétaire ? Je ne
fais pas votre procès ou celui de ce Gouvernement, je le dis avec la
même constance depuis trois ans. Peut-on aujourd'hui gérer
à budget constant ?
Concernant la scolarisation des moins de trois ans, cette mesure est sans doute
intéressante. Elle permet de compenser un certain nombre de handicaps
culturels ou sociologiques, mais cette mesure a un coût. A-t-il
été évalué au niveau de l'Etat en ce qui concerne
les personnels et au niveau des moyens matériels ou immobiliers pour les
collectivités locales ? Ne peut-on pas avoir une réponse qui
pourrait être différenciée en fonction des situations
géographiques ou sociologiques ?
Ma troisième question concerne la gestion des remplacements. Un certain
nombre de mesures, tout à fait louables au plan de l'éthique je
pense à la titularisation des maîtres auxiliaires ou à
l'extinction du corps des PEGC ne vont-elles pas entraîner une
rigidification de ces remplacements et donc un surcoût ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Sur la diversité des publics, la baisse des
effectifs et la question de savoir si l'on peut réformer à moyens
constants, il faut distinguer selon les types de personnels. On peut
réformer à moyens constants, c'est-à-dire améliorer
à moyens constants, puisqu'il y a une baisse des effectifs. Mais on ne
le peut certainement pas en réduisant les moyens des personnels
enseignants, précisément pour répondre à des
besoins nouveaux, à la plus grande diversité des
élèves dans les classes, qui nécessitent moins d'effectifs
par classe, du travail individuel, du tutorat, etc.
Je crois que le moment n'est certainement pas venu de baisser la garde sur le
plan de l'encadrement des élèves par les enseignants, à
condition que l'on ait la capacité et la force d'attribuer les moyens en
fonction des objectifs pédagogiques, d'évaluer ces moyens quant
à leur utilisation, de fixer les objectifs établissement par
établissement pour faire reculer l'échec scolaire.
En revanche, nous avons besoin de moyens supplémentaires, d'abord pour
les personnels ATOS. Il y a là une grande misère par rapport au
manque de ces personnels dans les établissements scolaires. Lorsqu'un
établissement scolaire est bien entretenu, c'est aussi un
élément de maintien de la citoyenneté, de la
civilité, de l'encadrement des élèves. Il faudra y
répondre avec l'interrogation qui consiste à savoir comment les
collectivités locales peuvent contribuer à cet effort avec des
contreparties. Mais comme elles ont la charge de l'entretien de l'immobilier,
toute une réflexion est à ouvrir sur les personnels
chargés de cet entretien.
J'ai vu des personnels ATOS qui faisaient des actions du tutorat, de
l'éducation civique. Quand des élèves dégradaient
du matériel, ils étaient encadrés par des personnels ATOS
et réparaient les dégradations qu'ils avaient causées.
J'ai visité un collège en Moselle extraordinaire ;
c'était impeccable. Lorsque vous entrez dans un collège, vous
voyez la qualité des personnels ATOS rien qu'en constatant la
façon dont il est entretenu.
En outre, certains métiers se perdent. Toute une réflexion est
à faire sur la disparition de certains métiers. Les gros
collèges qui ont leur électricien, leur menuisier, peuvent en
outre prendre des élèves en tutorat. Il y a quelque chose
d'humainement fort dans ces établissement qui ont gardé de vrais
métiers dont les personnels ont un rôle éducatif sur les
élèves. Je crois qu'il y a là un chantier de
réflexion à mener en partenariat avec les collectivités
locales.
Le second besoin criant est celui des personnels médico-sociaux. J'ai
besoin d'infirmières, d'assistantes sociales. Nous avons
créé 1.000 postes en deux ans. Cela fait plusieurs
années que l'on n'avait pas vu un tel effort, mais un médecin
pour 7.000 élèves, ce n'est rien du tout ! Il y a une
telle montée des problèmes médico-sociaux des
élèves que si l'on ne gère pas bien là aussi il y a
une réflexion à mener en partenariat, car ce n'est pas
l'école toute seule qui peut porter la gravité de ces
problèmes, si ces problèmes ne sont pas résolus, ils
pèsent sur les enseignants. Si l'on veut dégager les enseignants
de ces soucis afin qu'ils se concentrent sur la transmission du savoir, sur
l'instruction et sur l'éducation, il faut vraiment régler les
problèmes médico-sociaux.
Là, il y a sans doute des nouveaux partenariats à inventer. Je
viens de demander une inspection générale conjointe à
l'IGAEN et à l'IGAS, qui va m'être remise dans les prochains
jours, pour voir comment rationaliser les choses. Nous avons les assistantes
sociales des conseils généraux, les assistantes sociales
scolaires. Parfois les enfants passent d'un médecin scolaire à un
médecin de quartier, puis à une assistante sociale du conseil
général pour ensuite revenir vers l'assistante sociale scolaire
etc. Une harmonisation est à mettre en place.
Il y a des écarts entre les statuts. L'assistante du conseil
général est mieux payée que celle du scolaire. En
Seine-Saint-Denis, nous n'arrivons pas à combler les postes vacants
d'infirmières et d'assistantes sociales, car elles ne sont pas
suffisamment rémunérées par rapport à des
professions équivalentes ailleurs. Un vrai travail de réflexion,
d'articulation, de rationalisation est à faire. Mais il y a surtout un
besoin de ces personnels, sachant qu'ils manquent cruellement et que dans les
établissements scolaires où ils existent, l'ambiance n'est pas la
même.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Vous
n'avez pas répondu à ma question concernant la scolarisation des
moins de trois ans.
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Le taux de scolarisation continue à progresser.
C'est un objectif auquel je suis très attachée. Dans la
préparation de la carte scolaire, j'ai veillé à tenir
compte, dans l'attribution des moyens ou dans le retrait moindre des moyens de
certains départements, du taux de scolarisation des enfants de moins de
trois ans. Il faut progresser. C'est une demande très forte des parents.
Cela peut se faire de façon intelligente ; ce n'est pas
l'école forcée à tout prix pour tous les enfants :
cela reste facultatif.
En milieu rural, je souhaite que la qualité de la scolarisation en
maternelle s'améliore. Les classes à niveaux multiples ne sont
bénéfiques ni pour les élèves de maternelle, car
c'est une vraie spécificité, ni pour les autres
élèves, car voir arriver en cours d'année des tout petits
de deux ans qui sont mélangés à des élèves
déjà en processus d'acquisition des langages, ralentit certains
élèves. C'est pourquoi j'ai donné l'autorisation, dans le
cadre de la mise en place des réseaux d'écoles rurales, de placer
des maîtres bivalents. Ils feraient le matin l'accueil en maternelle, la
demi scolarisation étant suffisante pour les petits, et
l'après-midi du soutien scolaire pour l'ensemble des
élèves sur le réseau d'écoles.
Je souhaite que le partenariat s'approfondisse avec les collectivités
locales pour faire des
« classes passerelles »,
des
choses douces entre l'accueil en crèche et l'accueil en école
maternelle qui est une vraie école. Ce n'est pas une garderie gratuite.
Je laisserai Claude Allègre répondre à la question
concernant la gestion des remplacements.
Mme Hélène Luc -
Vous avez beaucoup parlé de
la cohérence, de l'adéquation nécessaire, de la
diversité des élèves ; c'est là que
réside l'une des grandes difficultés que nous avons à
résoudre. Dans Le Monde hier, un article très intéressant
pose la question suivante :
"Va-t-on continuer d'assumer, du point de
vue pédagogique et financier, la massification pour la scolarisation des
élèves, à laquelle nous sommes arrivés où un
effort très important a été fait ou bien va-t-on
recréer des filières et faire une sélection ?"
La question se pose en effet : on a beaucoup d'élèves
très divers. Comment peut-on faire pour les mener à la
réussite ?
Quand on examine le problème de près, je suis persuadée
que les efforts doivent venir de tous les côtés, mais aussi du
côté du Gouvernement pour donner encore plus de crédits. Je
pense que cela va se faire, monsieur Allègre l'ayant
annoncé, et j'en suis satisfaite.
Vous avez dit qu'il fallait mettre à profit la baisse
démographique pour améliorer le niveau d'enseignement. Je ne
comprends pas comment on peut appliquer cela. Concernant les fermetures de
classes, dans le département du Val-de-Marne, 110 classes ferment,
55 ouvrent, soit un déficit de 45. On ferme une classe pour deux
élèves de moins dans une école où il y a des
enfants étrangers, des enfants de familles très modestes. Comment
les parents peuvent-ils comprendre que l'on utilise ainsi l'évolution
démographique ? On leur supprime une classe, ce qui fait baisser la
moyenne générale. Cela signifie aussi des classes de près
de 30 élèves ! Dans un quartier difficile, il n'est pas
possible de conduire tous les élèves au taux de réussite
qu'il faudrait pour qu'ils entrent dans de bonnes conditions au collège.
Pour les REP, ne pourrait-on pas avoir la volonté d'avoir des classes
avec une moyenne de 25 élèves et la mettre en
application ? Les professeurs des REP n'ont pas d'indemnité. Qu'au
moins, on leur donne moins d'élèves !
Je voulais parler également des comités locaux
d'éducation. Dans certains endroits, cela fonctionne, mais dans
d'autres...
M. le Président -
Revenons à notre commission
d'enquête, madame.
Mme Hélène Luc -
Tout cela est lié. Vous avez
parlé de l'interdisciplinarité dans le collège ; cela
me pose problème. Je pense que les élèves de CM² sont
contents d'aller au collège parce qu'ils ont un professeur. En revanche,
le professeur principal devrait jouer un rôle bien plus grand afin que
les parents sentent réellement qu'un professeur a leur enfant à
charge. Cela signifie qu'il devrait avoir plus de temps pour être
professeur principal. C'est l'une des solutions.
Mme Ségolène Royal, ministre
déléguée -
Sur l'idée qu'il faut utiliser
la baisse démographique pour l'amélioration qualitative, c'est le
défi qui est posé aujourd'hui au système scolaire. Nous
avons réussi cette démocratisation, cette massification. Nous
sommes vraiment à un tournant. Il ne faut pas se tromper sur les choix
faits et nous devons avoir la volonté farouche d'accueillir tous les
élèves au collège.
Il y a deux réponses à cela : premièrement, pour
lutter contre l'échec scolaire au collège, il faut commencer
dès l'école maternelle. Les élèves en
difficulté au collège pouvaient être repérés
en maternelle. C'est dans un travail en profondeur et sur la durée qu'il
faut agir. En particulier, ce seront les objectifs du travail en profondeur sur
la maîtrise de la lecture et des langages. Je pense en effet que tout
converge vers cela à un moment ou à un autre. Il faut donc bien
redéfinir le rôle de chaque niveau d'enseignement par rapport
à la réussite des élèves qui arrivent en
6
e
.
