AUDITION DE M. GEORGES SEPTOURS,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DE
L'ÉDUCATION NATIONALE
(17 FÉVRIER 1999)
AUDITION
À HUIS CLOS
Audition de M. OLIVIER SCHRAMECK,
DIRECTEUR DU CABINET DU PREMIER
MINISTRE
(10 MARS 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Olivier Schrameck.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous n'avez pas
souhaité faire de déclaration liminaire, préférant
vous livrer d'entrée aux questions. Ces questions pourront porter sur
votre expérience actuelle et les responsabilités éminentes
que vous exercez actuellement, mais aussi sur celles que vous avez
exercées lorsque le Premier ministre actuel était ministre de
l'éducation nationale.
Je vous poserai une première question qui portera sur le
passé : M. Jospin, lorsqu'il était ministre de
l'éducation nationale, a obtenu une revalorisation importante des
salaires et rémunérations des enseignants. Je voudrais vous
demander quels étaient les objectifs initialement poursuivis par cette
revalorisation. Pensez-vous que ces objectifs ont été
atteints ? Plus clairement : ne pensez-vous pas que l'on a
manqué là une occasion de changer un certain nombre de
choses ?
En effet, je crois savoir qu'il y a eu quelque débat au sein même
du gouvernement de l'époque, certains ayant considéré que
les avantages supplémentaires donnés aux enseignants l'avaient
été sans contrepartie et qu'une chance a peut-être
été manquée.
Voilà la question que vous attendiez sans doute.
M. Olivier Schrameck -
Je n'en suis pas surpris, Monsieur
le Président. C'est une question très large qui appelle,
à mon sens, plusieurs éléments de réponse.
Il convient d'abord de se replacer dans le contexte des
années 1987/88. C'est d'ailleurs à dessein que je parle de
l'année 1987, cette revalorisation de la condition, ou de la
profession enseignante (les deux termes étaient employés à
l'époque) étant une promesse de M. René Monory
qui l'avait exprimée en termes extrêmement précis,
même si elle s'était heurtée à une certaine
incrédulité de la part des syndicats enseignants. Elle a
été portée, y compris dans la campagne électorale
de 1988, par ce qui devait devenir l'opposition. Il y avait donc
l'apparence d'un consensus politique sur cette question, puisque les forces
politiques qui devaient devenir la majorité parlementaire avaient fait,
à la suite du Président de la République sollicitant son
renouvellement, de la priorité à l'éducation nationale un
objectif d'ensemble.
Cette situation ne peut pas s'expliquer sans prendre en compte l'état
d'esprit de la profession enseignante à l'époque, état
d'esprit qui correspondait à une réalité détectable
à travers, par exemple, les résultats des concours
d'entrée dans la profession.
Il y avait une sensation ambiante de dévalorisation, de
méconnaissance de l'importance des fonctions par la
société, qui n'était pas seulement matérielle, mais
aussi psychologique, et qui s'expliquait par l'insuffisance perçue comme
telle des rémunérations, mais aussi par les conditions de travail
et par l'accent porté au moins dans une partie de la
société politique sur des valeurs dans lesquelles les enseignants
ne se reconnaissaient pas. Accent porté sur l'entreprise on parlait de
l'entreprise France à l'époque très fréquemment,
entre 1986 et 1988, et les valeurs du service public apparaissaient comme
étant relativement dévalorisées aux yeux d'un certain
nombre de syndicats enseignants. Voilà quelle était la situation
psychologique.
Je parlais des indicateurs objectifs. Par exemple, en ce qui concerne le CAPES
externe, près de 60 % des places étaient pourvues. Beaucoup
de candidats inscrits ne se présentaient pas et, parmi les candidats
inscrits, les jurys considéraient que la qualité des candidats ne
permettait pas de pourvoir une grande partie des postes, soit près de
40 %. Au surplus, il y avait au sein des écoles normales,
s'agissant du premier degré, un certain sentiment d'enfermement dans un
milieu trop peu ouvert sur le monde extérieur.
Tout cela forme un contexte psychologique dont les organisations syndicales se
sont évidemment prévalu pour réclamer d'abord une
amélioration des conditions matérielles de leurs mandants ;
amélioration qui, dans son principe, leur avait d'ores et
déjà été promise sous d'autres formes techniques. A
l'époque, par le biais des heures supplémentaires, M. Monory
ministre de l'éducation nationale, avait fait valoir qu'il assurerait
une augmentation des rémunérations.
Lorsque M. Jospin est arrivé rue de Grenelle, il a donc eu
face à lui des interlocuteurs extrêmement revendicatifs, qui lui
demandaient de tenir des promesses auxquelles, de différentes
façons, le monde politique s'était engagé dans son
ensemble.
Vous m'avez interrogé sur les objectifs, les modalités, et aussi
les éventuelles compensations de ces mesures indiciaires et
indemnitaires que l'on a parfois qualifiées de "plan Jospin".
Il y avait trois objectifs :
- Le premier était de rétablir une reconnaissance, au sein de la
nation, de la fonction enseignante, par les actes et par le discours, mais le
discours ne pouvait pas, pour les raisons que je viens d'évoquer, se
passer des actes, et notamment les mesures financières.
