AUDITION DE M. PIERRE TOURNEMIRE,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
ADJOINT DE LA LIGUE FRANÇAISE
DE L'ENSEIGNEMENT ET DE
L'ÉDUCATION PERMANENTE
(10 MARS 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Pierre Tournemire.
M. Jean-Léonce Dupont, président -
Monsieur le
secrétaire général adjoint, je vous remercie de votre
présence à cette commission d'enquête. Je vous propose de
rappeler les raisons de la création de la Ligue française de
l'enseignement et les modalités de son organisation actuelle, et
peut-être quelles en sont aujourd'hui les principales
caractéristiques. Nous passerons ensuite aux questions.
M. Pierre Tournemire -
Je représente une association,
la Ligue française de l'enseignement et de l'éducation
permanente, qui bénéficie d'enseignants mis à disposition
par l'éducation nationale et d'une subvention permettant d'employer des
fonctionnaires détachés ou des salariés de droit
privé. Je vais d'abord présenter brièvement la Ligue de
l'enseignement, avant de vous indiquer à quoi correspondent les emplois
financés par l'éducation nationale.
La Ligue de l'enseignement est l'une des plus anciennes associations de ce
pays, puisqu'elle a été créée en 1866, sous le
Second empire. Ses fondateurs, à l'image de celui qui en a pris
l'initiative, Jean Macé, étaient des républicains
marqués par l'échec de la seconde République et le coup
d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Considérant que le
suffrage universel ne suffisait pas pour restaurer la démocratie de
façon durable, il était donc indispensable de former des
citoyens.
Ils vont y contribuer, à la fois en créant dans l'opinion
publique un mouvement pour que l'Etat instaure une instruction obligatoire
gratuite et laïque, et en organisant eux-mêmes des cours du soir ou
en créant des bibliothèques. Forte du soutien de l'opinion
publique, et comptant parmi ses membres de fortes personnalités telles
que Gambetta, Jules Ferry, Paul Bert ou Ferdinand Buisson, la
Ligue de l'enseignement a fortement contribué à la mise en place
du système éducatif républicain. Parallèlement
à la promotion de l'école publique, elle a organisé des
conférences, contribué à la promotion sociale,
constitué des amicales d'anciens élèves, multiplié
les oeuvres péri- et post-scolaires, des cantines scolaires aux colonies
de vacances. Elle a préparé des réformes, de
l'éducation civique à la formation professionnelle.
Dissoute par le gouvernement de Vichy, elle s'est reconstituée dans la
clandestinité avant de retrouver force et vigueur à la
Libération pour développer les oeuvres complémentaires de
l'enseignement public et, progressivement, élargir son action dans la
cité par des activités éducatives, sociales, culturelles,
sportives, ou de loisir. Elle regroupe aujourd'hui deux millions
d'adhérents (600 000 adultes et 1,4 million d'enfants ou
de jeunes), réunis dans 33 000 associations locales aux noms
très divers, et affiliées dans chaque département à
une fédération; le plus souvent appelée
fédération des oeuvres laïques, ces
fédérations étant coordonnées dans chaque
région par une union régionale.
Cet ensemble constitue une association nationale qui est à la fois un
partenaire important de l'éducation nationale développant
à l'école et à sa périphérie des actions
éducatives, culturelles et sportives. Il est à la fois un
partenaire important de l'éducation, une fédération
d'associations locales diverses qui, aussi bien dans les quartiers urbains
qu'en milieu rural, tissent des liens sociaux tendant à se distendre
dans notre société. Elle est, enfin, un mouvement de
réflexion sur la citoyenneté et sur la laïcité,
notamment au travers du réseau des cercles Condorcet.
Partenaire de toujours de l'éducation nationale, la Ligue
bénéficie à la fois depuis longtemps de sa reconnaissance
et de son soutien. Dès la fin du siècle dernier,
Raymond Poincaré, alors ministre de l'instruction publique,
décide de soutenir fortement les oeuvres laïques afin qu'elles
contribuent à la formation de la jeunesse républicaine. Dans
l'entre-deux guerres, quelques enseignants seront mis à sa disposition.