M. le Président -
Pourquoi n'a-t-on pas commencé par
là ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Le collège avait été l'objet de
multiples réformes. Aborder tout de suite la réforme du
collège sans prendre le temps d'un bilan, cela aurait été
mal perçu.
J'ai donc fait le bilan des réformes, des mesures de M. Bayrou.
Certaines sont bonnes, d'autres n'ont pas été appliquées,
d'autres sont moins bonnes. Me gardant bien de faire de l'idéologie sur
le collège, mais en repérant très concrètement
l'articulation entre les mesures, les problèmes nouveaux et ce qu'il
convient de continuer à faire, il faut mettre le collège en
perspective par rapport au premier degré, à l'école
maternelle, à l'école primaire. Il faut savoir ce qui doit
être fait avant pour que tous les élèves arrivant en
6
e
sachent lire et s'exprimer correctement. C'est l'une des
conditions fondamentales.
Que fait-on des élèves déjà au collège et en
situation de grande fragilité sur l'acquisition des savoirs ? Il
faut lutter contre la tentation de refaire des filières. Grâce
à cette marge de manoeuvre en termes de moyens, on peut demander aux
équipes pédagogiques ce plus en termes qualitatif, à
savoir individualiser l'aide aux élèves.
Une des clefs de l'évolution du métier d'enseignant est une
capacité à travailler en équipe, à sortir du
cloisonnement des disciplines et que chaque enseignant se sente responsable de
la transmission du savoir des autres enseignants, autrement dit de
l'éducation au savoir-être et au savoir-faire, sans diminuer
l'exigence de l'instruction et de la transmission du savoir.
Je suis assez optimiste. Cette mutation est en chemin ; il faut
accompagner le corps enseignant à la réussir. Accompagner le
corps enseignant, c'est aussi demander le même effort d'évolution
à tous ceux qui contribuent au système scolaire et qui ne sont
pas dans les classes.
Il faut aussi renforcer tous les dispositifs d'individualisation, de
consolidation, les parcours diversifiés, les études
dirigées. Ce sont de bonnes mesures que j'ai l'intention de renforcer.
Il convient de renforcer aussi les dispositifs qui existent, dont on ne
s'occupe jamais et qui pourtant répondent aux besoins de certains
élèves. Je pense aux SEGPA dans les collèges, qu'il faut
revaloriser et renforcer.
Enfin, il y a tout le travail sur l'orientation. On arrivera d'autant mieux
à prendre en charge la diversité des élèves que
l'on arrivera à faire des orientations positives vers les lycées
professionnels. Tout se tient, mais le collège est au coeur du
dispositif, car c'est là que la France accueille encore tous les
élèves, tout le monde est mélangé. C'est le coeur
de l'école de la République. C'est là également
qu'émergent les problèmes les plus lourds : les
problèmes de comportement que l'on ne voit pas encore dans le premier
degré. C'est là que les adolescents définissent les
adultes qu'ils seront demain.
Les valeurs, les points de repères que l'on arrive à leur donner
au cours de ces quatre années vont les marquer toute leur vie et vont
définir les comportements par la suite. Les élèves de
6
e
et de 5
e
sont encore malléables, on a encore
une capacité d'éducation, une capacité à remettre
les jeunes dans le droit chemin, à les recadrer, à dialoguer.
Pour les 4
e
et 3
e
, ce n'est pas complètement
perdu, mais c'est déjà plus dur.
Bref, nous avons un effort essentiel à faire sur la
6
e
et la 5
e
; 4
e
et 3
e
,
c'est le début de l'orientation. Il faut réussir des orientations
positives quel que soit le choix qui est fait après la
3
e
.C'est également là que se joue l'éducation
du comportement et la base des savoirs qui serviront toute la vie. C'est au
collège que cela se joue.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Je suis un
peu déçu de votre propos. Vous aviez démarré sur
une question intéressante. Vous avez dit de façon
implicite :
« La question que l'on peut se poser sur le
thème d'étude de cette commission est : y a-t-il des
gaspillages ? »
. Je n'ai pas le sentiment que vous avez
identifié d'éventuels gaspillages ; j'ai le sentiment que
vous avez voulu légitimer le fait que, à un nombre d'effectifs
donné, il fallait absolument trouver les moyens d'occuper l'ensemble de
ces personnels sur des objectifs de qualité.
En vous posant une question par l'absurde, compte tenu d'une évolution
démographique toujours à la baisse, jusqu'où faudrait-il
aller pour que l'on puisse envisager le début d'un soupçon de
commencement d'une adaptation des effectifs enseignants à
l'évolution des effectifs des élèves du premier
degré ?
N'avez-vous pas identifié des sources de gaspillages dans le secondaire,
notamment par rapport au problème des options, les professeurs en
surnombre, le recrutement ? Vous nous dites vouloir maintenir un niveau
constant en redistribuant. Vous nous dites qu'il faut développer les
personnels médico-sociaux et les personnels ATOS. En
réalité, nous sommes à nouveau dans un système
où la réponse est toujours plus quantitativement.
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Monsieur le sénateur, pour répondre à
votre question, on ne peut pas disjoindre la question des moyens et celle des
objectifs. Vous me décevez aussi, car vous n'êtes que dans
l'inventaire des moyens par rapport aux effectifs.
La bonne problématique est de savoir quels sont les objectifs
pédagogiques par rapport à ces moyens, et pas seulement le nombre
d'élèves. Le nombre d'élèves compte. Aujourd'hui,
lorsque j'essaie de pousser aux restructurations de la carte scolaire et que je
dis que sept élèves par classe, ce n'est pas bon. On me
répond enfin oui. Vingt-cinq élèves par classe est un bon
groupe. En tête-à-tête les syndicats me le disent. Quand je
vois les enseignants ou les parents qui manifestent parce que l'on passe les
classes de 20 à 22 élèves, je leur dis car je suis
souvent sur le terrain que ce n'est pas raisonnable. C'est la première
fois qu'on le leur dit.
Le fait de passer de 20 à 22 élèves ne change pas la
qualité pédagogique. C'est une partie de la réponse. Le
toujours moins d'élèves par classe n'est pas un progrès
pour le système scolaire. Il faut un groupe classe
hétérogène, diversifié avec une émulation
pour que les choses avancent.
Je pense par conséquent que 25 élèves par classe,
c'est bien, c'est un bon groupe classe. Il peut y avoir plus
d'élèves et avoir une très bonne classe. Certains
enseignants peuvent "manager" des classes avec 40 élèves.
Mais le profil moyen, ordinaire, compte tenu de la montée de la
difficulté des élèves, est de 25 à
30 élèves par classe pour avoir un bon module classe.
J'insiste ensuite sur le fait que l'on ne peut pas baisser les moyens. Cela
dit, je ne suis pas dans une logique où l'on n'aurait pas le courage de
baisser. On ne répond pas à certains besoins pédagogiques.
Je n'ai pas évoqué un besoin, qui pourtant me tient
particulièrement à coeur : l'accueil des enfants
handicapés à l'école. La France est très en retard.
Si demain on me dit de redéployer un certain pourcentage des moyens
pédagogiques pour l'accueil des enfants handicapés, on pourrait
faire trois fois plus que ce qui est fait aujourd'hui. Des milliers d'enfants
sont en structure spécialisée alors qu'ils ont leur place dans le
système scolaire ordinaire. Pas un seul collège ou lycée
sur Paris n'accueille les enfants malentendants alors que certains
collèges le font. On est dans une vraie pauvreté par rapport
à l'accueil des enfants différents. C'est l'un des objectifs
pédagogiques qui, aujourd'hui, n'est pas rempli.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Avez-vous identifié des gaspillages ? Lorsque je vous
entends, je vois toujours des besoins, ce qui est évident. Je partage
d'ailleurs en très large partie votre analyse. Y a-t-il une mauvaise
utilisation des moyens, ici ou là ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Dès lors que l'on admet que l'on peut
répondre à des besoins nouveaux sans créer de postes
supplémentaires, mais en les utilisant mieux, on répond
déjà à votre question. Il y a sans doute des utilisation
optimales à rechercher par rapport aux moyens mis sur le territoire.
Je ne veux pas utiliser le mot "gaspillage" ; un enseignant travaille
là où il est, là où on l'affecte. En revanche, le
fait de dire qu'il y a des besoins pédagogiques nouveaux, qu'il y a
beaucoup d'échecs scolaires et qu'il faut répondre à ces
besoins nouveaux ou anciens en utilisant mieux les moyens, c'est
déjà une réponse à votre question. Oui, on peut
utiliser les moyens mieux qu'ils ne le sont aujourd'hui, non pas uniquement sur
un critère arithmétique et démographique, mais par rapport
à l'identification des besoins pédagogiques et à la
mobilisation d'une équipe qui peut se faire sur le repérage de
ces besoins pédagogiques et sur l'organisation, non seulement des moyens
mais de l'utilisation du temps de chaque enseignant. Il y a là aussi
beaucoup à faire sur l'organisation de la masse du temps de travail dans
chaque école et établissement scolaire.
M. Gérard Braun -
Je voudrais vous faire part de
l'inquiétude d'un principal de collège qui voit le corps
enseignant se diviser en deux catégories. Il y a les modernes et les
anciens. Les élèves constatent que des professeurs s'impliquent
dans les nouvelles technologies et que d'autres, parce qu'ils sont près
de la retraite ou qui n'ont pas eu l'habitude de manoeuvrer ces nouvelles
technologies, se refusent d'y entrer.
Ce principal me disait que c'était très inquiétant, qu'il
y voyait une scission, et que celle-ci était constatée par les
élèves. Il voit des élèves refuser d'aller avec
certains professeurs. Envisagez-vous d'aider ces professeurs à
acquérir par une formation nécessaire la maîtrise de ces
nouvelles technologies ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
C'est une des préoccupations du ministère
d'équiper chaque enseignant avec les nouvelles technologies pour en
faire un outil de travail.
Le clivage entre les modernes et les anciens n'est pas celui-là. On peut
être passionné par une nouvelle technologie, quel que soit son
âge, ou avoir un blocage alors qu'on est très jeune. Il faut donc
aider tout le monde à comprendre qu'aujourd'hui, ce qui est au coeur du
métier, c'est la capacité de communiquer l'envie d'apprendre,
l'envie de réussir, l'identification du besoin des élèves,
l'aide individuelle, le déclic qui va aider l'élève
à surmonter un certain nombre de blocages.