- Le second objectif avait trait à la formation. Le ministre de
l'éducation nationale de l'époque était persuadé
que les modalités de formation étaient devenues très
insuffisantes. Il n'a jamais voulu s'inscrire dans la distinction
traditionnelle entre savoir et pédagogie. Il considérait que les
deux étaient intimement liés. Pour autant, il lui semblait que la
reconnaissance même de la fonction enseignante supposait qu'il y
eût des lieux de formation reconnus comme tels, et bien adaptés
à ce que devait être le profil de la profession enseignante, ce
qui suppose de faire bénéficier de son savoir par des
méthodes pédagogiques adaptées.
D'où l'idée, inséparable de la revalorisation, de la
création des Instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM), qui avaient vocation à accueillir les futurs enseignants du
premier degré et du second degré, avec un certain nombres de
contacts, d'échanges et de formations communes, même s'il ne
s'agissait nullement de nier la spécificité des milieux scolaires
des premier et second degrés.
Il y avait aussi le souci d'assurer une meilleure formation universitaire
préalable avant la phase de préparation à la profession,
ce qui a notamment motivé les exigences universitaires posées
pour la formation des maîtres du premier degré. Au-delà de
ces exigences proprement dites, il y a eu le souci de reconnaître une
sorte "d'égale dignité" entre les fonctions du premier
degré et celles du second degré, qui ne devait se traduire ni par
une hiérarchie psychologique, ni par une hiérarchie indiciaire,
le gouvernement de l'époque étant persuadé que beaucoup se
jouait dès l'enfance en matière de discrimination scolaire, et
qu'il était essentiel que les meilleurs des enseignants motivés
puissent se diriger vers les carrières du premier degré.
Voilà un second objectif, important, qui relève de la fonction
enseignante en tant que telle.
- Le troisième objectif, au centre duquel s'est trouvée la
question de la création ou non d'un corps de professeurs des
collèges, a été de faciliter la gestion des enseignants,
et de les mobiliser au bénéfice des tâches qui
apparaissaient les plus urgentes et les plus difficiles. On aurait pu
procéder en matière de revalorisation, soit comme le
suggérait M. Monory par une augmentation des heures
supplémentaires, soit comme le réclamaient les organisations
syndicales par une augmentation aussi uniforme que possible des montants
indiciaires correspondant aux différents échelons et grades des
corps. Ce n'est pas, pour l'essentiel, la voie qui a été choisie.
On a choisi de procéder essentiellement à la création d'un
régime indemnitaire, car l'une des particularités de la fonction
enseignante parmi les diverses professions de la fonction publique était
d'être presque totalement dépourvue de régime indemnitaire,
puisqu'à l'époque il n'y avait qu'une indemnité, jamais
revalorisée, qui devait être de 23 francs, si mes souvenirs
sont exacts...
M. Xavier Darcos -
... et 33 centimes.
M. Olivier Schrameck -
Il nous a semblé que, si le
régime indemnitaire pouvait avoir une utilité, c'était
précisément d'introduire davantage de souplesse dans la politique
des rémunérations, et aussi d'inciter les enseignants à
affronter des conditions peut-être plus difficiles d'exercice de la
profession qu'ils ne l'auraient fait spontanément. D'où les types
d'indemnités qui ont été mis en oeuvre à
l'époque, et que je rappelle :
- les indemnités, dites de ZEP, étaient une innovation
complète et accompagnaient le mouvement de relance des zones
d'éducation prioritaires dès l'année 1988 ;
- le régime des indemnités de première affectation
facilitaient les débuts de carrière des enseignants, notamment
dans les disciplines déficitaires, ce qui devait encourager les futurs
enseignants à se présenter aux concours de ces disciplines
déficitaires ;
- les indemnités péri-éducatives, c'est-à-dire
celles qui devaient pousser les enseignants, au delà de leurs heures de
classe, à encadrer les activités collectives de leurs
élèves et dont on retrouve l'inspiration dans les programmes de
réforme actuelle.
Bien sûr, il y avait des mesures de nature indiciaire, sinon ce plan
n'aurait pas été de nature à être accepté.
Mais encore une fois, plutôt que de consentir à des augmentations
uniformes, nous avons procédé à un prolongement de
carrière, puisque l'une des grandes insatisfactions des enseignants
d'alors était que leur carrière se déroulait
entièrement sur une période de 25 années.
Nous avons donc voulu leur donner des perspectives qui puissent les motiver
au-delà, d'où la création de la "hors-classe" dont le
principe de départ avait été qu'elle ne serait pas
susceptible d'être pourvue automatiquement à l'ancienneté.
L'ouverture progressive de la hors-classe a fait qu'en réalité la
possibilité en a été donnée progressivement
à la quasi-totalité des enseignants.
Cette hors-classe s'accompagnait, pour le second degré, de la
perspective de la création d'un mécanisme de même nature
pour le premier degré, toujours selon le même parallélisme
des carrières.
A la question de savoir si j'estime que les résultats ont
été atteints, je ferai d'abord une observation
expérimentale. Ce thème de la revalorisation de la condition
enseignante, que l'on trouvait à la manchette de tous les journaux,
quotidiens ou hebdomadaires, a complètement disparu en deux à
trois ans.