Le mouvement s'amplifiera de façon importante à la
Libération puisqu'en 1945, malgré la pénurie de
fonctionnaires, le ministre de l'éducation nationale du
Général De Gaulle, René Capitant, va
affecter 200 enseignants pour l'encadrement des fédérations
départementales de la Ligue de l'enseignement, afin que renaissent
à côté de l'école des associations prolongeant son
action. Ils seront plus de 500 en 1949, et dépasseront dans
les années qui suivent les 600. Pour l'essentiel, ces postes
étaient gérés par les inspecteurs d'académie qui
décidaient l'affectation d'enseignants aux fédérations
d'oeuvres laïques en fonction du dynamisme de la fédération
et des moyens dont disposaient ces inspecteurs d'académie.
Depuis 1984, la gestion de ces postes est faite directement par le
ministère de l'éducation nationale, qui a attribué par
convention, en 1986, 663 postes à la Ligue de l'enseignement pour
qu'elle les affecte dans les divers départements. En 1986,
René Monory, ministre de l'éducation nationale,
décide de remplacer les mises à disposition par une subvention
permettant d'employer, soit des fonctionnaires détachés, soit des
salariés de droit privé. En 1988 Lionel Jospin, nouveau
ministre de l'éducation nationale, décide de rétablir
partiellement les mises à disposition et de maintenir la subvention pour
les autres postes. Nous sommes toujours dans cette situation, même si la
réduction des moyens a entraîné la suppression de
35 postes.
A ce jour, la Ligue de l'enseignement dispose de 628 postes
financés par l'éducation nationale, qui se décomposent en
200 postes d'enseignants mis à disposition et donc pris en charge
directement par l'éducation nationale, et une subvention 98,
7 millions permettant donc le financement de 428 postes de
salariés de la Ligue, dont 151 fonctionnaires
détachés. Ces 628 postes sont répartis sur le
territoire de la façon suivante : 560 postes dans les
102 fédérations départementales, 23 dans les unions
ou antennes régionales, et 45 au niveau national. Ces personnels, quels
que soient leur statut, ont aussi bien aux niveaux national, régional ou
départemental, des responsabilités éducatives dans
l'organisation d'activités, qu'il serait trop long
d'énumérer ici, mais que l'on peut schématiquement
résumer ainsi.
D'abord, l'appui et le soutien aux associations locales pour l'organisation
d'activités périscolaires, d'accompagnement scolaire et
éducatif, d'aménagement des temps et espaces de vie des enfants
et des jeunes pour mieux prendre en compte leurs rythmes, leurs demandes et
leurs besoins.
D'autre part, l'organisation d'activités physiques et de rencontres
sportives dans le cadre de la délégation faite par le
ministère de l'éducation nationale à l'USSEP pour le sport
à l'école maternelle et élémentaire, l'USSEP
étant l'équivalent de l'UNSS pour le second degré.
Deux millions d'enfants sont concernés par l'USSEP. Cela
représente 5, 3 millions de journées sportives sur le
temps scolaire, et 800 000 hors du temps scolaire.
Pour les jeunes adultes par ailleurs, 10 800 associations
développent dans des quartiers ou en milieu rural une autre idée
du sport au sein d'une fédération multi-sports. D'autre part, ces
postes correspondent à l'organisation d'activités culturelles,
aussi bien dans les établissements scolaires que dans des associations
ou dans le cadre de réseaux de diffusion du spectacle vivant ou du
cinéma. Deux millions de spectateurs sur les réseaux du
cinéma en milieu rural en 1998, 1,4 million de jeunes
spectateurs et 900 000 adultes pour le spectacle vivant.
A cela s'ajoutent les activités autour de la lecture, par des rencontres
avec des écrivains ou des ateliers d'écriture, la diffusion
d'expositions, la fréquentation des oeuvres, etc.
Quatrièmement, l'organisation de classes de découverte, classes
de mer, de neige, permettant la découverte du patrimoine,
l'éducation scientifique ou les nouvelles technologies, la pratique
d'activités sportives, artistiques, l'organisation de voyages scolaires
éducatifs en France et en Europe, et l'organisation de centres de
loisirs ou de vacances. Au cours de l'année scolaire
écoulée, plus de 500 000 enfants sont partis avec la
Ligue en classe de découverte ou en voyage scolaire éducatif,
38 000 en séjours linguistiques, et 300 000 enfants ont
participé à des séjours en centres de vacances
organisés par la Ligue.