C'est ce que je ressens dans la demande de formation des enseignants :
« On n'a pas appris au cours de notre formation, le CAPES ne nous
apprend pas cela, on n'a pas appris à aider un élève qui a
un blocage, qui a une difficulté. Comment repérer cette
difficulté ? Quelle est la technique de communication par rapport
à ces élèves pour continuer à leur donner envie
d'apprendre, de progresser ? »
. C'est vrai pour le
métier d'enseignant, mais aussi pour tous les métiers de la
société contemporaine.
L'un des grands chantiers qui est entre nos mains est cette capacité de
formation. On n'a pas les formateurs de formateurs. Comme le métier
évolue, les gens de terrain savent parce qu'ils ont
expérimenté, échoué et surmonté. Le travail
de formation se fait en interaction ; des gens se réunissent,
parlent entre eux, théorisent des méthodes. L'urgence est de
faire émerger des formateurs qui soient aptes à accompagner cette
mutation en profondeur du métier, formation à laquelle tous les
enseignants aspirent aujourd'hui.
M. le Président -
Une dernière question. Bien utiliser les
moyens, est-ce aussi mettre l'enseignant qui correspond le mieux aux besoins
des élèves ? Pensez-vous que les mesures de
déconcentration prises par le ministre vont le permettre et
pourquoi ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Nous avons commencé à le faire, en
particulier pour les chefs d'établissement, qui pour la première
fois cette année, notamment dans les ZEP, ont été choisis
sur profil. On a demandé aux recteurs, pour le recrutement des chefs
d'établissement dans les quartiers difficiles, de recevoir
individuellement les candidats pour une bonne adéquation entre le profil
et la mission à remplir.
En ce qui concerne l'enseignant en tant que tel, c'est plus délicat. Les
élèves sont les mêmes sur l'ensemble du territoire, sauf en
zone d'éducation prioritaire où il y a une certaine marge de
manoeuvre par rapport au choix des enseignants, même si la gestion
normale du corps fait que, bien souvent, de très jeunes enseignants se
trouvent en ZEP (zone d'éducation prioritaire) avec pas forcément
la formation pour cela.
Mais les choses évoluent, s'améliorent. Une des revendications
des chefs d'établissement est d'avoir la possibilité de choisir
les membres de leur équipe. On n'en est pas encore là dans le
système scolaire français. C'est l'une des questions qui est sur
la table ; au moins pouvoir choisir ses collaborateurs dans
l'équipe de direction pour avoir une certaine
homogénéité de l'équipe. C'est un thème
important sur lequel nous pourrions progresser.
M. le Président -
Ce que vous venez de dire est important. Cela
veut-il dire que le chef d'établissement pourrait choisir le conseiller
principal d'éducation, son principal adjoint, si on est en
collège ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Je suis favorable à ce qu'il puisse
émettre un avis.
M. le Président -
Est-ce actuellement en place ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Non, pas du tout. Or, je pense que
l'homogénéité d'une équipe de direction est
très importante.
M. le Président -
Avez-vous l'intention d'avancer dans cette
direction ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Tout à fait. C'est une des questions
abordées dans le cadre du débat sur les collèges.
M. Xavier Darcos -
C'est une excellente suggestion, mais
que fera-t-on de ceux dont personne ne veut ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
On n'est pas dans le tout ou rien. Certains chefs
d'établissement ne s'intéressent pas forcément à
l'homogénéité de leurs équipes.
M. le Président -
Préconisez-vous des mesures ou
envisagez-vous des mesures pour le choix des chefs d'établissement et
pour faire en sorte qu'il y en ait davantage de meilleure qualité, qu'il
y ait plus de candidats ? Quelles sont vos intentions ?
Mme Ségolène Royal, ministre délé
;guée -
Lors de la table ronde organisée avec le recteur
Blanchet, toutes ces questions des directions d'établissements, celle-ci
en particulier, ont été évoquées. Nous avons
commencé à le faire pour le recrutement sur profil des chefs
d'établissement en ZEP, puisque les recteurs ont reçu les
candidats individuellement afin d'avoir des bons chefs d'établissement
dans les endroits les plus difficiles.
AUDITION DE M. CLAUDE ALLÈGRE,
MINISTRE DE
L'ÉDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA
TECHNOLOGIE
(24 MARS 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête.
M. Adrien Gouteyron, président -
Monsieur le ministre ! vous
n'avez pas demandé le huis clos. Je vais également vous demander
de prêter serment.
M. Claude Allègre, ministre -
Non, pas les
ministres. Il y a séparation des pouvoirs : les ministres n'ont pas
à prêter serment devant une assemblée. Je me suis
renseigné avant de venir. Je suis automatiquement soumis au devoir de
vérité, mais par mon appartenance à l'exécutif.
M. le Président -
On n'a pas toujours eu l'impression que les
ministres étaient soumis au devoir de vérité, quels qu'ils
soient.
(hilarité)
Vous ne voulez pas prêter serment. Nous
allons quand même vous entendre. Ce ne sera pas sous serment. Une seule
personne n'a pas été entendue sous serment par notre commission
d'enquête : c'est le Premier président de la Cour des comptes
qui est assermenté ; les ministres ne le sont pas, que je sache.
M. Claude Allègre, ministre -
Je ne peux pas
prêter serment devant le législatif, de la même façon
que le Président de la République ne peut pas venir dans votre
enceinte. Cela fait partie de la même règle.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
- Il
faudra alors former les ministres, car d'autres ministres ont
prêté serment.
M. le Président -
Souhaitez-vous faire un discours introductif ou
passons-nous aux questions ?
M. Claude Allègre, ministre -
Vous connaissez
le sujet. Vous enquêtez, vous posez des questions.
M. le Président -
Je vais donc demander à chaque
commissaire de poser ses questions.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Monsieur le
ministre, on a pu mesurer, au cours de cette commission d'enquête, la
différence d'approche entre les documents dont nous disposons pour
examiner le budget de l'éducation nationale et les renseignements que
nous avons pu recueillir.
A l'avenir, seriez-vous d'accord pour donner beaucoup plus de transparence et
de lisibilité aux documents budgétaires relatifs à
l'éducation nationale, notamment avec des annexes qui nous fourniraient
des renseignements précis sur l'évolution des personnels en
fonction des objectifs ?
M. Claude Allègre, ministre -
Je suis
partisan de la transparence. Tous les documents qui vous seront utiles pour
discuter le budget de l'éducation nationale vous seront
communiqués.
Vous avez pu vous rendre compte, au cours de votre commission d'enquête,
qui arrive à mi-parcours, de l'effort considérable de remise en
ordre de la gestion. Celle-ci ne pourra, en tout état de cause, produire
totalement ses effets que lorsque la déconcentration du mouvement du
second degré sera faite.
On s'en aperçoit néanmoins dès maintenant : pour la
première fois, au mois de mai, nous aurons la totalité des
affectations dans les académies à une unité près.
On sera d'ailleurs confrontés à des difficultés.
Dès aujourd'hui, je commence à regarder ce qui remonte. On va
avoir des excédents d'enseignants dans certaines disciplines et des
manques dans d'autres. Cela dit, on ne sera plus dans la situation dans
laquelle il fallait créer des maîtres auxiliaires cinq jours avant
la rentrée dans tous les coins sans savoir ce qu'il en est.
Vous me demandez plus de transparence pour préparer le budget ; par
définition, vous avez mon accord, de la même manière que
tous les fonctionnaires du ministère ont eu comme instruction de vous
montrer tous les documents. Je n'ai rien à cacher ; il n'y a rien
à cacher. Simplement, il faudrait se mettre d'accord pour dresser la
liste des documents que vous souhaitez.
M. le Président -
A la suite de la question de
M. Grignon, seriez-vous d'accord, monsieur le ministre, si c'est
techniquement possible, pour faire apparaître dans un document
budgétaire annexe le nombre de postes qui ne sont pas affectés
à un service d'enseignement : les décharges de telle ou
telle catégorie, pour raison de service, syndicales, les mises à
disposition diverses ? Seriez-vous d'accord pour le faire si cela est
techniquement possible, ce que j'ignore ?
M. Claude Allègre, ministre -
Le si est
important. Nous avons 1.200 mises à disposition pour des raisons
syndicales -selon la loi- pour un total de 1.200.000 fonctionnaires
environ. Nous avons aussi hérité de l'histoire. J'ai
plafonné à 950 les mises à disposition traditionnelles.
J'ai essayé de rogner un peu, ce qui est très difficile, car il y
a des fondations, des centres d'études, etc.
Nous nous sommes attaqués à un problème difficile. On ne
fait pas la guerre, mais on essaie d'être informé sur les mises
à disposition clandestines, plus difficiles à repérer, car
elles se font traditionnellement par des accords de gré à
gré, y compris à l'échelle d'un établissement.
Lorsque vous voyez des gens mécontents, y compris certains qui portent
des pancartes, vous pouvez parfois reconnaître un porteur de pancarte qui
a été pris "la main dans le sac". Il faut appeler les choses par
leur nom.
Mme Hélène Luc -
Comment se fait une mise à
disposition clandestine ?
M. Claude Allègre, ministre -
Voulez-vous que
je vous explique ? Cela voudrait dire que le ministre est capable de
tricher, mais aussi qu'il a compris comment on fait. Quand vous avez un volant
d'heures supplémentaires dans un établissement, et qu'une
personne vous met un peu de perturbation dans l'établissement, vous le
remplacez par des heures supplémentaires et vous le déchargez de
son travail. Personne n'y voit rien, y compris moi-même !
Mme Hélène Luc -
Que fait-il ?
M. Claude Allègre, ministre -
Je vous ai
déjà dit en commission que la déconcentration du mouvement
était la première étape. Le second mouvement de
déconcentration qui sera fondamental sera l'organisation des rectorats
en bassin d'éducation. On l'a expérimenté actuellement
dans quatre académies.
Comment cela se passe-t-il actuellement ? D'abord, les inspecteurs
d'académies ne s'occupaient pas des lycées. C'était
déjà une erreur. Aujourd'hui, ils s'occupent des lycées.
Certains inspecteurs adjoints d'académie s'organisent en
"millefeuille" : le premier s'occupe du primaire, le deuxième du
collège et le troisième du lycée, sans aucune
cohérence à l'intérieur de ce système.
Nous voulons une organisation qui se fasse en bassin, avec un inspecteur
d'académie adjoint qui coordonne tout l'enseignement du bassin pour voir
les flux et être le correspondant du sous-préfet pour avoir un
lien avec le tissu économique. Il connaîtra alors exactement les
postes à l'intérieur du bassin ; les postes ne pourront pas
disparaître mystérieusement. Actuellement, ce n'est pas possible.
Quand les chefs d'établissement nous disent qu'ils ne veulent personne
entre eux et le recteur, je leur réponds qu'ils se moquent de moi. C'est
comme le policier qui ne voudrait personne entre la police et le ministre de
l'intérieur. Quand le recteur a 500 établissements, il n'a
pas la possibilité d'avoir un vrai contrôle. 80 % des
dysfonctionnements de cette maison sont dus à la centralisation qui y
règne et qui rend le contrôle impossible. Quand cela sera
déconcentré, on y verra plus clair.