Même les organisations syndicales, qui ont réclamé depuis
de nouveaux plans de revalorisation, n'ont jamais invoqué comme ils
l'avaient fait par le passé ce sentiment diffus et général
d'insatisfaction qui se cristallisait autour de ces formulations.
De manière tout aussi décelable, à travers les
résultats des concours, on a perçu une remontée
générale des candidatures qui ne s'explique pas, à mon
sens, uniquement par l'attrait pour des carrières prolongées et
améliorées. Elle s'explique aussi par l'appareil de formation mis
en place. Il y a eu une reconnaissance du rôle des IUFM comme
écoles professionnelles de formation. Bien sûr, il y a eu des
critiques dès l'origine mais, malgré tout, cette
expérience entièrement nouvelle a motivé un certain nombre
de générations et de promotions d'étudiants à
emprunter cette voie. On peut dire qu'il n'y a plus de crise de recrutement
dans l'éducation nationale aujourd'hui.
Cela a eu un certain coût, sachant que tout doit être
relativisé eu égard aux masses considérables que
représente l'éducation nationale. Je rappelle que le plan
originel était de 17 milliards de francs échelonné
sur dix ans (10 milliards sur les cinq premières
années, sept milliards sur les suivantes). On a calculé
a
posteriori
qu'en fait il aura coûté 19 milliards.
Par rapport aux masses des rémunérations, cela comportait une
augmentation de 1,6 % par an des rémunérations des
enseignants. Il faut donc relativiser globalement cet effort de mise à
niveau.
J'ai n'éluderai pas, Monsieur le président, la question
mentionnée explicitement à travers votre triple
interrogation : aurait-on pu, aurait-on du négocier une sorte de
compensation préalable à la revalorisation de la fonction
enseignante ?
Je vous dirai très nettement même si je sais que cela peut ne pas
correspondre au sentiment de certains participants que le ministre de
l'éducation nationale de l'époque ne l'a pas pensé.
D'abord, parce qu'il estimait que les organisations syndicales et les
enseignants n'étaient absolument pas prêts à ce type de
discours. Certes, une organisation syndicale importante, la
Fédération de l'Education Nationale, avait
développé au congrès de La Rochelle un discours sur
le "travailler autrement". La FEN était représentée au
sein du second degré par le SNES, et à l'époque la
scission n'était pas faite, même si elle était
déjà imaginée par certains le SNES avait des positions
radicalement inverses de celles de la FEN, et aucune velléité de
cette nature n'avait été exprimée par elle.
Par ailleurs, les contacts normaux qui avaient pu être menés dans
la concertation avec la FEN n'avaient pas conduit à dégager des
propositions de mesures préalables en termes d'alourdissement des
horaires, par exemple, que l'on aurait pu imaginer même si, bien
sûr, on les avait formulées différemment.
La démarche du ministre de l'éducation nationale a
été inverse : elle a été de reconnaître
qu'il y avait un vrai problème de reconnaissance et de
dévalorisation
a contrario
de la fonction enseignante, qu'il
fallait prendre appui sur un geste de confiance fait à l'égard
des enseignants pour promouvoir une pédagogie nouvelle. Telle a
été la philosophie de la loi d'orientation sur
l'éducation, votée définitivement par le Parlement
dès la session du printemps 1989, et qui est devenue la loi du
10 juillet 1989.
Cette loi d'orientation a rencontré dès l'origine, et bien
au-delà, un très large consensus, et pose les bases d'une
pédagogie nouvelle qui s'est développée depuis, notamment
en ce qui concerne l'accompagnement, l'encadrement des élèves, le
travail en équipe, et aussi la réforme de l'appareil de
formation. Je crois que le vote et l'application de cette loi d'orientation
auraient été inconcevables si le gouvernement n'avait pas
manifesté au préalable sa volonté de répondre
à une revendication reconnue comme légitime par l'ensemble de la
société politique.
M. Xavier Darcos -
Face à M. Schrameck, que
je considère plus comme un généraliste actuel que comme un
spécialiste de naguère, je voudrais faire une observation et
poser deux questions.
Première observation : le plan de revalorisation est
considéré aujourd'hui comme faisant partie des évidences,
et plus personne ne discute le fait qu'il était nécessaire de le
faire à un certain moment. En revanche, en ce qui concerne les
enseignants du premier degré, cela crée une difficulté qui
n'est pas réglée : lorsque des enseignants recrutés
aujourd'hui intègrent leur premier poste, ils ont très souvent
une rémunération supérieure à ceux qui enseignent
dans les mêmes conditions, dans les mêmes classes, pour la
même fonction, avec les mêmes horaires, depuis une trentaine
d'année, parce qu'ils sont instituteurs.
Concernant les questions plus générales qui nous
préoccupent, nous faisons deux observations. La première est que
l'on dépense en France environ un milliard par jour pour
l'éducation nationale.