Cinquièmement, l'organisation de sessions de formation pour les
délégués-élèves des collèges et des
lycées, pour les responsables des activités culturelles et
sportives, les animateurs et directeurs de centres de vacances, et la
participation à la formation des enseignants ; la mise en place
d'opérations de solidarité internationale, notamment par des
jumelages avec des écoles, des associations africaines ou des
échanges européens. Et enfin, la participation aux campagnes
nationales, organisées par la Ligue de l'enseignement seule ou en
collaboration avec d'autres structures : semaine d'éducation contre
le racisme, la semaine de la presse à l'école, la quinzaine de
l'école publique, colloques, etc.
Ces activités sont le plus souvent en articulation avec les projets
d'écoles ou d'établissements, et s'inscrivent dans une
éducation à la citoyenneté à travers les pratiques
associatives, la prise de responsabilité et l'engagement civique. Elle
s'inscrivent aussi dans le prolongement du service public d'éducation,
comme cela est défini dans la loi d'orientation de juillet 1989, et
dans la nécessaire évolution du rôle de l'école
aujourd'hui. C'est à ce titre que la Ligue bénéficie d'une
aide importante du ministère.
La Ligue de l'enseignement a par ailleurs, dans le domaine du tourisme social,
de la formation professionnelle, de l'insertion sociale, des réflexions
diverses, de nombreuses activités à tous les niveaux. Aussi
l'aide du ministère de l'éducation nationale n'est-elle pas la
seule source de fonctionnement de la Ligue. Au delà de l'appui d'autres
ministères, plus de 500 000 personnes (dont la moitié
sont des enseignants), encadrent le fonctionnement de la Ligue.
42 000 personnes ont été salariées par la Ligue
et les fédérations en 1997, ces 42 000 personnes
représentant en équivalents temps-plein 9 000 emplois
auxquels il faudrait ajouter l'équivalent au niveau de l'ensemble des
associations locales adhérentes. La Ligue s'est par ailleurs fortement
impliquée dans le programme nouveaux services emplois-jeunes,
puisqu'à ce jour près de 700 emplois-jeunes ont
été créés au sein de la Ligue de l'enseignement.
En conclusion, au siècle dernier, la Ligue s'est mobilisée pour
la généralisation de l'instruction. C'était le combat de
l'école pour tous. Aujourd'hui, on se bat pour l'école de tous,
associant l'ensemble des acteurs de l'éducation pour contribuer à
l'égalité des chances sur tout le territoire, dans les zones
rurales menacées de désertification comme dans les quartiers en
difficulté, au sein des zones ou réseaux d'éducation
populaire, comme dans le cadre des contrats éducatifs locaux. C'est ce
rôle de l'école que nous mettrons en évidence du 24 au
28 novembre prochain au parc des expositions de la porte de Versailles,
dans le cadre d'un grand salon de l'éducation que le ministre de
l'éducation nationale a décidé de soutenir.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Revenons sur les
emplois, les ressources, puisque nous avons bien compris les objectifs... Au
niveau des emplois, il y a ces personnes affectées par
l'éducation nationale. Il y également d'autres employés,
42 000. Vous avez donné le calcul en équivalents temps
plein. S'agit-il d'enseignants ou de personnes de la société
civile qui ont un tout autre métier ?
J'aimerais comprendre la structure d'encadrement de toute l'organisation, aussi
bien au niveau central que local, pour voir, même si ce n'est pas
rémunéré, l'impact des personnels de l'éducation
nationale sur la structure de votre encadrement. In fine c'est ce qui
m'intéresse.
Au niveau des ressources, vous nous avez parlé de postes
financés. Vous avez indiqué des subventions. Quel est le budget
annuel de la Ligue pour encadrer deux millions de personnes, voire
plus ? Quelles sont les ressources budgétaires en grande
masse ?