Cela étant dit, je suis le gestionnaire et non le propriétaire de
l'éducation nationale -d'un service public donc- au nom de l'Etat. Je ne
vois pas en quoi la représentation nationale n'aurait pas à voir
l'ensemble des documents sur ce système. Ma réponse à la
question est donc : la transparence, oui.
M. le Président -
Lors de notre passage hier dans votre maison,
rue de Grenelle, nous avons demandé des documents concernant les
services, le cabinet, les mises à disposition. Nous savons que ces
documents nous serons transmis et que vous y veillerez.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Nous allons avoir
bientôt une gestion très souple des personnels, très
précise, "colorée" sur le terrain. Comment allez-vous concilier
cela avec un recrutement national ? Arriverez-vous aussi à joindre
les deux bouts et comment ?
M. Claude Allègre, ministre -
On fait d'abord
les sommes. On a introduit un élément supplémentaire cette
année. Une règle voulait que l'on soit affecté la
première année dans l'académie où l'on avait
préparé le concours. Tout cela est fini. On est affecté
là où il y a des besoins, d'autant que les gens seront suivis. La
contrepartie est que pour la première affectation, un tuteur suivra les
nouveaux enseignants pendant trois ans ; ces derniers ne seront pas
notés pendant trois ans. Ils reviendront tous les 15 jours à
l'IUFM pour une discussion avec le tuteur pour leur faire part de
difficultés éventuelles etc. Mais ils ne seront pas
affectés là où ils ont préparé leur concours.
Cela étant dit, je ferai une remarque, mais n'y voyez aucune malice. Il
faut être conscient de la signification de
« concours
national »
et ne pas faire comme certains, se gargariser avec ce
mot. Le concours national, pour être professeur d'anglais ou de
français, c'est trente ou trente-cinq jurys séparés ayant
comme point commun de siéger à Paris ou, lors du passage des
concours, à Lyon. Ce qui est commun, c'est la cantine, et encore. En
fait, je ne sais même pas si ces concours sont vraiment légaux, au
sens du Conseil d'Etat, puisqu'ils n'ont pas le même jury.
Mais vous ne pouvez pas faire autrement. Quand vous avez 10.000 ou
15.000 candidats, vous êtes bien obligés de faire des jurys.
On n'est plus dans la situation d'autrefois où cinquante personnes
étaient reçues à l'agrégation. Les
présidents des trente jurys sont là pour coordonner les choses.
Ces trente jurys pourraient siéger dans des lieux différents, ce
qui minimiserait les frais de déplacements qui représentent de
grosses sommes.
Vous savez que l'éducation nationale, pour les examens et concours,
dépense à peu près 1,5 milliard de francs en
coûts directs. C'est la cotisation que l'on paie à la tradition
républicaine française ! D'autres ne le font pas, mais nous
le faisons. Je n'ai pas l'intention de changer cela fondamentalement, mais il
faut garder cela à l'esprit.
Le fait que l'on ait une donnée complète nous permettra d'ajuster
les choses.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
Monsieur le ministre, après quelques mois de travail dans
cette commission d'enquête, nous nous sommes aperçus que ce n'est
certainement pas dans l'enseignement primaire que se trouvent les plus gros
problèmes concernant la gestion du personnel, mais plutôt,
à l'évidence, dans l'enseignement secondaire.
Je ne vous poserai pas toutes les questions qui me viennent à
l'esprit ; les problèmes de monovalence, d'heures
supplémentaires, de maîtres auxiliaires, la multiplication des
options dans le second degré ont été agités au
cours de cette commission.
Mais je voudrais revenir sur le point concernant les horaires divers en
fonction de la qualification des professeurs, car cela nous a
choqués : un professeur certifié fait 18 heures, un
professeur agrégé fait 15 heures. Si on comprend qu'un
salaire n'est pas le même du fait de la différence de
diplôme, on comprend difficilement que, dans un même
établissement, devant les mêmes élèves, il y ait des
horaires différents. Une très célèbre porteuse de
pancarte -Mme Vuaillat- nous a indiqué...
M. Claude Allègre, ministre -
Elle ne porte
pas les pancartes : elle les fait porter.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
-
...qu'elle était d'accord avec nous, mais que sa
revendication était que tous les enseignants aient les mêmes
horaires que les agrégés. Partagez-vous ce point de vue ?
Trouvez-vous une justification à une situation qui nous paraît
anormale ?
M. Claude Allègre, ministre -
Je pense
être connu pour n'être pas partisan de la civilisation de
l'ascenseur social, mais plutôt de l'escalier social. La
différence entre les deux est que pour l'ascenseur social, suivant
l'école dont vous sortez et les galons que vous avez, vous montez
directement au 24
ème
étage de la Tour
Montparnasse ou vous montez seulement au 10
ème
, et il n'y a
pas de communication entre les étages.
Je pense qu'il faut instaurer l'escalier social : on vous met sur une
marche plus haute que l'autre selon votre diplôme, mais si ensuite vous
ne marchez pas, vous restez sur la marche et celui qui était au-dessous
vous passe devant. C'est la justice sociale. Telle est ma philosophie.
Je n'en ai pas l'air, mais j'améliore les choses !
(hilarité)
Quand je dis que le professeur fera 15 heures de cours magistraux et
3 heures d'aide à l'élève, je ramène le
certifié à 15 heures de cours magistraux comme
l'agrégé. Or, les agrégés ne représentent
que 6 % des professeurs.
La différence par rapport à l'époque où
j'étais élève, c'est que les agrégés
représentaient 50 ou 60 %. Le Premier ministre disait en conseil
des ministres que lorsqu'il était élève, il y avait un
nombre d'élèves dans les lycées correspondant au nombre
d'enseignants aujourd'hui. Cela montre l'extraordinaire croissance de
l'éducation nationale ! Le nombre d'enseignants à cette
époque était d'environ 15 ou 20.000. Aujourd'hui, c'est 300.000.
A l'époque, l'enseignement supérieur comptait
3.000 enseignants dont 1.000 professeurs ; aujourd'hui, il
compte 80.000 personnes. Les agrégés ont été
en majorité happés dans l'enseignement supérieur. Le
nombre d'agrégés restant dans l'enseignement secondaire est
relativement faible. C'est pourquoi cette anomalie ne provoque pas de
tensions ; elle en provoque quelque peu localement, le nombre
d'agrégés y étant limité. Si le nombre
d'agrégés représentait la moitié de la profession,
cela provoquerait des tensions terribles. On essaie d'améliorer cette
situation avec l'aménagement du temps de travail.
Je ne veux pas supprimer l'agrégation. Il y a l'agrégation, le
CAPES. Il faut leur donner une finalité différente. Les
agrégés devraient enseigner dans les classes de terminales et
dans le premier cycle universitaire et non pas au collège. C'est ce qui
est en train de se faire petit à petit. Cela pose le problème de
l'agrégation, dite de grammaire. Les agrégés de grammaire
étaient traditionnellement dans ce que l'on appelle aujourd'hui les
collèges. Hormis ce problème, c'est en cours de
décantation. Cela dit, vous avez parfaitement raison ; si vous le
mentionnez dans votre rapport, je ne pourrai pas réfuter.
Si vous me demandez ce que le Gouvernement va faire, je vous répondrai
que l'on fait doucement. La personne qui vous disait cela, est partisane
également de remplacer les heures supplémentaires par des
emplois, moyennant quoi, si on le fait, on voit ce que cela donne. Il faut donc
prendre ses déclarations avec prudence.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Monsieur
le ministre, il y a un consensus pour reconnaître que la formation est un
investissement prioritaire, le meilleur que la nation puisse faire. Cela s'est
traduit dans les faits puisque le budget, depuis des années, a
considérablement augmenté.
Face à une baisse démographique, pouvons-nous, voulons-nous
gérer à budget constant en procédant à des
redéploiements ou en allant vers une gestion plus fine des ressources
humaines, quand on sait que les surnombres sont évalués à
10.000 emplois ?
Mme Hélène Luc -
Monsieur le ministre, en-dehors de
toute polémique, ce qui m'intéresse, ce sont les enfants et leur
réussite scolaire.
Plusieurs membres -
Nous aussi !
Mme Hélène Luc -
Bien sûr ! Je vous ai
beaucoup entendu parlé de justice sociale et j'approuve ce que vous
dites. Je vous ai entendu dire également que le fait d'enseigner
était plus difficile que jamais, ce qui est vrai. Je vous ai aussi
entendu dire que les enfants d'aujourd'hui allaient exercer plusieurs
métiers dans leur vie.
Il me paraît indispensable de donner les savoirs fondamentaux au plus
grand nombre. On en a scolarisé beaucoup dans l'enseignement secondaire,
dans l'enseignement supérieur, mais huit fois moins d'enfants de famille
modestes réussissent par rapport aux enfants des autres familles.
La question principale que je vous pose est la suivante : comment peut-on
aider dès cet âge si la baisse démographique commence
à l'école maternelle et primaire, et que l'on assiste à
des fermetures de classes lorsque celles-ci perdent deux
élèves ? Les parents, les enseignants ont l'impression que
rien n'a changé et qu'on s'est servi de la même calculette.
J'aimerais comprendre.
Autant pour certaines écoles on peut garder des classes de
28 élèves, on peut le faire avec les comités locaux
d'éducation, mais pour d'autres on ne peut en avoir plus de 25, par
exemple dans les REP.
M. le Président -
Pour résumer les questions
posées, compte tenu des élèves tels qu'ils sont, des
difficultés que rencontrent les enseignants, de votre volonté
réformatrice -dont nous prenons acte puisque vous l'affirmez-
pensez-vous que vous pouvez agir à moyens constants ?
M. Claude Allègre, ministre -
J'ai compris
vos questions. J'espère que Mme Luc a posé la question
à Mme Royal qui gère la carte scolaire. Elle a dû vous
parler des fermetures.
Ma vision est simple. Je ne considère pas que la gestion de
l'éducation nationale soit optimale actuellement. Je me suis
attaqué à ce problème. Il ne faut pas oublier que les
régions et les départements mettent 150 milliards dans cette
opération. La première chose que je voudrais pouvoir dire est que
c'est bien géré. Je ne peux pas le dire actuellement, car la
gestion ultra centralisée des choses a fait qu'une partie de cette
gestion est toujours opaque. La technique consistant à demander toujours
plus, sans avoir un projet pédagogique, je ne pense pas que cela soit la
bonne technique.