Je ne polémique pas. Nous avons même accéléré
le plan d'intégration des professeurs des écoles. Un milliard par
jour, c'est beaucoup. Et pourtant, on a toujours le sentiment que le discours
revendicatif aussi bien des enseignants que parfois même des parents
d'élèves est qu'il manque quelque chose, et qu'il faut donner
plus. Est-ce votre sentiment ? Cela vous paraît-il juste ? Dans le cas
contraire, d'où vient cette optique continuelle du quantitatif que l'on
ne semble pas pouvoir dégager de l'esprit des gens ? Et ce n'est
pas seulement le SNES qui dit cela.
Ma seconde question porte sur les chefs d'établissements. Je crois, en
effet, que le recrutement aujourd'hui est abondant, mais ce n'est pas vrai pour
les chefs d'établissements. On n'a pas de bons candidats. Les concours
ne fournissent pas des gens de qualité. Les chefs d'établissement
ne sont pas très heureux de leurs fonctions. On a des gens très
variés, surtout parmi les chefs d'établissements en
collèges. Partagez-vous cette analyse ? Quelles solutions
imaginez-vous ? Ne faudrait-il pas faire quelque chose d'important sur la
fonction des chefs d'établissements, envisager une autre conception de
la fonction, une autre relation d'autorité avec les enseignants ?
Enfin, dernière question : nous observons également, depuis
que nous avançons dans notre enquête, alors que le rapport entre
le nombre d'enseignants et d'élèves n'est pas défavorable
(un sur douze), que la distribution des postes par rapport à la
population scolaire est très difficile à gérer, qu'il y a
des situations très contrastées, que beaucoup d'utilisateurs de
l'école ont le sentiment que les classes sont surchargées, que le
système des options et des disciplines très nombreuses complique
aussi la redistribution des postes ; il nous semble que tous les
observateurs et tous les spécialistes, de quelque bord qu'ils soient,
pensent que l'une des solutions à cette difficulté est la
bivalence des enseignants du collège.
Nous nous demandons s'il a été heureux d'entrer dans une voie
d'extinction des corps des PEGC, s'il a été heureux que,
finalement, le projet précédent au vôtre, qui consistait
à créer des professeurs brevetés, ait été
abandonné. Je voudrais connaître votre sentiment à ce sujet.
M. Olivier Schrameck -
Vous m'avez posé quatre
types de questions différentes. Pour ce qui concerne la situation des
enseignants du premier degré, nous avions perçu le
problème que vous soulignez, et qui existe. Mais en matière de
revalorisation du premier degré, nous avions le choix entre
deux perspectives : revaloriser les rémunérations des
instituteurs (ce qui n'aurait rien changé au fonctionnement du
système) ou créer un corps nouveau (que l'on a qualifié de
professeurs des écoles) fondé sur un système de formation
nouveau (celui des IUFM), qui bénéficierait de perspectives de
carrière plus attractives.
Je rappelle qu'en francs d'aujourd'hui, un instituteur pouvait espérer
terminer sa carrière à 11 300 francs, et un professeur
du second degré à 14 400 francs. Il y avait d'abord une
marge importante et ensuite, les perspectives des instituteurs étaient
singulièrement réduites. Donc nous avons choisi de créer
ce nouveau corps, ce qui permettait d'étaler la charge
financière.
Bien entendu, la situation transitoire est toujours difficile à
gérer. Je reconnais bien volontiers que plus le corps de professeur des
écoles s'accroît, plus l'effet de contraste s'amplifie lui aussi.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un protocole d'accord a
été signé avec les enseignants du premier degré,
qui comporte d'ailleurs un certain nombre de mesures de compensation, notamment
en matière de formation continue, extrait du temps de travail, pour
régler plus aisément les problèmes de présence des
enseignants, et qui prévoit que le mécanisme d'extinction du
corps des instituteurs prendra fin en 2007.
Si l'on avait appliqué mécaniquement les règles, cette
extinction aurait été retardée de près de
dix années supplémentaires. C'est un problème
à la fois objectif et psychologique qui, malheureusement, ne pouvait
être réglé autrement, sauf par une augmentation uniforme
à l'intérieur du corps existant des instituteurs.
Seconde question : le problème général du coût
de l'éducation nationale, auquel il est difficile de répondre en
quelque phrases.
La revendication quantitative dans notre pays n'est pas le seul fait des
enseignants ou de leurs syndicats. L'opinion publique est acquise à
l'idée qu'il faut faire davantage d'efforts en matière
d'éducation nationale, même s'il peut y avoir une approche un peu
schizophrénique entre le contribuable et le citoyen. Il suffit
d'ailleurs de voir les problèmes que vous connaissez bien, en tant que
représentants des territoires, et qui se posent avant chaque
rentrée scolaire, concernant les redéploiements
nécessaires.
Si l'on décidait effectivement de s'aligner sur l'évolution des
effectifs scolaires (et donc ne pas augmenter relativement la masse des moyens
lorsque les effectifs n'augmentent pas, voire de les diminuer lorsqu'ils
décroissent), on provoquerait des réactions politiques
extrêmement fortes.
Un chiffre étonnant concerne la situation du premier degré,
puisqu'il y a 300 000 élèves en moins dans
l'enseignement du premier degré, et qu'il n'y a pas eu de diminution des
effectifs ! Pour l'année prochaine, le Gouvernement a
décidé de faire des redéploiements à emplois
constants, et pourtant l'on connaît tous les problèmes que posent,
notamment dans la France rurale, les fermetures de classes ou, pires, les
fermetures d'écoles.