M. Pierre Tournemire
- Sur les 42 000
salariés, certains l'ont été pour un ou trois mois.
Une bonne partie d'entre eux sont employés au sein des activités
vacances, qui sont une activité importante de la Ligue en volume
budgétaire. Activités vacances soit en direction d'enfants ou
d'adolescents, avec une forte dimension éducative, mais aussi dans le
cadre du tourisme social, puisque la Ligue gère plus de
300 équipements sur le territoire correspondant aux
nécessités de cours organisés dans des villages de
vacances.
Par ailleurs, nous gérons un certain nombre d'établissements dits
"à prix de journée" pour des publics handicapés, qui
nécessitent là aussi des personnels importants. La très
grande masse des salariés de la Ligue est constituée de
salariés de droit privé. La proportion est inverse au niveau de
l'encadrement. Les responsables des fédérations
départementales sont pour une bonne part issus de l'éducation
nationale, ne serait-ce que par tradition historique, mais aussi parce que la
nature même des activités, la connotation éducative que
nous voulons donner à ces activités nécessitent un
personnel qui, de près ou de loin, a des liens avec le milieu
enseignant.
La part des enseignants affectés par l'éducation nationale, mais
aussi la part des enseignants agissant bénévolement au sein de
l'organisation contribue, je crois, à l'encadrement de la structure,
même s'ils sont minoritaires en nombre de salariés. Le budget
global de l'association est difficile à indiquer, puisque chaque
fédération départementale a une entité juridique et
une indépendance financière. Quand on fait le total des budgets
de ces fédérations départementales au niveau national, on
arrive à 3 milliards de francs. Le chiffre est faux dans la mesure
où il n'y a pas de bilan consolidé. Il faudrait en extraire
toutes les activités économiques de fédération
à fédération, et l'on peut considérer que cette
activité, même si elle n'est pas négligeable dans le
domaine des vacances, ne représente pas un quart de l'ensemble.
On peut estimer le budget de la Ligue de l'enseignement à ces
différentes composantes départementales, mais sans tenir compte
des associations locales, puisque ce serait impossible. Il existe 33 000
associations, ce qui représente 2,5 milliards de budget. Quant aux
budgets des associations locales, ils sont difficiles à évaluer,
dans la mesure où ces budgets peuvent aller de l'association scolaire
qui a 5 000 francs, ou 15 000 francs de budget lié
à des activités essentiellement sportives ou éducatives
dans l'école, à des structures associatives dans la cité
qui peuvent gérer des équipements et qui, en relation avec les
collectivités locales, peuvent avoir des budgets dépassant le
million de francs. Il est difficile de faire le recensement des
33 000 associations.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Quelle est la part des
subventions ?
M. Pierre Tournemire -
La part des subventions est faible
en pourcentage, ce qui est normal dans la mesure où une partie non
négligeable de ces trois milliards est constituée par
l'activité vacances, ce qui signifie beaucoup d'entrées mais
aussi beaucoup de sorties. Si l'on voulait avoir une idée de la part de
ce budget là, il faudrait uniquement garder la plus-value qui peut
être dégagée sur ces activités, ce qui est
relativement faible.
L'essentiel des ressources provient des activités par la contribution de
l'adhésion, par des aides apportées ou par le financement
d'activités, et une partie non négligeable est accordée
par les collectivités locales. Beaucoup d'opérations, notamment
dans le cadre des actions en complément de l'école sont souvent
financées par les mairies ou les conseils généraux, qui
peuvent d'ailleurs aider aussi au fonctionnement de la fédération
départementale. Pour le niveau national, outre l'aide du
ministère de l'éducation nationale, nous avons une subvention
importante du ministère de la jeunesse et des sports, qui
s'élève environ à deux millions de francs, et de
façon moins importante, d'autres ministères, comme celui de
l'agriculture qui nous accorde 400 000 francs, et celui de la Culture,
800 000 francs, et ponctuellement, sur des opérations bien
précises, du ministère de la coopération ou des affaires
européennes, en liaison avec opérations de solidarité avec
les pays africains.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Quelle est la durée moyenne des détachements ? Un
enseignant peut il, dans des cas extrêmes, faire toute sa carrière
à la Ligue dans les différentes associations ?