Je pourrais le faire, ce serait très pratique et plus facile que ce que
je suis en train de faire. Je pourrais dire qu'il faut plus, mais j'ai
décidé de ne pas le faire et de regarder les problèmes. La
première des choses était la déconcentration. On m'avait
dit que je n'arriverais pas à la faire. On l'a faite. C'est
déjà un premier point.
Je voudrais, monsieur Gouteyron, vous reprendre sur un point ; vous
dites que je suis réformateur. Non. Ce n'est pas parce que je le dis,
mais parce que je le fais. Quand j'annonce des emplois-jeunes, je les fais et
quand j'annonce que je déconcentre, je déconcentre. Il fallait
donc faire cela. Au mois d'octobre prochain, au moment où l'on discutera
le budget, j'aurai une vue beaucoup plus claire des moyens .
Pour autant, les moyens donnés à l'éducation nationale
sont-ils suffisants ? Telle est la véritable question. On a pris
l'habitude de toujours considérer les créations de postes
d'enseignants, car les syndicats d'enseignants sont puissants et qu'ils ne
réclament que cela.
Avec ma vision du secondaire, je ne suis pas sûr qu'il y ait besoin de
créations massives de postes. En revanche, si vous me demandez s'il y
a-t-il assez d'ATOS, d'infirmières ? Je vous dis tout de
suite : non. Y a-t-il assez de MI-SE ? Non. Il n'y a pas assez
de " chair des établissements ".
Vous me verrez défendre au budget, je le fais déjà face
à mon collègue des finances, ce qui pour moi est la chair de
l'établissement.
Madame Luc, vous me parlez des difficultés des enfants. Cela me
soucie beaucoup. Les réformes consistent à changer.
J'étais très content de lire dans un journal du soir que certains
manifestants disaient qu'on voulait transformer leurs tâches, qu'on
voulait qu'ils aident les enfants. Oui, oui, je veux que l'on aide les enfants,
c'est vrai, et pas simplement que l'on enseigne, puis que l'on s'en aille.
Mais le travail n'est plus le sanctuaire où l'on écoute le
prêtre prêcher et l'on s'en va. Un établissement est un
travail d'équipe ; il y a une équipe éducative dans
laquelle tout le monde participe : les techniciens, les
infirmières, les surveillants...
Mme Hélène Luc -
Les assistantes sociales.
M. Claude Allègre, ministre -
Pour les
assistantes sociales, le problème est légèrement
différent. Je vous dirai pourquoi.
Dans les quartiers difficiles, il faudra mettre des médiateurs.
Pourquoi ? Quand un élève commence à être
très difficile ou très dissipé, on le tolère
jusqu'au conseil de discipline où on le rejette complètement.
Alors que l'on sait fort bien, par expérience, qu'il faut commencer par
une médiation. Mais les enseignants ne sont pas faits pour cela. Il faut
donc des gens qui soient là pour cela. On a besoin d'un vrai tissu. Je
ne suis pas sûr qu'on ait mis assez de moyens. Quand on fait des
comparaisons internationales, par rapport aux Etats-Unis par exemple,
même si une bonne partie de l'enseignement est privé, je
m'aperçois qu'il y a moins de monde dans les établissements. Je
m'aperçois aussi qu'on a un déficit d'ATOS, d'ouvriers de
service, de techniciens, de tuteurs.
Je ne pense pas que le budget de l'éducation nationale ait fait le
plein, mais ce n'est probablement pas sur ceux qui font le plus de bruit qu'il
y a le plus de besoins. Voilà ce que je veux dire.
Le problème des chefs d'établissement est un vrai
problème. On laisse ces chefs d'établissement isolés, avec
peu de moyens, avec une responsabilité pénale très lourde.
On dit que l'on veut qu'ils soient agrégés, certifiés,
professeurs, puis ensuite on ne leur donne aucune responsabilité
pédagogique. Si on veut qu'ils n'en aient aucune, autant nommer des
administrateurs. Si on nomme des professeurs, c'est parce qu'ils sont des
animateurs.
Au lycée de Goussainville qui a connu les difficultés que l'on
sait, une femme a été nommée proviseur. On n'entend plus
parler de rien parce qu'elle a repris formidablement l'établissement en
main. Les chefs d'établissement sont extrêmement importants, il
faut les aider ; ils ne doivent plus être trop isolés, il
faut une équipe autour d'eux.
C'est pourquoi, monsieur Carle, je vous répondrai très
franchement au moment du budget quand j'aurai tous les éléments.
On a fait un travail de fond considérable pour la
déconcentration, les changements d'académie.
Dans certaines disciplines, je vais me retrouver avec des surnombres. Que
va-t-on en faire ? Le fait de rester chez soi et d'attendre les
remplacements, c'est fini. Que va-t-on en faire ? Comment va-t-on les
gérer ?
Votre commission d'enquête vient, je ne dirai pas trop tôt, mais au
moment où l'on n'a pas encore tous les éléments. En tout
cas, mon but est que l'on ne puisse plus dire -c'est vraiment ma
volonté- que l'éducation nationale est un gouffre sans fond et
que l'on ne sait pas où va l'argent.
Je vous donnerai un état de la situation. La représentation
nationale discutera pour savoir si on met l'argent là, ou dans d'autres
endroits, en fonction des priorités.
Je ne crois pas que le budget de l'éducation nationale ait fait le
plein, mais je le répète : gérons mieux cette
situation. Sans parler du problème des inspecteurs qui passent les deux
tiers de leur temps à faire de l'administration au lieu d'inspecter,
alors qu'ils ne sont pas faits pour cela etc. Beaucoup de choses sont à
discuter.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous avez
parlé des emplois-jeunes dont vous avez assumé la
responsabilité, 60.000 environ, qui s'ajoutent à 45.000 CES.
Cela fait plus de 100.000 personnes à statut précaire.
Comment les intégrer à l'avenir ?
M. Claude Allègre, ministre -
Sur les
emplois-jeunes, comme je considère que nous ne sommes pas actuellement
dans une situation qui nous permet de garantir l'emploi des emplois-jeunes dans
le futur, j'ai décidé de ne pas demander d'emplois-jeunes
supplémentaires l'an prochain. Nous faisons une table ronde sur les
emplois-jeunes dans quinze jours. Nous sommes en train de prendre à
bras-le-corps le problème du débouché des emplois-jeunes.
Nous avons actuellement 55.000 effectifs, 60.000 emplois-jeunes,
75.000 en poste. En régime permanent, environ 16.000 sortent par
an. Ils ont passé les concours de la fonction publique, enseignants ou
non-enseignants. La fonction publique ne pourra en absorber plus de 4.000. Par
conséquent, il faut trouver des débouchés hors de la
fonction publique pour 12.000 d'entre eux.
Ces débouchés existent hors du champ offert par la formation
éducation nationale. Or; actuellement, ils sont beaucoup mieux
formés : 60 % suivent une formation, soit en enseignement
à distance, soit dans les IUFM, soit en faculté. Tout cela est
dans le péri-enseignement. Si l'on veut qu'ils sortent de là, il
faut qu'ils aient des formations professionnelles dans les organismes de
formation professionnelle.
On a des offres. Pour vous donner un exemple, l'UIMM est prête à
en prendre 30.000, en payant leur formation. Mais cela demande une discussion.
Il y a d'autres secteurs. Hier, j'ai signé un accord de
coopération avec le groupe Accor. Je ne veux pas me fabriquer une
chaudière qui explose ; on a donc décidé
d'arrêter cette année pour remettre les choses bien à plat,
et on repartira si on trouve cette solution.
Ensuite, on s'est attaqué au problème des CES pour lesquels on
essaie de trouver avec Mme Aubry certaines solutions. On les a fait
diminuer énormément alors qu'ils étaient 70.000 quand je
suis arrivé ! On en est à 45.000.
Je veux faire disparaître l'emploi précaire.
Sur les maîtres auxiliaires que j'ai repris, parce que je tiens à
ce qu'ils soient intégrés normalement après des concours,
etc., il faut bien reconnaître qu'un certain nombre ont beaucoup de mal
à passer les concours. On envisage la possibilité de les
reprendre en IUFM, de leur donner un an de formation, et de voir ce que l'on
peut faire pour eux. Je ne masque pas les difficultés
considérables à résoudre, mais je ne peux pas non plus
décider par un simple claquement des doigts. Ce n'est pas facile.
Pour les maîtres auxiliaires, si on n'avait pas fait la
déconcentration, on continuait. Quand vous avez cinq jours pour
résoudre les problèmes de rentrée, vous embauchez les
maîtres auxiliaires. L'an passé, j'ai cédé, car on
ne pouvait pas satisfaire les rentrées ici ou là.
On s'attaque donc aussi aux emplois précaires. Je suis
raisonnable : j'aurais pu avoir 20.000 emplois-jeunes de plus cette
année, j'ai dit non.
M. Serge Lagauche -
Monsieur le ministre, mes collègues de
la majorité ont posé une question à M. Sautter sur
les heures supplémentaires. Monsieur Sautter nous a dit qu'il
s'était concerté avec vous pour voir comment régler ce
problème, sachant que, à juste titre, les recettes
escomptées de la réduction de la rémunération des
heures supplémentaires ayant été apparemment
engagées, cela va entraîner forcément une dépense
supplémentaire. Mes collègues étaient perplexes et
voulaient savoir comment vous alliez vous y prendre, compte tenu de l'effet
d'annonce que vous aviez fait, en disant que c'était un problème
économique. Comme ils ne posent pas la question, je vous la pose.
M. Claude Allègre, ministre -
Je vais vous
décevoir. Je ne vais pas vous donner la primeur de la solution que je
compte apporter à ce problème, pas plus que je ne l'ai fait
à l'Assemblée nationale tout à l'heure.
D'une part, ce n'est pas terminé. D'autre part, je ne fonctionne pas
avec la pression de la rue -c'est clair et net- surtout quand une manifestation
fait cinq fois moins de personnes que ce qui a été
annoncé. Ce n'est pas ainsi que je fonctionne ; je fonctionne dans
l'intérêt des gens.
Je voudrais insister sur ce point et demander la plus grande attention, tant de
la majorité que de l'opposition. Je continue à penser que ce que
j'ai fait dans cette opération était une bonne opération
d'un point de vue de la solidarité nationale, de l'éthique et de
la logique de la lutte contre le chômage.
Des heures supplémentaires payées 42 semaines alors que 36
étaient faites, comme l'a montré le rapport de la Cour des
comptes, c'était anormal. Les heures supplémentaires annuelles
sont une méthode que je ne trouve pas très saine dans la fonction
publique. Autant je pense que les heures supplémentaires effectives,
c'est bien ; autant les heures supplémentaires annuelles, on ne
sait pas où l'on va. Il vaut mieux donner des primes que de les masquer
par des heures supplémentaires annuelles.