Une réaction naturelle des organisations syndicales est de demander
davantage ce n'est pas propre à l'éducation nationale mais il y a
aussi une propension de l'opinion à considérer que l'on ne doit
surtout pas faire d'économies sur le réseau éducatif
existant, ce qui suppose de dépenser plus dans la mesure où l'on
doit consacrer de nouveaux efforts, de nouveaux investissements (en
équipements, en locaux ou en postes) pour faire face à
l'augmentation des besoins sur certaines zones du territoire.
La situation des chefs d'établissements me paraît un point
essentiel. D'ailleurs, beaucoup de parents d'élèves manifestent,
par expérience, qu'un établissement vaut d'abord par la
qualité de son chef d'établissement. Qui ne connaît
d'établissements de valeur qui ont beaucoup décru en
qualité à l'occasion du changement d'un chef
d'établissement et bien entendu, inversement, qui se sont
redressés grâce aux qualités d'un nouveau chef
d'établissement ?
C'est un problème très difficile, qui ne peut se traiter
uniquement par des problèmes de revalorisation. Il y a eu, si je ne
m'abuse, quatre revalorisations successives des chefs d'établissements.
Ceux-ci ont connu les revalorisations relativement les plus
élevées depuis 1988.
Je crois sans esprit partisan que l'erreur première a été
commise en 1987, avec la mise en place par M. Monory du concours de chef
d'établissement. Nous avons beaucoup hésité d'ailleurs en
1988 pour le remettre en cause, parce qu'il nous semblait que les
critères de recrutement n'était pas adaptés à la
fonction de chef d'établissement.
Il faut bien dire que le système antérieur n'était pas
satisfaisant non plus. On comprend pourquoi M. Monory a souhaité le
changer. C'était un recrutement au choix qui n'offrait pas toutes les
garanties d'objectivité nécessaires. Mais je ne pense pas que le
système actuel que l'on a essayé de redresser en
professionnalisant les concours, de les simplifier (les premiers concours tels
qu'ils avaient été conçus étaient d'une très
grande complexité) réponde vraiment à un changement total
de fonction. Entre la fonction d'enseignant et celle de chef
d'établissement, il y a un changement radical de nature.
Un autre phénomène me paraît très insatisfaisant,
c'est une certaine crise de confiance entre les enseignants et les chefs
d'établissements. L'un des éléments qui m'ont le plus
frappé, lorsque j'ai fait connaissance avec les milieux scolaires, est
cette méfiance viscérale des enseignants à l'égard
des chefs d'établissements. Ils craignent toujours que ces derniers
viennent empiéter sur leurs compétences pédagogiques, sur
leurs compétences disciplinaires, alors qu'ils ne les reconnaissent pas
d'un point de vue disciplinaire et pédagogique.
Faut-il réfléchir à une double compétence
d'animateur pédagogique et de gestionnaire d'établissement ?
Je n'ai pas la réponse, n'y ayant pas suffisamment
réfléchi durant ces dernières années, mais je pense
que l'un des problèmes névralgiques de l'éducation
nationale réside bien dans l'exercice de cette profession.
Quatrième question : le problème de la distribution des
postes. J'y ai en partie répondu par avance, mais il comporte d'autres
aspects que celui de la redistribution territoriale. Il y a effectivement un
problème de gestion des carrières.
Nous espérons que la déconcentration, souhaitée par
plusieurs ministres de l'éducation nationale quelle que soit leurs
appartenances politiques, portera ses fruits. Je ne dis pas qu'elle les portera
immédiatement ; il y aura certainement, durant la première
année de son application, un certain nombre de difficultés, comme
toujours quand on substitue un nouveau système à un ancien. Elle
devrait néanmoins permettre, d'abord aux enseignants de faire des choix
mieux raisonnés en matière d'affectation, de diminuer les
frustrations nées de l'impossibilité de mutations
souhaitées depuis des années (voire des dizaines
d'années), et aussi de faciliter le contact entre l'autorité
gestionnaire et l'enseignant lui-même, qui a trop souvent l'impression
d'être traité comme un numéro et un chiffre de
barème.
Le problème des options est une des grandes difficultés de
gestion du système. Dès que l'on souhaite rationaliser et
simplifier les options, ce que beaucoup de ministres de l'éducation
nationale se sont essayé à faire, ils se sont à leur corps
défendant prêtés à des procès d'intention sur
la baisse des niveaux d'exigences. On l'a vu encore tout récemment. Un
certain nombre d'établissements vivent sur un système d'options
trop favorable au regard des contraintes générales du
système, qui crée des inégalités injustifiables
entre les établissements.
Certes, il faut maintenir des options spécialisées ; certes
les lycéens qui souhaitent cultiver les langues anciennes ou rares
doivent pouvoir le faire. Mais alors, sans doute faut-il qu'ils supportent un
regroupement des options et acceptent d'aller dans un établissement un
peu plus éloigné de leur domicile pour suivre ces options. Il
faut tenir un langage très clair à cet égard.