Un seconde question relative à la fonction plus commerciale de votre
association, même si elle a une vocation
sociale : êtes-vous soumis à TVA ?
M. Pierre Tournemire -
La durée des
détachements est très variable. Parmi les personnels, certains
font une partie très importante de leur carrière au sein de la
Ligue de l'enseignement, dans la mesure où, après sept ou
huit ans, il devient très difficile de redevenir enseignant,
même si la dimension éducative reste forte. La nature des
missions, les relations que cela entraîne, la capacité
d'autonomie, rendent plus délicate la réinsertion.
L'enseignant qui souhaite justement ne pas se couper de son corps d'origine, ne
dépasse pas cette durée de sept ou huit ans. Ceux qui la
dépassent peuvent faire vingt ans. On n'arrive pas très tôt
détaché ou mis à disposition. En règle
générale, les gens qui arrivent détachés ont au
moins dix à quinze ans d'ancienneté dans l'enseignement, ce
qui est nécessaire si l'on veut qu'ils aient un lien avec le milieu
enseignant, et qu'ils le conservent .
Quant à la fiscalité, la question est en débat
actuellement. Une instruction fiscale a été mise en oeuvre le
15 septembre. L'instruction complémentaire est sortie
récemment. Cela a fait l'objet d'un grand débat au sein des
assises nationales de la vie associative. Pour l'essentiel de nos
activités aujourd'hui, nous n'étions pas fiscalisés. Par
contre, les activités de tourisme d'adultes, correspondant à ce
que pouvait faire une agence de voyages, étaient d'ores et
déjà assujetties aux impôts commerciaux.
Notre position sur le fond est de considérer qu'il était tout
à fait nécessaire -nous avions approuvé l'initiative qui
avait été déjà prise par le précédent
gouvernement- de clarifier la situation fiscale. Car sous le statut associatif
se cachent beaucoup de pavillons de complaisance qui dénaturent à
la fois la réalité associative, et masquent la nature commerciale
des activités. Une instruction fiscale pouvait être le moyen de
faire le ménage à ce niveau-là. Nous avons donc
approuvé l'instruction.
Nous considérons que, par définition, par ses origines, par ses
activités, par sa nature même, la Ligue de l'enseignement est
forcément une association à but non lucratif, donc à
gestion désintéressée qui ne peut pas globalement
être assujettie aux impôts commerciaux. Par contre, certaines de
ses activités, à partir du moment où elles sont dans le
champ concurrentiel et s'apparentent à des pratiques commerciales,
doivent être soumises à ces impôts. Nous sommes en train de
discuter avec le ministère des finances pour notre statut particulier.
Une partie des activités de tourisme social sera assujettie, même
si nous espérons avoir une TVA favorable, ce qui semble le cas au niveau
des instructions européennes.
Pour les activités d'enfants et d'adolescents, nous considérons
que la dimension éducative et sociale de l'activité est
première. C'est une activité qui, par conséquent, ne
s'apparente pas à l'activité marchande et ne doit pas relever de
ce champ.
M. le Président -
Vous avez parlé des
33 000 associations locales différentes. Y a-t-il, dans ces
associations également, des mises à dispositions ou des aides
financières du ministère ?
M. Pierre Tournemire
- A ma connaissance, non. Je ne dis
pas que cela n'existe pas ici ou là, mais cela ne peut être que
marginal.
Le ministère a souhaité, depuis 15 ans, gérer
nationalement les mises à disposition. Il peut y avoir aussi ici ou
là des aides accordées par l'inspecteur d'académie
à la fédération départementale de façon
exceptionnelle, en liaison avec des situations particulières du
département, mais cela est relativement mineur.
Ce sont des postes nationaux, attribués par le ministère, au sein
des 628 postes que j'ai évoqués.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Peut-il aussi y
avoir des postes attribués par les recteurs ?
M. Pierre Tournemire -
Non.
M. Pierre Martin -
Peut-il y avoir des postes
attribués par le ministère de la jeunesse et des sports ?