J'ai fait cette régulation qui devait permettre de donner du travail
à 20.000 jeunes.
Je pense que c'était une bonne action. Je continue à penser,
-vous me prendrez pour un grand naïf, ce qui est sans doute vrai pour ce
cas précis- que l'éducation nationale pouvait donner un exemple
en réduisant quelque peu son train de vie pour donner du travail aux
gens qu'elle avait formés à bac et bac + 2, et qui
étaient sans travail.
Cette mesure m'a valu une impopularité terrible parmi les enseignants.
Tout le reste ne porte pas sur les vraies raisons ; les vraies raisons
sont là : depuis des années cette profession a
été habituée à discuter quantitatif au lieu de
discuter qualitatif. Je suis réaliste. Cela a été
très mal pris. Par conséquent, il faut trouver une solution.
Vais-je à nouveau repayer 42 semaines ? Non. Je ne vais pas
faire quelque chose d'illégal.
Par conséquent, il faut trouver un moyen pour retrouver le même
volant financier. J'engage une réforme sur les lycées pour des
choses qui inciteront par exemple à l'aide à
l'élève. On voit bien qu'il y a réticence sur cette aide
à l'élève. Peut-être faut-il aider l'aide à
l'élève, arranger un certain nombre de primes ici ou
là ?
Je l'annoncerai le moment venu, lorsque cela me paraîtra
nécessaire pour mettre sur pied correctement la réforme du
lycée. Voilà ce que je tiens à dire.
Cela étant dit, il faut arrêter de raconter, comme je le lis ici
ou là dans des interventions parfois de la gauche, parfois de la droite,
parfois des syndicats, qu'en supprimant des heures supplémentaires, on
va créer des emplois. Je l'ai fait, je sais ce que cela veut dire :
ce n'est que pure illusion. Personne ne créera des emplois.
Je rencontre souvent des chefs d'entreprises dans des fonctions de recherche et
de technologie, ils ont lu le message et ont compris ; aucun ne se lancera
dans cette opération. Il faut en tirer une leçon
générale.
C'est une fausse piste. Le fait de dire :
« L'éducation nationale a 8 milliards d'heures
supplémentaires, on pourrait donc créer
45.000 emplois. ».
45.000 emplois pour quoi
faire ? Faire des professeurs qui n'auraient plus
d'élèves ?! Je ne crois pas que cela soit une solution.
Pour terminer, cette éducation nationale, complètement
cloisonnée, a un secteur -peut-être le meilleur secteur- qui est
loin d'être saturé, qui a des taux d'encadrement extraordinaire,
qui est le secteur professionnel que nous sommes en train de rénover. Ce
secteur professionnel donne de l'emploi à 83 % des
élèves, alors que l'on y envoie les élèves dont on
ne veut pas dans l'enseignement général. L'effort que l'on a
à faire doit être beaucoup plus grand sur l'enseignement
professionnel pour inciter davantage de jeunes à y aller. C'est pour moi
la grande priorité, pour l'emploi et également parce qu'on a les
moyens .
Hier, je signais donc un accord avec le groupe Accor. Pensez que sur nos
formations professionnelles d'hôtellerie et de tourisme, notre
capacité représente la moitié des offres d'emploi. On
pourrait doubler le nombre d'élèves dans nos lycées
professionnels et ils trouveraient un emploi. Il faut donc encourager cette
filière.
On a fait de gros efforts sur le rapprochement école-entreprise. Mais il
y en a un que nous n'avons pas fait : ouvrir l'école aux personnes
des entreprises pour venir parler de leurs métiers, non pas pour
recruter, mais pour venir expliquer leurs métiers. Les gens qui
orientent les élèves, les enseignants, ne connaissent pas
l'entreprise. Les conseillers d'orientation, c'est mieux, mais ils ne parlent
pas de leur métier. Il faut donc faire venir des gens des entreprises
pour les faire parler devant les élèves afin de leur expliquer.
Ils verront que tous les métiers sont passionnants. Prenons l'exemple de
la mécanique. Ce sont les machines outils, ce sont des choses
formidables, c'est merveilleux. Ils s'orienteront alors de ce
côté-là. Tout le monde doit faire un effort dans ce domaine.
M. le Président -
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup
parlé de déconcentration avec conviction, en faisant remarquer
que vous l'aviez faite. Dont acte.
M. Claude Allègre, ministre -
J'ai fait la
première partie. La seconde partie sur les bassins d'éducation
n'est pas faite.
M. le Président -
Pour s'en tenir à ce qui a
été fait, pensez-vous que telle qu'elle est faite, la
déconcentration permettra aux recteurs d'affecter plus facilement les
enseignants là où ils seront les plus utiles, en tenant compte de
leurs voeux ?
M. Claude Allègre, ministre -
Ma
réponse est oui. L'important n'est pas ce que je pense, mais ce que
pensent les recteurs ; pas un seul ne vous dira le contraire.
M. le Président -
Cela suppose qu'ils aient une certaine marge de
manoeuvre, car s'ils ne font qu'appliquer un barème, je ne vois pas bien
ce que cela changera.
M. Claude Allègre, ministre -
Si vous me
permettez, je ne ferai aucun commentaire sur cette phrase, car les
barèmes établis sont différents. Le barème est
négocié par académie.
Pour vous donner un exemple, dans l'académie de Toulouse, l'une des plus
étendues, l'idée d'inclure dans le barème le rapprochement
des conjoints, avec un coefficient important, est une idée
intéressante. Quand vous êtes dans l'académie de Paris, le
rapprochement des conjoints ne doit pas intervenir dans le barème, cela
n'a rien à voir. Si un conjoint est à Auteuil et l'autre à
Vincennes, ce n'est pas dramatique.
Une négociation se fait par académie, sachant que l'on traverse
une période de transition pour ces barèmes ; ils seront
modulés en fonction des académies. Ces barèmes ne sont pas
n'importe quoi ; ils ne se font pas à la tête du client. Je
crois que cela se passe très bien.
Tous les recteurs me disent que la déconcentration est rentrée
complètement dans la tête des syndicats localement ; ils en
discutent et l'ont bien intégrée. Cela se passe très bien.
Evidemment au sein des syndicats, il y a un transfert des pouvoirs depuis le
sommet vers les académies. Je ne suis pas sûr que cela soit
toujours bien pris par le sommet.
Dans l'administration de la rue de Grenelle, les gens qui faisaient des
affectations nationales, ne sautent pas de joie de ne plus avoir ce pouvoir qui
part dans les périphéries. C'est la vie.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Sur l'enseignement
professionnel, monsieur le ministre, je rappellerai la déclaration du
professeur Gilles De Gennes à la commission des finances selon
laquelle vous seriez bien inspiré en arrêtant l'éducation
nationale pendant six mois et en envoyant l'ensemble des professeurs dans les
entreprises afin qu'ils connaissent mieux le fonctionnement de
l'économie. Il a repris cette idée dans un article du journal
« Le Monde »
. Qu'en pensez-vous ?
M. Claude Allègre, ministre -
Il a raison.
M. le Président -
Il a théoriquement raison.
M. Claude Allègre, ministre -
J'ai
été dans la même position que lui ; cela me permettait
de dire beaucoup de choses. Mais pour un ministre, c'est différent.
Un exemple : l'Ecole nationale d'administration fait, à mon avis,
quelque chose de très intelligent. Quand vous avez passé deux
années à Sciences Po, ou trois années à
préparer l'Ecole nationale d'administration, au lieu de continuer
à vous abrutir avec des cours, on vous met dans une préfecture,
dans une ambassade ou dans une entreprise ; puis, pendant un an, vous
êtes aux prises avec les réalités.
On a discuté de cette idée avec les directeurs des grandes
écoles. Ces élèves sortent de deux ou trois années
de classe préparatoire. Ils ont énormément
travaillé. Pourquoi ne pas les mettre en entreprise directement ?
Tout le monde trouve que l'idée est bonne. Le problème, terrible,
qui se pose est de savoir ce que l'on fait des professeurs la première
année où l'on met ce système en marche. Tout le monde bute
sur ce système : on ne sait pas quoi faire des professeurs. Je leur
ai dit de les mettre en entreprise, mais aussi faut-il qu'ils le veuillent. On
va essayer d'instaurer ce système dans certaines grandes écoles,
mais le régime transitoire est difficile.
Pour ma part, je souhaiterais que l'on puisse arriver à avoir plus
d'années sabbatiques pour les enseignants afin qu'ils puissent aller en
entreprise, encore faudrait-il qu'ils le veuillent. Dans la loi sur
l'innovation, que vous avez votée, il est prévu que les
enseignants peuvent aller en entreprise sans perdre leur poste d'enseignant. Il
faut arriver à cela. C'est tout l'état d'esprit qui m'anime.
Je ne considère pas que l'école est un sanctuaire isolé
dans la cité. Je pense au contraire que l'école est un coeur pour
la cité. L'enseignant n'est pas isolé, il doit être au
coeur de la cité. L'avenir est qu'il aille passer du temps en
entreprise, dans une administration, qu'il revienne enseignant, qu'il apporte
toute la vie de la cité dans son enseignement. C'est pour cela qu'il y a
une grande difficulté, car c'est un changement important. L'école
devient un coeur. Ce qui marche encore dans les quartiers difficiles, c'est
l'école. On attend beaucoup de l'école.
Cette nécessité d'un changement de l'attitude de l'école
fait que le métier d'enseignant est très difficile. En même
temps, le sociologue François Dubet fait la remarque suivante sur
l'attitude de la population envers l'école ou l'Etat : quand on
disait :
« Je n'ai pas eu l'occasion d'aller à
l'école. On ne m'a pas laissé y aller »,
il y avait
une revendication contre la société. Aujourd'hui, on dit :
« L'école m'a orienté »
. Autrement
dit, la revendication de l'injustice se fait contre l'école, au sein de
l'école. On demande énormément de choses à
l'école. Si la réussite sociale ne se fait pas, on n'accuse plus
la société, on accuse l'école.
C'est pourquoi je dis que le métier est beaucoup plus difficile
aujourd'hui. Raison de plus -c'est ce que je souhaite- pour que les
enseignants, au lieu de s'opposer à des réformes, comme certains
le font par habitude depuis un certain nombre d'années, reprennent ce
qu'il ont été entre 1945 et 1970, c'est-à-dire les moteurs
de la réforme.
Toutes les réformes entre 1945 et 1970 étaient proposées
par des enseignants : le plan Langevin-Vallon, le colloque de Caen, les
propositions de 1968. Les enseignants étaient les moteurs du mouvement.