Concernant la bivalence des professeurs des collèges, le problème
s'est posé en 1988. Là encore, le ministre de
l'éducation nationale a beaucoup hésité sur cette question
qui pouvait ouvrir une perspective intéressante. Il ne l'a pas fait car,
à l'époque, créer d'emblée un corps de professeurs
de collèges à l'intérieur de l'enseignement du second
degré aurait entraîné à son avis une plus grande
complexité dans la gestion, notamment dans les mécanismes de
mobilité, qu'elle n'aurait généré d'avantages.
Il ne l'a pas fait aussi en raison d'un refus frontal des organisations
syndicales que j'ai mentionnées tout à l'heure, et il y aurait eu
immédiatement un procès d'intention sur la dévalorisation
relative des savoirs des enseignants.
Je ne pense pas que cette idée doive pour autant être
laissée de côté sur le long terme. Encourager à
condition de ne pas l'imposer les bivalences peut présenter un double
intérêt : un intérêt de gestion, notamment dans
l'optique des remplacements, ou des gestions de quart-temps ou de demi-temps
dans les plus petits collèges, et aussi un intérêt
pédagogique. Car pour les élèves, il peut être
intéressant d'avoir le même enseignant dans des disciplines
pouvant être considérées comme connexes du point de vue de
leur apprentissage. L'erreur serait de donner une portée statutaire
à ce qui doit d'abord être un changement pédagogique.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Une question sur les
objectifs, une autre sur les moyens. L'éducation nationale est l'objet,
au gré des ministres, de nombreuses réformes.
On nous a dit ici que quand on change une heure de cours, cela signifie
5 000 professeurs en plus, qui mettent trois ans à
être formés et cinq ans à être
opérationnels, et qu'on les garde pour trente ans. Ne pensez-vous
pas, avec votre grande expérience à la fois de
généraliste et de spécialiste, comme le disait notre
collègue Xavier Darcos, qu'on pourrait faire une pause dans ce
domaine, se mettre tous autour d'une table et voir exactement où l'on
veut aller, d'une façon raisonnable, en intégrant bien sûr
les forts besoins de la population quoiqu'il y ait, à mon avis, parmi
les options, des options sélectives et des options démagogiques,
et qu'il faudrait peut-être, un jour, avoir le courage de revenir
là dessus ? Voilà en ce qui concerne les objectifs.
Au niveau des moyens : je rencontre, dans ma commune, un problème
à l'école maternelle qui compte un peu plus de
60 élèves. La semaine dernière j'ai rencontré
l'inspecteur, qui m'a dit qu'un emploi-jeune allait être mis en place
pour arranger les choses. J'en suis enchanté, encore plus dans la mesure
où c'est l'Etat qui le prend en charge, et non la commune. Mais dans
deux ou trois ans, je n'aurai plus besoin de cet emploi-jeune, car la
démographie diminue. Qu'allez-vous faire de tous ces emplois-jeunes mis
en place ? C'est très bien pour le moment, mais quels sont vos
objectifs à long terme pour ces emplois-jeunes ?
M. Olivier Schrameck -
Sur le premier point, je voudrais
souligner l'extraordinaire difficulté que rencontrent les ministres et
les gouvernements successifs pour traiter cette question des contenus
d'enseignement et de leur traduction en moyens.
Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale, avait
essayé d'aborder la question en créant le conseil national des
programmes, en faisant en sorte que des autorités scientifiquement
reconnues acceptent d'envisager des simplifications des cursus d'enseignement
puisque le ministre actuel de l'éducation nationale insiste sur ce point
l'on procède le plus souvent par stratifications successives. On ne
remet pas en cause les contenus anciens, et on en ajoute de nouveaux. Pourtant,
on ne peut pas dire que la réussite soit totale.
Quand j'étais lycéen, j'ai commencé à
étudier la physique en seconde. J'ai fait des études de physique
qui m'ont conduit en mathématiques élémentaires et qui
m'ont permis, je crois, d'acquérir le bagage que l'on peut demander
à chaque lycéen. Savoir comment je m'en suis servi depuis est une
autre histoire. Dans le système d'enseignement tel qu'il existait
en 1988, on avait commencé l'enseignement de la physique dès
la classe de sixième, et cela s'était ajouté aux autres
enseignements que l'on n'avait pas voulu réduire.
Lorsque, sur la proposition du Conseil national des programmes, il a
été proposé de ne commencer la physique qu'en
quatrième, c'est-à-dire de faire deux années de plus que
ce que ma génération avait connu, il y a eu une levée de
bouclier de tous les enseignants, de toutes les organisations syndicales, de
toutes les sommités scientifiques, sauf celles qui l'avaient
proposé et qui ne parlaient pas trop fort à l'époque, sur
le thème "vous dévalorisez l'enseignement scientifique de nos
lycées". On pourrait multiplier les exemples de ce type.
On nous a aussi accusés, à l'époque, de ne faire cela que
par souci gestionnaire, parce que nous n'avions pas suffisamment d'enseignants
en physique et que, par conséquent, nous voulions reporter des
compétences rares des premières classes de l'enseignement du
premier degré aux classes les plus avancées.