M. Pierre Tournemire -
Je n'ai pas le chiffre exact de
départements, mais il y a effectivement 300 postes FONJEP,
représentant une aide forfaitaire de 45 000 francs sur ces
postes. FONJEP signifie "fonds de jeunesse et d'éducation populaire". Ce
fonds a été constitué il y a très longtemps, dans
le début des années soixante, pour contribuer à l'emploi
dans le domaine de l'animation. L'idée au départ était que
le ministère de la jeunesse et des sports passait une convention,
essentiellement avec une collectivité locale, et chacun finançait
le poste à hauteur de 50 % chacun. C'était le cas dans les
années soixante. Les salaires ont augmenté, et l'aide du
ministère est restée pratiquement la même, ce qui fait
qu'aujourd'hui les 50 % se sont transformés en 15 % à
20 %.
M. le Président -
Ce sont donc 300 emplois qui n'ont
rien à voir avec ceux dont vous avez parlé tout à l'heure.
M. Pierre Tournemire -
Non. En général, les
emplois FONJEP sont des emplois d'animateurs ; ce sont des personnels qui
ont des fonctions techniques ou de responsabilité dans des structures de
type maisons des jeunes.
M. le Président -
Par rapport à l'ensemble des
personnes mises à disposition, pouvez-vous nous dire quelle est leur
origine ? Y-a-t-il un pourcentage important du premier degré, du
second degré ?
M. Pierre Tournemire -
Pour beaucoup, du premier
degré : 169 emplois sont des emplois du premier degré,
31 emplois du second degré, au sein des mises à disposition.
Au niveau des détachés, 140 sont du premier degré, six du
second degré, et cinq d'autres administrations. Ces derniers doivent
être essentiellement des agents des collectivités locales. Pour
l'essentiel, il s'agit du premier degré.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Etes-vous favorable aux emplois-jeunes ?
M. Pierre Tournemire -
Oui. Nous sommes même
fortement impliqués dans les emplois-jeunes puisque l'ensemble du
réseau Ligue de l'enseignement a créé 700 emplois au
31 décembre.
Nous avons été avec les FRANCA, les CBA, les pupilles et
Léo Lagrange, la première organisation à signer les
accords-cadres dès la sortie de la loi, avec les deux ministres de
l'éducation nationale, la ministre de la jeunesse et des sports et la
ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons signé par
ailleurs une convention-cadre avec la fédération nationale des
foyers ruraux et le ministère de l'agriculture pour développer
les emplois-jeunes en milieu rural.
Dans le cadre des accords-cadres comme dans celui des initiatives que les
fédérations départementales ont prises, il y a des emplois
directs créés au niveau des fédérations
départementales et des associations locales, et des emplois qui sont
créés avec les collectivités locales, essentiellement dans
l'environnement de l'école.
Nous travaillons avec le ministère de l'éducation nationale pour
rendre plus compatible, surtout dans une perspective de professionnalisation et
de pérennisation de ces postes, une articulation entre les
aides-éducateurs de l'éducation nationale et ces postes, pour ne
pas se trouver à terme sur le marché du travail avec des gens
présentant des statuts divers, en situation de concurrence.
Il nous paraît, et je pense que l'éducation nationale nous suit
sur ce plan, que si les éducateurs ont des fonctions indispensables dans
l'école, pour autant il faut trouver des articulations avec les
associations et les collectivités locales pour générer et
pérenniser sur la durée des emplois dans l'accompagnement, dans
l'interscolarité, ou dans le prolongement de l'école. Il y a
là un gisement d'emplois non négligeable pour les années
à venir.
M. le Président -
Ces emplois-jeunes sont financés
à 80 % par l'Etat. Par qui sont financés les 20 %
restants ?
M. Pierre Tournemire -
Ce n'est pas 20 %, car ces
emplois sont créés dans le cadre de la convention collective de
l'animation socio-culturelle. Ces gens ne sont pas payés au SMIC, mais
au tarif de la convention en fonction de l'emploi fait. Toutes les
possibilités existent. Soit le complément de salaire est
lié à l'activité produite, soit il y a des aides,
notamment des collectivités locales. Beaucoup de conseils
généraux, de municipalités, apportent des
compléments de financement pour la création d'emplois. Le solde
est à charge de l'association. Il est lié à
l'activité. A priori, nous n'avons pas cherché à faire du
chiffre, pas forcément sur les nouveaux métiers, mais en tout cas
sur les nouveaux services qui pouvaient à terme être partiellement
solvables. Il fallait que d'entrée l'activité puisse
générer une part de ressources contribuant au salaire.