Depuis plusieurs années, ils défilent pour s'opposer aux
réformes. Dans tous les sondages, ils se plaignent que la
société ne les reconnaît plus assez. Je crois que l'un est
lié à l'autre. Le jour où les enseignants seront les
moteurs des réformes, ils redeviendront le coeur de la
société. Dans cette société moderne où le
savoir prend de plus en plus d'importance, où l'on parle
d'économie de la matière grise, ils doivent occuper une position
centrale. Il faut qu'ils l'occupent ; on n'ira pas les prendre par la main
pour les y mettre. Il faut qu'ils soient des moteurs.
Je vais beaucoup dans les lycées professionnels. Je vois que cet
état d'esprit est celui des enseignants des lycées
professionnels. Les hussards de la République sont les enseignants des
lycées professionnels. On leur donne des enfants qui ne sont pas les
plus doués, ils en font des gens capables. C'est formidable. Je souhaite
de tout coeur que l'on revalorise ce secteur.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Etes-vous
prêt à modifier la multiplicité de l'approche disciplinaire
et à mettre fin à des concours de recrutement dans des
disciplines où il y a des surnombres ?
Estimez-vous normal par ailleurs qu'une organisation syndicale puisse informer
l'enseignant de ses droits avant l'autorité hiérarchique ?
M. Claude Allègre, ministre -
C'est fini.
Avec le mouvement déconcentré, chaque enseignant peut suivre la
progression de son dossier au jour le jour sur Internet dans son
établissement.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Autrement
dit, que pensez-vous du poids de certains syndicats dans certaines
évolutions.
M. Claude Allègre, ministre -
Quand le poids
des syndicats est excessif... Je ne m'amuse pas à faire de la politique
politicienne, mais il faut bien en faire de temps en temps. Je suis un ministre
de gauche ; je suis de gauche depuis mes chaussettes jusqu'au bout des
cheveux. Néanmoins, j'ai dit aux syndicats qu'ils avaient un rôle,
que je respecte, qui est essentiel, mais qu'ils n'avaient pas le rôle de
gérer à ma place l'éducation nationale ; ce que
n'avait pas fait mon prédécesseur, pourtant classé
à droite, en tout cas qui se place à droite.
Je ne suis pas suspect, mais les syndicats représentent une force
importante qui, s'ils sont à leur place, ne doit pas interférer
avec la gestion de l'éducation nationale. Il ne faut pas confondre les
deux choses. Les syndicats ont leur rôle. Ils doivent être
respectés et traités en tant que tels.
Par ailleurs, lorsqu'ils fonctionnent bien et qu'ils sont bien
organisés, cela permet un dialogue social fructueux. J'ai un excellent
dialogue social avec l'ensemble des syndicats du primaire. On vient de discuter
la carte scolaire ; cela tiraille ici ou là. Ils défendent
leur point de vue, c'est normal.
L'éducation nationale est gérable. Lorsque vous posez la question
à un grand industriel qui fait des fusions :
« Pourquoi faites-vous ces fusions ? »
.
« Chaque fois qu'on fait une fusion, on coupe en petites
unités. »
. Il y a un grand groupe, mais on coupe en
unités.
L'éducation nationale doit être un grand groupe coupé en
petites unités, reliées ensemble. Je crois qu'elle est
gérable, tout à fait. Je crois beaucoup, beaucoup à
l'éducation nationale.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Sur la
multiplicité des disciplines et sur le recrutement dans certaines
disciplines qui ont déjà des surnombres ?
M. Claude Allègre, ministre -
Ce
problème est délicat. Nous faisons une gestion pluriannuelle, ce
qui m'évite d'avoir des marches d'escalier terrifiantes pour les pauvres
étudiants qui préparent un concours. J'ai dit qu'il n'y aurait
pas de marches d'escalier de plus de 25 % ; sur certaines
disciplines, il y en avait de 150 %. Quand ils arrivent, on leur annonce
qu'il y a une fois et demi moins de places aux concours. Humainement, il est
impossible de dire cela. C'est terrible. Cette gestion pluriannuelle est donc
une nécessité absolue.
Cela dit, vous avez raison : on a multiplié un certain nombre de
disciplines de manière exagérée. On n'a pas encore atteint
le niveau de l'Uruguay où les professeurs de géométrie
sont différents de ceux d'algèbre. Le ministre de
l'éducation d'Uruguay a essayé de faire des professeurs de
mathématiques et il a essuyé une grève.
Nous avons un nombre considérables d'enseignements de langues
étrangères. On enseigne le suédois, le yougoslave, le
turc, mais le nombre d'élèves est relativement restreint. Mais
une fois que c'est signé, si on enlève le néerlandais ou
le suédois, Hubert Védrine viendra me voir en me disant que
c'est un incident diplomatique majeur et que je ne peux pas faire cela. Je suis
ahuri.
Ce que l'on essaie de faire maintenant, c'est d'arrêter de faire ce qui
se faisait. Par exemple, dans les lycées Montaigne, Lavoisier et
Henri IV, on créait une option pour
quatre élèves. Le proviseur voisin en faisait une autre et
Henri IV une autre encore. Si on voit de la mauvaise humeur dans les
lycées parisiens, c'est que le recteur a remis de l'ordre en disant que
les élèves pouvaient faire 200 mètres pour suivre les
options. C'est un vrai problème.
Vous auriez dû poser votre question à Mme Royal qui s'occupe
des collèges sur la bi-appartenance pour le collège. On est le
seul pays au monde à faire une spécialisation aussi
étroite au collège. Vous savez comme moi ce qu'il y a
derrière, qui ne relève pas d'une grande pédagogie. Il
faudra bien un jour que le problème soit posé.
M. le Président -
Madame Royal a été moins
catégorique. Elle a parlé d'interdisciplinarité, de
formules...
M. Claude Allègre, ministre -
Je n'ai pas dit
qu'on y allait tout de suite ; j'ai dit qu'il faudrait bien qu'un jour le
problème soit posé. Cela ne doit pas être différent
de ce qu'elle vous a dit, car on parle très souvent ensemble.
M. le Président -
Avez-vous évalué le coût
des mesures dont vous nous avez parlé tout à l'heure, tendant
à rétablir le "pouvoir d'achat" après le mouvement des
enseignants ? Vous nous avez expliqué qu'il n'était pas
question de rétablir les heures supplémentaires année.
M. Claude Allègre, ministre -
Pas de la
même manière. Je me suis exprimé sur le sujet.
M. le Président -
Je vous ai demandé si vous l'aviez
évalué.
M. Claude Allègre, ministre -
J'ai dit que
j'allais rétablir le pouvoir d'achat, c'est-à-dire des mesures
qui, globalement, seront équivalentes.
M. le Président -
Combien cela fait-il ? Autour de
500 millions de francs ?
M. Claude Allègre, ministre -
Vous avez
voté le budget.
M. Claude Domeizel -
Cette commission nous a permis de
visiter des établissements, des rectorats. Nous avons surtout
constaté qu'il s'y faisait du bon travail.
L'école dans les quartiers difficiles est peut-être le seul
service qui se soit maintenu. Il n'est qu'à voir la présence des
familles autour de l'école dans les quartiers difficiles de Marseille
pour constater l'attente des familles.
Je voudrais vous poser une question que je me suis souvent posée. C'est
un métier qui évolue ; il y a un besoin de formations.
Puisque notre commission est chargée de la situation et de la gestion
des personnels, je parlerai du gros de la troupe éducative -les
enseignants-, pensez-vous que l'on peut rester enseignant 37 ans et demi
sans formation ou 37 ans et demi d'affilée ?
M. Claude Allègre, ministre -
Je ne peux pas
vous laisser dire sans formation. Ma mère l'a été pendant
40 ans et mon père également. Je réponds donc
à l'évidence, oui, expérimentalement.
Je vous répondrai de manière un peu plus détaillée.
Vous avez noté, je suis très heureux de cela, que l'école
tenait, même dans des conditions difficiles. C'est l'école de la
République. S'il n'y avait pas une école publique, si l'Etat
n'établissait pas cette égalité républicaine
partout, cette école ne tiendrait pas, car si elle était
livrée au marché, l'école serait fermée dans
certains quartiers.
Vous avez également constaté qu'enseigner le français
à Bobigny n'est pas pareil qu'enseigner l'histoire à Neuilly. Par
conséquent, il faut donner plus à ceux qui ont moins.
Ce n'est pas facile. Dans une école où circulent un certain
nombre d'habitudes, de traditions, de philosophies, il faut donner pareil
à tout le monde, et la règle de trois doit s'imposer, les gens
ayant confondu égalité républicaine et
égalitarisme. Or, l'égalité, c'est le contraire :
c'est donner plus à ceux qui ont moins. C'est donc très
difficile. C'est le ministre qui impulse cela en n'étant pas toujours
bien compris.
C'est le véritable défi de demain, pas seulement des ZEP, mais
d'une manière générale, de donner un peu plus à
ceux en difficulté, aussi bien à l'échelle des
régions riches ou pauvres, des départements, des villes, des
villages, et même à l'intérieur de la classe, à
celui qui est d'une famille ne pouvant pas payer des leçons
particulières. C'est ce que nous faisons dans la réforme ;
les leçons particulières seront payées par l'Etat, pour la
première fois. Vous avez donc complètement raison.
Pour les enseignants, il faut mieux les former, certes. La formation continue
est le chantier sur lequel nous allons travailler cette année. Elle doit
être à mon avis revue. Quant au fait de savoir si l'on peut
être enseignant pendant 37 ans et demi, ce n'est pas le
métier le plus dur aujourd'hui. La preuve en est que dans le sondage
fait par le SNES, à la question :
« Voulez-vous
changer de métier ? »
98 % répondent
non .
M. Claude Domeizel -
Il n'y a pas que la
difficulté du métier, il y a l'adaptabilité.
M. Claude Allègre, ministre -
Je veux trouver
un juste milieu. Le métier d'enseignant est un métier dur,
difficile, contraignant. Néanmoins, d'autres métiers, comme
certains métiers ouvriers, sont beaucoup plus difficiles et plus durs
que le métier d'enseignant.
En revanche, je voudrais vous inviter à emprunter cette voie : ce
qui n'est pas normal, c'est de rester 15 ans dans un quartier très
difficile pendant que d'autres restent 30 ans dans un quartier très
facile, avec des classes moins nombreuses. Tel est le vrai problème. La
véritable question dans ce service public est qu'il entraîne des
inégalités considérables de revenus et de situation entre
les gens.
C'est le véritable défi. Je n'ai pas les moyens aujourd'hui, en
raison d'un blocage syndical au niveau du secondaire, pas au niveau du
primaire, de proposer que deux années d'ancienneté dans les
quartiers difficiles vaudront trois ans.
M. le Président -
Les syndicats ne l'acceptent pas ?