On ne peut recevoir que favorablement votre appel aux bonnes volontés,
mais l'exercice est singulièrement plus difficile qu'il n'y paraît
de prime abord.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, vous n'attendez sûrement pas de
moi des déclarations définitives sur leur avenir. Il est un peu
tôt pour se poser cette question. Ils ont été conçus
sur une période de cinq années mais, en matière
d'enseignement du premier degré, ils ont été
intégrés dans une approche générale et nouvelle de
l'enseignement du premier degré à laquelle
Claude Allègre et Ségolène Royal se sont
attachés. Il faudra faire un bilan de cette école du XXIe
siècle au bout de deux ou trois ans, faire le bilan de ce qui a
été réalisé.
Puisque nous parlons d'aspects pédagogiques, je rappelle que cette
pédagogie de l'évaluation et du bilan a été
engagée par M. Monory qui a créé la direction de
l'évaluation et de la prospective au ministère de
l'éducation nationale. Elle a été beaucoup
développée à la fin des années 1980 et au
début des années 1990.
En ce qui concerne l'école primaire, c'est à ce moment là
qu'ont été mises en place les évaluations à
l'entrée en CM2 et à l'entrée en sixième. Ce qui a
été le moyen, pour la première fois, d'apprécier
véritablement les acquis et les méthodes de l'enseignement du
premier degré. Il faudra faire un bilan d'ici deux ou trois ans.
Ces aides éducateurs peuvent-ils harmonieusement s'intégrer dans
le système pédagogique, ou l'expérience sera-t-elle moins
concluante ? Il faudra alors en tirer les conclusions, tant en ce qui
concerne les emplois qu'en ce qui concerne leur prise en charge.
Mme Hélène Luc
- Trois observations :
la première, sur les chefs d'établissements et les maîtres
directeurs. Je me rappelle très bien de cette réforme. Cela nous
a valu, au Sénat, d'être envahis par les instituteurs.
Les difficultés, la crise entre les chefs d'établissements et les
enseignants, sont en quelque sorte traditionnelles. Les professeurs ont peur
que le chef d'établissement empiète sur leur domaine
pédagogique. Cela peut se comprendre. Je pense qu'il y a à cela
des raisons plus profondes, et qui s'accentuent, à savoir les conditions
plus difficiles dans lesquelles la profession d'enseignant s'exerce.
Quand nombre d'élèves échouent, quand il y a de la
violence, tous les problèmes que l'on connaît, cela ne peut
qu'augmenter ces difficultés. D'autre part, les chefs
d'établissements travaillent aussi dans des conditions difficiles :
ils font absolument tout, parfois même la dactylographie. En tant membre
de trois conseils d'administration de collèges, je peux vous dire que
les principaux sont des militants. Par moment, je dis à mes trois
principales :
"Vous êtes comme moi, vous ne comptez pas vos
heures"
. Elles travaillent énormément. Leurs conditions,
leurs salaires, ne sont pas à la hauteur. Ils n'ont pas toute la
considération qu'ils devraient avoir. Je pense donc qu'il y a quelque
chose à faire.
Deuxièmement, à propos des IUFM : vous travailliez avec
M. Jospin à l'époque. J'ai voté la création
des IUFM, et je pense que cela a été une très bonne chose.
Pensez-vous que les IUFM progressent au rythme où il le faudrait, et
innovent suffisamment ? Je pose la question car je pense que ce n'est pas
le cas. Il y a un gros effort à faire pour avoir l'enseignement qu'on
voudrait que les enseignants donnent aux élèves, et qu'ils
réagissent mieux en fonction des connaissances fondamentales comme le
dit bien M. Allègre, mais aussi en fonction de ce que sont les
élèves et de l'environnement.
Une question piège : que pensez-vous de la mesure prise sur le
non-paiement des heures supplémentaires, du moins de leur
diminution ?
Dernière question, à propos des emplois-jeunes : j'ai
voté pour. J'ai vu des jeunes sauvés par les emplois-jeunes, qui
viennent nous remercier dans les conseils d'administration, et qui nous
disent :
"Enfin, je vis, j'ai l'espoir, et je vais faire quelque
chose".
C'est pour moi quelque chose de formidable. Mais, il y a un
"mais" : dernièrement, la principale d'un collège nous
proposait d'en employer trois. On n'a voté finalement que pour un. On
leur propose en fait de remplacer des surveillants, qui ont commencé
à dire pourquoi ils étaient contre. Les enseignants ont
voté contre parce qu'un problème se pose.
Ne faut-il pas créer, pour ces emplois-jeunes, les conditions pour
qu'ils puissent passer des concours, pour les stimuler, les encourager ?
Certains veulent devenir enseignants. Je pense qu'on manque d'enseignants
motivés au départ. C'est pourquoi je suis toujours
attachée à l'aide financière qu'on pourrait donner
à certains étudiants qui n'ont pas les moyens nécessaires,
mais qui ont envie d'être enseignants.
M. Olivier Schrameck -
Je vais essayer d'apporter
quelques éléments de réponse à ces questions
très concrètes. Vous avez rappelé la situation des
responsables d'établissements, et je prends un terme
générique puisque vous avez fait allusion à la fois aux
maîtres-directeurs (réforme que le gouvernement avait
abandonnée en 1988) et au nouveau profil de carrière des chefs
d'établissements. Ces derniers éprouvent un sentiment
d'interrogation et d'incertitude qui s'exprime d'ailleurs par la voie
syndicale.