M. le Président -
Par exemple ?
M. Pierre Tournemire -
Essentiellement dans les
activités périscolaires, dans les centres de vacances par
exemple. L'accord-cadre signé était soit pour l'accueil le matin
des élèves, soit pour des activités menées dans le
cadre des centres de loisirs après l'école, soit dans le cadre
d'activités des contrats éducatifs locaux. Ce sont surtout des
activités d'animateur et, en cela, ce ne sont pas vraiment de nouveaux
métiers, mais plutôt des services nouveaux dans des endroits
où, pour des raisons de solvabilité, l'emploi n'existait pas,
où grâce à l'aide de l'Etat l'association a pu trouver les
quatre sous restants, le maire a pu aider à la recherche de
financements, et ils ont décidé de créer un emploi dans
l'activité autour de l'école.
M. le Président -
Et votre point de vue sur les
" quatre sous " restants, au delà des cinq ans ?
M. Pierre Martin -
Il est évident que ces
emplois-jeunes sont créés pour une durée limitée.
Vous souhaitez une pérennité. Avec quels financements
l'envisagez-vous ? Et s'il n'y a pas pérennité, cotisez-vous
pour que ces gens soient indemnisés, car cela sera de votre
responsabilité ultérieurement ?
M. Pierre Tournemire -
Ce sont des emplois ordinaires.
Nous cotisons donc à tous les droits que peut avoir un travailleur, par
rapport à un éventuel chômage. S'il y avait licenciement,
ils auraient droit aux indemnités de licenciement afférentes.
Je ne suis pas devin, et je ne sais pas ce que sera la situation dans
cinq ans. Ce qui est sûr, c'est que ces emplois correspondaient
à une attente forte des jeunes aujourd'hui. Ils ont trouvé
là un moyen de se rendre utiles, avec une rémunération
convenable, et une durée devant eux permettant de pouvoir
s'établir.
Il est clair que cela peut-être une bombe à retardement. Si en
2002, brutalement, se retrouvent sur le marché du travail tous ces
gens-là, cela va provoquer une situation explosive. On peut penser que
si les services créés sont de qualité, ils devront
être maintenus. Le besoin étant créé, il faudra
trouver les financements pour que ces services perdurent. Les familles devront
sans doute y contribuer, les collectivités locales seront fortement
sollicitées, les caisses d'allocations familiales contribueront
très certainement.
Il faudrait arriver à ce qu'il y ait une montée en charge pour ne
pas devoir financer de façon brutale, d'un coup, 75 % ou 100 %
du salaire. Tout dépendra de la qualité des services rendus, et
de la satisfaction du besoin qui aura été suscité. Quand
on se sera habitué à voir ses enfants accueillis le matin
tôt à l'école, et tard le soir, que cela correspondra
à un service tout à fait réel, les personnes accepteront
progressivement de contribuer à ce financement. Des articulations
doivent être trouvées. Il faudra certainement imaginer des
croisements de financements entre l'Etat, qui peut-être ne se
désengagera pas brutalement. Il paraît que la situation de
l'emploi, d'un point de vue démographique, va s'améliorer
à partir de 2006, et on peut penser que d'ici là, des solutions
seront trouvées pour des besoins. Les emplois CES ont été
maintenus.
En tout cas, il y a une vraie question. On a cinq ans pour trouver des
réponses, d'où les problèmes de professionnalisation de
ces postes, qui nécessitent d'agir à la fois sur la formation et
sur la structuration du service, pour qu'ils dégagent une certaine
solvabilité à terme, mais que la personne puisse, par la
formation, trouver une réelle qualification professionnelle, soit dans
le poste, soit ailleurs. On peut aussi imaginer des dispositifs qui
permettraient à ces jeunes d'acquérir une première
expérience professionnelle, qu'ils pourraient valoriser ailleurs. Cette
situation s'est déjà produite dans le passé avec les CES,
les TUC, ou les emplois de jeunes-volontaires.