M. Claude Allègre, ministre -
Non, ils ne
sont pas d'accord. Cela veut dire qu'ils ne feraient pas 37 années et
demi. Ils seraient dans un quartier difficile, mais prendraient leur retraite
plus tôt, comme pour les chauffeurs de locomotives à charbon
à une certaine époque. Cela serait juste, mais actuellement je ne
peux pas faire passer cela.
M. le Président -
Vous avez parlé de bassins. Cette notion
de bassins permettrait-elle de répondre à la préoccupation
de M. Domeizel ?
M. Claude Allègre, ministre -
Je le crois. On a
quatre académies expérimentales sur les bassins. Je voudrais
d'abord casser le "millefeuille". Cela paraît invraisemblable, mais c'est
ainsi. Je voudrais que dans une même réunion se réunissent
les directeurs d'écoles, les principaux des collèges, les
proviseurs des lycées afin qu'ils discutent ensemble. Ils appartiennent
au même métier, au même monde. Il faudrait qu'ils discutent
ensemble sur le devenir des enfants, sur leur orientation. Cela ne se fait pas
pour le moment. Chacun est dans sa strate. Cela me paraît très
important.
Quant au lycée professionnel, avant toute chose, il doit retrouver toute
sa dignité. Demain, je vais dans un lycée professionnel. J'y
rencontre des enseignants formidables, mais ils se sentent meurtris pour avoir
été déconsidérés au cours du temps. Il faut
donc redonner une égale dignité à tout le monde. Il n'y a
pas ceux d'en haut, les autres, etc. C'est le véritable problème.
Pour redonner une égale dignité, il faut casser
l'égalitarisme, c'est-à-dire donner plus à ceux qui ont
moins. Il faudra par exemple accorder une année d'ancienneté
supplémentaire à ceux qui auront enseigné deux ans dans
les quartiers difficiles
Il faudra travailler collectivement pour convaincre. La culture, c'est la
règle de trois. Vous avez vu le débat des deux syndicats qui se
sont opposés concernant l'aide aux élèves. J'ai
tranché en disant qu'il y aura un minimum pour tous et plus à
ceux qui ont moins. Mais c'est un vrai problème.
M. le Président -
Merci monsieur le ministre. Je pense que nous
allons arrêter ici cette audition en vous remerciant de votre
collaboration.
Pour lever vos scrupules, j'ai fait vérifier et il est parfaitement
constitutionnel de faire prêter serment aux ministres. Mais j'ajoute
à votre décharge que vous n'aviez pas besoin de prêter
serment pour dire ce que vous avez à dire.
M. Claude Allègre, ministre -
Merci, monsieur
le président. Excusez-moi alors.
COMPTE RENDU SOMMAIRE DE L'AUDITION DE
MME
GENEVIÈVE ZEHRINGER,
PRÉSIDENTE DE LA SOCIÉTÉ
DES AGRÉGÉS
PAR LE BUREAU DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE
(31 MARS 1999)
Présidence de M. Adrien Gouteyron, Président
Après avoir prêté serment,
Mme
Geneviève Zehringer
a rappelé que la société
des agrégés comptait 11 961 adhérents au 31
août 1998 soit une progression de 20 % depuis 10 ans. Elle a
indiqué que la société des agrégés
s'intéressait à la question du contrôle des dépenses
publiques afin de préserver l'égalité de droit des
élèves à recevoir la meilleure éducation.
Constatant la difficulté de dénombrer précisément
les enseignants, elle a remarqué que la déconcentration du
mouvement n'améliorerait pas cette situation compte tenu de la
difficulté à recenser les personnels contractuels recrutés
localement par les recteurs. Elle a cité pour mémoire les
enquêtes coûteuses et peu fiables qui ont été
lancées pour estimer le nombre des maîtres auxiliaires, et
l'incapacité du ministère de l'éducation nationale
à connaître le nombre d'attachés temporaires d'enseignement
et de recherche (ATER).
Elle a estimé que la mise en place du mouvement " dit national
à gestion déconcentrée " pour les enseignants du
second degré ne permettrait ni une meilleure répartition des
moyens, ni une gestion plus humaine des affectations et qu'elle ne remettrait
pas en cause la cogestion syndicale.
Elle a de plus remarqué que la gestion nationale du mouvement assurait
une répartition territoriale satisfaisante des professeurs
agrégés. Elle a ainsi dénoncé les chiffres
cités sur le nombre de professeurs agrégés affectés
en Seine-Saint-Denis. Elle a indiqué que le ministre estimait que ce
nombre avait diminué entre 1997 et 1998, passant de 400 à 100
alors qu'il avait progressé en réalité passant de
1 008 à 1 041.
Mme Geneviève Zehringer
a fait observer qu'elle ne remettait pas
en cause le rôle et les fonctions des syndicats mais qu'elle s'opposait
à la cogestion, notamment lorsque le recrutement dans la fonction
publique ne s'effectuait pas par voie de concours mais par nomination par une
commission paritaire. Elle a, de plus, craint que la cogestion ne soit
aggravée par la déconcentration du mouvement qui favorisera les
syndicats disposant d'élus dans toutes les académies, au
détriment des organisations syndicales moins bien implantées
localement et des personnels non syndiqués. Par ailleurs, elle a
indiqué que les revenus des professeurs agrégés
étaient inférieurs aux revenus du secteur privé à
qualification égale.
Elle a ensuite dénoncé la réforme du paiement des heures
supplémentaires, intervenue avec le décret du 30 juillet 1998 qui
réduit leur base annuelle de 43 à 36 semaines. Elle a
d'ailleurs remis en cause cette définition de l'année scolaire,
indiquant qu'elle rompait avec les traditions et les textes antérieurs.
M. Adrien Gouteyron, président
, a souhaité connaître
le nombre exact de professeurs agrégés, rappelant qu'il
était officiellement de 36 500 d'après la loi de finances,
alors que les effectifs réels, selon certaines sources bien
informées, seraient de 41 300.
Mme Geneviève Zehringer
a expliqué qu'au 1
er
janvier 1998 on dénombrait 37 161 professeurs agrégés
auxquels il convenait d'ajouter 4 498 professeurs hors classe, soit
12 % du corps.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
, s'est demandé comme
s'expliquait la différence entre les chiffres du ministère de
l'éducation nationale et ceux de la société des
agrégés sur le nombre de professeurs agrégés
enseignant en Seine-Saint-Denis.
Mme Geneviève Zehringer
a déclaré que la direction
de la programmation et du développement, qu'elle avait interrogé
à ce sujet, n'avait pas été en mesure de lui
répondre. Elle a rappelé que les professeurs
agrégés ne fuyaient pas les zones difficiles.
M. Xavier Darcos
a estimé que le discours ministériel tenu
sur la Seine-Saint-Denis ne constituait pas une erreur d'évaluation mais
traduisait une véritable volonté politique.
Mme Geneviève Zehringer
a ajouté que les mises en cause
" répétées et tendancieuses " du
ministère de l'éducation nationale avaient pour objet d'imposer
des réformes sans négociations préalables.
M. Xavier Darcos
a déclaré partager les craintes de Mme
Geneviève Zehringer sur les risques de développement de la
cogestion syndicale avec la réforme du mouvement national. Il a
également demandé des précisions sur les recrutements hors
la formule traditionnelle du concours.
Mme Geneviève Zehringer
a indiqué que les commissions
administratives paritaires nationales ne donnaient qu'un avis pour les
nominations sur liste d'aptitude. Elle a indiqué que les syndicats
n'avaient pas de connaissances scientifiques et pédagogiques en ce
domaine et s'est prononcée pour le maintien de jurys nationaux.
M. Adrien Gouteyron président
, s'est demandé si l'on
pouvait constater des cas de personnels agrégés recrutés
au tour extérieur qui ne satisfaisaient pas aux compétences
requises pour assurer leur fonction.
Mme Geneviève Zehringer
a indiqué que 6.000 nominations
avaient été effectuées à ce titre depuis 1972. Elle
a ajouté que la nomination d'inspecteurs pédagogiques
régionaux sur liste d'aptitude et la nomination d'inspecteurs
généraux au cinquième tour, sans expérience
d'enseignement, étaient sources d'effets pervers dans les classes
inspectées, voire d'excès de complaisance à l'égard
des enseignants.
S'associant à cette analyse,
M. Xavier Darcos
s'est
prononcé en faveur d'une diminution des nominations au tour
extérieur. Il a rappelé qu'il avait été conduit,
lorsqu'il était doyen de l'inspection générale, à
interdire d'inspection certains inspecteurs recrutés au 5
e
tour qui étaient manifestement incompétents.
M. Francis Grignon, rapporteur
, s'est demandé s'il était
possible de dénombrer précisément les personnels
recrutés localement.
Mme Geneviève Zehringer
a répondu que les recteurs et les
chambres régionales des comptes disposaient de ces informations.
M. Adrien Gouteyron, président,
a demandé des
précisions sur la répartition des professeurs
agrégés, de la classe de 6e jusqu'à l'université.
Mme Geneviève Zehringer
a souhaité, conformément
aux statuts, que les professeurs agrégés soient d'abord
affectés en lycée et exceptionnellement en collège.
M. Adrien Gouteyron, président
, s'est enfin enquis des conditions
dans lesquelles la Société des agrégés avait
été privée de son unique mise à disposition.
Mme Geneviève Zehringer
a indiqué que le ministère
lui avait d'abord demandé un rapport d'activité, qui avait
été remis en juin 1998. Le 24 août, elle s'est enquis des
suites de ce rapport auprès du ministère, les mises à
disposition relevant du cabinet du ministre. Elle a précisé que
la décision du ministre de retirer la mise à disposition dont
bénéficiait la Société des agrégés
lui avait été notifiée par une lettre du 22 septembre 1998
et confirmée par une lettre du 30 décembre 1998. Elle a
rappelé que la société des agrégés ne
bénéficiait que d'une seule mise à disposition pour
12 000 adhérents.
De plus, elle a constaté qu'aucune explication convaincante n'avait
été avancée par le ministère, le reproche fait
à la société des agrégés d'indemniser son
permanent pour ses frais et sujétions étant sans fondement. Elle
a également réfuté l'argument selon lequel sa mise
à disposition aurait duré trop longtemps c'est-à-dire
10 ans alors que la Société en dispose depuis 30 ans.
Mme Geneviève Zehringer
a indiqué que le ministère
ne pouvait arguer du fait que les mises à disposition devaient permettre
d'aider des associations débutantes, compte tenu du nombre de mises
à disposition, d'ailleurs justifié et légitime,
accordé à des associations déjà anciennes comme la
Ligue de l'enseignement. Enfin, elle a indiqué que le ministère
de l'éducation nationale avait proposé de remplacer la mise
à disposition dont bénéficiait la Société
des agrégés par une formule de détachement, cette solution
impliquant, selon elle, un changement de statut.