Comme je m'intéresse à ces questions, je lis les prises de
position de M. Romero. Je suis frappé par le fait que,
manifestement, le climat psychologique que j'ai connu il y a dix ans ne
s'est pas vraiment amélioré. Cela vient certainement, au
delà des problèmes de revalorisation que j'ai déjà
évoqués, de la plus grande difficulté du métier, et
aussi des plus grandes exigences adressées à l'école et au
système scolaire en général. Ces exigences se
personnalisent, se cristallisent autour de la personne du chef
d'établissement. Il a donc l'impression d'avoir sur les épaules
des charges considérables, matérielles, psychologiques,
affectives même, auxquelles il n'est pas en mesure de répondre.
Je perçois comme vous le problème, même si je n'ai pas de
solution miracle pour le résoudre.
La profession d'enseignant devient de plus en plus difficile. La fonction
d'enseignant du second degré que ma génération a connue
n'a plus grand chose à voir avec celle qui se présente
aujourd'hui, depuis que le lycée accueille de nombreuses
catégories sociales qui n'y avaient pas accès auparavant. C'est
en quelque sorte une grande révolution démocratique.
Le lycée s'est généralisé dans son implantation
géographique, et le contenu même de la fonction enseignante a
changé. Ce qui était encore concevable dans les lycées de
centre-ville d'autrefois, avec des professeurs qui pouvaient se limiter
à leurs heures de cours et faire confiance à l'environnement de
l'élève pour l'accompagner en dehors ne l'est plus aujourd'hui,
ou est en tout cas socialement très discriminateur.
A propos des IUFM, les données dont je dispose ne me permettent pas de
répondre avec précision à votre question. Cela dit, je
pense que l'acquis est considérable, que les IUFM sont devenus la maison
de formation des enseignants, et qu'ils sont devenus indispensables. Le
système des écoles normales avait vieilli, s'était un peu
sclérosé, refermé sur lui même, et les
méthodes de formation dans les centres pédagogiques
régionaux des enseignants du second degré étaient
inadaptées. Nous avons maintenant un instrument qu'il faut parfaire,
améliorer, mais dont les fondations me semblent posées.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, l'insertion de ces jeunes dans le milieu
éducatif est peut-être plus délicate et plus difficile que
dans d'autres milieux. Ce problème a été
évoqué lors du dernier conseil de sécurité
intérieure.
Le gouvernement a décidé de créer
10 000 emplois-jeunes supplémentaires dans l'éducation
nationale. Plutôt que de reproduire des modèles déjà
expérimentés, nous avons ouvert une réflexion sur un
profil nouveau d'aide-éducateur qui ne soit pas la reproduction du
surveillant d'externat, ou du maître d'internat que nous connaissons
bien, mais qui puisse assurer à ces jeunes une véritable
formation, les ouvrir aux concours, non seulement d'enseignants mais aussi des
personnels ATOS de l'éducation nationale, et fondé sur un
système de recrutement plus large, l'une des limites de notre
expérience actuelle étant l'insuffisante proportion des jeunes
issus des quartiers.
L'exigence de bac+2, que l'on peut comprendre pour des raisons d'insertion dans
les établissements, a été un obstacle à la
diversité du recrutement. La réflexion est ouverte. Nous l'avons
évoquée récemment en réunion de directeurs de
cabinet avec les responsables de l'éducation nationale.
Quant à la question des heures supplémentaires, elle se pose dans
le cadre plus général des moyens. Nous avons dû faire un
effort considérable dans l'éducation nationale, notamment pour le
recrutement des emplois-jeunes qui sont pris en charge à 100 % par
l'Etat (80 % sur le budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité, et 20 % sur celui de l'éducation nationale). Il
a été estimé alors que l'on pouvait réorganiser le
système des heures supplémentaires .
Je n'entrerai pas dans les controverses sur les modes de calcul des heures
supplémentaires, la prise en compte ou non des semaines correspondant
aux congés. On doit constater que, même si le système avait
vieilli, même s'il était mal adapté (on peut le
concéder), l'effet psychologique et matériel pour les enseignants
a été très négatif. Lorsqu'un agent de
l'éducation nationale, qu'il soit fonctionnaire ou salarié,
s'aperçoit que sa rémunération nette a été
objectivement diminuée alors que ses charges ne l'ont pas
été, il a une réaction négative.
Cette question aura vocation à être reprise en concertation avec
l'ensemble des partenaires syndicaux, et aussi au regard des contraintes
générales du budget de l'éducation nationale. Je rappelle
tout de même que l'ensemble des heures supplémentaires en cause
représente 700 millions de francs. On ne peut procéder
à de simples abondements au regard du budget de l'éducation
nationale voté chaque année par le Parlement.
M. le Président -
Y a-t-il d'autres questions ?
Mme Hélène Luc
- On pourrait discuter
très longtemps.
M. le Président -
Bien entendu, quand nous publierons notre
rapport, nous le ferons parvenir au Premier ministre et à
vous-même.