M. Pierre Martin-
Il est vrai que l'on ne créera
pas deux fois ces postes, ce qui veut dire qu'à terme, d'autres
générations de jeunes arriveront. On ne pourra peut-être
pas leur proposer la même chose. Le paradoxe viendra du fait que ces
emplois auront été créés par les associations, et
certainement que, pour les pérenniser, on se tournera vers les
collectivités. Or, les budgets des collectivités ne sont pas
extensibles, tels qu'on le souhaiterait. Le vrai problème, vous le
soulevez. Ce n'est pas parce qu'on le soulève, et qu'il y a espoir,
qu'il sera réglé.
M. Pierre Tournemire -
Fallait-il, parce qu'on
n'était pas certain de régler le problème dans cinq ans,
laisser des jeunes en déshérence aujourd'hui ? Je ne le
crois pas. Cela correspondait à une attente forte des jeunes. A nous,
les uns et les autres, de trouver les solutions pour dans cinq ans.
Les collectivités locales ne pourront se substituer purement et
simplement à l'Etat. Mais il y aura peut-être des financements
croisés à imaginer. Nous avons l'obligation de faire preuve
d'imagination d'ici là, car nous sommes confrontés à une
situation explosive.
Le pays ne peut pas se permettre d'avoir un tiers de sa jeunesse qui commence
sa vie par le chômage, sans aucune perspective de stabilité. Aller
de petits boulots en petits boulot ne donne pas les gages d'un engagement
civique, d'une vie citoyenne et épanouie. Il est impératif de
trouver des solutions. Les emplois-jeunes ne sont qu'un pis-aller, mais ils
permettent à un jeune d'avoir une situation pendant cinq ans, de pouvoir
faire des projets, de pouvoir commencer à s'investir socialement et de
ne pas tomber dans l'amertume, voire la délinquance.
M. Pierre Martin-
Sur la question de la cotisation
à l'UNEDIC : dans mon département, mais cela a dû se
produire ailleurs, le problème était la participation à
l'UNEDIC puisque les jeunes n'étaient pas couverts. Pour les
associations, cela posait le problème de cette participation, c'est
à dire des cotisations à verser. J'avais cru comprendre, en
recevant les associations, que beaucoup de ces associations ne souhaitaient pas
verser ces cotisations.
M. Pierre Tournemire -
Ce n'est pas notre cas.
M. Pierre Martin -
Toutes les fédérations
régionales participent-elles ?
M. Pierre Tournemire
- Il n'y a pas de façon
légale d'être hors-la-loi. Les associations sont soumises à
une convention collective élargie. Nous avons donc l'obligation, dans le
cadre du Code du travail, d'embaucher et de payer les cotisations
afférentes. C'est un emploi ordinaire. Cet emploi est aidé par
l'Etat, mais il est de droit commun. Ce n'est pas le cas de l'Etat. Les
aides-éducateurs, l'Etat étant son propre assureur, ne cotisent
pas à l'UNEDIC. S'ils sont au chômage, il appartiendra à
l'Etat de leur verser les allocations de chômage. L'estimation est de
l'ordre de huit milliards de francs. Les associations sont quant à
elles soumises aux cotisations. Je ne vois mal comment elles pourraient s'y
soustraire.
M. le Président -
Nous allons clore ce chapitre sur les
emplois-jeunes. Il m'avait semblé à l'époque, quand on
avait proposé cette orientation, qu'il s'agissait d'emplois temporaires
qui devraient déboucher sur des secteurs créant leurs propres
ressources. On voit bien, d'après ce que nous regardons sur le terrain,
comme d'après vos déclarations, qu'on est en train de transformer
cela en un besoin permanent pour lequel il faudra trouver les ressources. Et
que ces ressources, vous pensez pouvoir les trouver dans le principe de la
contractualisation, c'est-à-dire de la participation des
collectivités territoriales, et la pression sera terrible. Mais cela
dépasse le cadre de notre commission d'enquête.
Y a-t-il d'autres questions ? Non. Je vous remercie.